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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 25 juin 2014

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 90

Présidence de M. Gilles Carrez,
Président

–  Audition, ouverte à la presse, de Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur l’amendement n° 370 du Gouvernement (péage de transit poids lourds) au projet de loi de finances rectificative pour 2014

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, sur l’amendement n° 370 du Gouvernement (péage de transit poids lourds) au projet de loi de finances rectificative pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Je souhaite la bienvenue à Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, ainsi qu’à M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, qui viennent nous présenter l’amendement au collectif budgétaire que le Gouvernement a déposé lundi après-midi et qui tend à substituer à l’écotaxe un « péage de transit poids lourds ».

Il s’agit en effet d’un amendement important, notamment par son retentissement potentiel sur les comptes publics. Le produit brut attendu du précédent dispositif d’écotaxe s’élevait à 1,2 milliard d’euros, dont 760 millions d’euros auraient bénéficié à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF –, et 160 millions d’euros aux départements. Or, le produit brut du nouveau « péage de transit poids lourds » ne devrait atteindre qu’environ 550 millions d’euros, soit seulement 270 millions d’euros nets de la rémunération du prestataire Écomouv’ et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – auxquels il faudra encore soustraire, pour l’AFITF, la part réservée aux départements.

Dès lors, les recettes de l’AFITF ne pourront pas être maintenues à leur niveau actuel sans recettes additionnelles ou complément apporté par le budget de l’État. Dans ce cadre, selon quelles modalités le budget de l’État serait-il amené à assurer cette compensation ? Ou bien, inversement, devra-t-on reporter ou abandonner le financement de certains projets d’infrastructures ? Nous savons tous bien qu’il existe actuellement, en régions comme en Île-de-France, de nombreux projets d’infrastructures dont la réalisation est indispensable.

En accord avec la Rapporteure générale, il m’a donc paru indispensable que le Gouvernement se prête à un échange avec notre Commission avant la discussion en séance publique de l’amendement portant sur cette taxe.

Je rappelle que nous avions procédé dans les mêmes conditions à l’automne 2012, lorsque le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – avait été introduit dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012. Nous avions aussi fait de même en octobre dernier, lorsque le Gouvernement avait renoncé à créer une contribution sur l’excédent brut d’exploitation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie. Je vous remercie de m’avoir convié à dialoguer avec vous sur le sujet du remplacement de l’écotaxe par le péage de transit poids lourds. Je rappelle, car cela a un intérêt historique, que la création de l’écotaxe remonte au Grenelle de l’environnement, a été votée en 2008 et que la taxe n’était toujours pas mise en application en 2012. Nous avons hérité d’un dossier que nous avons géré au mieux, puisqu’encore huit jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, M. François Fillon signait des textes portant sur ce dispositif, en organisant notamment la répercussion de la taxe pour les poids lourds vers les bénéficiaires de la prestation de transport. Cela a suscité, comme vous le savez, une « levée de boucliers » notamment en Bretagne, lors de la mise en place opérationnelle de la taxe, dont l’application avait été jusque-là différée : le nouveau gouvernement a donc dû gérer cela à son arrivée. Les producteurs de fruits et légumes, notamment, ont alors découvert qu’ils devraient supporter le poids de l’écotaxe. À la suite de la réaction sociale très forte contre un dispositif à la fois incompris et brutal, reposant notamment sur des ouvrages très visibles sur les axes routiers
– alors que d’autres pays disposent de systèmes visuellement moins agressifs que les portiques –, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a été conduit à suspendre le dispositif. Dès ma nomination comme ministre de l’Écologie, j’ai regardé avec le secrétaire d’État chargé des Transports comment nous pouvions « remettre à plat » le dispositif pour le rendre plus intelligent et plus acceptable socialement. Ainsi, nous avons décidé de mettre en place un système de péage de transit pour les poids lourds, qui est un système de bon sens, juste et efficace.

