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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité

Dimanche 18 janvier 2015

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. François Brottes, Président

–  Suite de l’examen, ouvert à la presse, du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques) 2

–  Présences en réunion 46

La commission poursuit l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).

Article 74 : Création des zones commerciales

La Commission est saisie des amendements identiques SPE105 de M. Gérard Cherpion, SPE434 de M. Patrick Hetzel, SPE847 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1371 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Gérard Cherpion. Cet article vide de sa substance la loi de 2009 puisqu’il écrase les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle – PUCE – pour créer les « zones commerciales caractérisées par une offre et une demande particulièrement importantes » dont la définition est plutôt vague. La notion d’unité urbaine de plus de un million d’habitants disparaît totalement. De plus, l’ouverture en zone commerciale est conditionnée à l’existence d’un accord collectif. À défaut d’accord, aucun seuil de contreparties minimales n’est fixé par la loi. Le projet de loi est donc moins protecteur que la législation actuelle des PUCE.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement repose sur les mêmes arguments.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour ma part, j’insiste sur le flou de la notion de « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes » contenue dans l’alinéa 2 de cet article. Les salariés concernés seront moins bien protégés qu’ils ne le sont actuellement.

M. Jean-Louis Roumegas. Ce sont les zones touristiques internationales – ZTI – qui ont attiré l’attention, mais ce sont les dispositions sur les zones commerciales qui recèlent le plus grand risque de banalisation sinon de généralisation du travail du dimanche. Alors que les fameux PUCE se limitent à quatre zones en France puisqu’ils concernent les agglomérations de plus de un million d’habitants, le présent texte offre aux maires – à leur demande et après validation par le préfet – la possibilité de généraliser ces zones commerciales de façon très large, le seul critère étant le taux de fréquentation. Les grands centres commerciaux pourraient donc être concernés par cette disposition. Le fait que la création de telles zones soit laissée à l’appréciation du maire ne nous met à l’abri de rien. En ce qui concerne les éventuelles compensations, le texte renvoie à des accords dont il y a fort à parier qu’ils seront moins protecteurs que la législation actuelle. J’y insiste : cet article est celui qui comporte le plus de risques en termes de généralisation du travail le dimanche et nous proposons sa suppression.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Il y a deux sujets : le périmètre d’activité et les risques pour les PUCE existants ; les compensations.

Dans le cadre de la rationalisation du dispositif à laquelle nous procédons, l’article 74 vise à clarifier les choses et à redéfinir des critères, en renvoyant à un décret en Conseil d’État comme nous l’avons fait précédemment pour les zones touristiques. Le rapport Bailly qui a inspiré ce travail en définissait quelques-uns : la densité commerciale, l’attractivité de la zone au travers de sa fréquentation, l’adhésion des commerçants au projet, etc. Ils sont plus précis que les critères retenus pour les PUCE qui ne faisaient que constater des habitudes de consommation. À travers cet article 74, en particulier le critère de demande potentielle particulièrement importante qui sera développé dans le décret en Conseil d’État, l’idée est de reprendre les quarante et un PUCE existants et d’y créer ces dispositifs à la demande des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – ce qui n’est pas le cas dans les ZTI précédemment évoquées – là où ils seront pertinents. Ces zones seront créées, en cas de demande et de besoin identifiés, dans la lignée de l’évaluation faite par le rapport Bailly. Il n’y a pas de restrictions ou de fermetures ; nous ne revisitons pas ce qui a été fait dans le cadre de la loi Mallié.

Pour ce qui est de la compensation, monsieur Roumegas, il faut rapprocher cet article des articles 76 et 77. Actuellement, les PUCE obéissent à la règle de l’accord ou, à défaut, de la double rémunération ; le présent texte prévoit que sans un accord de branche, d’entreprise ou de territoire sur les conditions de compensation, il n’y aura pas d’ouverture : l’accord est la condition de l’ouverture.

Premier cas : les PUCE où il existe un accord seront en conformité avec le présent texte ; rien ne sera changé par le nouveau dispositif. Deuxième cas : la création de nouvelles zones, à la demande des élus, maires ou EPCI, sera conditionnée à la signature d’un accord sur les compensations. Sans accord, il n’y aura pas d’ouverture même si c’est le souhait du maire et qu’il est validé. Troisième cas, le plus compliqué sur le plan théorique : faute d’accord, c’est la double paie qui s’applique dans le PUCE existant, en vertu de la loi Mallié. Cette situation est rare, pour ne pas dire quasi inexistante, puisque la règle de la double paie a incité à conclure des accords. Logiquement, les salariés refuseront de signer un accord s’ils ne sont pas payés double, ce que leur garantit la loi. Dans ces zones, le seul risque est plutôt d’assister à quelques fermetures, si les salariés ne se voient pas proposer un accord suffisamment ambitieux sur le plan salarial. Jean-Louis Roumegas a démontré que notre texte va dans le sens du progrès social. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Monsieur Cherpion, votre amendement repose sur deux justifications : la définition des zones commerciales serait confuse ; le dispositif prévoyant un accord collectif obligatoire sera moins protecteur que la législation actuelle.

Pour répondre à votre premier argument, je dirais que la notion de « périmètre d’usage de consommation exceptionnelle » n’est pas forcément beaucoup plus claire, d’autant qu’elle n’avait d’autre vocation que de consacrer des usages relevant de la clarification de situations illégales. Quant à votre deuxième argument, il est inexact : les contreparties sociales sont obligatoires ; nous laissons aux parties prenantes le soin de les fixer ; nous ne remettons pas en cause les périmètres existants qui seront reconnus de plein droit comme des zones commerciales, sachant qu’un délai de trois ans est prévu pour conclure un accord quand il n’y en a pas. Rappelons que les PUCE actuels permettent le recours à la voie unilatérale ou à la signature d’un accord, ce qui est le cas de celui de Plan de Campagne.

Les critères présidant à la définition des zones commerciales ont naturellement vocation à être définis par voie réglementaire. Il s’agit de tenir compte des usages de consommation et de l’importance de la densité commerciale, en incluant toutes les formes de commerce – alimentaire ou non – de la zone demandée. Signalons que le rapport Bailly préconisait d’exclure les commerces alimentaires. Il faut aussi tenir compte de l’attractivité de la zone – présence importante de visiteurs ou de consommateurs – et de l’adhésion des commerçants. Avis défavorable.

M. le président François Brottes. Monsieur Roumegas, êtes-vous convaincu que « qui peut le plus ne peut pas le moins » ?

M. Jean-Louis Roumegas. Je suis convaincu de l’habileté de la dialectique du ministre, mais pas nécessairement de la pertinence de ses arguments. Le problème est que les gens n’ont pas vraiment le choix de travailler ou pas le dimanche : l’effet d’entraînement qui existe entre les enseignes risque de gagner les communes elles-mêmes. Si une commune commence à le faire, la pression sera très forte sur les communes voisines qui seront mises en concurrence. C’est cela le libéralisme. Vous n’obligez personne mais vous créez les conditions pour que les choses évoluent dans ce sens.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article doit en effet se lire avec les suivants. Même après vos explications, monsieur le ministre, je maintiens que votre dispositif viendra percuter des contrats existants et la possibilité pour certains de maintenir des ouvertures respectueuses de la loi actuelle dans la mesure où l’alinéa 6 de l’article 76 ne précise pas que les dispositifs actuels resteront valides.

Cet alinéa est ainsi rédigé : « Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, ouverte par les articles L.3132-24, L.3132-25 et L.3132-25-1, les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu à un niveau territorial, soit par un accord conclu dans les conditions mentionnées au II de l’article L.5121-4. » De toute façon, il est fait mention de la nécessité d’être couvert par un accord.

Même si vous considérez qu’il s’agit d’un nombre réduit de situations, il s’agit d’un principe de droit : n’y aurait-il qu’un seul cas, il faudrait pouvoir le traiter. Je maintiens qu’il y a une forme de conflit entre les gens qui ont appliqué la loi dans les zones concernées sans référence à un accord collectif, simplement dans le cadre de l’application de l’article 1er de la loi Mallié, et le dispositif que vous proposez. Votre réponse ne règle pas la situation qui est prévue à l’article 76 et que vous nous avez invités à aborder dès le présent article.

La Commission rejette les amendements SPE105, SPE434, SPE847 et SPE1371.

Elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1690 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 74 modifié.

Après l’article 74

La Commission examine l'amendement SPE773 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Vigier. Cet amendement portant article additionnel après l’article 74 tend à corriger un oubli. En matière d’extension du travail dominical, nous souhaitons que les décisions soient prises sur le plan territorial, qu’il s’agisse de zones de grande capacité touristique ou de zones commerciales dont il faudra redéfinir le périmètre. Il nous semble indispensable que les acteurs locaux que sont les maires ou les présidents d’intercommunalité soient au cœur du dispositif.

Certains territoires se trouvent en situation de concurrence déloyale. Alors que cette loi affiche la volonté d’améliorer la croissance et l’activité, est-il nécessaire de laisser des parts de marché partir vers des pays limitrophes, sans essayer d’apporter une réponse à la hauteur d’enjeux qui sont loin d’être anodins ? Parmi ces territoires, citons ceux qui sont frontaliers avec la Belgique où les entreprises décident librement de leurs jours de fermeture : la concurrence joue sur cinquante-deux dimanches et le fait de passer de cinq à douze dimanches ne va pas rétablir l’équilibre. La concurrence n’est pas la même selon que le pays limitrophe est la Belgique, le Luxembourg, l’Italie ou l’Allemagne.

Comme nous avons le dialogue social chevillé au corps, nous proposons d’inclure ces territoires frontaliers, en trouvant les moyens de donner ce repos hebdomadaire à tout ou partie du personnel. Monsieur le ministre, ne faisons pas l’impasse sur ces territoires. Comme Christophe Caresche, je pense qu’il faut bien réfléchir aux grandes zones touristiques mais ces territoires frontaliers sont aussi des zones d’activité et, au risque d’être à contre-courant, je signale que certaines personnes ont envie de travailler le dimanche. De plus, ainsi que l’avait souligné Francis Vercamer, les fameux articles 31 et 32 s’appliquent et prévoient cette double rémunération. S’il existe un accord de branche, si la zone frontalière est bien définie – et elle peut l’être par les préfets –, il est possible de répondre à un besoin local et d’accroître l’activité.

M. le ministre. Vos préoccupations sont pour partie satisfaites par les PUCE et elles pourront l’être totalement, à la demande des élus locaux, grâce aux dispositions prévues dans cet article. Le Gouvernement souhaite que toutes les zones transfrontalières actuellement éligibles au dispositif PUCE soient intégrées dans le décret en Conseil d’État qui est mentionné à l’article.

M. Philippe Vigier. Je vous entends, monsieur le ministre, mais je préférerais que ce soit écrit. Dans ces territoires, il faut aller au-delà des douze dimanches prévus dans le dispositif PUCE. Il ne s’agit pas d’une ouverture généralisée jusqu’à 150 kilomètres de la frontière ; les zones frontalières font vingt kilomètres. Regardez ce qui se passe avec l’Espagne, Andorre ou l’Italie. Nous devons apporter une réponse territoriale qui aille au-delà du contenu actuel du texte parce qu’il n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le mot « frontalier » doit apparaître.

M. le ministre. Pour lever une confusion, je vous signale qu’il s’agit ici des PUCE qui permettent d’aller jusqu’à cinquante-deux dimanches, avec la mécanique déjà décrite. Les zones commerciales transfrontalières qui sont déjà dans des PUCE y resteront ; d’autres seront éligibles au dispositif, compte tenu de la rédaction de l’article. Il ne s’agit donc pas de douze dimanches mais d’un potentiel de cinquante-deux dimanches. Nous ne voulons pas écrire le décret par petits bouts au niveau de la loi, mais je m’engage à ce que ces zones soient dans le décret en Conseil d’État.

M. Philippe Vigier. Je prends acte de l’engagement que le ministre prend devant la représentation nationale. Je saurai le lui rappeler, le cas échéant. Je retire mon amendement.

L'amendement SPE773 est retiré.

Article 75 : Procédure de création des zones touristiques et des zones commerciales

La Commission examine les amendements identiques SPE106 de M. Gérard Cherpion et SPE437 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. C’était un amendement de cohérence par rapport au précédent mais nous l’avons développé.

M. Patrick Hetzel. Même chose.

La Commission rejette les amendements SPE106 et SPE437.

M. Yves Blein. Il faut vraiment veiller au fait que la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier. Or elle ne figure pas à l’alinéa 2 de cet article 75 qui indique : « appartient au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsque celui-ci existe. »

M. le président François Brottes. D’après ce qui a été dit hier, c’est le terme de métropole qui doit figurer.

Mme Sandrine Mazetier. Cet article réserve au maire ou au président de l’EPCI l’initiative de la création ou de la modification d’une zone touristique ou d’une zone commerciale. Nous avons ajouté une autre condition : « La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au préfet de région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité de la création ou de la modification de la zone. » Ces conditions sont tout à fait légitimes mais on ne peut pas prendre de telles précautions dans ce cadre alors que l’on n’en prend aucune dans d’autres territoires. Nous légiférons pour l’ensemble du territoire de la République.

La Commission est saisie de l'amendement SPE1869 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Le présent amendement prévoit que la demande de délimitation d’une zone est faite par le président de l’EPCI lorsque le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune ; elle reste de la compétence du maire lorsque le périmètre de la zone ne sort pas du territoire de la commune. Il s’agit de tenir compte des structures intercommunales actuelles mais aussi du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe –, qui est en cours de discussion au Sénat. Il convient de ne pas aller à rebours de la future loi réformant les compétences territoriales des EPCI.

M. le ministre. Je tiens à dire à Mme Mazetier, qu’il y a des critères objectifs et je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendus sur ce sujet, par référence sous-jacente avec la décision du Conseil constitutionnel de 2009 sur la loi Mallié qui, pour un même dispositif, avait souligné la différence de traitement de certaines collectivités territoriales. Ce n’est pas le cas du présent dispositif, ce qui n’a pas échappé au Conseil d’État : les ZTI relèvent d’un dispositif différent du droit commun. On peut s’interroger sur l’opportunité politique mais vous avez pu constater que nous travaillons dans un esprit d’ouverture. Quoi qu’il en soit, j’insiste sur le fait qu’il s’agit de deux dispositifs distincts.

