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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 20 novembre 2013

Séance de 17 heures 

Compte rendu n° 49

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président.

–  Examen, pour avis, d’un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Christian Eckert, rapporteur général).

–  Présences en réunion

La Commission examine, pour avis, un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances.

M. le président Gilles Carrez. Ce projet de décret d’avance est le troisième présenté à notre commission au cours de l’année 2013, le premier visait à créer un programme budgétaire dédié au Haut Conseil des finances publiques, et le second ouvrait 107 millions d’euros en faveur de l’hébergement d’urgence.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce projet de décret d’avance ouvre 742,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,128 milliard d’euros en crédits de paiement sur 15 programmes de 11 missions du budget général. Il s’agit d’ouvertures nettes de crédits de paiement. Les ouvertures brutes de crédits de paiement s’élèvent à 1,338 milliard d’euros comme indiqué dans le dossier de presse du Gouvernement sur le projet de loi de finances rectificative.

La différence vient du fait que les ouvertures brutes sur le titre 2, d’un montant de 576 millions d’euros, sont minorées des annulations réalisées sur ce même titre 2, à hauteur de 210 millions d’euros, pour deux raisons :

– un recyclage classique des marges identifiées sur le CAS Pensions en fin d’année de 63 millions ;

– une opération technique réalisée sur le CAS Pensions des personnels civils des ministères consistant à réduire de 30 points le taux de CAS afin d’éviter la constitution d’un excédent de 2 milliards d’euros à la fin de l’année. Cette opération technique conduit à diminuer de 873 millions d’euros les crédits du CAS dont 146,8 millions dans le présent décret d’avance. Cette opération est neutre sur la norme de dépenses « zéro valeur », car comme vous le savez les charges de pensions en sont exclues, et neutre sur le solde budgétaire, car de moindres recettes sont inscrites en miroir au niveau du CAS Pensions dans le PLFR.

Les ouvertures nettes de crédits de paiement proposées dans ce projet de décret d’avance concernent principalement le ministère de la défense, pour un montant de 578 millions, la masse salariale de l’État hors OPEX (opérations extérieures), pour un montant de 217 millions, la politique de l’emploi pour 211 millions d’euros et l’hébergement d’urgence à hauteur de 100 millions d’euros.

Il n’a pas d’impact sur l’équilibre budgétaire puisque l’ensemble des ouvertures de crédits est compensé par des annulations à due concurrence sur 14 missions et 31 programmes du budget général.

Je vous précise que j’analyserai en détail l’ensemble des ouvertures et annulations de crédits prévues par le décret d’avance et le PLFR (projet de loi de finances rectificative) dans mon rapport sur ce projet de loi qui sera publié à la fin de la semaine prochaine.

Comme d’habitude, notre commission doit rendre un avis formulant des observations articulées autour de trois questions traditionnelles, posées notamment par l’article 13 de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) :

1.– Les ouvertures de crédits proposées sont-elles bien inférieures à 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et les annulations de crédits sont-elles inférieures à 1,5 % des crédits ouverts en LFI et LFR de l’année ?

En l’espèce, la réponse est positive étant donné que les ouvertures et annulations en AE (autorisations d’engagement), qui s’équilibrent, sont égales à 0,8 milliard d’euros et à 1,128 milliard d’euros en CP (crédits de paiement), soit 0,25 % des crédits ouverts en AE et 0,38 % des crédits ouverts en CP en LFI 2013, qui n’ont pas été modifiés à ce stade par une LFR, malgré votre souhait, Monsieur le Président.

2.– Y-a-t-il urgence à ouvrir ces crédits ?

Sur les OPEX, le montant total du dépassement de crédits s’élève à 627 millions d’euros dont, 578 millions d’euros sont couverts par le présent décret d’avance et 49 millions d’euros par fonds de concours. Sur les 578 millions d’euros proposés dans le présent décret, 149 millions portent sur des dépenses de rémunération (titre II). Au total, les dépenses entraînées par les opérations extérieures du ministère de la défense s’élèvent en 2013 à 1,2 milliard d’euros en 2013 contre une prévision de 630 millions d’euros.

