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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 16 octobre 2013

Séance de 20 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, sur l’article 10 du projet de loi de finances pour 2014

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, sur l’article 10 du projet de loi de finances pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Il nous a paru utile d’examiner avec M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du Budget, une modification assez substantielle apportée ces derniers jours à l’article 10 du projet de loi de finances, qui prévoyait une contribution sur l’excédent brut d’exploitation
– EBE. Après avoir adopté la semaine dernière en commission un amendement du Gouvernement substituant à cette contribution une majoration de 10,7 points de l’impôt sur les sociétés – IS –, qui se substitue à la surtaxe existante de 5 %, nous souhaiterions savoir pourquoi le Gouvernement a procédé à cette substitution et en quoi cette surtaxe est préférable à la contribution sur l’EBE.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du Budget. Je suis heureux que nous puissions débattre de cette disposition, car les évolutions de la fiscalité des entreprises qui interviendront dans les mois qui viennent, si elles doivent être réalisées en concertation avec le monde de l’entreprise, ne peuvent pour autant se faire sans le Parlement. Celui-ci devra, par l’intermédiaire de votre Commission, être très étroitement associé à la réflexion qui s’engagera au début de l’année prochaine dans le cadre des assises de la fiscalité de l’entreprise.

J’indiquerai d’abord dans quelles conditions nous avons travaillé cet été, puis les conclusions auxquelles nous somment parvenus, avant de présenter rapidement la surtaxe de l’IS.

Contrairement à ce que l’on peut parfois lire ou entendre, la pression fiscale sur les entreprises n’augmentera pas en 2014. Tout d’abord, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – représentera en 2014 un allégement de 6 % de la masse salariale et se traduira par une diminution de 10 milliards d’euros des charges nettes des entreprises. Nous avons en outre décidé de ne pas reconduire la totalité des 4,5 milliards d’euros de prélèvements sur les entreprises instaurés par mon prédécesseur et dont l’effet était parfois éphémère, limitant ces prélèvements à 2,5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires au titre de la lutte contre la fraude fiscale : il y aura donc 1 milliard d’euros de moins de prélèvements sur les entreprises en 2014 qu’en 2013 – et non pas, je le souligne, 1 milliard d’euros de moins d’augmentation de la pression fiscale s’exerçant sur elles. Il y aura donc au total, avec les 10 milliards d’euros d’allégements nets de charges liés au CICE, 11 milliards d’euros d’allégements, de sorte qu’il n’est pas exact de dire que nous procédons à 2,5 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises.

Une réflexion est engagée depuis longtemps pour moderniser la fiscalité qui s’applique aux entreprises, afin d’inciter davantage ces dernières à investir et de favoriser la croissance. Cette réflexion porte principalement sur quatre impôts existants : l’imposition forfaitaire annuelle – IFA –, la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S –, assises toutes deux sur le chiffre d’affaires, l’impôt sur les sociétés, dont on connaît les imperfections, et l’impôt sur les dividendes, dont nous avons indiqué assez rapidement qu’après l’avoir créé et avoir porté son taux à 3 % l’an dernier, nous ne l’augmenterions pas cette année.

Étant donné que les impôts assis sur le chiffre d’affaires portent sur la production et sont antiéconomiques, nous avons cherché à les réduire, sinon à les faire disparaître, et à leur substituer un impôt sur le résultat, articulé à l’impôt sur les sociétés et payé par toutes les entreprises – car plusieurs grands groupes dégageant des résultats significatifs y échappent aujourd’hui au moyen de processus d’optimisation fiscale que nous connaissons et contre lesquels nous avons pris l’an dernier des dispositions qui seront complétées cette année avec le projet de loi de lutte contre la fraude et le projet de loi de finances pour 2014. Il nous a également semblé utile d’engager une réflexion sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés, dont le mitage est précisément l’un des instruments de l’optimisation fiscale des grands groupes. En outre, si nous y parvenions, nous pourrions, à rendement constant, en diminuer le taux pour le ramener au niveau européen.