M. Blein, a tout à fait raison de soulever le problème de la métropole de Lyon comme M. Poisson l’avait fait hier à un autre endroit du texte. Par souci de cohérence, nous devons relire le texte en tenant compte de la spécificité lyonnaise à chaque fois que nécessaire.

Enfin, je suis favorable à l’amendement SPE1869.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je comprends la logique de cet amendement mais j’ai un doute sur sa rédaction. D’ici à la séance, nous devrions nous assurer que les zones commerciales qui sont à cheval sur plusieurs intercommunalités – ou sur une métropole et une intercommunalité – soient bien prises en compte. Je ne suis pas sûr que la rédaction actuelle soit parfaite à cet égard.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En retravaillant le texte, il faudrait aussi y intégrer la notion de communes nouvelles qui peuvent comprendre des bassins de vie complets. Une communauté peut se transformer en commune nouvelle.

M. le président François Brottes. Une commune nouvelle reste une commune.

La Commission adopte l'amendement SPE1869.

En conséquence, l’amendement SPE1125 tombe.

La Commission examine les amendements identiques SPE133 de M. Gérard Cherpion et SPE435 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. Cet article laisse au préfet de région le soin de délimiter les nouvelles zones touristiques ou commerciales après organisation d'un dialogue territorial. Or, dans la perspective de la création des grandes régions, le préfet de région, face à des demandes éloignées, devra se retourner vers le préfet de département. Pour rester au plus près de la réalité du terrain, cet amendement propose de confier directement cette responsabilité au préfet de département.

M. Patrick Hetzel. Mes arguments sont les mêmes.

M. le ministre. Le Gouvernement estime que la création de ces zones relève du niveau régional de l’organisation de l’État. Un amendement à venir sur le même sujet proposera de laisser quelques respirations. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette les amendements SPE133 et SPE435.

Elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1691 des rapporteurs.

L’amendement SPE814 de M. Jean-Louis Roumegas est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE1692 des rapporteurs.

Puis elle en vient à l’amendement SPE1217 de M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Cet amendement revient sur un sujet déjà abordé : les mesures que nous sommes en train de prendre n’auront pas le même impact sur les femmes et les hommes. Il propose de compléter l’alinéa 3 de l’article pour intégrer cette préoccupation dans l’étude d’impact.

M. le ministre. Nous sommes évidemment d’accord avec l’objectif poursuivi ici mais la demande nous semble un peu lourde pour certains élus. C’est un sujet sensible qui continue à être mesuré sur le plan statistique mais j’invite au retrait de l’amendement, compte tenu de la contrainte que son adoption ferait peser sur les élus concernés.

M. Jean-Yves Caullet. J’imagine que tous les acteurs du territoire veilleront à faire figurer cette donnée dans l’étude. Je retire l’amendement.

L'amendement SPE1217 est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision SPE1693 des rapporteurs.

Puis elle en vient à l’amendement SPE1830 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il répond à la préoccupation exprimée par Yves Blein.

La Commission adopte l'amendement SPE1830.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision SPE1831, SPE1694, SPE1695, SPE1698 et SPE1699 des rapporteurs.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’appelle l’attention de notre commission sur l’adoption rapide – mais dans les formes prévues par le règlement, il va sans dire, monsieur le président – de l’amendement SPE1830 qui retire le pluriel à l’alinéa 7. Pour ma part, je maintiens que plusieurs communautés de communes ou d’agglomérations peuvent être concernées par le sujet. L’alinéa 7 sera ainsi rédigé : « 3° De la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine ; ». Si cela inclut le pluriel, allons-y. Comme disait Courteline à propos de son émolument : « On ne va pas déranger le pluriel pour si peu. » Toutefois, j’invite à considérer que cela peut ne pas inclure la dimension de pluralité qui existe dans certains territoires.

M. le président François Brottes. Je fais mienne la phrase de Courteline : quand plusieurs amendements viennent d’un même groupe, on ne doit pas déranger le pluriel pour si peu. (Sourires.)

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques SPE134 de M. Gérard Cherpion et SPE436 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l’amendement SPE1870 des rapporteurs et l’amendement SPE293 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Véronique Louwagie. L’article 75 établit une procédure de délimitation du périmètre des zones touristiques et commerciales sans fixer le moindre délai. Le présent amendement propose donc d’encadrer, dans des délais raisonnables, la réponse de l’administration aux demandes des maires ou présidents des EPIC. Il s’agit donc de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « III– Le préfet de département recueille les avis mentionnés au II dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date de la réception de la demande. Il statue ensuite dans un délai maximum de deux mois sur la demande de délimitation ou de modification de la zone. » Il est fait référence aux préfets de département, par corrélation avec notre amendement précédent.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. L’amendement SPE1870 répond à vos préoccupations, madame Louwagie, puisqu’il propose de fixer des délais d’instruction maximum au préfet : six mois s’il s’agit de délimiter une nouvelle zone ; trois mois s’il s’agit de modifier une zone existante. Il est temps de fixer un cadre temporel pour des motifs de sécurité juridique, conformément aux recommandations du rapport Bailly.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement prévoit que l’autorité administrative contrôlera tous les six ans que la zone respecte toujours les critères ayant présidé à sa création. Il s’agit de vérifier que les conditions sont toujours réunies.

M. le ministre. Le décret définira les critères de zonage, après concertation en amont, et une étude d’impact devra être produite à l’appui de la demande. Ce sont des gages suffisants pour une juste délimitation. En outre, la loi prévoit que le président de l’EPCI ou de la commune peut, à tout moment, enclencher la même procédure aux fins de modifications. Le dispositif présentant les garanties recherchées afin d’éviter des lourdeurs administratives supplémentaires, j’invite au retrait de l’amendement SPE293. Quant aux deux amendements identiques, ils sont satisfaits par celui du rapporteur auquel je donne un avis favorable. J’invite donc leurs auteurs à les retirer.

Mme Véronique Louwagie. Notre amendement peut être considéré comme satisfait par celui des rapporteurs. Cependant, cet amendement SPE1870 évoque le représentant de l’État dans la région ; il serait plus pertinent de faire état du préfet de région, comme dans l’alinéa 3, sauf s’il s’agit d’une autre personne. Je retire mon amendement.

M. Patrick Hetzel. Je retire le mien également, même si nous aurions préféré garder des délais plus courts que ceux prévus par le rapporteur.

Mme Colette Capdevielle. Je retire aussi mon amendement. Nous ne cherchons pas à imposer des contraintes administratives mais ces contrôles peuvent se révéler nécessaires. La question pourra se poser dans l’avenir.

M. le ministre. Merci pour ces retraits. Toutes les situations sont couvertes : soit la modification progressive du périmètre est en infraction avec les critères du décret, auquel cas, dans le cadre de son contrôle et sans qu’on le précise ici, le préfet peut intervenir ; soit elle ne correspond pas à la volonté de la collectivité, et celle-ci a la capacité d’initiative dans le dispositif.

Les amendements SPE134, SPE436 et SPE293 sont retirés.

La Commission adopte l'amendement SPE1870.

Puis elle adopte l’article 75 modifié.

Article 76 : Contreparties aux autorisations dérogatoires accordées dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales

La Commission examine les amendements identiques SPE107 de M. Gérard Cherpion et SPE438 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. Sous couvert d’harmonisation du régime social des contreparties accordées aux salariés qui travaillent le dimanche, le projet de loi menace les équilibres territoriaux actuels. En conditionnant l’ouverture dominicale à l’existence d’un accord collectif, il menace l’ouverture des très petites, petites et moyennes entreprises qui n’auront pas réussi à conclure leur négociation. Étant donné l’opposition forte de l’ensemble des organisations syndicales de salariés à l’extension de l’ouverture du dimanche, la procédure de mandatement, déjà source de complexité, risque de ne pas faciliter la conclusion d’accords dans les petites structures. Il y a donc un risque de fermeture de ces très petites et petites entreprises.

M. Patrick Hetzel. Même argumentation.

M. le ministre. Dans le dispositif prévu, les commerces alimentaires, dont l’ouverture jusqu’à treize heures est autorisée par dérogation depuis 2009, ne sont pas touchés par cette mesure. Les dimanches du maire ne sont pas concernés non plus puisque le doublement de la paie s’applique : le passage de cinq à douze dimanches n’est donc pas concerné non plus.

Cette mesure s’applique aux zones touristiques, aux zones commerciales et aux zones touristiques internationales. Dans ces trois cas, l’ouverture est conditionnée à la conclusion d’un accord d’entreprise, de branche ou de territoire qui prévoit les règles de compensation. Nous avons déjà abordé le cas des zones commerciales et des ZTI, qui ne sont pas des petits commerces : à défaut de la signature d’un accord, là où il n’y en a pas, il y aura fermeture.

Le problème ne se pose vraiment que pour les zones touristiques. Dans les nouvelles zones touristiques, où il faudra un accord préalable, nous pensons que l’existence des trois modalités que j’ai évoquées précédemment en réponse à Véronique Louwagie, laisse la possibilité de trouver une voie de sortie. La ville de Saint-Malo nous fournit un bon exemple d’accord territorial qui fonctionne avec des compensations généreuses.

Restent les commerces actuellement ouverts en zone touristique qui ne sont pas couverts par un accord. En proposant un délai de trois ans, une sorte de phase d’adaptation, nous voulons éviter que le nouveau dispositif ne conduise à des fermetures de petits commerces. Le délai de trois ans nous paraît raisonnable, et il est en tout cas beaucoup plus long que celui d’un an prévu dans l’accord sur le travail à temps partiel. Grâce à l’instauration de ce délai et à la triple possibilité offerte pour conclure ces accords, il me semble que nous répondons à votre préoccupation de ne pas sacrifier les petits commerces dans le cas très spécifique que je viens de rappeler où aucun accord n’existe. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il convient de chercher une harmonisation en prévoyant une solution de facilitation pour les petits commerces. C’est le sens de l’un de mes amendements à venir dans le cadre de cet article. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme Sandrine Mazetier. C’est un article très important car il affirme le principe qu’il ne peut y avoir d’ouverture sans accord sur les compensations. Nous devons donc examiner avec attention son contenu et son périmètre de couverture, que vous venez de rappeler, monsieur le ministre.

Or il y a des trous dans la raquette, si vous me permettez l’expression. Cet article affirme qu’en zone touristique, en zone commerciale et en zone touristique internationale, les établissements – et non pas les salariés – doivent être couverts par un accord. L’un de mes amendements à venir pose la problématique de l’évolution du commerce. Nous avons beaucoup fait référence au commerce sur internet, mais dans les grandes chaînes de magasins, parfumeurs et autres, il y a de moins en moins de salariés de l’établissement et de plus en plus de représentants de marques, qui viennent ponctuellement travailler. Ceux-là ne seront pas couverts par les accords. Il faut traiter cette question, en particulier dans les ZTI, en gardant à l’esprit que l’évolution du commerce n’en est qu’à ses débuts. Les grandes surfaces alimentaires – je ne vous parle pas du Printemps, des Galeries Lafayette ou du Bon Marché – sont déjà de vastes halls d’exposition où les entreprises louent des corners. Il faut que nous soyons bien conscients de l’évolution du commerce et des rapports sociaux.

L’article 76 n’exclut pas – y compris pour les ZTI où les commerces sont extrêmement rentables – la possibilité d’un accord unilatéral, conclu au terme de trois ans par l’employeur, après un référendum associant une partie des personnels. Je peux comprendre que l’on puisse se poser la question du temps nécessaire à l’élaboration d’un accord et à la négociation de contreparties pour les zones où la rentabilité des commerces n’a rien à voir avec celle qui est constatée dans les ZTI, mais je m’étonne que ces dernières figurent dans l’article 76. Monsieur le ministre, cela m’étonne d’autant plus que vous avez pris la peine de fixer noir sur blanc des contreparties explicites au travail en soirée. Pour les cinquante-deux dimanches des ZTI, le texte devrait aussi mentionner des contreparties explicites. La pratique du travail dissimulé est constatée dans certaines ZTI où des restaurateurs emploient pour faire la plonge des auto-entrepreneurs ne sachant pas écrire le français. La réalité des ZTI, c’est aussi cela.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître que l’accord conclu à Saint-Malo est très généreux. Il a été possible grâce à un maire particulièrement social qui a dit d’emblée qu’il n’y aurait d’accord que si les compensations étaient pleines et entières.

La Commission rejette les amendements SPE107 et SPE438.

Puis elle examine l’amendement SPE848 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article 76 est extrêmement important puisqu’il fixe le cadre des négociations et donc les contreparties, notamment salariales, accordées aux personnels privés du repos dominical. Il précise aussi la nature des engagements pris par les entreprises en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté et en situation de handicap. Nous souhaiterions que le « ou » soit remplacé par un « et ».

Notre amendement propose de réécrire partiellement cet article. Le texte actuel prévoit une négociation collective sans encadrement, sans plancher. Nous pensons qu’il serait plus juste de fixer dans la loi une compensation unique calquée sur les modalités actuelles les plus favorables, c'est-à-dire le doublement du salaire et le repos compensateur pour tous les salariés concernés, afin que les négociations collectives aillent plus loin. Au passage, je signale à notre rapporteur que ce n’est ni loyal ni très convainquant d’affirmer, comme il l’a fait tout à l’heure, que nous sommes contre la négociation collective.

En outre, nous souhaitons que ces négociations se fassent au niveau de la branche, le seul qui permette à l’ensemble des acteurs d’une profession de discuter de l’opportunité d’ouvrir le dimanche et des conditions dans lesquelles le faire. Cette prise de hauteur permet une forme de régulation de la concurrence. À l’inverse, au niveau plus étroit de l’entreprise, la négociation est plus déséquilibrée car l’employeur agite sans cesse la menace de la suppression d’emplois pour contraindre à la signature de l’accord. Quant à la négociation territoriale, on peut en discuter mais le problème est qu’elle est loin d’être stabilisée. Qui peut négocier ? De grandes incertitudes demeurent sur ce point dans certains endroits.

