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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 16 décembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 54

Présidence de Mme Marie-Christine Dalloz, Secrétaire

–  Examen du rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française (MM. Pascal Terrasse, Jean-François Mancel et Jean-René Marsac, rapporteurs)

–  Présences en réunion

La commission examine le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française (MM. Pascal Terrasse, Jean-François Mancel et Jean-René Marsac, rapporteurs).

M. Pascal Terrasse, rapporteur. Pour mener sa politique de promotion de la langue française et de développement de la francophonie, la France, au-delà de sa politique bilatérale, s’appuie sur des organismes internationaux, dont d’autres États ou gouvernements sont partie prenante ou qui relèvent de droits étrangers, à savoir l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et ses opérateurs – l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), l’université Senghor d’Alexandrie, l’Association internationale des maires francophones (AIMF), TV5 Monde –, ainsi que l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), et le réseau des alliances françaises et sa fondation, l’Alliance française.

Bien que les contributions de la France aient reculé ces dernières années, à l’exception de celles versées à TV5 Monde, l’État apporte directement à ces organismes 140 millions d’euros par an de crédits budgétaires.

La première étape pour apprécier la pertinence de ces investissements pour notre pays était d’évaluer le bon usage des moyens publics qui leur sont alloués. La mission d’information et de contrôle (MEC) s’est donc attachée à étudier deux aspects : d’une part, la façon dont sont employées les ressources apportées à ces organismes et la mesure dans laquelle la gestion et les arbitrages opérationnels de ceux-ci sont lisibles pour leurs bailleurs de fonds, et, d’autre part, la façon dont les ministères responsables assurent leur double mission de recherche d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques et de suivi du bon emploi de l’argent public.

Notre mission a abordé ces questions sous un angle essentiellement budgétaire et gestionnaire. Elle a toutefois logiquement été amenée à se poser la question des outils et des stratégies développés par ces différents acteurs, extérieurs et nationaux, pour évaluer l’efficacité des actions financées et des arbitrages qui les ont déterminées.

Pour ce faire, la MEC a procédé à douze auditions, au cours desquelles elle a rencontré les différents organismes, les services ministériels les plus impliqués, ainsi que la secrétaire d’État en charge de la francophonie et du développement, Mme Annick Girardin. La mission a également adressé des questionnaires aux services ministériels intervenant de manière plus marginale. Nous tenons à remercier l’ensemble de nos interlocuteurs pour leur participation, alors même que la plupart de ces organismes ne sont pas soumis au contrôle du Parlement français.

En premier lieu, nous avons constaté que l’évolution à la baisse des subventions de la France a encouragé les opérateurs de la francophonie à faire évoluer leurs modes de financement et à optimiser leur gestion.

Notre premier constat a porté, toutefois, sur la difficulté d’identifier l’ensemble des contributions apportées par la France. Il n’existe pas de présentation consolidée des aides financières ni a fortiori de l’ensemble des investissements nationaux en faveur de la francophonie, alors que ceux-ci dépassent, selon les estimations, les 700 millions d’euros par an. C’est pourquoi la mission considère qu’il est indispensable de disposer d’un document budgétaire transversal qui conférerait une meilleure lisibilité à ces investissements.

Nous considérons, ensuite, qu’il serait légitime de rééquilibrer les contributions des pays partenaires auprès de certains organismes, à l’instar de ce qui a été fait pour TV5 Monde et l’OIF. Nous recommandons ainsi de faire en sorte que la France ne soit plus le seul État à financer l’APF.

Nous avons par ailleurs constaté que, si la maîtrise des ressources budgétaires allouées par la France a été motivée par la recherche d’économies, elle a agi comme un levier stratégique, donnant à l’État français des arguments dans ses négociations avec ses partenaires et obligeant ceux-ci à rechercher des modes de gestion et d’action plus efficients. C’est le cas, par exemple, des campus Senghor, désormais largement financés par les pays bénéficiaires. La mission soutient donc la politique gouvernementale de maîtrise des ressources publiques affectées aux opérateurs, dans la mesure où elle conduit à une meilleure gestion des organismes et à une rationalisation de leurs dépenses de fonctionnement.

