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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 23 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 63

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président, puis de Mme Cécile Untermaier, vice-présidente

– Examen, en nouvelle lecture, de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (n° 3567 et n° 3568) (Mme Élisabeth Pochon, rapporteure)

– Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (n° 1226) (M. Dominique Raimbourg, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine, en nouvelle lecture, sur le rapport de Mme Élisabeth Pochon, les propositions de loi organique et ordinaire de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (n° 3567 et n° 3568).

Mme Élisabeth Pochon, rapporteure. La semaine dernière, la commission mixte paritaire (CMP) n’est pas parvenue à trouver un accord sur les deux propositions de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, plusieurs points de divergence n’ayant pu être surmontés.

Le premier porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite « intermédiaire », qui, d’une durée d’environ vingt jours, commence lorsque la liste des candidats est établie et prend fin avec le début de la campagne officielle.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture visait à remplacer, au cours de cette période intermédiaire, la règle d’égalité des temps de parole par un principe d’équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il se bornait à reprendre les recommandations formulées depuis 2007, non seulement par les chaînes de radio et de télévision, mais aussi et surtout par l’ensemble des organismes de contrôle de l’élection présidentielle, à savoir le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Le Sénat a adopté un point de vue diamétralement opposé, en maintenant la règle actuelle de l’égalité et en réduisant la période intermédiaire d’une semaine. Le texte de la Haute Assemblée ne règle ainsi en rien la question de fond, celle du traitement médiatique des candidats, et se contente de limiter dans le temps l’ampleur du problème posé. Je vous proposerai donc, sur ce sujet, de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. J’ai déposé en outre un amendement qui apporte une garantie supplémentaire, en renforçant l’obligation faite au CSA de publier, en open data, le relevé des temps de parole et des temps d’antenne.

Le deuxième point de divergence avec le Sénat porte sur l’horaire de fermeture des bureaux de vote. Celle-ci s’échelonne aujourd’hui entre 18, 19 et 20 heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin. En première lecture, l’Assemblée nationale avait prévu de fixer cet horaire à 19 heures, tout en laissant au préfet la possibilité de le repousser à 20 heures dans certaines villes. La durée séparant les premières des dernières fermetures de bureaux de vote serait ainsi ramenée à une heure, au lieu de deux heures aujourd’hui. Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire uniforme de 19 heures sur l’ensemble du territoire. Ce choix a le mérite de la simplicité, mais risque de nuire à la participation électorale, en particulier dans les grandes villes où l’habitude a été prise de pouvoir voter jusqu’à 20 heures. Je vous proposerai donc, sur ce point aussi, de revenir au texte que notre Assemblée avait adopté en première lecture.

La question de la durée de la période couverte par les comptes de campagne fait aussi débat. En première lecture, l’Assemblée nationale a maintenu le droit en vigueur pour l’élection présidentielle, qui dispose que les recettes et les dépenses comptabilisées recouvrent celles réalisées pendant l’année précédant le scrutin. En revanche, elle a réduit cette période à six mois pour l’ensemble des autres élections, notamment les élections législatives. Le texte du Sénat diffère sensiblement, car il retient une période de six mois pour les comptes de campagne de l’élection présidentielle – tout en prévoyant que cette mesure ne s’appliquera pas au scrutin de 2017 – et conserve la durée annuelle des comptes de campagne pour les autres élections.

Sur ce sujet délicat, ma position est très simple : elle consiste à supprimer l’ensemble des dispositions en question et à s’en tenir au statu quo. Toute modification réduisant la portée de la législation sur le financement des élections est – à tort ou à raison – interprétée comme un recul des exigences de transparence et de contrôle. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions décidé, en première lecture, d’en rester à la durée d’une année pour l’élection présidentielle. Je suggère d’en faire de même pour les autres élections et de supprimer l’article 1er A de la proposition de loi ordinaire.

Enfin, sur d’autres points moins essentiels, je vous proposerai de revenir sur certaines modifications introduites au Sénat, notamment en matière de parrainages des candidats ou d’encadrement des sondages.

M. Lionel Tardy. Je regrette à nouveau la tenue de ce débat ; la réorganisation de l’élection présidentielle ne constitue pas une priorité, surtout à un an du scrutin. Il ne faut pas examiner dans l’urgence ces dispositions, même si certaines présentent un intérêt certain.

Illustration de cette précipitation, nous allons probablement modifier de manière substantielle les propositions transmises par le Sénat, alors que la séance publique est prévue dès demain matin. J’espère toutefois que nous parviendrons à élaborer un meilleur texte, mais l’organisation des débats ne nous protège pas de commettre une bourde – il y en a déjà eu – que l’on ne pourra rectifier d’ici l’élection présidentielle de 2017.

M. Philippe Gosselin. Cette proposition de loi nous embarrasse, et l’échec de la CMP montre l’opposition entre les vues de l’Assemblée nationale et celles du Sénat. Or il est nécessaire, sur un sujet aussi important que le déroulement de l’élection présidentielle, qu’une large majorité des parlementaires s’accorde, d’autant plus que nous nous situons à moins d’un an de l’élection présidentielle – le scrutin n’a certes lieu qu’au mois de mai, mais le processus s’engage dans les mois qui précèdent. Nous avons toujours eu à cœur de ne pas donner le sentiment de manipuler les règles électorales à notre profit.

Il est vrai que des questions se posent, comme celle du temps de parole, dont la répartition ne s’avère pas très satisfaisante, comme l’ont rappelé la rapporteure, et avant elle le CSA, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale et le Conseil constitutionnel. Modifier aujourd’hui ce dispositif revient néanmoins à jouer avec le feu.

De même, il semble hasardeux de changer la durée des périodes de comptabilisation des dépenses électorales, et il serait sage de maintenir le statu quo et la durée d’un an.

S’agissant des heures de fermeture des bureaux de vote, les sensibilités n’opposent pas les groupes politiques, mais plutôt les élus des champs et ceux des villes. La fermeture à 18 heures a fait ses preuves dans les départements ruraux, et le passage à 19 heures pourrait perturber certains électeurs. Sur ce point également, il est urgent de ne rien modifier à un an de l’élection présidentielle. On aurait dû traiter ce sujet plus tôt dans la législature, et ce texte s’apparente à du bricolage.

M. Jacques Bompard. Définir notre régime politique est une tâche complexe. Le peuple se sent complètement dépossédé de ses droits ; en outre, les partis et les médias, c’est-à-dire les deux principaux animateurs de notre vie politique, subissent un rejet profond. Enfin, plus de la moitié de nos compatriotes refusent de participer à des élections qu’ils estiment être des mascarades.

Le rapport de la CMP est animé d’une bonne volonté technicienne, mais il omet l’état des lieux si important dressé par l’ensemble des Français : ces élections sont faussées ! En effet, la mauvaise représentation médiatique, la surreprésentation des élus parisiens, le règne de l’arbitraire et du copinage, le développement d’un système liant les sondeurs, les médias et les grands propriétaires financiers, ont miné la possibilité d’organiser des scrutins sincères. Les nombreuses révélations sur des intrusions dans la sphère publique d’intérêts divergents du bien commun couronnent ce rejet. Face à cette situation, la seule réponse de l’État consiste à introduire des règles de conduite, au lieu d’assurer un service volontariste du bien commun.

Le traitement médiatique constitue un problème évident, puisque les candidats ne sont élus que par une minorité clinique et sont rejetés par le peuple. Celui-ci n’est pas intéressé par la désignation de celui – M. Hollande ou un autre – qui continuera de s’arroger le suivi médiatique. Il n’y a qu’à voir le CSA, dont l’impartialité laisse dubitatif.

Il conviendrait de remplacer ce texte par des dispositions plus ambitieuses, plus cohérentes et moins déconnectées de la désaffection des Français, cette dernière restant la même à 18, 19 ou 20 heures.

Mme Cécile Untermaier. Je tiens à souligner le travail exemplaire mené par la rapporteure, qui a repris le texte proposé par Jean-Jacques Urvoas, alors président de notre Commission. Nous sommes en effet dans la précipitation, mais quel texte n’est pas examiné dans ces conditions ? Celui-ci intègre des recommandations de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, du CSA, de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel Jospin et du Conseil constitutionnel lui-même. Il tend à moderniser et à adapter l’organisation de l’élection présidentielle, et l’on aurait pu nous reprocher de ne pas avoir pris en compte ces avis au cours de la législature.

Il nous est proposé de revenir au texte adopté en première lecture, y compris sur la mesure concernant la période de comptabilisation des dépenses de campagne. Nous examinerons néanmoins avec attention la suggestion du Sénat, adoptée à l’unanimité, relative aux comptes de campagne.

M. Guy Geoffroy. Notre collègue Philippe Gosselin nous a fait part de son embarras, terme élégant que l’on pourrait remplacer par celui de malaise. Il n’y a pas lieu de mépriser l’ensemble des dispositions du texte, mais nous rejetons la méthode de la procédure accélérée et le calendrier. À moins d’un an de l’élection présidentielle, ces textes nourriront l’antiparlementarisme car l’on dira que « les politiques » – expression dépourvue de la moindre signification – font leur tambouille sur leur petit coin de fourneau. Je le regrette d’autant plus que ces propositions de loi contiennent, comme l’a dit Mme Untermaier, des réflexions et des mesures tenant compte de remarques objectivement formulées par diverses instances, notamment la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale. Ainsi, il semble opportun de ramener à six mois la durée de calcul des dépenses de campagne engagées par ceux qui, la plupart du temps, ignorent un an avant le scrutin s’ils y participeront et ne mènent campagne que dans les derniers six mois.

Je regrette que l’on agisse, comme trop souvent au cours de cette législature, sous le coup de la précipitation et dans un calendrier qui incitera les citoyens à l’abstention, au vote extrême et à l’antiparlementarisme, nuisant ainsi à notre démocratie au lieu de la servir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout cela est-il bien raisonnable ? Modifier les règles relatives à l’élection présidentielle – le scrutin principal de notre pays dont découlent l’essentiel des pouvoirs nationaux – exige un minimum de consensus. Les règles de la compétition doivent en garantir le caractère équitable. Nous aurions dû examiner ce texte bien avant, afin de tenter de parvenir à des positions communes, cette tâche n’incombant pas aux instances de contrôle.

La navette parlementaire souligne les difficultés posées par ces textes, puisque la version adoptée par le Sénat diverge fortement de celle votée par l’Assemblée nationale. Nous devrions refuser ces textes inutiles et sur lesquels aucun consensus ne se dégage.

La seule disposition logique consiste à fixer à 19 heures le moment de clôture des bureaux de vote dans l’ensemble du pays. Cette mesure suscite un débat, mais elle apparaît comme la moins déraisonnable du texte.

