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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 6 mai 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 71

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président

–  Élection d’un vice-président de la Commission

–  Audition, ouverte à la presse, de M. David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État

–  Présences en réunion

M. le président Gilles Carrez. Avant d’auditionner M. David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État, il nous appartient, suite à l’élection de Valérie Rabault aux fonctions de rapporteure générale, le 23 avril dernier, de procéder à l’élection d’un vice-président de notre Commission.

J’ai été saisi d’une seule candidature, celle de Dominique Lefebvre.

Y en a-t-il d’autres ?

Il n’y en a pas.

Dès lors, en vertu de l’article 39 de notre Règlement, qui dispose que « lorsque, pour chaque catégorie de fonction, le nombre des candidats n’est pas supérieur au nombre de sièges à pourvoir, il n’est pas procédé au scrutin», il n’y a pas lieu de procéder à un scrutin.

Je proclame donc Dominique Lefebvre élu aux fonctions de vice-président.

*

* *

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le directeur général, nous n’avions pas eu l’occasion de vous recevoir depuis votre nomination en 2012 et votre audition était prévue de longue date. Ce ne sont donc pas les dossiers d’actualité, comme celui de la Société nationale Corse Méditerranée – SNCM – qui faisait encore l’objet d’une question au Gouvernement cet après-midi, ni même celui, brûlant, d’Alstom, groupe dans lequel l’État n’a plus de participation, ou encore celui de PSA, qui justifient que nous vous entendions.

Les participations de l’État doivent être gérées avec le plus grand professionnalisme. D’un strict point de vue budgétaire, elles sont considérées comme des recettes potentielles et, par le passé, elles ont pu servir, par le biais de privatisations, au désendettement de l’État ou à la recapitalisation de certaines entreprises.

L’Agence des participations de l’État – APE –, créée en 2004 et aujourd’hui placée sous la double tutelle du ministère des Finances et des comptes publics et du ministère de l’Économie, du redressement productif et du numérique, a pour rôle de gérer de façon cohérente et la plus professionnelle possible les participations, majoritaires ou minoritaires, de l’État et ainsi de valoriser au mieux les intérêts patrimoniaux de l’État dans les entreprises à participation publique.

Pouvez-vous, dans un propos introductif, monsieur le directeur général de l’APE, qui êtes aussi commissaire aux participations – fonction créée en 2010 –, nous exposer la doctrine actuelle de l’État actionnaire ? Un courrier sur le sujet aurait été préparé et mis à la signature des deux ministres, m’avez-vous indiqué. Or, si nous avons été informés de communications en Conseil des ministres, nous n’avons reçu aucun courrier officiel. Je suis donc très heureux de vous donner la possibilité de nous présenter le contenu de ce courrier que nous allons prochainement recevoir.

M. David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État. Dès mon retour à mon bureau, je vais vérifier ce qu’il est advenu de ce courrier qui avait été signé par les deux ministres précédents. Le remaniement en a peut-être interrompu l’envoi, je l’ignore. Nous allons, en tout cas, nous assurer qu’il vous sera bien adressé officiellement. Pensant qu’il l’avait été, nous avons diffusé sur notre site Internet ces éléments de doctrine, dont la primeur devait être réservée aux présidents des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’APE a été créée en 2004 – non sans difficulté d’ailleurs puisqu’il a fallu près d’un an pour que tous les textes fondateurs soient pris –, sous l’impulsion de M. Francis Mer, qui a transformé l’ancien service des participations de l’État de la direction générale du Trésor en un service à compétence nationale. Tout d’abord rattachée au directeur général du Trésor avant de l’être en 2010 au ministre des Finances, elle a été placée, en 2012, sous la double tutelle du ministère des Finances et du ministère du Redressement productif, toujours d’actualité même si le périmètre des portefeuilles ministériels a changé. L’Agence fêtera cette année ses dix ans.

Depuis deux ans que j’ai pris mes fonctions, l’APE a œuvré à ce que l’État actionnaire se dote d’une doctrine. C’est après les difficultés rencontrées avec le Crédit lyonnais puis France Télécom – qui n’était pas encore Orange –, deux événements considérés comme des défaillances de l’État actionnaire, qu’il avait été décidé de créer cette agence et qu’il lui avait été ordonné de gérer les titres de l’État en bon père de famille – à quoi se résumait l’essentiel de sa mission avant 2010.

En 2010, cette mission a été élargie et la fonction de commissaire aux participations créée, afin que l’État actionnaire ne se contente pas de gérer ses titres comme le ferait un notaire, en bon père de famille, mais ait également une préoccupation industrielle et sociale, sans laquelle il ne saurait y avoir d’entreprise qui vaille durablement.

Après cette première évolution doctrinale en 2010, nous avons, à partir de 2012, cherché à préciser encore les objectifs des participations de l’État. En gros, il est deux façons pour les États d’être actionnaire. Ils peuvent l’être par défaut, en cherchant à se débarrasser au plus vite des actions qu’ils ont pu être amenés à acquérir dans des situations exceptionnelles – c’est la doctrine implicite aux États-Unis qui a conduit l’État américain à entrer au capital de General Motors lorsque l’entreprise menaçait de faire faillite pour céder ses parts aussitôt la situation financière et industrielle de l’entreprise assainie. C’est aussi la doctrine sous-jacente en Grande-Bretagne, en Allemagne – en tout cas au niveau fédéral car il n’en va pas de même au niveau des Länder –, et au Japon. Pour autant, ce n’est pas la doctrine dominante au niveau mondial. La plupart des États ont choisi, sous des formes diverses, d’intervenir en fonds propres dans les entreprises, en acquérant des actions ou des instruments équivalents. De par son histoire, sa culture colbertiste et la taille de son patrimoine public, la France se range sans ambiguïté parmi les pays qui assument l’actionnariat de l’État et voient la détention de fonds propres dans les entreprises comme un outil de politique publique.

Mais pour quoi faire ? C’est en essayant de répondre à cette question que nous avons tissé, à grandes mailles, ce qui constitue d’ailleurs des lignes directrices plutôt qu’une doctrine. En effet, les règles qui nous régissent sont moins précises et moins strictes que celles qui s’appliquent, par exemple, à la Banque publique d’investissement – BPI –, obligée, elle, d’avoir une véritable doctrine – exerçant son activité pour le compte de deux actionnaires, en quasi-concurrence avec des fonds d’autre nature, son action est nécessairement davantage encadrée.

Il existe quatre grandes raisons pour l’État de participer au capital d’une entreprise. La première, celle qui vient immédiatement à l’esprit, est la nécessité d’être présent dans des entreprises jugées stratégiques pour des raisons de souveraineté nationale. Cela étant, il est des pays qui considèrent que, même dans ces secteurs, il n’est pas besoin d’actionnariat public. Les deux principaux secteurs concernés sont le nucléaire, qu’il s’agisse des principaux producteurs de la filière ou des opérateurs de centrales, et la défense nationale, secteurs pour lesquels l’État possède des actions – au moins une action, devrais-je dire – dans quasiment toutes les entreprises-clés.

La deuxième raison pour l’État d’être actionnaire est d’être présent au capital de sociétés qui, à un moment de leur histoire, ont assuré ou vont assurer un service d’intérêt national – on pourrait dire un service public, mais ce serait quelque peu restrictif. L’État doit s’assurer qu’elles sont assez résilientes pour répondre aux besoins fondamentaux du pays. Se classent dans cette catégorie La Poste, les opérateurs de télécommunications, en tout cas à un moment donné, les producteurs d’énergie électrique non nucléaire comme GDF-Suez, les opérateurs de transport. L’ont été aussi, à une époque, les sociétés d’autoroutes, lorsqu’il a fallu les mettre en place. Demain, de nouveaux opérateurs apparaîtront sans doute, appelés à répondre à de nouveaux besoins, et auxquels on ne pense pas spontanément aujourd’hui pour une entreprise publique ou à participation publique.

Troisième raison pour laquelle l’État peut entrer au capital d’une entreprise : participer à un tour de table actionnarial, à un niveau variable, à un moment de la vie d’une entreprise où celle-ci a besoin que son actionnariat soit stabilisé, consolidé ou renforcé, qu’il s’agisse d’accompagner sa croissance, ce qui exige des capitaux, ou sa consolidation, ce qui exige de pouvoir s’appuyer sur un actionnaire fort dans une logique de « noyau dur » – notion qui a existé par le passé dans le capitalisme français et qui, pour diverses raisons, prudentielles et stratégiques, s’est dissipée. C’est dans cet esprit, qui implique un actionnariat sans doute plus temporaire que dans les deux cas précédents, que l’APE est entrée directement au capital de PSA aussi bien que Bpifrance, investisseur public détenu à 50 % par l’État, accompagne la consolidation, la croissance ou le développement à l’international de certaines entreprises.

Le quatrième cas de figure, plus exceptionnel mais que l’on ne peut passer sous silence car il a toujours figuré parmi les raisons d’une intervention publique en fonds propres, est celui du sauvetage d’une entreprise dont la faillite pourrait présenter un risque systémique pour le pays. Cela a été le cas pour Dexia. De telles interventions doivent avoir reçu l’aval de la Commission européenne, qui doit les juger motivées par l’ampleur des risques que ferait courir une non-intervention. C’est ainsi que Dexia et certaines structures de défaisance héritées du passé sont entrées dans notre portefeuille.