Si certains organismes sont extrêmement dépendants des ressources publiques, pour d’autres, comme l’OIF, des marges de progrès semblent cependant possibles dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement. La mission soutient en conséquence la volonté de la France de ne pas voir augmenter le montant de ses contributions obligatoires dues à l’OIF.

De même, la mission encourage la diversification de leurs ressources qui a été entreprise par les opérateurs via le développement de partenariats public-privé. L’OIF s’est engagée dans cette voie mais en est encore au stade des discussions. Cela vaut pour les autres organismes également : on ne peut pas tout attendre de la ressource publique, il faut rechercher des opérateurs privés pour accompagner la francophonie.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Les opérateurs ont réalisé des progrès en termes d’évaluation mais ils sont encore insuffisamment dotés d’outils pour apprécier la qualité de leur gestion dans la durée et l’efficacité des actions financées. La mission souhaite donc la poursuite des efforts d’évaluation interne des opérateurs par la mise en place d’une comptabilité analytique et de processus d’évaluation dans l’esprit de la démarche de gestion par les résultats (GAR) entreprise par l’OIF.

En tout état de cause, même si les nombreuses initiatives des organismes en vue d’une plus grande efficience et d’une meilleure maîtrise de leurs dépenses ont été exposées à la mission, en mesurer la réalité reste difficile.

Parmi les exemples les plus remarquables, nous tenons à souligner les résultats obtenus par TV5 Monde, dont la subvention a certes été consolidée mais qui a réussi à développer son autofinancement. On peut d’autant plus s’en féliciter que cet opérateur va avoir de lourdes charges nouvelles à assumer, en raison particulièrement de la cyber-attaque dont il a fait l’objet.

En tout cas, une plus grande transparence vis-à-vis de la représentation nationale sur le coût réel des actions des organismes et leur impact devrait pouvoir être assurée par le suivi et le contrôle effectués par les services ministériels. C’est pourquoi nous nous félicitons que le ministère des affaires étrangères aie lancé une évaluation stratégique de l’OIF, et nous recommandons que celle-ci soit effectivement utilisée en appui d’une priorisation des choix budgétaires de la France qui tienne compte de l’efficacité des actions financées.

Si la contrainte budgétaire a eu un effet positif, son impact a varié selon la taille des organismes et leurs possibilités d’adaptation. Certains s’interrogent désormais sur leurs développements futurs, d’autres sur le maintien même du niveau de leur action, voire la poursuite de leur activité, si le recul devait s’accentuer. Et si la France reste un contributeur de poids, et toujours le premier, son désengagement pourrait finir par menacer sa capacité d’influence ou son lien avec les organismes concernés, et par suite la cohérence de leur action avec la stratégie extérieure française.

Il revient donc au Gouvernement de préserver le bon équilibre entre l’optimisation des moyens publics et la préservation de l’efficacité des leviers d’action que représentent ces organismes pour la politique francophone de notre pays. Cela revient à dire que les choix budgétaires devraient être mieux priorisés. La mission souligne en particulier l’importance de ne pas mettre en péril les alliances françaises, dont l’apport à la francophonie est supérieur aux ressources publiques, au fond assez modestes, qui leur sont consacrées – environ 7 millions d’euros de dotations répartis entre la Fondation, ses délégations générales et un peu moins de 300 associations locales, auxquels il faut ajouter près de 25 millions d’euros de charges salariales pour les personnels mis à la disposition de certaines d’entre elles.

La mission souligne également l’intérêt de favoriser un rapprochement entre l’AIMF et l’Association internationale des régions francophones (AIRF), qui leur permettrait de compléter et renforcer leurs capacités financières et leurs expertises respectives.

Plus généralement, la mission recommande d’améliorer la prévisibilité pluriannuelle des ressources versées par la France en s’appuyant sur les conventions d’objectifs et de moyens signées par les opérateurs, et de finaliser la contractualisation avec les alliances bénéficiant d’aides de notre pays.

