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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 2 décembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport public thématique relatif au programme d’investissements d’avenir

–  Présences en réunion

La commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport public thématique relatif au programme d’investissements d’avenir.

M. le président Gilles Carrez. Lorsqu’a été émise, en 2009 et au début de l’année 2010, l’idée d’un accroissement de l’effort d’investissement de l’État, sous la forme de programmes exceptionnels préparant l’avenir, elle a suscité une très large adhésion. Nous étions tous sensibles à l’effritement progressif de la capacité d’investissement de l’État au cours des trente dernières années, et nous le demeurons. Notre rapporteure générale a d’ailleurs raison d’insister toujours sur la nécessité de relancer l’investissement, en particulier l’investissement public. C’est donc une préoccupation partagée.

La démarche du programme d’investissements d’avenir (PIA) comportait des aspects très novateurs, comme une évaluation de la performance – thème qui vous est cher, monsieur le Premier président – fondée sur des critères ou l’association d’opérateurs privés à l’investissement public. Ce n’en était pas moins, nous en étions conscients, une démarche de débudgétisation. Comment, dans ces conditions, permettre au Parlement, en particulier à notre commission, d’exercer son contrôle ? À cette fin, des structures dédiées ont été créées. L’an dernier, une mission d’évaluation et de contrôle (MEC), présidée par nos collègues Alain Claeys et Olivier Carré, à laquelle participait également notre collègue Patrick Hetzel, s’est intéressée à la gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur. En outre, certains d’entre nous, notamment Olivier Carré et Dominique Lefebvre, siègent au comité de surveillance des investissements d’avenir. Il reste que ce suivi est assez difficile, même si, par ailleurs, le commissaire général à l’investissement nous présente un rapport tous les semestres.

Nous sommes bien conscients des avantages et des inconvénients des PIA ; cependant, votre rapport nourrira utilement notre réflexion. En particulier, si les montants sont importants – 35 milliards d’euros pour le PIA 1, 12 milliards d’euros pour le PIA 2, alors qu’un PIA 3 s’annonce peut-être – j’ai le sentiment, en cette fin d’exercice 2015, que ces crédits ressemblent de plus en plus à des crédits d’investissement classiques, ne serait-ce que du point de vue de la régulation budgétaire : je pense notamment aux redéploiements toujours plus nombreux entre crédits au sein du PIA en fin d’exercice.

Depuis sept ou huit ans, malgré les PIA, l’effort d’investissement de l’État n’a pas progressé, il s’est même légèrement effrité ; cependant, on peut aussi dire, de manière plus optimiste, que c’est grâce aux PIA qu’il est resté à peu près stable et n’a pas régressé.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Merci, monsieur le président, pour ces propos introductifs, qui me facilitent la tâche au moment de délivrer les messages que la Cour des comptes souhaite faire passer.

Je suis heureux de vous présenter ce nouveau rapport public thématique, consacré au programme d’investissements d’avenir, qui trouve son origine dans le rapport Investir pour l’avenir qu’avait rendu au mois de novembre 2009 la commission présidée par MM. Juppé et Rocard, que le Président de la République avait chargée de définir les priorités d’investissement propres à « préparer l’avenir de la France ». Présenté comme un programme exceptionnel d’investissements de long terme pour la recherche et l’innovation, son montant de 35 milliards d’euros correspondait à celui proposé par cette commission. Sa gestion budgétaire et financière visait à préserver le montant de ses crédits des régulations et des aléas des lois de finances annuelles ; à cette fin, elle s’éloignait du droit commun, et la gouvernance du programme s’appuyait sur un service créé spécifiquement et placé auprès du Premier ministre, le commissariat général à l’investissement (CGI).

La Cour a déjà procédé à un premier examen du PIA dans son rapport public thématique du mois de juin 2013 sur le financement de la recherche. Cinq ans après le lancement du premier PIA, elle a souhaité procéder à une enquête sur l’ensemble du PIA. Si le présent rapport ne constitue pas une évaluation des résultats du programme – il est trop tôt pour en juger –, il dresse un premier bilan de sa mise en œuvre.

La Cour a trois messages à vous communiquer. Premièrement, alors que le PIA a été conçu comme un programme très ambitieux et innovant dans son contenu et ses modalités, ses originalités ont tendance à s’estomper – c’est un peu ce que vous disiez, monsieur le président. Deuxièmement, l’approche de procédure budgétaire retenue pour sanctuariser les crédits du PIA n’a pas atteint complètement cet objectif. Elle a, par ailleurs, eu des conséquences contestables. Troisièmement, le PIA est régi par une gouvernance originale, qui a singulièrement affaibli le rôle des ministères. Les méthodes sur lesquelles il s’appuie peuvent être améliorées et simplifiées, même si certaines d’entre elles méritent sans doute d’être reprises plus largement.

Le premier message de la Cour porte sur la très grande ambition et le caractère innovant du programme d’investissements d’avenir, dans sa conception, et sur ses caractéristiques originales, qui comme je l’ai dit, tendent à s’estomper.

Tout d’abord, le PIA a été conçu comme un programme très ambitieux et innovant dans son contenu et ses modalités. Le rapport de la commission Juppé-Rocard préconisait « un nouveau modèle de développement, plus durable » reposant sur l’innovation et la connaissance, appliquées prioritairement à l’« économie verte ».

Trois axes d’investissements transversaux et deux thématiques sectorielles ont été privilégiés. Le premier axe est le financement de projets d’excellence, portés par des organismes du secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur. La valorisation des résultats de la recherche et la promotion d’une recherche orientée vers le développement industriel constituent le deuxième axe d’investissement. Les pouvoirs publics ont ainsi entrepris de soutenir la recherche partenariale public-privé au sein des PME, la valorisation des innovations et le transfert de technologies de la recherche publique vers les entreprises. Le troisième axe transversal correspond au soutien aux entreprises innovantes, notamment aux PME industrielles. Les deux grands thèmes retenus pour le PIA sont, d’une part, la protection de l’environnement, avec environ 4 milliards d’euros consacrés aux biotechnologies, aux écotechnologies, à l’énergie, à la ville de demain et au véhicule du futur, et, d’autre part, le numérique, avec près de 4,5 milliards d’euros consacrés aux réseaux à très haut débit et aux usages innovants.

Le montant du premier PIA était conforme aux préconisations du rapport de 2009. Le PIA 2, pour sa part, a été lancé bien rapidement, sans attendre l’évaluation des résultats du PIA 1, et repose sur une vision stratégique moins structurée. Bien que doté d’un volume financier trois fois moins important, il est articulé autour de huit priorités – dont certaines n’ont pas de lien avec les lignes tracées dans le rapport 2009. Dans l’hypothèse d’un PIA 3, un retour à une vision stratégique unifiée et renouvelée est sûrement souhaitable.

La Cour s’est ensuite intéressée aux effets du PIA. Elle a tout d’abord constaté que les opérations ont été contractualisées plus lentement que prévu, et que les dépenses n’ont pas été exécutées aussi rapidement qu’espéré. Cela découle de l’importance des volumes financiers concernés, mais aussi de la lourdeur de certaines procédures et de difficultés rencontrées dans la négociation des contrats. Par ailleurs, plusieurs actions n’ont pas rencontré le succès espéré ; c’est le cas de filières thématiques telles que les éco-industries et le numérique, dont moins de 30 % des montants prévus étaient contractualisés à la fin de l’année 2014. Au total, à cette date, 75 % des crédits du premier PIA étaient contractualisés et un peu moins de 40 % décaissés.