À tout cela, s’ajoute un principe supplémentaire, celui du rendement, non pas financier, mais stratégique de chaque euro investi. La France n’est ni la Norvège ni le Qatar, elle ne dispose pas de revenus croissants à replacer dans l’économie nationale ou étrangère. Les pays que je viens de citer réinvestissent, en effet, beaucoup à l’étranger, tandis que l’État français le fait principalement dans des entreprises installées en France ou dont l’essentiel de l’activité s’y développe. Nos moyens n’étant pas extensibles, il nous faut faire des arbitrages.

Notre objectif est de rechercher le rendement stratégique maximal pour chaque euro investi. Si nous recherchons un contrôle minoritaire, nous n’avons pas besoin d’aller très au-delà, non plus que si nous recherchons un contrôle majoritaire. Dans ces deux cas, tout euro investi au-delà de l’objectif stratégique pourrait être utilisé autre part. Ainsi avons-nous cédé quelques points du capital détenu par l’État français dans Airbus Group, ex-EADS, sans que cela diminue en rien son pouvoir vis-à-vis de ses homologues allemand et espagnol tout en permettant de dégager plusieurs centaines de millions d’euros pour les réinvestir dans PSA Peugeot-Citroën et lui permettre de rebondir. C’est là un meilleur usage de l’argent public que de tout immobiliser dans Airbus Group en se privant de la possibilité d’intervenir auprès de PSA ou de recapitaliser BPI quand elle en a eu besoin. Nous devons toujours nous demander si notre participation dans une entreprise est à visée stratégique ou de pur rendement financier. Dans la deuxième hypothèse, on peut se poser la question de l’arbitrage en termes de risques. Il n’est pas de saine gestion que de tout placer dans le même secteur, la même activité ni la même zone géographique.

Il existe deux instruments principaux d’intervention. Tout d’abord, l’APE peut intervenir en direct ou en semi-direct, puisqu’il existe encore quelques holdings historiques de détention comme la SOGEPA pour Airbus ou TSA pour Thales. Il y a ensuite Bpifrance Participations, pôle investissements en fonds propres du groupe BPI, détenu pour moitié par l’État et par la Caisse des dépôts et consignations. Dans mon esprit, c’est un système de poupées gigognes : il existe entre les deux instruments un continuum. Il aurait été envisageable que ce soit Bpifrance qui entre au capital de PSA plutôt que l’APE en direct. Toutefois, compte tenu de l’ampleur du dossier, de la négociation avec les autorités chinoises pour qui il est important de discuter d’État à État, il était plus simple que ce soit l’APE. Mais il s’agit là d’un choix d’opportunité dans un cas d’espèce. Il n’est pas interdit à Bpifrance d’entrer au capital de grandes entreprises, même si elle compte aujourd’hui en portefeuille davantage de PME et d’ETI, catégories d’entreprises que l’APE, qui ne dispose pas des mêmes équipes qu’elle, a plus de mal à appréhender, même si elle en a, elle aussi, quelques-unes en portefeuille. L’Agence est, en effet, une toute petite structure, qui compte moins d’une trentaine de chargés ou directeurs de participations. Elle se concentre donc sur les grandes entreprises et les participations les plus pérennes.

Nous avons à jongler avec les multiples « casquettes » de l’État, celle d’actionnaire n’étant que l’une d’entre elles. C’est l’une des grandes difficultés, que nos homologues étrangers rencontrent également. Tout à notre rôle d’actionnaire, nous ne pouvons, en tant que tel, exprimer les préoccupations d’un régulateur, d’un taxateur et, à la limite, d’un responsable de rendement budgétaire. Car même si les dividendes ne sont pas versés au compte d’affectation spéciale – CAS – mais directement au budget de l’État, nous avons le souci que nos investissements non seulement répondent aux objectifs stratégiques du Gouvernement, mais aussi assurent un rendement financier. Celui-ci est aujourd’hui assez satisfaisant, notamment parce que la forte diminution du prix des actions dans la période précédente a gonflé d’autant le rendement apparent des dividendes, mais cet effet d’optique va s’atténuer. L’an passé, nous avons procuré 4,5 milliards d’euros de recettes budgétaires à l’État, ce qui est loin d’être négligeable. Nous assumons pleinement ce rôle de contributeur au budget de l’État.

En revanche, il n’est pas de notre rôle de réguler, par exemple, le marché de l’énergie à la place de la Commission de régulation de l’énergie ni de nous substituer au ministère chargé de l’Énergie, pas plus que nous ne pouvons effectuer les commandes militaires à la place de la direction générale de l’armement. Nous avons des échanges avec ces administrations et ces autorités administratives indépendantes mais, lorsque nous siégeons en conseil d’administration ou en assemblée générale en tant qu’actionnaire, nous ne défendons que l’intérêt social de l’entreprise ; un commissaire du Gouvernement éventuellement présent à nos côtés, comme c’est le cas à EDF, exprimera plus librement la position de l’État, car n’ayant aucune préoccupation ni d’administrateur ni d’actionnaire.

Pour l’application de la doctrine que je viens d’énoncer, nous avons, à l’APE, deux types de « casquettes ». En tant qu’actionnaire, nous nous exprimons généralement lors des assemblées générales, en amont desquelles nous avons maintenant institué l’envoi d’une lettre annuelle d’actionnaire aux dirigeants, leur indiquant les positions que nous défendrons en assemblée. Ainsi avons-nous très récemment fait savoir à quels critères devait répondre le package de rémunération décidé dans le cadre du « say on pay » pour être acceptable par l’État, et que, s’ils n’étaient pas remplis, nous voterions contre les résolutions afférentes.

Dans la quasi-totalité des entreprises dont l’APE est actionnaire, elle siège également au conseil d’administration. Dans les entreprises relevant des dispositions législatives relatives aux délégations de service public – DSP –, c’est-à-dire celles dont nous détenons plus de la moitié du capital en direct, nous avons un tiers des sièges d’administrateur. Dans les autres, le nombre de nos administrateurs est proportionnel à notre participation, dès lors que celle-ci est supérieure à 10 %. En général, un représentant de l’APE endosse le rôle de coordinateur et d’animateur des administrateurs représentant l’État au titre d’autres administrations, qui peuvent être des personnalités qualifiées un peu plus indépendantes, mais qui n’en doivent pas moins appliquer les consignes de l’État actionnaire.

Ce rôle d’actionnaire nous conduit à assumer collectivement des décisions au sein du conseil d’administration, en étant très attentifs, au nom de l’État, au respect des principes de bonne gouvernance ainsi qu’à la responsabilité sociale et environnementale. Le taux de féminisation des conseils d’administration des entreprises dont l’État est actionnaire est, en général, supérieur à la moyenne des conseils français. Nous avons aussi veillé à ce que, même dans les sociétés ne relevant pas des dispositions relatives aux DSP, les salariés soient représentés au sein du comité des nominations et du comité des rémunérations, avant même que le code AFEP-MEDEF ne le recommande. Dans toutes les entreprises dont nous sommes actionnaires, 90 % à 100 % des recommandations de ce code sont appliquées. Il en est toutefois certaines qui ne peuvent l’être, car ce code a été conçu pour des sociétés non contrôlées. Dans une société comme Thales, où le pacte d’actionnaires conclu avec Dassault la met sous contrôle, il est impossible d’avoir le nombre d’administrateurs indépendants recommandé par ce code.

Nous accueillons même parfois, à titre d’invités, au sein des conseils d’administration des personnalités qui ne sont ni administrateurs ni indépendantes. C’est le cas du président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, invité au comité d’investissement de Bpifrance Participations.

M. Henri Emmanuelli. La Caisse est actionnaire à 50 % de Bpifrance. Ce n’est donc pas une faveur !

M. David Azéma. En effet. Et par symétrie, le directeur général de l’industrie s’y est fait inviter aussi.

Nous sommes entrés dans un processus de modernisation du comportement de l’État actionnaire, dont une première étape a consisté dans la publication de cette nouvelle doctrine. Pour la première fois depuis la création de l’APE, un cadre est donné, certes souple, mais qui pose les fondements de notre action. Un article de la loi d’habilitation du 4 septembre 2013 doit permettre de simplifier par ordonnance certaines des règles qui encadrent la gouvernance des entreprises à participation publique et de remettre un peu d’ordre dans les différentes règles relatives aux cessions, si complexes que, presque à chaque fois, nous sommes obligés de consulter le Conseil d’État pour savoir de quel régime cela relève. Espérons que l’ordonnance puisse être signée avant la date d’expiration de l’habilitation, début septembre 2014.

