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Commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Jeudi 18 septembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Thierry Benoit, Président,

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, M. Gérard Vincent, délégué général, Mme Marie Houssel, adjointe au responsable du pôle ressources humaines, et Mme Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale

Présences en réunion

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR L’IMPACT SOCIÉTAL, SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
DE LA RÉDUCTION PROGRESSIVE
DU TEMPS DE TRAVAIL

La séance est ouverte à neuf heures trente.

——fpfp——

La commission d’enquête procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, M. Gérard Vincent, délégué général, Mme Marie Houssel, adjointe au responsable du pôle ressources humaines, et Mme Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale

M. le président Thierry Benoit. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir le président, le délégué général, l’adjointe au responsable des ressources humaines et la conseillère paramédicale de la Fédération hospitalière de France. Je vous remercie, mesdames et messieurs, d’avoir répondu à la convocation de notre commission d’enquête. Cette audition arrive à point nommé au vu de l’actualité.

Nous avons auditionné M. Frank Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), du ministère des affaires sociales et de la santé, au cours de la réunion du 16 juillet. Son témoignage a donné le sentiment que les 35 heures étaient un peu de l’histoire ancienne pour les hôpitaux, mais qu’il fallait continuer à réfléchir aux questions d’organisation et de conditions de travail, et trouver un équilibre entre les fonctions de management et l’organisation des soins.

Vous nous donnerez votre point de vue. Nous espérons aussi que vous pourrez nous décrire les conditions de la réduction du temps de travail dans le secteur médico-social public, pour lequel les études statistiques manquent, comme dans le secteur des soins privés.

Je dois vous informer au préalable de vos droits et de vos obligations puisque votre témoignage relève de procédures définies par la loi. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que la Commission pourra décider de citer dans son rapport tout ou partie du compte rendu qui en sera fait. Ce compte rendu vous sera préalablement communiqué. Les observations que vous pourriez faire seront soumises à la Commission.

Par ailleurs, en vertu du même article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes auditionnées sont tenues de déposer sous serment, sans toutefois enfreindre le secret professionnel. Elles doivent prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite, chacun à votre tour, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(MM. Frédéric Valletoux et Gérard Vincent, Mmes Marie Houssel et Cécile Kanitzer prêtent serment.)

M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France. Merci de nous recevoir. Afin d’illustrer l’application de la réduction du temps de travail dans les établissements publics de santé, nous avons mené une enquête qui nous a permis de dresser un état des lieux de la situation des établissements, sachant qu’il existe peu de statistiques sur le sujet.

Il ressort de cette enquête une très grande diversité dans l’application du décret de 2002, y compris pour des établissements de taille comparable et aux caractéristiques similaires. Cette hétérogénéité est le produit d’une méthode de concertation initiale biaisée par les perspectives d’attribution de moyens, contrainte par les délais, et par un climat social dégradé.

Dans la plupart des établissements, la mise en place des 35 heures a été l’occasion d’une large concertation avec, comme objectifs principaux, l’obtention de moyens et le maintien de la paix sociale. Peu d’établissements ont alors pris en compte les effets induits par la diminution du nombre de jours travaillés sur leurs organisations. En outre, un certain nombre de considérations locales ont parfois présidé à la définition des contours de la RTT.

Je vais donc vous présenter les impacts de la RTT, avant d’évoquer des pistes de propositions.

La mise en place des 35 heures a souvent été présentée comme la perspective d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Or à l’hôpital on en est loin. C’est le premier constat.

En effet, la mise en place des 35 heures a été comprise par beaucoup de professionnels comme la création d’un « droit » à jours de congés supplémentaires, dans la perspective de ce meilleur équilibre vie privée vie professionnelle. Pour un soignant, travailler moins de jours dans l’année apparaît comme une manière de réduire la pénibilité du travail. Toutefois, la réduction du temps de travail a mis les organisations sous tension. Le nombre de jours travaillés ayant diminué et l’ensemble des postes n’étant pas pourvu, les agents peuvent être rappelés pendant leurs congés, changent de planning régulièrement, réalisent des heures supplémentaires non régulées par des adaptations des organisations de soins. In fine, la mise en place de la RTT ne s’est pas traduite par une baisse significative de la pénibilité, et encore moins de l’absentéisme. Le meilleur indicateur de cette désorganisation induite par la RTT est le nombre de jours stockés sur les comptes épargne-temps (CET) – 5,9 millions de jours comptabilités à la fin de l’année 2010. Le « droit » compris comme acquis n’est donc que virtuel.

Deuxième constat : la recherche de la paix sociale a abouti à la signature rapide de protocoles visant le maintien des organisations et la recherche de moyens supplémentaires.