Des premiers effets sont cependant visibles sur les trois axes transversaux d’investissements, grâce notamment à la mobilisation des acteurs académiques et économiques. Ainsi, huit initiatives d’excellences ou IDEX, 171 laboratoires d’excellence ou LABEX, et 93 équipements d’excellence ou ÉQUIPEX ont été lancés, pour un montant total de près de 10 milliards d’euros. En matière de valorisation de la recherche, France Brevets et quatorze sociétés d’accélération du transfert de technologies ont été créées, pour un montant total de 950 millions d’euros. Des fonds d’amorçage, de capital-risque, de refinancement dans le cadre d’OSEO, ainsi que divers dispositifs comme les prêts verts ou le programme de soutien aux innovations de rupture, ont été financés.

Il est néanmoins trop tôt pour mesurer précisément les effets du PIA sur l’économie, ainsi que la pertinence des projets choisis. La Cour aura l’occasion d’y revenir.

J’en viens aux spécificités du PIA, dans sa conception et ses modalités de mise en œuvre.

Le rapport de 2009, s’appuyant sur le constat d’un recul de la part de l’investissement dans les dépenses publiques avec la crise, a préconisé un « investissement ciblé et exceptionnel ». Son caractère exceptionnel devait se traduire dans sa temporalité et dans son montant. Finalement, le caractère exceptionnel du programme est tout relatif et tend à s’estomper davantage encore. D’une part, l’effort consenti en faveur du PIA n’avait pas vocation à être répété dans le temps. Or, un PIA 2 a été lancé en 2014, et un PIA 3 est annoncé dans les mois à venir. D’autre part, les moyens effectivement disponibles sont inférieurs aux montants évoqués par la communication gouvernementale. Annoncé à 35 milliards d’euros, le PIA 1 ne s’appuie que sur 24 milliards d’euros directement mobilisables. Il en va de même pour le PIA 2 : 12 milliards d’euros affichés et 10 milliards d’euros consommables. La différence résulte de l’existence de dotations non consommables, qui sont placées, et dont seuls les intérêts sont utilisables par les destinataires de ces fonds.

Par ailleurs, la Cour ne constate pas d’augmentation de l’effort d’investissement de l’État depuis 2010, PIA inclus. La part des investissements dans les dépenses de l’État est au même niveau en 2014 qu’en 2000, autour de 8 %, après avoir atteint 10 % en 2008 et 2010, avec le plan de relance. En euros constants, en 2014, le montant des dépenses d’investissement de l’État et de ses opérateurs a été inférieur de près de 20 % à celui du plan de relance de 2008-2009 et a retrouvé un niveau similaire à celui de 2001-2002. Certes, ces chiffrages ne tiennent pas compte des prêts et des prises de participation, que la comptabilité nationale intègre non pas dans les investissements publics mais dans les opérations financières. Ils ne tiennent évidemment pas compte non plus des dotations non consommables. Ils permettent toutefois de constater que le PIA semble avoir essentiellement deux effets : d’un côté, une gestion plus centralisée des investissements de l’État ; de l’autre, le maintien de leur niveau à un ordre de grandeur comparable à la situation antérieure.

Dans son rapport, la Cour formule des propositions d’évolution des informations sur le PIA, donc de la communication sur ce programme. Sa complexité et son originalité justifient que les informations utilisées pour le décrire et pour présenter ses résultats soient plus précises et plus transparentes, sur quatre points. Premièrement, il faudrait faire mieux apparaître les montants réellement disponibles pour financer les projets, en distinguant les dotations non consommables des intérêts qu’elles produisent. Deuxièmement, il faudrait insister sur les montants contractualisés, plus représentatifs de l’avancement réel du programme. Troisièmement, il faudrait utiliser les notions de cofinancement et d’effet de levier conformément à leur définition financière habituelle et, en particulier, ne pas comptabiliser les prêts garantis par le PIA comme des cofinancements – ces prêts représentent 40 % des 20 milliards d’euros de cofinancements privés identifiés pour le PIA. Quatrièmement, il faudrait ne pas comptabiliser les remboursements de prêts au titre des retours sur investissements. En effet, les remboursements ne font que compenser la mise initiale, alors que les retours sur investissements représentent une création de richesse pour l’État.

J’en viens au deuxième message de la Cour : les particularités budgétaires du PIA n’ont pas permis de « sanctuariser » les crédits du programme autant que prévu. Ces particularités présentent même des conséquences contestables.

La gestion budgétaire des crédits des PIA est organisée en deux temps. L’année du lancement du PIA – 2010 pour le PIA 1 et 2014 pour le PIA 2 –, les crédits sont ouverts dans le budget de l’État, sur des programmes budgétaires spécifiques. Ces crédits sont versés à une douzaine d’opérateurs, qui les placent immédiatement sur un compte au Trésor. Pendant les années suivantes, ces opérateurs sont mandatés par le CGI pour organiser la sélection des projets, contractualiser avec les bénéficiaires finaux, verser les crédits, suivre les projets. Cette gestion budgétaire et financière, spécifique au PIA, conduit à contourner les règles de l’annualité budgétaire – ce qui n’est pas surprenant puisque c’était l’un des objectifs affichés. Elle a pour objectif d’éviter le risque de sacrifier le long terme au court terme au cours des dix années de mise en œuvre du programme. En termes budgétaires, cette pratique prévient le recours à la technique du report des crédits, qui n’est pas automatique d’une année sur l’autre ; d’autre part, le transfert des crédits aux opérateurs les fait échapper à la régulation budgétaire. Dès le départ, la préservation des crédits du PIA constituait en effet une préoccupation majeure.

Le principe d’additionnalité des crédits du PIA par rapport aux dotations habituelles des ministères était présenté comme essentiel à la réussite du programme. Il devait garantir le caractère particulier et supplémentaire de l’effort d’investissement. Dans la réalité, il n’a pas toujours été respecté. Ainsi, le premier PIA a servi à financer des projets lancés avant sa création, mais dont le financement n’était pas assuré, comme les réacteurs ASTRID – Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – et Jules-Horowitz. Il s’est parfois substitué à des financements préexistants, comme le « fonds chaleur » de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il a également été utilisé pour financer des opérations dont la nature ou la finalité ne relèvent pas du PIA ; citons les infrastructures de l’appel à projets « transports en commun en site propre ». Enfin, il n’est pas rare que les pouvoirs publics substituent des dotations budgétaires habituelles et déjà prévues aux investissements annoncés.

La gestion extrabudgétaire du PIA, à travers le transfert systématique des crédits à des opérateurs a deux autres grands types de conséquences contestables. Elle prive tout d’abord le Parlement d’une partie de son pouvoir de décision sur des montants de dépenses publiques très importants – même si son information fait l’objet de dispositifs particuliers, notamment le comité de surveillance, qui comprend des parlementaires, dont quatre membres de votre commission. Ainsi, alors que, depuis 2010, l’utilisation des crédits du PIA1 a été sensiblement modifiée, par des redéploiements à hauteur de 6,2 milliards d’euros, les parlementaires ne se sont exprimés que sur 28 % de ceux-ci. Elle conduit ensuite à exclure de la norme de dépenses les opérations du PIA, en transférant globalement les crédits à des opérateurs en une seule fois ; ces dépenses sont des dépenses qui ne sont pas des dépenses. Ces opérations sont ainsi regardées comme exceptionnelles et ne sont pas comptabilisées dans la base de calcul de la norme, pendant l’année du lancement du programme. Au cours des exercices suivants, les décaissements des dotations consommables au profit des bénéficiaires du PIA ne sont pas non plus comptabilisés dans la norme de dépenses, puisque ce sont les opérateurs, et non l’État, qui les réalisent. Le PIA a dès lors permis, en sortant de la norme une partie des investissements de l’État, d’assouplir la contrainte budgétaire et d’en réduire significativement la portée.