Nous avons donc engagé une réflexion en ce sens avec le monde de l’entreprise et avons d’abord proposé le basculement de la totalité des impôts ayant pour assiette le chiffre d’affaires vers un impôt sur le résultat. Le rendement de l’IFA étant de 300 millions d’euros et celui de la C3S de 5,6 milliards d’euros, le total représentait environ 6 milliards d’euros : un tel déplacement mené en quelques mois pouvait donner lieu à des effets de transfert et de déport susceptibles de causer des perturbations. Nous avons donc accepté le principe d’un travail sur l’amorçage de cette réforme, dans la perspective de supprimer l’IFA et de concevoir, en réponse aux souhaits qui nous étaient exprimés, un impôt dont l’assiette serait large et le taux peu élevé. La question s’est rapidement posée de la prise en compte, ou non, des amortissements dans l’assiette, afin que l’investissement ne soit pas pénalisé. J’observe incidemment que ceux qui s’inquiétaient qu’ils ne fussent pas exclus de l’assiette d’un impôt sur l’excédent brut d’exploitation ne s’en étaient pas émus à propos de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, dont le taux était, à 1,5 %, plus élevé.

Nous avons donc proposé, comme je l’ai indiqué en réponse aux questions posées par un sénateur socialiste et par M. Jean-Christophe Fromantin, de déposer un amendement technique permettant de faire porter l’impôt, non plus sur l’excédent brut d’exploitation, mais sur l’excédent net d’exploitation, afin de prendre en compte les investissements. Le Président de la République ayant annoncé la tenue d’assises destinées à remettre à plat l’ensemble de la fiscalité des entreprises, le monde de l’entreprise ayant émis le souhait qu’aucune modification n’intervienne dans l’attente des conclusions de ces assises et le Parlement ayant demandé d’être associé à ce travail, il a finalement été décidé de mettre en place dans l’intervalle cette surtaxe de l’impôt sur les sociétés, dont le caractère provisoire a été annoncé par M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances.

Il n’y a donc pas eu d’improvisation, mais une concertation fondée sur une méthode et visant à obtenir un compromis. Nous avons ainsi fourni à nos interlocuteurs l’ensemble des évaluations, hypothèses et simulations dont ils avaient besoin et que nous allons retravailler et approfondir avec vous et avec les acteurs de l’entreprise dans les prochains mois en vue d’aboutir au meilleur dispositif possible et de retrouver plus vite le chemin de la croissance.

Une surtaxe de 5 % a déjà été instaurée en 2011 par le précédent gouvernement. Le rendement attendu de cette contribution exceptionnelle au titre de l’exercice 2013 est de 1,2 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros sera versé en décembre 2013 au titre de l’acompte, le solde versé en avril 2014 étant donc de 200 millions d’euros. Le relèvement du taux à 10,7 % devrait produire au titre de l’exercice 2013 un rendement total de 2,6 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros sera perçu en 2013 comme je viens de l’évoquer. Le produit perçu en 2014 au titre de 2013 sera donc de 1,6 milliard d’euros, soit 1,4 milliard d’euros de plus que le solde attendu.

Au titre de 2014, le produit perçu en 2014 au titre de l’acompte payé en décembre 2014 passera de 1 milliard d’euros à 2,1 milliards d’euros du fait de l’augmentation du taux, soit 1,1 milliard d’euros de plus qu’attendu, ce qui porte le supplément total de rendement en 2014 à 2,5 milliards d’euros. La contribution n’étant plus applicable aux exercices clos après le 30 décembre 2015, elle ne s’appliquera donc plus aux exercices coïncidant avec l’année civile 2015, close le 31 décembre.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’analyse que je fais de l’amendement du Gouvernement coïncide avec les chiffrages que vient de présenter M. le ministre. J’ai bien noté que, pour les exercices clos après le 31 décembre 2015, la surtaxe ne s’appliquera plus et que le dispositif a donc une durée de vie limitée.