Deux observations s’imposent :

– c’est le montant le plus élevé enregistré depuis 10 ans, même s’il se rapproche du montant observé en 2011 du fait de l’opération Harmattan en Lybie, qui ne s’élevait cependant qu’à 1 171 millions d’euros, si j’ose dire. Depuis 2008, le surcoût annuel des OPEX a systématiquement été supérieur à 830 millions ;

– cette situation s’explique essentiellement par le lancement le 11 janvier 2013 de l’opération Serval au Mali, qui représente à elle seule la moitié des dépenses de l’année soit 647 millions d’euros, et qui par définition ne pouvait pas être anticipée en LFI 2013. En revanche, les dépenses en Afghanistan ont été réduites de moitié conformément aux engagements du Gouvernement – 259 millions d’euros contre 485 millions d’euros en 2012 – et sont maintenues à un niveau stable au Tchad à hauteur de 107 millions d’euros contre 109 millions en 2012.

Force est de constater que si la France n’avait pas participé à l’opération Serval, la budgétisation initiale des OPEX aurait donc été suffisante.

Le caractère aléatoire des opérations engagées après le vote de la LFI justifie donc le recours à un décret d’avance, sans qu’il soit possible d’attendre la publication de la LFR de fin d’année compte tenu de la nature des dépenses engagées : l’interruption des paiements pourrait porter atteinte à la continuité des opérations et à la sécurité des personnels engagés.

En revanche, au regard de l’exécution 2013, l’on peut s’interroger sur la pertinence de la réduction de l’enveloppe annuelle consacrée aux opérations extérieures dans la loi de programmation militaire en cours d’examen parlementaire et le PLF pour 2014, qui ne représente que 450 millions d’euros contre 630 millions d’euros en 2013. Si cette réduction de l’enveloppe est cohérente avec un certain nombre de décisions de désengagement opérationnel, à commencer par le retrait des forces d’Afghanistan et la réduction du dispositif français au Mali, elle reste cependant très inférieure à la moyenne des surcoûts constatés depuis 10 ans.

Il faut néanmoins rappeler qu’à compter de 2014, les surcoûts résultant d’OPEX nouvelles, c'est-à-dire non prévues en LFI, devront être compensés par le recours à la solidarité interministérielle et non sur le budget du seul ministère de la Défense.

Sur la masse salariale : les dépassements bruts, hors OPEX, s’élèvent à 427 millions d’euros, soit moins de 0,5 % des crédits initiaux de la masse salariale, ce qui démontre l’amélioration de la budgétisation initiale et la tenue des objectifs de réduction des dépenses catégorielles. Les dépassements nets totaux s’élèvent à 366 millions d’euros et 217 millions d’euros hors OPEX.

L’essentiel du dérapage constaté concerne le ministère de la Défense, principalement en raison des dysfonctionnements du logiciel Louvois, pour 180 millions d’euros, qu’il faut continuer de déplorer mais qui seraient en cours de résolution selon le ministre du Budget. De manière résiduelle, les dérapages s’expliquent aussi en raison du dynamisme de certaines dépenses de guichet : indemnisation chômage des anciens militaires et indemnisation au titre des victimes de l’amiante.

Le solde résulte de légers « dérapages » sur d’autres ministères, comme, traditionnellement, celui des Affaires étrangères, à hauteur de 22 millions d’euros en raison des variations de change, ou ceux de l’Écologie pour 8,9 millions d’euros et de l’Intérieur pour 5,7 millions d’euros, en raison des aléas de fin de gestion et du rattachement des dépenses de personnel relevant du programme Sécurité et éducation routières à la mission Sécurité et non plus à la mission Écologie.

Compte tenu de la nécessité de verser les rémunérations du mois de décembre, l’ouverture de ces crédits est urgente et ne peut attendre la publication de la LFR le 30 ou 31 décembre prochain.

Sur les crédits en faveur de la politique de l’emploi, l’on est amené à constater un accroissement de 227 millions d’euros par rapport à la prévision. Toutefois, cette dépense résulte des mesures adoptées par le Gouvernement dans le courant de l’année 2013, et qui ne pouvaient donc être anticipées, pour :

– augmenter le nombre de contrats aidés afin de lutter contre le chômage : au total, le nombre de contrats aidés est passé de 340 000 en LFI 2013 à 432 000 en fin d’année 2013. Les créations d’emplois sont d’ailleurs concentrées dans les secteurs correspondant aux priorités du Gouvernement, en particulier l’Éducation nationale.