Sur le temps de parole des candidats, la majorité de l’Assemblée nationale souhaite passer en force. Limiter à vingt jours la période d’égalité revient à imposer un nouveau filtre à des candidats qui, je le rappelle, ont dû déjà rassembler 500 parrainages validés par le Conseil constitutionnel. Le remplacement de l’égalité par l’équité du temps de parole pendant la plus grande partie de la campagne représente un obstacle supplémentaire, alors que le parrainage d’élus devrait rester l’unique procédure de tri. En effet, si elle n’a pas empêché la candidature de quelques hurluberlus – mais cette considération renvoie à la responsabilité des élus –, cette règle n’a pas davantage entravé la révélation de forces politiques. Mme Arlette Laguiller et M. Olivier Besancenot, très éloignés de ma famille politique mais ayant totalisé ensemble 10 % des voix à l’élection présidentielle de 2002, ont élargi l’éventail du choix proposé aux citoyens grâce à l’égalité du temps de parole. Cette disposition est la plus grave du texte car elle donne l’impression, justifiée, de verrouillage de l’élection présidentielle.

Il y a deux façons d’envisager le décompte du temps de parole. Si l’on décide de supprimer la nécessité d’obtenir des parrainages pour se présenter à l’élection présidentielle, alors le temps de parole doit être encadré pour éviter – comme cela arrive aux élections européennes – les candidatures parfaitement fantaisistes. Je me souviens d’adeptes du vol yogique pour résoudre le problème du chômage… Mais si l’on confie aux élus locaux la responsabilité de présenter les candidats, alors il ne peut pas y avoir un second verrou en matière de temps de parole.

Quant à l’envoi des parrainages par les élus eux-mêmes, cette disposition est au mieux inutile, et peut-être dangereuse. Je ne crois pas un instant qu’un élu local puisse faire l’objet de pressions pour l’obliger à parrainer un candidat. L’envoi des formulaires par les élus rendra simplement plus difficile pour un candidat de savoir où il en est. Nous avions débattu de certaines mesures qui permettraient une information régulière sur le nombre de parrainages effectivement déposés et validés, mais je ne suis pas sûr que ce soit aussi facile, ni aussi rassurant, pour celui ou celle qui cherche à collecter des parrainages.

S’il y a pression sur les élus, elle ne viendra sans doute pas de candidats ou de leurs émissaires, d’ailleurs, mais plus probablement d’exécutifs locaux qui pourraient laisser entendre – disons-le comme cela – que tel ou tel n’est pas souhaitable ou que tel autre est indispensable pour conserver les bonnes grâces du conseil départemental ou régional. Si pressions il y a, c’est de là qu’elles viendront, et l’envoi direct des parrainages au Conseil constitutionnel n’en préservera personne.

Enfin, s’agissant des comptes de campagne, revenir à un an pour les élections législatives ne me semble ni raisonnable, ni simplement applicable en réalité : il est bien difficile pour chacune et chacun d’entre nous de répertorier, dans l’année qui vient, chaque dépense comme relevant de la campagne ou relevant de notre mandat. Certains d’entre nous – c’est mon cas – ne savent même pas s’ils seront candidats ! Un délai plus court de six mois, au moins pour l’élection législative, me paraîtrait nécessaire.

S’agissant de l’élection présidentielle, un délai d’un an pour les comptes de campagne ne me paraît en revanche pas choquant : il est rare de s’y improviser candidat, et j’observe plutôt que nombreux sont ceux qui y ont réfléchi et s’y préparent déjà…

Le vrai problème, sur lequel nous ne légiférons pas alors que c’est celui, entre tous, qui appelle un consensus, ce sont les comptes de campagne du Président de la République en exercice lorsqu’il se représente. Il y a là une urgence, car c’est une difficulté réelle. Un Président de la République n’est pas un homme comme un autre, et ses déplacements – même effectués comme candidat – n’ont pas les mêmes coûts que ceux des autres candidats. Le Conseil constitutionnel tente de construire une jurisprudence sur ce sujet, mais je considère que c’est à nous qu’il revient de fixer des règles et des critères.

Je ne vise nullement le Président de la République actuel. J’appelle votre attention sur la situation dans laquelle nous nous serions trouvés si Nicolas Sarkozy avait été réélu et que ses comptes de campagne avaient été rejetés – car, au départ, ceux-ci ont été invalidés en raison de la réintégration de frais dont on pouvait se demander s’ils relevaient de la campagne en cours ou de son mandat. Élu, aurait-il alors dû être destitué ? Voilà qui aurait été bien difficile à assumer devant les Français. C’est sans doute ce raisonnement qui avait d’ailleurs conduit le Conseil constitutionnel, en 2002, à valider des comptes de campagne dont on dit depuis longtemps qu’ils n’étaient peut-être pas très sécurisés juridiquement, ne serait-ce que parce que la jurisprudence se construit au fur et à mesure.

Vous laissez là un vide dangereux. Si un jour le Conseil constitutionnel devait invalider, sur ce fondement de la différence à établir entre les dépenses liées à la fonction et celles liées à la candidature, que se passerait-il ? Imagine-t-on un Président de la République élu avec plus de 80 % des voix mais invalidé par le Conseil constitutionnel ? Vous dites faire du droit, mais c’est un sujet que ces propositions de loi laissent complètement de côté !

M. Paul Molac. Dénoncer la précipitation est un exercice de style qui a ses limites, puisqu’elle est ici toute relative : c’est la deuxième fois que nous examinons ce texte, dont le Sénat a également débattu. Chacun est donc, je crois, éclairé. De plus, ces propositions de loi proposent un toilettage, rien de plus. Là encore, relativisons.

Je demeure pour ma part attaché à l’égalité du temps de parole plutôt qu’à l’équité – comme tous les représentants de partis un peu moins nombreux que d’autres.

On regrette que les gens n’exercent plus leur droit de vote. C’est aussi leur responsabilité et leur choix. Mais ils ne veulent pas non plus, je le souligne ici, voter pour un parti où l’on est dirigeant de père en fille et en petite-fille, et qui se propose de nous ramener à l’Ancien Régime.

Le problème que nous rencontrons est plus complexe : comment comprendre une actualité pléthorique et souvent anxiogène ? Comment éviter les manipulations, sinon par l’éducation du peuple ?

M. Éric Ciotti. Je voudrais revenir sur cette question de l’équité et de l’égalité. Contrairement à M. Lagarde et à M. Molac, je crois qu’il faut aller vers plus d’équité.

La règle de l’égalité est interprétée de façon très large par le Constitutionnel, ce qui a conduit, lors de la dernière campagne électorale, à des absurdités.

J’avais ainsi été amené à saisir le CSA lorsque, dans mon département, France 3 n’avait pas pu couvrir le meeting du Président de la République sortant, candidat à sa réélection. Ce département lui a donné son meilleur score de France, cela n’a donc pas eu de conséquences…

M. Carlos Da Silva et M. Sébastien Pietrasanta. Ou peut-être que si ! (Sourires.)

M. Éric Ciotti. Certains candidats ont recueilli 0,5 % des voix et ont été couverts, et – dans les dernières semaines de la campagne – l’un des principaux candidats n’a pas pu l’être, alors que son concurrent direct l’a été. Il convient de mettre fin à ces aberrations. Le principe de stricte égalité demeure en vigueur pour la période de campagne officielle ; n’allons pas au-delà. L’élargissement mis en œuvre lors de la dernière élection présidentielle a posé plus de problèmes qu’il n’a apporté de solutions. Les Français attendent un débat, les candidats ont le temps de s’imposer pendant la campagne ; mais certains candidats, il faut le reconnaître, ont une place plus importante que d’autres, puisqu’ils figureront peut-être au second tour. C’est la logique politique, et l’application du principe d’équité tel qu’il est proposé par ce texte me paraît donc opportune.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je regrette, contrairement à l’orateur précédent, le remplacement de l’égalité par l’équité. L’exposé des motifs de la proposition de loi justifiait cette mesure par la nécessité de s’adapter aux impératifs médiatiques. Mais le législateur doit-il s’adapter aux codes de l’État-spectacle ? Je souhaiterais au contraire, pour ma part, un débat non seulement équitable, mais égalitaire.

En temps ordinaire, les grands médias, attentifs à l’audimat, invitent dans les journaux télévisés ou les grandes émissions politiques les leaders les plus confirmés des partis les plus nombreux. Cette règle médiatique ne disparaît qu’un mois tous les cinq ans, lors de la campagne présidentielle. Dans un souci de démocratie, il me paraîtrait donc justifié de maintenir la règle de l’égalité pendant la période dite « intermédiaire », comme pendant celle de la campagne officielle.

Je vois très bien ce que gagnent les grands partis à voir appliquer la règle de l’équité ; je vois bien ce qu’y perdent les partis moins nombreux, mais aussi les courants émergents, qui présentent des candidatures nouvelles. Sans l’égalité du temps de parole, aurions-nous vu émerger Christiane Taubira ou Olivier Besancenot ? Auraient-ils pu faire aussi bien entendre leurs idées ? Le débat présidentiel doit être l’occasion de présenter des idées, des programmes, qui ne sont pas nécessairement ceux des formations les plus établies : ne fermons pas la porte aux idées neuves.

Tous les candidats ont reçu 500 parrainages. On ne peut pas créer une condition supplémentaire, qui consacrerait une discrimination entre deux catégories de candidats : ceux qui sont vus favorablement par les médias, car ils assurent de fortes audiences ; ceux qui représentent de plus petits partis, ou des formations émergentes.

Je rappelle enfin à nos amis gaullistes la doctrine qui fait de l’élection présidentielle la rencontre d’une personne et du peuple. Si quelqu’un voulait se présenter – comme ce fut le cas naguère – hors des partis politiques, la nouvelle règle, qui s’appuie notamment sur la représentativité en fonction des résultats acquis lors des élections présidentes, l’empêcherait de se faire entendre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, c’est une rupture avec le gaullisme !

Mme la rapporteure. Mes chers collègues, je veux vous rassurer : le calendrier est en effet resserré, mais c’est justement pour permettre que ces lois entrent rapidement en vigueur. Nous ne touchons pas à l’essentiel, notamment aux conditions du scrutin ou du vote.

Lors d’une précédente législature, en 2006, M. Hortefeux avait déclaré qu’il était « désormais quasiment devenu coutume de saisir [le Parlement], avant chaque élection présidentielle, d’un projet de loi organique relatif à l’organisation de ce scrutin ». M. Pierre Morel-à-l’Huissier, ici présent, avait également déclaré que ce projet de loi organique s’inscrivait « dans la logique d’actualisation du régime électoral du Président de la République qui précède, désormais de manière classique, chaque élection ».

Nous nous inscrivons donc dans une tradition républicaine de toilettage.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

Proposition de loi organique

Article 1er (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Actualisation de la liste des élus habilités à présenter un candidat à l’élection présidentielle

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL10 de la rapporteure.