Un système de bon sens, parce qu’il est logique que les poids lourds de plus de 3,5 tonnes apportent une contribution au titre de leur utilisation de l’infrastructure. Je rappelle que la plupart d’entre eux, notamment pour le transit international, ne payent rien actuellement, alors même qu’ils se fournissent fréquemment en carburant à l’étranger avant de traverser la France. Il est donc normal que l’usage massif de ces voies, empruntées par plus de 2 500 poids lourds par jour, donne lieu à une contribution. À cet égard, c’est un système juste, et notamment plus juste que les propositions consistant à exonérer l’ensemble d’une région, telle que la Bretagne, de toute contribution – ce qui serait d’ailleurs tout à fait contestable d’un point de vue constitutionnel. Ce système consistant à retenir, pour le réseau taxable, les axes les plus fréquentés – c’est-à-dire ceux sur lesquels la circulation de poids lourds est extrêmement dense –, selon un système unique, est donc pertinent. C’est aussi un système efficace, puisque nous avons déjà rendu publique une carte claire du réseau concerné, incluant les axes parallèles empruntés par les poids lourds pour éviter de payer les sections payantes des autoroutes. Il existe sur ces axes des problèmes de pollution et de sécurité, et l’instauration d’une taxe au taux moyen de 13 centimes d’euros par kilomètres permettra d’égaliser le coût des différents itinéraires, ce qui conduira à une meilleure répartition du trafic : certains poids lourds cesseront de traverser les villages et préféreront emprunter le réseau autoroutier.

À partir du 1er octobre 2014, sera conduite une expérimentation sans facturation, et à compter du 1er janvier 2015, la mise en service de ce dispositif deviendra effective.

Vous avez raison, la réduction du réseau routier concerné de 15 000 à 4 000 kilomètres, concentrés sur les grands axes de transit, ne permettra pas de conserver un rendement aussi élevé que prévu.

Les transporteurs pourront moduler leurs prix, de manière encadrée, pour mettre à contribution les bénéficiaires des prestations de transport, c’est-à-dire les « chargeurs ». Conformément à la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, le taux de majoration sera de l’ordre de 2 % pour le trafic interrégional de poids lourds, alors que l’ancien système lié à l’écotaxe prévoyait pour cette majoration un taux interrégional de 5,2 %.

La recette brute annuelle attendue du nouveau dispositif sera de l’ordre de 550 millions d’euros et sera affectée à l’AFITF. Un prochain projet de loi de finances permettra d’apporter des réponses en ce qui concerne un financement complémentaire pour les infrastructures de transport. Le Gouvernement a confirmé ce matin à l’issue du Conseil des ministres qu’il entendait tenir ses engagements concernant le volet mobilité des contrats de projet État-régions, dont la signature est prévue à l’automne. S’agissant des éventuelles recettes de substitution, le Gouvernement étudie toutes les solutions envisageables au regard de la réglementation communautaire en matière de financement des infrastructures de transport.

En ce qui concerne la société Écomouv’, une négociation a été engagée par le Gouvernement pour renforcer les moyens de contrôle public et pourra aller jusqu’à une participation de la puissance publique au capital de cette société.

Ce nouveau dispositif fait l’objet d’un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui permettra de faire participer les flux de transit routier intra-européen au financement des infrastructures de transport, sans alourdir les charges pesant sur les circuits de distribution locaux. Cette solution, j’en conviens, devra être complétée par d’autres recettes pour remettre à niveau les finances de l’AFITF et permettre la mise en œuvre des contrats de projet État-régions.

M. le président Gilles Carrez. Pouvez-vous nous apporter davantage de précisions sur les recettes de substitution ? En effet, je comprends de la déclaration faite ce matin lors du Conseil des ministres que les opérations inscrites dans les contrats de plan seraient préservées. Or, il existe des impasses de financement avec le nouveau dispositif proposé, et chacun sait que la préparation du volet recettes du projet de loi de finances pour 2015 s’engage dès maintenant. Pourriez-vous, par conséquent, nous en dire davantage concernant les pistes privilégiées par le Gouvernement pour trouver ces financements complémentaires ? La presse évoque actuellement la possibilité de s’adosser à la prolongation des concessions des sociétés d’autoroutes, voire la création de nouvelles taxes. Nous avons d’ailleurs auditionné à plusieurs reprises la Cour des comptes et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Je remarque par ailleurs que le système proposé correspond tout de même, sur le plan technique, au maintien de l’ancien système, et par conséquent les frais généraux couvrant son fonctionnement seront concentrés sur 4 000 kilomètres, au lieu d’être étalés sur 15 000 kilomètres. De ce fait, le coût de collecte de cet impôt risque de battre des records !

