Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 27 mai 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 70

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président, puis de M. Dominique Raimbourg, vice-président

– Examen de la proposition de loi relative au statut, à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (M. Dominique Raimbourg, rapporteur) (n° 1610)

– Examen de la proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités (M. Razzy Hammadi, rapporteur) (n° 1699)

La séance est ouverte à 9 h 35.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède d’abord, sur le rapport de M. Dominique Raimbourg, à l’examen de la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage (n° 1610).

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. La proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage est à la fois ambitieuse, modeste et consensuelle.

Ambitieuse, parce qu’elle s’attaque à la très vieille histoire de la cohabitation entre la façon de vivre de la majorité et la façon de vivre d’une minorité. Déjà dans la Bible, entre les fils d’Ève, Abel le pasteur nomade et Caïn l’agriculteur sédentaire, l’affaire a mal tourné puisque Caïn a fini par tuer Abel. Cette tragédie s’est répétée tout au long de l’histoire, et notre sol porte les traces des vingt-sept camps dans lesquels furent internés les gens du voyage pendant la Deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, nous sommes là pour que les choses s’arrangent et que l’histoire se termine bien.

Modeste, cette proposition de loi l’est, car elle n’aborde pas tous les aspects de la question, tels que la caravane comme mode d’habitation et la scolarité des enfants. Elle comporte seulement deux volets, l’un visant à réintégrer les gens du voyage dans le droit commun de la République, l’autre fixant de manière équilibrée les droits et les devoirs de tout un chacun.

Consensuelle, cette proposition de loi opère un rapprochement entre différents bancs de notre hémicycle et différentes façons de concevoir la vie publique. Les deux projets de lois défendus par Louis Besson ont été votés par la gauche ; la droite les a approfondis, en les amendant, sans jamais revenir sur les principes qu’ils posaient. Tous les rapports sur le sujet, que ce soit ceux du sénateur Pierre Hérisson et de la mission d’information conduite par le député Didier Quentin, tous deux du groupe UMP de leur assemblée, ou celui du préfet Hubert Derache remis au Premier ministre socialiste Manuel Valls, vont dans le même sens aujourd’hui retenu dans cette proposition de loi.

Le premier volet du texte, concernant la réintégration des gens du voyage dans le droit commun de la République consiste à abroger la loi de 1969. Prise pour améliorer une législation antérieure datant de 1912, cette loi limitait la liberté de circulation des gens du voyage : ils avaient obligation de posséder un carnet ou un livret de circulation selon qu’ils étaient indigents ou pas, et un livret spécial pour les commerçants ; ils devaient se rattacher à une commune, sans que leur nombre puisse excéder 3 % de la population totale ; ils n’obtenaient le droit de vote qu’après trois ans de rattachement à cette commune.

Cette législation a été critiquée de toutes parts. Qu’il s’agisse de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) en 2007, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en 2008, du Comité des droits de l’homme de l’ONU en mars 2014, du Défenseur des droits en novembre 2014 ou du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en février 2015, tous l’ont condamnée comme une législation discriminante, traitant une catégorie de citoyens de façon différente des autres sans que cette rupture d’égalité soit justifiée par une quelconque différence de situation.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) le 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a abrogé certaines dispositions de la loi de 1969 en supprimant le carnet de circulation et en rétablissant le droit de vote dans les règles du droit commun – un rattachement depuis six mois est désormais suffisant pour l’obtenir. Les dispositions de la présente proposition de loi se situent dans le droit-fil de ces analyses.

Tout d’abord, je vous propose d’abroger la loi de 1969 dans toutes ses dispositions encore en vigueur, en mettant fin aux titres de circulation et en faisant en sorte que le droit commun s’applique aux gens du voyage. Pour justifier de leur identité, les gens du voyage pourront, comme les autres citoyens français, produire une carte nationale d’identité ou un passeport. Suivant le rapport du préfet Derache, je propose également de supprimer le mécanisme des communes de rattachement qui n’a plus de sens. Les craintes que l’on pouvait avoir à propos d’un rassemblement de populations non résidentes qui aurait pu fausser les élections sont fantasmatiques. Une telle fraude est totalement impossible à organiser. Enfin, je propose de réintégrer les gens du voyage dans le droit commun de la domiciliation, en leur permettant si nécessaire d’élire domicile dans leur centre communal ou intercommunal d’action sociale, dans une association agréée, sur un terrain qui leur appartient ou chez un tiers.

Le deuxième volet, qui concerne les droits et devoirs, vise à équilibrer la situation.

Les droits, c’est l’application pleine et entière des deux « lois Besson » de 1990 et 2000. Ces lois avaient prévu, pour l’accueil des gens du voyage, la mise en place, dans chaque département, d’un schéma départemental prévoyant des aires d’accueil et les autres terrains nécessaires à l’accueil, sans donner beaucoup de précisions. La seule obligation précise était celle pesant sur les communes de plus de 5 000 habitants, qui devaient aménager une aire d’accueil. À partir de 2000, partant du constat que cette obligation n’était que peu remplie, un pouvoir de substitution au préfet a été rajouté. Aujourd’hui, quinze ans après, n’ont été construites que 65 % des aires prévues par les schémas départementaux, offrant une disponibilité d’environ 30 000 places au lieu des 41 000 prévues en application de la loi ; seulement 49 % des terrains de grand passage ont été aménagés.

Il faut mettre fin à cette non-application de la loi tout en tenant compte de l’évolution des modes de vie des gens du voyage. Cette appellation est quelque peu démentie par certains d’entre eux qui voyagent de moins en moins. Sur les 350 000 à 400 000 personnes recensées sous cette appellation, 40 000 environ sont des commerçants forains, des industriels forains ou du cirque qui voyagent, 40 000 autres sont des commerçants qui voyagent également ; les autres, finalement, se déplacent assez peu, certaines étant devenus quasiment sédentaires. La proposition de loi vise à donner au préfet le pouvoir d’imposer l’application du schéma départemental dans toutes ses dispositions, qu’elles concernent les aires d’accueil ou les aires de grand passage – définies par une circulaire comme un terrain de quatre hectares pour 200 caravanes –, sachant qu’il existe des grands rassemblements, généralement religieux, réunissant plusieurs milliers de caravanes.

Pour que le préfet puisse exécuter le schéma départemental élaboré en lien avec les élus locaux et les représentants départementaux des gens du voyage, le mécanisme retenu est plus qu’un pouvoir de substitution, l’autorisant à réaliser les aires « en lieu et place » des communes, qui s’est avéré difficile à exercer, mais le pouvoir de consigner les sommes nécessaires à la construction des aires dans le budget communal.

Le texte prévoit le nécessaire transfert de la compétence « accueil des gens du voyage » aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Mais ce n’est désormais que pour mémoire, car, entre-temps, la loi de modernisation de l’action et d’affirmation des métropoles et le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ont prévu ce transfert.

Parce que la proposition est équilibrée, les gens du voyage se voient également assigner des devoirs. Dès lors que les communes sur lesquelles ils entendent stationner se sont conformées à la « loi Besson » de 2000 et ont construit les terrains nécessaires à leur accueil, ils doivent respecter les règles de stationnement.

En cas de non-respect, la loi de 2000 avait prévu une procédure d’évacuation devant le juge civil. En 2007 a été introduite une procédure administrative particulière par laquelle le préfet peut faire procéder à l’évacuation vingt-quatre heures après avoir pris un arrêté de mise en demeure, ce dernier pouvant faire l’objet d’une contestation devant le tribunal administratif par les contrevenants. Cette procédure s’est avérée efficace, les tribunaux administratifs considérant de façon assez large le trouble à l’ordre public nécessaire à son déclenchement. Je vous propose de prolonger son efficacité et d’abandonner le système prévu initialement à l’article 3 de la proposition de loi : un dernier entretien avec le ministère de l’Intérieur m’a absolument convaincu du caractère douteux de sa constitutionnalité. À la place, je vous propose de conserver à l’arrêté préfectoral de mise en demeure son applicabilité si une nouvelle installation est constatée sur le territoire de la même commune ou du même EPCI sept jours après sa notification.

Je le répète, le texte ne vise pas à régler toutes les questions. Il tend à appliquer aux gens du voyage le droit commun de la République, à mettre fin à un contrôle devenu obsolète et à donner son plein effet à la loi d’équilibre qu’est la « loi Besson ».

M. le présidente Jean-Jacques Urvoas. Je vous informe que ce texte sera examiné en séance le 9 juin prochain.

Mme Annie Genevard. Cette proposition de loi répond à un engagement socialiste, pris sous la précédente législature, de supprimer les titres de circulation, jugés discriminatoires, pour les gens du voyage.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, les différentes propositions issues des rapports présentés par les parlementaires Didier Quentin et Pierre Hérisson. Vous avez fait le choix de proposer d’abroger l’intégralité de la loi du 3 janvier 1969 et de supprimer les titres de circulation, pourtant jugés constitutionnels et même générateurs de droits en matière d’accès aux aires d’accueil.

Avec l’abrogation de cette loi, l’article 1er de la proposition de loi supprime aussi les conditions particulières de rattachement administratif des gens du voyage à une commune de résidence, notamment la limitation à 3 % de la population de la commune du nombre de gens du voyage rattachés. Pourtant, cette limite, imaginée pour éviter tout déséquilibre dans la composition du corps électoral, a été validée en son principe par la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité du 5 octobre 2012. Ainsi, l’a emporté sur toute autre considération la volonté de faire des gens du voyage des citoyens de droit commun et de leur appliquer le dispositif de domiciliation prévu pour les personnes sans domicile stable, c’est-à-dire sans domicile fixe. Ce statut est-il pour autant moins discriminant que celui des gens du voyage, dont la singularité des modes de vie est reconnue comme s’inscrivant dans une longue histoire, faite de traditions anciennes et spécifiques ? Il y a, d’ailleurs, une forme de contradiction à vouloir faire des gens du voyage des citoyens comme les autres, tout en prévoyant des dispositions propres à leur accueil, tant cette population est particulière, parfois difficile.

Présentés comme des droits supplémentaires, ces deux abandons des titres de circulation et des règles particulières de rattachement à une commune auraient pu être assortis de devoirs supplémentaires exigibles auprès de ces populations et de moyens, pour les communes et leurs groupements, de faire respecter plus efficacement l’observation des règles. Ce n’était malheureusement pas le cas, jusqu’à l’annonce que vous venez de faire.

Telle qu’elle nous a été présentée, cette proposition de loi n’est pas satisfaisante du point de vue de l’équilibre entre droits et devoirs des gens du voyage. Elle renforce le pouvoir de substitution des préfets en cas de manquement d’une commune ou d’un EPCI à ses obligations de construction d’aires d’accueil en lui permettant de recourir à une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux via un comptable public. Certes, le taux de réalisation des aires est encore largement perfectible, mais il faut rappeler le coût pour les collectivités, dont la Cour des comptes a attesté l’ampleur. La réticence des populations, l’arrêt des aides d’État, la mauvaise volonté de certains groupes qui n’organisent pas leurs déplacements en grands passages, tout cela, il faut le comprendre, n’incite guère les élus, de surcroît, dans un contexte budgétaire difficile.