Monsieur le ministre, votre ambition serait de réduire les inégalités et de ne pas nuire aux petits commerces de centre-ville. Nous partageons ces objectifs mais nous considérons que, en l’état, votre texte ne permet pas de les atteindre. En ce qui concerne la réduction des inégalités, les progrès sont indiscutables dans les ZTI. Mais certains salariés, notamment ceux qui sont sous le régime des cinq dimanches du maire, bénéficieront d’un doublement de la rémunération avec repos compensateur, tandis que d’autres auront des contreparties issues de la négociation collective qui seront éventuellement moins favorables. Nous constatons que l’inégalité persiste. En ce qui concerne la protection des petits commerces, je répète que ce texte les pénalise de toute façon, parce qu’ils ne peuvent pas faire face à la concurrence des grandes enseignes ouvertes le dimanche, quelles que soient les conditions. La seule avancée réelle contenue dans cet article est la disposition qui conditionne l’ouverture à la signature d’un accord.

Venons-en à l’alinéa 8 : « Dans tous les cas, l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical. » Cette formulation laisse à penser qu’en cas d’échec de la négociation, l’employeur pourrait unilatéralement décider des contreparties. Cela ne correspond pas à vos explications et je souhaiterais une clarification sur ce point.

M. le président François Brottes. Nous pouvons constater que vous tenez une comptabilité précise des choses, madame Fraysse, et vos interventions permettent de lever des incertitudes qui peuvent parfois demeurer.

M. le ministre. Je remercie Mme Fraysse de noter les avancées existantes en ZTI mais il en existe partout. Pour les dimanches du maire, le principe du doublement est acquis. Pour les commerces alimentaires ouverts jusqu’à treize heures, j’ai indiqué que j’étais ouvert à l’idée de prévoir des compensations à partir de certains formats commerciaux, car il s’agit de ne pas pénaliser les petits commerces tout en étant juste sur le plan social.

Nous sommes plongés dans ce dilemme depuis le début de cette discussion : nous voulons protéger les salariés en prévoyant des compensations ; nous voulons aussi protéger les petits commerces qui sont ceux qui ont le moins la capacité de compenser le travail dominical. Ce dilemme nous oblige à prendre des précautions. C’est pour cela que nous n’avons pas retenu le principe unilatéral et permanent du doublement de la rémunération. Suite aux remarques de M. Poisson, nous avons discuté du fait que ce principe était retenu dans les seuls PUCE, ce qui créait des disparités et des inégalités. À partir du moment où l’on impose la conclusion d’un accord de branche, de territoire ou d’entreprise, la compensation est garantie par le dialogue social. Le Gouvernement croit aux vertus du dialogue social.

M. Gérard Cherpion. Il n’est pas le seul !

M. le ministre. Vous avez raison, nous n’en avons pas l’exclusive et la loi Larcher avait permis d’avancer en ce sens. Je ne fais pas ici de polémiques inutiles. Il y a une continuité sur ce sujet, mais nous allons jusqu’au bout. Il est un peu paradoxal de vouloir déterminer un niveau de compensation dans la loi pour tous les territoires et toutes les situations, tout en prétendant croire au dialogue social. C’est d’ailleurs comme cela que le dialogue social a été souvent stérilisé.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est déséquilibré, ce dialogue !

M. le ministre. Les options sont multiples puisque ce dialogue peut avoir lieu dans l’entreprise, la branche ou le territoire. Sans accord, il n’y a pas d’ouverture ; cet accord prévoit les règles de compensation. Pour le dimanche du maire, le doublement de la rémunération est maintenu dans la loi parce que le volontariat peut être très limité, non prévu, non contractuel. Pour le travail en soirée dans les ZTI, qui passe de vingt et une heures à minuit, le doublement de la rémunération est aussi inscrit dans la loi car il s’agit d’une dérogation au travail de nuit. Pour tout le reste, c’est le principe de l’accord qui s’applique.

Quant à l’alinéa 8, il répète la clause de sécurité : l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et le doublement de la rémunération s’impose. Le système est plus sûr et plus généreux que les dispositions actuelles. J’espère que ces rappels auront levé vos inquiétudes.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur thématique, Jacqueline Fraysse vous a fait un procès en déloyauté auquel vous souhaitez peut-être réagir.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Pardonnez-moi, madame Fraysse, pour cette maladresse de langage. En répondant à plusieurs amendements de suppression en même temps, on court ce risque. Je connais la valeur de l’apport du groupe GDR à la négociation collective et je comprends l’intention de votre amendement.

Nous convenons tous que les salariés privés de repos dominical doivent obtenir de justes compensations. Néanmoins, je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons : l’obligation d’un accord de branche va poser des problèmes dans certains secteurs d’autant qu’il peut exister des commerces qui ne relèvent d’aucune branche ; la fixation d’un plancher de rémunération au moins égal au double de la rémunération normale va désavantager les petits commerces qui seront le plus souvent incapables de respecter cette condition et ne pourront pas ouvrir, contrairement aux grands groupes.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais suggérer de fixer un plancher mais aussi un critère de taille de magasin – le nombre de mètres carrés, par exemple – qui permettrait de ne pas imposer cette obligation à ceux qui ne pourraient pas la supporter sur le plan financier. Nous pourrions travailler sur cette distinction. Qu’est-ce qu’un petit commerce ? Quelle surface ou quel autre critère retenir ? Cela maintiendrait une différence de traitement entre les salariés tout en l’atténuant considérablement, dans l’intérêt général de tous ces travailleurs privés du repos dominical.

Mme Karine Berger. L’échange entre notre collègue Fraysse et le ministre m’inspire trois remarques. Tout d’abord, j’en suis désolée mais je n’ai pas compris la réponse que le ministre a apportée à propos de la notion de « décision unilatérale de l’employeur » contenue à l’alinéa 8. Cette expression est-elle vraiment indispensable ? Mme Fraysse a raison de souligner que la formulation de cet alinéa – « Dans tous les cas, l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical » – trouble le message. Si l’on pouvait trouver une autre rédaction, je pense que cela rassurerait tout le monde.

Ensuite, ne peut-on pas essayer de trouver une limite de surface commerciale au-delà de laquelle s’appliqueraient des seuils de compensation ? Je suis bien convaincue que tout n’est pas possible dans les petits commerces mais je ne suis pas satisfaite de voir que de très grandes surfaces auront trois ans pour prévoir d’éventuelles compensations. C’est un peu ennuyeux. D’ici à la séance, ne pourrait-on décider qu’à partir d’une certaine surface commerciale, l’accord est non seulement nécessaire mais qu’il comporte aussi des compensations minimum ? Cette idée devait recueillir l’assentiment de l’ensemble de nos collègues. Enfin, d’une manière générale, je trouve que le délai de trois ans est très long.

M. le président François Brottes. Il faut aussi tenir compte de la nature de l’activité et de l’état de la concurrence pour déterminer si un commerce se trouve ou non en situation difficile. Il est peut-être possible de paramétrer tous ces critères mais cela me semble compliqué. Quoi qu’il en soit, le seul critère de surface n’est pas suffisant.

M. Jean-Louis Bricout. Dans la même logique, et en particulier pour les ouvertures accordées par le maire, il faut trouver un critère qui permette d’établir une différence entre la grande distribution et les petits commerces car ces derniers ne pourront pas supporter le doublement des rémunérations. La surface me semble être le critère le plus pertinent. Y en a-t-il d’autres ? D’ici à l’examen du texte en séance, il faut travailler sur ce point.

M. Jean-Christophe Fromantin. Comme vous, monsieur le président, je pense qu’il est impossible de retenir le seul critère de surface commerciale, sans tenir compte de la nature du commerce et de la valeur ajoutée qu’il dégage. Prenez un petit commerce de la place Vendôme et un magasin de 2 000 mètres carrés dans la banlieue d’une ville moyenne et vous aurez une idée de la difficulté de l’exercice. C’est la valeur ajoutée qui peut générer la capacité à absorber un supplément de rémunération et elle n’est pas forcément corrélée à la taille du commerce. Retenir un critère de surface relève du contresens économique : la capacité d’un magasin à absorber un supplément de rémunération dépend de ses marges et de sa valeur ajoutée.

M. le ministre. L’alinéa 8 s’inscrit dans un périmètre plus large et il couvre à la fois les accords et les dérogations préfectorales individuelles que nous avons évoquées précédemment. La « décision unilatérale de l’employeur » fait référence à la situation des dérogations préfectorales individuelles. Par souci de clarification, je vous propose de faire référence à l’article L.3132-20 lorsque l’on mentionne la décision unilatérale individuelle de l’employeur. Cette précision rédactionnelle permettrait de lever toute ambiguïté.

Comme plusieurs intervenants, je considère que le critère de taille n’est pas pertinent quand il s’agit de classer les commerces pour appliquer des seuils de compensations minimum. Certaines jardineries seraient pénalisées car elles occupent des surfaces immenses alors qu’elles sont assez peu profitables. Cependant, ce critère est plus pertinent pour les commerces alimentaires, où il n’y a pas de règles de compensation. Comme nous l’avons indiqué précédemment, nous proposons d’explorer cette voie d’ici à la présentation du texte en séance.

M. le président François Brottes. Vous avez donc pris l’engagement d’apporter cette précision en séance, monsieur le ministre.

La Commission rejette l'amendement SPE848 rectifié.

Elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1700 des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement SPE636 rectifié de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Après vos explications, monsieur le ministre, je vais le retirer.

Cela étant, je voudrais revenir sur l’alinéa 6 de cet article : « les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu au niveau territorial, soit par un accord conclu dans les conditions mentionnées au II de l’article L.5125-4. » Or ces conditions mentionnées au II de l’article L.5125-4 du code du travail concernent le maintien de l’emploi. Que viennent-elles faire dans cette liste ?

M. le ministre. Il s’agit en effet d’un renvoi aux conditions de l’accord de maintien de l’emploi. Plutôt que d’être générique, l’accord dans l’entreprise peut être facilité par l’application de ces conditions qui sont plus simples. Pour répondre à une partie des préoccupations exprimées dans votre amendement, même si vous l’avez retiré, je souligne qu’il est toujours possible de conclure un accord au bon niveau selon les modalités les plus simples. L’amendement SPE1871 des rapporteurs procède de la même philosophie.

L'amendement SPE636 rectifié est retiré.

La Commission examine l'amendement SPE1871 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Pour répondre à la problématique spécifique des petits commerces, l’amendement prévoit que dans les seules entreprises dépourvues de délégué syndical, il sera possible de mettre en place l’ouverture dominicale dérogatoire sur la base d’une proposition de l’employeur approuvée à la majorité des deux-tiers des salariés concernés.

L’obligation de conclure un accord collectif peut en effet poser un problème dans les petits commerces. Rappelons que, a priori, les entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas de délégué syndical et que les entreprises de moins de onze salariés n’ont pas de délégué du personnel.

Le texte prévoit que l’entreprise dépourvue de représentation syndicale peut conclure un accord sur la base de la procédure de mandatement du salarié qui s’applique dans le cadre des accords de maintien de l’emploi. Cette procédure suppose toutefois un mandatement par des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel. Autrement dit, dans la pratique, il sera très compliqué pour un petit commerce d’être couvert par un accord. Mon amendement tend à pallier cette difficulté.

M. le ministre. Monsieur Cherpion, la référence à l’article L. 5125-4 a été insérée dans le texte à la demande du Conseil d’État, de manière à englober les entreprises dépourvues de délégué syndical, que l’accord d’entreprise de droit commun ne couvrait pas.

C’est également l’objet de l’amendement du rapporteur, qui propose que, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, le travail dominical fasse l’objet d’une proposition de l’employeur approuvée par les deux tiers des salariés. S’il devait être retenu, il doit être clair qu’il ne doit en aucun cas s’agir d’une voie de contournement du dialogue social classique. Les réserves du Gouvernement concernent plus particulièrement le périmètre d’une telle mesure : si elle se justifie pleinement dans les entreprises comportant moins de onze salariés où n’existe aucune représentation, doit-elle s’appliquer dans les entreprises où existe un représentant du personnel, c’est-à-dire dans les entreprises comportant entre onze et cinquante salariés ? N’ayant pour autant aucune opposition de principe à une telle proposition, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement SPE1871.

En conséquence les amendements SPE1829 et SPE108 tombent.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement SPE1872 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement précise que les accords collectifs devront obligatoirement comporter des contreparties salariales pour les salariés privés de repos dominical.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1872.

Puis elle examine l’amendement SPE783 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Vigier. Je retire cet amendement, tout en insistant sur le fait qu’il importe de poursuivre une vraie réflexion sur la valeur ajoutée des commerces soumis aux règles régissant le travail dominical.

L’amendement SPE783 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements SPE1876 des rapporteurs, SPE1065 de M. Alain Tourret, SPE1136 de M. Joël Giraud et SPE1034 de Mme Catherine Coutelle.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement complète l’amendement SPE1872 et prévoit qu’en complément des contreparties salariales, l’accord collectif inclue obligatoirement des mesures destinées à tenir compte des contraintes particulières liées au travail dominical, afin de faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

M. Alain Tourret. Nous proposons d’instaurer un plancher minimal pour les majorations salariales perçues en cas de travail dominical.

Mme Sandrine Mazetier. Les accords d’entreprise doivent explicitement prévoir des mesures destinées à faciliter l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, notamment en matière de garde d’enfant.

M. le ministre. La philosophie de ce texte est plutôt d’éviter les effets de seuil ou les coefficients multiplicateurs. Je proposerai donc à M. Tourret de retirer ses amendements.

Quant à l’amendement de Mme Mazetier, je pense qu’il est satisfait par l’amendement SPE1876, auquel je suis favorable.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement des rapporteurs ne me paraît pas satisfaire l’amendement SPE1034, déposé par la délégation aux droits des femmes. Je le retire néanmoins, quitte à le redéposer en séance.