Puis elle se saisit de l’amendement CL11 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement retire aux vice-présidents des conseils consulaires le droit de présenter des candidats. En effet, à la différence des collectivités territoriales, les conseils consulaires n’ont d’attributions que consultatives. Le fait que le mandat de vice-président de conseil consulaire soit incompatible avec un mandat parlementaire ne suffit pas à justifier l’octroi de la qualité de parrain – sinon, il faudrait aussi la donner aux adjoints aux maires, aux vice-présidents d’EPCI…

En revanche, je veux rassurer nos collègues radicaux : le cas des communes nouvelles a bien été prévu ; les maires délégués peuvent être parrains.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL12 de la rapporteure et l’amendement de conséquence CL13 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Transmission au Conseil constitutionnel des présentations des candidats à l’élection présidentielle

La Commission examine l’amendement CL1 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement tend à permettre au parrain de remettre le formulaire au candidat de leur choix, à charge pour celui-ci de le transmettre au Conseil constitutionnel. Nous avons déjà eu ce débat, et nous y reviendrons dans l’hémicycle.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Nous avons en effet déjà rejeté cet amendement en première lecture. Cet article reprend une recommandation faite en 2012 par le Conseil constitutionnel.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CL3 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. En première lecture, nous avons rendu possible la transmission des formulaires de parrainage par voie électronique ; en revanche, il est toujours prévu que ces formulaires seront imprimés par les soins de l’administration, conformément au modèle arrêté par le Conseil constitutionnel. C’est là, à mes yeux, une contradiction.

L’idéal serait une interface sécurisée, mise à la disposition des élus. À tout le moins, il faudrait, comme le propose cet amendement, que les formulaires soient disponibles en ligne. Ce serait de surcroît source d’économies.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Nous souhaitons tous une telle simplification, mais lorsque la transmission électronique des parrainages sera effective – en 2022 sans doute, et non en 2017 –, les formulaires électroniques existeront évidemment, sans qu’il soit besoin de le spécifier ici.

Les modalités de transmission par voie électronique seront précisées par le pouvoir réglementaire.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite les amendements CL4 et CL5 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’amendement CL4 vise à supprimer la phrase de l’alinéa 2 qui dispose que « les modalités de transmission par voie électronique sont fixées par décret en Conseil d’État ». En première lecture, le rapporteur d’alors, Jean-Jacques Urvoas, avait répondu à nos amendements qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire ici un tel décret, celui-ci étant déjà prévu par la loi du 6 novembre 1962. Je m’étonne donc que le Gouvernement ait jugé utile, par amendement à l’Assemblée nationale, d’inscrire cette phrase dans la loi.

L’amendement CL5 est un amendement de repli.

Mme la rapporteure. En effet, la loi de 1962 comporte déjà le renvoi à un décret. Mais, s’agissant d’une procédure tout à fait nouvelle, il est apparu préférable de mentionner explicitement qu’elle sera précisée par décret, et ce d’autant plus que c’est également un décret qui fixera la date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL14 et l’amendement de conséquence CL15 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CL6 de M. Lionel Tardy et CL7 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Le renvoi de la transmission des formulaires par voie électronique à l’élection présidentielle de 2022 est à la fois surprenant et révélateur. Surprenant, car une des seules dispositions constituant réellement une modernisation ne sera pas mise en œuvre en 2017 – ce qui est regrettable ; révélateur, car nous examinons en procédure accélérée cette proposition de loi pour modifier les règles de l’élection présidentielle à la hâte, et tout n’est donc pas prêt pour appliquer certaines dispositions. Cette impréparation est regrettable, car une telle mesure aurait dû être mise en place dès l’année prochaine.

M. Paul Molac. Je regrette également que les parrainages ne puissent être envoyés par voie électronique, car ce serait une simplification pour tout le monde.

Mme la rapporteure. M. Tardy déplore que la transmission électronique des parrainages ne puisse s’appliquer dès l’élection présidentielle de 2017. Je partage d’autant plus son regret que c’est moi qui avais déposé, au nom du groupe socialiste, l’amendement permettant cette transmission électronique. Mais il est apparu techniquement difficile de réaliser cette réforme dans de bonnes conditions d’ici à la prochaine élection présidentielle. C’est pourquoi, en séance, le Gouvernement avait déposé un amendement reportant son entrée en vigueur aux élections postérieures à 2017. On peut certes le regretter, mais il est plus important de disposer d’un système fiable et sécurisé. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL24 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Publicité de la liste des auteurs de présentation de candidats à l’élection présidentielle

La Commission examine l’amendement CL16 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, en ce qu’il prévoit la publicité « au fil de l’eau » de l’identité des auteurs de parrainage, c’est-à-dire qu’il rétablit la publication de l’identité des parrains pendant la période de recueil des cinq cents signatures, le Sénat ayant limité cette publication au seul nombre de signatures par candidat. Ce serait un recul de la transparence, et c’est surtout insuffisamment protecteur des pressions à l’encontre des maires : une fois le parrainage envoyé et rendu public, il ne sera plus possible, en effet, de solliciter d’un maire ni son parrainage ni le retrait de celui-ci.

M. Guy Geoffroy. Je souhaiterais qu’il soit bien indiqué que, dans le cadre de la procédure accélérée, contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas de « première » lecture mais une seule lecture, et que nous procédons en ce moment à une nouvelle lecture, suite à l’échec de la commission mixte paritaire. Il ne faudrait pas que nos concitoyens aient le sentiment que nous légiférons de manière ordinaire, alors que nous légiférons une fois de plus de manière extraordinaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CL18 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de tenir compte de la possibilité, outre-mer et à l’étranger, de déposer directement les parrainages auprès du représentant de l’État.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de conséquence CL17 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

Chapitre II

Accès aux médias audiovisuels des candidats à l’élection présidentielle

Article 4 A (nouveau) (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Réduction de la durée de la période intermédiaire

La Commission est saisie de l’amendement CL19 de la rapporteure

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’article 4 A, introduit par le Sénat pour réduire la durée de la période intermédiaire de façon à diminuer le temps où s’applique la règle d’égalité du temps de parole.

Nous avons, depuis 2006, fixé à trois semaines la durée de cette période intermédiaire, sur recommandation du Conseil constitutionnel qui estimait que c’était là le temps nécessaire au contrôle des parrainages. En première lecture, nous avions introduit, pour régir cette période, la notion d’équité du temps de parole, et proposé des garanties de programmations audiovisuelles comparables entre les candidats. Nous y ajoutons aujourd’hui la publication hebdomadaire, en open data, des temps de parole, afin d’empêcher toute discrimination.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit d’une entreprise, non plus de nettoyage ou de toilettage, mais de verrouillage.

Pendant quatre ans et onze mois, les médias, notamment audiovisuels, favorisent, pour des raisons purement commerciales, les candidats ou les partis politiques les plus connus et les plus à même de leur attirer de l’audience.

Dans ces conditions, conserver une période légèrement plus longue que celle de la période officielle et durant laquelle tous les candidats ayant recueilli leurs cinq cents parrainages aient accès aux médias me paraît raisonnable.

Ce n’est pas parce que les organes de contrôle estiment que le calendrier que vous proposez leur convient mieux que nous devons nous y plier, et ce d’autant moins que le contrôle de l’équité entre les candidats sera plus difficile et plus subjectif encore. En effet, l’égalité se mesure aisément, mais en fonction de quoi évaluer l’équité : en fonction du poids des formations politiques ? En vertu de quelle règle un candidat devrait-il appartenir à une formation politique ? En fonction des enquêtes d’opinion ? Mais que ferons-nous si les enquêtes d’opinion se retournent ?

En réalité, votre amendement est inspiré par l’idée que les partis politiques qui se partagent habituellement le pouvoir auront d’ores et déjà présélectionné leurs deux candidats, et qu’il faut préserver et accroître le temps d’antenne des seuls candidats dont on espère et organise la présence au second tour. C’est une idée délétère pour la démocratie, et je considère que, dans les cinq à six semaines précédant l’élection, les candidats que vous estimez peu intéressants ou ayant peu de chance d’accéder au second tour ont droit malgré tout à l’égalité du temps de parole.

Le temps de parole est une chose, l’heure de diffusion en est une autre, et l’équité n’existe pas : elle se réduirait en l’espèce à un jugement subjectif des autorités concernées.

M. Alain Tourret. Je suis assez sensible aux propos de Jean-Christophe Lagarde, qui font écho à ce que nous a fort bien expliqué tout à l’heure l’auteur de L’État-spectacle.

J’attire par ailleurs votre attention sur les évolutions récentes qu’a connues notre système politique : après la « bande des quatre », et l’« UMPS », nous avons eu le « tripartisme » Républicains-PS-FN, qui semble aujourd’hui évoluer vers un « bipartisme » Républicains-FN. Dans cette configuration, le parti socialiste se réduit progressivement à la dimension d’un petit parti…

M. Philippe Gosselin. C’est un connaisseur qui parle !

M. Alain Tourret. Soyez donc attentifs à ne pas prendre des décisions qui risqueraient de vous coûter cher… et de vous « radicaliser ». (Sourires.)

Mme la rapporteure. Aussi bien après 2007 qu’après 2012, la période intermédiaire a fait l’objet de débats. Les chaînes de radio et de télévision, le Conseil constitutionnel, la commission Jospin et le CSA ont toujours considéré qu’il était compliqué d’assurer conjointement l’équité des temps de parole et l’équité des temps d’antenne.

La Commission nationale de contrôle a souligné que le temps d’antenne global consacré à la campagne électorale sur les chaînes de télévision a diminué en 2012 par rapport à 2007. Elle a notamment relevé que « l’entrée dans la période intermédiaire a marqué une baisse d’intensité de la campagne dans les médias audiovisuels avec, corrélativement, un surcroît d’intérêt accordé à des réunions publiques abondamment relayées par les chaînes d’information en continu ».

Par ailleurs, le Sénat s’est borné, dans l’article 4 A, à réduire d’une semaine la période intermédiaire. Argumenter sur une semaine de plus ou de moins relève selon moi d’une forme de marchandage. Nous proposons pour notre part de renforcer les garanties d’équité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le verrouillage d’une situation ne se marchande pas ! Nous considérons simplement que le texte du Sénat verrouille moins la situation que le vôtre.

Par ailleurs, le raisonnement de l’organe de contrôle, qui suggère de réduire la période intermédiaire au motif que les chaînes de télévision et de radio, qui n’ont pas envie de diffuser la parole de candidats qu’elles jugent inintéressants d’un point de vue commercial, réduisent dans la période d’égalité le temps de parole donné à la campagne présidentielle, est absurde. C’est au législateur, non au contrôleur, qu’il revient de fixer les normes régulant le temps d’antenne consacré à ce moment essentiel de notre vie démocratique. Nous n’avons pas à nous adapter aux impératifs commerciaux des diffuseurs, même s’ils sont relayés par ceux qui sont supposés les contrôler.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement qui nous est présenté supprime l’article 4 A instauré par le Sénat, au motif que cet article réduit de plusieurs jours la durée de la période intermédiaire, réduction critiquée par Jean-Christophe Lagarde.

Or l’article 4 A comporte deux alinéas, le premier qui élargit la période entre la publication des parrainages et le premier tour de l’élection, le second qui réduit le temps de contrôle de ces parrainages. Je souhaiterais obtenir des clarifications sur l’articulation entre ces deux dispositions.

Mme la rapporteure. L’article introduit par le Sénat réduit de trois à deux semaines la période intermédiaire au cours de laquelle la règle de l’égalité du temps de parole prévaut aujourd’hui.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le dispositif proposé par le Sénat comporte une semaine d’égalité de temps de parole supplémentaire par rapport à ce que propose la rapporteure. C’est ce dernier choix politique que nous contestons.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 A est supprimé.