Maintien des organisations, car les 8 heures, ou 7 h 48, sont devenues 7 h 45, 7 h 36 ou 7 h 30. On continue ainsi à avoir des soignants du matin, de l’après-midi et de la nuit. Les admissions se font l’après-midi. Les sorties, les soins techniques et les explorations continuent à être programmés le matin. Les transmissions réunissent toujours pendant en moyenne trente minutes un nombre important de soignants. Ce maintien des organisations au moyen de durées journalières de travail proche de huit heures a créé des perturbations, au détriment des patients et des agents eux-mêmes dont la régularité des plannings n’est plus garantie.

La recherche d’attribution de moyens supplémentaires a été pensée dans un système de financement encore sous dotation globale, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec la tarification à l’activité (T2A). Je veux rappeler ici que, selon le rapport Acker de 2005, 32 000 emplois non médicaux sur 37 000 initialement prévus auraient ainsi été créés dans le secteur sanitaire. Par ailleurs, si le recrutement de 5 000 personnels médicaux était prévu, la totalité de ces postes n’a pas été pourvue faute de crédits, mais également de candidats.

Ainsi, les protocoles issus de cette époque ont généré depuis douze ans des effets délétères sur la situation des établissements. Je veux insister sur deux points.

D’abord, la pénurie du temps médical. Il faut rappeler que 24 % des postes de praticiens hospitaliers temps plein sont aujourd’hui vacants. Pour certains établissements et dans certaines spécialités, comme la radiologie et l’anesthésie, cette situation est devenue extrêmement problématique, avec comme conséquence un risque de détérioration de la qualité du travail. Par ailleurs, la transposition de la directive européenne sur le temps de travail de 2003 a eu pour conséquence de comptabiliser les gardes comme du temps de travail effectif, et de confirmer l’obligation d’une période minimale de repos de onze heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Cette modification majeure dans le décompte du temps de travail des médecins à l’hôpital, associée à la réduction du temps de travail, a donc renforcé la pénurie du temps médical dans les établissements publics.

Ensuite, la mise en place de la T2A et la diminution des durées de séjour sont venues perturber la mise en place des 35 heures. Il faut rappeler que la durée moyenne de séjour en médecine et en chirurgie obstétrique a été divisée par deux entre 1980 et 2011, et plus encore pour les soins en psychiatrie et les durées de séjour en soins de suite et de réadaptation. La rotation des patients dans les services de soins s’est donc accélérée avec la diminution de la durée moyenne de séjour ; or les entrées et sorties des patients génèrent d’importantes charges de travail, tant pour les infirmières et les aides soignantes, que pour les médecins. Cette accélération a mis les organisations sous tension, au moment où la durée du travail était elle-même réduite.

Au titre des impacts majeurs de la RTT, il faut également souligner une augmentation sans précédent de la masse salariale ces dernières années – + 30 % entre 2002 et 2012 –, ce qui a majoré fortement le coût du travail dans le secteur public.

Cette situation a logiquement contribué à développer le recours à l’intérim. Aujourd’hui, si le recours à l’intérim paramédical a tendance à diminuer, le recours à l’intérim médical, lui, ne fait qu’augmenter. Le montant des dépenses liées aux sociétés d’intérim s’est élevé à plus de 67 millions d’euros en 2011, soit une augmentation de 23 % par rapport à 2010.

En outre, si la durée du travail de nuit – de 32 h 30 par semaine selon la réglementation en vigueur depuis 2004 – constitue un élément d’attractivité pour de nombreux personnels, elle représente un coût très élevé pour les établissements publics, estimé à 69 millions d’euros.

Dans ce contexte, la question du temps de travail se pose avec acuité dans nos établissements.

Depuis 2002, la réglementation sur la gestion du temps de travail des professionnels hospitaliers a connu des évolutions régulières.

Ainsi, il a été considéré que, même en congé de maternité, l’agent continuait à générer des droits à RTT. Or la considération selon laquelle un temps non travaillé génère des droits à repos n’est pas sans conséquence sur la continuité des soins, la qualité des organisations et les finances hospitalières. Ce surcoût est en effet évalué à 78 millions d’euros.

En outre, la transposition de la directive sur le temps de travail est venue rappeler que le temps de déplacement des médecins pendant les astreintes relevait du temps de travail, décompté comme tel, et déclenchait un repos de sécurité de onze heures consécutives à la suite. Cette réglementation ne s’appliquant qu’aux professionnels salariés, les médecins libéraux qui exercent en clinique en sont exonérés.

La conjonction de ces différentes dispositions a eu pour conséquence de diminuer fortement les ressources humaines médicales et non médicales disponibles. Dans un contexte où la ressource médicale et paramédicale est de plus en plus rare et chère, de nombreux établissements ont alors initié des démarches de réorganisation et de renégociation de leurs accords RTT.

C’est ainsi que l’on voit se développer aujourd’hui des modalités horaires allant d’organisations du travail en sept heures à des cycles de douze heures. La mise en place de l’horaire dérogatoire de douze heures doit obéir à un formalisme strict, mais permet le cas échéant de répondre à des organisations de soins spécifiques – réanimation, urgences, activités chirurgicales, etc. Depuis quelques années, plusieurs établissements sont enclins à étudier cette possibilité organisationnelle pour un plus grand nombre d’activités, y compris dans le secteur médico-social. Il s’agit le plus souvent d’une demande émise par les soignants eux-mêmes, motivée par la réduction du nombre de jours travaillés, contribuant ainsi à un meilleur équilibre vie professionnelle vie privée.