– augmenter la durée moyenne des contrats aidés pour qu’ils passent progressivement d’environ 7 mois à 12 mois afin d’améliorer l’offre de formation accompagnant ces contrats.

Il faut également souligner l’ouverture d’autorisations d’engagement pour le financement des contrats de génération, créés le 1er mars 2013, qui s’élèvent à 153,6 millions d’euros. Sont ainsi budgétés 12 000 euros par contrat, soit 12 805 contrats conclus d’ici la fin de l’année.

Sur les crédits en faveur du logement et de l’hébergement d’urgence, l’ouverture s’élève à 100 millions d’euros dont :

– 87 millions d’euros sur le programme 177 relatif à la prévention et à la lutte contre l’exclusion, dont 11,5 millions d’euros pour financer les dépenses d’allocation de logements temporaires versées aux associations chargées d’insérer dans le logement des personnes en difficultés, et 75,5 millions d’euros au titre des dépenses d’hébergement d’urgence, à raison de 64 millions d’euros au titre de remboursement d’avances de trésorerie en provenance d’autres actions du programme et de 11,5 millions d’euros de dérapage supplémentaire au titre des nuitées d’hôtel.

Ces dépenses s’ajoutent aux 107 millions d’euros ouverts par le dernier décret d’avance et aux 275 millions d’euros votés en LFI 2013, soit un total de 458 millions d’euros, ce qui est très supérieur aux années précédentes : 261 millions d’euros en 2009, 290 en 2010, 273 en 2011 et 305 millions d’euros en 2012. Cela représente une progression globale de 66 % par rapport aux crédits initiaux et de 50 % par rapport à l’exécution 2012.

– 13 millions d’euros de CP sur le programme 303, pour l’allocation temporaire d’attente versée aux demandeurs d’asile jusqu’à la décision de la CNDA les concernant, qui s’ajoutent aux 140 millions d’euros prévus en LFI, soit un dépassement d’environ 10 %. Cela résulte de l’augmentation du flux de demandeurs d’asile de 9,6 % depuis le début de l’année et des délais d’instruction qui demeurent élevés, à 15 mois environ.

Je rappelle que la LFI 2013 avait pourtant majoré les crédits en faveur de l’hébergement d’urgence du programme 177 et du programme 303 de 13 % par rapport à la LFI 2012. Cette hausse des crédits a permis la création de 500 nouvelles places d’hébergement en 2013. Elle devait également permettre de créer 1 000 places supplémentaires au sein des CADA, portant leurs capacités à 22 410 places.

Le dernier décret d’avance a quant à lui permis de financer les décisions prises dans le cadre du plan pauvreté, adopté le 21 janvier 2013, prévoyant la pérennisation et la création de 4 500 places en faveur de l’hébergement d’urgence en sortie d’hiver et le renforcement des outils de veille sociale.

Le Gouvernement avait toutefois annoncé dès la présentation de ce décret que de nouveaux besoins se feraient jour d’ici la fin de l’année, essentiellement en raison d’un effet volume entraînant une hausse du nombre de nuitées hôtelières.

Pour 2014, le Gouvernement a proposé un nouveau rebasage à la hausse de 111,1 millions d’euros des dépenses en faveur des divers dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’hébergement de réinsertion, soit une progression de près de 10 % par rapport aux prévisions pour 2013. Cela étant, l’exécution 2013 peut nous faire craindre que cet effort reste malgré tout insuffisant.

Sur les autres ouvertures de crédits d’un montant mineur, je vous invite à vous reporter aux documents sur table.

3.– Quels sont les programmes et les missions faisant l’objet d’annulation de crédits ?

Le présent projet de décret d’avance propose d’annuler 1,128 milliard d’euros en AE et CP sur 14 missions et 31 programmes, dont 97 millions d’euros sur le titre 2 (masse salariale).

Les ministères contribuant le plus à ces annulations sont le ministère de la Défense, pour – 464 millions d’euros, le ministère de l’Écologie pour – 355 millions d’euros, le ministère de la Recherche pour – 175 millions d’euros, et le ministère de l’Intérieur pour
– 91,5 millions d’euros.