Je tiens à souligner que les 2,49 milliards d’euros supplémentaires demandés aux entreprises s’accompagnent de l’extinction de l’IFA : les 584 millions d’euros du produit de cet impôt disparaissent donc du prélèvement.

Si la taxe produit un petit rendement supplémentaire par rapport au dispositif prévu par l’article initial, elle prend en compte deux exercices, tandis que la taxe sur l’EBE ne portait que sur un seul exercice. L’article initial prévoyait en outre une contribution pérenne, tandis que la taxe supplémentaire est une mesure « one shot ». Ces éléments plaident encore pour une participation rapide de notre Commission à la préparation des assises de la fiscalité des entreprises. Après avoir réclamé que le Parlement soit associé à ces travaux, il est en effet indispensable que nous y apportions des propositions aussi collectives que possible.

Vous aurez compris que je suis favorable à l’adoption de l’amendement du Gouvernement.

M. le président Gilles Carrez. Il est particulièrement important que les parlementaires, notamment les membres de la commission des Finances, soient associés à de telles réformes. Le même raisonnement pourrait du reste s’appliquer à l’article 11, qui procède d’un travail mené ici même voilà un an pour modifier l’article 6 du projet de loi de finances pour 2013. Nous avions dû alors, je le rappelle, suspendre la séance pour étudier en commission une modification de l’article à laquelle avait été associé le rapporteur général. Mais l’article que nous avons voté n’a jamais été appliqué : dès les assises de l’entrepreneuriat, une réforme a été annoncée, trouvant sa traduction dans le texte de l’article 11 du projet de loi de finances sans que nous ayons cette fois été associés à ce processus – même si Thierry Mandon, qui a participé à certains de ces travaux, a pu m’en indiquer la teneur en mai ou juin dernier. La démarche aurait été beaucoup plus solide si nous avions été associés à ce travail – ce qui devrait être le cas pour la fiscalité des entreprises.

M. le rapporteur général. J’ai également été associé à ces travaux concernant l’imposition des plus-values mobilières.

M. le président Gilles Carrez. Je soulignerai maintenant deux points techniques.

Tout d’abord, l’IFA devait, au titre du collectif de la fin de 2011, être supprimée en 2014. Nous avions prolongé cette imposition, qui aurait dû être supprimée plus tôt, à la suite de discussions avec les entreprises et pour des raisons éventuellement budgétaires.

La surtaxe, qui alourdira la taxe existante de 5 %, prendra en compte deux exercices. S’appliquant aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013, elle sera en quelque sorte rétroactive au titre de l’exercice 2013, même si elle ne l’est pas véritablement en termes juridiques, et donnera lieu à des versements qui interviendront essentiellement en 2014, mais aussi à un acompte à la fin de 2013. La surtaxe prend par ailleurs en compte l’exercice 2014, ce qui permet un rendement de 2,5 milliards. Le fait qu’elle ne s’applique pas aux exercices clos au-delà du 30 décembre 2015 signifie en revanche qu’elle ne s’appliquera pas à l’exercice 2015. Il s’agit donc d’une mesure temporaire et il nous faut donc savoir par quoi elle sera remplacée.

M. le ministre. La surtaxe est bien temporaire, car elle a vocation à être remplacée par un dispositif définitif qui résultera des discussions qui auront lieu dans le cadre des assises de la fiscalité des entreprises.

Mme Karine Berger. L’impôt sur les sociétés passe de 53 milliards d’euros à 36 milliards d’euros entre 2013 et 2014. Une deuxième tranche de CICE est prévue en 2015 et la surtaxe de 2,5 milliards d’euros de l’IS sera abandonnée. En 2015, les recettes de l’impôt sur les sociétés devraient donc représenter moins de 25 milliards d’euros. L’objectif de rendement de cet impôt sera-t-il désormais calé sur ce montant ou les assises de la fiscalité le réviseront-elles à la hausse ?