Parallèlement, l’APE a entrepris un travail sur elle-même pour faire évoluer son organisation et son fonctionnement, de façon à gérer de manière encore plus professionnelle ses participations. Les procédures de nomination des administrateurs et de désignation de dirigeants ont été revues : nous faisons désormais presque systématiquement appel à des chasseurs de tête pour constituer des listes de candidats soumises à la décision des autorités politiques. Nous avons également réorganisé l’Agence, qui comptait jusqu’à présent trois sous-directions et six bureaux pour trente personnes, l’un de ces bureaux gérant à la fois les participations dans Renault, dans les entreprises de l’audiovisuel et dans les aéroports, ce qui manquait pour le moins d’homogénéité. Nous avons supprimé l’échelon des bureaux afin de gagner en flexibilité dans l’utilisation des ressources, et créé quatre grandes directions de participations : une direction Industries, qui gère l’ensemble des industries aéronautiques et de défense, les chantiers navals et le secteur automobile, où l’arrivée de PSA en sus de Renault aurait d’ailleurs rendu cette réorganisation indispensable ; une direction Services, regroupant La Poste, Orange mais aussi de plus petites sociétés de services comme la Française des jeux ou la SEMMARIS, qui gère le marché de Rungis ; une direction Énergie, la plus lourde, de très loin, en valeur comme en poids dans notre portefeuille ; enfin, une direction Transports, qui présente la particularité de compter en son sein principalement des établissements publics à caractère industriel et commercial et non des sociétés.

Les équipes de l’APE, fortement mobilisées, sont enthousiastes face à cette transformation de l’Agence. Reste que nous avons des difficultés à attirer des compétences au-delà des premières années de la carrière administrative. S’il nous est très facile de recruter des jeunes, motivés et passionnés, il nous est plus difficile d’attirer des personnes expérimentées.

J’espère avoir brossé devant vous un tableau assez complet. Vous en trouverez un beaucoup plus complet dans le « jaune » consacré à l’État actionnaire, que nous nous efforcerons de publier cette année en juillet. Il sortait habituellement en octobre de l’année n pour l’exercice de l’année n-1, ce qui était bien tardif, d’autant qu’on demande maintenant aux entreprises de publier leurs comptes de plus en plus vite.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’an passé, l’APE a perçu environ 4,3 milliards d’euros de dividendes. Quelle est sa position en matière de politique de dividendes au sein des conseils d’administration où elle siège ? Chez Orange, par exemple, le ratio de distribution – payout ratio –, c’est-à-dire le pourcentage de résultat net versé en dividendes, a été de 61 %, ce qui est très élevé notamment par rapport à des sociétés étrangères, et surtout alors qu’il y a besoin d’investir dans le secteur des télécommunications. Quelle a été la demande de l’APE chez Orange et quelle est, d’une manière générale, sa position sur le sujet ?

À quoi a été affecté le produit des cessions réalisées l’an passé, qui s’est monté à 1,6 milliard d’euros, sachant qu’il n’alimente pas le budget général de l’État ? Quelle était la stratégie de l’APE derrière ces cessions ?

Le portefeuille de l’APE représente quelque 70 milliards d’euros, soit environ 5 % de la capitalisation boursière des sociétés du CAC 40. Jugez-vous cela satisfaisant ou non ?

Même si ce n’est pas l’objet premier de votre audition, notre président l’a rappelé, ma dernière question portera sur Alstom, au cœur de l’actualité. L’État envisage-t-il d’entrer au capital de cette société qui opère dans plusieurs des secteurs que vous avez cités tout à l’heure comme stratégiques, notamment l’énergie et les transports ?

M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Je souhaiterais compléter les questions de notre rapporteure générale que je partage en tous points.

Vous avez, monsieur le directeur général, rappelé l’exigence pour l’APE de gérer au mieux les actifs de l’État en même temps que de renouveler et approfondir la doctrine en matière de réinvestissement. Je vous interroge donc, à mon tour, sur la réaffectation du produit des récentes cessions.

Ces dernières années, plusieurs rapports ont évoqué la nécessité de créer un comité stratégique qui regrouperait des représentants, à la fois de l’APE et du Commissariat général à l’investissement. Ce travail de coordination, qui serait important pour l’efficacité des interventions de l’État, a-t-il été engagé ? Si oui, avec quels résultats ?

Ma troisième question a trait à l’exemplarité de l’État actionnaire. Tout d’abord, en ce qui concerne la rémunération annuelle des dirigeants d’entreprises publiques, sujet sur lequel un décret a été pris en juillet 2012. Ensuite, en matière de responsabilité sociale et environnementale ; alors que la loi portant création de la BPI était précise à cet égard, où en est l’APE sur le sujet ?

Pour faire écho au rapport de nos collègues Pierre-Alain Muet et Éric Woerth sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, qu’en est-il du civisme fiscal des entreprises dans lesquelles l’État a une participation ?

Enfin, vous avez évoqué, monsieur le directeur général, la nécessaire professionnalisation des représentants de l’État actionnaire – j’ajouterais également leur diversification. Je sais que le sujet vous tient à cœur. Au-delà d’une question de management, il en va, indissociablement, des lignes directrices que vous avez exposées. Où en est-on sur ce point ?

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le directeur général, je vous le dis amicalement, et beaucoup de parlementaires le pensent avec moi, nous aurions aimé découvrir cette nouvelle doctrine de l’APE en primeur plutôt que de l’apprendre dans la presse. Vous n’êtes certes pas personnellement en cause dans cette affaire, mais cela devient une telle habitude qu’au fil des ans, le Parlement se lasse. Cela étant, cette doctrine ne m’a, pour ma part, rien appris que je ne sache déjà.

Je voudrais, comme notre rapporteure générale, vous interroger sur la politique de dividendes de l’État. Sur une même période de dix ans, pendant la crise précisément, la distribution de dividendes a augmenté de 50 % en France alors qu’elle diminuait de 8 % dans des pays voisins. En lisant aujourd’hui Le Canard enchaîné, on comprend en partie pourquoi, y compris chez le président du MEDEF. Il est frappant que ce soit l’État qui ait donné le la en la matière. En exigeant sans cesse un taux de distribution élevé, il a empêché de générer le CAPEX nécessaire – Capital Expenditure : dépenses d’investissement en capital –, notamment dans le secteur des télécommunications. Était-ce là une politique souhaitée par l’APE ou bien une directive de la direction du budget ou de la direction du Trésor ?

Comme j’ai déjà eu l’occasion de m’en entretenir avec vous en privé, monsieur le directeur général, je tiens à vous faire part de mon inquiétude au sujet des administrateurs dits « indépendants ». Je sais ce qu’est un représentant de l’État ou un représentant des actionnaires ; je peux comprendre à la rigueur ce qu’est une personnalité qualifiée. Mais je ne vois pas ce qu’est un administrateur indépendant, voué à ne défendre que les intérêts de l’entreprise, capable, par la grâce de je ne sais quel don ou quelle vertu, d’échapper à toute influence, et in fine responsable devant personne. Je le dis sans détour : ce me semble une méthode choisie par le management pour s’emparer du pouvoir à la place des actionnaires. Nous venons de vivre quelques situations où des actionnaires, pourtant majoritaires, ont été écrasés par des administrateurs indépendants qui ne sont responsables que devant eux-mêmes, jouant tout au plus le montant de leur rémunération. Autant je comprends que l’État souhaite s’entourer de personnalités qualifiées et en ait même besoin, autant je pense que celles-ci doivent lui rendre des comptes. Ce concept d’administrateur indépendant, importé du monde anglo-saxon, me paraît extrêmement dangereux. Il n’aboutit dans les faits qu’à une cooptation et une surcooptation par un petit noyau.

Vous avez rappelé que le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui représente le Parlement, était parfois, avec générosité, invité au comité d’investissement de la BPI. Dois-je rappeler que la Caisse détient 50 % du capital total de la BPI, détenu pour l’autre moitié par l’État et que, contrairement à ce que j’ai entendu, dans le pôle investissements de la BPI, le dernier mot revient à la CDC ? Le pacte d’actionnaires est très clair sur le sujet, il ne faudrait pas l’oublier. J’ai bien compris que ma présence au comité d’investissement était diversement appréciée. Pour autant, je tiens à y assister de temps à autre, car j’ai constaté qu’il n’était pas inutile de rappeler qu’il est l’héritier du Fonds stratégique d’investissement qui, comme son nom l’indiquait, avait une dimension stratégique, que la stratégie a son importance et que ne comptent pas seulement les critères inculqués à nos brillants directeurs d’investissement chez Goldman Sachs ou Morgan Stanley.

M. David Azéma. Ou, bien antérieurement, chez Rothschild !

M. Henri Emmanuelli. Certes, mais à l’époque, le LBO – leverage buy out – et les hedge funds, toutes ces aberrations, n’existaient pas et il n’y avait pas d’administrateurs dits « indépendants ». L’actionnaire pouvait dire le vendredi soir à un président que son bureau devrait être vide le lundi matin ! Ce qui permettait d’aller plus fort et plus vite.

On se demande parfois si on a aujourd’hui quelque souci de la coordination. Ainsi, Orange porte plainte contre Bouygues à un moment où se déroule une opération dans le secteur des télécommunications qui appellerait sans doute une plus grande logique. Je ne sais pas qui donne des instructions à qui. Dans le même temps, Bouygues, actionnaire d’Alstom, se trouve associé à l’opération concernant ce groupe, qui elle aussi mériterait d’être mieux coordonnée. Je compte sur vous pour remettre un peu de rationalité bien française dans ce qui apparaît plutôt aujourd’hui comme une tchatchouka tunisienne !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le portefeuille de l’APE est estimé à 70 milliards d’euros, avec des secteurs réservés, comme le nucléaire et la défense. Quelle vision stratégique l’APE a-t-elle pour notre économie nationale ? À qui rendez-vous des comptes ? Le ministre du Redressement productif vous adresse-t-il une feuille de route ? L’État a-t-il une véritable vision stratégique pour certaines filières et comment est-elle mise en œuvre par le biais de l’APE ? Quelles sont, par exemple, les consignes données dans un dossier comme celui de la SNCM ?