Les amendements SPE1065, SPE1136 et SPE1034 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement SPE1876.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’attire l’attention de la commission sur l’engrenage dans lequel nous avons mis le doigt, en inscrivant dans la loi que les accords sur le travail dominical doivent tenir compte de la manière dont les travailleurs doivent pouvoir faire garder leurs enfants ou se déplacer. Nous dénoncions déjà, il y a cinq ans, la multiplication des enjeux sociaux liés à cette question du travail dominical, et je ne peux que le regretter.

M. le président François Brottes. À vous écouter, je ne sais trop comment interpréter les regrets dont vous nous faites part et ce sur quoi ils portent précisément.

La Commission en vient à l’examen, en présentation commune, des amendements SPE295 et SPE296 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Ces amendements visent à fixer a minima les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical sur l’ensemble du territoire. Dans cette perspective, il est proposé, d’une part, que la rémunération soit majorée d’au moins un tiers – ou d’au moins un quart, selon notre amendement de repli – de la rémunération due pour une durée équivalente et, d’autre part, que la période travaillée donne lieu à un repos compensateur d’une durée au moins équivalente. Cela permettra d’éviter les abus de la part des employeurs et garantira le volontariat chez les salariés.

M. le ministre. Je ne suis pas favorable à la fixation d’un taux plancher dans la loi, qui risque d’inciter les employeurs à y coller. Qu’il s’agisse des exemples de Marseille ou de Saint-Malo, ils montrent que des négociations au plan local peuvent permettre d’aboutir à des compensations plus avantageuses que ce que prévoit la loi. Soucieux de ne pas complexifier inutilement la loi, le Gouvernement préfère donc renvoyer aux accords sinon le principe du moins le montant des compensations. Je demande donc le retrait de ces amendements.

Mme Colette Capdevielle. J’admets que fixer un plancher dans la loi comporte le danger de tirer les compensations vers le bas. Je retire donc mes amendements.

Les amendements SPE295 et SPE296 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement SPE1473 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je continue de m’étonner, compte tenu de la profitabilité des commerces situés dans les ZTI, que l’article L. 3132-24 ne fixe aucun minimum en matière de rémunération ou de repos compensateur.

L’objet de cet amendement est que, dans les ZTI, les compensations prévues par les accords dont le principe est affirmé par l’article 76 vaille pour tous les intervenants dans les établissements. Il s’agit de couvrir les travailleurs qui ne sont pas directement salariés par ces établissements.

M. le ministre. N’oublions pas que notre discussion ne porte que sur le commerce de détail et que les garanties en termes de compensations ne concerneront que les salariés du secteur et non, par exemple, les infirmières ou les employés de la SNCF. D’où la nécessité de faire attention aux effets de bord entre les différents secteurs.

Vous soulevez néanmoins une vraie question en évoquant le cas des intervenants extérieurs réalisant des prestations dans les établissements situés au sein des zones concernées. Ces salariés peuvent en effet relever de conventions collectives qui n’entrent pas nécessairement dans le champ des accords collectifs, dès lors, par exemple, que leur société de rattachement a son siège dans une autre localité. Il s’agit d’un problème auquel nous n’avons pas trouvé de solution satisfaisante, et votre amendement, tel qu’il est rédigé, comporte de trop grands risques d’insécurité juridique. Je vous suggère donc de le retirer, et m’engage à travailler avec M. Rebsamen pour vous proposer, d’ici la discussion du texte en séance publique, une réponse juridiquement appropriée.

J’ajoute qu’au-delà des intervenants extérieurs au sein des magasins, cette question des compensations se pose, par contamination, pour les transporteurs sollicités par ces magasins le dimanche et ainsi de suite, jusqu’à concerner, secteur après secteur, l’ensemble de l’économie. Il est donc impératif que nous trouvions des solutions.

Mme Karine Berger. Le ministre est hostile à la fixation d’un montant minimum de compensation salariale dans la loi au motif que cela inciterait les employeurs à converger vers ce minimum. La loi établit pourtant de fait un minimum : l’absence de majoration salariale, et je ne vois pas ce qui empêchera les employeurs de vouloir s’en rapprocher. Cela m’amène à mon second sujet de préoccupation. Il y a tout lieu de craindre, en effet, qu’en mettant en place des dispositifs qui ne couvrent qu’une partie des salariés concernés par le travail dominical, on laisse ouvertes des possibilités de contournement de ces dispositifs, par le biais par exemple de systèmes de franchise ou de sous-traitance, qui annuleront tous les effets des accords collectifs. Dans ces conditions, agissons-nous de manière responsable en ouvrant comme nous le faisons le travail dominical, si nous ne sommes pas capables de mieux protéger les salariés concernés ? Je tiens ici à préciser à Jean-Frédéric Poisson que ce n’est pas parce que je m’efforce de fournir à ces salariés la couverture sociale et les compensations les plus complètes possible que je suis forcément d’accord avec le fait de multiplier les exceptions au repos dominical.

M. Patrick Hetzel. Les auteurs de cet amendement parlent du repos dominical comme d’un acquis social. C’est oublier un peu vite qu’il trouve sa source dans un ouvrage de la tradition judéo-chrétienne qui a dû leur échapper…

M. Christophe Caresche. Je ne suis pas aussi pessimiste que Karine Berger, et je me demande même si nous ne sommes pas en train de mettre en place un mécanisme contagieux, qui va permettre à d’autres salariés, comme d’ailleurs à des fonctionnaires, de revendiquer de nouvelles conditions de travail.

Mme Sandrine Mazetier. Faut-il déduire des propos de Christophe Caresche qu’il considère que tout amendement visant à inscrire des contreparties salariales dans un accord collectif entraîne mécaniquement une hausse des charges publiques ?

L’amendement SPE1473 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE1701 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 76 modifié.

Après l’article 76

La Commission est saisie de l’amendement SPE1220 de M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit de prévoir que la Commission nationale de la négociation collective inclue dans ses missions le suivi annuel des dispositions des accords collectifs sur le travail dominical, en particulier celles visant à favoriser l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle ainsi que les mesures prises en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. le ministre. Je partage l’objectif poursuivi par cet amendement, mais le bilan annuel de la négociation collective permet aujourd’hui aux partenaires sociaux de suivre la réalité de la négociation. Les dispositions relatives au travail dominical font l’objet d’un point particulier dans ce bilan, à l’instar des accords en matière d’égalité professionnelle. Votre amendement est donc satisfait.

L’amendement SPE1220 est retiré.

Article 77 : Volontariat des salariés qui travaillent le dimanche

La Commission examine les amendements identiques SPE109 de M. Gérard Cherpion et SPE439 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à étendre, dans l’hypothèse d’un maintien de la législation actuelle, la condition préalable du volontariat des salariés à toute ouverture d’un commerce le dimanche dans les zones touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation permanente.

M. le ministre. Le dispositif mis en place par la loi fait du volontariat la règle, à l’exception des cas où le travail dominical est payé double. Ce volontariat est formalisé par le code du travail, soumis à la signature du salarié et réitéré chaque année. Par ailleurs, l’amendement SPE1878 des rapporteurs, qui complète le dispositif, me paraît satisfaire votre amendement.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. J’indique que l’amendement SPE1878 a pour objet de garantir expressément la réversibilité du choix du salarié, y compris lorsque existe un accord collectif.

Les amendements SPE109 et SPE439 sont retirés.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements SPE854 et SPE856 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement SPE854 vise à maintenir le troisième alinéa de l’article L. 3132-25-4 du code du travail, qui stipule que « l’accord collectif prévu au premier alinéa de l’article L. 3132-25-3 fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical ». Cette précision nous paraît essentielle, à la fois pour que les employeurs mesurent l’impact du travail dominical sur la vie des salariés concernés et pour que des ajustements puissent, le cas échéant, être apportés.

Nous considérons par ailleurs que les salariés n’ont pas toujours le choix du volontariat et que celui-ci est trop souvent une condition d’embauche et une condition à la pérennité de l’emploi, en particulier en période de fort chômage, lorsque l’asymétrie de la relation entre l’employeur et l’employé s’aggrave au détriment du salarié. Pour que le volontariat ne constitue pas une condition d’embauche, comme le texte tend d’ailleurs à l’interdire à l’alinéa 5 de l’article 81 sur le travail nocturne, il est absolument nécessaire qu’il fasse l’objet d’un accord écrit, distinct du contrat de travail et signé à la fin de la période d’essai du salarié, afin d’éviter toute discrimination à l’embauche en amont. C’est l’objet de l’amendement SPE856.

M. le ministre. L’amendement SPE854 est satisfait. En effet, les termes de l’alinéa auquel vous faites référence ont été repris à l’identique à l’article 76.

En ce qui concerne le volontariat, il devient la règle générale. De surcroît, en inscrivant dans la loi la réversibilité du choix du salarié, l’amendement SPE1878 le déconnecte des critères d’embauche, ce qui satisfait votre amendement.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Je partage l’avis du ministre.

L’amendement SPE854 est retiré.

La Commission rejette l’amendement SPE856.

Puis, suivant l’avis favorable du ministre, elle adopte successivement deux amendements des rapporteurs : l’amendement rédactionnel SPE1877 et l’amendement SPE1878 qui vise à garantir expressément la réversibilité du choix du salarié de travailler le dimanche, y compris en présence d’un accord collectif.

Elle en vient ensuite à l’amendement SPE853 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le code du travail prévoit que les employeurs sont tenus chaque année de demander à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi respectant le repos dominical. L’employeur doit également, à cette occasion, informer le salarié de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Cette disposition essentielle permet au salarié de renouveler son volontariat annuellement. Nous proposons qu’elle soit applicable, qu’il existe ou non un accord collectif dans l’entreprise.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Cet amendement est pleinement satisfait par l’amendement SPE1878. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement SPE853 rectifié.

Puis elle adopte l’article 77 modifié.

Article 78 : Extension aux commerces alimentaires du régime dérogatoire des zones touristiques internationales et des commerces situés dans l’emprise des gares

La Commission examine les amendements de suppression identiques SPE110 de M. Gérard Cherpion, SPE440 de M. Patrick Hetzel et SPE858 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Véronique Louwagie. Aux termes de l’article 78, les commerces de détail alimentaire situés dans les ZTI ou les gares restent soumis, pour la période du dimanche s’achevant avant 13h00, à la règle actuellement en vigueur, c’est-à-dire que leurs salariés ne bénéficient d’aucune contrepartie. Après 13h00 en revanche, le repos hebdomadaire pourra être accordé par roulement à tout ou partie du personnel, selon les modalités prévues par l’accord collectif. Il en résulte cette situation paradoxale que des salariés employés dans le même commerce seront soumis à des régimes différents selon qu’ils travaillent le matin ou l’après-midi. Nous proposons donc la suppression de cet article, pour remédier à cette rupture d’égalité.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 78 étend au-delà de 13h00 la possibilité d’ouverture des commerces de détail alimentaire, disposition que nous contestons, eu égard aux spécificités du commerce à dominante alimentaire. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, bien que favorable à une extension généralisée du travail dominical – ce que je regrette –, s’est lui-même prononcé publiquement en faveur du maintien de la fermeture obligatoire de ces commerces à 13h00. Il considère en effet que l’extension des amplitudes horaires d’ouverture nuirait fortement à l’attractivité de ces métiers, déjà contraignants et qui connaissent des difficultés de recrutement. Afin, comme le ministre en a exprimé le souhait, de ne pas porter préjudice au petit commerce, nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le ministre. L’article 78 sert à coordonner le dispositif que l’on met en place avec ce qui existe dans le commerce alimentaire, et sa suppression me semble aller à l’encontre des objectifs que vous poursuivez. Il permet en effet aux petits commerces alimentaires installés dans les ZTI ou les gares de conserver leur régime actuel en cas d’ouverture dominicale jusqu’à treize heures, sans être soumis aux contraintes qui s’appliquent à leur zone d’implantation en termes de compensations.

La plupart des petits commerces alimentaires qui ouvrent le dimanche matin n’appliquent guère de compensations ou appliquent, comme dans la boulangerie ou la boucherie, des compensations résultant d’accords de branche. Leur appliquer les mêmes règles qu’aux autres commerces reviendrait à tuer le commerce de proximité dans les ZTI et les gares. Cela posé, si ces commerces décident d’ouvrir après 13h00, c’est qu’ils considèrent que c’est dans leur intérêt. Ils peuvent alors le faire, avec l’accord des salariés et en appliquant les conditions de compensations en vigueur dans la ZTI ou la gare. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Je partage cet avis, tout en proposant, à l’article 79, un amendement clarifiant le dispositif s’appliquant aux gares.

M. Jean-Yves Caullet. Il est normal que les commerces alimentaires situés dans les ZTI soient soumis à un système de compensations s’ils décident d’ouvrir le dimanche après-midi. Mais, dans la mesure où les ventes de denrées alimentaires sont assez faibles à ce moment de la semaine, ce système de compensations risque de dissuader bon nombre de ces commerces d’ouvrir, ce qui, mécaniquement, va rétablir la concurrence avec les commerces situés hors zone, qui n’ont pas, eux, la possibilité d’ouvrir le dimanche après-midi.

Mme Sandrine Mazetier. Les ZTI se caractérisent par une affluence exceptionnelle et internationale, et c’est précisément pour profiter du pouvoir d’achat des touristes étrangers qu’on crée ces zones. Les baux commerciaux y atteignent des tarifs exorbitants, et il me semble que les commerces – y compris les commerces de bouche – qui peuvent les assumer ont tout à fait les moyens d’accorder à leurs employés des compensations salariales. Les ZTI sont des zones d’hyperprofitabilité, et il est normal que le principe du gagnant-gagnant s’y applique à tous.

Mme Véronique Louwagie. Je reste inquiète de la disparité des situations qui vont coexister dans ces zones, avec tous les risques de rupture d’égalité et de distorsion de concurrence que cela comporte.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il est bien temps de s’apercevoir des distorsions de concurrence qui ont cours aujourd’hui ! C’est à les réduire, en quantité et en amplitude, que nous travaillons avec cette loi. Il me semble que c’est un progrès, même si tout n’est pas encore parfait.

Mme Véronique Louwagie. Les gestionnaires de paie ont encore de beaux jours devant eux !