Les annulations de crédits ont été réalisées selon deux principes :

– un principe d’auto-assurance, appliqué aux missions dont certains programmes étaient en dépassement qui sont prioritairement financés par les autres programmes de la mission ;

– un principe de solidarité : toutes les missions ont été mises à contribution afin de couvrir les ouvertures nécessaires au-delà de l’auto-assurance.

Au total, un milliard d’euros est annulé sur des crédits mis en réserve (90 %), ce qui est de bonne méthode et qui souligne l’intérêt de la réserve de précaution, dont le montant a été révisé à la hausse pour 2014 par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Le solde est annulé grâce à des économies de constatation.

Le projet d’avis qui vous est soumis reprend en résumé les observations que je viens de faire. L’avis doit être transmis au Conseil d’État dans les meilleurs délais.

M. Alain Fauré. J’ai une question de procédure concernant les conséquences et la portée de la décision prise par la commission des Finances sur un tel projet de décret d’avance. Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce point ?

M. le rapporteur général. L’avis de la commission des Finances permet effectivement, après avis du Conseil d’État, au Gouvernement de publier le décret qui ouvre des crédits budgétaires, permettant ainsi au Gouvernement de procéder à leur paiement. La LOLF prévoit que les décrets d'avance doivent ensuite faire l'objet d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année en cours. Ce projet de décret d’avance n’occasionne en outre pas de dégradation du solde budgétaire puisque les ouvertures et annulations se compensent.

Il faut enfin ajouter que le montant de ce décret d’avance n’est pas d’une ampleur exceptionnelle, pour un décret d’avance de fin d’année.

M. Marc Goua. On assiste chaque année à un dépassement croissant des crédits d’hébergement d’urgence. Or, les faits montrent qu’il est urgent de modifier la législation relative à l’accueil et à l’intégration des étrangers. Il serait en effet possible d’éviter une partie des frais générés. Cette augmentation des coûts concerne en outre aussi bien l’État que les collectivités territoriales.

M. Régis Juanico. Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, j’insiste sur la nécessité de budgéter en début d’année des sommes suffisantes concernant l’hébergement d’urgence au sein des crédits du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’Énergie et concernant les demandeurs d’asile au sein des crédits du ministère de l’Intérieur.

Actuellement, les services de l’État sont souvent amenés à prendre des décisions difficiles lorsqu’il n’est plus possible d’héberger des demandeurs d’asile, faute de crédits disponibles. Cette situation explique l’ouverture de crédits récurrente par décrets d’avance en fin d’année. Il faudrait donc mettre en place un pilotage plus fin de la part des services du ministère.

M. le président Gilles Carrez. Ce décret d’avance m’amène à poser deux questions.

Tout d’abord, concernant les OPEX, on constate avec ce décret d’avance un dépassement de 627 millions d’euros, justifié par l’opération Serval au Mali lancée en janvier 2013. En revanche, comme le souligne le projet d’avis, la budgétisation de 450 millions d’euros prévue dans la loi de finances pour 2014 pour les OPEX semble très insuffisante.

Lors de l’examen du budget de la Défense, le ministre a justifié cela par des raisons tactiques. Une augmentation de la budgétisation des OPEX en loi de finances initiale aurait pour conséquence de grever le budget du ministère de la Défense. À l’inverse, le dépassement du budget prévu pour les OPEX étant couvert à un niveau interministériel, cette sous-dotation initiale permettrait en quelque sorte de protéger le budget du ministère de la Défense. Je trouve ce raisonnement assez alambiqué et j’aimerais savoir ce que le rapporteur général en pense.

Ma seconde réflexion porte sur le fait qu’entre le décret d’avance soumis à la commission des Finances en septembre 2013, qui prévoit une augmentation de 107 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence et ce nouveau décret d’avance, on arrive à une augmentation totale des dépenses de 199 millions d’euros.

Or, en annulations, on constate une diminution de 199 millions d’euros des crédits pour le programme Infrastructures et services de transports.

Ce rapprochement me semble significatif. Je suis d’ailleurs en accord total avec notre collègue Marc Goua. Il faut réformer l’hébergement d’urgence. Les centres d’hébergement d’urgence sont saturés par des demandeurs d’asile. En conséquence, les personnes relevant de l’hébergement d’urgence doivent être hébergées dans des hôtels, à un coût nécessairement élevé.