M. Jean-François Mancel, rapporteur. Nous nous sommes interrogés sur la manière dont les différents ministères, ainsi que les organismes qui contribuent à la francophonie, assumaient leurs responsabilités dans ce domaine, et nous avons constaté une tendance à faire les choses chacun dans son coin, tant au niveau de la conception que de l’exécution et de l’évaluation. Ce travail manque de coordination.

La francophonie, ce ne sont pas seulement les moyens, à hauteur de 140 millions d’euros, dont disposent les organismes que nous avons étudiés plus particulièrement, mais aussi tout ce qui s’y ajoute, soit un montant total d’au moins 700 millions d’euros, dont les 120 millions que consacre chaque année l’Agence française de développement (AFD) aux établissements français. En tant qu’ancien rapporteur de la mission Action extérieure de l’État, je rejoins les propos de Pascal Terrasse au sujet des alliances françaises : il ne faut surtout pas continuer de nous retirer en termes d’investissement, car les alliances françaises jouent un rôle majeur en matière de francophonie. Or, l’on commence à percevoir chez elles un sentiment d’abandon.

Nous approuvons l’idée d’économies et d’efficience, mais c’est un tort de vouloir réduire tous les budgets de manière identique, sans chercher à distinguer ceux qui méritent d’être encouragés et ceux qui doivent au contraire être un peu secoués pour faire mieux. Il faut que les ministères qui attribuent les subventions n’hésitent pas à faire des choix stratégiques, même si cela doit en peiner certains. La tentation est trop souvent d’aligner tout le monde sur le même régime, passant à côté du soutien qui pourrait être apporté aux plus dynamiques et aux plus efficaces.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut aller le plus possible vers une forme de contractualisation, notamment par le biais de contrats d’objectifs et de moyens. La pluriannualité n’est pas simple, en raison du principe d’annualité budgétaire, mais elle sécurise les bénéficiaires, qui savent qu’ils recevront un soutien financier sur plusieurs années leur permettant de conduire des actions au moins à moyen terme, en contrepartie d’engagements en matière d’efficience. Ce serait un changement de culture dans la vision de l’État, un changement qui, ici comme ailleurs, est indispensable si nous voulons retrouver de l’efficacité.

Les actions multilatérales doivent par ailleurs être développées : c’est aussi un gage de coordination et d’efficacité. Dans une période de baisse des moyens, il faut également mieux faire connaître nos actions. L’éparpillement de moyens en diminution progressive conduit certains de leurs bénéficiaires à déclarer que la France abandonne la francophonie, alors que le chiffre de 700 millions que j’ai rappelé est loin d’être négligeable. Cela signifie qu’il faut que nous montrions mieux ce que nous faisons : bien faire et bien faire savoir.

Enfin, nous avons tous conscience que la francophonie ne peut plus être uniquement culturelle et que, si nous n’investissons pas le champ de l’économie, nous risquons de perdre de plus en plus de place par rapport à d’autres langues, au premier chef l’anglais. Nous devons être beaucoup plus présents dans le champ économique, même si les arbitrages sont difficiles, le champ culturel ne devant bien sûr pas être abandonné complètement. C’est dans l’enseignement technique et professionnel que la France gagnerait sans doute à investir davantage, afin de promouvoir la langue française par ce biais.

Les interlocuteurs que nous avons rencontrés sont tous des gens passionnés par leur cause. En revanche, il manque une certaine coordination et sans doute un véritable souffle en faveur de la francophonie, aujourd’hui quelque peu bloquée par un système bureaucratique qui ne lui permet pas de se manifester avec toute la force que l’on voudrait.

C’est la première fois qu’un rapport de fond est publié sur le sujet avec cette approche et je m’en félicite. Nous avons, en outre, eu à faire à des organismes qui ont leur quant-à-soi et considèrent qu’ils ne sont pas soumis au contrôle du Parlement français ; il a fallu faire preuve de diplomatie et apprendre à connaître ces motivations.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous avons entendu votre appel consensuel pour un nouveau souffle au profit de la francophonie. Vous souhaitez une amélioration de l’efficience, et dans un contexte de raréfaction budgétaire, il va en effet falloir produire des effets de levier afin de faire mieux avec les mêmes moyens. Vous appelez également une coordination de vos vœux, et cela me semble nécessaire pour permettre ces effets de levier. Vous préconisez une contractualisation à la manière des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ; ne pourrions-nous pas innover et prévoir des bonifications dans le cas de partenariats avec le privé, que vous encouragez, et à l’inverse des réductions de crédits quand ces liens avec le privé font défaut ? Ce serait un bon message.