Les maires, de victimes d’agissements répréhensibles – dégradations, installations sauvages, comportements agressifs –, se retrouvent en position d’accusés. Cela n’est pas acceptable. J’ai entendu avec satisfaction, monsieur le rapporteur, que vous avez infléchi votre proposition sur les installations illicites. La condition complémentaire à l’évacuation, de l’existence dans un rayon de cinquante kilomètres d’une aire spécialement aménagée offrant des capacités d’accueil suffisantes, ne permettait pas de répondre au problème spécifique du « saut de puce » au sein d’une même commune ou d’un EPCI. Votre nouvelle proposition est très intéressante – c’était d’ailleurs l’objet de deux de nos amendements. Elle constitue une avancée extrêmement importante, même si elle ne résout pas tous les problèmes, en particulier le fait de disposer de suffisamment de forces de sécurité pour pouvoir faire procéder à l’évacuation. Dans l’attente de l’adoption de ces amendements, nous en resterons là.

M. Olivier Dussopt. L’équilibre de cette proposition de loi s’appuie sur deux volets. L’un abroge un statut administratif exorbitant du droit commun et complète les décisions prises par le Conseil constitutionnel en 2012 ; l’autre répond à la nécessité de développer l’offre d’accueil pour les gens du voyage tout en assouplissant les conditions de mise en œuvre de l’évacuation forcée des résidences mobiles stationnant illégalement sur les territoires des communes ou des EPCI. Dans la continuité de la « loi Besson » du 5 juillet 2000, le texte garantit l’équilibre entre la liberté d’aller et de venir, le droit à un logement décent et le droit de propriété, ainsi que le droit des maires de faire respecter l’ordre, la tranquillité et la salubrité publics, sur le territoire de leur propre commune.

Notre pays abrite l’une des plus grandes communautés de gens du voyage, comptant 350 000 personnes. Bien qu’ils ne soient plus que 70 000 environ à être nomades en permanence, ils sont extrêmement attachés à l’itinérance comme mode de vie. Ce choix, qui doit être respecté, a d’ailleurs valu aux gens du voyage d’être soumis à un régime administratif spécifique. Dans le propos introductif de son rapport, le préfet Derache rappelle d’ailleurs que les gens du voyage ont longtemps été considérés comme des Français entièrement à part, non comme des Français à part entière.

Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 relatives à la possession d’un carnet ou d’un livret de circulation ont été dénoncées dans plusieurs rapports ainsi que par le Conseil constitutionnel. Saisi d’une QPC en octobre 2012, celui-ci a estimé que le carnet de circulation représentait une atteinte disproportionnée à la liberté publique d’aller et venir. Nous nous félicitons donc que l’article 1er de la proposition de loi abroge les dispositions restant en vigueur de cette loi du 3 janvier 1969.

Par le biais des articles 8 et 9, les gens du voyage relèveront désormais du régime du droit à la domiciliation mis en place au profit des personnes sans domicile stable par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, avec la possibilité d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé, afin de prétendre au service des prestations sociales ou encore à l’exercice des droits civils et civiques. La suppression du livret de circulation devra s’accompagner d’un meilleur accès à la carte nationale d’identité, sur laquelle la mention « sans domicile fixe » devra être remplacée par l’adresse d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale.

Je souhaite insister sur les articles 2 et 3 de la proposition de loi, qui doivent être regardés ensemble. La proposition de loi n’entend pas aborder les problématiques liées au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sous le seul angle de la défense de l’ordre public ou de la tranquillité publique, alors que les dispositions de la « loi Besson » en matière d’implantation des aires d’accueil sont aujourd’hui loin d’être respectées. Quinze ans après, seulement 65 % des aires d’accueil et moins de la moitié des aires de grand passage ont été construites – encore ces chiffres ne rendent-ils pas compte des fortes disparités entre régions, l’accueil des gens du voyage étant très difficile dans certaines d’entre elles.

Lorsqu’ils ont respecté leurs obligations en matière d’aires d’accueil, les élus locaux doivent pouvoir obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des occupants d’un campement illicite. Le dispositif actuel est très lourd, souvent coûteux et complexe, notamment pour les petites communes. C’est la raison pour laquelle nous accueillons avec satisfaction l’assouplissement des conditions de mise en œuvre des évacuations forcées. Lorsque les personnes publiques sont défaillantes, le préfet dispose du pouvoir de substitution en vertu duquel il pourra, après mise en demeure pour non-respect des obligations définies par le schéma départemental, consigner entre les mains du comptable public les sommes nécessaires ; en cas de non-obtempération et après une nouvelle mise en demeure, il pourra utiliser ces fonds pour mettre en place l’aire d’accueil.

L’article 3 ouvre aux élus locaux qui ont respecté leurs obligations la possibilité d’obtenir plus facilement du préfet l’évacuation d’un campement illicite. Je me félicite, moi aussi, de l’amendement du rapporteur, qui réécrit complètement le dispositif en rendant la mise en demeure du préfet applicable pendant sept jours à compter de sa notification aux occupants d’une résidence mobile, et sur le territoire de la collectivité concernée. Afin d’en renforcer l’efficacité, le délai laissé au président du tribunal administratif ou à son délégué pour statuer sur un recours contre une mise en demeure passerait de soixante-douze à quarante-huit heures.

J’appelle également l’attention de la Commission sur la proposition du rapporteur d’inscrire dans le schéma départemental la possibilité pour les communes de remplir leurs obligations en mettant en place des modes d’accueil diversifiés, tels que des terrains familiaux, adaptés à l’évolution des modes de vie et des besoins des gens du voyage, notamment de ceux en cours de sédentarisation.

Enfin, en tant que rapporteur du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, je rappelle que les dispositions des articles 4, 5, 6 et 7 de la présente proposition de loi ont été reprises dans le texte porté par Marylise Lebranchu aux articles 18, 19, 20 et 21, aux titres desquels sera obligatoire le transfert de la compétence de création et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération.

En conclusion, le groupe socialiste soutiendra l’adoption de ce texte d’équilibre.

M. Olivier Marleix. Monsieur le rapporteur, vous avez dit, avec beaucoup de modestie, que cette proposition de loi ne visait pas à régler toutes les questions. C’est le moins qu’on puisse dire ! Elle vise à tenir une promesse de la majorité ; en ce sens, c’est exceptionnel et il faut le souligner.

S’agissant des titres de circulation, il faut reconnaître qu’ils n’étaient plus très opérants, et tous les parlementaires qui ont travaillé sur ce sujet vous rejoignent sur la nécessité de procéder à leur suppression.

Nous pouvons également nous féliciter de la nouvelle rédaction de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 qui ressortira de l’article 3, même si, à ce stade, c’est l’intention que nous saluons puisque nous ne connaissons pas encore le dispositif juridique. Vous ayant entendu sur ce sujet, je conviens qu’il facilitera sans doute la procédure d’évacuation, en tout cas en droit. Car le grand « mais » s’agissant de ce texte, ce sont les moyens opérationnels que l’État est capable de mettre en œuvre pour faire respecter le droit que vous nous proposez de modifier. Aujourd’hui, le problème, pointé depuis plusieurs années par Pierre Hérisson et Didier Quentin, c’est la réelle incapacité dans laquelle nous nous trouvons tous de faire exécuter les décisions de justice visant les grands passages. Face à 100 ou 200 caravanes, il n’y a pas de moyen réel d’exécution – à part, peut-être, le déversement de lisier sur lequel se sont rabattus certains élus.

Je regrette que votre texte n’apporte pas de solution ; vous pointez le problème dans votre rapport, sans plus. Pourtant, la logique voudrait, et c’est ce que préconisent Pierre Hérisson et le préfet Hubert Derache, de confier la gestion et l’organisation des grands passages au ministère de l’Intérieur. Un simple schéma départemental, fût-il bien négocié, ne peut pas répondre à la problématique de ces grands passages puisque, par définition, leurs itinéraires dépassent l’échelle du département. Ils doivent pouvoir s’organiser de manière logique. Aujourd’hui, des associations représentant les gens du voyage recherchent elles-mêmes cette concertation avec le ministère de l’Intérieur. Celui-ci a beau jeu de renvoyer à la responsabilité des collectivités locales, mais la situation est inextricable. Nous n’en sortirons qu’en distinguant clairement les aires de stationnement, qui sont de petites unités et qui peuvent être du ressort des collectivités locales, des aires de grand passage qui ne peuvent être que de la compétence de l’État, notamment si l’on veut pouvoir mobiliser des moyens d’évacuation proportionnés. Cette question ne peut être réglée que de façon centralisée par le ministère de l’Intérieur. Sur ce point, votre texte n’apporte aucune réponse aux attentes des maires et de nos concitoyens directement concernés ou voisins de ces campements illicites.

M. Éric Ciotti. J’exprime mon opposition à la possibilité donnée au préfet de consigner des fonds d’une commune pour réaliser les équipements d’accueil des gens du voyage. Cette disposition est contraire à notre Constitution en ce qu’elle va à l’encontre du principe de libre administration des collectivités locales.

Sur le plan pratique, c’est une mesure particulièrement injuste envers les communes qui sont confrontées à la difficulté de gérer l’accueil de rassemblements plus ou moins importants. Je partage l’avis d’Olivier Marleix sur la nécessité, pour régler ces difficultés de façon pérenne, que l’État assume enfin ses responsabilités. Ce n’est pas aux communes, notamment les petites, dont les décisions du Gouvernement en matière de dotation générale de fonctionnement ont précarisé l’équilibre financier, de supporter cette charge disproportionnée et budgétairement insoutenable.

Sur le plan juridique, cette disposition ne me paraît pas fondée et, sur le fond, elle mine de façon inopportune la confiance qui doit être faite aux communes et conduit finalement l’État à se délester d’une responsabilité qui lui revient.

M. Lionel Tardy. Cette proposition de loi ignore totalement l’aspect de l’habitat illégal. Pour avoir assisté plusieurs fois dans ma circonscription à une telle installation sous les yeux d’agriculteurs et d’élus, je peux vous dire que cela laisse des traces. On ne peut pas renforcer les droits des gens du voyage, ce dont je ne nie pas la nécessité, ni renforcer les obligations des collectivités sans s’assurer en contrepartie que chacun a conscience de ses devoirs. Le groupe UMP a déposé des amendements en ce sens.

En matière d’aires, entre permanence et système tournant, nous n’avons pas encore trouvé le fonctionnement idéal. Ce n’est malheureusement pas cette proposition de loi qui va régler des situations parfois tendues. La possibilité d’obtenir une mise en demeure lorsqu’il existe une aire d’accueil adéquate dans un rayon de cinquante kilomètres est une bonne chose, mais elle n’est pas suffisante. J’espère que le débat, ici et en séance publique, permettra de rétablir un certain équilibre dans le texte.

M. le rapporteur. La non-application de la loi est fautive de quelque côté qu’elle se produise. Le reproche fait aujourd’hui par les collectivités à l’État de ne pas prendre ses responsabilités est bien tardif. La « loi Besson » avait prévu une aide financière à l’installation des aires – pouvant représenter jusqu’à 70 % du coût, plafonnée à 15 000 euros par emplacement – , mais l’avait assortie d’un délai. Celui-ci est aujourd’hui écoulé et ces crédits n’existent plus. Ceux qui n’ont pas construit d’aires d’accueil dans les temps ne peuvent pas se plaindre des coûts importants parce qu’ils n’ont pas appliqué la loi. Quant à la libre administration des communes, elle s’exerce librement dans le cadre du respect de la loi, et cet aspect de la « loi Besson » n’a été modifié ni par la gauche ni par la droite. Les critiques portant sur l’atteinte excessive aux droits des communes sont irrecevables. Il est trop tard, aujourd’hui, pour dire qu’on ne peut pas appliquer la loi parce que cela coûte trop cher. Je ne méconnais pas les difficultés, néanmoins, cela fait quinze ans que la loi n’est pas totalement appliquée. Désormais, elle doit l’être.