Mme la ministre. Je vais répondre sans plus tarder à vos questions, monsieur le Président. Il convient effectivement de dresser un bilan coûts/avantages du dispositif : le contrat signé à l’époque par le gouvernement de M. François Fillon avec la société Écomouv’ était tellement exorbitant qu’il prévoyait 15 % de rémunération des capitaux propres et 25 % de rémunération sur le rendement de la taxe, alors que les services de l’État, eux, recouvrent les taxes en moyenne avec un coût de l’ordre de 1 % de leur rendement. Du fait du principe de continuité de l’État, nous devons aujourd’hui honorer ces engagements, même si l’entreprise doit aussi être tenue responsable de certains retards. La résiliation du contrat aurait coûté plus d’un milliard d’euros. Par conséquent, nous avons dû procéder à une renégociation du contrat avec cette entreprise, pour abaisser la rémunération du capital de 15 à 11 % et pour renégocier l’indemnisation due à la société au titre du retard dans la mise en place de la taxe, le montant de cette indemnisation étant prélevé sur les recettes de la future taxe. Pour résumer, ce n’est pas un dispositif très « glorieux », et nous le gérons au mieux, après avoir entendu les points de vue exprimés à l’issue des travaux de la commission d’enquête du Sénat et de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur ces sujets. À l’aide d’une commission de conciliation présidée par M. Daniel Labetoulle, nous avons lancé une renégociation avec l’entreprise, qui sait que nous suivons la situation de près et que nous pourrions aboutir à une participation de la Caisse des dépôts et consignations au capital de la société – ce n’est encore qu’une hypothèse, mais elle a été évoquée et est tout à fait solide.

S’agissant des recettes complémentaires, je ne peux pas me substituer au secrétaire d’État et au ministre chargés du Budget, mais les arbitrages n’ont pas encore été rendus et le Gouvernement y travaille. Je peux toutefois vous dire que les discussions actuelles avec les sociétés d’autoroutes ne sont pas liées à la prolongation des concessions en cours, même si j’ai demandé cette prolongation à la Commission européenne afin de permettre à ces sociétés de sécuriser leurs plans d’investissement et de remettre à niveau des infrastructures à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Ce dossier a été soutenu devant le commissaire européen à la Concurrence et est en bonne voie, mais il est totalement indépendant de la négociation menée avec les sociétés d’autoroutes concernant une éventuelle participation de leur part au financement des nouvelles infrastructures de transport. En tout état de cause, dès lors que leurs investissements peuvent être sécurisés, ces sociétés ont l’intention d’investir à hauteur du montant que j’ai évoqué : il existe donc une piste à creuser de ce côté pour un complément de financement à l’avenir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rejoins Mme la ministre. En effet, se délier du contrat avec Écomouv’ sera compliqué et ce serait pourtant nécessaire lorsque l’on constate le coût de la collecte. J’ai toutefois une question : comment le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer la majoration du prix de transport que les transporteurs sont autorisés à facturer, modulable en fonction des régions concernées et compris entre 0 et 7 % ? Comment concrètement cela va-t-il se passer ?

M. Marc Le Fur. J’avais considéré, Madame la ministre, que vos premières prises de position au moment de votre prise de fonction étaient positives et je constate qu’elles se traduisent en décisions, certes pas complètement satisfaisantes, mais qui vont dans le bon sens.

J’ai toutefois quelques craintes. Tout d’abord, cet impôt reste un impôt antiéconomique car il pèse sur l’industrie, notamment agroalimentaire, et non sur les services tels qu’assurances et banques.