M. Hervé Mariton. La typologie de cette réforme n’est pas tout à fait claire. Le dispositif adopté se traduira-t-il par une déformation sensible à l’échelle des secteurs ?

Monsieur le ministre, comment expliquer que, malgré la pertinence de votre analyse économique des impôts sur le chiffre d’affaires – qu’auraient fort bien pu faire ceux qui les ont instaurés ou maintenus – ces impôts aient bel et bien existé ?

Par ailleurs, la suppression d’une fiscalité sur le chiffre d’affaires n’est pas neutre selon les secteurs d’activité. Vous citez ainsi, dans l’exposé des motifs de la version initiale du projet de loi de finances, le secteur de l’automobile – mais on pourrait en citer d’autres, comme la grande distribution, qui tireraient grand avantage de la suppression de la C3S. Quels sont les objectifs de vos choix en termes de politique économique et de politique industrielle ?

En deuxième lieu, cet impôt, qui vise les exercices clos à compter du 31 décembre 2013, est rétroactif en 2013, ce qui a un impact important pour 2013, avec un acompte que vous avez chiffré autour de 1 milliard d’euros. Cette modification de la règle du jeu sur la fin de l’année n’est pas négligeable et c’est là une mauvaise pratique de la rétroactivité. Pourriez-vous envisager de faire autrement ? Ne serait-il pas possible d’inscrire l’effort dans la durée, sans impacter l’année 2013 ?

Enfin, au vu des débats qui se sont engagés le week-end dernier, l’État ne pourrait-il décider, au conseil d’administration d’EDF, d’une durée d’amortissement des réacteurs nucléaires propre à induire pour l’année 2013 des rentrées fiscales de l’ordre de grandeur de celles que vous cherchez ? C’est peut-être là une piste pour renoncer à la rétroactivité de la surtaxe de l’IS.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons déjà adopté l’amendement gouvernemental mais je remercie le ministre d’en avoir fait la genèse. Je me félicite que le dispositif proposé soit temporaire, ce qui nous oblige à mettre à profit les semaines qui viennent pour jeter les bases d’une réforme. Le diagnostic est posé depuis trop longtemps : l’impôt sur les sociétés ayant une base trop étroite, les grands groupes y échappent largement grâce à l’optimisation fiscale tandis que le taux effectivement supporté par les petites entreprises est bien plus élevé. Sans doute cette fiscalité antiéconomique va-t-elle à l’encontre de la croissance et de l’emploi.

L’initiative du Gouvernement au terme d’une concertation avec les entreprises est une bonne idée, et nous aurions vraisemblablement pu amender ce qui en serait sorti, au cours de la discussion parlementaire. Je mets ce qui s’est passé sur le compte de la jeunesse de la nouvelle équipe du MEDEF. Si les responsables patronaux ont fait barrage, y compris en faisant croire à tort qu’on créait un impôt supplémentaire, et sans tenir compte non plus des allégements de charges, c’est parce que le MEDEF n’arrive pas à arbitrer en son sein entre les différents secteurs. Finalement, mieux vaut prendre un peu plus de temps pour mieux mesurer l’impact économique sur chacun d’entre eux.

Nous pouvons tout faire sauf une réforme coûteuse pour les finances publiques. Les allégements sont déjà considérables et nous allons en voter d’autres cette année. Opérer un transfert sur les ménages serait inacceptable sur le plan politique. Il faut prendre les choses dans l’ordre : comme pour les ménages, remettre en place une fiscalité plus cohérente et plus juste, et, quand la situation des finances publiques le permettra, procéder aux allégements nécessaires.

Les assises de la fiscalité doivent être préparées avec les parlementaires et plus les initiatives seront prises en amont, plus grandes seront leurs chances d’aboutir au moment du PLF 2015 à une bonne réforme, favorable à la croissance et à l’emploi.