Le mécanisme de consignation dans le budget communal ou intercommunal a plutôt force de menace. À ma connaissance, le pouvoir de substitution donné au préfet n’a jamais été mis en œuvre, mais la consignation est un mécanisme plus facile à mettre en place. De la même façon qu’on obtient parfois des évacuations par la négociation et la menace de faire intervenir les forces de l’ordre, la menace de faire intervenir la consignation devrait inciter à aménager les terrains.

Le partage des responsabilités entre l’État et les collectivités est difficile. En pratique, l’État est responsable des grands rassemblements, généralement à caractère religieux ou parareligieux, qui impliquent des milliers de caravanes. Ces grands rassemblements sont aussi à l’origine des grands déplacements. L’État prend en charge l’organisation, mais l’implantation du terrain doit forcément être négociée dans le cadre du schéma départemental. C’est la raison pour laquelle la compétence reste en quelque sorte partagée.

Enfin, la modification proposée du mécanisme d’évacuation tend à améliorer la procédure, à l’alléger et à la rendre plus efficace. Pour ce qui est des moyens, c’est une question difficile que je n’ai pas la possibilité de résoudre. L’expérience montre que la menace – encore – d’évacuation provoque souvent l’évacuation, même si, malheureusement, des dégradations sont parfois constatées. Nous avons connu un été 2013 difficile, avec des éclats dans de nombreuses communes. L’objectif de cette proposition de loi est d’essayer de pacifier la situation.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile nirésidence fixe) : Suppression du régime administratif spécifique des gens du voyage

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL4 de Mme Annie Genevard. 

M. Yannick Moreau. Cet amendement a pour objectif de faciliter la circulation des gens du voyage en permettant l’inscription de leurs enfants dans plusieurs établissements scolaires. C’est une proposition de bon sens, que je soumets à votre sagacité.

M. le rapporteur. J’ai un avis défavorable à l’écriture de cet amendement. Mais je suis partagé parce qu’il renvoie à la question de l’inscription au Centre national d’enseignement à distance (CNED). Dans la plupart des cas, sauf convention particulière, celle-ci est incompatible avec une inscription dans une école et peut constituer un motif de refus d’inscription.

Je propose que, d’ici à l’examen en séance publique, vous réécriviez cet amendement en prévoyant qu’il peut y avoir une double inscription au CNED et à l’école de la commune. De mon côté, j’interrogerai le ministère pour connaître sa position. Il me semble que ce serait une disposition utile qui permettrait une meilleure scolarisation.

M. Yannick Moreau. Si l’on peut faire valoir que les circuits de circulation comportent des communes référentes, comme des points d’accroche sur le territoire national, je ne sais pas si le fait d’introduire l’inscription au CNED est de nature législative.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais, en remerciant le rapporteur pour son ouverture, insister sur le triple aspect de la question soulevée par cet amendement. Il y a, premièrement, le droit de chaque enfant à être inscrit dans une école, que personne ne conteste et que nous souhaitons voir réaffirmé. Deuxièmement, est en jeu la capacité des gens du voyage à voyager, qu’il faut préserver en faisant en sorte qu’ils ne soient pas entravés par une difficulté d’inscription d’un enfant à l’école. Troisièmement, la gestion par les collectivités de l’accueil des gens du voyage dans les terrains dédiés et le respect de leurs obligations légales sont également impliqués lorsqu’on constate que des places sont occupées à l’année par des familles qui ne voyagent pas, qui sont en fait de « vrais faux gens du voyage ». Il y a tout cela dans l’amendement.

Pour recueillir un avis favorable du rapporteur et, nous l’espérons, du Gouvernement, il faut que nous soyons d’accord sur tous les principes qui sous-tendent ce que nous voulons inscrire dans cet amendement pour apporter de la finesse et de la cohérence avec ce que sont nos compatriotes gens du voyage et leur art de vivre. Cet amendement introduirait un peu de « liant » et plus de compréhension entre sédentaires et gens du voyage.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL2 de Mme Annie Genevard.

M. Yannick Moreau. Il s’agit de suivre les recommandations du rapport remis en 2011 au Premier ministre par Pierre Hérisson, en regroupant, pour plus de cohérence, toutes les dispositions relatives aux gens du voyage au sein de la loi de juillet 2000, en actant la suppression des titres de circulation à l’article 1er, mais en conservant le système de rattachement administratif à une commune dans la limite de 3 % de la population communale. Ce plafond, au-delà duquel les gens du voyage sont invités à choisir une autre commune de rattachement, préviendra ainsi toute manœuvre électorale.

M. le rapporteur. Sur ce point, je me réfère au rapport du préfet Derache qui, lui, est contre le maintien de ce système. La crainte que vous évoquez ne tient pas face aux difficultés d’organisation qu’elle impliquerait. Selon moi, il n’est pas encore né, le candidat aux élections municipales qui pourrait organiser des déplacements de population pour avoir un vote en sa faveur ! Le ministère de l’Intérieur partageait cette crainte, mais à mon sens, elle est infondée.

D’autant que des amendements à venir donneront au système que nous prévoyons un caractère transitoire. Nous proposons par amendement l’inscription temporaire, pendant deux ans, au centre communal d’action sociale (CCAS) de la commune actuelle de rattachement des personnes. Ainsi, il y aura une répartition de la population à partir des communes de rattachement. Ensuite, les mouvements se feront en fonction de la volonté de se rattacher à tel ou tel CCAS. Donc, je crois que le dispositif des 3 % est devenu obsolète. Par certains côtés, il pourrait même apparaître comme discriminatoire.

Mme Annie Genevard. J’aurais souhaité qu’au titre du principe de précaution, nous puissions conserver le plafond de 3 % en attendant de voir les effets produits par les dispositions de votre texte. Si véritablement le risque relève du fantasme, comme vous l’avez dit dans votre propos liminaire, ce plafond pourrait être abandonné. Il me semble pourtant que si le législateur l’a imaginé il y a quelques années, c’est qu’en son temps, comme aujourd’hui, il y avait des raisons. Certes, je n’imagine pas un candidat organisant la venue sur sa commune de gens du voyage, mais s’il se trouve des gens du voyage en grand nombre sur sa commune, ce n’est pas indifférent en matière électorale.

La Commission rejette l’amendement.

Avant l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL3 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Nous reprenons une préconisation faite dans de précédents travaux, qui vise à harmoniser la tarification des aires d’accueil sur l’ensemble du territoire national, en prenant en compte la qualité des équipements. Outre qu’il vise à éviter le dumping, cet amendement pourrait aussi donner à penser aux gens du voyage qu’il y a une organisation au niveau national, car nous avons énormément de difficultés à recouvrer les droits de place.

M. le rapporteur. Avis défavorable, mais là encore, je suis très partagé. Les tarifs sont une vraie question. La qualité des prestations varie, en effet, d’un terrain à l’autre, et il faudrait procéder à une classification, un peu sur le modèle des campings. C’est un travail de recensement extrêmement important.

À nouveau, je vous suggère de retirer votre amendement pour me permettre de solliciter l’avis du Gouvernement sur la faisabilité de l’opération. Sans vous garantir que j’émettrai un avis favorable en séance publique, je pense qu’il faut étudier la question des tarifs. Certains sont trop bas, d’autres trop élevés ; il y a des progressivités parfois très lourdes et d’autres qui favorisent, au contraire, une sédentarisation parfois néfaste puisqu’elle embolise les aires d’accueil.

M. Olivier Dussopt. Je partage entièrement l’avis du rapporteur. Cette disposition pourrait être utile mais sa faisabilité technique doit être examinée. Si elle se révélait applicable, je serais très heureux que la proposition de Mme Genevard puisse aboutir.

Si la fixation libre des tarifs peut donner lieu à du dumping d’une collectivité à l’autre, c’est à la hausse qu’il s’exerce. Il peut arriver que les prix soient fixés délibérément très haut pour inciter les gens du voyage à aller s’installer sur l’aire d’une commune voisine. Certaines collectivités ont fait le choix d’inscrire dans le règlement des aires d’accueil qu’elles ont-elles-mêmes aménagées et construites, des dispositions en rendant l’accès très difficile, comme la présentation d’un certificat d’assurance avec des garanties très élevées dont on sait que seul un très faible pourcentage de gens du voyage peuvent le fournir.

L’harmonisation des tarifs et le fait qu’ils soient publics et fixés au niveau national en fonction des prestations et des services offerts sur l’aire d’accueil, à la fois introduirait de la transparence, faciliterait sans doute le recouvrement par les collectivités et permettrait d’éviter des effets liés à la répartition sur l’équilibre sur le territoire.

Mme Annie Genevard. Nous maintenons l’amendement. Si le principe est intéressant, il convient de le retenir quitte à en étudier la faisabilité. Quand on ne veut pas de quelque chose, on est tenté de dire que c’est techniquement difficile à mettre en œuvre. Sur le fond, monsieur le rapporteur, êtes-vous favorable à l’amendement ?

M. le rapporteur. Sur le fond, la question des tarifs a été posée. Olivier Dussopt a, lui aussi, raison de dire qu’ils sont utilisés tantôt pour attirer les gens, tantôt pour les repousser. La difficulté, c’est d’arriver à des tarifs uniformes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne suis pas certain que, juridiquement parlant, il soit possible de faire soit une tarification, soit des hypothèses de tarification. Soyons attentifs au fait qu’il s’agit de compétences du conseil municipal, qui sont souvent même déléguées au maire dans le cadre des arrêtés qu’il prend par délibération. Pour cette raison également, je pense que l’amendement n’est pas mûr.

M. le rapporteur. J’avais moi-même pressenti cette difficulté et je renvoie, dans l’amendement CL33 que je présenterai tout à l’heure, à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités.

En l’état, je maintiens mon avis défavorable, tout en reconnaissant que l’amendement pose une vraie question.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. 1er, 3 et 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage) : Renforcement des moyens de mise en place des aires d’accueil des gens du voyage prévues par le schéma départemental

La Commission est saisie de l’amendement CL27 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à mieux définir l’habitat des gens du voyage, pour en faire un élément à prendre en compte dans les plans et politiques du logement et de l’urbanisme.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL13 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. L’article 1er de la « loi Besson » utilise, pour qualifier l’habitat des gens du voyage, l’adjectif « traditionnel ». Ce terme n’est pas adéquat pour qualifier l’habitat d’une population qui n’est pas totalement homogène. Je propose de le remplacer par l’adjectif « permanent ».

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je ne trouve pas de connotation négative au terme « traditionnel ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL28 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser le diagnostic préalable à l’élaboration du schéma départemental.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CL29 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de prendre en compte l’évolution des modes de vie et des besoins des gens du voyage, cet amendement tend à diversifier l’offre en intégrant au schéma départemental, en plus des terrains de grand passage et des aires d’accueil traditionnelles, des terrains familiaux qui puissent être proposés aux personnes en voie de sédentarisation, de façon à ce qu’elles n’occupent pas en permanence des places d’aires d’accueil destinées à des gens qui sont itinérants.