Ne fallait-il pas aller au bout de la logique et supprimer carrément l’écotaxe ? Nous passons de 15 000 kilomètres à 4 000 kilomètres, n’était-ce pas plus simple de mettre un terme complet à l’écotaxe ?

Vous indiquez également qu’il s’agit de réduire le réseau taxable aux routes où circulent plus de 2 500 poids lourds par jour mais cette disposition n’est pas dans le texte qui nous est présenté, qui renvoie la fixation de ce critère à un décret. La modification de ce décret ne nous sera par définition plus soumise et nous ne serons pas même informés préalablement. Je proposerai des amendements pour fixer les critères dans le texte législatif.

J’ai quelques questions pour dissiper ces craintes :

– Vous semblez vouloir laisser la possibilité aux collectivités territoriales de créer des écotaxes locales. Qu’en est-il ?

– Dans l’ancienne formule de l’écotaxe, nous avions prévu des dispositifs permettant une modulation régionale notamment dans les régions périphériques. Est-ce que cette possibilité demeure ?

– Vous avez, à plusieurs reprises, dit vouloir prélever de l’argent sur les sociétés d’autoroutes. Est-ce que ce prélèvement va se traduire par des hausses de péages touchant les usagers ?

M. Henri Emmanuelli. Ce qui inquiète Marc Le Fur sur une écotaxe locale serait plutôt de nature à me rassurer. En effet, certains des itinéraires prévus ont disparu dans la nouvelle version de la taxe qui nous est proposée. Actuellement, nous avons des poids lourds qui se dirigent vers la péninsule ibérique et qui sortent des autoroutes pour envahir les routes départementales landaises par centaines. J’ai vu qu’une carte des routes taxables avait été publiée dans la presse. Aura-t-on la possibilité de faire évoluer la carte ? Sinon je crains une catastrophe.

M. Philippe Vigier. Vous instaurez la taxe à compter d’octobre 2014 mais sans paiement. La recette n’est attendue qu’à partir du 1er janvier 2015. Pourquoi alors ne pas avoir attendu le PLF pour 2015 ? Y aura-t-il une prise de participation de l’État dans Écomouv’ ? Avez-vous prévu de taxer les entreprises autoroutières ? Enfin, dans le Grenelle 1, nous attendions 800 millions d’euros pour financer les infrastructures. Les contrats de plan État-régions – CPER – et leur volet mobilité sont soit bloqués, soit réduits à leur portion congrue. Le produit brut attendu est aujourd’hui de 550 millions d’euros sur lequel seront prélevés 230 millions d’euros de frais de gestion. Vous n’aurez donc que 30 % de la somme initialement attendue. Comment va-t-on donc faire pour financer les infrastructures de transport ?

Mme Eva Sas. Je voudrais d’abord avoir des précisions sur les recettes attendues. Confirmez-vous le montant de recettes attendues de 300 à 400 millions d’euros ? Les CPER seront maintenus. En est-il de même pour le troisième appel à projets « transports collectifs » ? Et à la même hauteur que prévu, soit 450 millions d’euros ? Sur le budget de l’AFITF, Jean-Marc Ayrault s’était engagé à en maintenir le budget à 2,5 milliards d’euros. L’engagement est-il maintenu ou à tout le moins l’objectif de recettes pour l’AFITF de 1 milliard d’euros ? Sur la possibilité de solliciter des financements par les sociétés autoroutières, pouvez-vous vous engager sur le fait qu’il n’y aura pas une extension du réseau taxable par les autoroutes ou un élargissement du nombre de voies sur certaines portions ? Qu’en est-il de l’écotaxe locale ? Enfin, le déport du trafic sur les routes départementales a-t-il été évalué ?

M. Gaby Charroux. L’amendement est acceptable socialement, avez-vous dit. J’en conviens, mais les investissements d’infrastructures de transport ne sont-ils pas menacés ? Les automobilistes ne risquent-ils pas d’être pris en otage par le biais d’une augmentation des péages ? Enfin qu’en est-il du report modal ?