M. Jean Launay. J’ai été frappé par le vocabulaire très financier du rapport : « fonds dédiés », « fonds déliés », « rationnement budgétaire », « étiage » Plus trivialement, il aurait pu être écrit « du gras », ou bien « à l’os ». On voit bien en tout cas que c’est un des enjeux majeurs dans ces relations qui mêlent – c’est une difficulté – l’État et le secteur associatif.

Pour avoir fait quelques déplacements dans le cadre de groupes d’amitié, je suis d’accord sur le fait que les alliances françaises sont un instrument de rayonnement de la France. La langue est le socle minimum pour assurer le rayonnement économique d’un pays. Sans ce socle, on ne peut prétendre assurer une quelconque présence économique ; les entreprises françaises tournées à l’exportation ont besoin que notre langue soit, sinon pratiquée, du moins appréhendée à l’étranger.

Mme Véronique Louwagie. Le combat pour la langue française est un combat de tous les jours. On n’en parle pas assez régulièrement. Je suis d’accord qu’il faut définir des priorités, et qu’il nous manque de mieux faire connaître nos choix et nos actions. Le rapport indique que vous avez sollicité auprès du ministère des finances une évaluation globale, et que la demande est restée sans réponse car il n’existe pas de document budgétaire réunissant l’ensemble des contributions de la France aux organismes extérieurs de la francophonie. C’est très révélateur !

Vous avez souligné que, pour assurer un meilleur affichage, il fallait mettre fin à l’éparpillement. Avez-vous constaté des changements dans les implantations des bureaux à l’étranger : de nouvelles implantations sont-elles intervenues ces dernières années ? Des évolutions sont-elles prévues ? Avez-vous des souhaits à cet égard ?

M. Régis Juanico. On parle beaucoup, ces derniers jours, de travail politique transpartisan et, au sein de notre assemblée, de production de rapports consensuels tant dans leurs constats que dans leurs préconisations. La mission d’évaluation et de contrôle montre que cela est possible. Le rapport d’information qui nous est présenté est l’exemple de ce qui devrait être mis en valeur pour montrer que nous pouvons produire ensemble un travail de qualité.

La France est le principal acteur du financement de la francophonie, mais les Français sont très peu nombreux dans les instances qui agissent en faveur de la francophonie. Comment remédier à cette sous-représentation au regard des budgets débloqués par la France ?

M. Michel Vergnier. La situation de la francophonie dans le monde est très inégale : dans certains pays, tout est à faire, alors que, dans d’autres, la France dispose déjà d’une certaine aura et peut viser des objectifs plus ambitieux.

Quel bilan faites-vous de la coopération décentralisée ? Il me semble par exemple que des réseaux spécifiques devraient être mis en place au niveau des nouvelles grandes régions qui poursuivront l’important travail déjà entamé à cette échelle territoriale.

M. Marc Goua. Le rayonnement d’un pays repose sur sa langue mais aussi sur son économie.

À l’issue d’études brillantes en France, de nombreux étudiants originaires d’Afrique ne se voient pas proposer de postes qui leur conviennent – quand ils ne sont pas renvoyés du territoire. Ils finissent par fuir vers le Canada. La France aura donc investi des montants considérables, que vous pourrez ajouter à ceux que vous avancez, pour former ces jeunes, tout en renonçant à en tirer les bénéfices. Cette question mériterait d’être traitée.

M. Jérôme Lambert. Je le sais, nos trois rapporteurs partagent ma conviction que la culture et la langue françaises constituent un atout considérable pour que notre pays développe des relations avec le reste du monde. Je comprends leur souci de comptabiliser et de rationaliser les dépenses relatives à la francophonie, mais, je constate, lors de mes déplacements à l’étranger, que la politique de notre pays est souvent critiquée par ceux qui aiment notre pays car ils considèrent que la France n’en fait pas assez pour sa langue et sa culture, surtout en comparaison avec l’action menée par d’autres. Certains pays n’existaient pas sur la scène internationale il y a à peine vingt ans – je pense au développement des instituts Confucius chinois – mais d’autres y sont déjà bien présents depuis longtemps comme l’Allemagne, l’Espagne, et je ne cite même pas le cas de la langue anglaise.