Ainsi, la mise en place des 35 heures est incontestablement à l’origine de difficultés organisationnelles et financières, dont les hôpitaux peinent à se remettre plus de dix ans après. L’enjeu n’est pas de remettre en cause cette réglementation du temps de travail et de revenir en arrière. Dans un contexte budgétaire contraint, l’enjeu est de donner les moyens aux hôpitaux de mettre en place des organisations du travail adaptées aux besoins des patients. Cela m’amène à vous présenter nos trois propositions.

La première est la nécessité de recentrer les organisations du travail sur la prise en charge du patient.

Depuis douze ans, en effet, les organisations internes des établissements de santé et médico-sociaux reposent sur une structuration horaires des journées de travail : on planifie le temps de travail et, ensuite seulement, les prises en charge. Il faut aujourd’hui recentrer les processus organisationnels autour du soin, en veillant à l’articulation avec le temps médical. Pour cela, il faut évaluer les organisations requises, les prestations de soins à réaliser, et planifier les temps de travail qui vont permettre de les réaliser. Cette nouvelle donne permettra de moderniser les organisations et de redonner du sens au travail des personnels hospitaliers.

La deuxième proposition est de créer une stratégie territoriale.

Le Gouvernement souhaite inscrire au calendrier parlementaire un projet réformant l’hôpital qui place l’approche territoriale au cœur de la stratégie de santé. Nous souhaitons nous-mêmes la révision des organisations par une approche territoriale, grâce à laquelle les hôpitaux d’un même territoire définissent ensemble de nouvelles règles et de nouvelles organisations. Ainsi, le projet médical de territoire permettra de structurer l’organisation de l’offre de soins sur le territoire.

La troisième proposition consiste à soutenir la révision des accords locaux.

La révision des accords locaux doit faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre de laquelle les directions doivent être soutenues par les politiques et par la tutelle. En effet, certains hôpitaux entament des démarches de remise à plat de l’organisation du temps de travail, mais ils sont souvent, comme le montre l’actualité, stoppés dans leur élan, après l’intervention des agences régionales de santé notamment.

Il s’agit pour nous de soutenir une rationalisation et une simplification des organisations, ainsi que des horaires adaptés aux prises en charge – en sept heures ou en douze heures. Il s’agit également de mettre fin aux jours de congés extraréglementaires (jour de rentrée des classes, jour des médailles, jour du maire, etc.) et de prévoir un plafond des jours de RTT. Ainsi, l’alignement sur un plafond de quinze jours de RTT permettrait, comme le montre notre enquête, de réaliser un gain de plus de 640 000 journées, soit 400 millions d’euros d’économies pour les établissements.

Je le redis, ces démarches doivent être soutenues par les pouvoirs publics, même si elles sont difficiles et impopulaires auprès des organisations syndicales. En effet, selon notre enquête, lorsque le protocole n’a pas été renégocié, une des principales raisons évoquées est le risque de conflit social majeur.

En conclusion, au moment où l’on demande aux hôpitaux et au secteur de la santé en général un effort d’économies de 5 milliards d’euros, il est important de poser la question de l’organisation des temps de travail. Dans un contexte de pénurie médicale – 24 % des postes de praticiens hospitaliers sont aujourd’hui vacants – et de forte évolution des modes de prise en charge, et alors que le personnel représente 70 % du budget des établissements, il est certain que l’on ne réformera pas l’hôpital sans poser la question de son organisation interne.

Les hôpitaux essaient de s’atteler à ces réformes de structure – partage d’équipements, modernisation des organisations, chirurgie ambulatoire, etc. –, mais ce niveau d’effort demandé aux hôpitaux ne pourra être atteint, je le redis, qu’en s’attaquant au problème de l’organisation du travail. Les hospitaliers sur le terrain se sont lancés dans des concertations pour faire évoluer les organisations, mais force est de constater que le soutien des pouvoirs publics reste faible – les directeurs sont souvent « lâchés » dès les premiers signes de mécontentement. Les dirigeants hospitaliers ont besoin d’être soutenus dans cet effort de modernisation.

Pour cela, le cadrage national doit être clair et cohérent. Il est ainsi urgent de mettre un terme à l’inflation réglementaire, de revenir sur un certain nombre de règles qui paralysent les acteurs de terrain, et d’afficher un soutien clair aux directions dans la rationalisation de leurs organisations.

M. Jean-Pierre Gorges. Merci de votre présentation.

Je suis président du conseil d’administration du centre hospitalier situé dans la ville dont je suis maire. Je partage votre constat. Après la mise en place des 35 heures, j’ai observé un phénomène incroyable de déstructuration de l’hôpital, avec une accumulation de jours au sein des comptes épargne-temps, et ce dans un contexte de pénurie médicale.