M. Charles de Courson. Le péage de transit poids lourds prévu est-il une « imposition de toute nature » relevant de l’article 34 de la Constitution ? Est-ce bien raisonnable de créer un impôt avec un coût de recouvrement aussi important ? L’ampleur des reports sur routes nationales et routes départementales et donc sur l’usure de l’infrastructure a-t-elle été évaluée ? Les modalités de recouvrement et les sanctions en cas de fraude, notamment par les transporteurs étrangers, sont-elles prévues ? Quelle périodicité des compléments des itinéraires concernés en cas de déport ? Enfin, envisagez-vous de créer un abattement en dessous duquel les transporteurs seraient exonérés de taxe ?

M. Alain Fauré. Comme certains de mes collègues avant moi, je souhaiterais vous interroger sur les modes de recouvrement du nouveau dispositif ainsi que sur la révision annuelle des listes. Par ailleurs, je voudrais vous présenter une suggestion : il avait été établi que 60 % des recettes de l’écotaxe proviendraient des transporteurs étrangers ; est-ce que le pourcentage restant n’aurait pas pu être négocié directement avec les entreprises de la grande distribution qui sont de grands utilisateurs de nos axes routiers et qui par ailleurs bénéficient largement des avantages du CICE ? Une politique contractuelle avec ces grands groupes n’était-elle pas envisageable ?

M. Éric Alauzet. Je souhaiterais pour ma part vous interroger sur la notion de redevance, qui correspond au paiement d’une taxe en contrepartie d'un service rendu, les recettes ainsi recouvrées devant financer les dépenses générées par le service public en question. Partant de là, les recettes ainsi recouvrées, en raison de l’utilisation des routes, ne pourraient être utilisées en dépense qu’au profit de ce réseau routier. L’utilisation de ce vocable pourrait donc créer une confusion, si au final, une part des recettes de ce dispositif était utilisée pour d’autres infrastructures de transports. Ce que je souhaite, d’ailleurs.

Mme la ministre. Madame la rapporteure générale, les répercussions seront en moyenne de 2 % comme indiqué précédemment et des négociations sont en cours avec les différentes filières professionnelles.

Monsieur Le Fur, entre ceux qui, comme vous, estiment que ce nouveau dispositif est trop lourd et ceux qui pensent qu’il est trop modeste, je suis tentée de penser que nous avons trouvé la bonne réponse, celle qui serait justement, dans le contexte actuel, une solution d’équilibre. Le critère des 2 500 poids lourds par jour n’est pas fixé dans la loi, puisque ce n’est pas une mesure d’ordre législatif mais réglementaire. Sur ce point précis, la position du Gouvernement a été énoncée ce matin en Conseil des ministres, les textes réglementaires à venir s’inscriront dans cette droite ligne.

S’agissant des collectivités territoriales, le dispositif proposé prévoit bien que les départements qui avaient réclamé l’instauration de l’écotaxe mais qui ne seraient plus concernés demain en raison du critère objectif des 2 500 poids lourds par jour puissent – s’ils le souhaitent – instaurer sur leur territoire des péages de transit. Néanmoins, un décret sera nécessaire en amont pour permettre cette mise en place.

Concernant une potentielle atténuation pour les régions périphériques, et j’imagine que vous pensez à la Bretagne, monsieur Le Fur, je vous indique que le critère des 2 500 poids lourds par jour épargne de fait ces régions périphériques puisque, par définition, elles ne constituent pas des voies du grand transit international.

M. Marc Le Fur. Dans le dispositif précédent, il existait une différenciation de tarif en fonction des régions. Cet élément, que vous n’avez pas évoqué, demeure-t-il ?

Mme la ministre. La loi n’a pas été modifiée sur ce point, par conséquent cette différenciation tarifaire existe toujours. C’est le critère réglementaire des 2 500 poids lourds par jour qui est l’élément novateur de ce dispositif.

Monsieur Emmanuelli, en ce qui concerne le problème de l’encombrement des routes nationales par les poids lourds, le conseil général de votre département pourra tout à fait demander au Gouvernement la mise en place de péages de transit sur son territoire afin de réguler le trafic.

Monsieur Vigier, vous nous dites qu’il ne fallait rien faire et que nous nous précipitons.