Article 4 (supprimé) (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Principe d’équité de traitement médiatique avant la campagne officielle

La Commission adopte l’article CL20 de la rapporteure, et l’article 4 est ainsi rétabli.

Chapitre IV

Période d’application de la législation sur les comptes de campagne

Article 6 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Durée de la période couverte par les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle

La Commission examine l’amendement de suppression CL21 de la rapporteure.

Madame la rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article 6 tel qu’adopté par le Sénat, qui réduit à six mois la période couverte par les comptes de campagne, pour les élections présidentielles postérieures à 2017.

Nous avions beaucoup débattu de cette question en première lecture et avions conclu, en séance, au maintien du statu quo, c’est-à-dire à des comptes de campagne couvrant l’année qui précède l’élection présidentielle. Je suggère de faire de même en nouvelle lecture et, en conséquence, de supprimer l’article 6.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL2 de M. Philippe Gosselin tombe et l’article 6 est supprimé.

Article 6 ter (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Publicité des concours financiers des partis politiques soutenant un candidat à l’élection présidentielle

La Commission adopte l’article 6 ter sans modification.

Chapitre V

Horaires des opérations de vote

Article 7 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Horaires de fermeture des bureaux de vote lors de l’élection présidentielle

La Commission examine les amendements identiques CL8 de M. Sergio Coronado et CL9 de Mme Cécile Untermaier.

M. Paul Molac. Notre amendement vise à rétablir la possibilité de fermer les bureaux de vote à 20 heures dans les zones où cela paraît nécessaire. Du fait des délais de comptabilisation, un intervalle d’une heure ne permettra pas de fuite des premières estimations des résultats avant 20 heures.

Mme Cécile Untermaier. Nous souhaitons également revenir à la rédaction adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte ces amendements.

Elle adopte ensuite l’article 7 modifié.

Chapitre VI

Dispositions électorales applicables à l’étranger

Article 8 A (nouveau) (art. 2, 6 et 20 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Actualisation des dispositions applicables à l’élaboration des listes électorales consulaires et aux opérations de vote à l’étranger

La Commission examine l’amendement CL22 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à supprimer l’article 8 A introduit par le Sénat, et qui actualise certaines dispositions relatives aux Français de l’étranger.

Il est préférable de renvoyer ce travail d’actualisation à la prochaine réforme d’ensemble de la gestion des listes électorales, en particulier à la proposition de loi organique « rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France », que j’ai cosignée avec M. Warsmann, et dans laquelle ces éléments sont intégrés.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 A est supprimé.

Article 8 (art. 9 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Inscription des Français de l’étranger sur les listes électorales

La Commission examine l’amendement CL23 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, le Sénat ayant exagérément restreint le dispositif que nous avions adopté. Il a en effet limité la radiation automatique des listes électorales consulaires des personnes radiées du registre des Français établis hors de France au seul cas où la radiation du registre a été demandée par l’intéressé. Or les problèmes d’accès au vote rencontrés lors des élections présidentielles de 2007 et 2012 concernaient, précisément, des personnes radiées du registre des Français de l’étranger par l’administration consulaire car elles étaient rentrées en France, parfois depuis longtemps, mais qui étaient pourtant toujours inscrites sur les listes électorales consulaires. Cela leur interdisait normalement de voter en France, même quand elles étaient également inscrites sur les listes d’une commune française. Afin de limiter la réapparition de ces difficultés en 2017, il est donc nécessaire de rétablir le texte voté par l’Assemblée en première lecture.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi organique modifiée.

La Commission en vient à l’examen de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.

Proposition de loi

Article 1er AA (nouveau) (art. L. 52-2 du code électoral) : Clarification de l’interdiction de divulguer des résultats de l’élection avant son terme

La Commission adopte l’article 1er AA sans modification.

Article 1er A (supprimé) (art. L. 52-4 du code électoral) : Réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne à l’ensemble des élections

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL9 de Mme Cécile Untermaier ainsi que les amendements identiques CL1 de M. Jean-Christophe Lagarde, CL2 de M. Philippe Gosselin, CL4 de Mme Marie-Jo Zimmermann et CL5 de M. Lionel Tardy.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de revenir au texte adopté en première lecture, limitant à six mois la période de prise en compte des dépenses électorales pour toutes les élections hormis les élections présidentielles.

M. Lionel Tardy. Faut-il réduire la prise en compte des dépenses électorales à six mois ? Pour les élections autres que l’élection présidentielle, je n’ai jamais vu une campagne commencer plus de six mois avant l’élection. Il s’agit donc d’adapter le droit à la pratique, et c’est le sens de mon amendement.

En ce qui concerne l’élection présidentielle, vous semblez vouloir maintenir cette durée à un an. Je n’ai pas de position arrêtée sur la question, mais il faut la trancher dès à présent car des primaires ouvertes sont annoncées, et le Conseil d’État y a invité le législateur. Dans le texte initial de la proposition de loi, la réduction à six mois de la durée de prise en compte des dépenses laissait à penser que les primaires ouvertes seraient exclues du plafond des dépenses dès lors qu’elles ont lieu avant ces six mois. Aujourd’hui, la rapporteure souhaite revenir à un an, ce qui signifierait que les primaires seraient partiellement incluses dans les comptes, mais ce n’est pas précisé. On ne sait pas si une réflexion a été conduite, et je crains que ce ne soit pas le cas, du fait de l’urgence.

Enfin, s’agissant de l’argument du Sénat selon lequel des mesures concernant d’autres élections auraient un caractère « cavalier », le texte initial comportait déjà certaines dispositions de coordination relatives aux élections européennes.

M. Jean-Christophe Lagarde. Aucune campagne législative ne commence activement plus de six mois avant l’élection, même si j’ai l’audace de penser qu’un certain nombre de nos collègues sont en campagne pendant les cinq années de leur mandat. Un délai de six mois est raisonnable ; c’est vrai pour toutes les élections.

Mme la rapporteure. Même si l’Assemblée nationale a adopté cette mesure en première lecture, il faut reconnaître qu’elle est hors du champ des deux propositions de loi, qui ne portent que sur l’élection présidentielle.

L’amendement de Mme Untermaier tendant à maintenir dans la loi ordinaire la période d’une année pour l’élection présidentielle alors que cela relève de la loi organique, est probablement inconstitutionnel. J’en demande donc le retrait.

S’agissant des autres amendements, dans la mesure où nous avons précédemment supprimé l’article 6, leur adoption aurait pour effet de réduire à six mois la durée de prise en compte des dépenses pour l’ensemble des élections, y compris l’élection présidentielle. En effet, la loi de 1962 qui organise cette dernière renvoie à l’article L. 52-4 du code électoral, que les amendements tendent à modifier. Je ne puis qu’y être défavorable.

Mme Cécile Untermaier. Les propos de Mme la rapporteure sont tout à fait justes : la seconde partie de l’amendement n’a pas sa place dans cette loi ordinaire. Est-il possible de le modifier ?

Mme la rapporteure. Il faudrait en outre modifier la loi organique.

L’amendement CL9 est retiré.

M. Jean-Christophe Lagarde. La loi ordinaire ne concerne que les élections autres que l’élection présidentielle, et nos amendements pourraient donc parfaitement être retenus.

M. Philippe Gosselin. Le groupe majoritaire, ou quasi-majoritaire, n’a pas de position claire sur ce sujet essentiel que sont les comptes de campagne. Nous aurions intérêt à rétablir l’article voté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui prévoyait la réduction de la durée de prise en compte des dépenses à six mois pour toutes les élections, comme le préconisent de très nombreux rapports ainsi que le Conseil constitutionnel… Cela aurait au moins l’avantage de la clarté, et nous suggérions d’ailleurs, dans la proposition de loi organique, pour ne pas perturber la prochaine élection présidentielle, une application à partir de 2022. Las, l’article 6 de ladite proposition ayant été supprimé, notre amendement est tombé. Il faudra revoir tout cela demain en séance. Cela démontre une fois de plus la précipitation brouillonne de la majorité.

Mme Marie-Jo Zimmermann. En première lecture, nous avons voté à l’unanimité la réduction à six mois de la durée de prise en compte des dépenses de campagne pour toutes les élections. Pourquoi avoir supprimé en nouvelle lecture l’article 6 de la proposition de loi organique ? Ce bricolage et cette improvisation me choquent beaucoup. La décision que nous avions prise en première lecture me paraissait tout à fait logique : les élections législatives suivant immédiatement l’élection présidentielle, pourquoi prévoir six mois pour les unes et un an pour les autres ?

Mme la rapporteure. C’est le Sénat qui a supprimé cette disposition. Ma position est d’en rester à un texte portant sur la seule élection présidentielle.

Mme Cécile Untermaier. Je crois que nous sommes d’accord sur le fond, à savoir sur le maintien d’une durée d’un an pour l’élection présidentielle et de six mois pour toutes les autres élections. Je ne vois donc pas d’inconvénient à adopter les amendements de nos collègues, mais sous réserve que leur rédaction ne pose aucun problème constitutionnel. Il faudra simplement préciser dans la loi organique que le délai pour l’élection présidentielle est d’un an, et dans le présent texte que le délai pour les autres élections est de six mois. Le plus sage me semble que les amendements soient retirés afin d’être redéposés d’ici demain au titre de l’article 88.

M. Sébastien Denaja. Le terme de « bricolage » est exagéré. Nous connaissons les aléas des débats parlementaires. Le groupe socialiste souhaite six mois pour l’ensemble des élections, mais un an pour l’élection présidentielle. Si les arguments de nos collègues satisfont à cet objectif en ne concernant que les élections autres que l’élection présidentielle, ils ne me posent pas de problème. La question est technique et non politique. En tout état de cause, il y aura saisine du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi organique.

M. Hugues Fourage. Parler de « bricolage » ne nous honore pas. Nous sommes d’accord sur un délai d’un an pour l’élection présidentielle et de six mois pour les autres. Nous pourrions adopter les amendements à titre conservatoire, quitte à ce qu’une meilleure formule s’y substitue si elle était trouvée d’ici la séance de demain.

M. Guy Geoffroy. Le propos synthétique de M. Fourage est de bon sens : adoptons l’amendement présenté par M. Lagarde et les amendements identiques. L’Assemblée pourra, en séance plénière, décider d’y revenir le cas échéant. La décision que nous nous apprêtons à prendre n’entraînerait aucune obligation impérative de modifier la loi organique en conséquence, puisque nous débattons de la seule loi ordinaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Comment prétendre que la question est de nature technique, et non politique ? Bien au contraire, elle est éminemment politique ! Il s’agit de décider si la période des comptes de campagne doit être fixée à six mois pour toutes les élections et si elle est fixée à un an pour l’élection présidentielle. Nous devons adopter une mesure lisible à l’intention de nos compatriotes, qui se demandent parfois à quel bricolage – voire tripatouillage – nous nous livrerions. La suppression de l’article 6 de la proposition de loi organique – alors que la Commission en avait décidé autrement en première lecture – nécessite cet effort de clarté et, pour ce faire, la proposition de M. Lagarde est la plus opportune.