Mme Arlette Grosskost. Un impôt trop élevé détruit l’assiette sur laquelle il repose. Comment évaluez-vous donc les 2,5 milliards de produit que vous attendez de ce surcroît d’IS ? Comment seront traités les amortissements dégressifs, supplémentaires ou accélérés pratiqués plus particulièrement dans certains secteurs d’activité ? Alors que nous appelons tous à une harmonisation de l’IS à l’échelon européen, comment justifier pareille augmentation ?

M. Nicolas Sansu. Certes, chère collègue, le taux facial de l’impôt sur les sociétés est élevé, surtout avec cette surtaxe, mais le taux réel est extrêmement bas, au moins dans certains secteurs et pour les entreprises d’une certaine taille. J’encourage le Gouvernement à mettre un terme au mitage de cet impôt qui le rend totalement illisible. Je ne supporte pas que le président du MEDEF se permette de donner au Gouvernement un carton jaune en expliquant que l’IS est confiscatoire alors que les entreprises qu’il représente ne paient qu’une toute petite part de ce qu’elles devraient payer.

Je partage l’inquiétude de Karine Berger. Aujourd’hui, l’IS ne représente quasiment rien puisqu’il ne rapporte que 36 milliards, 1,8 % du PIB, soit moins que les dividendes versés par les entreprises du CAC 40. C’est un monde !

Enfin, l’IS n’augmentera pas en 2014, au contraire, il va baisser terriblement. D’où le débat que nous avons avec le Gouvernement puisque nous ne comprenons pas pourquoi il a choisi de le réduire toutes entreprises confondues, indépendamment de leur activité et de leur taille.

M. le ministre. Je ne pense pas utile de répondre ni au président ni au rapporteur général, puisque nous sommes totalement d’accord sur la description du dispositif.

Madame Berger, je serai plus précis au fur et à mesure de la préparation des assises, mais voici les chiffres dont je dispose. Les prévisions d’IS pour 2014 se montent à 36 milliards d’euros, la montée en puissance du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi en 2015 (– 6 milliards) et la disparition de la contribution exceptionnelle
(– 1 milliard) pèseront mécaniquement sur son rendement, mais dans une moindre mesure que celle que vous indiquez. Par ailleurs, la majoration temporaire n’est pas prise en compte dans les 36 milliards. Les mesures prévues devraient donc amputer les recettes de quelque 7 milliards, mais la croissance économique devrait se traduire par une hausse du bénéfice taxable, donc par une hausse du produit de l’impôt sur les sociétés.

Comme votre président, M. Mariton s’interroge sur le caractère rétroactif de la contribution exceptionnelle. Certes, l’augmentation de la surtaxe IS existante va porter sur deux exercices. En décembre sera payé un acompte au titre de 2013, 1 milliard environ, au titre de la taxe de 5 %, le solde, soit 200 millions étant réglé en 2014. Le relèvement du taux de 5 % à 10,7 % ne changera pas les flux de trésorerie en 2013, mais conduira à un versement supplémentaire de 1,4 milliard en 2014. C’est le même dispositif qu’en 2011, année de la mise en place de la surtaxe.

Quant à l’impact de la surtaxe sur les différents secteurs, il est au cœur de nos réflexions. Avant de décider du passage d’un impôt sur la production à un impôt sur le résultat, nous avons d’abord mesuré, par des simulations, les effets d’un alourdissement du premier, et nous nous sommes aperçus de ses effets très préjudiciables sur des secteurs industriels stratégiques, en particulier pour l’emploi, et que l’État accompagne, telle l’industrie automobile. Il s’agit principalement d’industries dont les consommations intermédiaires sont fortes et les résultats faibles. Nous avons donc préféré la seconde voie.

M. Hervé Mariton. Qu’en sera-t-il pour la grande distribution ?

M. le ministre. La grande distribution est très sensible à la C3S parce qu’elle a un chiffre d’affaires important et une marge faible, mais notre objectif n’était pas de l’épargner. Nous cherchions plutôt à épargner des secteurs qui souffrent de la crise.