La Commission rejette les amendements SPE110, SPE440 et SPE858.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1702 des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement SPE1879 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement propose d’unifier le régime applicable aux commerces alimentaires situés en gare ou en ZTI pour lesquels le texte prévoit qu’ils pourront ouvrir le dimanche toute la journée. En effet, je considère qu’il serait anormal que, dans un même commerce, le salarié qui travaille le dimanche matin ne bénéficie d’aucune compensation salariale, puisque cela n’est pas obligatoire pour les commerces ouverts jusqu’à 13h00, tandis que son collègue travaillant le dimanche après-midi bénéficie quant à lui d’une majoration salariale. Les heures du matin et de l’après-midi n’ont pas de raison d’être distinguées, et il est donc proposé de s’aligner sur le mieux-disant, en prévoyant que, dès qu’un commerce alimentaire, en gare ou en ZTI, souhaite ouvrir toute la journée, il est soumis au régime dérogatoire le plus favorable au salarié.

M. le ministre. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement SPE1879.

Puis elle adopte l’article 78 modifié.

Article 79 : Nouveau régime applicable aux commerces situés dans l’emprise d’une gare

La Commission examine les amendements de suppression identiques SPE111 de M. Gérard Cherpion, SPE442 de M. Patrick Hetzel et SPE1372 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Gérard Cherpion. Les dispositions de l’article 79 relatives aux gares relèvent plus du décret que de la loi, comme c’est le cas, par parallélisme des formes, pour les aéroports. Par ailleurs, l’arrêté visé à l’alinéa 3 autorisant l’ouverture des commerces situés dans l’emprise des gares qui n’appartiennent pas à une ZT, une ZC ou une ZTI ne prévoit aucune concertation avec les commerces concernés.

M. Jean-Louis Roumegas. En demandant la suppression de cet article, nous sommes cohérents avec notre refus des ZTI.

M. le ministre. M. Cherpion a raison, ces mesures pourraient être prises par décret, comme c’est le cas pour les aéroports. Mais, par décret, il n’y aurait pas de compensations. C’est donc pour que ces commerces soient soumis au dispositif de compensations que nous avons choisi la loi.

Par ailleurs, les gares, à la différence des aéroports, s’inscrivent dans le tissu urbain, et il est donc normal qu’elles soient soumises aux mêmes règles que les autres zones concernées par ces mesures. Avis défavorable.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Même avis.

M. Gérard Cherpion. À vous entendre, monsieur le ministre, il vaut donc mieux travailler dans une gare que dans un aéroport…

Mme Karine Berger. J’ai du mal à saisir la philosophie qui sous-tend l’article 79. Que l’on veuille faciliter l’ouverture des commerces le dimanche dans les zones à forte densité internationale est une chose, et cela peut en effet concerner les aéroports. Mais cela n’a pas grand-chose à voir avec les gares qui, de surcroît, sont, à la différence des aéroports, situées au cœur des villes. Pourquoi, dans ce cas-là ne pas étendre les exceptions au repos dominical aux gares de RER ou aux stations de métro ?

M. le président François Brottes. Toutes les gares ne sont pas à l’intérieur des villes. Prenez l’exemple des gares TGV, à Valence ou à Avignon.

M. Gilles Savary. Je ne comprends pas non plus pourquoi les gares et les aéroports – où, d’ailleurs des dispositifs de compensations plutôt généreux ont déjà été négociés avec les employeurs – seraient soumis à des régimes différents. Le ministre argue que les unes sont en ville et les autres à l’extérieur, mais cette distinction, on vient de le dire, n’est pas pertinente. Par ailleurs, les aéroports sont au premier chef des zones touristiques puisque ce sont des zones frontières.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les touristes ne viennent pas en France que par avion ; ils empruntent aussi le train. D’autre part, les gares ou les aéroports sont aussi des zones de transit, dont on ne sort pas entre deux correspondances et où l’on peut avoir envie de faire des achats.

Mme Karine Berger. L’article ne vise-t-il que les gares déjà classées dans des zones touristiques ? La gare de Gap, qui se caractérise d’autant moins par une forte affluence internationale qu’elle n’accueille plus assez de trains, relèvera-t-elle désormais des dispositions qu’il instaure pour l’ouverture des commerces le dimanche ?

M. le ministre. Toutes les gares situées en zone touristique sont concernées, les gares ferroviaires comme les gares maritimes. Par ailleurs, l’article établit un critère d’affluence exceptionnelle de passagers – qui ne concerne pas, me semble-t-il, la gare de Gap – permettant d’étendre par arrêté le régime de dérogation au repos dominical à certaines gares. Le ministère et la SNCF ont identifié une dizaine de ces gares, où l’ouverture des commerces le dimanche permettrait la création, directe ou indirecte, de deux mille emplois. En ce qui concerne spécifiquement les gares maritimes, plusieurs demandes ont été adressées en ce sens au ministère ; elles émanent toutes pour l’instant de l’outremer.

J’ajoute que, comme le faisait observer M. Savary, nous pourrions, par esprit de système, inclure les aéroports, où existent déjà des accords de compensation, dans ce dispositif. Nous allons y travailler.

M. le président François Brottes. D’autant que certaines gares sont aussi des aéroports – je pense à Lyon-Saint-Exupéry.

Mme Karine Berger. Les dix gares auxquelles fait allusion le ministre ne sont-elle pas déjà classées en zone touristique ? De quelles gares s’agit-il ?

M. le ministre. La gare Saint-Lazare n’est ni en ZT ni en ZTI. D’où la nécessité d’établir un critère d’affluence. De la même manière, tous les aéroports ne sont pas non plus en zone touristique.

La Commission rejette les amendements SPE111, SPE442 et SPE1372.

Elle examine ensuite l’amendement SPE1880 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement propose de simplifier la rédaction de l’article 79 en supprimant l’alinéa spécifique aux commerces situés dans l’emprise des gares incluses dans les ZTI, les ZT ou les ZC. En effet, une telle précision n’a pas lieu d’être, car un commerce de gare, dans l’une de ces zones, relève déjà du dispositif spécifique d’ouverture applicable à ces zones. Il n’y a donc lieu de conserver que le dispositif applicable aux commerces des gares situées hors d’une zone dérogatoire.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1880.

L’amendement rédactionnel SPE1703 des rapporteurs tombe.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel SPE1130 de M. Alain Tourret.

Puis elle examine les amendements identiques SPE112 de M. Gérard Cherpion et SPE441 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à promouvoir le dialogue social, en permettant la consultation des commerces situés dans l’emprise des gares concernées avant signature de l’arrêté autorisant leur ouverture.

M. le ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis du rapporteur thématique, la Commission adopte les amendements SPE112 et SPE441 à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 79 modifié.

Article 80 : Dimanches du maire

La Commission est saisie des amendements identiques SPE113 de M. Gérard Cherpion, SPE444 de M. Patrick Hetzel, SPE860 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1356 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Gérard Cherpion. Nous proposons de supprimer cet article qui vise à rendre obligatoire l’ouverture des commerces cinq dimanches par an et à laisser un maximum de sept dimanches supplémentaires à la discrétion du maire. En effet, notre discussion montre que cette mesure conduirait à des baisses de chiffres d’affaires pour les commerces de proximité. Selon les estimations, l’extension des dérogations pourrait supprimer à terme jusqu’à 200 000 emplois. On est loin de la croissance et de l’activité !

M. Patrick Hetzel. Aucune étude d’impact ne permet d’estimer le nombre d’emplois que cette disposition permettrait de créer ; en revanche, nous savons qu’elle mènera à la suppression d’emplois dans les commerces de proximité.

Mme Jaqueline Fraysse. Cet article, d’une part, rend obligatoires les cinq dérogations au repos dominical délivrées par les maires, et d’autre part, porte le nombre de dérogations possibles de cinq à douze. Nous ne voyons pas l’intérêt de ces dispositions. J’ai cru comprendre que le ministre était disposé à revenir sur l’obligation d’accorder cinq dimanches travaillés ; il faut en effet faire confiance aux élus locaux pour autoriser ces ouvertures seulement s’ils les jugent utiles.

Rien ne justifie non plus la possibilité de multiplier les dérogations jusqu’à douze par an. L’étude d’impact met en exergue la nécessité de permettre aux commerces d’ouvrir le dimanche en période de soldes et en fin d’année – ce qui coïncide avec les cinq dimanches déjà autorisés –, et au plus fort des saisons touristiques – besoin couvert dans votre projet par les dispositions concernant les ZT et les ZTI.

Par ailleurs, ni l’étude d’impact ni l’expérience ne prouvent que cette mesure contribuerait à l’objectif affiché du texte : stimuler la croissance et la création d’emplois. Auditionné par la mission d’information et d’évaluation de la ville de Paris en septembre dernier, le directeur adjoint au département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a estimé qu’elle ne produirait pas d’effets significatifs sur l’emploi, mais risquerait de rompre l’équilibre entre le petit commerce et la grande distribution. Plus généralement, selon l’OFCE, l’ouverture dominicale conduira à des transferts de dépenses entre les secteurs économiques et non à une augmentation de la consommation, les budgets des consommateurs n’étant pas extensibles.

Au-delà de leur nombre, le type d’emplois éventuellement créés pose également problème. Ainsi, le dispositif est censé profiter aux étudiants ; mais s’ils travaillent moins de soixante heures par mois, ceux-ci ne seront pas couverts par le régime général de la sécurité sociale. De plus, la mutuelle étudiante ne couvre les accidents du travail que s’ils sont en relation avec leurs études. Ces deux aspects devraient être approfondis.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet article procède à une véritable banalisation du travail du dimanche. Non seulement introduit-il la possibilité, pour les maires, d’autoriser jusqu’à douze dimanches travaillés par an, mais en plus il transforme la possibilité actuelle d’en permettre cinq en une obligation, alors que, souvent, seuls trois dimanches – qui précèdent les fêtes de fin d’année – sont de fait utilisés.

La mesure apparaît purement idéologique car les justifications avancées pour les ZT et les ZTI – la possibilité d’augmenter le chiffre d’affaires grâce à un surcroît d’activité – ne peuvent pas être invoquées. Pour les dimanches du maire, il ne pourra s’agir que d’un transfert, le chiffre d’affaires se retrouvant étalé sur sept jours au lieu de six. En revanche, ce jour supplémentaire d’ouverture générera des charges additionnelles, et c’est le petit commerce qui en souffrira le plus. Les élus locaux savent bien que le travail dominical profite au commerce indépendant qui survit souvent grâce à des horaires décalés par rapport aux grandes enseignes ; l’extension de la dérogation à douze dimanches lui portera atteinte. On ne peut que regretter que les effets de cette mesure aient été mal évalués dans l’étude d’impact.

Le ministre s’apprête à revenir sur le caractère obligatoire des cinq dimanches travaillés ; mais la possibilité d’en autoriser douze est tout aussi problématique. En effet, elle produira un effet d’entraînement : la décision d’un maire de permettre l’ouverture des commerces douze dimanches mettra les communes voisines sous pression, créant les conditions du développement du travail dominical. Nous avons au contraire besoin d’une règle qui n’exacerbe pas la concurrence entre communes et entre grandes enseignes et petits commerces.

M. le président François Brottes. Le petit commerce n’est pas toujours indépendant !

Monsieur le rapporteur général, avant de demander son avis au ministre, je vous invite à présenter votre amendement SPE1881 qui change en profondeur les dispositions de l’article.

M. le rapporteur général. Ce texte – nous l’avons tous admis au fil de nos débats – est inspiré par la volonté de conférer aux acteurs économiques et territoriaux une plus grande capacité d’initiative et d’action, élargissant le champ des possibles. Fixer un quota obligatoire de dimanches travaillés constitue à cet égard une exception paradoxale, d’autant que l’examen de ce texte sera suivi par celui du projet de loi de Mme Lebranchu sur la décentralisation, qui proposera de donner plus de responsabilités aux acteurs locaux. C’est pourquoi Stéphane Travert, Jean-Yves Caullet – au nom du groupe SRC – et l’ensemble des rapporteurs ont engagé une discussion avec le Gouvernement pour faire valoir que par souci de cohérence avec l’esprit du projet de loi, il fallait laisser l’initiative élargie aux élus locaux, les mieux placés pour adapter la possibilité de l’ouverture dominicale des commerces de détail aux réalités territoriales. En effet, le groupe de travail prévenait clairement que, les besoins et les volontés locales n’étant pas partout les mêmes, les pratiques différaient selon les territoires. Nous proposons donc que les cinq jours restent à la main des maires ; au-delà, il faudrait trouver un accord à l’échelle de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui détient généralement la compétence économique.

Monsieur Roumegas, je trouve étrange qu’alors que nous sommes tous acquis à la cause de la décentralisation et affirmons avec véhémence que les élus locaux connaissent mieux que quiconque les réalités et les besoins du terrain, à la moindre tentative de leur donner plus de facultés, on crie au danger de la compétition entre les territoires. Il faut pourtant choisir : réduire les compétences des élus ou bien leur faire confiance. Je fais partie de ceux qui souhaitent que les libertés locales se développent ; c’est pourquoi nous avons collectivement plaidé auprès du ministre de ne pas faire de l’élargissement des possibilités du travail dominical une exception. À un moment où l’on souhaite assouplir beaucoup de règles, il serait paradoxal de créer une rigidité nouvelle en rendant obligatoires cinq dimanches travaillés sur douze. Il faut qu’ils restent tous possibles, au nom du respect des libertés locales et de l’adaptation aux besoins des territoires. Voilà l’esprit de cet amendement.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, à l’aune de l’amendement à venir que vient de présenter le rapporteur général, quel est votre avis sur les amendements de suppression ?