M. Philippe Vigier. Je souhaite rectifier votre propos, madame la ministre : je n’ai pas dit qu’il ne fallait rien faire, je m’interroge seulement sur l’opportunité d’agir maintenant, par voie d’amendement, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative. Nous aurions pu calmement étudier ce nouveau dispositif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

Mme la ministre. Nous agissons dès maintenant, avec une phase de test, afin d’anticiper la mise en œuvre effective du dispositif. Nous faisons ainsi preuve de pragmatisme. Je ne souhaite pas verser dans la polémique politicienne, mais il y aurait pourtant beaucoup à dire sur les textes qui ont été signés. Il est dommage que les parlementaires n’aient pas été plus vigilants, notamment M. de Courson, qui est d’ordinaire si attentif sur l’engagement des dépenses publiques.

M. Charles de Courson. Madame la ministre, vous devriez vérifier vos informations. Sachez que je n’ai pas voté ce texte que je trouvais stupide ! Votre comportement est inacceptable.

Mme la ministre. Je suis contente d’entendre le jugement que vous portez sur le texte en vigueur ! Mais c’était un compliment que je vous faisais. Que n’avez-vous convaincu le Gouvernement que vous souteniez alors ? Que chacun prenne ses responsabilités.

M. le président Gilles Carrez. Je dois dire qu’à l’exception de Marc Le Fur, qui avait voté contre le texte, et de Charles de Courson qui s’était abstenu, ceux d’entre nous qui étaient députés à l’époque ont tous voté en faveur du Grenelle de l’environnement. Pour ce qui me concerne, j’assume mon vote.

Mme la ministre. En ce qui concerne le rendement, madame Sas, celui-ci devrait s’élever à 550 millions d’euros. Le Gouvernement prendra donc ses responsabilités pour compléter au mieux l’enveloppe financière. Concernant les transports collectifs, le troisième appel d’offres dépendra très directement de la mobilisation des recettes supplémentaires que le Gouvernement proposera au Parlement. Pour ce qui est de l’élargissement des autoroutes, je pense que c’est une bonne chose. D’autant plus que les sociétés gestionnaires des autoroutes pensent effectuer des investissements de l’ordre de 3,5 milliards d’euros. Si les besoins sont avérés, il n’y a aucune raison de s’opposer à l’élargissement de certains tronçons, bien au contraire. Il nous faut soutenir les capacités d’équipements et d’infrastructures du pays, ce qui bénéficiera directement à la filière des travaux publics, qui en a d’ailleurs grand besoin.

Monsieur Charroux, je partage tout à fait votre avis sur la question de l’acceptabilité sociale du dispositif, c’est justement cette raison qui nous a conduits à le repenser.

Monsieur de Courson, à la question de savoir si cette taxe constitue une imposition de toute nature au sens de l’article 34 de la Constitution, je vous répondrai qu’il s’agit d’une redevance affectée, puisque son produit doit être versé à l’AFITF.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget. C’est bien là une imposition de toute nature et non pas, à proprement parler, une redevance car si tel était le cas, tous les utilisateurs devraient en principe la payer. Ce qui n’est pas le cas des véhicules de tourisme par exemple.

Mme la ministre. J’ai utilisé le terme de redevance, en raison de l’idée sous-jacente d’un service rendu à un usager-payeur.

Le coût de recouvrement constitue le point qui fait aujourd’hui l’objet de renégociations avec le prestataire privé. Le coût initialement prévu était de l’ordre de 25 % du rendement de la taxe et le taux de rémunération des fonds propres d’Écomouv’ de l’ordre de 15 %.

La fraude est un sujet qui me préoccupe. Car, en effet, les portiques ne font que contrôler l’existence du GPS à l’intérieur du poids lourd. Ils ne calculent pas le montant dû et ne procèdent pas au prélèvement automatique. Il est nécessaire d’envoyer par la suite des factures aux transporteurs. Se pose donc la question des entreprises de transport ayant leur siège social à l’étranger. Il faudra déployer des efforts importants pour les retrouver, ce qui doit en partie expliquer la rémunération conséquente de la société Écomouv’. Pour mieux contrôler ces opérations complexes, j’ai exprimé le souhait de voir l’État entrer au capital d’Écomouv’. Cette demande me paraît d’autant plus légitime que cette entreprise remplit une mission de service public en collectant une taxe affectée aux financements des infrastructures de transports. Il me paraît logique qu’il existe par conséquent un contrôle étatique. Les parlementaires pourraient, d’ailleurs, y être associés.