Lorsqu’elle constate des pratiques d’optimisation fiscale dans une entreprise où l’État détient une participation, quelle est l’attitude de l’APE ? Le dénonce-t-elle au sein de l’entreprise elle-même ? Fait-elle remonter l’information au ministère du Budget, auquel cas il serait intéressant de savoir comment cela est traité ?

Dernière question : quel est le cursus de la trentaine de responsables de portefeuilles de l’Agence ? Comment sont-ils recrutés ? Combien de salariés l’Agence emploie-t-elle au total, et quel est son coût annuel de fonctionnement ?

M. Pascal Cherki. Je lis que les quatre principaux objectifs de l’État actionnaire sont « ancrer l’État au sein des entreprises structurellement stratégiques ; assurer la présence de l’État dans des entreprises fournissant au pays des services essentiels ; accompagner le développement et la consolidation d’entreprises dans des secteurs et des filières déterminants pour la croissance ; assurer le sauvetage d’entreprises après approbation de la Commission européenne ». Au vu de ces quatre critères, trouveriez-vous illogique que l’État entre, même temporairement, au capital d’Alstom pour en éviter le démantèlement ? Alstom est, en effet, le numéro un mondial pour les centrales électriques clé en mains, les turbines et alternateurs hydro-électriques, les systèmes anti-pollution pour les centrales électriques, notamment à charbon. Il est également le leader mondial pour les trains à grande vitesse et les trains pendulaires, secteur en forte croissance partout dans le monde, pour les véhicules légers sur rail et les tramways – pour avoir été adjoint au maire de Paris, je sais l’importance du tramway et du développement de ce mode de transport, au travers notamment des accords de coopération qui peuvent être passés avec d’autres capitales ou métropoles – et pour les services et systèmes de signalisation ferroviaire.

M. Charles de Courson. Quelles sont, d’après vous, les participations qui n’ont plus d’utilité pour l’État au regard des objectifs que vous venez de rappeler ?

Deuxième question, déjà partiellement soulevée par Henri Emmanuelli : quelle est la politique de dividendes de l’APE entreprise par entreprise ? Une conférence se tient-elle toujours, comme dans les premières années de ma vie professionnelle, entre la direction du Trésor et la direction du budget, où celle-ci demande toujours plus de rendement financier tandis que celle-là fait valoir les plans de développement des entreprises. Comment arbitrez-vous entre les deux objectifs ?

Ma troisième question porte sur la présence des représentants de l’État aux réunions des conseils d’administration des entreprises publiques. À l’époque où je travaillais à la direction du budget, les directeurs du Trésor et du budget se réservaient ces postes d’administrateur mais ils avaient rarement le temps de participer aux réunions ! Le taux d’absentéisme des représentants de l’État était très élevé à l’époque. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Enfin, pourriez-vous nous rappeler quelle a été et quelle est la position de l’APE dans l’affaire Adidas ?

M. Laurent Grandguillaume. Un journal néerlandais faisait état, fin janvier 2013, de la présence aux Pays-Bas de dix-neuf holdings d’entreprises dont l’État français est actionnaire, information reprise par Le Canard enchaîné. Ces entreprises étant donc suivies par l’APE, j’aimerais avoir des réponses précises aux questions suivantes.

Où trouve-t-on, dans vos rapports, les informations relatives à l’optimisation fiscale des entreprises dans lesquelles l’État a une participation ? Les parlementaires que nous sommes, à qui il appartient d’évaluer les politiques publiques et de contrôler l’exécutif, pourraient-ils disposer de la liste de ces sociétés ? Pourrions-nous savoir combien on compte au total de holdings à l’étranger, notamment aux Pays-Bas, quel est leur chiffre d’affaires et combien de personnels elles emploient ? Pourquoi une telle opacité ?

Il n’est pas normal que le Parlement ne dispose pas de ces informations. Il devrait sans doute se saisir du sujet au travers d’une commission d’enquête ou tout autre moyen d’investigation. Nos collègues Yann Galut, Sandrine Mazetier et Pierre-Alain Muet ont déjà travaillé sur ces questions. Nos concitoyens attendent de l’État qu’il soit partout exemplaire, encore plus dans les entreprises au capital desquelles il est présent. Comment pourraient-ils accepter qu’on leur demande toujours plus d’efforts alors que, dans le même temps, ces entreprises peuvent se soustraire à cet effort ?

M. Éric Alauzet. Il est rare que toutes les questions adressées à la personne que nous auditionnons convergent comme elles le font aujourd’hui. Vous ne pourrez donc pas, monsieur le directeur général, éluder les réponses !

Je ne reviens pas sur les questions, essentielles, que vient de poser Laurent Grandguillaume relatives à l’évasion fiscale. Nous attendons vraiment des réponses de votre part sur ce point.

Un mot de la hiérarchie des investissements au regard des missions assignées à l’APE. De quelles marges de manœuvre disposez-vous pour les entrées et sorties dans les participations à un tour de table actionnarial ? Ces investissements sont destinés à être durables et même pérennes, nous avez-vous dit, mais il faut dans le même temps savoir être réactif. Quel équilibre trouver entre entrées et sorties au regard d’un dossier d’actualité comme Alstom ? Je ne m’appesantis pas sur le sujet bien qu’il soit grave, car, avec Alstom, on est au cœur des deuxième et troisième missions de l’État actionnaire que vous avez énoncées. Comment arbitrez-vous, par exemple, entre présence dans des sociétés assurant un service d’intérêt national et participation à un tour de table actionnarial ou entre le secteur de l’énergie et celui des télécommunications ? Quelle est la nature des relations entre l’APE et le Gouvernement ? Se contente-t-elle de répondre aux questions qu’on lui pose ou est-elle proactive ? Sur le dossier Alstom, par exemple, a-t-elle pris des initiatives ou attend-elle qu’on l’interroge ?

Deuxième point, déjà évoqué par plusieurs collègues : la politique de dividendes. Là encore, l’APE peut être écartelée entre une mission stratégique de soutien à l’économie et celle de procurer des recettes à l’État. Quelle a été l’évolution des dividendes par euro investi sur les dix ou vingt dernières années ?

M. Pierre-Alain Muet. Lorsque, dans le cadre des auditions de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises dans un contexte international, nous avons demandé à vos collaborateurs de l’APE si le civisme fiscal faisait partie des critères habituellement retenus par l’Agence, nous avons eu l’impression qu’il s’agissait pour eux d’un sujet nouveau. C’est effectivement une nouveauté pour de nombreuses grandes entreprises depuis quelques années. Assiste-t-on aujourd’hui à un changement en la matière ? Cela n’en donnerait que plus de poids à la proposition n° 20 de notre rapport d’information, qui tend à faire du civisme fiscal un des critères retenus pour décider de la participation de l’État dans le capital d’entreprises.

M. Dominique Baert. Quelle est la ligne de conduite de l’Agence en matière de trésorerie dormante dans les établissements appartenant à l’État ? Prescrivez-vous une limite aux opérateurs ? À partir de quel niveau de trésorerie les administrateurs représentant l’État estiment-ils que l’excédent mériterait de remonter au budget ?

Par ailleurs, l’utilité économique, sociale et budgétaire de certains établissements publics anciens n’est plus toujours avérée : l’APE a-t-elle établi une doctrine préconisant leur extinction ?

M. Alain Fauré. Quelle est votre feuille de route et par qui est-elle établie ? Qui garantit les éventuelles pertes de l’Agence ? Les gestionnaires de portefeuille de l’APE sont-ils rémunérés au résultat ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Tout comme Henri Emmanuelli, je ne comprends guère que le comité stratégique de l’APE soit composé pour partie de personnalités indépendantes. La BPI ne fonctionne nullement de cette manière : son comité d’orientation compte des élus dont le rôle est de vérifier si la politique menée est conforme aux orientations fixées par l’État. Personne mieux que les élus ne peut s’assurer en toute indépendance que les technostructures ne se contrarient pas trop entre elles. S’ils n’ont pas leur rôle dans les comités d’engagement, leur présence dans les comités d’orientation a toute son importance. D’ailleurs, il ressort des comptes rendus du comité d’orientation de la BPI que leurs rappels à l’ordre ont permis à l’établissement de prendre de meilleures orientations qu’on n’aurait pu le craindre au départ. Dès lors, serait-il envisageable que des élus soient présents au sein du comité stratégique de l’APE ? Il est problématique que l’on ne sache pas d’où viennent les personnalités indépendantes qui y sont nommées, ni qui les coopte.