M. le ministre. Je ne reviendrai pas sur les raisons pragmatiques qui nous ont conduits à proposer le nombre de douze dimanches. Les arguments qui pointent l’incohérence du caractère obligatoire des cinq dimanches travaillés – avancés notamment par M. Cherpion – me semblent justes ; ce point est corrigé par l’amendement des rapporteurs. Le risque de comportements non coopératifs entre les communes, mis en avant par plusieurs d’entre vous – en particulier par les rapporteurs –, n’a pas été suffisamment identifié. L’idée de disposer d’une soupape au-delà du seuil actuel, soumise au contrôle de l’EPCI, me paraît répondre aux préoccupations exprimées. J’émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression et favorable à l’amendement des rapporteurs.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur Ferrand, vous défendez la décentralisation dans le cas des douze dimanches, mais non dans celui des ZTI puisque vous acceptez d’imposer à la maire de Paris des ouvertures dominicales dont elle ne veut pas ! Deux poids, deux mesures…

Ne nous y trompons pas : la possibilité d’ouverture dominicale mettra automatiquement les communes en concurrence. Sans rien imposer formellement aux maires, on crée une situation où la pression des communes avoisinantes rend l’ouverture obligatoire. Cet effet pervers obéit à la logique de l’économie libérale où c’est l’absence même de règles qui pousse les gens à la concurrence exacerbée. La loi devrait protéger, y compris dans le cas du travail du dimanche ; cette idée est admise par tous, même par les tenants de l’économie libérale – parfois moins libéraux que le Gouvernement actuel.

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur Roumegas, alors que les maires sont aujourd’hui totalement libres d’accorder jusqu’à cinq dimanches travaillés, ils en ont très fréquemment autorisé moins ; la mécanique censée conduire tout le monde à atteindre le maximum n’est donc pas vérifiée. D’ailleurs, les communes qui en sont à zéro, un ou deux dimanches travaillés par an nous ont fait part de leurs réticences face à l’obligation de monter jusqu’à cinq – d’où la proposition des rapporteurs que le ministre vient d’approuver. Le fait de fixer le maximum à douze dimanches, pas plus que celui de le fixer à cinq, ne conduira mécaniquement tous les élus, dans une sorte de panurgisme irresponsable, à utiliser cette possibilité.

M. Jean-Louis Bricout. La décision du maire n’empêche pas les interactions entre les commerces. Si Saint-Quentin accorde douze dimanches par an, la ville de 6 000 habitants dont je suis maire – située à trente kilomètres, mais ne faisant pas partie du même EPCI – fera face à une fuite des flux commerciaux. Étant donné ces interactions, je préférerais être partie prenante de la zone de chalandise.

M. le président François Brottes. En effet, les élus doivent organiser leur territoire en fonction de la manière dont vivent leurs administrés, et il est utile que les intercommunalités s’appuient sur de vrais bassins de vie !

M. Christophe Castaner. Il s’agit d’un amendement de transparence démocratique. Aujourd’hui, le maire prend la décision d’accorder jusqu’à cinq dimanches travaillés seul, dans l’opacité de son bureau et peut-être sous la pression – particulièrement bien organisée – des commerçants. Aux termes de l’amendement des rapporteurs, cette décision devra passer devant le conseil municipal ; au-delà de cinq dimanches, pour réduire les risques de concurrence territoriale – à condition d’avoir une organisation spatiale cohérente –, elle sera discutée au niveau de l’EPCI, cadre des migrations pendulaires qui font le quotidien de nos territoires. Le dispositif revient sur le droit acquis du maire de disposer librement des cinq dimanches et met en place un processus démocratique et transparent qui l’oblige à consulter le conseil municipal et donc à informer la population.

M. Gilles Savary. J’ai évoqué ce matin les disparités entre les communes dont certaines ne souhaitent accorder aucun dimanche afin de ne pas déstabiliser leurs petits commerces ; en autorisant entre zéro et douze dimanches travaillés, on leur apporte une solution. Certes, on pourrait, dans un esprit radicalement décentralisateur, conférer aux maires la liberté d’accorder autant de dimanches qu’ils le souhaitent dans l’année ; mais il manquerait alors une limite. Avec le seuil de douze dimanches, le texte apparaît équilibré ; l’obligation de consulter le conseil municipal et l’EPCI représente une avancée de transparence remarquable, gage de démocratie et d’équilibre au-delà du niveau communal. L’objection de Jean-Louis Bricout montre toutefois qu’il faut affiner le dispositif ; en cas de risque de déstabilisation à l’intérieur d’une zone de chalandise, il peut être utile de demander l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial. En tout état de cause, l’amendement des rapporteurs ménage la diversité des situations locales de façon plus satisfaisante encore que les textes antérieurs.

Mme Karine Berger. Il va de soi qu’il faut garder le principe de la décision locale et s’efforcer de tenir compte des zones de chalandise. Mais si l’association du conseil municipal constitue une amélioration indéniable, il s’agit bien de passer de cinq à douze dimanches. Or à ce niveau, on ne peut plus parler d’une exception, mais d’une habitude. Si cette proposition est adoptée, certaines communes ouvriront désormais leurs commerces tous les premiers dimanches du mois. On procède donc à une banalisation du travail du dimanche. Dès lors, pourquoi ne pas autoriser quatorze, vingt ou vingt-six dimanches par an ? Souhaite-t-on réellement préserver le caractère exceptionnel de l’ouverture dominicale des commerces en France ?

M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas d’une règle puisque l’ouverture reste optionnelle.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je reprendrais à ma façon la question de Karine Berger. Si l’élargissement de la possibilité de travailler le dimanche répond à l’ambition de renforcer la justice et la cohérence des règles – objectif éminemment positif –, pourquoi le limiter ? Puisqu’on crée l’habitude d’un dimanche travaillé par mois, pourquoi frustrer ceux qui voudraient en profiter davantage ? En effet, même s’il ne s’agit que d’une faculté et que le maire ne peut plus en décider seul, le seuil de douze dimanches par an nous fait quitter le registre de l’exception – que nous avions préservé dans la loi de 2009 en maintenant ce nombre à cinq, malgré les tentations. Aujourd’hui, vous l’augmentez, ouvrant une porte qui n’a été qu’entrebâillée il y a cinq ans. Vous considérez donc que l’engagement dans le travail dominical ne rencontre plus de problème de principe ; à vous d’assumer politiquement ce choix qui n’a rien d’anodin !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous débattons là d’un problème sociétal de fond : voulons-nous maintenir la règle du repos dominical qui permet aux familles de partager des activités ou bien banaliser et étendre le travail du dimanche ? En portant à douze le nombre de dimanches où le maire pourrait autoriser l’ouverture des magasins, on sort évidemment du domaine de l’exception. Il faut bien mesurer les conséquences de cette décision.

M. Philippe Vigier. Nous sommes globalement favorables à l’idée de pouvoir aller jusqu’à douze dimanches. Madame Fraysse, il ne s’agit pas de généraliser la mesure à tous les dimanches : nous restons attachés à la notion de repos dominical, mais beaucoup de salariés aimant travailler le dimanche, il faut laisser à chacun un peu de liberté. Il faut simplifier les choses au maximum dans les zones où il est possible de trouver un surcroît de croissance et d’activité. J’ai lu l’amendement du rapporteur général avec beaucoup d’intérêt car nous sommes aussi favorables à ce que les élus locaux – maires et présidents d’agglomérations ou de communautés de communes, qui connaissent mieux que quiconque les zones de chalandise de leur territoire – aient la capacité de décision en main.

Nous souhaitons que ce soit le président de l’agglomération qui décide du nombre maximum – entre zéro et douze – de dimanches travaillés par an, et le maire qui, après avis du conseil municipal, fixe leur nombre exact par arrêté. En effet, dans notre droit, la compétence de développement économique est transférée aux agglomérations et aux communautés de communes ; mais il faut également respecter le principe de subsidiarité et éviter de mettre les communes en situation de concurrence déloyale entre elles. Ainsi, on fait vivre la démocratie en renforçant la capacité des élus locaux à participer à la vie de leurs territoires. Certes, on ne règlera jamais tous les cas car les concurrences entre agglomérations contiguës ou les particularismes au sein même des agglomérations restent possibles ; mais nous proposons d’encadrer la décision du maire par la vision globale d’une agglomération.

M. Gilles Savary. D’un dispositif où l’on pouvait aller de cinq à douze dimanches travaillés, l’amendement des rapporteurs propose de passer à un dispositif où l’on peut aller de zéro à douze. Ce dernier nombre n’a pas de valeur totémique et l’on pourrait choisir treize, quatorze ou dix-huit dimanches. Mais n’oublions pas que dans beaucoup d’agglomérations, sous la pression des populations qui souhaitent s’adonner au bricolage ou au jardinage, le système est d’ores et déjà tacitement dérégulé et risque de contaminer l’ensemble du pays de façon anarchique. L’amendement nous propose un système réglementé qui offre, en guise de soupape, des ouvertures tolérées – et non légales – au-delà des cinq jours du maire. Cette proposition – qui vaut mieux que la dérégulation totale qui nous menace – apparaît très équilibrée et mérite d’être expérimentée, quitte à être corrigée dans deux ou trois ans.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je voudrais exprimer une réserve quant à cette extension à douze dimanches. L’activité commerciale n’est pas lisse sur l’année, certaines périodes concentrant un maximum d’échanges. Ainsi, douze dimanches répartis sur les soldes, les fêtes de fin d’année et quelques autres périodes de surconsommation permettent de toucher 50 % à 80 % de la consommation annuelle en France, ce qui ne peut manquer d’inquiéter sur le sort du commerce de proximité. La proposition me paraîtrait acceptable si l’activité commerciale était linéaire ; puisqu’elle ne l’est pas, l’ouverture des commerces douze dimanches par an déséquilibrerait l’ensemble du système économique lié à la distribution.

M. le rapporteur général. Revenons à la portée concrète de notre proposition. Le maire – ou l’EPCI – ne fait qu’autoriser les ouvertures ; ce sont les commerçants qui décident s’il est opportun pour leur activité et leur croissance d’ouvrir leur enseigne. Si par son arrêté, le maire donnait à ses commerçants instruction de travailler, nous serions dans une économie très administrée ! Notre amendement propose de laisser cinq dimanches à la main du maire, et au-delà de ce chiffre et jusqu’à douze, de soumettre la décision à l’avis de l’EPCI.

Monsieur Bricout, prévoir la faculté d’autoriser l’ouverture sur douze – et non plus cinq – dimanches par an ne modifiera pas les réalités d’entente ou de mésentente entre les territoires. Cela devrait au contraire inciter les élus locaux à approfondir leur collaboration pour éviter d’éventuelles rivalités.

Monsieur Roumegas, dans le cadre de notre volonté de développer nos capacités d’accueil à l’échelle nationale, il ne me paraît pas choquant d’identifier des ZTI – qui excèdent largement la seule ville de Paris – dont la gestion ne saurait relever uniquement de la compétence des élus locaux. Cette conviction n’invalide en rien mon raisonnement sur le sujet qui nous occupe ici. Vous indiquez que la faculté accordée ne sera pas simple à utiliser car augmenter la liberté locale conduirait à accentuer les pressions locales. Mais si depuis lundi dernier, nous avions cédé à toutes les pressions, nous n’aurions pas adopté les deux tiers de ce texte ; faisons donc confiance à nos élus ! Les pressions ne manqueront pas de survenir, mais donneront lieu à des discussions publiques au conseil municipal ; chacun pourra se positionner politiquement, différentes associations pourront faire valoir leurs droits, etc. Plus de démocratie muscle la démocratie ; ce n’est pas en la diminuant qu’on la renforce !

Enfin, madame Berger, dire qu’élargir la possibilité d’ouverture dominicale enlèverait à celle-ci son caractère exceptionnel, c’est oublier que cette faculté ne conduira pas ceux qui n’ouvrent jamais à ouvrir davantage. À l’inverse, ceux qui ouvrent aujourd’hui au maximum de ce qui est autorisé – cinq dimanches – pourront aller au-delà si cela correspond à leur réalité territoriale. Les dispositions que nous proposons me paraissent permettre à la fois plus d’autorisations par les maires et plus d’ouvertures par ceux qui le souhaitent, le tout encadré par un corpus de règles sociales claires, lisibles et porteuses de progrès. C’est ce tout cohérent que nous essayons de synthétiser dans notre amendement.

La Commission rejette les amendements SPE113, SPE444, SPE860 et SPE1356.

M. le ministre. Loin de relever d’un caprice, le nombre de douze est le fruit du travail de plusieurs mois de M. Jean-Paul Bailly, qui a dégagé un consensus porteur d’équilibre. Monsieur Fromantin, les prémisses sur lesquelles se fonde votre préoccupation devraient vous faire arriver à une autre conclusion. En effet, si l’essentiel de l’activité se concentre sur une petite dizaine de dimanches par an, il n’existe aujourd’hui aucune option intermédiaire entre les cinq dimanches du maire et les cinquante-deux des ZT ou des PUCE, cette dernière solution avantageant les grands formats. La possibilité de monter à douze dimanches, de façon contrôlée et régulée, permettra aux maires de tirer profit de ces journées sur lesquelles se concentre la valeur ajoutée et dont ils ne peuvent aujourd’hui pas profiter.

Une vingtaine de grandes et moyennes villes autorisent déjà cinq dimanches travaillés ; trois d’entre elles ont demandé des dérogations pour obtenir le statut de ZT. Avignon comme Bordeaux ont bénéficié de cinquante-deux dimanches ouvrés ; après plusieurs mois de pratique, ils sont revenus à un dimanche par mois – soit douze dimanches par an –, solution la plus pertinente pour capter la valeur ajoutée. Dans les PUCE également, cinquante-deux dimanches ne sont parfois pas rentables ; ainsi, les enseignes de bricolage, qui l’ont tant réclamé, ont progressivement décidé de n’ouvrir qu’un dimanche par mois. Cette convergence – qui corrobore notre intuition collective – montre que dans certaines zones, aller jusqu’à douze dimanches permet d’augmenter les bénéfices, et c’est aux élus d’en décider dans le cadre des éléments de régulation prévus. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable à l’amendement des rapporteurs.

La Commission en vient à l’amendement SPE1881 des rapporteurs, qui fait l’objet du sous-amendement SPE1966 de Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je souhaite sous-amender l’amendement des rapporteurs en remplaçant, au 1° b), le mot « douze » par le mot « sept ». Avec cette modification, l’amendement permettra de faire évoluer le nombre de dimanches où l’on peut ouvrir les commerces afin de profiter des périodes d’activité commerciale plus importante, conservera la possibilité pour le maire de décider des cinq dimanches et pour l’EPCI de donner son avis sur les ouvertures au-delà de ce nombre. En même temps, il préservera le caractère exceptionnel de l’ouverture dominicale des commerces, alors qu’avec douze dimanches, monsieur le ministre – vous l’avez vous-même souligné –, on passe dans le registre de l’habitude.