Les dérives se sont très nettement accrues avec le PIA 2 et ses redéploiements, avec le financement d’actions qui ne correspondent pas aux objectifs du PIA. C’est le cas notamment des crédits affectés par la loi de finances initiale de 2014 au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour un montant de 1,7 milliard d’euros, dans le cadre de ses activités pour le ministère de la défense : ces crédits ne financent pas de nouveaux projets mais compensent l’insuffisance des recettes exceptionnelles qui, aux termes de la loi de programmation militaire 2014-2019, devaient alimenter le budget de la défense.

Compte tenu de l’ensemble de ces dérives, la Cour réitère la recommandation, déjà formulée dans son rapport sur le budget de l’État du mois de juin dernier, d’un retour au droit commun, notamment par l’intégration des décaissements du PIA dans la norme de dépenses.

Après s’être penchée sur l’impact budgétaire du PIA, la Cour a analysé ses conséquences sur la dette et le déficit publics. À l’origine, le lancement d’un « grand emprunt » était censé financer les propositions du rapport Investir pour l’avenir. En réalité, il n’y a pas eu d’emprunt spécifique pour financer le PIA, ni en 2010 ni en 2014. Ce choix est d’ailleurs heureux, puisqu’un emprunt massif pour des dépenses différées et, pour une part importante, à un horizon lointain, aurait sûrement été de mauvaise gestion.

Par ailleurs, plusieurs modalités visent à alléger l’impact du PIA sur la dette et le déficit publics. La répartition initiale des crédits du PIA1 et du PIA2 accorde une large place aux prêts et aux prises de participations. Ces modes de financement représentent 29 % de l’enveloppe disponible pour financer les projets – dotations consommables et intérêts des dotations non consommables. Or, ils ne sont pas pris en compte pour déterminer si le déficit public dépasse ou non le seuil des 3 % du PIB prévus par les traités européens. De ce fait, alors que les deux PIA ont, quand on fait le total des dotations consommables et des intérêts des dotations non consommables, un impact de 34 milliards d’euros sur la dette publique, ils ne pèsent que pour 24 milliards d’euros sur le déficit public.

Les prêts et prises de participation n’ont pas seulement pour objectif de limiter l’impact sur les comptes publics. Ils visent aussi à augmenter les retours financiers à moyen et long termes pour l’État, retours qui auront vocation à diminuer l’impact global du PIA sur le déficit public. Cette recherche de retour financier présente un autre avantage, puisqu’elle permet aussi de sélectionner des projets plus solides. Les conditions de retour sur investissement pourraient néanmoins être mieux adaptées aux différents types de projets, et surtout connues en amont de la sélection.

Au total, ces retours financiers, nets des pertes éventuelles sur les prêts et les participations, ont vocation, à plus ou moins long terme, à réduire l’impact global des investissements d’avenir sur les finances publiques.

La Cour appelle cependant l’attention sur deux points qui pourraient au contraire avoir des conséquences négatives sur le budget de l’État à moyen et long termes.

Le premier est l’avenir des dotations non consommables. À l’origine destinées à apporter une dotation en capital aux regroupements universitaires sélectionnés et à leur offrir une certaine autonomie financière, sur le modèle des universités anglo-saxonnes, les dotations elles-mêmes n’ont jamais été décaissées par l’État. Celui-ci se contente de verser des intérêts à taux fixe, en fait assimilables à des subventions. Dans la plupart des conventions, ces versements sont limités à la durée de chacun des deux PIA. Cependant, les conventions IDEX et LABEX, dont le montant, très important, s’élève à 9 milliards d’euros, n’obéissent pas à cette logique. Leur application pourrait conduire l’État à verser effectivement les dotations aux regroupements évalués positivement, pour un montant maximal de 9 milliards d’euros, ou à leur verser des intérêts, sans limite de durée, à raison de 300 millions d’euros par an après la fin du PIA 1, dans l’hypothèse maximale. L’échéance de début 2016, qui marque la fin de la période probatoire de certaines IDEX, impose de clarifier la situation juridique et les conséquences financières de ces deux conventions pour les finances de l’État et pour l’avenir des regroupements concernés.

Le second concerne les conséquences du financement par le PIA de dépenses de fonctionnement de structures dont la pérennité ne semble pas assurée. Certaines structures s’appuient notamment sur des équipes de chercheurs contractuels ou sur des fonctions support financés par le PIA. C’est notamment le cas dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le PIA présente une gouvernance originale, qui s’appuie sur le commissariat général à l’investissement et les opérateurs de l’État. Cette gouvernance a affaibli le rôle des ministères. En même temps, certaines des méthodes employées mériteraient sans doute d’être reprises plus largement. C’est le troisième et dernier message de la Cour.

Le CGI est une structure légère de trente-six personnes, créée spécifiquement pour superviser l’ensemble de la démarche. Il a montré son efficacité dans la mise en œuvre du PIA. Son rattachement direct au Premier ministre, ainsi que sa mission plus globale de veille sur la cohérence de la politique d’investissement de l’État, lui donne désormais un rôle central de stratège et de coordonnateur en matière d’investissements. Cependant, son fonctionnement est aujourd’hui plus centralisateur que transversal. Il doit œuvrer à développer, autour du PIA, ses actions d’animation, de coordination interministérielle et de communication. Ce sera d’autant plus important dans les phases de suivi et d’évaluation des projets que sa taille ne le met pas en situation de mettre lui-même en place les actions nécessaires.

Le rapport dresse le bilan du recours aux opérateurs pour la mise en œuvre du PIA. D’une part, le transfert des crédits aux opérateurs a permis d’éviter de créer des organismes ad hoc, tout en limitant les coûts de fonctionnement de l’ensemble – environ 240 millions d’euros sur dix ans pour le premier PIA, dont 140 millions d’euros directement à la charge du programme. Ce recours aux opérateurs a pris des formes très diverses selon les besoins et les compétences de chacun. Globalement, les opérateurs ont su s’adapter et faire preuve de souplesse, même si la mise en œuvre du PIA a souvent été plus lente que prévu.

Mais, d’autre part, les relations avec les opérateurs sont fondées sur des « mandats » confiés à l’aide de conventions spécifiques, et non selon les règles de tutelle habituelles. Les conseils d’administration sont donc dépossédés de leur pouvoir de décision quand il s’agit du PIA. Cela pourrait éventuellement poser, à terme, des problèmes de responsabilisation des opérateurs dans la mise en œuvre et le suivi de certaines actions. Par ailleurs, le recours aux opérateurs complique parfois les procédures lorsque l’opérateur gère aussi ses propres projets ; dans ce cas, il lui est souvent difficile de différencier dans la gestion des projets ce qui est imputable au PIA. Ce recours aux opérateurs a également pu uniquement servir à faciliter les débudgétisations ; on peut parler, dans certains cas, d’opérateurs « écrans ».