Nos concurrents dans le domaine culturel et linguistique le sont aussi sur le plan commercial et industriel. La France n’est plus seule à comprendre l’enjeu économique sous-tendu par les relations culturelles. Il est donc nécessaire de dépasser la seule approche comptable, mais je sais que c’est également la conviction de nos rapporteurs.

M. Pascal Terrasse, rapporteur. Monsieur Launay, c’est le rôle de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances d’adopter une approche financière. Nous aurions souhaité traiter des orientations politiques de la France en matière de politique étrangère, de l’engagement de notre pays en faveur de la langue française, mais telle n’était pas notre mission. De son côté, la commission des affaires étrangères a déjà travaillé sur ces sujets.

S’agissant de la politique de notre pays en matière de francophonie, il faut faire la différence entre l’espace francophone dans lequel s’inscrit l’action d’institutions comme l’OIF ou l’APF, et les autres zones du monde. Au Brésil et en Chine, qui se situent en dehors de l’espace francophone, l’on sait que la langue française est en croissance. La question est posée de savoir si, à terme, le développement de la francophonie aura lieu à l’intérieur ou à l’extérieur de l’espace francophone traditionnel. D’ici à 2030-2050, il semble que l’on compterait 700 millions de locuteurs en français dans le monde ; sur population totale de sept milliards d’individus, c’est énorme !

L’enjeu est considérable pour notre pays et amène à poser la question de la francophonie économique. Marc Goua a eu raison de noter le lien entre langue et économie. Lors du dernier sommet de la francophonie au Sénégal, les chefs d’État et de gouvernement l’ont bien compris en décidant d’adopter une stratégie économique.

Jérôme Lambert a souligné à juste titre les jeux d’influences entre un certain nombre de pays. Les instituts Cervantes, Goethe, Confucius ou le British Council sont tous très engagés sur le terrain, et une compétition existe bien entre les langues. La force de la langue française réside peut-être dans sa capacité à s’insérer dans un dispositif qui vise au multilinguisme, à la différence de pays qui ont une vision très hégémonique de leur propre langue.

Monsieur Juanico, la France est trop peu présente dans les institutions de la francophonie. Il s’agit d’une question essentielle. Jusqu’à sa nomination il y a quelques jours comme ambassadeur à Djibouti, M. Christophe Gilhou, directeur de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, était le seul Français à détenir un poste de direction au sein de l’OIF. Aujourd’hui, il n’y a donc plus aucun Français à ce niveau au sein de cette organisation, ce qui n’est pas bon pour l’influence de notre pays. Au-delà de la francophonie, la question se pose dans de nombreuses organisations internationales où nous sommes trop peu présents. Le faible nombre de hauts fonctionnaires français dans ces institutions résulte sans doute d’un problème de gestion des ressources humaines du côté de notre administration.

Monsieur Vergnier, la mutualisation des efforts des organismes de coopération décentralisée est bien l’une de nos préoccupations. Nous souhaitons en conséquence qu’un rapprochement ait lieu entre l’AIMF et l’AIRF.

Madame la présidente, il y a unanimité pour réclamer une contractualisation, même si la règle de l’annualité budgétaire incite à la prudence. Nous pouvons néanmoins nous fixer un objectif, comme cela se fait pour les CPOM. Vous proposez d’attribuer un bonus en cas de gestion rigoureuse et de recherche active de partenariats privés et, à l’inverse, un malus, en cas de mauvaise gestion et de manque d’entrain à trouver ces partenaires. Pourquoi pas ? La démarche est tout de même un peu brutale et, en tout état de cause, elle ne serait pas possible pour les institutions, comme l’Assemblée parlementaire de la francophonie, qui n’ont pas la possibilité d’utiliser des fonds privés.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. En 2013, j’appartenais à la mission d’information de la commission des affaires étrangères sur la francophonie, présidée par François Rochebloine, dont le rapporteur était Pouria Amirshahi. Nous avons abordé la francophonie, non pas comme nous le faisons aujourd’hui, sous l’angle de la gestion, mais en nous intéressant aux orientations des politiques menées et aux choix stratégiques.