Mme Cécile Untermaier. Le problème, en vérité, n’est pas politique mais rédactionnel. La difficulté juridique à laquelle nous nous heurtons tient au fait que l’article L. 52-4 du code électoral concerne toutes les élections. En modifiant cet article de telle sorte que la période des comptes de campagne soit réduite d’un an à six mois, nous engloberions donc l’élection présidentielle.

M. le président Dominique Raimbourg. Cette objection, également formulée par Mme la rapporteure, me paraît techniquement fondée. La Commission semble être d’accord pour ramener à six mois la période des comptes de campagne pour toutes les élections à l’exception de l’élection présidentielle. Je vous propose, madame Untermaier, de vous rapprocher des auteurs de ces amendements identiques pour déposer, d’ici le débat en séance qui aura lieu demain, un amendement qui pourra recueillir un consensus.

M. Philippe Gosselin. Nous donnerions un socle à cette démarche en adoptant dès maintenant les amendements identiques !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je constate la volonté politique partagée par tous – chose rare – de réduire à six mois la période des comptes de campagne pour les élections municipales, départementales, régionales et législatives.

Permettez-moi d’emblée de préciser que je n’éprouve aucune susceptibilité d’auteur et qu’il me sera égal que l’amendement porte d’autres signatures.

Ensuite, personne n’a encore été en mesure de démontrer que les amendements en discussion, qui modifieraient la loi ordinaire, s’appliqueraient à l’élection présidentielle. De ce point de vue, Mme Untermaier me semble avoir formulé une fausse objection, d’autant plus qu’elle a elle-même retiré un amendement qui aurait pu la résoudre et recueillir l’accord de tous – convenez que c’est contradictoire.

Il serait utile que nous adoptions un amendement – quel qu’en soit l’auteur – dès aujourd’hui, quitte à en modifier la rédaction en séance. Quoi qu’il advienne, les comptes de campagne pour l’élection présidentielle de 2017 seront ouverts le 1er juin prochain ; nous n’y reviendrons pas. Si risque il y a, il tient à la possibilité que le Conseil constitutionnel rejette la disposition, estimant qu’elle constitue un cavalier législatif. Devons-nous pour autant présumer que le Conseil constitutionnel jugera déplacé le fait que nous nous prononcions dans ce texte sur les élections législatives qui font immédiatement suite à l’élection présidentielle ? Je ne le crois pas.

Mme la rapporteure. Je constate à mon tour le consensus qui règne au sein de la Commission, mais nous devons adopter un texte qui n’entache pas le principe selon lequel la période des comptes de campagne est fixée à un an pour l’élection présidentielle. C’est pourquoi j’ai émis un avis réservé sur l’amendement présenté par Mme Untermaier.

Compte tenu de la suppression de l’article 6 de la proposition de loi organique, l’adoption de l’amendement de M. Lagarde aurait pour effet de réduire à six mois la période des comptes de campagne pour l’ensemble des élections, y compris l’élection présidentielle. En effet, la loi organique de 1962 renvoie à l’article L. 52-4 du code électoral, que l’amendement en question tend à modifier. Je confirme donc mon avis défavorable, mais vous avez toute liberté de déposer en séance un nouvel amendement qui, devant un tel consensus, ne saurait être rejeté ! En attendant, si les amendements en discussion étaient adoptés, le texte issu des travaux de la Commission n’exclurait pas l’élection présidentielle du champ de la mesure ramenant à six mois la période des comptes de campagne.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi, dans ce cas, étiez-vous défavorable à l’amendement de Mme Untermaier, qui fixait cette durée de six mois tout en ménageant une exception concernant l’élection présidentielle ? Il a été retiré, mais nous aurions pu l’adopter ici même avant de proposer en séance, au titre de l’article 88, la modification correspondante de la proposition de loi organique. Voilà, dans ces conditions, comment nous aurions dû procéder !

M. le président Dominique Raimbourg. Soit. En clair, je propose à Mme Untermaier et aux auteurs des amendements identiques de travailler d’ici demain à une rédaction techniquement satisfaisante, et ce quelle que soit l’issue du vote auquel nous nous apprêtons à procéder. En effet, Mme la rapporteure, qui a toute ma confiance, nous confirme que la rédaction proposée dans ces amendements n’est pas satisfaisante. Autrement dit, de deux choses l’une : soit nous adoptons dès aujourd’hui ces amendements pour y revenir demain en séance, soit nous remettons à demain l’adoption de la mesure dans son ensemble. Pour mémoire, la rapporteure propose cette seconde solution ; la première, en revanche, a la préférence de M. Lagarde et des auteurs des amendements identiques. Nous allons donc procéder au vote.

La Commission adopte les amendements identiques CL1, CL2, CL4 et CL5, et l’article 1er A est ainsi rédigé.

Article 2 bis (art. L. 117-2 [nouveau] du code électoral) : Applicabilité au vote électronique des sanctions pénales en matière électorale

La Commission examine l’amendement CL7 de M. Sergio Coronado.

M. Christophe Premat. Le débat sur le vote électronique est ancien. Nous y avons eu recours lors des dernières élections législatives dans les circonscriptions des Français établis hors de France. L’expérience fut mitigée, en partie en raison de problèmes liés à l’inscription sur les listes électorales.

S’agissant des machines à voter, des logiciels, des sociétés qui en sont propriétaires, de l’utilisation du vote et des avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), il me semble utile de distinguer nettement entre l’élection présidentielle et les autres élections, dans la foulée du raisonnement que la rapporteure vient de tenir sur un autre sujet. Nous avons déjà examiné – et rejeté – une proposition de loi organique concernant le vote électronique des Français établis hors de France à l’élection présidentielle. L’expérimentation du vote électronique me semble hasardeuse pour l’élection présidentielle ; elle pourrait être réservée à d’autres types d’élections.

Mme la rapporteure. Ce débat n’est pas encore tranché ; sans doute faudra-t-il un jour conduire une mission d’information sur les machines à voter pour déterminer s’il est pertinent de les conserver. En tout état de cause, il existe actuellement un moratoire les concernant. Les quelques communes autorisées à les utiliser – elles étaient soixante-quatre lors de la dernière élection présidentielle – peuvent le faire, mais aucune nouvelle commune ne peut y recourir. À ce stade, la portée pratique de cet amendement est donc limitée ; c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 bis sans modification.

Article 2 ter (art. 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion) : Réforme de la législation sur les sondages

La Commission examine l’amendement CL10 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer les dispositions sur les sondages qui ont été adoptées au Sénat. Quel qu’en soit l’intérêt, elles semblent excéder le champ de la proposition de loi. Elles s’inspirent en effet d’une proposition de loi adoptée en 2011 au point de constituer une véritable loi dans la loi. À ce titre, elles nécessitent un autre véhicule législatif.

M. René Dosière. J’entends bien le point de vue de la rapporteure mais ne peux le partager, pour une raison objective d’ancienneté : comme d’autres ici, j’ai participé sous la précédente législature à la réunion du 1er juillet 2011 au cours de laquelle la Commission a examiné attentivement la proposition de loi sur les sondages, qui émanait du Sénat. Le présent article, repris par le Sénat, en faisait partie intégrante, même si la proposition déposée à l’époque était plus vaste – elle portait notamment sur le fonctionnement de la Commission des sondages.

En l’occurrence, le Sénat n’en a retenu que le volet technique qui permet de mettre un terme à toutes les manipulations liées aux sondages, qu’elles aient trait au nombre de personnes interrogées ou aux marges d’erreur. Par cohérence avec sa position d’alors, que notre Commission avait approuvée, il a repris cette disposition qui permettrait de moraliser les sondages en temps utile pour l’élection présidentielle – ou, tout au moins, d’en améliorer la transparence.

En lien direct avec le présent texte, cette mesure a déjà été examinée et acceptée par notre Commission en 2011. Il ne s’agit donc pas d’une mesure nouvelle que nous ignorerions, puisque nous souhaitions déjà son adoption à l’époque. Il est vrai que la procédure accélérée ne permet pas toujours à chaque assemblée d’examiner l’ensemble des amendements déposés dans l’autre. Cependant, les sénateurs, à l’initiative de MM. Portelli et Sueur, ont adopté cet article 2 ter à l’unanimité. Étant très attentif à la qualité des travaux du Sénat, j’estime que nous pouvons lui faire confiance concernant cette disposition particulière, d’autant plus, encore une fois, que nous l’avions validée en 2011. Il serait donc opportun de retenir le texte de l’article tel qu’il a été adopté au Sénat.

M. Guy Geoffroy. En rejetant l’amendement de la rapporteure ?

M. René Dosière. Sur ce point, en effet, je suis en désaccord avec elle.

Mme la rapporteure. Par cohérence, je maintiens cet amendement et mon avis défavorable au texte du Sénat.

Mme Cécile Untermaier. Sans doute faudra-t-il, par souci de transparence et de cohérence, modifier le titre de la proposition de loi qui, en l’état, porte « modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle », car son texte comporte quatre pages sur les sondages relatifs à toutes les élections.

M. le président Dominique Raimbourg. Certes, même si le changement de titre ne changera rien à l’appréciation du Conseil constitutionnel…

La Commission rejette l’amendement CL10.

Puis elle adopte l’article 2 ter sans modification.

Article 2 quater (nouveau) (art. 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Publication d’un relevé des temps de parole et d’antenne des candidats à l’élection présidentielle

La Commission examine l’amendement CL11 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement de conséquence vise à supprimer l’article. Du fait du rétablissement de l’article 4 de la proposition de loi organique, les dispositions prévues dans le présent article n’ont plus lieu d’être.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 quater est supprimé.

Article 2 quinquies (nouveau) (art. 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Audition publique du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la recommandation relative aux conditions de programmation comparables des candidats

La Commission examine les amendements identiques CL12 de la rapporteure, CL6 de M. Lionel Tardy et CL8 de M. Sergio Coronado.

Mme la rapporteure. Le Sénat a introduit cet article pour permettre aux commissions des Affaires culturelles des deux assemblées d’auditionner le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ; or, cette possibilité va de soi. Afin d’éviter les lois bavardes, je vous propose de supprimer cet article.

M. Lionel Tardy. En effet, cet article introduit par le Sénat prévoit une audition publique du président du CSA concernant la recommandation relative aux conditions de programmation comparables des candidats. Or, le CSA peut émettre autant de recommandations qu’il le souhaite. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir un mécanisme spécifique et facultatif à ces fins. Même si cette disposition est louable, le président du CSA doit d’ores et déjà répondre aux demandes d’audition des commissions permanentes. C’est pourquoi mon amendement vise à supprimer l’article.

M. Sergio Coronado. Il n’est nul besoin de prévoir dans la loi ce que les commissions permanentes ont le pouvoir de faire en toute liberté, d’où notre amendement.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 quinquies est supprimé.