Avec mon collègue Jean Mallot, je suis l’auteur d’un rapport d’information sur l’article 1er de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, TEPA. Si cet article n’a pas été d’une grande utilité à l’activité économique dans un contexte de récession, il s’est révélé salutaire pour la fonction publique d’État, la fonction territoriale et surtout les hôpitaux. Étonnamment, une mesure visant à accroître le PIB a facilité le travail de la fonction publique à laquelle on demande de se réorganiser. Ne faudrait-il pas réactiver la mesure sur une période donnée, de façon à vous donner le temps de transformer la structure hospitalière sur le territoire français et, ainsi, vous aider à passer ce cap difficile ?

L’approche territoriale est une nécessité. Il faudra y venir rapidement, d’autant que seuls 25 % des hôpitaux voient leurs comptes équilibrés. Avez-vous réalisé une analyse chiffrée de l’impact sur les hôpitaux de la T2A, du passage aux 35 heures et des emprunts toxiques ?

M. Bernard Accoyer. Hier, lors de son audition par la commission des affaires sociales, le Premier Président de la Cour des comptes a rappelé que la dette sociale qui pèse sur les générations à venir s’élève à 157 milliards d’euros, sur les 2 000 milliards de dette publique que nous allons bientôt atteindre avec un endettement de 100 % du PIB. Il a évoqué le déficit endémique de la branche maladie et plus généralement de la sécurité sociale. De son long exposé, nous avons compris – malgré les précautions d’usage qu’il a utilisées – que le coût des 35 heures à l’hôpital public en termes de masse salariale était considérable. À l’heure où l’on essaie d’imposer 5 milliards de réduction des dépenses à l’hôpital public, c’est la démonstration que les 35 heures sont une erreur funeste.

Je rappelle les conditions dans lesquelles ce dispositif a été imaginé. En 1997, la droite bénéficie d’une majorité considérable à l’Assemblée nationale. Pour des raisons purement politiciennes, le gouvernement en place suggère et convainc le Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. L’opposition est au plus mal : elle ne s’est pas remise des conséquences de l’affaire Urba-Gracco, payées extrêmement chères dans les urnes en 1993. Elle doit alors imaginer un programme, un programme qui décoiffe pour récupérer des électeurs, car la gauche ne croit pas pouvoir gagner les élections législatives.

C’est alors qu’une personnalité inventive, brillante, du parti socialiste, M. Dominique Strauss-Kahn, lance sur le papier l’idée des 35 heures. C’est ainsi que sont nées les 35 heures ! Personne à ce moment-là, ni au parti socialiste ni ailleurs, n’imaginait qu’elles seraient un jour mises en place.

Or à la surprise générale, la gauche remporte les élections législatives de 1993…

M. Gérard Sebaoun et Mme Jacqueline Maquet. De 1997.

M. Bernard Accoyer. Laissez-moi m’exprimer, nous sommes à l’Assemblée nationale et chacun a le droit de parler ! Surtout, chacun a le devoir d’analyser ce que nous avons fait – de bien et de mal – depuis que nous avons l’immense honneur d’être en responsabilité !

Je reprends. En 1997, la Gauche plurielle est composée du PS, des Verts et du parti communiste. Pour rester dans la majorité, ce dernier exige la mise en œuvre des 35 heures. Celles-ci vont alors être mises en place à partir des années 2000, après une série de discussions législatives pour le moins épiques !

En effet, aucune étude d’impact – mais la Constitution ne l’exigeait pas à l’époque –, aucune appréciation des conséquences et, plus surprenant encore, aucune concertation avec les partenaires sociaux n’a été conduite ! Nous mesurons depuis les conséquences de cette funeste décision. Nous les mesurons dans le secteur privé, puisque comme toutes les études le montrent, l’une des principales causes du décrochage et de la baisse de la compétitivité de notre pays est la mise en œuvre des 35 heures. Quand les 35 heures ont été votées, il n’était pas prévu de les appliquer à la fonction publique. Mais elles ont été étendues subrepticement aux fonctions publiques, ce qui est revenu à faire payer au secteur compétitif, créateur de richesses, la baisse du temps de travail.

Aujourd’hui, chacun connaît les conséquences de la réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier. Le président de la Fédération hospitalière de France vient de les rappeler : elles sont considérables. Elles sont catastrophiques quant à l’évolution de la disponibilité des personnels et donc la qualité des soins dispensés à l’hôpital public. Elles sont catastrophiques pour les conditions de travail des agents de la fonction publique hospitalière. Elles sont catastrophiques sur le plan financier et donc pour la sécurité sociale.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Nul observateur honnête ne peut nier ce triste constat.

Mesdames, messieurs, j’ai trois questions à vous poser.

Quel est précisément le coût des 35 heures pour l’hôpital public ?

La réduction du temps de travail a-t-elle entraîné un profond changement d’état d’esprit chez les personnels soignants, en particulier les médecins ?