La contrepartie de cette gouvernance, articulée autour du CGI et des opérateurs, est la position affaiblie des ministères, dont la capacité d’arbitrage et de choix est mécaniquement restreinte. D’une part, cette situation fait peser le risque de dévaloriser leur rôle, en donnant l’impression que les actions d’avenir et d’excellence ne relèvent pas des ministères mais seulement du CGI. D’autre part, elle contribue à affaiblir la cohérence des politiques publiques lorsque les actions du PIA n’y sont pas suffisamment intégrées. Dans ce contexte, les ministères doivent donc s’efforcer de peser sur les actions du PIA au service des politiques publiques dont ils ont la charge et de s’organiser eux-mêmes pour mieux les suivre.

Lorsque je présente les travaux des juridictions financières, je rappelle régulièrement que la qualité des investissements compte autant, si ce n’est plus, que leur volume. Ce qui est vrai au niveau local l’est aussi au niveau national. Et le PIA a eu le mérite de faire reposer une partie des investissements de l’État sur une réflexion stratégique explicite et partagée, permettant de définir des priorités d’intervention, sur plusieurs années, ce qui est tout à fait positif.

En outre, dans la sélection et la mise en œuvre des actions du PIA, plusieurs pratiques ont été développées, qui méritent d’être déployées plus largement : la recherche de l’excellence, en faisant appel à des jurys d’experts indépendants ; la mise en place progressive, par tranche, de certains programmes, avec des clauses de rendez-vous intermédiaires ; la prise en compte systématique de la dimension économique des investissements publics en matière d’innovation et d’industrialisation des procédés.

Néanmoins, malgré les progrès observés, les procédures restent encore trop lourdes et mériteraient d’être mieux adaptées à la taille et à l’objet des opérations à financer. Cela pourrait par exemple passer par la diversification des modes de prise de décision en fonction des montants en jeu ou par le développement des possibilités de veto du CGI, en lieu et place de décisions systématiquement prises par le Premier ministre.

Par ailleurs, l’évaluation a été considérée dès l’origine – nous ne pouvons que nous en réjouir – comme une composante du PIA, avec des crédits identifiés pour la réaliser : 31 millions d’euros pour le PIA 1 et 16 millions d’euros pour le PIA 2. Malheureusement, l’évaluation des résultats n’en est encore dans certains cas qu’au stade de la structuration. Elle repose sur un partage des rôles qui mériterait d’être parfois précisé. La Cour insiste une nouvelle fois sur la qualité de l’évaluation, au cœur des politiques publiques.

En conclusion, la Cour dresse à ce stade un bilan nuancé du PIA. Il a permis, d’une part, de mettre en œuvre une politique d’investissement cohérente avec une vision stratégique. Il s’est appuyé sur une gouvernance présentant des caractéristiques originales et porteuses d’efficacité. Néanmoins, malgré son ambition, et même si de premiers effets commencent à se faire sentir, la lenteur de sa mise en œuvre, les limites liées à sa gouvernance et les dérives observées, notamment sur le plan budgétaire, rendent nécessaires des ajustements. L’existence du PIA 2 et l’annonce d’un PIA 3 changent la nature même d’un programme censé au départ être exceptionnel. Cette prolongation du PIA rend désormais injustifiées plusieurs dérogations dont il bénéficie, aussi louable soit l’objectif d’un programme préservant la capacité de l’État à engager des investissements productifs et visant à protéger dans le temps les crédits qui leur sont affectés. Les innovations du PIA pourraient entrer dans le cadre des règles actuelles. Ainsi, le PIA 3 pourrait, par exemple, prendre la forme, au sein du budget de l’État, d’un nouveau programme budgétaire. Placé sous la responsabilité du Premier ministre, pour lui conserver sa dimension interministérielle, il pourrait bénéficier de règles spécifiques le mettant, par exemple, à l’écart de la régulation.

Telles sont les observations et recommandations de la Cour, dont je souhaitais vous faire part, et qui sont soumises à votre réflexion. Selon les priorités que vous aurez déterminées, vous pourrez vous saisir des propositions que vous jugerez appropriées. Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition, avec les magistrats qui m’entourent, pour répondre à vos questions.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous remercie, monsieur le Premier président, pour cette présentation. Je la trouve cependant bien optimiste ; ma vision des PIA est malheureusement un petit peu plus pessimiste.

D’un point de vue comptable, franchement, entre l’argent sonnant et trébuchant qui est investi et l’argent placé dont les intérêts servent à un certain nombre de missions, on peut vraiment considérer qu’on mélange « des choux et des carottes ». Comment appeler cela autrement que de l’hypocrisie comptable ? D’un côté, du vrai argent, de l’autre du faux argent : le terme « virtuel » est un mot encore trop faible, je dirais pour ma part « supervirtuel ». Quelles sont vos propositions sur le plan comptable ? Ne prétendons pas que 47 milliards d’euros sont investis : c’est tout à fait faux.

Venons-en aux objectifs. Dans les années 1970, tout le monde savait qu’on investissait pour construire des centrales nucléaires. Dans les années 1980, tout le monde savait qu’on investissait pour faire des TGV. Aujourd’hui, à quoi est utilisé l’argent de tous ces programmes de recherche « d’excellence » ? Je serais incapable de le dire. Alors que nous devrions avoir des ambitions extrêmement fortes dans les domaines du numérique et de la santé, je ne retrouve rien de tout cela dans les PIA. Ne faudrait-il pas concentrer les fonds sur une ou deux missions, plutôt que d’en saupoudrer les intérêts pour des objectifs qui ne sont pas forcément très bien identifiés ?

M. le président Gilles Carrez. Je propose que nous écoutions, après Mme la rapporteure générale, nos représentants au comité de surveillance des investissements d’avenir, Dominique Lefebvre et Olivier Carré, par ailleurs l’un des coprésidents de la MEC – notre collègue Alain Claeys – également coprésident de la MEC – étant excusé.

M. Dominique Lefebvre. Si j’ai bien compris, la Cour ne remet pas en cause le dispositif ; en revanche, elle nous appelle à la vigilance. D’ailleurs, si les PIA n’avaient pas été mis en place, qu’en serait-il exactement de notre politique d’investissement ?

Pour ma part, je ne pense pas qu’il faudrait revenir à des procédures de droit commun, qui n’ont pas toujours fait la preuve de leur pertinence ni de leur efficacité. Entre les dispositifs traditionnels, dont on connaît les résultats, et un système dérogatoire où plus personne ne piloterait rien et où les dérives seraient nombreuses, une juste voie doit être trouvée.

Par ailleurs, nous voyons bien pour quelle raison la Cour considère que les décaissements du PIA doivent faire partie de la norme d’évolution de la dépense – nous en avons déjà débattu au printemps. Cependant, dès lors que les décaissements annuels sont bien comptabilisés dans le déficit public, la question n’est pas, ici, celle de la trajectoire de redressement des finances publiques. Il n’y a pas de raison de considérer que, pour que la norme soit respectée, les décaissements du PIA devraient être financés par des économies supplémentaires de fonctionnement.

Je me fais maintenant le porte-parole de notre collègue Alain Claeys.

Il souhaitait exprimer sa satisfaction sur le fait que la Cour des comptes rejoigne, dans son rapport, plusieurs des conclusions que notre collègue Patrick Hetzel et lui-même ont formulées dans leur rapport, présenté au nom de la MEC, sur les investissements d’avenir pour la recherche et l’enseignement supérieur, en particulier sur la nécessaire simplification des procédures de gestion du PIA, sur l’amélioration du pilotage interministériel de celui-ci et sur la clarification du devenir des dotations non consommables affectées aux IDEX.