M. Guy Geoffroy. Je comprends l’esprit de cet amendement, mais il ne faudrait pas qu’il conduise à la régularisation de fait d’installations sauvages permanentes de gens du voyage sur un terrain qu’ils ont acquis mais qui n’est pas constructible. Tout en prétendant qu’ils ne sont pas installés définitivement puisque leur résidence est mobile, ils mettent les élus en porte-à-faux en ce qui concerne l’adduction d’eau, l’assainissement et l’électricité, en exerçant de très fortes pressions d’autant plus difficiles à contenir qu’ils revendiquent les mêmes droits que tous les propriétaires. De leur côté, les propriétaires sédentaires, qui rencontrent parfois des difficultés pour obtenir une autorisation d’urbanisme, font valoir que les gens du voyage, eux, ne se gênent pas pour s’installer ad vitam aeternam sur un terrain non constructible, en contrevenant de surcroît à toutes les règles de sécurité, mais également au respect de l’environnement.

En soi, l’amendement ne dit pas cela. Mais il faut veiller à ne pas conforter cette catégorie des sédentaires sur des terrains non constructibles, car elle constitue un véritable casse-tête pour de nombreuses communes rurales. Dans ma circonscription, la moitié des communes sont confrontées de façon récurrente à ces situations, avec parfois des comportements qui vont très loin en matière de destruction d’espaces boisés, et se trouvent dans l’impossibilité de faire bouger les choses et d’obtenir droit. J’y insiste, car c’est une réalité.

M. Yannick Moreau. L’adoption de cet amendement pourrait présenter deux risques principaux. Le premier serait d’encourager la régularisation des terrains familiaux préexistants dont la légalité est douteuse, c’est-à-dire qui se trouvent dans une zone un peu grise dans laquelle les maires et les directions départementales des territoires ont du mal à faire appliquer la loi, voire à l’interpréter. Le deuxième tient à la localisation des nouveaux terrains d’accueil familiaux. Nécessairement, ils devraient être réalisés en zone urbaine où les problèmes de voisinage sont multiples, un peu comme pour les campings. En réalité, nous sommes dans une impasse. En encourageant les aires familiales, on crée des difficultés supplémentaires pour les maires.

M. le rapporteur. J’entends vos objections et je mesure l’effet d’appel d’une telle disposition, mais l’amendement vise l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme, donc l’installation sur ces terrains ne doit pas être faite en violation des règles de l’urbanisme. Par ailleurs, les terrains familiaux peuvent être loués, soit en régie, soit par des sociétés qui gèrent les aires d’accueil. Normalement, tout cela doit rester encadré par le droit de l’urbanisme.

M. Olivier Dussopt. La disposition proposée ne permettra pas de régler les situations les plus difficiles, comme celles évoquées par M. Geoffroy. Elle donnera la possibilité d’aménager les terrains en conformité avec le droit de l’urbanisme, pas de régulariser ceux qui sont non constructibles ou inondables. Qui plus est, tout maire faisant valoir que sa commune s’est engagée, dans les conditions définies par la loi, à aménager des terrains familiaux qui seront intégrés dans les schémas départementaux, obtiendra des contreparties en termes de diminution du nombre de places exigibles au titre des aires de passage.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de conséquence CL30 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL31 du rapporteur et CL14 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. L’amendement CL31 vise à préciser les notions de « rassemblements traditionnels et occasionnels » et de « grands passages ».

Avis défavorable à l’amendement CL14.

M. Sergio Coronado. Les grands passages n’étant pas tous liés à un grand rassemblement, il s’agit, avec l’amendement CL14, de supprimer une précision inutile. Par coordination, il convient de supprimer la même précision à l’article 4 de la loi de 2000.

La Commission adopte l’amendement CL31.

En conséquence, l’amendement CL14 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CL15 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Les aires de grand passage et les emplacements de grands rassemblements présentent des échelles différentes. En France, quelques terrains seulement accueillent de grands rassemblements. Dans la nouvelle rédaction proposée pour l’article 1er de la « loi Besson », la référence aux emplacements de grands rassemblements a disparu alors qu’elle figure dans les schémas départementaux. Il importe de la conserver. Ces emplacements bien plus importants obéissent à des règles différentes. Il semblerait cohérent que l’État élabore un schéma national des emplacements de grands rassemblements, comme le proposait l’amendement CL16.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je précise que l’amendement CL16 a été déclaré irrecevable après avis du président de la commission des Finances.

M. le rapporteur. Sans cet amendement, il n’est plus possible d’élaborer un schéma national. Dès lors, je ne vois pas l’utilité de l’amendement CL15.

M. Sergio Coronado. Je ne comprends pas pourquoi l’amendement CL16 a été déclaré irrecevable. Il s’agit simplement d’élaborer un schéma et non de créer des terrains de grands rassemblements ou des aires de rassemblement.

Je proposerai, d’ici à l’examen du texte en séance publique, une nouvelle rédaction de l’amendement CL16, et je retire l’amendement CL15.

L’amendement est retiré.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que, depuis la modification du règlement de l’Assemblée, vous pouvez demander au président de la commission des Finances pour quelles raisons un amendement a été déclaré irrecevable.

La Commission examine l’amendement CL32 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement renvoie à des précisions concernant les terrains aménagés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CL33 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement prévoit qu’un décret précisera les normes applicables à l’aménagement des aires permanentes d’accueil et de grand passage, les modalités de calcul du droit d’usage de ces aires et les dispositifs de substitution à mettre en œuvre en cas de fermeture temporaire d’une aire permanente d’accueil.

M. Olivier Marleix. Je m’effraie de la série de normes auxquelles pourrait être soumis l’aménagement des aires, par exemple pour permettre la circulation des personnes à mobilité réduite. On a déjà du mal à créer des aires d’accueil, si l’on s’amuse à définir de nouvelles contraintes, je crains que la mesure ne soit contre-productive. Du reste, une des difficultés que rencontrent les communes tient à la durabilité de ces installations, dont les équipements en bon état peuvent être détériorés par des tiers ou les usagers.

Mme Annie Genevard. Pour ma part, ce sont les dispositifs de substitution à mettre en œuvre qui m’inquiètent beaucoup. Nous pouvons tous citer, j’imagine, des exemples d’aires d’accueil dégradées qui nécessitent parfois de longues réparations. Il me paraît compliqué pour un maire de devoir à la fois réparer les dégâts et prévoir un dispositif de substitution pour ceux-là mêmes qui ont dégradé l’aire ou pour d’autres. Je suis hostile à cette disposition.

M. Guy Geoffroy. Lorsque la collectivité remplit bien ses obligations, elle ferme l’aire accueil durant quatre à six semaines l’été afin de procéder à l’entretien annuel. La plupart du temps, cela ne pose pas de problème : les personnes concernées sont informées et elles s’organisent pour trouver un autre hébergement. Je n’ose pas imaginer ce qui se produirait dans l’esprit de nos compatriotes du voyage si nous étions dans l’obligation de trouver un accueil de substitution pendant cette période ordinaire d’entretien annuel. Cela deviendrait un droit exigible !

Le dispositif proposé revient à créer une aire provisoire quand l’aire officielle est fermée, ce qui me semble extrêmement dangereux.

Mme Nathalie Appéré. Dans l’intérêt des usagers des terrains, il est nécessaire de procéder régulièrement à des travaux d’entretien, mais il ne faudrait pas que des travaux durables permettent aux communes de se soustraire à leur obligation d’accueil. Préciser la notion de « fermeture temporaire » en fixant une durée, sans pour autant rigidifier le système à l’extrême, permettrait d’éviter les effets pervers que vise l’amendement du rapporteur.

M. Yannick Moreau. En principe, la fermeture d’une aire d’accueil quelques semaines par an pour entretien ou réparation ne devrait pas poser de problème aux résidents puisque, par définition, ce sont des gens qui voyagent. Globalement, cela se passe très bien. Lorsque les gens du voyage sont informés de la fermeture annuelle d’une aire, ils s’organisent pour s’installer sur une autre aire permanente. À l’échelle du département, les communes ne ferment pas toutes leurs aires en même temps.

Si cet amendement était adopté en l’état, le législateur imposerait la création de deux aires permanentes dans chaque commune, ce qui doublerait les contraintes. Et je ne parle pas du 1° de l’amendement qui est une liste non exhaustive et inépuisable de contraintes supplémentaires pour les élus locaux, déjà confrontés à la gestion difficile de ces aires permanentes.

M. Yves Goasdoué. D’après mon expérience de maire, l’entretien d’une aire d’accueil nécessite quatre à cinq semaines de fermeture par an, à des périodes où les gens ne voyagent pas forcément. À chaque fois que j’ai pratiqué cet exercice, l’absence de solution de repli a créé des difficultés, parce que les gens du voyage allaient s’installer là où ils n’étaient pas forcément les bienvenus. Aussi je partage le sentiment du rapporteur de la nécessité de prévoir une aire d’accueil secondaire.

En revanche, celle-ci ne doit pas emporter pour la collectivité des obligations excessives. Il s’agit généralement d’une aire d’accueil d’été enherbée, pourvue d’un ou plusieurs points d’eau, et qui, ayant vocation à être transitoire, doit être exemptée des normes applicables à une aire d’accueil permanente.

M. Philippe Houillon. Un danger supplémentaire de cet amendement est qu’il consacre indirectement, et la jurisprudence se chargera du reste ultérieurement, un droit à la sédentarité. Je voterai contre.

M. le rapporteur. Les normes existent déjà. Elles sont précisées dans un décret et prévoient par exemple un WC pour cinq emplacements de caravanes.

Le 1° de l’amendement comporte un autre élément important : les conditions du contrôle périodique des aires. Un certain nombre d’associations se sont plaintes que l’aire d’accueil devenait en réalité un camp, la barrière d’accès étant fermée la nuit.

S’agissant des fermetures temporaires, j’entends bien que celles qui sont motivées par des dégradations puissent être des cas de force majeure ou des sanctions à l’encontre des occupants responsables de ces dégradations. Dans ce cas, il est hors de question que ceux-ci puissent se prévaloir d’une quelconque disposition. Par ailleurs, le texte prévoit un dispositif de substitution, pas une aire d’accueil. Il s’agit d’organiser la vacance occasionnée par la réfection annuelle qui, comme l’a dit M. Goasdoué, entraîne l’éparpillement sur le territoire des occupants et la survenance de grandes difficultés durant cette période.

Mon amendement vise simplement à prévoir un minimum de coordination, une organisation rationnelle de la réfection annuelle de l’aire. Je ne vois pas en quoi il crée un droit à la sédentarité.

M. Philippe Gosselin. Je relève dans l’exposé sommaire l’emploi du terme « barbelés », ce qui me semble exagéré.

Prévoir une seconde aire est une obligation qui va peser trop fortement sur les communes.

Pour ce qui est du 3°, de même que le rapporteur a renvoyé Mme Genevard et M. Moreau vers un autre amendement concernant les tarifs, je l’invite à retirer le sien pour compléter sa réflexion.