Enfin, qu’en est-il des pressions qui sont apparues et qui ont dégradé les conditions de travail des agents de la fonction publique hospitalière ?

M. Gérard Sebaoun. Je vais, non pas entrer dans le débat idéologique qu’on essaie de nous imposer, mais rester strictement dans le champ de cette Commission, à savoir l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction du temps de travail.

M. le président. Permettez-moi de vous interrompre, cher collègue. Le travail de cette Commission nous permet d’intervenir au fond. Je le dis sans animosité : il est temps dans ce pays d’œuvrer collectivement à la recherche de solutions. L’intervention de M. Accoyer, qui est un « ancien » dans cette Maison, a le mérite de retracer l’historique des 35 heures. Alors que le Premier ministre et le ministre de l’économie ont fait des déclarations pertinentes, on sent les uns et les autres « corsetés ». Cette Commission est le lieu pour s’exprimer : vous allez avoir tout le loisir de le faire, cher collègue, avec la pertinence qui vous caractérise.

M. Gérard Sebaoun. Il me semble que vous sortez très largement de votre rôle, monsieur le président, en prenant systématiquement parti. Je disais que je veux écarter ce débat idéologique et m’en tenir aux faits. Je lis régulièrement les rapports soumis à notre sagacité, et je n’entends pas me laisser dicter – ni par vous ni par personne – la manière dont je dois intervenir dans cette commission d’enquête dont vous devez respecter chacun des membres !

Les années 2002-2004 ont été extrêmement difficiles pour la fonction publique hospitalière : la pénurie médicale s’est amplifiée, les difficultés n’ont pas été anticipées. Néanmoins, les changements organisationnels ont été très largement supérieurs à ce que pourraient être les conséquences de la RTT. En effet, comme le montre une étude, la productivité dans les hôpitaux a augmenté de façon significative entre 2003 et 2009 et la réorganisation liée au passage à la T2A s’est révélée bénéfique.

La DARES nous a indiqué que, dans le cadre de ses études qualitatives, il n’était pas fait référence au temps de travail comme effet négatif sur le quotidien des infirmières, que le bilan des 12 heures était mitigé, et que les jours non travaillés étaient considérés comme bénéfiques. Mme Marie-Anne Levêque, directrice générale de l’administration et de la fonction publique, nous a annoncé que la RTT avait généré dans la fonction publique hospitalière le recrutement de 45 000 personnels et la création de 3 500 emplois médicaux. Selon le directeur et le président de la commission médicale d’établissement de l’hôpital situé dans ma circonscription, la réorganisation de l’hôpital a été bénéfique. Je ne dis pas que c’est le cas partout, je constate que tous les interlocuteurs que j’ai cités vont dans ce sens.

Dans un entretien paru dans le journal Le Parisien daté de ce jour, monsieur le président Valletoux, vous avancez des propositions, notamment le retour aux 39 heures. J’aimerais vous entendre sur ce point.

À mon sens, les difficultés budgétaires auxquelles est confronté l’hôpital ne tiennent pas seulement aux 35 heures. Vous avez d’ailleurs évoqué l’intérim médical et le manque de radiologues et d’anesthésistes, deux catégories de personnels hautement qualifiés.

En conclusion, on ne peut pas faire porter – par idéologie, notamment – la responsabilité des difficultés de l’hôpital aux seules 35 heures. L’hôpital s’est beaucoup réformé. Ce service public mérite notre respect et doit encore être réformé. Je souhaite que le débat se fasse de manière apaisée. À cet égard, j’ai apprécié l’intervention de M. Gorges, qui a travaillé sur le sujet.

Mme Jacqueline Maquet. Je ne reviendrai pas sur le diagnostic. Les hôpitaux ont souffert de l’organisation des 35 heures : il y a du bon, du moins bon, mais aussi de grandes difficultés.

Monsieur le président Valletoux, vos trois axes de propositions sont très intéressants. Le recentrage des organisations sur les patients me semble indispensable. L’introduction de souplesse pour améliorer le service aux patients est la priorité des priorités, car les prises en charge doivent être adaptées aux temps de travail, et non l’inverse. S’agissant de l’approche territoriale, je ne développerai pas ici une mauvaise expérience dans ma circonscription. Vous proposez enfin le soutien des accords locaux.

Savez-vous si des centres hospitaliers se sont d’ores et déjà inspirés de ces trois axes ?

Mme Barbara Romagnan, rapporteure. Merci, monsieur Valletoux, de votre présentation.

Après cette leçon de M. Accoyer sur l’histoire des 35 heures – empreinte d’une grande objectivité… –, je voudrais rappeler qu’en 2000 le chômage a baissé et que les comptes publics étaient équilibrés.

Nous ne remettons pas en cause votre constat, monsieur le président Valletoux, Mais comment faites-vous la part des choses entre réforme des 35 heures, manque de personnel et mise en place de la T2A ?

Vous parlez de la nécessité d’un recentrage sur les patients. En quoi le passage de journées de 8 heures à des journées de 7 h 36 ou 7 h 52 a-t-il eu un tel impact ?