Ensuite, il souhaitait vous poser trois questions, monsieur le Premier président. Le rapport de la Cour indique que 75 % seulement des crédits du PIA 1 étaient engagés à la fin de l’année 2014. Or, la mission d’évaluation et de contrôle a pu constater que, dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur, ce sont 95 % des crédits du PIA qui ont été engagés, pour l’essentiel par l’Agence nationale de la recherche (ANR), et ce non pas à la fin de l’année 2014 mais dès le mois de juillet 2014. La Cour a-t-elle pu identifier, dans d’autres domaines que celui de la recherche, des complexités qui ont empêché l’engagement dans les temps des crédits ouverts ? Le cas échéant, quelles sont-elles et que préconise la Cour pour y mettre fin ?

Le rapport de la Cour évoque aussi une certaine substituabilité entre crédits budgétaires et crédits du PIA. Les deux exemples cités sont cependant, d’une part, les avances remboursables de l’Airbus A350 et, d’autre part, la jouvence du navire océanographique Marion Dufresne. Lors de leurs auditions respectives par la MEC, le directeur général de l’aviation civile, M. Patrick Gandil, a souligné le caractère structurant du programme A350, et le directeur général de la recherche et de l’innovation du ministère de l’éducation nationale et de la recherche, M. Roger Genet, a fait valoir le caractère stratégique de la flotte océanographique française. La question soulevée par la Cour n’est-elle pas, en réalité, moins une affaire de technique budgétaire que d’interministérialité ? Autrement dit, un meilleur positionnement interministériel du commissariat général à l’investissement n’aurait-il pas pu permettre la prise en charge, dès l’origine, de ces investissements dans le PIA sans qu’il soit besoin de les y insérer après coup, au risque de jeter un doute sur le caractère stratégique du PIA ? Le rapport de la MEC a insisté sur la nécessité de développer la fonction de coordination interministérielle du CGI.

Enfin, la Cour a évoqué les dotations non consommables du PIA. Pour l’essentiel, ces dotations sont affectées aux IDEX, c’est-à-dire, pour faire court, aux regroupements d’universités, de grandes écoles et de grands établissements de recherche présents sur un site dont la gouvernance a été jugée suffisamment structurante par le jury international du PIA pour mériter un financement spécifique. Le rapport de la MEC préconise, au bout de dix ans, en cas d’évaluation positive desdites IDEX, le transfert pur et simple à celles-ci de ces dotations, sous réserve de clauses d’utilisation qui sont généralement celles attachées, à l’étranger, aux financements institués par des fondations. Pour la MEC, cette solution paraît de nature, à la fois, à reconnaître la qualité du processus de gouvernance engagé dans le cadre des regroupements instaurés par les IDEX et à apaiser les inquiétudes de la Cour sur une sorte de dette perpétuelle qui serait instaurée au profit des IDEX au cas où les dotations ne leur seraient pas transférées. Monsieur le Premier président, que pense la Cour de cette solution ?

M. le président Gilles Carrez. C’est vrai, cher collègue Lefebvre, nous avons débattu entre nous de la manière dont il fallait comptabiliser les décaissements. Il ne s’agit pas pour moi de les comptabiliser à l’intérieur de la norme pour pouvoir m’élever ensuite contre le fait que celle-ci aura été dépassée, faute des économies nécessaires. Il s’agit plutôt – et il me semble que c’est aussi l’esprit de la proposition de la Cour des comptes – de pouvoir mesurer l’évolution de la dépense réelle d’une année sur l’autre. Ne nous méprenons pas.

Madame la rapporteure générale, vous rappelez que l’on savait, naguère, à quoi servaient les investissements – au nucléaire ou au TGV – et vous dites que ce n’est plus le cas maintenant. Cependant nous savons que les dotations non consommables, dès le lancement du premier PIA, étaient destinées avant tout à donner des moyens supplémentaires à tout un ensemble d’universités et de laboratoires. C’est donc, par nature, des crédits aux objectifs très dispersés qui sont alimentés par les intérêts de ces dotations.

Cela dit, si je comprends bien, monsieur le Premier président, la dotation est empruntée, par exemple à 0,8 %, par l’État, et l’État affecte les intérêts de cet emprunt sur la base d’une rémunération qui doit être aujourd’hui de 2 ou 3 %. N’est-ce pas finalement comme si l’État empruntait au taux de 2,8 % ou 3,8 % ? L’État a une ressource qui lui coûte un peu, et il met à disposition le produit de cette ressource, qui vient s’ajouter au coût de la ressource.

M. Olivier Carré. Nous nous sommes posé beaucoup de questions à ce propos, monsieur le président Carrez. En fait, très concrètement, c’est un jeu d’écritures. Les fonds prétendument cantonnés, en fait, n’existent pas, et le seul effet budgétaire, c’est cette différence de 10 milliards d’euros entre déficit et dette, que le rapport explique très bien. En fait, ce n’est pas vraiment une ligne. Ce qui alourdit le déficit budgétaire, ce sont les 300 millions d’euros donnés chaque année, qui sont du déficit pur. Alors, certes, on peut considérer que c’est de l’emprunt, puisque toutes les dépenses marginales sont considérées comme empruntées, et si les comptes publics étaient équilibrés, ces 300 millions d’euros ne le seraient pas. En tout cas, c’est cela qui constitue le vrai décaissement.

Dans le cadre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, nous avons créé les fondations, auxquelles l’État devait attribuer certaines sommes, qui s’ajouteraient à d’autres, et la rémunération de cet argent devait alimenter les budgets courants des entités universitaires ou des laboratoires, avec une sorte d’effet de levier. En réalité, à l’époque, en 2009 ou 2010, cela s’est révélé impossible pour des questions de normes comptables, mais nous avons gardé la mécanique comptable et financière, qui était le versement de l’équivalent des fruits de cet argent qui aurait été placé.

À l’époque, les taux étaient à 3 % ; cela représentait donc une somme non négligeable. Aujourd’hui, les choses sont différentes, puisque les taux sont aux environs de 0,8 %, mais ce qui est sûr, c’est que le capital n’a pas été affecté aux fondations. Il est resté sur des lignes au Trésor, cantonnées, affectées à un établissement, mais qui ne figurent pas sur les livres d’un agent comptable, par exemple celui de la fondation en question.

La situation est donc un peu hybride. L’argent est bien versé, finalement, à l’université ou au laboratoire, mais nous n’avons pas l’effet de levier espéré. Si, pour chaque euro apporté par l’État, le mécénat privé avait mis 2 ou 3 euros, alors les fondations universitaires auraient pu se développer.

Si certains mécanismes peuvent ne pas sembler très orthodoxes, c’est parce qu’ils sont le fruit de ces évolutions. Aurions-nous dû les réviser ? La question s’est posée, mais le premier commissaire général à l’investissement a opté pour le pragmatisme. Il n’avait pas tort non plus : il s’agissait de faire en sorte que les fonds arrivent aux LABEX, IDEX et pôles universitaires auxquels ils étaient destinés.