Au sujet des grandes surfaces, Monsieur Fauré, cette discussion avec les entreprises de la grande distribution est bien prévue, car ces enseignes sont effectivement dans un rapport de force vis-à-vis des chargeurs et des transporteurs. Le Gouvernement devra peser dans ce débat et la répercussion sur les grandes surfaces devra finalement tenir compte de leur chiffre d’affaires et de leur potentiel.

En ce qui concerne la question du report des poids lourds sur les routes départementales, il existera, comme indiqué précédemment, la possibilité pour les départements qui le souhaiteront de demander l’application du dispositif sur leur territoire afin d’éviter ce type de désagrément.

M. Charles de Courson. Quand bien même ce trafic serait inférieur à 2 500 poids lourds sur les axes concernés ?

Mme la ministre. Je rappelle que ce critère des 2 500 poids lourds est d’ordre réglementaire et non pas législatif. L’extension du dispositif à d’autres départements ne devrait pas être tributaire de ce critère.

M. Marc Le Fur. Les transporteurs ont donc de bonnes raisons d’être inquiets, car il existe ainsi un risque qu’un jour les routes départementales soient soumises à cette taxation ?

Mme la ministre. Mais une disposition législative pourrait à tout moment l’imposer. Le réseau soumis à la taxe passe de 15 000 kilomètres avec l’ancien dispositif à 4 000 kilomètres aujourd’hui. Les transporteurs ont la possibilité de répercuter cette charge. Il est parfaitement logique qu’ils contribuent à l’entretien des axes routiers qu’ils utilisent. Le dispositif en l’état n’est pas contestable. Ils devront certes payer plus qu’aujourd’hui mais ce coût sera très raisonnable au regard du dispositif antérieur. De plus, comme ces dispositions sont d’ordre réglementaire, elles pourront faire l’objet d’une discussion en amont avec les acteurs concernés.

M. le secrétaire d’État. Je souhaiterais apporter quelques compléments de réponses. Comme la ministre l’a rappelé, si l’écotaxe avait été purement et simplement annulée, il aurait existé un risque important de débours pour l’État en cas de dénonciation du contrat. Le risque maximal était évalué à près d’un milliard d’euros de pénalités. Ce coût aurait certes pu être réduit suite à une négociation ou à un procès puisque la société Écomouv’ n’a pas, dans le passé, respecté toutes ses obligations. Néanmoins, pour un produit nul en cas de dénonciation du contrat, le coût serait resté très important pour la collectivité. D’où le recalibrage de cette mesure.

Je m’étonne également que l’on nous reproche de proposer ce nouveau dispositif à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Comme nous souhaitons mettre en œuvre un dispositif qui doit être opérationnel à partir du 1er janvier 2015, il est indispensable d’informer dès maintenant les utilisateurs potentiels de ce dispositif, pour qu’ils s’y préparent, ainsi que la société Écomouv’, pour qu’elle puisse réaliser les aménagements nécessaires et effectuer les tests préalables.

Sur la question du financement de l’AFITF, le financement 2014 est assuré. Une subvention d’équilibre est prévue à hauteur de 350 millions d’euros environ. Il n’existe pas de risque sur l’année 2014. Mais évidemment, il faudra faire des choix pour les exercices à venir. En ce qui concerne le budget 2015, les discussions sont en cours. Mais aucun arbitrage n’a été effectué à ce jour.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 25 juin 2014 à 16 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Dominique Baert, M. Serge Bardy, M. Laurent Baumel, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Goua, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, Mme Eva Sas, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Pierre Moscovici, M. Thierry Robert

Assistait également à la réunion. - M. François de Rugy

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