Vous avez cité une enquête. S’agit-il de celle évoquée dans Le Parisien de ce matin sur les 151 établissements et pourrait-elle nous être communiquée ?

Les temps partiels concernent davantage les femmes. Connaissez-vous l’évolution du temps partiel à l’hôpital ? L’introduction des 35 heures a-t-elle permis de le réduire ?

Enfin, avez-vous constaté une évolution de l’absentéisme après l’instauration des 35 heures ?

M. le président Thierry Benoit. Avez-vous dressé un bilan comparé des établissements hospitaliers publics et des établissements hospitaliers privés ?

Avez-vous évalué précisément l’incidence de la réduction du temps de travail sur le budget de l’hôpital ?

Disposez-vous d’éléments objectifs sur l’évolution des budgets consacrés aux personnels d’encadrement et de management et de ceux affectés aux personnels de soins, avant et après la mise en place des 35 heures ? En effet, c’est seulement lorsque Xavier Bertrand était ministre de la santé que de premiers éléments de réponses ont été apportés à la question récurrente que constituait la compensation de l’application des 35 heures pour le personnel soignant, notamment les infirmières. Beaucoup de temps est consacré à la planification du temps de travail, avez-vous indiqué, au détriment des soins. D’une manière générale, on peut donc penser que les financements aux fonctions d’encadrement ont été bien supérieurs à ceux affectés aux personnels de soins.

M. Frédéric Valletoux. Merci, mesdames, messieurs, de l’intérêt que vous portez à ce sujet.

Les emprunts toxiques sont estimés à 2 milliards d’euros, sur environ 5 milliards d’emprunts structurés et 22 milliards d’emprunts au total. Il s’agit d’une bombe à retardement – tout comme les millions d’heures stockées sur les comptes épargne-temps. Nous demandons depuis plusieurs mois que les hôpitaux bénéficient du même dispositif d’accompagnement que celui des collectivités locales. On nous a promis un fonds, qui n’est toujours pas mis en œuvre. J’attire votre attention sur le fait que cette question est cruciale pour l’équilibre des hôpitaux et qu’il faudra bien la résoudre un jour. Il n’y a aucune raison que les hôpitaux ne soient pas traités de la même manière que les collectivités locales par les pouvoirs publics.

Un grand nombre d’études existent sur la T2A. Contrairement à la dotation globale, elle a permis de moderniser la gestion des hôpitaux. Elle oblige à revoir l’organisation des activités à l’hôpital. Il convient maintenant de l’aménager, et c’est ce que nous demandons au gouvernement, notamment pour valoriser les missions de service public. Globalement, le bilan du passage à la T2A est jugé positif.

M. Gérard Vincent, délégué général. La T2A a engendré une dynamique dans les établissements hospitaliers publics et les établissements privés à but non lucratif. Je prends l’exemple de la chirurgie pour laquelle la part d’activité des hôpitaux du service public est passée de 45 % il y a sept ou huit ans à 55 % aujourd’hui. Lorsque j’étais directeur de l’Hôtel-Dieu, je suppliais dès le mois d’octobre le chirurgien orthopédique de ne plus poser de prothèses parce que je n’avais plus d’argent pour les acheter – les malades étaient alors envoyés dans le secteur privé. Dieu merci, cette époque est révolue. Aujourd’hui, plus les équipes travaillent, plus l’argent rentre. La dynamique de l’hôpital et sa modernisation sont en marche.

Mme Marie Houssel, qui a été DRH dans divers établissements, va vous répondre sur le coût des 35 heures. Mme Cécile Kanitzel a été directrice de soins dans des établissements importants, elle va vous parler du climat social à l’hôpital.

Mme Marie Houssel, adjointe au responsable du pôle ressources humaines. Le coût précis des 35 heures est difficile à évaluer dans la mesure où leur mise en place s’inscrit dans un contexte de réglementation qui a augmenté le coût du travail.

Le rapport Acker de 2005 estime à 32 000 le nombre de recrutements de personnels non médicaux, soit 1,4 milliard d’euros, et à 3 500 celui des recrutements médicaux, soit 350 millions d’euros. S’ajoutent la croissance de l’intérim et la dette sociale que représentent les comptes épargne-temps, sur lesquels plus de 5,9 millions de jours étaient stockés fin 2010.

Ainsi, le coût de la RTT est difficile à établir. Il est néanmoins très important du fait de l’augmentation de la masse salariale et de la dette sociale à payer sur les années à venir.

Mme Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale. Pour les soignants, les 35 heures sont considérées comme un gain en termes de jours de congés supplémentaires. Aussi la perspective d’une augmentation du nombre de jours de travail perturbe-t-elle le climat social dans les établissements, quand bien même est avancé l’argument de l’organisation centrée sur la prise en charge du patient. D’ailleurs, celle-ci est déjà une réalité : on ne peut pas dire que la prise en charge à l’hôpital n’est pas centrée sur le patient.