Tous ceux d’entre nous qui suivent ces travaux depuis le début peuvent souscrire aux remarques de la Cour, mais nous avons quand même quelques motifs de satisfaction. Lorsque MM. Rocard et Juppé ont rendu leur rapport, nous nous sommes demandé s’il fallait flécher l’investissement sur de grands projets. Il y en a quelques-uns, comme ITER – International Thermonuclear Experimental Reactor –, mais la stratégie choisie a consisté à faire confiance aux opérateurs. Pour financer une économie de la recherche et de l’innovation – c’était le cœur du rapport Juppé-Rocard –, pour préparer l’économie française aux défis du XXIsiècle, il fallait plutôt disperser, si j’ose dire, les sommes et s’en remettre, une fois défini un axe stratégique, à l’aléa qui est le vrai moteur de l’innovation. Aussi brillants que soient les jurys et les fonctionnaires réunis autour d’une table, l’innovation ne se décrète pas, et nous recherchons plutôt des effets de rupture. Au contraire, dans les années 1960, il s’agissait plutôt de procéder par incrémentation. Tel a été le point de vue, assumé, des deux auteurs du rapport, et les choix faits procèdent de cet esprit.

Par ailleurs, l’indépendance du PIA, sous l’égide du Premier ministre, permet une vision large, même si la cohérence entre les politiques menées par tel ministère et les investissements d’avenir peut y perdre. Vous le savez, les deux coprésidents du comité de surveillance ont démissionné lorsqu’il a été annoncé, en 2014, que le CGI allait être placé sous la tutelle du ministre chargé de l’industrie. Nous pouvons débattre de cette question, c’est un sujet politique, mais, normalement, la tutelle du Premier ministre doit permettre d’organiser la cohérence de l’ensemble.

Je n’ai pas retrouvé dans le rapport de la Cour des comptes un élément qui m’avait choqué. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour l’année 2014, le ministre du budget avait prélevé 500 millions d’euros sur les investissements du ministère de la défense. Il avait explicitement dit qu’il organisait la régulation budgétaire globale en retirant une fraction de la dotation affectée sur une ligne du PIA !

Enfin, si nous commençons à mesurer la réussite ou l’échec d’un certain nombre d’investissements, nous ne parvenons pas assez bien à mesurer l’effet marginal, au sens économique du terme, du PIA sur la dynamique des projets soutenus. Le fait que celle-ci ait connu une accélération ou que le rythme de déroulement du projet soit demeuré inchangé renseigne plus sur la qualité du projet lui-même, tel qu’il est conduit, que sur la méthode du PIA. Or, celui-ci a pour objet d’accélérer la croissance de long terme, cette fameuse croissance structurelle dont nous parlons si souvent ici, grâce à l’innovation et à la recherche. Quel est l’effet de levier de ces 40 milliards d’euros mobilisés, autrement dit de ces 2 points de PIB ? C’est ce type d’information que j’attends en tant que membre du comité de surveillance.

M. le président Gilles Carrez. Notre collègue Karine Berger a consacré le rapport spécial qu’elle vient d’élaborer sur la mission Conduite et pilotage des politiques économiques et financières à l’investissement de l’État.

Mme Karine Berger. Tout d’abord, comme je le fais remarquer dans le rapport que le président Carrez vient de citer, nous ne disposons pas, dans notre pays, d’une vision consolidée de l’investissement de l’État. C’est pourquoi un amendement en ce sens a été adopté ; j’espère qu’il sera suivi d’effet et qu’un « jaune » budgétaire recensera les investissements en cours. Si, pour les PIA, nous connaissons l’ensemble des montants des enveloppes, accumulés année après année, nous ne connaissons pas les dépenses en cours. Je ne sais pas combien l’État a dépensé au titre des PIA en 2015 et pour quoi faire. C’est une vraie difficulté. La Cour a-t-elle pu déterminer le montant annuel de la dépense et les modalités de sa consolidation ?

Ensuite, la plupart des investissements de l’État ne sont pas soumis à des procédures de sélection. Aujourd’hui, dans une entreprise, il est inimaginable de lancer un programme d’investissement sans rendez-vous réguliers de go-no go. Il s’agit de faire des bilans d’étape, de vérifier l’état d’avancement par rapport au business plan initial, de déterminer si on continue ou pas. Je crois savoir que les PIA sont le seul lieu, dans la sphère publique, où s’appliquent des mécanismes de go-no go. La Cour pourrait-elle nous donner un exemple de projet qui a fait l’objet d’un go et un exemple de projet qui, compte tenu de son avancement insuffisant ou de ses résultats, a fait l’objet d’un no go ?

Par ailleurs, en 2016, les ruptures recherchées dans le cadre du PIA lancé en 2010 ont normalement dû avoir lieu. Las ! Je pourrais citer des ruptures intervenues dans les années 1970 ou dans les années 1980, mais je suis incapable de donner un exemple de rupture financée par le PIA. En connaît-on ?

Enfin, si environ 15 milliards d’euros sont placés et doivent rapporter des intérêts pour financer les universités et les laboratoires sélectionnés par le PIA, j’ai cru comprendre qu’une modification de l’accord financier entre les universités et la direction du budget liait beaucoup plus les mains du ministère chargé du budget en ce qui concerne le versement des futurs intérêts. Pourriez-vous me confirmer que l’accord a été modifié et qu’aux termes de cet arrangement financier nous nous acheminons de façon plus définitive vers une rente perpétuelle ? J’ai posé la question au secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, mais
– malheureusement – je n’ai pas eu de réponse.

M. Marc Goua. Il me semble que les financements des PIA ne figurent pas dans la dette nationale. Faire glisser un certain nombre d’interventions du PIA dans le champ du droit commun ne risque-t-il pas de nous pénaliser à terme ?

M. Guillaume Bachelay. Si la France souffre depuis de longues années d’un déficit d’investissement, le même constat peut être fait à l’échelle européenne. À cet égard, il est urgent que le « plan Juncker » se traduise en projets dans les territoires.

Par ailleurs, élu d’un des territoires les plus industriels de notre pays, j’appelle à ne pas séparer, dans notre réflexion, les modalités budgétaires et les procédures de comptabilité des finalités économiques, technologiques, d’industrialisation, d’innovation et de recherche. Je souscris, de ce point de vue, à la remarque faite par notre rapporteure générale au début de son intervention.

L’un des chapitres du rapport de la Cour des comptes est consacré à la gouvernance. Tout à l’heure, au cours de votre analyse nuancée, vous avez déclaré, monsieur le Premier président, que le PIA a permis une politique d’investissement avec une vision stratégique et une gouvernance adaptée mais perfectible. Ce point a été peu évoqué. Le commissariat général à l’investissement centralise les décisions, en s’appuyant, via des délégations, sur des opérateurs pour la mise en œuvre. Cela permet au PIA de s’inscrire dans la durée, d’être efficace ou de chercher à l’être, et aussi d’être économe. Cependant, selon votre rapport, un pilotage plus efficace encore nécessiterait que soient distingués des opérateurs experts thématiques et des opérateurs experts financiers, sous forme de binômes, par exemple entre la Banque publique d’investissement et l’ADEME. La systématisation d’une telle approche ne serait-elle pas néfaste, quand notre objectif est d’offrir aux entrepreneurs un point d’entrée unique pour l’instruction des projets ?

M. Charles de Courson. Dans notre commission, j’ai toujours été minoritaire, sur beaucoup de sujets, et je l’assume. Ainsi, je n’étais pas d’accord avec le lancement des PIA. Le rapport de la Cour le montre bien : le lancement de ces deux PIA par deux majorités successives, c’est la reconnaissance du fait qu’il ne faut pas réformer l’État et notre Parlement, et qu’il faut en contourner les règles démocratiques ! C’est aussi simple que cela : on contourne le Parlement, pour ne pas avoir à aller s’expliquer devant les parlementaires. On contourne les ministères, considérés comme incompétents. Et, pour couronner le tout, on contourne évidemment les règles comptables.