M. Guy Geoffroy. C’est bien connu, tout le monde est favorable à la création d’un grand terrain, mais chez le voisin. Je fais partie d’une agglomération qui est reconnue pour être exemplaire depuis vingt ans, ce qui commence à nous mettre à l’abri de certains soucis. Pour les aires de stationnement ordinaires, les collectivités ont réalisé des efforts très importants en termes de localisation pertinente – suffisamment loin, mais pas trop pour faciliter la scolarisation des enfants et l’intégration des familles à la vie communale –, et de qualité des équipements. Au moment où les communes reçoivent le document de l’État annonçant la soustraction de la dotation globale de fonctionnement au titre, selon la très jolie formule, « de la contribution de la collectivité à l’effort de réduction de la dépense publique », on leur demande de faire encore plus, et de surcroît sur un sujet extrêmement sensible. Cela risque de ressusciter chez nos concitoyens le sentiment, que nous avions commencé à apaiser, qu’il y a deux poids deux mesures entre les habitants traditionnels et les habitants occasionnels que sont les gens du voyage. Ce deuxième alinéa risque de ne pas faciliter la vie quotidienne des habitants dans leurs relations avec les collectivités et les gens du voyage.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL1 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Alors que l’on était simplement dans un système de substitution avec réquisition, l’article 2 organise un système de sanctions financières pour les collectivités qui n’auraient pas respecté leurs obligations en matière d’aire de stationnement en donnant au préfet le pouvoir d’engager une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux. Je comprends l’intention, mais forcer la main par la menace peut avoir des effets contre-productifs, comme par exemple une forte opposition des habitants. Le message envoyé aux communes est beaucoup trop agressif et inutilement violent, sans compter qu’il est très malvenu de vouloir frapper au portefeuille quand l’État réduit drastiquement les dotations.

Je propose donc de supprimer les alinéas 6 à 14 de l’article 2. La procédure actuelle est suffisante, et l’expérience sur le terrain montre qu’elle fonctionne. Je ne conteste pas les obligations légales, je dis simplement qu’elles doivent être accompagnées autant que possible.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Ces alinéas sont un élément important de l’équilibre de la proposition de loi.

Mme Annie Genevard. L’article 2 contient une disposition terrible dont l’application va susciter des réactions de la part des élus locaux, qui sont déjà dans un état de grande fébrilité. La montée en puissance de la péréquation, la baisse des dotations et le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République qui prive progressivement les communes d’un certain nombre de compétences, tout cela réduit progressivement les marges de manœuvre de l’élu local et renforce l’État.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que beaucoup de communes ne s’étaient pas acquittées de leur devoir, sans rappeler toutes les difficultés qui se posent aux élus depuis le vote des différentes lois auxquelles vous avez fait référence. Cela explique pourtant en grande partie pourquoi ils peinent à créer des aires d’accueil. Ce n’est pas par mépris des gens du voyage, mais parce que c’est une source de problèmes que l’État ne nous a pas suffisamment aidés à résoudre.

Si, dans le même temps, l’État prenait des engagements pour être aux côtés des élus locaux, pour résoudre les problèmes qui se posent dans l’occupation des aires d’accueil, votre proposition serait perçue différemment. En fait, elle s’apparente à une double peine, puisque les maires doivent gérer seuls les problèmes liés aux aires d’accueil et supporter la contrainte financière. Cela fait beaucoup. Vous devez être pleinement conscient que cette proposition de loi va susciter beaucoup de réprobation et de colère de la part des élus locaux.

M. Guy Geoffroy. C’est même une triple peine avec l’incertitude que va engendrer la proposition de loi. Mettez-vous à la place des élus locaux qui ont fait un travail auprès de la population pour faire admettre que la loi devait s’appliquer. Les aires d’accueil une fois créées, la plupart du temps les choses se sont apaisées. Aujourd’hui, nous apprenons que nous serons pénalisés si nous n’avons pas mis en place un dispositif de substitution. Pour les élus, cela ne signifie peut-être pas l’explosion immédiate, mais des difficultés majeures.

En plus du document que j’évoquais tout à l’heure, les élus en reçoivent aussi un qui leur explique, dix ans avant l’échéance, qu’ils n’ont pas atteint leur quota de logements sociaux mais que, gentiment, l’État ne les sanctionnera pas avant 2025. Maintenant, il va y avoir ça. En fait, l’État reprend la main sur tout en se désengageant de tout. Les Français ne le supporteront pas longtemps !

M. Marc-Philippe Daubresse. En tant que ministre du Logement, j’ai eu la tutelle sur l’habitat adapté pour les gens du voyage. Avec l’accumulation des lois, il faudra désormais quatre à cinq ans, contre deux ans jusqu’à présent, pour élaborer les nouveaux plans d’urbanisme, notamment les plans locaux d’urbanisme intercommunaux dont devraient relever les aires d’accueil des gens du voyage. À cela, vous rajoutez des problématiques de coercition financière, dans la même logique d’ailleurs que la question du logement social et très social, ce qui va aboutir à un déséquilibre complet.

J’aurais voté pour une proposition de loi équilibrée entre droits et devoirs, qui aille dans le sens de la simplification, de la souplesse et de l’efficacité. Mais en rajoutant ici de la coercition, des normes et de la lenteur dans les procédures, vous aboutirez à l’effet inverse, ce qui obligera, en cas d’alternance politique, à revoir complètement votre dispositif.

M. Yannick Moreau. L’État est déjà largement décisionnaire des plans locaux d’urbanisme et les élus locaux doivent négocier âprement chaque centimètre carré. En l’espèce, l’État imposera sa volonté sans jamais rien payer, ce qui constitue une atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

C’est une constante de cette législature, qu’au lieu de décentraliser vous restreignez toujours davantage les pouvoirs des communes et vous les asphyxiez financièrement en imposant toujours des contraintes supplémentaires.

M. le rapporteur. La procédure de consignation n’est pas une attaque en règle contre les élus locaux, mais une pression sur les 35 % d’entre eux qui n’ont pas appliqué la « loi Besson » et qui restent devoir mettre en place une aire d’accueil.

L’État commande sans payer, dites-vous. Mais, s’agissant de la mise en œuvre de la « loi Besson », l’État avait commandé et payé. Je ne méconnais pas les difficultés que rencontrent aujourd’hui les communes de plus de 5 000 habitants ou les EPCI auxquelles elles appartiennent, mais ceux qui aujourd’hui ne bénéficient pas du soutien de l’État sont ceux qui n’ont pas réalisé d’aire d’accueil dans les délais prévus.

Quant au préfet, son pouvoir de substitution prévu dans la loi de 2000 n’a jamais été mis en œuvre. On peut penser que le pouvoir de consignation ne le sera pas davantage et qu’il servira simplement de menace. Du reste, 90 % des maires se sont cachés derrière le préfet pour expliquer à leurs concitoyens qu’ils étaient obligés de créer une aire d’accueil. Le dispositif n’introduit pas une triple, voire une quadruple peine, il vise seulement à ce que la loi, quinze ans après avoir été votée, soit enfin appliquée. Comme ils ont fait preuve de discernement au point de ne pas avoir utilisé le pouvoir de substitution, les préfets se montreront tout aussi raisonnables avec le pouvoir de consignation. Tous les gens de bonne foi s’en féliciteront, et la pacification recherchée par la proposition de loi pourra être obtenue.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL34 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise le régime de consignation par le préfet des sommes nécessaires en cas de défaillance d’une commune ou d’un EPCI à gérer les aires. Ce dispositif s’étale dans le temps et donne toute possibilité de discussion. Son effet devrait être plus important que l’actuel pouvoir de substitution du préfet.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL35 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL5 de Mme Annie Genevard.

M. Yannick Moreau. Je note avec satisfaction que le rapporteur s’est inspiré des travaux des députés du groupe UMP visant à corriger le statut des gens du voyage. Non seulement il propose l’extension de l’arrêté d’expulsion à tout le territoire de la collectivité compétente, mais il l’assortit d’un délai de sept jours. Le travail des députés UMP a donc été fécond en matière de rétablissement des droits et devoirs en cas d’occupations illégales. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL6 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Il s’agit de clarifier la responsabilité de l’État en matière de maintien de l’ordre, « notamment lors des grands passages et des grands rassemblements traditionnels ou occasionnels des gens du voyage ».

M. le rapporteur. Outre qu’il comporte le mot « notamment », honni dans notre commission, je ne suis pas favorable à cet amendement car l’article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales renvoie déjà aux « grands rassemblements d’hommes », même si cette rédaction est un peu ancienne. La proposition est donc superfétatoire.

La Commission rejette l’amendement.

Article 3 (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage) : Assouplissement des conditions d’évacuation forcée des résidences mobiles stationnant illégalement en cas d’existence de places disponibles dans des aires d’accueil à proximité

La Commission est saisie des amendements identiques CL36 du rapporteur et CL17 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. Les difficultés liées aux dispositions de l’article 3 ont déjà été présentées dans la discussion générale. Il convient de supprimer cet article.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements CL18, CL19 et CL20 de M. Sergio Coronado n’ont plus d’objet.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement CL7 de Mme Annie Genevard.

M. Yannick Moreau. Les occupations illégales des gens du voyage sont insupportables pour la plupart de nos concitoyens. Le sentiment persiste d’un déséquilibre total entre les droits et devoirs de chacun, les gens du voyage ayant davantage de droits que de devoirs et les collectivités subissant l’inverse. Pour rétablir l’équilibre, nous proposons de renforcer les sanctions visant les occupations illégales par les gens du voyage lorsque les communes respectent leurs obligations.

M. le rapporteur. Je suis doublement défavorable à cet amendement.

D’une part, pour des raisons politico-symboliques. La proposition de loi visant à réintégrer les gens du voyage dans le droit commun, on ne peut pas, dans le même temps, augmenter les pénalités prévues en cas de stationnement illicite.

D’autre part, cette disposition ne sera jamais appliquée parce qu’aucun juge n’acceptera de condamner quelqu’un à une peine d’emprisonnement pour un simple problème de stationnement. Cela supposerait que l’on ait modifié l’échelle des peines et prévu la peine de mort en cas de grand excès de vitesse.

M. Yannick Moreau. Votre démonstration est totalement excessive et hors de proportion. Elle ne correspond pas à la réalité des situations. Les occupations illégales ne sont pas que des stationnements, mais l’accaparement d’équipements sportifs, de parcs urbains, de parcs pour enfants, et elles dégradent durablement des biens publics. Il s’agit d’occupations sauvages qui engendrent un sentiment d’insécurité pour les riverains et de totale impunité des gens du voyage.

Il faut se montrer plus ferme à l’égard de certains groupes de gens du voyage qui pratiquent des occupations sauvages. Il ne s’agit pas de demander la peine de mort, seulement de porter la peine de prison encourue à douze mois au lieu de six actuellement et de prévoir une amende de 7 500 euros.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CL37 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit, en substitution du dispositif initial de l’article 3 un peu compliqué, de conserver l’applicabilité de la mise en demeure lorsque, dans les sept jours suivant la notification aux occupants, la résidence mobile se retrouve en situation de stationnement illicite sur le même territoire que visé par l’arrêté d’interdiction de stationnement des caravanes.

M. Yannick Moreau. Cet amendement va dans le bon sens et je me réjouis que le rapporteur ait écouté les propositions de l’opposition. Toutefois, les motifs sont toujours d’ordre public alors que l’article 3 avait l’ambition de s’en affranchir quelque peu. En fait, on restreint les modalités d’application.

M. le rapporteur. C’est précisément l’extension des motifs et la suppression du motif d’ordre public qui posaient le problème de constitutionnalité de l’article 3, outre l’étendue du rayon d’action proposé. Il était facile de réduire le rayon mais plus difficile de répondre à l’objection sur le trouble à l’ordre public. Du reste, l’audition des préfets et des sous-préfets démontre que les tribunaux interprètent largement le trouble à l’ordre public et qu’il n’y a pas de difficulté d’annulation des arrêtés de mise en demeure. J’ai entendu votre argument avant même que vous ne le prononciez, car c’est l’objection qui a toujours été soulevée à l’encontre du dispositif prévu précédemment.