Toutefois, un effort doit être fait. Car l’organisation des activités de soins centrée sur les besoins du patient suppose de réfléchir à la présence des soignants à certains moments de la journée et donc de revoir le nombre de jours travaillés. Or diminuer le nombre de RTT est un sujet compliqué.

M. Bernard Accoyer. Qu’entendez-vous par « compliqué » ?

Mme Cécile Kanitzer. Les soignants, en majorité des femmes pour les paramédicaux, ont intérêt à avoir un nombre important de jours de congé au regard de leur vie privée.

Pour les infirmières, accompagner les cadres de santé qui travaillent en duo avec les chefs de service sur l’animation des projets d’équipe, signifie revoir les présences sur 24 heures pour les faire correspondre au mieux aux besoins des patients. Cela suppose donc de revoir le nombre de jours de présence sur l’année, ce qui est compliqué pour elles car, si elles pourront se consacrer à la qualité des soins, elles devront également faire le deuil des acquis en termes d’équilibre vie privée - vie professionnelle. En effet, en consacrant moins de journées à l’hôpital ou en travaillant à certains horaires, elles peuvent s’occuper de leurs enfants le soir et le matin.

Les cadres – dénommés auparavant surveillants ou infirmiers chefs, et que nous appelons aujourd’hui cadres de santé de proximité –, qui travaillent avec les chefs de service pour le pilotage des activités de soins, sont, eux, totalement noyés par la planification du temps de travail. Ils y passent beaucoup de temps et, en fonction des postes qu’ils arrivent à planifier, ils organisent les prises en charge des patients. Nous souhaitons inverser cette logique organisationnelle. Mais les cadres sont pris dans un étau en raison d’une réglementation lourde et complexe. Nous plaidons pour une souplesse réglementaire, qui permettrait l’application d’un temps de travail simplifié.

En effet, dans la pratique, tous les soignants arrivent aux mêmes horaires le matin, l’après-midi et la nuit dans les unités de soins. Une souplesse horaires, y compris pour les temps partiels, permettrait d’assurer des présences au moment des pics de charges et, ainsi, de répondre aux besoins des patients. Or les cadres n’ont pas cette possibilité, car ils subissent le chantage des organisations syndicales. S’ils veulent toucher au temps de travail et à l’organisation, ils sont critiqués, même dans leurs compétences managériales, voire menacés par le recours à l’absentéisme, car les soignants veulent préserver le nombre de jours dits « de droit à congé » auxquels ils prétendent avoir droit au titre de la RTT.

M. le président Thierry Benoit. Je suis étonné qu’une organisation comme la vôtre ne puisse préciser les conséquences budgétaires de l’application des 35 heures. L’Institut Montaigne, par exemple, s’efforce d’avoir des éléments objectifs et précis.

Monsieur Valletoux, j’apprécie vos propositions. Pensez-vous qu’un consensus puisse se dégager dans ce pays quant à l’application de la RTT ? Ce sujet est un fil rouge depuis quinze ans : la RTT a un coût, elle désorganise, elle accentue les cadences. L’absentéisme dans le milieu hospitalier s’est-il accru ?

Je voudrais aider le Premier ministre et le ministre de l’économie à revenir sur ce sujet. Les difficultés du pays sont en partie liées à l’application des RTT, mais on n’ose rien dire, on pourrait dire, mais finalement il ne faut pas dire…

M. Jean-Pierre Gorges. Il y a une confusion. Depuis la loi d’août 2008, les 35 heures n’existent plus, elles constituent le seuil à partir duquel sont calculées les heures supplémentaires. Une solution consiste donc à moduler ce seuil en fonction de l’activité. Il faut peut-être le fixer à 32 heures pour l’hôpital ; pour un professeur de musique, par exemple, il est de seize heures. Le monde hospitalier n’aurait-il pas besoin d’une mesure particulière pour lui permettre de se réorganiser ? Je redis que l’article 1er de la loi TEPA a eu un effet très positif sur le monde hospitalier.

M. Gérard Sebaoun. Madame Kanitzer vous évoquez les rigidités du système hospitalier. Dans les entreprises, et peut-être aussi dans la fonction publique d’État, que je connais moins, ces rigidités ont sauté depuis longtemps au profit d’une organisation permettant la conciliation vie professionnelle - vie familiale. Vous entendre poser la question en ces termes ne me choque pas. Mais M. Gorges a rappelé une évidence : les 35 heures sont une durée de référence, un seuil à partir duquel sont calculées les heures supplémentaires.

Je m’étonne de votre propos sur les organisations syndicales. Certes, elles peuvent être rudes dans les discussions, mais c’est le jeu normal de la confrontation sociale pour parvenir aux équilibres que vous appelez de vos vœux. Nous ne voulons pas la guerre, nous recherchons l’équilibre social.

D’où ma question sur les 39 heures. Qu’en est-il des répercussions financières ? Comment s’affranchir des rigidités à l’heure où les budgets des hôpitaux sont exsangues ?