Je m’interroge sur les dotations non consommables, cet incroyable système selon lequel douze organismes doivent immédiatement déposer les 18,3 milliards d’euros dont ils sont dotés – excusez du peu – au Trésor public. Autrement dit, ces fonds sont absents de leur trésorerie, et l’État leur verse 600 millions d’euros d’intérêts par an au titre de la rémunération de ce prêt fictif. C’est ahurissant ! Je suis étonné que la Cour des comptes ne se soit pas posé la question : quelle est donc, si j’ose dire, la « vraie nature de Bernadette » ? Quelle est la nature de ces 18,3 milliards d’euros ? Par ces artifices comptables, le déficit de l’État se trouve allégé d’une douzaine de milliards d’euros sur la période concernée. Quand Jean-François Copé était ministre du budget, je lui avais décerné la médaille d’or des farces et attrapes budgétaires – il m’en a toujours voulu. Eh bien, aujourd’hui, les inventeurs du PIA mériteraient une super-médaille d’or des farces et attrapes budgétaires !

M. Jean-Louis Gagnaire. Le côté positif du PIA, c’est qu’il est sélectif. Les IDEX ont été très critiquées, notamment dans la région dont je suis l’élu, où les candidatures de deux centres universitaires majeurs n’ont pas été retenues. En réalité, ce n’était que justice. Devant des experts internationaux, on ne s’arrange pas entre amis ! Ce niveau d’exigence est prometteur pour l’avenir, surtout dans le monde universitaire. Il faut accepter d’être évalué par des experts extérieurs. La difficulté en revanche est que la stratégie menée à travers le PIA n’est pas très claire : le PIA passe pour la solution à tous les problèmes, comme une sorte de nouveau couteau suisse.

Pour ma part, je me suis penché sur le financement de l’innovation. Au sein du budget de l’État, celui de l’innovation a été réduit de 50 % entre 2009 et 2015. Certes, on peut objecter, à juste titre, à ce constat que c’est parce que les montants basculaient dans le même temps sur le PIA. Le problème est que, pour reprendre l’expression de notre rapporteure générale, on mélange « des choux et des carottes ». Ainsi, le montant des crédits du programme 192 consacrés à l’innovation est passé de 300 millions d’euros en 2009 à 170 millions d’euros l’an prochain. Or, cette insuffisance de financement a bel et bien des répercussions sur les petites entreprises. En effet, même s’il contribue à un effort global en augmentation par rapport au passé, le PIA ne finance pas le même type d’actions : il a vocation à financer les grands programmes collaboratifs. Ayant participé en tant que représentant de l’Association des régions de France (ARF) au comité de pilotage des trente-quatre plans de la Nouvelle France industrielle, je peux vous dire que si les grands groupes venaient y faire leurs achats, on n’y retrouvait pas le type d’opérations menées naguère avec l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR). C’est une véritable difficulté.

Autre problème : les contraintes des procédures du PIA ne sont pas synchrones avec les processus cofinancés par l’État. Ainsi, nonobstant la bonne volonté des uns et des autres, un certain nombre de projets peuvent pâtir de décalages sensibles, entraînant des rappels à l’ordre. Alors que le PIA est conçu pour échapper à toute la lourdeur administrative, celle-ci finit par nous rattraper.

Par ailleurs, le PIA ne peut pas être la solution à tous les problèmes – je songe notamment aux pôles de compétitivité. Par une sorte de génie français, nous ne voulons mobiliser que nos propres crédits, alors que le PIA devrait systématiquement être conjugué avec les fonds européens. Il me semble que les 70 milliards d’euros du programme « Horizon 2020 » ne sont guère sollicités.

Mme Arlette Grosskost. Alors que le principe retenu pour le PIA est de décaisser au fur et à mesure de la réalisation des investissements, il existerait, me dit-on, d’énormes retards de paiement. La Cour des comptes a-t-elle eu l’occasion de se pencher sur cette question ?

Mme Véronique Louwagie. Aujourd’hui, il existe une coopération entre les services déconcentrés de l’État et Bpifrance, qui est tenue d’accompagner la politique industrielle nationale. Est-ce en corrélation avec les politiques de filière ou d’implantation industrielle ?

Par ailleurs, cette coordination vous paraît-elle de nature à avoir un impact sur la mise en œuvre du PIA 2 – Bpifrance est opérationnelle depuis la mi-2013 ? Et quels effets de levier pouvons-nous espérer ?

M. Alain Fauré. Pourriez-vous, monsieur le Premier Président, nous en dire un peu plus sur la responsabilité des opérateurs dans le déploiement des PIA, que vous avez mentionnée tout à l’heure ?

M. le Premier président de la Cour des comptes. Madame la rapporteure générale, nous sommes tout à fait d’accord. Dans son rapport, la Cour fait les mêmes observations que vous.

Monsieur Lefebvre, je trouve curieux votre raisonnement sur la norme. Une dépense est une dépense ou n’en est pas une. Si c’est une dépense, elle doit être dans la norme, qui est quand même une norme d’évolution de la dépense. Le terme « hypocrite » employé par Mme la rapporteure générale à propos des montants annoncés, ou l’expression de « mélange des choux et des carottes », seraient également appropriés pour qualifier un raisonnement selon lequel une dépense ne serait pas une dépense. Que la norme soit ajustée, que vous assumiez que la norme peut augmenter pour un certain nombre de raisons, notamment l’importance des dépenses d’investissement, que soit différencié ce qui relève des dépenses de fonctionnement et des investissements d’avenir, soit, mais j’ai quelque difficulté à admettre qu’une dépense n’est pas une dépense et n’a donc pas à être introduite dans la norme. Bien sûr, les services compétents peuvent faire preuve d’inventivité ; mais alors le contrôle du Parlement n’est plus aussi efficace qu’il devrait l’être.

Pour répondre à la question de M. Claeys transmise par M. Lefebvre, 75 % des crédits du PIA 1 étaient contractualisés et non engagés à la fin de l’année 2014. Nous développons cette distinction entre engagement et contractualisation pour souligner les difficultés de la contractualisation : pour certaines actions, la négociation des taux de retour notamment a été particulièrement longue et difficile. En revanche, pour les principales actions concernant la recherche, l’engagement comme la contractualisation des crédits du PIA atteint souvent 100 % ; il n’y a pas de difficultés particulières de contractualisation dans ce domaine.

Il est préférable, selon nous, mais aussi selon le commissaire général à l’investissement, de communiquer sur le taux de contractualisation plutôt que sur le taux d’engagement. En ce qui concerne l’engagement des crédits, la différence entre les opérations menées dans le domaine de la recherche et celles menées dans la plupart des autres domaines est là aussi effectivement sensible. La situation est différente quand il s’agit d’appels à projets qui visent à sélectionner des projets innovants – portés par des entreprises et des laboratoires – avec des perspectives réalistes de mise sur le marché à terme.

Quant à la substitution de crédits du PIA à des crédits budgétaires, la Cour ne fait pas que relever les deux cas cités. Nous considérons que le non-respect du principe d’additionnalité concerne environ 20 % des crédits du PIA 1 et du PIA 2. Avec l’A350, des crédits du PIA ont clairement été substitués aux crédits budgétaires classiques, puisque le financement des nouveaux projets d’avions par des avances remboursables existait bien avant le PIA et que la France s’était engagée à soutenir ce projet dès 2009. Relevant cela, nous n’entendons nullement critiquer le programme de l’A350. De même, nos observations critiques sur le PIA ne sont pas une critique des investissements d’avenir. Il s’agit simplement de dire que le mode de financement du PIA peut susciter un certain nombre de réserves.