La participation de l’État doit non seulement viser des entreprises stratégiques, mais aussi des entreprises essentielles pour notre industrie par leur positionnement dans la chaîne de valeur, qui conditionne tout le succès d’une filière, notamment quand il s’agit d’entreprises à forte composante capitalistique. Dans ma région, nous avons eu beaucoup de mal à sortir Rio Tinto de ses difficultés. Or, cette entreprise est essentielle non seulement pour le territoire qui l’accueille, mais aussi pour ne pas dépendre de l’étranger pour la production d’aluminium. Quelle est la politique de l’Agence en la matière, sachant qu’il est ici question de fonds patients, immobilisés pour plus de quatre ans et aux rendements très faibles ?

M. David Azéma. S’agissant tout d’abord du statut, la dénomination même d’« agence » est trompeuse : pas plus que l’Agence France Trésor, l’APE n’est une agence, c’est un service de l’État à compétence nationale ; sous la hiérarchie de deux ministres, elle ne dispose d’aucune autonomie de décision. Je tiens à le souligner, compte tenu des multiples questions gouvernance qui m’ont été posées sur la gouvernance. Tout comme les directions du Trésor, du budget, de l’industrie et des affaires civiles et du sceau, nous rendons compte à un ministre. Si nous jouissons de l’image qu’emporte le terme d’agence, au sens pratique, nous sommes un service de l’État rendant des comptes devant le Parlement, et nous devons donc lui réserver la primeur de ses informations. Au passage, je déplore à nouveau que vous n’ayez jamais reçu le courrier qui avait été préparé sur la doctrine de l’État actionnaire.

L’APE compte cinquante personnes lorsqu’elle est à effectif plein, ce qui n’est pas tout à fait le cas actuellement. Trente d’entre elles assurent des tâches opérationnelles – rédaction de notes, instruction de dossiers, recommandations au ministre –, dont vingt-cinq suivent des participations. Il s’agit, pour la plupart, de jeunes fonctionnaires ayant un profil d’ingénieur et effectuant chez nous leur premier ou leur deuxième poste. Restant parmi nous pendant deux ans et demi au maximum, ils n’ont pas la capacité d’accumuler un savoir ni de le transmettre. Ces effectifs représentent un coût de gestion de 0,01 % des 110 milliards d’euros de notre portefeuille – dont 85 milliards sont cotés –, ce qui est notoirement insuffisant pour effectuer notre travail de gestionnaires.

À plus forte raison, nous sommes totalement incapables d’accomplir le travail d’investigation que sous-tendent certaines de vos questions, par exemple sur l’optimisation fiscale non déclarée des entreprises dont nous sommes actionnaires. Peut-être la direction générale des finances publiques en a-t-elle les moyens.

Les trente personnes que nous avons à notre disposition ont à faire à 110 milliards d’euros d’investissement essentiellement concentrés sur moins de vingt entreprises ; mais il faut aussi s’occuper des cinquante autres, pour lesquelles nous ne pouvons nommer un directeur que par arrêté. Il nous faut une approbation, elle-même instruite, pour fixer la part variable de la rémunération d’un directeur de port autonome, quand bien même celle-ci ne s’élève qu’à quelques milliers d’euros. Nous sommes donc à double face : d’un côté, nous sommes un gestionnaire de fonds capable de serrer la main à ses collègues de Temazek et de Khazanah, les grands fonds souverains de Singapour et de Malaisie ; de l’autre côté, nous sommes un service administratif classique, accordant des autorisations a priori et prenant des arrêtés et des circulaires.

C’est afin de faire au mieux avec ces trente personnes que nous souhaitons nous doter de règles du jeu et simplifier les textes : nous nous efforçons de rendre nos procédures plus rapides et plus fluides, et de bien distinguer nos rôles d’administrateur et d’actionnaire. Nous rendons compte à nos ministres et rédigeons les notes dont le Trésor a le secret et que nous savons encore faire à l’APE, le tout avec des moyens très limités. Si vous pouvez attendre de notre part un engagement fort, nous avons cependant le souci de nous concentrer sur l’essentiel. Le budget de l’Agence a d’ailleurs constamment diminué, de 30 % en dix ans, quand notre portefeuille n’a pas, lui, significativement baissé.

M. Henri Emmanuelli. Vous disposez de cent fois moins de moyens que dans le privé !

M. David Azéma. À peu près, en effet, puisque les coûts de gestion des fonds privés se situent entre 0,3 et 0,5 %, en fonction de leur taille. Les choses ne sont cependant pas tout à fait comparables, car notre portefeuille est plus inerte qu’un portefeuille de fonds, même s’il implique un suivi important. Néanmoins, je n’ai pas besoin de dix fois plus de moyens.

Les effectifs de l’Agence sont composés en majeure partie de fonctionnaires et de quelques contractuels. Ces derniers sont très difficiles à recruter, car le traitement qui leur est proposée est très inférieur aux rémunérations de marché. Si certains acceptent une décote salariale de 30 à 40 %, c’est grâce au prestige de la maison. Il est tout aussi difficile de conserver les contractuels dans le secteur public, en raison de la durée de leur contrat limitée à trois ans, renouvelable une seule fois. Au bout de deux ou trois ans, ces jeunes contractuels reçoivent des offres très attractives et, en général, quittent l’Agence. Enfin, le traitement de nos agents ne comprend aucune part variable, si ce n’est celle qui est pratiquée dans la fonction publique, et nous n’appliquons aucun système de « carried interest ». Ceux-ci touchent donc une rémunération classique de fonctionnaire.

Quant à notre politique de dividendes, elle résulte d’un jeu de contraintes, comme d’ailleurs celle d’un actionnaire privé. Il y a moins d’un mois, un responsable du fonds Capital Group – qui gère plusieurs trillions de dollars – a déclaré à la presse qu’il fallait davantage penser au long terme et réduire le niveau des dividendes. C’est donc une préoccupation normale d’actionnaire que de déterminer jusqu’où rémunérer le capital, non pas compte tenu du résultat de l’entreprise mais du cash-flow disponible. Autrement dit, pour verser des dividendes, doit-on pousser une entreprise à s’endetter ou s’assurer que cela n’affecte pas sa capacité d’investissement ?

Sans doute les choses ont-elles évolué depuis l’époque où M. de Courson travaillait à la direction du budget. Nous fournissons chaque année à ce service, au cours d’une réunion de calage, nos prévisions relatives aux dividendes qui seront probablement servis par les entreprises lors de l’exercice budgétaire suivant. Nous ne subissons cependant pas une forte pression de cette direction, qui considère cette information comme une donnée de son exercice de prévision budgétaire. Le dividende est fixé principalement, pour les entreprises cotées, en conseil d’administration en tenant compte d’un jeu de contraintes dans lequel il faut conserver une capacité d’investissement tout en rémunérant les actionnaires et envoyer ainsi un signal positif pour les cours. Même lorsque son capital n’est détenu qu’à 20 % par des actionnaires de marché, il faut veiller à ce qu’une société ne subisse pas une baisse de valeur telle qu’elle risquerait d’être fragilisée par les agences de notation.

Compte tenu de ce jeu complexe, nous avons suivi des conseils d’administration proposant des baisses de dividendes – baisses d’ailleurs significatives chez Orange au cours des trois derniers exercices. Dans les sociétés que nous contrôlons complètement, telles que La Poste, nous allons sensiblement diverger de la politique initialement retenue lorsque notre partenaire, la Caisse des dépôts et consignations, était entrée à son capital : de fait, les retours sur investissement alors espérés ne pourront pas être servis en raison de la décroissance extraordinaire du courrier. Nous recherchons donc, entreprise par entreprise, un bon point d’équilibre entre les besoins de financement, la nécessaire rémunération du capital et le signal donné au marché. Je ne connais pas aujourd’hui, dans notre portefeuille, d’entreprise dont on puisse dire qu’elle est bridée dans ses investissements – qu’ils soient organiques ou qu’ils relèvent d’une politique d’acquisition – par sa politique de dividendes.

M. Charles de Courson. Et Safran ?

M. David Azéma. Cette entreprise n’est pas bridée dans sa politique d’acquisition : elle ne manque nullement de liquidités, mais elle souffre d’un défaut de cible ou de succès dans l’achat des cibles. Safran ne m’a adressé aucune récrimination sur sa politique de dividendes qui serait aujourd’hui insupportable et l’empêcherait de se développer. Qui plus est, un actionnaire responsable ne laisse pas dormir de liquidités dans une entreprise qui n’a pas de projet : il les fait remonter. À l’inverse, il en remet lorsque projet il y a. C’est à cet égard que l’État a parfois été un mauvais actionnaire dans le passé : il s’est montré capable de prendre des liquidités mais jamais d’en remettre. Or, comme les entreprises gardent cela en mémoire, elles ont du mal à nous faire confiance lorsque nous leur affirmons que nous serons à leurs côtés lorsqu’elles lanceront des opérations justifiant une augmentation de leur capital. Le président Emmanuelli a souligné qu’il a beau y avoir des organes de contrôle dans une entreprise, ce sont quand même souvent ses dirigeants qui décident. Or, si vous laissez des liquidités importantes à ces derniers, ils ont parfois tendance à agir de façon imprudente. La dialectique de l’actionnaire face à la politique de dividendes n’est donc pas simple.