La Commission adopte l’amendement.

Article 4 (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales) : Compétence obligatoire des communautés de communes en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage

La Commission examine l’amendement CL38 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer l’article 4 parce que les dispositions qu’il prévoit sont déjà comprises dans les projets de loi de réforme territoriale. Pour les mêmes raisons, je vous propose de supprimer également les articles 5, 6 et 7.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5 (art. L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales) : Compétence obligatoire des communautés de communes éligibles à la dotation globale de fonctionnement bonifiée en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage

La Commission adopte l’amendement CL39 du rapporteur.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Article 6 (art. L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales) : Compétence obligatoire des communautés d’agglomération en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage

La Commission adopte l’amendement CL40 du rapporteur.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7 : Délai de transfert aux communautés de communes et communautés d’agglomération de la compétence en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage

La Commission adopte l’amendement CL41 du rapporteur.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8 (art. 102 du code civil, art. L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 131-3 du code de l’éducation, art. L. 123-29 du code de commerce, art. L. 15-1 du code électoral, art. 613 nonies et 1647 D du code général des impôts, art. 371 de l’annexe 2 du code général des impôts, art. 111 novodecies de l’annexe 3 du code général des impôts) : Conséquences de la fin du régime de rattachement obligatoire à une commune des gens du voyage

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL9 de Mme Annie Genevard.

Puis elle examine l’amendement CL21 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. L’amendement CL21 et l’amendement suivant CL22 visent à élargir les possibilités de domiciliation des personnes.

La proposition de loi fait le choix d’une forme très contraignante de domiciliation : elle ne peut se faire qu’auprès d’une association agréée, d’un centre communal d’action sociale (CCAS) ou d’un centre intercommunal d’action sociale (CIAS), et seulement à titre temporaire, ce qui semble en contradiction avec la vie de ceux qui disposent d’une installation permanente. La vie de ces personnes et le travail des collectivités se trouveraient facilités si celles qui détiennent une autorisation d’installation de leur résidence mobile de plus de trois mois pouvaient se domicilier sur le terrain concerné. Cette possibilité vient d’être accordée aux usagers des résidences démontables dans le cadre de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Qui plus est, l’installation d’une résidence mobile de plus de trois mois est déjà prévue dans le code de l’urbanisme.

M. le rapporteur. Vous faites une interprétation trop restrictive du dispositif. La domiciliation est possible auprès d’une association agréée, d’un CCAS ou d’un CIAS, mais l’on peut aussi élire domicile sur un terrain dont on est propriétaire, que l’on ait ou non l’autorisation d’y mettre une caravane. Je demande le retrait de ces deux amendements.

L’amendement CL21 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL42 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer une disposition déjà prévue dans la loi ALUR.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CL22 de M. Sergio Coronado est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement d’harmonisation CL43 et l’amendement légistique CL44, tous deux du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL26 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Les rapports de Pierre Hérisson et de Didier Quentin faisaient état de chiffres inquiétants en matière de scolarisation des enfants. Sur environ 70 000 enfants du voyage semi-sédentarisés, étaient effectivement scolarisés 90 % de ceux relevant de l’enseignement primaire, et seulement 20 % de ceux en âge d’aller au collège. Les chiffres étaient encore plus bas concernant les enfants dans des familles itinérantes.

La suppression du livret de circulation pose la question du contrôle de l’assiduité effectué par les caisses d’allocations familiales, qui nécessiterait d’être amélioré. Il serait également souhaitable de systématiser la double inscription au CNED, comme le proposait le rapport de Didier Quentin remis en 2011.

Toutefois, certains parents font face à des refus d’inscription. L’amendement tend donc à rappeler que la résidence de l’enfant, fût-ce dans une caravane, sur le territoire de la commune ouvre droit à son inscription à l’école.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL45 et CL46 ainsi que l’amendement de coordination CL47, tous du rapporteur.

L’amendement CL23 de M. Sergio Coronado est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL48 et les amendements de coordination CL49 et CL50, tous du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La Commission est saisie de l’amendement CL25 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer une autre disposition dérogatoire du droit commun pour les gens du voyage : le récépissé de consignation avec dépôt de garantie.

Avant 1982, ce récépissé avec dépôt était obligatoire pour toute personne exerçant une activité ambulante et permettait de consigner de l’argent trimestriellement en prévision du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il pouvait également faire office d’inscription au registre du commerce. Depuis, ce document ne s’applique qu’aux personnes ne disposant pas de domicile ou de résidence fixe ; il est de fait systématique pour les gens du voyage.

La plupart des personnes qui se procurent ce récépissé « payant », qui coûte 226 euros, ne sont pas inscrites au registre du commerce mais pensent que ce récépissé leur permet d’exercer une activité commerciale dans les mêmes conditions, un peu comme une patente. D’ailleurs, les services des impôts ne vérifient souvent pas leur situation professionnelle. Or, si ces personnes se font contrôler dans l’exercice de leur activité avec ce récépissé, elles sont renvoyées devant un tribunal et condamnées pour travail clandestin. D’où la proposition de suppression de ce dépôt de consignation, qui est mal utilisé et jamais rendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le dépôt de consignation n’est pas discriminatoire car il ne concerne pas seulement les gens du voyage, mais aussi les commerçants étrangers qui viennent exercer leur activité aux frontières.

La Commission rejette l’amendement.

Article 9 (art. 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, art. L. 131-3 du code de l’éducation, art. L. 552-5 du code de la sécurité sociale, art. 613 decies du code général des impôts) : Abrogation de dispositions obsolètes et mise en place du régime du droit à domiciliation de droit commun

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL10 de Mme Annie Genevard.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CL51 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL52 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il convient de supprimer l’alinéa 5 de l’article 9, qui supprime un article et des taxes eux-mêmes déjà abrogés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL53 du rapporteur et CL24 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit que, pendant une période transitoire suivant la promulgation du présent texte, tous les gens du voyage seront automatiquement domiciliés dans les CCAS de la commune où ils sont rattachés, à charge pour eux de changer de domiciliation s’ils le souhaitent, dans le respect des obligations liées à l’élection de domicile.

L’amendement CL24 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL53.

Puis elle est saisie de l’amendement CL54 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de laisser deux ans à compter de l’entrée en vigueur du texte pour utiliser les titres de circulation pour l’inscription au registre du commerce et des sociétés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL55 du rapporteur.

Après quoi, elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission étudie l’amendement CL11 de M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est la cinquième fois que je propose la présente disposition à l’Assemblée nationale. Il s’agit de faire en sorte que les donations de terres agricoles, c’est-à-dire les cessions à titre gracieux, puissent faire l’objet d’un droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). On m’a toujours opposé que cette mesure, soit était irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, soit n’arrivait pas au bon moment, soit n’avait pas sa place dans le texte en discussion.

Or celui que nous sommes en train d’examiner traite des gens du voyage. Ces derniers, force est de le constater, acquièrent de manière gracieuse, c’est-à-dire sous forme de donation accompagnée de dessous de table, des terres agricoles pour s’y installer au mépris de toute règle d’urbanisme. Les maires ont alors les plus grandes difficultés à faire appliquer leur plan d’occupation des sols ou plan local d’urbanisme, puis d’obtenir une décision d’expulsion ou de destruction devant les tribunaux.

Ce genre d’affaires revêtant une fréquence et des proportions en augmentation, j’ai cherché un moyen de faire en sorte, non que les cessions à titre gracieux deviennent impossibles, mais que les SAFER puissent exercer leur droit de préemption dessus. Or elles ne peuvent aujourd’hui le faire que sur les cessions à titre onéreux.

On me répondra que cette disposition est un cavalier, et je conviens que mon amendement est lié indirectement au sujet que nous examinons aujourd’hui. Néanmoins, il participe tout à fait à la recherche de solutions pour que les gens du voyage s’installent dans les communes dans des conditions acceptables par tous. J’explique dans l’exposé sommaire qui le motive que de telles situations existent dans la zone rurale de l’Île-de-France, et je peux en témoigner dans cinq communes de ma circonscription. Le rejet que subissent malheureusement les gens du voyage n’a pas besoin d’être alimenté par de telles pratiques.

J’espère que la Commission adoptera cet amendement qui n’a d’effet ni sur les capacités d’accueil ni sur les dispositions prises antérieurement dans cette proposition de loi. Il donne simplement aux SAFER, dont c’est la mission, la possibilité de veiller à ce que les terres agricoles cédées à titre gracieux conservent leur vocation.

M. le rapporteur. Encore une fois, je suis défavorable à cet amendement tout en étant très partagé. Effectivement, il s’agit d’une fraude à la loi qui est assez connue et répandue, et qui se termine parfois par une escroquerie aux dépens d’une partie ou de l’autre.

Aujourd’hui, j’ai du mal à avoir une expertise sur le sujet. J’essaie d’interroger le ministère de l’Agriculture, mais les délais étaient trop courts pour que j’obtienne un avis à temps. Je vous donnerai ma position en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL12 de M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement-ci vise à ce que les cessions à titre gracieux soient systématiquement signalées aux maires des communes concernées, ceux-ci n’étant actuellement informés que des cessions de terrains à titre onéreux. Il vise toutes les situations, notamment, et je l’assume parfaitement, celles que j’ai décrites en présentant l’amendement précédent.

M. le rapporteur. Même position que sur l’amendement précédent.

La Commission rejette l’amendement.

M. Guy Geoffroy. Alors que nous avions réussi à apporter l’apaisement, la proposition de loi va déséquilibrer la vie des habitants dans nos communes, qu’ils soient sédentaires ou qu’ils aient choisi un autre mode de vie tout à fait identifié et respectable. Le rapporteur et la majorité de la Commission ayant refusé d’adopter quelques amendements d’équilibre global, je crains que les dispositions prises ne nous fassent courir un grand risque.

Je m’opposerai à ce texte pour des raisons politico-symboliques, pour reprendre une formule de notre rapporteur.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

La Commission procède ensuite, sur le rapport de M. Razzy Hammadi, à l’examen de la proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités (n° 1699).

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je me félicite de pouvoir défendre, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), un texte important pour les victimes de discrimination dans notre pays. La proposition de loi vise à apporter une réponse au paradoxe de Mancur Olson, qui veut que plus un groupe s’élargit, moins il est efficace dans la défense de ses intérêts, car chacun s’en remet à l’autre et personne n’agit. C’est ainsi que des comportements fautifs ne sont pas sanctionnés, faute de demande de réparation individuelle : dans notre pays, la moitié des personnes victimes de discrimination n’entament aucune procédure.

Notre majorité s’est attaquée à ce problème. On parle des actions de groupe, ou class actions, depuis trente-cinq ans, la gauche comme la droite ayant proposé de mettre une telle réforme en œuvre. Cependant, on disait aussi de cette procédure qu’elle était impossible à insérer dans notre système juridique. Aujourd’hui, avec la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, au projet de loi de modernisation de notre santé et à la présente proposition de loi, tout a changé.

La construction juridique repose désormais sur des éléments concrets. En 2014, le Conseil constitutionnel a intégralement validé la démarche de l’action de groupe en droit de la consommation, y compris dans sa version simplifiée. La procédure est sûre, stable et constitutionnelle ; le nombre d’actions de groupe initiées montre sa popularité et son efficacité. Cette proposition de loi la reprend, puisqu’elle ne subit plus la moindre critique juridique.