Mme Barbara Romagnan, rapporteure. Certes, les 35 heures font débat depuis longtemps, mais pas seulement au regard du coût et de la pression qu’elles génèrent. La RTT a permis de créer des emplois et d’équilibrer les comptes publics un temps, mais aussi d’améliorer, y compris à l’hôpital, l’équilibre vie privée- vie professionnelle.

Je ne remets pas en cause votre discours sur le cas spécifique de l’hôpital. Vous vous souciez de l’organisation des soins, tout comme les salariés. J’imagine que les infirmières ont choisi ce métier parce qu’elles ont envie d’être au service des patients. Mais elles ont aussi une vie.

Il est normal que les organisations syndicales défendent les droits des salariés. J’imagine que les directions font aux mieux pour prendre en compte les difficultés auxquelles sont confrontés leurs établissements, mais qu’elles ne sont pas toujours tendres dans les négociations.

M. Frédéric Valletoux. Monsieur Sebaoun, vous avez mal lu Le Parisien : je n’ai pas demandé le retour des 39 heures à l’hôpital, j’ai demandé de la souplesse, de l’intelligence collective, de l’adaptabilité compte tenu des évolutions récentes qui ont perturbé l’hôpital, et celle induite par les 35 heures n’est pas la moindre.

Les gestionnaires hospitaliers font face à un bureaucratisme débridé ! L’année dernière, 300 circulaires ont été envoyées aux directeurs d’hôpitaux par le ministère de la santé via les ARS. Si certaines circulaires font deux pages, d’autres atteignent la centaine de pages lorsqu’il s’agit de mettre en place des indicateurs pour mesurer la satisfaction des patients. Un directeur d’hôpital pourrait ainsi passer ses journées à lire les circulaires ! Aussi notre proposition consiste-t-elle à redonner de la souplesse aux gestionnaires hospitaliers pour caler l’organisation des temps de travail sur l’organisation de l’offre de soins.

L’organisation de l’offre de soins est au cœur de la réflexion sur le projet médical de territoire. La loi Bachelot mettait déjà en avant la dimension territoriale de l’organisation de l’offre de soins ; le futur projet de loi semble accentuer cette tendance, tant mieux. Les stratégies de recomposition des hôpitaux doivent aller dans ce sens, avec des coopérations intelligentes entre établissements publics – et pourquoi pas entre secteur public et secteur privé – au service des malades.

Ce projet médical de territoire suppose d’accorder de la souplesse aux organisations et la possibilité aux gestionnaires hospitaliers, en concertation avec les syndicats, d’organiser le temps de travail en fonction des besoins du territoire.

Cette approche par territoire est majeure. Elle nécessite de mettre un terme au bureaucratisme que je viens d’évoquer, mais aussi aux interventions diverses. On se souvient des événements qui se sont déroulés à l’hôpital Paul Guiraud de Villejuif : grève de la faim, piquet de grève violent, séquestration… Parfois, l’intelligence collective n’est pas facilitée lorsque s’en mêlent des interlocuteurs divers et variés…

En résumé, il faut aller vers plus de souplesse, tourner la page du bureaucratisme, et accompagner les gestionnaires dans la rediscussion et la mise en œuvre des accords locaux.

Madame la rapporteure nous allons vous communiquer les résultats de notre enquête. Elle montre qu’un peu moins de 50 % des établissements ont déjà rediscuté des accords locaux nés du décret de 2002. Il faut maintenant encourager l’ensemble des établissements à avancer sur ce sujet.

Monsieur le député, ne gardez pas de notre rencontre le souvenir que je veux remettre en cause les 35 heures. Il ne s’agit pas d’agiter le chiffon rouge pour mettre tout le monde dans la rue. Il s’agit de faire preuve de pragmatisme, en se basant sur l’expression des besoins de soins locaux pour caler les organisations du temps de travail avec intelligence et souplesse. Faute de quoi, dans un contexte de budgets contraints, de démographie médicale tendue, mais aussi de grande lassitude de nos hospitaliers, nous risquons d’aboutir sinon à la paralysie, du moins à des dommages néfastes pour notre société.

Enfin, si les heures supplémentaires apportent de la souplesse, elles ont aussi un coût. Nous souhaiterions en payer le moins possible, dans le cadre de nos budgets contraints par l’ONDAM.

M. le président Thierry Benoit. Il me reste à vous remercier, mesdames, messieurs.

Je retiens de ces échanges qu’il y a bien un sujet. Comme l’a souligné Jean-Pierre Gorges, les 35 heures constituent le seuil légal de déclenchement des heures supplémentaires. La Fédération hospitalière de France plaide la poursuite du dialogue au niveau local autour du projet médical de santé. En définitive, il faut promouvoir cette souplesse et faire confiance aux différents acteurs. Permettre au pays de respirer : tel est le rôle du législateur.

L’audition se termine à dix heures quarante-cinq.

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Présences en réunion

Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Thierry Benoit, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Noguès, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun

Excusés. - M. Damien Abad, M. Romain Colas