M. Jean-Frédéric Poisson. Opposé aux dispositions de cet article dont il avait demandé la suppression, mais soucieux d’une meilleure appropriation par les assemblées locales de ce type de décisions, le groupe UMP s’abstiendra lors du vote sur l’amendement des rapporteurs. Nous voterons contre le sous-amendement proposé.

M. Jean-Yves Caullet. N’atteindront le plafond de douze dimanches qu’un nombre réduit de collectivités dans lesquelles la collégialité des élus de l’EPCI comme les commerçants eux-mêmes le considéreront utile. Les conditions requises pour une telle décision n’étant pas souvent réunis, je suis persuadé que ces cas resteront exceptionnels. Mais abaisser le niveau maximal du curseur risque de recréer le vide entre les cinquante-deux dimanches systématiques et les sept, huit ou neuf – qui ne seraient pas douze – optionnels, empêchant la réforme d’apporter la solution aux quelques rares cas où elle serait utile. J’approuve la nécessité de solliciter l’avis de l’EPCI pour dépasser le seuil de cinq dimanches ; on peut soumettre le passage d’un autre seuil à un autre avis – idée à étudier d’ici au débat en séance. Mais abaisser le plafond qui ne sera que très rarement atteint au motif que l’ouverture ne serait plus exceptionnelle constitue une erreur. Je comprends la préoccupation de Karine Berger, mais sa manière de la traduire dans son sous-amendement est trop brutale.

Mme Karine Berger. Alors même que nous nous étions fait la promesse de ne privilégier aucune solution a priori, nous sommes en train de rendre fétiche ce chiffre de douze comme s’il n’admettait aucune discussion. L’économie comme la politique excluent le fétichisme et il faut pouvoir débattre de tous les aspects de la loi. Quel est l’avis du rapporteur général et du ministre sur mon sous-amendement ? Le chiffre sept que j’ai proposé peut évoluer pour devenir six ou huit.

M. Jean-Louis Bricout. La zone de chalandise dépend de l’offre proposée. Pour un petit commerce situé dans un village, elle ne recouvre que ce dernier ; une petite ville comme la mienne propose un premier niveau de services – incomplet, avec souvent des commerces franchisés ; dans une grande ville, l’offre est bien plus importante. Si l’on ouvre les commerces douze dimanches par an dans le niveau le plus élevé de la zone de chalandise, celui-ci siphonne mécaniquement toutes les villes et villages qui ont un niveau de services inférieur.

M. le président François Brottes. Il faudrait associer les schémas de cohérence territoriale (SCoT) à la réflexion.

M. le rapporteur général. Il ne s’agit pas de fétichisme, mais de rationalité. Le ministre a cité le rapport Bailly et expliqué qu’il fallait prévoir des options intermédiaires entre cinq et cinquante-deux dimanches. Le chiffre de douze apparaît logique et ne renvoie de surcroît qu’à une faculté donnée aux maires. Depuis le début de l’examen des dispositions concernant le travail du dimanche, nous avons efficacement discuté de tous les aspects relatifs à cette question : les compensations, la réversibilité du choix, la clarification des règles. Mais ne confondons pas discussion et maquignonnage ! N’ayant rien entendu qui invalide notre proposition, je ne souhaite pas la sous-amender. Nous avons proposé de passer de l’obligation d’autoriser l’ouverture des commerces cinq dimanches par an à une simple faculté ; augmenté les libertés locales dans le mode de décision ; transformé les règles régissant le travail du dimanche pour instituer le progrès social là où il n’y avait que stagnation ou régression. Cet ensemble cohérent est construit autour de l’hypothèse de douze dimanches – dont le ministre a plusieurs fois expliqué la pertinence –, sur laquelle je ne reviendrai pas. Ne transformons pas notre débat en un jeu de chiffres ; ayant collectivement obtenu satisfaction sur des modifications importantes du projet de loi initial, nous devrions nous en tenir à cette proposition qu’il sera toujours possible de faire évoluer en fonction des remontées du terrain et des retombées économiques et sociales qui en constituent tout l’enjeu. Je ne suis donc pas enclin à retenir votre sous-amendement.

M. le ministre. On parle bien du travail dominical, payé double, et d’une possibilité d’aller jusqu’à douze dimanches, avec des éléments de régulation apportés par les rapporteurs. Comme je viens de le rappeler, ce chiffre se fonde sur l’expérience, le rapport commandé par le Gouvernement appuyant cette décision. Depuis une semaine, nous menons ensemble un travail collectif fécond qui montre l’ouverture du Gouvernement, sa volonté d’avancer et d’accepter les arguments rationnels. Votre sous-amendement, madame Berger, est orthogonal à cette démarche. C’est le chiffre que vous proposez qui représente un fétiche : pourquoi sept plutôt que six ou huit ? Ce chiffre n’a pas de fondement rationnel et votre démarche n’incite pas à la discussion. J’émettrai donc un avis défavorable à votre sous-amendement.

Mme Karine Berger. Votre réponse m’étonne. En quoi un sous-amendement parlementaire peut-il être orthogonal à la démarche de débat d’une commission spéciale ? Ayant participé à la discussion sur plusieurs articles – et, je l’espère, à l’évolution du texte –, je ne comprends pas votre commentaire.

Je maintiens que nous n’avons pas été au bout du débat sur la raison pour laquelle les commerces de notre pays pourraient désormais ouvrir douze dimanches par an. J’ai présenté ce sous-amendement parce que l’évolution proposée par les rapporteurs sur la partie décisionnelle de l’article m’apparaissait très positive par rapport à la version du Gouvernement. J’espère que leur amendement sera adopté par la Commission afin que nous puissions en discuter dans l’hémicycle. Pour ne pas être accusée de discréditer les débats de notre Commission longs d’une semaine entière, je retire mon sous-amendement qui pourra faire l’objet d’une discussion directe en séance, où nous n’aurons plus, grâce à la proposition des rapporteurs, à préciser quelles parties du texte nous contestons ou approuvons.

Le sous-amendement SPE1966 est retiré.

La Commission adopte l’amendement SPE1881 des rapporteurs. En conséquence, l’article 80 est ainsi rédigé.

Les amendements SPE300, SPE301, SPE694, SPE796, SPE1035, SPE1428, SPE1704, SPE1067, SPE1705, SPE1706, SPE1071, SPE114, SPE443, SPE1083, SPE1121, SPE728, SPE1707, SPE1365, SPE1036 et SPE1708 n’ont plus d’objet.

Article 80 bis (nouveau) : Application du volontariat aux salariés privés de repos dominical au titre des « dimanches du maire »

La Commission est saisie de l’amendement SPE1882 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à renforcer l’harmonisation des régimes dérogatoires au repos dominical initiée par le projet de loi, en prévoyant que la procédure applicable dans les ZTI, les ZT et les ZC en matière de protection du volontariat du salarié s’applique également aux dimanches du maire. Ce dispositif apparaît d’autant plus pertinent que le nombre de ces derniers augmentera et que leur calendrier sera beaucoup plus prévisible, le maire devant le fixer dans son arrêté avant le 31 décembre de l’année précédente.

M. le ministre. Vous proposez un véritable changement puisque, aujourd’hui, la notion de volontariat n’existe pas pour les dimanches du maire. Les services des ministères du travail et de l’économie sont réservés sur cette mesure qui peut se révéler complexe dans la mesure où ces dimanches n’ont pas de caractère régulier – ce qui justifiait le double salaire de droit. Mais cette précaution ne suffit pas à me faire pencher pour un avis défavorable. Compte tenu du mouvement que nous avons engagé, le souci de cohérence du rapporteur général et son ambition en cette matière justifient une sagesse bienveillante du Gouvernement. Il s’agit, en effet, d’une véritable avancée.

M. le président François Brottes. Le Gouvernement accepte à nouveau de modifier significativement sa position de départ !

La Commission adopte l’amendement SPE1882.

Article 81 : Dérogation aux règles du travail de nuit pour les commerces de détail situés en zone touristique internationale

La Commission examine les amendements identiques SPE861 de Mme Jacqueline Fraysse, SPE1358 de M. Jean-Louis Roumegas et SPE1474 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Jaqueline Fraysse. Je précise tout d’abord que la référence aux ZC, ZT et emprises de gare dans l’exposé des motifs relève d’une erreur. Cet article, important à plus d’un titre, vise à donner aux établissements situés dans les ZTI la possibilité de reporter jusqu’à minuit le début de la période de nuit, que le code du travail fixe actuellement à 21h00. Quel est l’intérêt de cette modification, lourde de conséquences pour les salariés ? Cet article – qui pourrait porter le nom de Sephora car il répond à la demande de cette grande enseigne – détourne le sens de la notion de travail de nuit. Le 24 septembre dernier, les magistrats de la Cour de cassation ont donné raison aux salariés du magasin situé sur les Champs-Élysées en y interdisant l’ouverture de nuit parce que l’activité de parfumerie ne répondait pas aux critères actuellement prévus dans le code du travail qui y justifient le recours. Le travail de nuit est très réglementé parce qu’il a des conséquences sociales graves, mais aussi des effets sur la pénibilité du travail et la santé des travailleurs. Il est ainsi strictement limité aux obligations de service public – l’électricité, l’eau, les trains, la santé, quelques services communaux – et à certaines activités industrielles qui ne souffrent pas l’interruption. Avec cet article, dès que le magasin Sephora des Champs-Élysées sera classé en ZTI, il pourra légalement faire travailler ses salariés de nuit – ou plutôt en soirée car c’est toute la nuance de cet article. Nous ne pouvons pas soutenir cette disposition, faite sur mesure pour permettre aux grandes enseignes de contourner les décisions de justice favorables aux salariés, et proposons de supprimer cet article qui représente une atteinte grave à notre droit du travail et aux protections des salariés.

M. Jean-Louis Roumegas. Mon amendement vise également à supprimer cet article. Il s’agit toujours des fameuses zones touristiques internationales, où s’accumuleront les aggravations des conditions de travail : dimanche imposé, nuits imposées – qui ne seront même pas comptabilisées comme des nuits, puisque vous repoussez la définition du travail de nuit de 21h00 à minuit. Ce travail quotidien ne sera donc même pas pris en compte pour calculer la pénibilité du travail.

Pourtant, les recherches sur les effets néfastes du travail de nuit se multiplient, et il ne faut pas les prendre à la légère. Une étude de l’université Harvard montre que la mortalité des femmes est augmentée de 11 % par un travail de nuit de trois fois par mois seulement ; leur risque de maladies cardio-vasculaires est accru de 23 %. Une étude de l’INSERM montre que le travail de nuit augmente de 30 % les risques de cancer du sein.

Le travail de nuit n’a pas été reconnu par hasard comme facteur de pénibilité. C’était la seule avancée sociale de cette législature, et la voilà rognée avant même qu’elle ne se mette en place !

De plus, vous négligez des problèmes sociaux : l’organisation de la vie familiale en sera terriblement compliquée ; le supplément de salaire sera avalé par des charges nouvelles, de garde d’enfants par exemple : trois heures de garde quotidienne pour des femmes qui élèvent seules des enfants, cela représente un coût considérable.

Vous imposez d’en haut des zones touristiques internationales, et vous ne prévoyez pas de compensations pour les salariés à la hauteur des inconvénients qu’ils vont subir.

Mme Sandrine Mazetier. Mon amendement SPE1474 est également un amendement de suppression. Je voudrais ici rappeler des propos de M. Michel Sapin, alors ministre du travail, tenus lors de la discussion, le 5 décembre 2013, d’une proposition de loi déposée par certains de nos collègues de l’UMP : « il existe une structure sociale, un droit du travail qui prend en considération un fait : l’employeur et le salarié, pris isolément, ne sont pas dans un rapport libre et égal, un pur rapport de contrat sans lien de subordination […] Il y a clairement là une question qui relève des relations individuelles et collectives du travail, donc de la négociation sociale ». Il rappelait aussi les évidences que viennent de redire Jacqueline Fraysse et Jean-Louis Roumegas.

Les partenaires sociaux, que nous avons auditionnés avec les rapporteurs, nous ont dit leur surprise d’avoir vu apparaître cet article 81 dans ce projet de loi, sans en être prévenus d’aucune manière. Je redonne la parole à M. Sapin : « plus on fragilise ainsi les corps intermédiaires et les forces sociales légitimes, plus on fait le lit d’une forme de spontanéisme désordonné, informe, incapable de donner une voix au monde social, de construire des compromis avec ceux qui ne sont pas d’accord ».

La proposition de loi débattue alors ne correspondait pas en tous points à l’article 81 de ce projet de loi : ce dernier, limité aux ZTI, prévoit des contreparties, avec un plancher. Dans les ZTI, les profits sont très importants et les employeurs ont parfaitement la possibilité d’offrir aux salariés des compensations – salaire augmenté, repos compensateur, attentions particulière portée à la santé des salariés concernés… Je serai donc très vigilante sur ces contreparties, et sur le fait que celles qui figurent d’ores et déjà dans la loi soient bien des planchers. Elles doivent concerner le travail du dimanche, le travail en soirée comme le travail au-delà de minuit – certains commerces demanderont à ouvrir au-delà de minuit.

M. le ministre. Avis défavorable. Nous restons ici, en effet, dans le cadre bien précis des ZTI. J’entends l’argument de Mme Mazetier, qui fait ici preuve de cohérence sur le doublement des compensations. Vous souhaitez également que les critères de définition des ZTI soient précisées : ce sera fait d’ici à la séance publique, je m’y suis engagé.

Le travail de nuit commence à 21h00 ou 22h00 selon les zones, et même plus tard pour certaines professions – dans le secteur du spectacle, le travail de nuit commence à minuit. Il est normal, madame Fraysse, que dans l’industrie, par exemple, la nuit continue de commencer à 21h00. Nous nous limitons bien ici au commerce de détail dans les ZTI.