Pour ce qui concerne la surtaxe IS, 32 % de la charge au titre de 2011 et 41 % au titre de 2012 ont pesé sur le secteur financier ; et respectivement 10 % et 8 % sur le secteur industriel. Nous avons donc choisi cette option parce qu’elle n’allait pas à rebours de nos objectifs.

Monsieur Mariton, l’impact du prolongement de la vie des réacteurs au-delà de trente ans reste à mesurer. Je vous propose donc de reprendre ce débat quand nous serons sûrs qu’il a lieu d’être, c’est-à-dire que l’exploitation des matériels amortis aura dégagé un supplément de ressources pour financer la transition énergétique.

Nos prévisions se fondent sur les mêmes bases que celles utilisées pour calculer l’impact de la surtaxe IS précédente. Nous sommes donc assez sûrs du rendement. Peut-on prendre en même temps des mesures d’assiette ou de nouvelles règles d’amortissement pour encourager l’investissement et lutter contre l’optimisation fiscale ? C’est tout l’enjeu de notre projet, mais on ne peut pas anticiper sur les assises de la fiscalité des entreprises.

En dépit de nos débats, nous avons des préoccupations communes, monsieur Sansu. Toute l’ambition de notre réforme consiste à faire payer l’impôt sur les sociétés aux dix entreprises du CAC 40 qui ne le paient pas, alors qu’elles dégagent des résultats très significatifs. C’est la meilleure garantie que les PME-PMI qui innovent en prenant des risques en paieront moins. Toute la démarche que nous avons engagée depuis mai 2012 consiste à introduire plus de justice dans l’impôt sur les sociétés, en fonction de leur taille, du résultat qu’elles dégagent et du risque qu’elles prennent. Nous avons déjà fait en sorte l’année dernière de rapprocher d’un quart le taux d’imposition réel que supportent les grands groupes et celui qui s’applique aux PME. Nous poursuivons ce travail de « démitage » de l’assiette et de lutte contre l’optimisation fiscale dans le cadre du projet de loi lutte contre la fraude fiscale et du projet de loi de finances.

M. le rapporteur général. Je souhaiterais éclairer l’état d’esprit avec lequel nous aborderons ces assises. Rien ne serait pire que des positions figées dès le départ sur des questions de niveau, qu’il s’agisse de plafond ou de plancher. Si nos partenaires fixent des exigences de cette nature, la discussion sera biaisée dès le départ et nous risquons fort de ressembler plus à des marchands de tapis qu’à des responsables soucieux d’un impôt juste, utile à l’économie et à la nation.

Mais pour partir sur de bonnes bases, il faut au préalable avoir procédé à des analyses et obtenu des informations détaillées et actualisées, notamment sur le poids de l’impôt en fonction de la taille des entreprises. Les pourcentages de taux d’imposition dits « implicites » qui circulent – 8 % pour les grandes entreprises, 13 % pour les moyennes, et 23 % pour les petites – sont-ils exacts et toujours d’actualité ? Par ailleurs, il faut aussi avoir des données par secteur d’activité. Enfin, nous avons également besoin de ces éléments s’agissant du CICE – ils ne vont d’ailleurs pas tarder à être disponibles – car il est intéressant de savoir où le poids de la main-d’œuvre est le plus important, quels sont le niveau et la fourchette des salaires…

Depuis plusieurs années, les dispositifs ponctuels et autres surtaxes se multiplient, tantôt one shot tantôt valables deux ans. Cette façon de faire ne pourra pas durer car cette absence de lisibilité est préjudiciable à la puissance publique comme aux entreprises.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Alain Claeys, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Jean-Louis Gagnaire, Mme Annick Girardin, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, M. Gérard Terrier, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Sylvain Berrios, M. François Pupponi

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