Selon le raisonnement du directeur général de l’aviation civile, qui rejoint d’ailleurs celui du ministère chargé du budget, les bons projets ont vocation à être financés par le PIA ; mais cela revient à dire que le PIA n’a pas pour objet de mettre en œuvre le rapport de 2009, ce qui est pourtant son objectif initial ! Voilà, en tout cas, qui nous conforte dans l’idée que le programme de l’A350 n’a rien d’exceptionnel et ne doit donc pas bénéficier de conditions exorbitantes du droit commun. Le cas anecdotique du Marion Dufresne relève strictement du même raisonnement. Sa maintenance est probablement normale et même essentielle, mais qu’elle soit financée par des crédits budgétaires normaux, non des crédits exceptionnels du PIA !

En revanche, la Cour rejoint tout à fait le rapport de la MEC sur la nécessité d’une action plus interministérielle du CGI. Que celui-ci soit placé sous la responsabilité du Premier ministre est utile, mais cela ne doit pas empêcher l’implication des différents ministères pour assurer au mieux la cohérence de l’ensemble des politiques publiques.

Quant aux dotations non consommables, nous nous sommes efforcés d’évoquer toutes les solutions possibles. Actuellement, nous ne savons pas ce qu’il adviendra des dotations non consommables des IDEX. Nous n’avons pas voulu proposer une solution, c’est à vous qu’il appartiendra d’en décider, mais la dévolution définitive des dotations non consommables aux IDEX est la solution la plus conforme à l’objectif initial. Cela augmentera cependant d’environ 7 milliards d’euros le coût du PIA pour l’État.

J’appelle votre attention, cela dit, sur le fait que les dotations non consommables ne sont pas placées – Olivier Carré l’a suggéré tout à l’heure. Elles restent sur un compte au Trésor. On a affaire à un jeu d’écritures : les intérêts sont calculés in abstracto, et ensuite versés aux opérateurs. La Cour n’a pas obligatoirement compétence pour juger de la « vraie nature de Bernadette », mais ce que je peux dire, c’est que cela équivaut tout simplement à des crédits de fonctionnement. Nous estimons que ces dispositifs peuvent effectivement être améliorés, de même que l’exercice par le Parlement de son rôle de contrôle.

Je partage le regret que vous exprimez, madame Berger, à propos de l’absence de vision consolidée de l’investissement public en tant que tel, même si les rapports de la Cour comportent un chapitre qui peut répondre à la question que vous soulevez. Sans doute le président Lévy ou Mme Pappalardo pourront-ils répondre plus précisément à vos questions, en particulier sur le go-no go – il y a beaucoup de go, sans doute beaucoup moins de no go… Enfin, nous savons qu’il existe de fortes divergences entre le point de vue des universités et celui du ministère du budget sur l’accord financier que vous avez cité.

Pour faire des choses intelligentes, faut-il obligatoirement contourner les règles ? Si celles-ci ne sont pas satisfaisantes, monsieur de Courson, il suffit en effet de les changer, et le Parlement a toute légitimité pour en édicter de nouvelles. Ce n’est pas ce que nous avons particulièrement étudié, mais c’est tout de même une question qui se pose. Le fait qu’un PIA 2 ait suivi un PIA 1 et qu’un PIA 3 soit envisagé nous préoccupe. Les investissements d’avenir peuvent être envisagés dans le cadre d’autres procédures, plus respectueuses des droits du Parlement et de son rôle de contrôle, sans compromettre la capacité d’action et d’initiative du Gouvernement. C’est ce que nous avons voulu dire.

Monsieur Bachelay, nous ne proposons pas tout à fait l’approche duale que vous avez évoquée. Je pense que Mme Pappalardo pourra vous en dire plus dans un instant.

Monsieur Gagnaire, nous souscrivons à un certain nombre de vos observations critiques sur le manque de coordination entre le CGI et les différents ministères. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur quelques sujets qui pourront vous intéresser, notamment la question de la valorisation de la recherche, les pôles de compétitivité, le véhicule électrique, le champ même des investissements d’avenir, ou encore le rôle de Bpifrance. Les questions que vous soulevez s’inscrivent tout à fait dans le cadre de nos travaux et de l’enquête que nous avons lancée.

M. Gilles-Pierre Lévy, président de chambre à la Cour des comptes. Je ne sais pas où en est l’accord entre le ministère du budget et les universités. Cependant, deux logiques s’affrontent à propos des IDEX. Les conventions signées prévoyaient, en cas de go, la perpétuation des versements ou le transfert du capital, tandis que, selon l’analyse du ministère du budget, les versements s’arrêtent au terme des PIA, prévus pour une durée de dix ans – pour le PIA 1 – ou de quinze ans – pour le PIA 2.

Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître à la Cour des comptes. Le recours au go-no go ne peut intervenir que lorsque les opérations menées ont eu un effet mesurable et que l’on peut évaluer la qualité des résultats. Les premiers vrais go-no go interviendront donc au début de l’année prochaine, avec l’évaluation des IDEX. Des évaluations importantes des sociétés d’accélération du transfert de technologies auront également lieu en 2016. Les programmes ne prévoyaient pas de go-no go avant la troisième ou la quatrième année des projets, compte tenu de l’importance des sujets, ce qui justifie, compte tenu des contractualisations tardives, ce recours également tardif.

Il est encore trop tôt pour savoir si les ruptures attendues sont au rendez-vous. Les opérations réellement financées, comme celles répondant à des appels à projets sur les énergies renouvelables ou sur le numérique, n’en sont au mieux qu’à leur deuxième année de réalisation. Suivons donc toutes les opérations d’évaluation prévues, programme par programme. C’est ainsi que la Cour procédera.

Nous suivons très précisément les décaissements du PIA par opération, sans rencontrer de difficultés, et nous n’avons pas connaissance de retards de paiement. Si, au bout de cinq ans de PIA 1, moins de 40 % des montants ont été décaissés, c’est surtout en raison de la longueur des procédures. Il a fallu du temps pour lancer toute la machine, et des appels à projets doivent encore être lancés. Par ailleurs, sur un certain nombre de sujets, il n’est pas si facile de trouver de bons projets. Cela explique les très faibles pourcentages de consommation des crédits de certains programmes concernant le numérique ou les écotechnologies. Il ne s’agit pas d’engager l’argent uniquement parce qu’on en a, quitte à retenir de mauvais projets ! Cela explique aussi les redéploiements : les crédits non consommés sont redéployés là où il paraît plus facile de les consommer.

Enfin, je peux vous citer un exemple de no go, qui concerne le programme « Habiter mieux ». Une prime spécifique avait été mise en place, mais elle n’était pas consommée. Il y a donc été mis un terme, et les crédits ont été repris à l’Agence de services et de paiement, chargée de la verser, pour les redéployer ailleurs.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 décembre 2015 à 9 h 30

Présents. - M. Guillaume Bachelay, Mme Karine Berger, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Luce Pane, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Alain Rodet, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Xavier Bertrand, M. Pascal Cherki, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Camille de Rocca Serra, M. Laurent Wauquiez

Assistait également à la réunion. - M. Gérard Bapt

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