Je souhaiterais poser une question au rapporteur général à ce sujet. Le ministre de l’Écologie a indiqué qu’il n’y aurait pas d’écotaxe en 2014. Or, on annulera 440 millions de crédits budgétaires pour le programme Infrastructures et services de transports pour l’année 2013 lors de la prochaine loi de finances rectificative. Un schéma identique risque de se renouveler l’année prochaine.

Comment financerons-nous les infrastructures de transports ferroviaires et routiers ? La Commission devrait peut-être procéder à une audition du ministre à ce sujet. La tendance récurrente au financement de dépenses d’intervention dites de guichet par des annulations de crédits d’investissement pose de véritables questions.

Mais je m’empresse de dire que cela existe depuis longtemps, je ne souhaite pas adopter de ton polémique à cet égard.

M. Alain Fauré. J’ai entendu la fin de votre intervention et votre souci d’éviter la polémique. Cependant, s’agissant de l’écotaxe, il m’apparaît nécessaire d’étudier précisément la provenance des recettes de cette taxe. Il faut s’interroger sur la part éventuelle versée par les transporteurs étrangers et celle versée par les transporteurs français. Il semble aussi important de pénaliser le moins possible les transporteurs français. Sur ces sujets, les députés dans leur ensemble doivent être raisonnables et analyser ces questions de manière responsable.

M. le président Gilles Carrez. C’est exactement ce que je souhaite faire. D’ailleurs, ce matin au cours d’une réunion organisée par notre collègue Marc Le Fur, j’ai rencontré des maires bretons de sa circonscription, auxquels j’ai expliqué ma position en faveur de l’écotaxe. Je leur ai indiqué que dans le département où je suis élu, le Val-de-Marne, la majorité des élus est favorable à une telle taxation. Le département du Val-de-Marne, présidé par un élu communiste, a demandé l’installation de portiques pour permettre le recouvrement d’une telle taxe. Il est indispensable de faire de la pédagogie auprès de nos concitoyens sur ces enjeux cruciaux de financement de nos infrastructures.

M. Thierry Mandon. Vous dites qu’on annulera 440 millions de crédits budgétaires pour le programme Infrastructures et services de transport pour 2013 lors de la prochaine loi de finances rectificative parce que le ministre de l’Écologie aurait indiqué qu’il n’y aurait pas d’écotaxe perçue en 2014.

Or, il n’est pas certain qu’il n’y ait pas de recettes liées à l’écotaxe avant la fin de l’année 2014. Nous ne connaissons d’ailleurs pas le montant qu’il est possible de retirer de l’écotaxe.

Concernant le droit d’asile, vous avez tout à fait raison, il y a un calendrier de réforme de la procédure. La remise du rapport Létard-Touraine est, je crois, imminente. Un projet de loi, qui a pour objectif de réduire considérablement les délais de traitement des demandes, et donc les durées d’hébergement financées, doit ensuite être présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année. Cela devrait régler une partie des problèmes. Reste à savoir quand ce texte sera inscrit à notre ordre du jour.

M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet, nos collègues Valérie Létard et Jean-Louis Touraine devraient remettre un rapport au ministre de l’Intérieur à la fin du mois se prononçant sur les différents scénarios de réforme identifiés, que sont notamment :

– la réduction des délais d’instruction, qui est un passage obligé ;

– la mise en place d’un système permettant de déterminer, dès l’arrivée d’un demandeur d’asile, la recevabilité, ou non, de sa demande, afin de réaliser un traitement réellement accéléré des demandes manifestement infondées ;

– un pilotage directif des hébergements favorisant un équilibre entre les territoires, ce qui nécessitera un gros travail ;

– la mise en place d’une territorialisation accrue des procédures.

Thierry Mandon a rappelé que ces quatre pistes devraient être incluses dans un projet de loi annoncé pour le courant de l’année 2014 à l’Assemblée.

J’ajouterai que le CEC – Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques –, sur ma suggestion, confortée par plusieurs commissions permanentes, a prévu de travailler sur l’évaluation de la politique d’asile, dans une démarche bipartisane qui devrait permettre d’éviter les polémiques.