L’articulation entre l’apprentissage de la langue et le développement économique passe par la formation professionnelle. Nous le soulignions déjà dans le rapport d’information de la commission des affaires étrangères publié en janvier 2014 ; nous faisons le même constat aujourd’hui. Par ailleurs, le fait que l’université Senghor du Caire forme des cadres et des fonctionnaires des pays africains donne une véritable impulsion à une francophonie opérationnelle.

Nous devons veiller à ne pas nous intéresser exclusivement à une francophonie culturelle et aux formations savantes de haut niveau car cela laisserait le champ libre aux anglophones dans le monde des affaires et du business. Pour les jeunes générations africaines et celles d’autres continents, il est essentiel d’ancrer, plus fortement qu’aujourd’hui, l’usage du français comme un vecteur d’échanges économiques. Évidemment, il faut que nous soyons attentifs à ce qu’une action ne se fasse pas aux dépens d’une autre.

Le rapport d’information souligne la nécessité que les ministères concernés affichent davantage leurs priorités. À titre personnel, je répète qu’il serait sans doute utile de mener des stratégies régionales un peu différenciées – cela devrait se faire dans le cadre multilatéral qui caractérise la francophonie. L’affaiblissement des moyens rend aujourd’hui nécessaires certains ciblages géographiques.

Nous avons aussi indiqué dans le rapport d’information qu’il était souhaitable de renforcer l’articulation des actions menées par les maires des grandes villes francophones, les régions, et l’État. Il est également nécessaire que ces acteurs affichent davantage leurs priorités.

M. Jean-François Mancel, rapporteur. Un champ d’action considérable est encore ouvert pour les collectivités territoriales. Autrefois, les actions de coopération qu’elles pouvaient entreprendre étaient excessivement mal vues par le Quai d’Orsay. L’État avait tendance à considérer qu’elles venaient se mêler de questions qui ne les regardaient pas. Les choses ont un peu évolué, et cette évolution doit se poursuivre, car les collectivités disposent d’une réelle capacité d’action en matière de diffusion de la langue française.

Les bonnes idées et les intentions positives sont finalement nombreuses, mais un problème de leadership se pose pour que soit insufflé le dynamisme nécessaire. Qui peut avoir l’autorité technique, administrative et morale pour jouer ce rôle et surmonter les obstacles ? J’ai pour ma part toujours été déçu de constater que les secrétaires d’État en charge de la francophonie n’avaient en aucun cas la capacité de faire passer leurs idées ni celle de jouer un véritable rôle de coordinateur, de fédérateur ou d’animateur.

Monsieur Lambert, votre message porte au-delà du champ du travail de la MEC
– cela dit, j’avoue qu’il nous est arrivé de franchir nous-mêmes certaines limites. En période de régime amincissant nous recommandons des efforts en matière de musculation. Lorsqu’elles voient diminuer les aides financières qu’elles reçoivent, nous demandons aux institutions de faire preuve de plus d’efficience. Comme le suggérait Marie-Christine Dalloz, selon les institutions, il doit être possible, dans le cadre d’une contractualisation pluriannuelle, d’inciter une institution à faire des efforts en échange d’un financement majoré.

Comme vous, monsieur Lambert, je crois que si l’on veut sérieusement relancer une véritable politique de la francophonie, il faut incontestablement faire plus. À l’étranger, je ressens moi aussi que beaucoup de nos amis francophones se demandent aujourd’hui si les Français « en veulent encore ».

La commission autorise la publication du rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française, en application de l’article 145 du Règlement.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 16 décembre 2015 à 9 heures 30

Présents. - M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Laurent Baumel, M. Étienne Blanc, M. Olivier Carré, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Xavier Bertrand, M. Gilles Carrez, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean-François Lamour, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, Mme Valérie Rabault, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez

Assistait également à la réunion. - M. Jean-René Marsac

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