Si les ratios de distribution ont été spectaculaires l’an dernier, c’est d’abord parce que certains résultats nets ont été affectés par plusieurs événements exceptionnels, mais aussi parce que GDF-Suez et EDF, deux entreprises pesant lourd dans notre portefeuille, ont souhaité, pour des raisons de marché, conserver un niveau stable de rémunération de leurs actionnaires. Ce ratio a même été supérieur à 100 % chez GDF-Suez.

S’agissant de nos produits de cessions d’actifs, ils peuvent être inscrits de deux manières au compte d’affectation spéciale : soit en réinvestissement, soit en désendettement. Jusqu’à présent, le montant nominal de 5 milliards d’euros inscrit en loi de finances – montant ne correspondant pas forcément au montant effectif de nos cessions puisque nous ne les annonçons pas à l’avance – était réaffecté en majorité au désendettement et en minorité au réinvestissement. Cette année, la pondération entre ces deux options a évolué à l’inverse : 1,5 milliard d’euros vont au désendettement et 3,5 milliards au réinvestissement. Bien évidemment, il s’agit d’une décision qui relève du Gouvernement. Nos produits de cession se transmettant au compte d’affectation spéciale d’une année sur l’autre, il ne nous est pas nécessaire de les réinvestir instantanément.

Le cas d’Alstom est effectivement celui d’une entreprise nationale importante qui pourrait avoir besoin, dans une perspective de consolidation ou de croissance, d’un tour de table actionnarial auquel l’État pourrait prendre part. Cela n’est pas contraire à notre doctrine. De là à dire qu’une décision a été prise en la matière, je n’en ai pas connaissance. Je sais que le Gouvernement s’efforce d’abord aujourd’hui de réorienter les termes de l’accord en cours, de telle sorte qu’Alstom reste un grand acteur français, aussi bien dans le secteur de l’énergie que dans les transports. Il ne m’appartient donc pas de prendre prématurément position devant vous.

M. Pascal Cherki. Selon vous, ce ne serait pas contraire à la doctrine ?

M. David Azéma. Le troisième point de notre doctrine est très ouvert : le portefeuille des entreprises dans lesquelles BPIfrance Participations a pris des participations recouvre aujourd’hui un champ très large. Aucun secteur, hormis ceux de la presse et du jeu, n’est exclu par principe. Ce qui compte, c’est que la participation en fonds propres de la structure publique soit déterminante à un moment donné de la vie de l’entreprise pour permettre sa croissance, et qu’elle obéisse toujours au critère de l’investissement avisé qui attend un retour. Vous savez, en effet, qu’en vertu de la doctrine relative aux aides d’État, on ne peut déguiser une subvention en investissement en fonds propres.

La taille de notre portefeuille est en réalité de 110 milliards, dont 80 à 85 milliards de titres cotés : c’est amplement suffisant pour mener une politique industrielle. Nous avons ainsi de quoi financer un peu de désendettement et conserver la marge de manœuvre nécessaire – par exemple, l’investissement déterminant pour l’opération PSA s’élève à 800 millions d’euros. Notre portefeuille est aussi très significatif par rapport à celui des principaux pays qui en ont un.

M. le président Gilles Carrez. Les 5 milliards d’euros inscrits au CAS, et reconduits d’année en année, ne sont qu’une provision. Si jamais il y avait urgence à réinvestir les 3,5 milliards affectés cette année au réinvestissement, les trouverait-on dans votre portefeuille de 110 milliards ?

M. David Azéma. Tout à fait ! Aujourd’hui, 2,3 milliards ou 2,4 milliards d’euros sont encore disponibles dans le compte d’affectation spéciale : ils pourront, par exemple, accompagner la capitalisation de BPIfrance. Nous disposons de multiples possibilités d’usage de cette provision, de telle sorte que nous avons aujourd’hui la capacité d’arbitrer des participations ici ou là pour réalimenter la machine à investir, avec le rendement stratégique maximal.

M. Henri Emmanuelli. Combien représente un point de la société Safran ?

M. David Azéma. Je ne saurais vous répondre. Un point de GDF-Suez ou d’Airbus représente à peu près 450 millions d’euros.

Le rapporteur spécial m’a interrogé sur l’usage que nous faisons du produit de nos cessions : il peut être affecté à des investissements nouveaux, tel le dossier PSA, ou à la souscription au capital d’entreprises dont nous accompagnons déjà la politique. C’est ainsi que, l’année dernière, nous avons souscrit des obligations remboursables en actions émises par Air France. Nous allons également accompagner les projets de développement d’une entreprise de taille moyenne faisant partie de notre portefeuille – dont je ne vous donnerai pas le nom aujourd’hui –, car nous la considérons comme stratégique et estimons qu’elle en a besoin. Nous pouvons encore doter la BPI en capital, celle-ci constituant l’instrument de deuxième rang de la politique publique de participations. L’usage d’urgence du produit des cessions est également possible mais, face à des situations d’urgence comme celle de Dexia, l’alimentation budgétaire du CAS est souvent sollicitée.

J’en viens au comité stratégique de l’État actionnaire, qui n’est pas une instance de gouvernance. Je trouve difficile de réfléchir tout seul sur certains sujets, par exemple, les entreprises qui, demain, comme les sociétés d’autoroute dans les années 1970, ne pourront être financées au départ que grâce au capital public, aucun investisseur privé n’étant prêt à prendre le risque de les financer seul. N’ayant pas la compétence universelle, je ne puis le déterminer seul. J’ai donc la possibilité de réunir mes collègues des directions centrales de l’industrie, de l’armement et de l’énergie ou de consulter le commissaire général à l’investissement ou encore le commissaire général à la stratégie et à la prospective, M. Jean Pisani-Ferry. Je ne pense pas mauvais de consulter des personnes qui, certes, ne représentent qu’elles-mêmes, mais qui jouissent néanmoins d’une expérience et d’une compétence particulières. Nous les invitons à réfléchir avec nous mais leur avis n’est pas obligatoire ; le comité stratégique de l’État actionnaire n’est ni plus ni moins qu’une chambre d’écho permettant de réfléchir à plusieurs. Me sentant parfois seul dans ma réflexion, je souhaite pouvoir tester mes idées. Je considère ce comité comme un lieu de rapprochement et de partage fructueux entre les deux grands investisseurs publics que sont la Caisse des dépôts et consignations et l’État.

S’agissant de l’exemplarité de l’État actionnaire en matière de rémunérations, nous avons imposé à toutes les entreprises dont nous sommes actionnaire majoritaire des règles très strictes de plafonnement des rémunérations et de l’ensemble de leurs accessoires. Dans les entreprises où nous ne sommes pas majoritaire, où nous n’avons, par conséquent, pas le dernier mot, nous avons adopté une politique visant à ramener les rémunérations à des niveaux plus raisonnables qu’antérieurement. Nous nous sommes également systématiquement opposés aux programmes de stock-options ou d’actions de performance ainsi qu’aux retraites chapeaux. Lorsque les rémunérations ne correspondent pas à ces objectifs, nous votons en assemblée générale contre le dispositif proposé par l’entreprise, ce qui ne l’empêche pas toujours de l’adopter – c’est le cas chez Renault.

Particulièrement sensibles à la notion de responsabilité sociale et environnementale – RSE –, nous avons veillé à ce que les conseils d’administration se dotent de comités chargés de suivre cette question et à ce que la politique de RSE des entreprises présentes dans notre portefeuille soit exemplaire. Celles-ci se comportent d’ailleurs rarement comme des voyous : elles sont, au contraire, plutôt en pointe en ce domaine, même s’il leur est toujours possible de s’améliorer.

Quant au contrôle de l’optimisation fiscale, il n’a jamais fait partie des objectifs assignés à l’Agence. Nous n’avons d’ailleurs pas les moyens de l’effectuer. Il pourrait constituer un point d’étude, comme demain le respect du droit du travail. Si un projet venait à être présenté en conseil d’administration, visant à l’évidence à contourner la législation fiscale, nous nous y opposerions, comme l’implique notre mission. Il reste que l’essentiel de l’optimisation fiscale est strictement légale – même si l’on peut considérer cela comme incivique – et ne remonte pas au niveau des conseils d’administration. Nous sommes donc incapables, compte tenu de nos ressources, de suivre et de tracer ce type de comportement. Nos entreprises ont d’ailleurs un devoir d’optimisation vis-à-vis de leurs actionnaires. Il faut de surcroît distinguer ce qui est interdit de ce qui est validé dans le cadre d’un dialogue avec l’administration fiscale. Dans ce dernier cas, il nous est difficile d’intervenir auprès d’une entreprise, surtout lorsque nous n’en sommes pas actionnaire majoritaire ou actionnaire de contrôle exclusif.

En ce qui concerne la professionnalisation et la diversification des administrateurs, nous visons, dans le projet d’ordonnance de simplification dont je vous ai parlé, à en élargir le vivier de manière qu’ils ne soient pas systématiquement choisis parmi les grands personnages de l’État ou ses services administratifs. En effet, ceux-ci sont parfois très absents, quand ils ne se font pas représenter par leurs collaborateurs, pratique scandaleuse – dans la mesure où la responsabilité de tout administrateur est intuitu personae et ne peut donc être déléguée – à laquelle nous avons mis fin. Nous souhaitons recruter des personnalités de poids ayant une autorité morale personnelle, qui seront nommées par l’État en vertu de leurs qualités pour le défendre en conseil d’administration, comme le fait la Caisse des dépôts et consignations.