Je voudrais rappeler à Régis Juanico que, même s’ils sont insuffisants, les crédits en loi de finances initiale ont été majorés de 36 millions d’euros en 2012, de 50 millions en 2013, et de 111 millions en 2014. J’attire votre attention sur le fait que l’année prochaine ces crédits risquent néanmoins de se révéler insuffisants au vu de ce qu’on l’on constate aujourd’hui.

Sur les OPEX, je ne sais pas si la stratégie consistant à mutualiser ce qui ne peut pas être couvert à l’intérieur des budgets ou des missions est la bonne, car on s’aperçoit que c’est la Défense qui assume une grosse partie, sinon la totalité, de la charge. Il est, en effet, difficile de demander en fin d’année à certains ministères tels que l’Éducation nationale, où 97 % des crédits sont destinés à couvrir des frais de personnel, de réduire très substantiellement leurs dépenses. Au contraire, on peut justifier, dans une certaine mesure, des reports de certains programmes d’investissement, comme au sein du ministère de la Défense. C’est le cas cette année, puisque la Défense se retrouve finalement presque autant contributrice qu’elle n’est bénéficiaire dans le mécanisme de répartition des annulations et des ouvertures de crédits.

Pour autant, je suis d’accord sur le fait que la provision constituée sur les OPEX dans le PLF 2014 et la LPM paraît sous-estimée et risque de poser problème à l’avenir.

Concernant les crédits relatifs aux infrastructures de transport, l’annulation de 177 millions d’euros, dont vous avez parlé, vise la subvention versée à RFF et serait absorbable d’après les informations qui m’ont été transmises. Le reste des 440 millions d’euros d’annulations proposées par le PLFR concerne la subvention de l’AFITF à hauteur de 188 millions d’euros, des crédits destinés à l’entretien routier à hauteur de 21 millions d’euros, et de crédits divers pour 53 millions d’euros.

Je ne rentrerai pas dans le débat sur l’écotaxe. Le ministre Philippe Martin a fait un certain nombre de déclarations, mais j’ai cru comprendre que le Premier ministre ne les avait pas toutes forcément confirmées. Restons donc prudents sur ce sujet. À ce stade, sur proposition du Président Bartolone, l’Assemblée nationale sera amenée à faire des propositions pour rendre plus acceptable quelque chose qui n’est aujourd’hui pas accepté.

Vous avez parlé du Val-de-Marne. À mon tour, je souhaiterais indiquer que l’autoroute A31, entre Luxembourg et Nancy, qui traverse la Meurthe-et-Moselle et la Moselle, est l’axe principal qui lie les grands ports du nord au sud de l’Europe. Elle est gratuite jusqu’au péage de Gye, soit sur plus d’une centaine de kilomètres. Nous avons là un transit international extraordinaire puisque c’est l’axe qui relie Anvers, Rotterdam et tout le sud de l’Europe, notamment l’Espagne. Une partie passe par l’Alsace et nos collègues alsaciens sont demandeurs de l’écotaxe.

Vous savez aussi, mes chers collègues, que les règles de concurrence et les règles fixées par l’Union européenne ne permettent pas de distinguer entre les camions français et les camions étrangers qui roulent en France. Je pense que cette question devrait donc être traitée au niveau européen, car il s’agit de grands flux internationaux qui traversent l’Europe.

Pour revenir à RFF et à son programme d’investissements, il y aura un prochain projet de loi sur l’organisation du réseau ferroviaire et des entreprises de transport ferroviaire. Je pense que nous aurons là l’occasion d’en reparler.

Cela ne nous empêche pas de constater que ce projet de décret d’avance respecte les conditions prévues par la LOLF, et je propose d’adopter le projet d’avis qui vous est soumis.

Mme Christine Pires-Beaune. Je voudrais revenir sur le droit d’asile. Il faut certes rapidement légiférer sur ce sujet pour des questions financières mais, aussi, sinon avant tout, pour des questions de dignité humaine. Les conditions de vie de cette population ne sont pas acceptables. Mais pour légiférer sur un sujet aussi sensible, nous avons besoin de sérénité et de ne pas entendre certaines propositions qui sont lancées aujourd’hui, notamment sur le droit du sol. Il y aurait là un travail pédagogique à faire.