Deux phases structurent l’action de groupe, la première déterminant la responsabilité de l’auteur et la seconde l’indemnisation des dommages. Elle peut être diligentée par une association reconnue dans la lutte contre les discriminations ou, dans le monde du travail, par une organisation syndicale – sur cette question, je souhaite que le débat se déroule en séance publique. Les victimes sont représentées par cette entité requérante qui agit en leur nom au cours du procès, mais elles gardent le droit, à tout moment, de faire valoir leurs droits dans une procédure individuelle classique. Nul n’entre dans l’action de groupe contre son gré, ainsi que l’exige le Conseil constitutionnel depuis la décision 89-257 DC du 25 juillet 1989.

Aujourd’hui, après les consommateurs et les patients, il s’agit de donner les moyens de se défendre aux victimes de discriminations prohibées. Souvenons-nous de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». L’utilité commune, c’est le mérite, qui constitue le seul discriminant acceptable dans la République française. Les autres critères altèrent le pacte social. Ils sont d’ailleurs interdits par le code pénal, par le code du travail et par plusieurs autres textes de loi. Les discriminations raciales, sexistes, homophobes sont prohibées, mais aussi celles fondées sur l’apparence, l’origine, l’adresse de résidence ou encore l’état de santé. Elles sont sanctionnées en correctionnelle au nom de la société et au civil pour l’indemnisation des personnes. Mais pour une victime qui se plaint, combien se murent dans un silence qui assure l’impunité du fautif ? Comment tolérer que l’écart de salaire entre les hommes et les femmes atteigne encore 25 % ? Comment imaginer qu’existent encore des fichiers qui classent par ethnie ou par religion ? Comment concevoir qu’il faille encore dissimuler une grossesse de peur d’encourir un licenciement ?

Il ne faut pas seulement réprimer les pratiques discriminatoires. Il faut les dissuader. L’expérience des dix-sept pays de l’Union européenne ayant déjà déployé l’action de groupe nous enseigne qu’au-delà de la sanction, ce mécanisme favorise une puissante prévention qui engendre des évolutions sans précédent.

Cette procédure permettra le prononcé de sanctions jusque-là inappliquées, c’est-à-dire inexistantes. C’est aussi pour cette raison que la proposition de loi crée de droit un mécanisme de médiation. Il importe de souligner qu’il s’agit d’un texte de procédure, qui ne comporte aucun objet pénal, qui ne redéfinit pas la discrimination et qui ne durcit pas les peines. Les actes qui pourront faire l’objet d’une action de groupe sont déjà tous répréhensibles. Il y a déjà des gens qui agissent mal, qui le savent et qui continuent parce qu’ils passent entre les mailles du filet. Le bailleur, le chef d’entreprise, le prestataire de services et même le particulier doivent être mis en face de leurs responsabilités. C’est sur la réparation que porte ce texte.

La question de l’action de groupe contre les collectivités territoriales, l’État et les personnes publiques doit nécessairement être traitée – elle fait l’objet d’un amendement. À la suite des remarques de Mme Colette Capdevielle, le tribunal administratif sera compétent en la matière et non les prud’hommes. La réflexion reste en cours au sujet de la discrimination dans l’entreprise, afin de prévoir un délai de mise en place laissant toute sa chance au dialogue social. Je vous propose de ne trancher cette question que lors de la séance publique. Un autre point en débat porte sur les mesures de publicité. Enfin, la perspective d’une action de groupe simplifiée centrée sur les situations les plus caractérisées fera l’objet d’un amendement.

La lutte contre les discriminations constitue un très fort enjeu pour la cohésion du pacte social. Le droit les interdit déjà, mais elles doivent maintenant disparaître dans les faits comme le réclame la population. Cette proposition de loi est une opportunité pour notre Parlement d’inscrire encore davantage son action dans un mouvement vers l’égalité ; elle offre aux républicains, sur tous les bancs, l’occasion de montrer leur refus des préjugés et des logiques d’exclusion.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les députés membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) partagent évidemment l’objectif de lutter contre les discriminations dans l’entreprise, dans l’administration et partout où elles peuvent malheureusement se déployer. Nous sommes, en revanche, extrêmement réservés sur la pertinence de la procédure de l’action de groupe pour combattre ces comportements déviants. En l’état, cette proposition de loi pose davantage de questions qu’elle n’offre de réponses.

Ainsi, nous nous interrogeons sur la capacité de démontrer que l’on est « placé dans une situation comparable ». M. le rapporteur propose de remplacer le terme « comparable » par les mots « similaire ou identique », mais je ne suis pas certain que cette suggestion résolve le problème. De plus, dans certains cas, faire valoir son droit requerrait de porter sur la place publique des éléments relevant de l’intimité et de la vie privée, comme les convictions religieuses, l’orientation sexuelle ou les opinions politiques.

En outre, il est difficile de comprendre que la juridiction civile puisse être saisie d’un domaine qui relève aujourd’hui de la compétence du juge pénal. N’est-il pas dommageable de répartir entre deux juridictions distinctes l’estimation d’une même situation ?

Ce texte porte le risque d’une dérive communautariste dont notre société n’a vraiment pas besoin. Dans Le puzzle de l’intégration, Malika Sorel fait part de sa crainte que l’introduction de l’action de groupe en France n’accélère « l’intensification de la communautarisation de la République ». Elle écrit ainsi : « La justice en France est individuelle ; l’action de groupe est directement importée du modèle multiculturel anglo-saxon. Aux États-Unis, on voit le résultat : la discrimination positive et les class actions n’ont fait qu’exacerber les tensions raciales et pousser les communautés à se replier sur elles-mêmes ». Elle poursuit en expliquant que « l’attaque de grands groupes américains a empêché de réfléchir au fond du problème. On est encore une fois dans une politique de victimisation, de culpabilisation qui affirme que c’est la société qui est coupable de tous les maux et que c’est elle qui doit réparer ». Elle souligne enfin que l’« on introduit de la défiance et du ressentiment là où il faudrait au contraire pacifier la société ».

Plusieurs rapports d’origine diverse, récents pour trois d’entre eux, indiquent également que la voie de l’action de groupe n’est pas la plus adaptée pour atteindre votre objectif que, je le répète, nous partageons. Ainsi, dans son rapport rédigé en 2013, Mme Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, préconise que le juge intervienne « pour demander qu’il soit mis fin aux discriminations en ne sanctionnant leurs auteurs qu’en cas de refus de donner suite à ses injonctions ». Elle précise que cette démarche ne doit pas avoir de vocation indemnitaire. Selon le rapport, des organisations syndicales représentatives dans le secteur concerné doivent pouvoir saisir la juridiction civile et, à l’échelle de la branche, le procureur de la République devrait avoir la latitude de constater que les mécanismes de négociation ou de prévention ont échoué. Mme Laurence Pécaut-Rivolier estime que ce sont les juridictions prud’homales qui doivent décider d’éventuelles indemnisations : elle écarte le mécanisme que vous proposez.

Dans leur rapport publié en 2014, intitulé La lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action, nos collègues sénateurs Esther Benbassa et Jean-René Lecerf s’interrogent sur la capacité de mettre en œuvre ce dispositif. Ils écrivent : « Il convient de relever que l’introduction d’un recours collectif en matière de discriminations soulève certaines difficultés. La première tient à la spécificité même du contentieux de la discrimination, par nature très subjectif. […] Dans la mesure où un même fait discriminatoire, par exemple le refus d’une promotion, peut avoir des conséquences différentes selon les victimes – pour poursuivre avec le même exemple, perte de salaire potentiel, mais également risque de dépression pour certains –, la définition des critères de rattachement au groupe peut s’avérer complexe ». Là est toute la question et je reviens sur ma remarque portant sur le choix des termes « comparable », « similaire » ou « identique ».

Les deux sénateurs poursuivent ainsi leur propos : « Une seconde difficulté soulevée par l’introduction d’un recours collectif en matière de discrimination tient à son articulation avec le régime probatoire aménagé en faveur du demandeur. Dans la mesure où il appartient au défendeur “ de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ”, il doit pouvoir connaître chacune des victimes pour procéder à cette démonstration au cas par cas […]. Ainsi, après le jugement déclaratoire de responsabilité, il faudrait procéder à l’examen de recevabilité de chacun des cas de personnes souhaitant se joindre à l’action de façon à mettre en capacité le défendeur de l’écarter s’il justifie d’éléments objectifs démontrant l’absence de discrimination ».

Enfin, M. Jean-Christophe Sciberras, ancien président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), a remis un rapport aux ministres chargés de la ville et du travail portant sur les discriminations dans l’emploi. Le Gouvernement a retenu la majorité des propositions de ce rapport, dont celle suggérant de créer un recours collectif en justice en matière de discriminations. Cependant, les experts recommandent de « définir une nouvelle voie de recours collectif, ouverte, après échec du processus de dialogue social, à toute partie ayant intérêt à agir, c’est-à-dire les associations et les organisations syndicales, permettant à la fois la cessation de la pratique discriminatoire, la sanction si nécessaire de cette pratique et la réparation des préjudices subis par les victimes ». Les professionnels du droit dans les entreprises privilégient donc la mécanique du dialogue social plutôt que les déclarations individuelles d’un préjudice présumé et une action collective à laquelle on viendrait se joindre.

En l’état, nous ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi pour des raisons qui tiennent au contenu du texte et à la pertinence de la solution envisagée. Nous ne sommes pas convaincus que l’action de groupe soit, en cette matière, la plus efficace pour régler le problème auquel vous souhaitez vous attaquer.

Mme Colette Capdevielle. Je félicite le rapporteur Razzy Hammadi pour la détermination qu’il affiche depuis 2013 dans ce dossier. Se rassembler pour mener une action et demander réparation s’avère plus efficace qu’une démarche individuelle. Dans le domaine des discriminations, notamment celles d’accès à l’emploi ou au logement qui sont les plus visibles, les actions individuelles, d’ailleurs inexistantes, sont vouées à l’échec. Les dépôts de plainte ne donnent pas lieu à l’engagement de poursuites du fait de la complexité de l’apport de la preuve. Les procédures contre ces discriminations, qui s’insinuent dans tous les domaines, se révèlent, en outre, onéreuses et incertaines.

Cette proposition de loi n’instaure pas du tout la class action à l’américaine. M. Jean-Frédéric Poisson a tort de prétendre le contraire. Comme la loi relative à la consommation, ce texte prévoit un filtre qui ménagera un rôle déterminant aux syndicats et aux associations. Ces derniers ne prendront, en effet, pas le risque de se décrédibiliser en engageant une action abusive ou infondée ; les associations et les syndicats, dont l’existence juridique devra dater d’au moins cinq ans, n’enclencheront la procédure que si celle-ci a toutes les chances d’aboutir.

Monsieur Poisson, votre référence au risque de communautarisme est déplacée. Je regrette que nous ne nous retrouvions pas tous dans la lutte contre des discriminations insupportables dans une société fondée sur l’égalité.

Certes, ce n’est pas une loi qui résoudra miraculeusement ce problème. Mais que faites-vous, monsieur Poisson, quand vous recevez dans votre permanence un jeune ne trouvant pas de travail alors qu’il est bardé de diplômes ? Comment répondez-vous à une famille ne trouvant pas de logement à cause d’une discrimination ? Leur renvoyez-vous l’accusation de communautarisme ? Ne serait-il pas plus opportun de se demander si notre législation n’accuse pas de retard ? Notre rôle ne consiste-t-il pas à améliorer notre droit ?