M. Charles de Courson. Quel est le taux d’absentéisme des administrateurs ?

M. David Azéma. Il a énormément baissé, de sorte que le taux de présence est désormais d’environ 70 %, y compris dans les comités. Cela étant, les administrateurs doivent parfois arbitrer entre deux conseils se tenant le même jour. Je leur interdis donc d’être membres de plus de quatre conseils alors qu’il était fréquent, à une époque, qu’ils le soient de sept ou huit. Les ordonnances nous permettront de recruter des personnalités de plus grand poids, d’un profil plus varié et qui resteront plus longtemps. Avec les nominations ès qualités de sous-directeurs ou de directeurs d’administration, le problème est que l’identité de l’administrateur change à chaque mutation de poste. Les administrateurs d’État ont donc généralement deux ans d’ancienneté au maximum quand les autres administrateurs sont parfois là depuis dix ans. Ces derniers, sachant tout de l’entreprise et se connaissant tous entre eux, pèsent plus dans les décisions que les administrateurs d’État qui tournent tout le temps.

M. Alain Fauré. Pourquoi les administrateurs changent-ils tous les dix-huit mois ?

M. David Azéma. Parce que la rotation du personnel est rapide dans l’administration. Ainsi, mon directeur adjoint était administrateur d’Orange et de Thales lorsqu’il est allé à la direction générale des finances publiques. Bien que je lui aie demandé de le rester, compte tenu de ses deux ou trois ans d’ancienneté dans cette fonction et de sa connaissance de ces entreprises, il a jugé que ses responsabilités en matière fiscale rendraient cela difficile. Je n’aurais pourtant vu aucun inconvénient à ne pas devenir administrateur de Thales à sa place. Ce n’est pas une fonction de prestige que d’être administrateur : on l’assure pour se rendre utile. Nous avons donc des progrès à faire. Notre projet d’ordonnance, s’il est adopté avant le mois de septembre, permettra vraiment d’élargir le vivier des administrateurs présents dans les conseils d’administration pour défendre à la fois les intérêts de la société mais aussi ceux de l’État actionnaire.

S’agissant de l’indépendance des administrateurs, il n’existe pas de solution idéale. La plupart des sociétés cotées en bourse ne sont pas contrôlées : elles n’ont pas d’actionnaire de contrôle mais une pluralité de petits actionnaires qui achètent et vendent leurs parts. Si l’on voulait n’avoir au conseil que des représentants de ces actionnaires, on n’y trouverait personne, car la plupart des investisseurs professionnels et institutionnels ne souhaitent pas en faire partie, afin d’être complètement libres de leurs mouvements. Le conseil d’administration d’une société, comme d’une association d’ailleurs, est un collectif d’individus qui, avec leurs qualités et leurs défauts, s’efforcent de prendre les meilleures décisions pour leur entreprise. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est l’introduction en France du souci anglo-saxon d’une gouvernance assurée par des administrateurs véritablement indépendants. Au fil du temps, en effet, cette indépendance a été faussée, soit que les administrateurs aient occupé leur fonction pendant trente ans, soit qu’ils aient été fournisseurs de l’entreprise. Or, les administrateurs représentent la collectivité des actionnaires, ils ne doivent pas être biaisés dans leurs jugements. D’où cette notion d’administrateur indépendant, dont la réalité est d’ailleurs vérifiée chaque année en conseil.

En matière de gouvernance, nos exigences, dont certaines sont fixées par le code AFEP-MEDEF et d’autres par les directives relatives à l’appel public à l’épargne, imposent désormais la présence d’un certain nombre d’administrateurs indépendants dans plusieurs comités, voire à leur présidence, de telle manière que l’on ne puisse pas déceler l’influence de tel ou tel actionnaire ou organe dirigeant dans la décision prise collectivement et collégialement par le conseil. On ne peut donc assurer la gouvernance sans recourir à des administrateurs indépendants. Il est vrai que, dans les sociétés contrôlées, comme le sont beaucoup des entreprises de mon portefeuille, il faudrait que les actionnaires nomment une majorité d’administrateurs de l’actionnaire. Or, et c’est là une particularité de la loi sur les délégations de service public, lorsque l’État est l’actionnaire majoritaire d’une société, il est minoritaire au sein de son conseil d’administration. En effet, à 49 % de parts, l’État détient presque la majorité des administrateurs, mais à 51 %, il n’en détient plus qu’un tiers.

Il arrive que l’État, sous une autre casquette, ait des intérêts ne correspondant pas forcément à ceux de l’entreprise. La présence d’administrateurs indépendants au conseil permet alors que les intérêts de la société – qu’il s’agisse de ses investissements futurs, de son développement ou de son personnel – soient pris en compte dans la décision de l’actionnaire. Le mélange d’administrateurs représentant les actionnaires au conseil, d’administrateurs indépendants et de salariés forme donc un collectif qui fonctionne bien. Les conseils dans lesquels j’ai la chance de siéger sont plutôt de bonne tenue et la présence d’indépendants n’y est pas une faiblesse. En pratique, je ne pense d’ailleurs pas que M. Emmanuelli se plaigne de la présence de quelques indépendants minoritaires au sein du conseil des différents étages de la BPI.

En ce qui concerne la SNCM, j’ai effectivement reçu, aux différentes étapes de traitement du dossier, des consignes sur la position que les administrateurs devaient adopter au nom de l’État dans le conseil d’administration de la Compagnie générale maritime et financière ou dans celui de la SNCM. Ces instructions concernaient aussi des prêts d’actionnaires à accorder. Sur ce sujet dont vous avez mesuré la forte sensibilité politique, il ne s’agissait donc pas d’une consigne générale sur laquelle fonder nos propres décisions, mais d’instructions au cas par cas, données après arbitrage du Gouvernement.

Il est souvent difficile d’affirmer qu’une participation n’a plus d’utilité ; je suis plutôt partisan de considérer qu’un niveau donné de participation est superflu par rapport à l’objectif poursuivi. Je ne connais guère de sociétés dans lesquelles nous n’aurions vraiment rien à faire ; en revanche, j’ai parfois des doutes sur la pertinence du niveau de notre participation. Par ailleurs, certaines sociétés sont en pré-liquidation parce que leur objet a disparu et qu’elles ne sont plus que des structures de défaisance. Cela est encore arrivé récemment à l’Entreprise minière et chimique.

J’ai déjà évoqué notre politique de dividendes. Encore une fois, nous essayons de ne pas opposer dividendes et développement de l’entreprise, car il n’est pas dans l’intérêt d’un actionnaire de long terme de « couper les pattes » de son entreprise.

M. Charles de Courson. Sur les 110 milliards d’euros de votre portefeuille, à combien estimez-vous les parts que vous pourriez revendre ?

M. David Azéma. Je suis soumis, en la matière, à la double contrainte de la doctrine, d’une part, et des seuils fixés par le Parlement, d’autre part. Ainsi, l’APE n’a pas d’obligation légale s’agissant de Renault, et nous pourrions ramener notre niveau de participation dans l’entreprise à zéro. Cependant, considérant que cette société est dans une phase de reconquête et que son alliance avec Nissan constitue un enjeu stratégique important, il ne nous paraît pas avisé de sortir de son capital en ce moment. En tenant compte tant de notre doctrine que des planchers légaux de participation, qui sont par exemple de 70 % pour EDF, nous estimons que 16 milliards d’euros de participations environ pourraient être cédés – une somme non négligeable qui pourrait être réinvestie dans des entreprises de taille moyenne ou importante, voire réaffectée en partie au désendettement.

S’agissant d’Adidas, je ne saurais vous répondre, car je n’étais pas présent au moment de cette affaire et je n’ai pas lu récemment de notes historiques sur le sujet.

M. Charles de Courson. Des notes de l’APE ont cependant été publiées sur la question.

M. David Azéma. Si vous parlez de l’arbitrage Tapie, la position de l’APE sur le sujet est effectivement connue puisqu’elle a été publiée dans la presse il n’y a pas longtemps : l’Agence considérait que sortir par arbitrage n’était pas une bonne solution.

M. Charles de Courson. Aidez-vous vos collègues dans ce contentieux ?

M. David Azéma. Oui, bien sûr. L’APE exerce une fonction, généralement passée sous silence, d’expertise, de centre de ressources sur tout ce qui concerne le droit des sociétés et les aides d’État, sujets dont nous sommes devenus des praticiens au fil du temps. Et lorsque, de surcroît, nous avons la mémoire d’une affaire, ce qui est le cas d’Adidas, nous sommes doublement sollicités. Astrid Milsan est très mobilisée sur ce dossier dont les aspects juridiques sont complexes.