Article 5 (nouveau) (art. L.388, L.428 et L.438 du code électoral) : Application outre-mer

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Titre

La Commission examine l’amendement CL3 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement vise à mettre le titre de la proposition de loi en cohérence avec les dispositions adoptées au cours du débat, en substituant les mots « de diverses règles applicables aux élections » aux mots « des règles applicables à l’élection présidentielle ».

Mme la rapporteure. Compte tenu des dispositions que vous venez d’adopter – parfois, d’ailleurs, à l’encontre de l’orientation que j’entendais donner à ce texte, –– j’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CL3.

En conséquence, le titre est ainsi rédigé.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

Présidence de Mme Cécile Untermaier, vice-présidente.

La Commission procède à l’audition M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (n° 1226) (M. Dominique Raimbourg, rapporteur).

Mme Cécile Untermaier, présidente. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui vient s’exprimer devant notre commission au sujet du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Je rappelle que ce projet a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 juin 2013. L’Assemblée avait alors souscrit au principe d’une réforme d’ensemble du Conseil supérieur de la magistrature, afin de renforcer l’indépendance des magistrats.

À l’issue de vifs débats, le Sénat a pris le parti, le 4 juillet 2013, de concentrer la réforme sur la question des compétences du Conseil supérieur de la magistrature, rejetant toute modification de sa composition et de son fonctionnement. Subsiste donc le principe, important il est vrai, d’une nomination des magistrats du parquet sur avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à leur égard.

C’est sur ce texte que le ministre, puis le rapporteur, notre président Dominique Raimbourg, enfin ceux qui souhaiteront prendre la parole, vont maintenant s’exprimer.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c’est toujours avec une certaine nostalgie – une nostalgie positive – que je reviens dans cette salle.

La dernière fois que l’Assemblée a débattu de ce texte, c’était le 22 mai 2013 en Commission, puis en séance le 28 mai, avant un vote le 4 juin 2013. Un mois plus tard, le 4 juillet 2013, le Sénat l’adoptait aussi, mais dans une version substantiellement différente, qui conduisait le Gouvernement à suspendre le processus législatif.

Trois ans plus tard, je viens vous proposer d’adopter le texte sénatorial au nom d’un diagnostic très simple : cette réforme apparaît de bon sens, elle est nécessaire, elle est urgente et elle est simple. Puisque nous aurons l’occasion de revenir en séance sur la genèse de cette réforme, je vais concentrer mon propos sur les quatre éléments que je viens de citer.

La réforme est de bon sens : comme chacun le sait, elle constitue l’aboutissement logique d’un processus entamé de très longue date. Institué par une loi du 30 août 1883 – j’ai eu l’heureuse surprise de découvrir que le garde des Sceaux de l’époque était originaire d’Ille-et-Vilaine, ce qui fera sans doute également plaisir à Mme Chapdelaine (Sourires) –, le CSM est longtemps resté étroitement corseté par un pouvoir exécutif qui ne lui concéda jamais des marges de manœuvre supplémentaires qu’avec une extrême circonspection.

En vertu de la Constitution de 1958, ses membres étaient exclusivement nommés par le Président de la République et les avis qu’ils rendaient n’étaient que consultatifs. Il fallut attendre la révision de 1993 pour que s’enclenche enfin le mouvement d’autonomisation du Conseil supérieur de la magistrature. Cinq ans plus tard, à l’initiative du chef de l’État, Jacques Chirac, et du Premier ministre, Lionel Jospin, une nouvelle réforme du Conseil fut adoptée par les deux chambres. Hélas, le Congrès, initialement convoqué pour le 24 janvier 2000, ne put se tenir.

Vint ensuite la révision de 2008, qui mit fin à la présidence du CSM par le chef de l’État et rendit possible sa saisine par les justiciables. Le texte que je vous propose aujourd’hui vise à parachever ce travail en renforçant l’autonomie du ministère public et en confortant ainsi sa légitimité.

Le texte adopté par le Sénat fait l’objet d’un consensus assez manifeste. Depuis les débats de 2013, sénateurs et députés, quelle que soit leur sensibilité politique, s’y sont toujours montrés très majoritairement favorables. Le Conseil supérieur de la magistrature, par la voix de ses chefs de juridiction, a dit y être favorable. Les organisations syndicales, ainsi que les associations de procureurs généraux et de procureurs de la République, y sont favorables. Les parquetiers dans leur ensemble, que je rencontre depuis un mois et vingt-quatre jours, me disent constamment leur accord. L’opinion publique, enfin, si éprise d’un strict respect de la séparation des pouvoirs, y est favorable. Qui en France aujourd’hui pourrait légitimement prendre parti contre un projet de loi qui conforte le statut du ministère public, en le mettant enfin à l’abri des critiques trop souvent formulées à son encontre ?

Cette réforme est nécessaire. Les magistrats du parquet ont été confrontés, ces vingt dernières années, à une profonde mutation de leur métier, se traduisant notamment par une extension très substantielle du périmètre de leurs missions et par un renforcement de leur pouvoir. Ils sont progressivement devenus « une partie intégrante du jugement », notamment en matière pénale. Or, puisque sur le plan du droit, l’indépendance du ministère public à l’égard du pouvoir politique n’est pas constitutionnellement garantie, cette situation se révèle évidemment très problématique.

L’objectif du présent projet de loi est donc de rapprocher le statut des membres du parquet de celui des magistrats du siège, tant en matière de nomination que de discipline. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme nous y incite de manière de plus en plus pressante et, demain, finira immanquablement par nous y contraindre. Sur le plan interne, le Conseil constitutionnel a institué une limite au-delà de laquelle, dans l’exercice des missions de défense des libertés individuelles, le ministère public doit s’effacer devant les magistrats du siège, jugés indépendants et plus impartiaux. La Cour de cassation a de même reconnu, dans un arrêt du 15 décembre 2010, que le parquet ne constituait pas une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’ensemble des positions émises tant par des juridictions internationales que nationales convergent donc. La réforme tendant à consolider l’indépendance statutaire des membres du ministère public est nécessaire, et il nous appartient de la réaliser sans tarder.

Nul système judiciaire ne peut espérer prospérer s’il n’inspire au citoyen un respect sans tache et une confiance absolue. Les objectifs poursuivis par le présent projet de loi constitutionnelle visent justement à garantir l’indépendance et l’impartialité de notre justice, afin de la mettre à l’abri des doutes insistants que son mode de fonctionnement actuel, à tort ou à raison, peut susciter.

Ce n’est pas là une entreprise anodine : au contraire, elle revêt pour notre pays une importance tout à fait considérable. Puisque nous sommes indéfectiblement attachés au modèle de parquet à la française, c’est cet attachement même qui nous conduit aujourd’hui à vouloir le conforter. S’il n’évolue pas ou si, par commodité ou calcul politique, l’on décide, une fois encore, de remettre son évolution à plus tard, alors on l’expose de manière inéluctable à des épreuves aux effets incalculables, de nature à menacer jusqu’à l’équilibre de notre dispositif judiciaire dans son intégralité. Aucun responsable soucieux de l’intérêt général ne saurait s’accommoder d’une telle prise de risque.

Enfin, c’est une réforme simple. Concrètement, demain, le Conseil supérieur de la magistrature n’aura plus pour fonction d’« assister le Président de la République » comme le veut aujourd’hui l’article 64 de la Constitution, mais de « concourir » à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire.

L’unité de ce corps se manifestera par l’identité des nominations, des statuts et des régimes disciplinaires entre les magistrats. Ainsi, en ce qui concerne les nominations, les magistrats du parquet pourront être nommés sur l’avis conforme de la formation du CSM compétente.

Enfin, pour ce qui est de la discipline, la reconnaissance constitutionnelle de la faculté du CSM de statuer sur les poursuites disciplinaires à l’encontre des magistrats du parquet permettra une clarification opportune. Ce sera une garantie supplémentaire, extrêmement précieuse, du respect du principe de séparation des pouvoirs.

Ce texte n’est pas celui déposé par le Gouvernement le 14 mars 2013. Il n’est pas celui adopté par votre Commission le 28 mai, ni celui voté par l’Assemblée nationale le 4 juin. Il a été expurgé de nombreuses dispositions, dont la mise en œuvre aurait sans conteste contribué au rayonnement d’un CSM résolument conforté dans ses missions.

Néanmoins, ce qu’il en demeure est essentiel. En effet, une garantie constitutionnelle sera toujours préférable à une bonne pratique dont la pérennisation dépend seulement de la volonté d’un gouvernement à s’y conformer. Comme l’a dit Jean Monnet dans ses Mémoires, « rien n’est possible sans les hommes, mais rien n’est durable sans les institutions ».

C’est donc parce que ce texte n’est ni décevant par rapport à son ambition initiale, ni superflu dans sa portée, que je vous invite à l’adopter sans modification.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le garde des Sceaux, pour votre exposé clair et précis. Comme vous l’avez dit, ce texte est très différent de celui voté par l’Assemblée nationale, mais aussi de celui approuvé par la commission des Lois du Sénat ; on constate un écart important entre les réflexions que nous avions menées et ce qui a été finalement adopté. Cela dit, je considère que le présent texte doit être voté, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire est assez réduite, et nous devons privilégier tout ce qui est susceptible de conforter statutairement l’indépendance de la justice.

Deuxièmement, ce texte constitue la reprise institutionnelle d’une pratique ministérielle. Si les derniers gardes des Sceaux se sont tous honorés à suivre les avis consultatifs du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs, inscrire cette pratique dans la Constitution, c’est mettre fin à la suspicion pesant en permanence sur les parquets d’être, selon l’expression triviale mais révélatrice que l’on entend parfois, « à la botte » de l’exécutif, en faisant en sorte que leur indépendance soit désormais statutaire.

Troisièmement, cette réforme est nécessaire pour conserver notre modèle, mis à mal par les analyses des institutions européennes, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui essaie de construire un système juridique international à partir d’éléments empruntés à différentes législations nationales. Pour la CEDH, le parquet à la française ne constitue pas une autorité judiciaire et ne peut donc constituer une garantie suffisante à la protection des libertés, ce qui nous pose des problèmes très compliqués en ce qui concerne l’appréciation de son intervention durant les gardes à vue. Le problème ne sera pas complètement réglé, dans la mesure où le parquet reste une instance de poursuite. Néanmoins, la proclamation constitutionnelle de son indépendance aura pour conséquence que, dans les premiers temps, quitte à ce qu’il fasse valider ses décisions par un magistrat du siège, son intervention sera considérée comme protectrice, ce qui est extrêmement important.

Quatrièmement, cette réforme est souhaitée par tous les procureurs de la République et tous les procureurs généraux, qui sont las de voir leur rôle remis en cause et leurs décisions critiquées pour des raisons statutaires, qui ne dépendent ni d’eux ni de la qualité de leur travail.

Cinquièmement, enfin, j’anticipe sur la critique qui pourrait être faite de voir s’instituer un gouvernement des juges : certains vont être tentés de dire que l’indépendance des procureurs les fait échapper à toute définition d’une politique pénale. Une telle critique ne serait pas fondée, car le garde des Sceaux conserve la possibilité – c’est même son devoir – de fixer des orientations générales par circulaires, et la pratique ministérielle a démontré que la politique pénale pouvait exister indépendamment de toute influence sur les nominations.

Pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, nous devons adopter cette réforme – nous n’avons déjà que trop tardé à le faire.

M. Alain Tourret. Monsieur le garde des Sceaux, les membres du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) sont en total désaccord avec vos propositions.

Nous avons toujours pensé que le parquet relevait du pouvoir exécutif, et que vouloir assurer son indépendance constituait une erreur manifeste et absolue. Les exemples que l’on peut trouver dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, ont montré à quel point le parquet constitue un pouvoir indépendant, en dehors du pouvoir exécutif.

La justice n’est pas un pouvoir indépendant, mais une autorité. La réalité du pouvoir, c’est le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Nous avons toujours pensé que le garde des Sceaux devait être un personnage à part au sein du Gouvernement, en dehors des autres ministres, à l’image de l’attorney général. À la différence des autres ministres, le garde des Sceaux devrait être soumis à un vote de ratification par l’ensemble des forces politiques, afin d’être une personnalité insusceptible de discussion et de devenir le chef, le pivot de l’ensemble du parquet. Les parquets pourraient ainsi devoir justifier de l’application des lois voulues par un garde des Sceaux qui ne serait plus soumis aux aléas politiques.

Nous avons toujours pensé que le garde des Sceaux devait être nommé pour la durée de la législature – ce qui vous aurait garanti d’être là pour cinq ans, monsieur le garde des Sceaux…

M. le garde des Sceaux. Ou pas ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Nous avons assez souffert comme ça !

M. Alain Tourret. L’ordre public dépend-il des parquets généraux, des parquets ou du pouvoir politique ? La loi a permis une certaine régionalisation de l’action en matière de politique pénale, à laquelle nous sommes totalement opposés : pour nous, la politique pénale doit procéder d’une action unique, républicaine, émanant du garde des Sceaux.

Sur ce point, socialistes et radicaux se sont toujours opposés. Nous nous référons pour notre part à la grande tradition républicaine d’un pouvoir judiciaire constituant une autorité pénale responsable de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, sous le contrôle du législatif.

Alors qu’il est de bon ton d’affirmer que les instructions individuelles doivent être supprimées, nous avons toujours dit qu’elles devaient être déposées au dossier afin qu’une véritable discussion puisse s’engager entre les parquets et les avocats au sujet de la vision que le pouvoir exécutif avait de son action pénale. Pour nous, le procureur doit déposer le sens de ses réquisitions, comme cela se fait devant les tribunaux administratifs, et indiquer les peines qu’il a l’intention de réclamer, afin que s’engage un débat équilibré. À cela, il nous a simplement été répondu que les Français ne croyaient pas en la justice. C’est faux : les Français croient en une véritable justice, mettant en jeu la responsabilité de ceux qu’ils ont élus – à savoir le garde des Sceaux, et non le procureur.

Comme je le disais, nous avons des visions totalement opposées de la conception du pouvoir judiciaire : j’ai l’impression que nous représentons la République et vous, un certain éparpillement.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le garde des Sceaux, le projet de loi constitutionnelle tel qu’il a été soumis à notre assemblée en première lecture me paraît directement contraire à l’intérêt général. En effet, l’indépendance de l’autorité judiciaire, au sens de la Constitution, c’est d’abord l’indépendance de jugement du magistrat du siège ; ce n’est pas l’autonomie d’un contre-pouvoir judiciaire. Or, en prévoyant que le Conseil supérieur de la magistrature devait être composé majoritairement de magistrats, le projet de révision initial risquait de favoriser une sorte d’autogestion de la magistrature qui ne me paraît pas conforme aux principes de la VRépublique. L’indépendance de l’autorité judiciaire, nos prédécesseurs ont démontré qu’ils entendaient la conforter, que ce soit en 1993 ou en 2008, lorsqu’il a été décidé que le CSM ne serait plus présidé par le chef de l’État. Le projet de 2013 était donc inacceptable. Mais, sur ce point, la messe est dite, me semble-t-il, puisque plus personne ne défend le texte rédigé alors sous l’autorité du Président de la République.

Quant au texte adopté en 2013 par le Sénat, vous venez d’indiquer, monsieur le garde des Sceaux, qu’il s’agissait d’une réforme urgente. Pourtant – et vous me pardonnerez cette espièglerie –, le précédent président de notre commission estimait, selon un journal du soir généralement bien informé, qu’il n’y avait « aucune pertinence à ce que l’Assemblée nationale soit ressaisie d’un texte vidé de son cœur ». Sur le fait qu’il ne soit pas pertinent de soumettre ce texte à notre examen, je suis d’accord. En revanche, je ne crois pas qu’il ait été vidé de son cœur. C’est pourquoi je doute de son opportunité. En effet, le texte voté par le Sénat tend à soumettre la nomination des magistrats du parquet à l’avis conforme du CSM, de sorte que le pouvoir exécutif serait lié par cet avis. Certes, depuis des années, la pratique – et elle est sans doute bienvenue – consiste à suivre l’avis du CSM. Mais le pouvoir exécutif conserve la liberté de s’écarter de cet avis le cas échéant, si, en responsabilité, il le juge utile.

Je crois que nous aurions tort d’affecter, au détour d’une révision constitutionnelle, la conception classique de la séparation des pouvoirs à la française, qui allie l’indépendance de l’autorité judiciaire avec le maintien d’un lien organique entre le ministère public et le pouvoir exécutif, sous le contrôle du Parlement. J’entends, monsieur le garde des Sceaux, vos arguments concernant la nécessité d’une « eurocompatibilité » du statut du parquet et de la Convention européenne des droits de l’homme, mais je crois que le Constituant ne doit pas se sentir absolument tenu par un courant jurisprudentiel, qui, du reste, est encore à confirmer.

Le plus sage serait donc de ne rien faire et de maintenir l’équilibre actuel de la Constitution, qui garantit l’indépendance de jugement des juges du siège tout en maintenant un lien organique entre, d’une part, le ministère public et, d’autre part, le Président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et le garde des Sceaux.

Je conclurai par une remarque plus directement politique. J’avoue m’interroger sur le calendrier de cette réforme. Le fait qu’une autre révision constitutionnelle ait été engagée dans les conditions que nous connaissons ne me paraît pas totalement étranger à l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi constitutionnelle qui a été « placardisé » pendant trois ans.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je veux dire tout d’abord que nous souscrivons à la présentation que le garde des Sceaux et notre rapporteur ont faite du texte. Notre état d’esprit était le même en 2013, lorsque notre assemblée a examiné ce projet de loi constitutionnelle et le projet de loi visant à supprimer les instructions individuelles du garde des Sceaux au parquet, projet de loi qui a été adopté. Celui-ci devrait, du reste, rassurer M. Tourret sur le fait que les principes constitutionnels ne sont absolument pas entamés puisque, faisant écho à l’article 20 de la Constitution, qui dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », son article 1er précisait que « le ministre de la Justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement ». Il appartient ensuite au parquet général et au parquet de mettre en œuvre cette politique et de rendre compte de leur action. Ainsi, dans le dispositif actuel, les procureurs et les procureurs généraux doivent justifier que les conditions dans lesquelles ils exercent l’action publique sont conformes à la politique du Gouvernement. Dès lors, prétendre que le projet de loi constitutionnelle contribuerait à instituer une sorte de triarchie relève d’un mauvais procès : c’est inexact, d’un point de vue juridique et factuel.

Par ailleurs, chacun sait bien que nous sommes pris dans un étau, du fait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi de nos propres institutions, puisque la Cour de cassation a reconnu que le parquet ne constitue pas une autorité judiciaire et que le Conseil constitutionnel lui-même, pourtant très éloigné des enjeux conventionnels, a laissé entendre que la situation actuelle pouvait soulever un problème d’ordre constitutionnel.

De fait, au cours des vingt dernières années – et l’ancienne majorité y a largement contribué –, on n’a cessé d’étendre les compétences du parquet, qu’il s’agisse de l’exercice de l’action publique ou de processus quasiment juridictionnels : je pense notamment à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Pour préserver le parquet à la française, dont on a souligné la pertinence, nous devons impérativement le stabiliser par rapport aux exigences conventionnelles.

Nous considérons qu’il s’agit d’une réforme urgente. Personne, en effet, ne maîtrise le processus juridictionnel par lequel, demain, des actes de procédure pourraient être remis en cause au nom des principes fondamentaux. Nous regrettons, par ailleurs, que le projet de loi constitutionnelle de 2013 ne puisse être adopté dans son intégralité, car tant que l’on continuera d’écarter cette réforme, on empêchera de stabiliser le fonctionnement des magistrats quels qu’ils soient. Ce faisant, on prend, en outre, le risque de creuser la distance entre les magistrats du siège et ceux du parquet. Or, il est nécessaire de préserver l’unité du corps des magistrats. Les uns et les autres ont des responsabilités différentes et doivent bénéficier de protections différentes, dans le respect des principes fondamentaux que sont l’indépendance et l’impartialité. Du reste, si nous avons veillé, en 2013, à ce que celle-ci figure à l’article 31 du code de procédure pénale, c’est parce que nous entendions rappeler que le parquet appartient bien au corps des magistrats.

En ce qui concerne le mode de nomination des magistrats du parquet, le projet de loi constitutionnelle consacre la pratique actuelle, qui n’a pas entravé le fonctionnement des institutions depuis qu’elle a cours. Ce texte marque ainsi une étape supplémentaire vers l’objectif ultime, qui est une réforme plus globale du Conseil supérieur de la magistrature. Nous soutenons cette démarche. C’est pourquoi nous vous remercions, monsieur le garde des Sceaux, de soumettre à nouveau ce texte à notre examen.

M. Philippe Houillon. Pourquoi ce texte revient-il maintenant ? On voit bien ce qu’il en est du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation que vient d’examiner le Sénat : l’un de ses deux articles, celui qui est relatif à la déchéance de nationalité, n’aboutira pas. L’exécutif estimant sans doute qu’une révision constitutionnelle ne portant que sur l’article consacré à l’état d’urgence serait, passez-moi cet anglicisme, un peu « cheap », il a souhaité remettre sur la table un texte dont on pense qu’il ne fera pas débat – qui peut en effet s’opposer à l’indépendance du parquet ? – afin de le soumettre également au Congrès. L’objectif politique est clair, monsieur le garde des Sceaux, et les propos que vous avez tenus sur ce texte en tant que président de la commission des lois en attestent. Si, comme le dit le rapporteur, cette réforme est urgente, que ne l’avez-vous faite dès votre arrivée au pouvoir ? Il s’agit en réalité d’une manœuvre politique visant à sauver ce qui peut l’être encore devant le Congrès.

Sur le fond, il y a deux façons d’aborder la question : soit on considère que le parquet est une partie au procès pénal et qu’il ne relève pas de l’autorité judiciaire, et on en tire les conséquences ; soit on estime nécessaire de maintenir, conformément à la culture française, l’unité du corps des magistrats, et l’on opte pour la solution qui nous est proposée. Mais, si l’on retient cette seconde hypothèse, il reste une équation à résoudre, que ce texte ne résout pas, comme l’a dit avec beaucoup de pertinence notre collègue Alain Tourret.