Ce texte représente un grand pas, effectué par la gauche. Il insère dans notre droit civil l’action de groupe – ce qui n’exclut pas la possibilité d’engager une action devant le juge pénal. La proposition de loi vise à favoriser la médiation, donc la pacification et la recherche de solutions. Adoptée, elle fournira un outil permettant d’identifier et de résoudre les problèmes de discrimination dans certaines entreprises, communes ou zones géographiques. Le groupe SRC votera donc ce texte.

M. Sergio Coronado. Les nombreuses discriminations appellent de la part du législateur et des pouvoirs publics une action volontaire, ferme et déterminée car elles minent le contrat social et la confiance placée dans la République. Nul ne conteste la difficulté de construire un outil normatif efficace, même si M. le rapporteur a choisi de se référer à la loi sur la consommation, ce qui offre une garantie importante contre le déclenchement abusif d’actions. Il nous faut agir mais sans tomber dans des facilités. À cet égard, présenter l’action de groupe aux États-Unis comme la responsable de l’existence de l’esprit communautaire manque pour le moins de rigueur, surtout si l’on accuse les mécanismes de discrimination positive de participer à ce phénomène. Il convient de se garder d’utiliser cette grosse ficelle consistant à qualifier une proposition « d’américaine » pour la décrédibiliser. On ferait mieux d’étudier les tentatives de mettre un terme aux discriminations et de faciliter la diversité. Ainsi, monsieur Poisson, la mise en place de la filière de recrutement en zone d’éducation prioritaire (ZEP) à Sciences Po Paris est considérée comme une réussite alors qu’il s’agit d’une discrimination positive, fondée sur une origine géographique et non pas ethnique.

Le groupe écologiste apportera son soutien à ce texte, sur lequel il a déposé quelques amendements. Ils avaient déjà été portés en juillet 2013 par notre collègue sénatrice Esther Benbassa lors de l’examen d’un texte similaire. Ces propositions avaient alors dû être retirées sous la pression amicale du Gouvernement, inquiet d’un dispositif nécessitant une loi organique du fait du rôle central conféré au Défenseur des droits. Si ces amendements sont pris en compte, nous voterons cette proposition de loi que nous considérons bienvenue.

M. le rapporteur. Monsieur Poisson, s’agissant du débat que vous avez lancé sur l’emploi des termes « comparable », « similaire » ou « identique », pensez aux femmes qui, dans une entreprise, perçoivent un salaire inférieur à leurs collègues masculins pour un poste et des compétences égaux ! Les juges n’auront aucune difficulté à considérer qu’elles sont placées dans des situations similaires ou identiques. De même, des hommes d’origine africaine subsaharienne, dont l’ascension est bloquée dans une entreprise par rapport à d’autres salariés ayant la même ancienneté et les mêmes diplômes, se trouvent évidemment dans des positions similaires et identiques à celles de leurs collègues, exception faite de la promotion.

Citer le livre de Malika Sorel pour affirmer que les procédures sont toujours individuelles est une erreur, car il existe aujourd’hui des procédures jointes. Leur problème est qu’elles mettent douze à quatorze ans pour aboutir. L’action de groupe a vocation à simplifier et à accélérer l’identification des responsabilités et l’indemnisation des victimes.

Le texte ne crée aucune dualité de juridiction quant à la prise en compte de la discrimination, car celle-ci est déjà considérée comme une faute à la fois civile et pénale. Le jugement rendu par un tribunal pénal est public : personne ne propose l’abrogation de cette procédure au motif qu’elle révélerait la cause de la discrimination et, ainsi, des éléments de la vie privée du plaignant.

Le communautarisme n’offre pas un bon angle pour critiquer la proposition de loi ; je vous invite à l’abandonner. Personne n’a accusé ni Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy d’encourager le communautarisme lorsqu’ils ont proposé l’instauration de l’action de groupe, avant de renoncer à ce projet une fois au pouvoir. En revanche, lorsque nous échouons collectivement à faire appliquer les droits que nous proclamons, nous nourrissons le communautarisme. L’action de groupe vise à permettre l’effectivité des droits : nous assumons notre volonté de voir le dédommagement, principalement financier, jouer son rôle de prévention, de sanction et de réparation. En effet, toute mesure de justice se nourrit de prévention et de sanction, mais chacun reconnaît que la réparation fait partie de la justice républicaine.

Enfin, la grande majorité des États membres de l’Union européenne a mis en place des mécanismes d’action de groupe. Ils s’avèrent très différents de celui existant aux États-Unis car il n’y a ni dommage punitif, ni honoraires liés au résultat suscitant un comportement de « chasseur de primes » en fonction des délits. La Commission européenne incite d’ailleurs ses États membres à agir avant le 26 juillet 2015, la France ayant déjà enclenché son évolution dans la loi relative à la consommation.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE Ier
CARACTÈRES ET MODALITÉS DE L’ACTION DE GROUPE

Section 1
Champ d’application du dispositif

Article 1er : Champ d’application et qualité à agir

La Commission est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à éviter l’exclusion de structures sous prétexte qu’elles ne sont pas soumises au droit privé. Nous proposons de remplacer les conseils de prud’hommes par les tribunaux administratifs pour permettre l’action de groupe en droit public. En outre, si nous laissions les conseils de prud’hommes dans le texte, il faudrait prévoir l’intervention d’une juridiction différente pour la réparation.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement d’harmonisation rédactionnelle CL9 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL11 du rapporteur et CL1 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. La définition de la discrimination retenue dans le code pénal apparaît plus englobante que celle formulée à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cette dernière n’inclut, parmi les motifs de discrimination prohibés, ni la grossesse, ni le patronyme, ni l’apparence physique, ni l’état de santé autre qu’un handicap, ni le lieu de résidence consacré par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

M. Sergio Coronado. L’amendement CL1 visait à supprimer une référence obsolète. Mais la proposition de M. le rapporteur en supprimant elle-même la mention, je le retire.

L’amendement CL1 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL11.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL10 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL2 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement tend à permettre à un groupe d’individus d’introduire collectivement une action de groupe, donc à ne pas limiter cette procédure aux associations existant depuis plus de cinq ans et aux syndicats représentatifs.

Contrairement aux questions de consommation qui sont suivies par plusieurs grandes associations, les discriminations peuvent être de nature très diverse et ne sont pas toutes couvertes par une association existant depuis plus de cinq ans. Cette clause constituerait donc un frein pour certaines actions de groupe et n’offrirait pas de garantie, d’autant qu’il n’est prévu aucune homologation des associations. Enfin, les jugements s’effectuant en plusieurs phases, il n’est pas nécessaire d’instaurer une restriction pensée pour dissuader des actions fantaisistes. 

Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président de la Commission

M. le rapporteur. Nous poursuivrons ce débat en séance publique. Le code de procédure civile définit ce critère d’existence de cinq ans des associations pour la reconnaissance de leur intérêt à agir. En outre, le Conseil constitutionnel pose une limite forte en obligeant toute personne ayant intérêt à agir à manifester sa volonté. Or, de ce point de vue, l’évolution de la composition du groupe présente un problème, notamment pour l’action de groupe simplifiée – bien que le Conseil constitutionnel ait validé son principe.

Il faut s’assurer du sérieux de l’association, de sa reconnaissance et de son passé, afin d’éviter que des actions soient intentées dans le seul but de nuire à une entreprise affrontant une échéance importante, par exemple en matière de concurrence.

Enfin, dans la phase de médiation et de transaction, c’est l’association ou le syndicat qui incarne l’action de groupe. Comment fait-on quand il n’y a ni l’un ni l’autre ?

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Décret d’application

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Section 2
Jugement sur la responsabilité

Article 3 : Décision sur la responsabilité et définition du groupe

La Commission aborde l’amendement CL3 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement propose que le juge puisse ordonner toute mesure permettant de mettre fin à la discrimination qui justifie l’action de groupe.

M. le rapporteur. Cette proposition est satisfaite par l’article 809 du code de procédure civile.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de précision CL13, rédactionnel CL14 et de précision CL15 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CL4 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il s’agit de préciser que le juge peut ordonner toute mesure d’instruction, ce qui dépasse la simple demande de communication d’une pièce par le défendeur. 

M. le rapporteur. Cet amendement s’avère particulièrement pertinent pour les tribunaux administratifs, car il permettra d’éviter les référés d’expertise qui alourdiraient la procédure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CL5 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à inclure deux garanties prévues par la loi sur la consommation et par l’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé : l’une permet au requérant de s’appuyer sur un membre d’une profession judiciaire réglementée pour recueillir les demandes, l’autre donne au juge la possibilité de prévoir une provision à la charge du défendeur pour les frais qui ne seraient pas couverts par les dépens, tels ceux engagés pour le recours à une profession réglementée.

M. le rapporteur. Avis favorable. Il s’agit du même dispositif que ceux de la loi sur la consommation et du projet de loi relatif à la santé.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Adhésion au groupe et publicité de la décision

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Section 3
Liquidation des préjudices et exécution

Article 5 : Liquidation des préjudices

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 : Exécution de la décision

La Commission adopte l’amendement de précision CL18 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La Commission est saisie de l’amendement CL19 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement crée la procédure d’action de groupe simplifiée qui existe déjà en droit de la consommation. Ce mécanisme spécifique, qui permet à la justice de se prononcer par un jugement unique, contre deux décisions dans la procédure classique, a vocation à s’appliquer dans les cas manifestes et documentés de discrimination, comme le code « bleu, blanc, rouge » dans la célèbre affaire « BBR ».

La Commission adopte l’amendement.

TITRE II
MÉDIATION ORGANISÉE DANS LE CADRE D’UNE ACTION DE GROUPE

Article 7 : Participation à une médiation

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8 : Homologation de l’accord

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL20 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL6 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. L’homologation ne doit pas porter que sur des points formels. Cet amendement vise à préciser que le juge vérifie la conformité de l’accord aux intérêts des parties. 

M. le rapporteur. Le but de l’homologation étant d’atteindre l’objectif fixé par votre amendement, celui-ci s’avère inutile. J’en suggère le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

Article 9 : Opposabilité de l’accord

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL21 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

TITRE III
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 10 : Délai de prescription

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL22 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 10 modifié.

Article 11 : Limitation aux parties et au champ du litige de l’autorité de la chose jugée

La Commission adopte successivement les amendements de correction CL23 et de précision CL24, tous deux du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12 : Principe Non bis in idem

La Commission adopte successivement les amendements de cohérence rédactionnelle CL26 et de précision CL25, tous deux du rapporteur.

Après quoi, elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13 : Intervention à l’instance

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL27 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Interdiction de la clause d’exclusion des actions de groupe

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Article 15 : Compétence du tribunal de grande instance

La Commission est saisie de l’amendement CL28 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence visant à supprimer l’article 15.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 15 est supprimé.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CL30 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à clarifier l’objet de la proposition de loi en substituant aux mots « discrimination et de lutte contre les inégalités », les mots « lutte contre les discriminations ».

La Commission adopte l’amendement.

Ce faisant, elle adopte le titre de la proposition de loi modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 12 h 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, Mme Colette Capdevielle, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, M. Frédéric Cuvillier, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Razzy Hammadi, M. Philippe Houillon, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Olivier Marleix, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jacques Pélissard, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Jacques Bompard, M. Dominique Bussereau, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, Mme Annie Genevard, M. Yannick Moreau, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Louis Touraine