En matière d’entrées et de sorties, nous appliquons la doctrine. Ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne plus l’être demain. Ainsi, en ce qui concerne la satisfaction de besoins essentiels, lorsqu’une seule société monopolistique nationale fournit la France en un bien ou service, cela appelle une participation élevée de l’État. C’est, par exemple, le cas de La Poste, qui ne constitue plus aujourd’hui un monopole de droit mais reste un monopole de fait. Plus il y a de solutions alternatives fournies par des acteurs tiers, moins le bon fonctionnement du pays dépend de cette société autrefois monopolistique et moins il est justifié de rester à son capital à un niveau élevé. Si nous entrons au capital de PSA à un moment où il nous paraît important de consolider un noyau dur d’actionnaires, mais que cinq ans plus tard, l’entreprise est repartie de plus belle, a consolidé d’autres constructeurs, a acquis une stature mondiale et est devenue un acteur du groupe produisant plus de 7 millions de véhicules, je ne suis pas certain de la nécessité qu’il y aura à rester dans son capital. Ce type d’investissement n’est pas conçu pour être permanent, contrairement à un investissement en tant qu’actionnaire majoritaire d’une entreprise du secteur nucléaire. Il y a donc plusieurs cas de figure. Quant aux arbitrages sur le sujet, ils sont pris en dernier ressort par le Gouvernement à qui nous adressons des suggestions.

La trésorerie dormante des établissements publics est généralement placée à l’Agence France Trésor, de telle sorte qu’elle ne « dort » pas pour tout le monde, puisqu’elle est récupérée par l’État. Dans les autres entreprises, si nous constatons l’existence d’un volume de liquidités important, nous n’hésitons pas à prendre un dividende exceptionnel ou à opérer une réduction de capital pour faire remonter cet argent dans nos poches, où il est, selon nous, mieux placé. Une réduction de capital alimentera le CAS tandis que des dividendes exceptionnels alimenteront le budget général.

M. Dominique Baert. De nouvelles directives ont-elles été prises en la matière au cours des deux ans qui viennent de s’écouler ?

M. David Azéma. Non. Quant aux extinctions d’établissements, j’en ai donné un exemple tout à l’heure et vous pourrez consulter notre rapport. Nous essayons de faire sortir de notre portefeuille les structures devenues sans objet mais, en droit, il est très long de liquider des sociétés car elles traînent généralement un passif. Et il faut tout régler pour pouvoir les fermer.

Si l’Agence des participations de l’État n’a pas eu l’air d’intervenir dans l’affaire Rio Tinto, nous y avons en réalité beaucoup travaillé en tant qu’experts, afin d’aider la société à trouver une solution pour pérenniser son activité. Lorsque nous trouvons des investisseurs tiers, qu’ils soient français ou étrangers, prêts à venir combler le besoin de capital d’une société, nous n’avons aucune raison d’y venir.

M. Laurent Grandguillaume. Je déduis de votre propos que certaines sociétés dont l’État est actionnaire utilisent des schémas d’optimisation fiscale à l’étranger, ce qu’ont d’ailleurs démontré des journalistes. On accepte donc aujourd’hui que ces entreprises se soustraient de l’effort national auquel contribuent les TPE, les PME, les ETI, les artisans et les commerçants qui paient leurs impôts sans pouvoir se délocaliser. Et l’on nous explique, par ailleurs, que nous ne pouvons disposer de la liste des holdings des sociétés dont l’État est actionnaire alors même qu’elle doit être connue. Je réclame une transparence totale sur cette liste, car ce sont aujourd’hui les impôts des Français qui sont utilisés pour financer ces sociétés. Si nous ne pouvons disposer de ces informations, il appartiendra au Parlement d’user de ses prérogatives pour vérifier ce qu’il se passe.

M. David Azéma. L’optimisation fiscale est très souvent franco-française. Tous les groupes du monde, dès qu’ils sont en mesure de se doter des capacités nécessaires pour jouer avec les règles fiscales, cherchent à optimiser leur taxation. Les groupes français ne le font d’ailleurs pas forcément à l’étranger puisqu’ils peuvent, par exemple, bénéficier du crédit d’impôt recherche. L’optimisation fiscale est consubstantielle à l’activité des entreprises.

M. Laurent Grandguillaume. Ces groupes vont aux Pays-Bas !

M. David Azéma. Il convient de dépasser l’analyse journalistique du sujet. Nous sommes effectivement actionnaire d’entreprises implantées à l’étranger : STMicroelectronics en Suisse, Airbus Group aux Pays-Bas et les Chemins de fer luxembourgeois au Luxembourg. Si nous avons de nombreuses implantations étrangères au sein de notre portefeuille, toutes n’ont pas pour finalité l’optimisation fiscale. À notre connaissance, aucune des entreprises présentes dans le portefeuille de l’APE n’a réalisé de montage du type de celui d’Apple ou de Google. Qu’ensuite, les fiscalistes internationaux de chacun de ces groupes, qui ont pour la plupart une activité internationale, recherchent une optimisation fiscale aux bornes internationales de leur groupe, c’est là pratique courante. Même un établissement public industriel et commercial comme la SNCF a utilisé des mécanismes d’optimisation fiscale et ce, avec l’approbation de la direction du budget qui a préféré toucher moins d’impôts et verser moins de subventions à cette entreprise, pas forcément au détriment du fisc français d’ailleurs. Je me souviens que de nombreuses rames de TGV ont été achetées grâce à de l’optimisation fiscale au détriment des fiscs américain, suédois et australien.

Le sujet est complexe, et notre règle du jeu en la matière est la suivante : si nous devions apprendre qu’une entreprise de notre portefeuille adopte une politique à la limite de la légalité, nous nous en émouvrions et irions en parler à nos collègues de la direction générale des finances publiques. À l’heure actuelle, nous n’en avons identifié aucune. La présence de holdings à l’étranger ne constitue pas en soi un indicateur qu’une entreprise poursuit un objectif absolu d’optimisation fiscale.

Quant à la liste des sociétés disposant de holdings à l’étranger et celle des filiales de chaque groupe, elles figurent respectivement dans notre rapport annuel et dans ceux de chacun des groupes. Cette information est donc disponible ! Il s’agit de groupes cotés qui ne peuvent se permettre de réaliser des opérations trop exotiques ni trop à la limite de la légalité.

M. Alain Fauré. La participation de Bouygues au sein d’Alstom représente à peu près 29 % du capital de cette entreprise, n’est-ce pas ?

M. David Azéma. Très exactement 29,4 %.

M. Alain Fauré. Cela équivaut à peu près à 3,08 milliards d’euros. L’Agence pourrait très bien reprendre cette participation si elle en recevait l’instruction du Gouvernement.

M. David Azéma. Sur le plan technique, je ne peux vous répondre que oui. Et quand bien même l’Agence n’aurait pas un centime, le CAS étant le véhicule par le biais duquel l’État achète des actions, il pourrait aussi accorder une dotation budgétaire. Mais cela représente tout de même beaucoup d’argent. Techniquement, cela serait possible et ne correspondrait pas à un processus de nationalisation.

M. Alain Fauré. Il s’agirait d’une prise de participation dans une industrie prioritaire du pays, comme vous l’avez expliqué tout à l’heure.

M. David Azéma. Néanmoins, cela signifierait l’acquisition sur le marché d’une action qui a tout de même été fortement dopée par l’annonce d’une transaction. Or, si cette dernière n’était pas réalisée, la valeur de cette action redescendrait considérablement. Je ne suis pas certain que votre Commission jugerait comme un bon investissement de notre part l’achat à prix élevé d’une action qui, quelques jours plus tard, perdrait 20 ou 30 % de sa valeur. Mais ce sont là des considérations d’ordre technique, dont je vous laisse juges.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le directeur général, pour la précision de vos réponses, et notamment de la dernière.

Pardonnez notre insistance sur l’optimisation fiscale, qui n’est que l’expression de notre frustration devant l’impossibilité de trouver des recettes par l’impôt. L’espoir réside désormais dans la lutte contre une optimisation fiscale débridée. Or, les frontières entre l’optimisation fiscale excessive, l’optimisation fiscale légale, l’abus de droit et la fraude fiscale sont difficiles à cerner.

M. David Azéma. Nous apprenons, dans nos fonctions, à nous montrer pondérés dans nos jugements.

M. le président Gilles Carrez. En 1998, EADS et Renault ont installé une structure de holding aux Pays-Bas. À l’époque, cette démarche était complètement liée à la fiscalisation, très lourde en France, des plus-values sur cession de titres de participations. Elle a incité le gouvernement Jospin à confier une réflexion sur le sujet à Michel Charzat, qui a conclu, dans un rapport en 2001, qu’il fallait abaisser voire supprimer cette fiscalité. Les élections de 2002 passées, cette belle idée a donné naissance au fameux « amendement Copé ».

M. Alain Fauré. Il y a mieux comme réussite !

M. le président Gilles Carrez. On constate tout de même une grande continuité dans la réflexion entre les différentes majorités.

M. Yann Galut. Ces différentes interventions illustrent bien que notre commission des Finances s’est pleinement saisie de la question de l’optimisation fiscale et que le débat ne fait que commencer. Pour notre part, nous souhaitons opérer un travail de contrôle sur ce sujet qui reviendra régulièrement à notre ordre du jour dès les prochaines semaines.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé M. Nicolas Sansu rapporteur sur la proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises (n° 1874).

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier

Excusés. - Mme Karine Berger, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Lionel Tardy, M. Jean-Pierre Vigier

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