La Commission adopte le projet d’avis sur le décret d’avance, qui comporte notamment les sept dispositions suivantes :

1. Le présent décret d’avance ouvre et annule 742,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,128 milliard d’euros en crédits de paiement, soit un montant bien inférieur aux limites quantitatives fixées par les articles 13 et 14 de la LOLF.

2. Comme la commission des Finances l’a indiqué dans tous ses avis depuis le décret d’avance n° 2008-1244 du 28 novembre 2008, la provision constituée en loi de finances initiale au titre des surcoûts entraînés par les opérations extérieures du ministère de la défense (OPEX), à hauteur de 630 millions d’euros en 2013, s’avère substantiellement insuffisante.

Force est néanmoins de constater que, cette année, le dérapage des dépenses lié aux OPEX, d’un montant de 627 millions d’euros, dont 149 millions d’euros de dépenses de rémunération, résulte exclusivement du lancement de l’opération Serval au Mali le 11 janvier 2013, qui ne pouvait, par définition, être anticipée en loi de finances initiale. En revanche, le surcoût des OPEX en Afghanistan a été réduit de moitié (259 contre 485 millions d’euros en 2012) et demeure à un niveau stable au Tchad (107 millions d’euros contre 109 en 2012) et sur les autres théâtres d’opération conformément aux engagements du Gouvernement. Par conséquent, bien que le surcoût total des OPEX en 2013 atteigne le record de 1,2 milliard d’euros, la Commission observe que la budgétisation des OPEX en loi de finances initiale aurait été respectée si la France n’avait pas lancé postérieurement l’opération Serval. Elle en déduit que la condition d’urgence posée par le IV de l’article 13 de la LOLF est remplie dès lors que cette opération ne pouvait être prévue et que l’interruption des paiements pourrait porter atteinte à la continuité des opérations et à la sécurité des personnels engagés.

Elle s’interroge en revanche, au regard de l’exécution 2013, sur les conséquences de la réduction de la budgétisation initiale des OPEX de 630 à 450 millions d’euros à compter de 2014 en vertu de la nouvelle loi de programmation militaire en cours de discussion. Si cette réduction est conforme à un certain nombre de désengagements opérationnels, à commencer par le retrait des forces d’Afghanistan et la réduction du dispositif français au Mali (Serval futur), la provision initiale reste très inférieure à la moyenne des surcoûts constatés depuis 10 ans et laisse présager des dérapages futurs.

3. Les écarts nets observés sur les dépenses du titre 2 du budget général s’élèvent cette année à près de 217 millions d’euros, hors OPEX. La commission des Finances constate néanmoins que les écarts bruts s’élèvent à 427 millions d’euros hors OPEX en 2013, soit un niveau sensiblement inférieur à celui constaté fin 2012 (604 millions d’euros). La différence vient du fait que les ouvertures brutes sur le titre 2 sont minorées des annulations réalisées sur ce même titre 2, à hauteur de 210 millions d’euros, pour deux raisons : un recyclage classique des marges identifiées sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions en fin d’année (63 millions) et une opération technique réalisée sur le CAS Pensions des personnels civils des ministères consistant à réduire de 30 points le taux de CAS afin d’éviter la constitution d’un excédent de 2 milliards d’euros à la fin de l’année. Cette opération technique, qui répond à une recommandation de la Cour des comptes selon laquelle un excédent d’un milliard d’euros suffit à sécuriser le fonctionnement du CAS, conduit à diminuer de 873 millions d’euros les crédits du CAS dont 146,8 millions d’euros dans le présent décret d’avance. Cette opération est neutre sur la norme de dépenses « zéro valeur » (dont les charges de pensions sont exclues) et sur le solde budgétaire (de moindres recettes sont inscrites en miroir au niveau du CAS Pensions dans le PLFR).

La Commission observe que l’essentiel des dérapages constatés sont encore une fois imputables au ministère de la Défense (180 millions d’euros), principalement en raison de la persistance de dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS et, de manière résiduelle, du fait du dynamisme de certaines dépenses de guichet (indemnisation chômage des anciens militaires, indemnisation des victimes de l’amiante). Le solde résulte de « dérapages » de moindre importance sur d’autres ministères comme celui des Affaires étrangères (22 millions d’euros en raison de l’impact traditionnel des variations de change sur les éléments de rémunération), ou ceux de l’Écologie (8,9 millions d’euros) et l’Intérieur (5,7 millions d’euros) en raison des aléas de fin de gestion et du rattachement des dépenses de personnel relevant du programme Sécurité et éducation routières à la mission Sécurité et non plus à la mission Écologie.