Quelle est cette équation ? Si l’on veut que le parquetier, dont on a fait un quasi-juge, fasse clairement partie de l’autorité judiciaire et bénéficie donc de ce que vous avez appelé l’indépendance statutaire, il faut prendre également en compte le fait que, la justice étant rendue au nom du peuple français, il doit y avoir entre l’une et l’autre un lien dont il faut dire quelque chose. Sinon, une telle réforme ne se fera pas de manière consensuelle. On ne peut pas consacrer l’indépendance du parquet, avec toutes les conséquences que cela emporte, sans résoudre cette équation. Ce texte est simple : il consacre la pratique actuelle. Mais la pérennité de nos institutions exige que l’on réponde en même temps – et c’est compliqué – à la question du lien entre le peuple et sa justice.

Le Gouvernement a le mérite de choisir l’une des deux hypothèses – à laquelle je ne suis pas forcément hostile –, mais il s’arrête au milieu du gué. Or, il n’est pas envisageable de voter un texte qui, encore une fois, ne résout qu’une partie de l’équation.

M. Jacques Bompard. Monsieur le garde des Sceaux, vous avez présidé cette commission avec une intelligence rare et, même si nous sommes loin de nous accorder politiquement, je dois reconnaître que votre équanimité fut remarquable. Aussi est-ce avec un certain étonnement que je vous vois défendre aujourd’hui un texte à propos duquel vous avez dit : « Il n’y a aucune pertinence à ce que l’Assemblée nationale soit ressaisie d’un texte vidé de son cœur. » Pourquoi votre position a-t-elle évolué ? Le texte a-t-il lui-même évolué ? S’agit-il là d’un compromis après la déception de 2013, ou contresignez-vous la position qui voulait conserver un peu d’équilibre plutôt que d’abandonner le rôle de l’État dans la justice ?

Par ailleurs, ne regrettez-vous pas qu’au-delà du « tacle » à Nicolas Sarkozy qui passionna François Hollande, ce dernier n’ait pas davantage voulu travailler sur la transparence de la justice, transparence dont, malheureusement, certains doutent face au manque d’information et à un monde qui semble parfois replié sur lui-même ?

Enfin, ne pensez-vous pas que multiplier les pouvoirs, c’est détruire la réalité du pouvoir, en particulier celui de l’État ? Je dirai, pour conclure, qu’un pouvoir sans contrôle entraîne la déification de ceux qui le détiennent, et que cela n’est pas forcément bon.

M. Guy Geoffroy. Sur le fond, je n’ajouterai pas grand-chose aux propos d’Alain Tourret, qui résument parfaitement ce que je pense depuis toujours de ce problème bien plus complexe et bien moins binaire qu’on ne veut bien le dire. Nos concitoyens, ayant à l’esprit que la justice est rendue au nom du peuple français, nous demandent souvent pourquoi les auteurs bien identifiés d’actes de petite délinquance, qui affectent beaucoup leur quotidien, ne sont pas poursuivis. Ils sont troublés de ce que l’autorité du garde des Sceaux se résume à donner des consignes générales aux parquets généraux et que ce ministre n’intervienne jamais là où ils estimeraient utile qu’il le fasse. La question de savoir comment rapprocher notre système des exigences de la jurisprudence européenne tout en lui conservant son efficacité – qui n’est pas si mauvaise que cela – est très délicate à trancher. Le texte tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, édulcoré par rapport à sa version initiale, ne règle rien et, involontairement, ne fait que compliquer les choses.

Les exégètes nous expliqueront ce que nous ne comprenons pas, mais mon sentiment est renforcé par les propos de Philippe Houillon, que je reprendrai à mon compte. Pourquoi ce qui était non pertinent il y a trois ans est-il aujourd’hui urgent ? Comme par hasard, c’est après avoir perdu un article du projet de loi constitutionnelle dit « de protection de la nation » que l’on essaie de redonner un contenu et un semblant de crédibilité à un Congrès du Parlement qu’il faut absolument réunir sous peine de perdre sur tous les tableaux, mais on ne réussira pas à nous démontrer que deux litres d’eau tiède font un litre d’eau chaude !

Si la révision constitutionnelle annoncée le 16 novembre dernier par le Président de la République prend l’eau de toutes parts, c’est du fait du revirement du Président lui-même, et non pas de la majorité sénatoriale. La réforme constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature est complètement édulcorée du fait de la volonté tout à fait respectable du Sénat et l’on se sent obligé d’essayer de trouver une majorité des trois cinquièmes à l’Assemblée nationale au motif qu’on y est parvenu auparavant – même si c’était sur un texte fort différent. Je suis trop respectueux de nos institutions pour me livrer à ce genre de fariboles. On ne fait pas de bonne révision constitutionnelle avec deux demi-sujets dont le traitement a été complètement tronqué par l’inconséquence de ses initiateurs, et dont personne ne réussira à nous démontrer l’urgence.

Mieux vaut abandonner cette tentative désespérée de sauver le Congrès, car ce que l’on nous propose ridiculisera in fine ledit Congrès et amoindrira, encore plus que cela n’a été fait jusqu’à présent, la Constitution de notre pays.

M. le garde des Sceaux. La question d’Alain Tourret est légitime, utile et intéressante, et l’hostilité qu’il manifeste à l’égard du présent projet s’explique par sa conception, différente, de l’organisation judiciaire. Il est vrai qu’il existe un projet politique, porté par de hauts magistrats parfaitement respectables et par certains cercles de réflexion, visant à créer un « procureur général de la Nation ». Je ne suis pas certain qu’une telle proposition s’inscrive dans ce que vous appelez la tradition républicaine, mais elle est stimulante et je suis tout à fait prêt à m’inscrire dans ce débat. Je ne suis pas du tout convaincu par cette idée, mais j’en reconnais la cohérence pour en avoir parlé avec deux de ceux qui ont déjà écrit sur le sujet.

Vous avez évoqué, monsieur Larrivé, les observations que j’ai émises en 2013 quand le Sénat a adopté le texte dont nous sommes aujourd’hui saisis. Je n’ai pas masqué ces observations. J’ai même récidivé. Si vous voulez bien me lire, je vous invite à télécharger une note que j’ai publiée à la Fondation Jean-Jaurès au mois de mai 2015, intitulée Le chemin escarpé du compromis. Partant des textes votés à l’Assemblée nationale et au Sénat, et après avoir rencontré plusieurs personnalités éminentes, de toutes les sensibilités politiques, ayant exercé depuis une vingtaine d’années la responsabilité que j’ai l’honneur d’assumer aujourd’hui, j’y ai essayé de bâtir ce que je croyais être un compromis. Ainsi, par exemple, ne suis-je pas favorable, à titre personnel, à ce que le chef de l’État soit cité à l’article 64 de la Constitution comme étant « garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Je l’ai écrit : ce n’est pas ma conception des choses. Mais il se trouve, aujourd’hui, que le Sénat a adopté un texte dont le contenu se retrouve dans celui voté par l’Assemblée nationale. C’est ce que l’on appelle un point de consensus – et non un compromis. La cause me semblant noble, il me paraît légitime de proposer à l’Assemblée nationale d’aller jusqu’au bout de l’exercice entamé.

On nous dit encore qu’il n’y a pas urgence, que ce n’est pas le bon moment : de telles affirmations relèvent toujours d’appréciations personnelles. Il est arrivé que, dans cette assemblée, nous discutions d’autres projets – voire de propositions – de loi constitutionnelle. Lorsque j’ai eu l’occasion d’être rapporteur de l’une de ces propositions, relative aux langues régionales, ce n’était pas, non plus, le bon moment. Ce ne l’est jamais, en réalité, quand le pouvoir exécutif propose une révision. Souffrez que nous considérions, nous, que le moment est bien choisi et que nous vous proposions de discuter du fond : il me semble opportun d’inscrire dans la Constitution le fait qu’il n’y aura plus d’influence politique sur les parquetiers. Vous nous dites que c’est la pratique depuis des années. Pas tant que cela : la ministre Rachida Dati ne respectait pas les avis du Conseil supérieur de la magistrature. C’était son droit, mais je considère que la pratique vertueuse consiste à laisser le CSM nommer les magistrats. Telle est ma conception de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Dans les responsabilités que j’exerce aujourd’hui, j’entretiens un dialogue avec les magistrats. Je suis d’accord avec Guillaume Larrivé sur un point : l’indépendance n’est pas l’indifférence. Je conçois l’indépendance de la magistrature dans le respect des prérogatives qui sont celles du garde des Sceaux. S’il est intéressant d’avoir ce dialogue, y compris avec les chefs de juridiction, c’est parce qu’aujourd’hui tout le monde réfléchit aux notions d’indépendance de la justice et d’autorité judiciaire.

Les parquetiers, que vous avez auditionnés et que Jean-Yves Le Bouillonnec a rencontrés dix fois en tant que rapporteur du projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique, nous disent que persiste aujourd’hui une interrogation quant à leur appartenance à l’autorité judiciaire. S’il est utile que les magistrats puissent exercer sereinement leurs missions, je pense que cette révision constitutionnelle est de nature à les conforter dans leur statut, à les protéger dans l’exercice de leurs responsabilités et à garantir au justiciable l’impartialité qu’il est en droit d’exiger. Cette dernière figure dans les textes ; il faut la conforter en modifiant le statut du CSM, sans quoi il y aura toujours de la suspicion.

Nous ne sommes pas déçus de constater que le projet adopté n’est pas celui que nous espérions. Simplement, nous sommes réalistes. Vous aurez d’ailleurs noté que j’ai placé cet exercice ministériel sous le signe du réalisme et du pragmatisme. Vous pensez, cher Guillaume Larrivé, qu’il serait sage de ne rien faire. Pour ma part, il me paraît une noble cause, au regard de ce qu’est la construction du CSM depuis des années, voire depuis sa naissance en 1883, de faire ce pas en avant. C’est pourquoi nous défendrons cette réforme dans l’hémicycle le 5 avril prochain.

Mme Cécile Untermaier, présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre. L’examen des articles de ce texte aura lieu le mercredi 30 mars en commission puis le 5 avril en séance publique.

La séance est levée à 12 heures 15.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Philippe Gomes, rapporteur sur la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la
Nouvelle-Calédonie (n° 3236) ;

– M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur sur les propositions de loi organique et ordinaire relatives aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 3476 et n° 3477) ;

–– Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure sur la proposition de loi visant à étendre aux collectivités territoriales le mécanisme de déclassement anticipé, prévu à l’article L.2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques (n° 2709).

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christian Assaf, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti,
M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Dominique Potier, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, Mme Sophie Rohfritsch, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Patrick Devedjian, Mme Laurence Dumont, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gomes, Mme Françoise Guégot, M. Serge Letchimy, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Jean-Luc Warsmann

Assistaient également à la réunion. - M. Dominique Bussereau, M. Christophe Premat, M. Marcel Rogemont, Mme Maina Sage, M. Lionel Tardy