Si l’urgence de la situation ne permet pas de procéder à l’ouverture des crédits dans la loi de finances rectificative de fin d’année pour liquider la paye de décembre, la commission des Finances invite fermement le Gouvernement, à mettre fin aux erreurs de versement des rémunérations résultant du logiciel LOUVOIS dans les meilleurs délais, ou, à tout le moins, d’anticiper le risque de dérapage en résultant dès la loi de finances initiale.

4. S’agissant de l’ouverture de 211 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 227 millions d’euros en crédits de paiement au titre de la politique de l’emploi, la commission relève qu’elle répond à des engagements du Gouvernement pris postérieurement à la loi de finances initiale. Afin de lutter contre l’augmentation du chômage, le Gouvernement a annoncé dès la fin du mois de janvier 2013 un « surgel » de crédits de deux milliards d’euros destinés notamment à financer l’allongement de la durée des contrats aidés de 7 à 12 mois afin d’améliorer l’efficacité du dispositif de formation qui y est associé et l’augmentation de leur nombre, porté de 340 000 en loi de finances initiale à 432 000 au cours de l’année 2013. De plus, l’entrée en vigueur de la loi du 1er mars 2013 portant création des contrats de génération justifie l’ouverture de 153,6 millions d’euros en autorisations d’engagement, afin de couvrir le financement d’environ 12 800 contrats signés en 2013, pour un montant de 12 000 euros par contrat, les crédits de paiement étant, quant à eux, étalés sur trois ans à compter de la fin de la première année du contrat.

5. Enfin, outre une ouverture de crédits en faveur des associations chargées de l’insertion dans le logement des personnes en situation de précarité (11,5 millions d’euros), la commission observe un nouvel accroissement des dépenses d’hébergement d’urgence classique (75,5 millions d’euros sur le programme 177) et d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (17,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,3 millions d’euros en crédits de paiement sur le programme 303). Ces dépenses s’ajoutent aux crédits ouverts en loi de finances initiale et dans le décret d’avance n° 2013-868 du 27 septembre 2013 au titre de l’hébergement d’urgence. Au total, ces dépenses seront particulièrement élevées en 2013 (458 millions d’euros sur le programme 177 et 138 millions d’euros sur le programme 303) alors même que les crédits initiaux des deux programmes avaient déjà été majorés de près de 13 % en loi de finances initiale.

Comme elle l’a déjà indiqué dans son précédent avis du 18 septembre 2013, la Commission constate que cette situation résulte de l’accroissement de la précarité en France en raison de la crise économique et sociale qui touche davantage de familles avec enfants, lesquelles mobilisent davantage de places, et de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile en raison du contexte international (+ 9,6 % depuis janvier 2013).

En l’espèce, les ouvertures de crédits proposées ont essentiellement pour objet de couvrir le remboursement d’avances de trésorerie en provenance d’autres actions du programme 177 (63 millions d’euros) ainsi qu’un dérapage supplémentaire au titre des nuitées d’hôtel (11,5 millions d’euros) et de l’allocation temporaire d’attente (13,3 millions d’euros).

6. Les annulations de crédits portent sur 14 missions et 31 programmes du budget général et permettent de préserver l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances pour 2013. Le projet de décret d’avance fait porter 90 % des annulations sur la réserve de précaution constituée en début d’année, laquelle a été majorée de deux milliards d’euros dès la fin janvier 2013, et principalement sur les ministères qui bénéficient par ailleurs des ouvertures de crédits. Sont impactés au premier chef, les ministères de la Défense, de l’Écologie, de la Recherche et de l’Intérieur qui contribuent pour 96,5 % à l’ensemble des annulations de crédits de paiement.

7. Le présent avis ne préjuge pas de la décision de la Commission lors de l’examen de la demande de ratification du décret dans le prochain projet de loi de finances rectificative afférent à l’exercice 2013.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 novembre 2013 à 17 h 15

Présents. - M. Gilles Carrez, M. Christian Eckert, M. Alain Fauré, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Christophe Castaner, M. Thierry Robert, M. Nicolas Sansu, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier

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