Cette exception est faite pour des raisons d’activité ; nous définissons donc des compensations : volontariat, réversibilité, paie doublée, accord obligatoire, réversibilité spécifique pour les femmes enceintes et prise en charge par l’employeur du retour au domicile.

Un débat très intéressant s’est tenu au sein de la Délégation aux droits des femmes. C’est un sujet auquel je suis sensible : le rapporteur présentera tout à l’heure des amendements sur la situation spécifique des femmes – le silence de la loi aurait pu, malgré nos bonnes intentions, faire naître des ambiguïtés.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette les amendements identiques SPE861, SPE1358 et SPE1474.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels SPE1710 et SPE1709 des rapporteurs.

Elle se saisit alors de l’amendement SPE1476 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. En 2001, l’heure du début du travail de nuit a été fixée, pour le secteur du commerce, à 21h00 au lieu de 22h00. Depuis, la pression pour modifier cet horaire a été constante. Ma démarche peut donc apparaître paradoxale : mon amendement vise à rétablir l’horaire ancien, tout en conservant les acquis sociaux, notamment la pénibilité. Ainsi, nous pourrions peut-être régler certaines difficultés.

M. le ministre. Avis défavorable. Mais si les amendements des rapporteurs ne vous semblent pas suffisants, nous pourrons compléter le dispositif.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable. Nos propositions pourront peut-être, en effet, satisfaire les préoccupations exprimées par Sandrine Mazetier.

Je rappelle que cet article concerne des zones extrêmement limitées, comme les Champs-Élysées, où l’on constate une forte affluence jusqu’à minuit. Il est donc logique de porter à minuit le début de la période de nuit.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de cet article, car nous sommes conscients de la nécessité d’assurer un équilibre entre la situation de certaines entreprises, plus ou moins contraintes de profiter de l’afflux de clients qui arrivent tard le soir, et celle de leurs salariés. Si les zones concernées sont limitées, elles sont aussi situées au cœur de grandes villes : ceux qui y travaillent auront à coup sûr de longs trajets pour y venir puis rentrer chez eux. Les conséquences pour leur vie de famille seront donc importantes. En revanche, les cadres de ces sociétés, eux, seront peu concernés par ces horaires.

Nous ne sommes pas aujourd’hui capables de connaître les conséquences pour l’ensemble de notre droit de l’invention de cette nouvelle catégorie.

Je fais miennes, pour de nombreuses raisons que j’ai déjà évoquées lors de discussions semblables, les remarques qui ont été faites sur la pénibilité du travail de nuit. Les études de l’INSERM traitent du déficit de sommeil entre minuit et 6h00 : ceux qui achèvent leur travail à minuit sont donc concernés. Il faut faire très attention, même s’il n’y a pas ici de raison de considérer que cet article 81 remet en cause le dispositif sur la pénibilité – quelque efficace, ou peu efficace, que celui-ci soit par ailleurs. Veillons surtout à ce que les salariés concernés ne soient pas mis en danger par une organisation du travail nouvelle, alors que nous sommes parfaitement informés, et depuis longtemps, des conséquences du travail de nuit à long terme.

Il en va du travail en soirée comme du travail dominical : un peu et de temps en temps, pourquoi pas ; de manière régulière, systématique, planifiée, le travail de 21h00 à minuit accroîtrait à l’évidence la pénibilité du travail. Il ne faut pas que les mêmes personnes soient conduites à travailler cinq jours de suite sur la tranche horaire seize heures-vingt-quatre heures ; c’est difficile à admettre par ceux qui, comme moi, ont connu le travail posté en usine.

Vous dites que toutes les garanties seront prises. Est-ce vraiment possible ? Je n’en suis pas convaincu. Il faut éviter d’exposer les salariés à des risques connus. Nous ne soutiendrons donc pas cet article.

M. Christophe Castaner. La mairie de Paris a mis en place un Bureau des temps, destiné à adapter les services publics aux nouveaux rythmes de vie. On peut lire sur son site internet que ces rythmes se décalent – on se couche aujourd’hui à 23h00 en moyenne, contre 21h00 en 1950. Près d’un actif parisien sur deux a des horaires de travail décalés, en soirée ou le week-end. La mairie de Paris prévoit donc des nocturnes dans les piscines, les musées, les bibliothèques…

Nous ne faisons ici qu’adapter le droit et la sécurité des salariés à la réalité actuelle. Nous assurons la sécurité juridique des salariés du privé, en prévoyant des garanties : volontariat, réversibilité, paie doublée, transports…

La mairie de Paris a su montrer sa capacité d’adaptation. Ses employés sont sécurisés. Il nous faut trouver des réponses au moins équivalentes pour les salariés du privé.

La Commission rejette l’amendement SPE1476.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision SPE1711 des rapporteurs.

Elle se saisit alors de l’amendement SPE637 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le projet de loi prévoit que l’employeur a l’obligation de fournir aux salariés un moyen de transport pour regagner leur domicile. Ce n’est certes pas choquant, mais il y a bien d’autres sujets dont il faudra discuter, à commencer par les gardes d’enfants. Il me semblerait donc préférable de supprimer cette obligation et de renvoyer ce point à la négociation, en l’incluant dans le décret.

M. le ministre. Je suis sensible à votre argument. Les rapporteurs ont choisi de mentionner tous ces points dans la loi ; il aurait en effet été possible d’adopter une autre manière de faire, en les renvoyant à un décret. Je vous propose de retirer cet amendement pour avancer dans le débat et examiner les amendements des rapporteurs.

M. Gérard Cherpion. Je retire l’amendement, mais je le déposerai à nouveau si la commission n’avance pas sur ce sujet.

L’amendement SPE637 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel SPE1712 des rapporteurs.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1038 de Mme Catherine Coutelle et SPE1890 des rapporteurs.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement SPE1038 tend à inscrire explicitement dans la loi que le moyen de transport mis à la disposition des salariés demeure à la charge de l’employeur.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Certes, cela va sans dire, mais ça va mieux en l’écrivant. Je retire mon amendement, qui a le même objet, au profit de celui présenté par Sandrine Mazetier.

L’amendement SPE1890 est retiré.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement SPE1038.

La Commission adopte l’amendement SPE1038.

Puis elle se saisit de l’amendement SPE1884 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Il s’agit de supprimer la mention « individuel ou collectif » : cette précision paraît inutile, puisque ce moyen de transport sera forcément soit individuel, soit collectif.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1884.

Elle examine ensuite l’amendement SPE1888 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. L’amendement vise à supprimer la mention « en sécurité », éminemment subjective et qui, comme telle, pourrait être à l’origine de contentieux. L’insécurité peut aussi exister à dix heures du matin…

M. le ministre. Je comprends la préoccupation du rapporteur thématique, et il est utile de soulever ici cette question. Néanmoins, d’après les échanges que nous avons eus avec le Conseil d’État, il ne s’agit pas ici d’instaurer une obligation de sécurité au sens du code du travail, c’est-à-dire avec une obligation de résultats. Le risque encouru n’est pas professionnel : il n’y aurait donc qu’une obligation de moyens. Le transport peut se faire de nombreuses façons différentes : taxi individuel ou collectif, par exemple. Les accords prévoyant un transport pour les salariés travaillant le soir existent déjà, il ne s’agit donc que de confirmer l’existant.

Je propose donc plutôt le retrait de l’amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Soit nous retirons purement et simplement la mention « en sécurité », soit il faut préciser qu’elle n’emporte pas une obligation de résultats. En la matière, l’ambiguïté est évidemment l’ennemie du bien. Il me paraîtrait préférable de voter l’amendement, et de retravailler la question d’ici à la séance publique.

Mme Élisabeth Pochon. Ne peut-on pas écrire « le moyen de transport le plus adapté » ? Cela impliquerait une solution individualisée.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Pour le coup, cela laisserait le champ aux interprétations les plus diverses.

L’intention de notre amendement était surtout de permettre l’usage d’un transport collectif. Je comprends la difficulté soulevée par le ministre, et je retire l’amendement.

L’amendement SPE1888 est retiré.

La Commission examine alors l’amendement SPE1889 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à substituer à la notion de « lieu d’habitation » du salarié, inconnue du code du travail, celle de « lieu de résidence », plus usitée.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1889.

Puis elle se saisit de l’amendement SPE1891 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objet d’intégrer aux accords d’aménagement du travail en soirée dans les commerces en zone touristique internationale les dispositions qui s’appliquent dans le cadre des accords organisant l’ouverture dominicale en zone dérogatoire. Il est légitime que ces accords tiennent aussi compte de l’évolution de la situation personnelle des salariés.

Mme Karine Berger. De quelle façon ces accords prennent-ils en considération l’évolution de la situation personnelle des salariés ? Comment cela fonctionne-t-il ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cela joue surtout pour l’écriture des modalités d’application des clauses sur la réversibilité, le volontariat…

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1891.

Elle examine alors l’amendement SPE1226 de M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Suivant une méthode déjà utilisée pour répondre à une inquiétude déjà exprimée, cet amendement d’appel vise à préciser que l’accord collectif doit également fixer les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants des salariés qui travaillent entre vingt-et-une heures et minuit.

M. le ministre. Le projet de loi prévoit que l’accord doit offrir aux salariés des contreparties satisfaisantes, qui seront détaillées en fonction des situations individuelles et collectives. L’amendement peut être compris comme un amendement de précision.

L’intention initiale du Gouvernement était de ne pas trop contraindre ces accords. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Nous souscrivons à l’idée de contreparties autres que salariales, et notamment de mesures destinées à favoriser la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés : coût de la garde des enfants, mais aussi formation et santé au travail. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement SPE1226.

Elle se saisit ensuite de l’amendement SPE1894 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à protéger la réversibilité du choix du salarié de travailler en soirée.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1894.

Elle examine alors l’amendement SPE1932 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. À l’instar des accords sur le travail dominical, les accords portant sur le travail en soirée doivent comporter des mesures tendant à faciliter la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE1932.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel SPE1713 des rapporteurs.

Elle se saisit ensuite de l’amendement SPE1892 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement vise à préciser que les femmes enceintes peuvent refuser de travailler en soirée.

M. le ministre. Avis favorable.

Mme Karine Berger. N’importe qui peut refuser, si j’ai bien compris : en quoi cette précision est-elle nécessaire ?

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Les accords devront prévoir le cas précis des femmes enceintes, auxquelles l’employeur devra proposer un autre poste, ou des horaires à un autre moment de la journée, si elles peuvent continuer à travailler.

Mme Sandrine Mazetier. J’avais déposé un amendement qui a été jugé irrecevable, et Sylvie Tolmont ne pourra pas défendre ses amendements, qui me semblaient plus protecteur pour les femmes que celui des rapporteurs.

Il ne suffit pas de pouvoir refuser de travailler le soir pour protéger les femmes enceintes : dans le cas du travail de nuit, non seulement elles peuvent refuser, mais l’employeur est tenu de proposer un travail aménagé. Ce n’est pas exactement ce que vous prévoyez ici.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Les femmes enceintes pourront refuser à n’importe quel moment : pour elles, l’effet est nécessairement immédiat ; pour les autres salariés, les accords prévoiront sans doute un délai pour pouvoir cesser le travail en soirée.

Mme Sandrine Mazetier. Vous ne répondez pas à ma question, monsieur le rapporteur : il me semble que l’amendement du rapporteur est moins protecteur que le droit actuel sur le travail de nuit, puisque l’employeur n’est pas tenu de proposer aux femmes enceintes un poste aménagé assurant une rémunération équivalente.

M. le rapporteur général. N’ergotons pas. L’article L. 1225-9 du code du travail dispose que « la salariée en état de grossesse médicalement constaté ou ayant accouché, qui travaille de nuit dans les conditions déterminées à l’article L. 3122-31, est affectée sur sa demande à un poste de jour pendant la durée de sa grossesse et pendant la période du congé postnatal ». Le droit actuel, auquel nous faisons ici explicitement référence, suffit à répondre à votre préoccupation.

Notre amendement précise simplement que l’arrêt du travail en soirée est, à la demande de la salariée, immédiat et de plein droit.

La Commission adopte l’amendement SPE1892.

Elle examine alors l’amendement SPE1893 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Cet amendement prévoit de rendre applicables aux travailleurs en soirée l’ensemble des dispositions applicables aux travailleurs de nuit : surveillance médicale, protection du refus en cas d’incompatibilité avec des obligations familiales impérieuses, aménagement des conditions de retour à un travail de jour… Ce régime dérogatoire doit être aussi protecteur que possible pour le salarié.

M. le ministre. Nous parlons ici, je le rappelle, de zones très spécifiques et du seul commerce de détail. Je comprends votre volonté commune de protection, et je l’approuve.

Toutefois, en l’espèce, il s’agit essentiellement de surveillance médicale. Or nous rencontrons déjà de grandes difficultés à assurer celle-ci pour les travailleurs de nuit, car nous manquons de médecins. Une mission vient d’être lancée sur ce sujet. Je suis donc réticent et propose plutôt le retrait de l’amendement.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous sommes favorables à cet amendement, qui confirme ce que nous disions : il n’est pas normal de ne pas considérer comme du travail de nuit les heures consacrées à la parfumerie, à Sephora en particulier.

M. Jean-Yves Caullet. Je comprends ce que le dit le ministre, mais si nous appliquons à ceux qui travaillent en soirée les obligations qui s’imposent déjà à ceux qui travaillent la nuit, les premiers seront obligatoirement inclus dans les réflexions et les éventuelles réformes. Sinon, ils risquent d’être laissés de côté.

M. le ministre. C’est vrai. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement SPE1893.

Puis elle adopte l’article 81 modifié.

Article 81 bis (nouveau) : Clarification des arrêtés préfectoraux de fermeture

La Commission examine l’amendement SPE1943 des rapporteurs.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Le formalisme des arrêtés préfectoraux fait parfois perdurer des arrêtés anciens, inadaptés aux pratiques actuelles de consommation – je n’en veux pour exemple qu’un arrêté pris par le préfet de Seine-et-Oise en 1936… Le présent amendement n’a pas pour objet de remettre en cause les accords collectifs qui sont correctement formalisés – comme le sont les accords collectifs de branche ou territoriaux – mais de réexaminer les plus anciens, régulièrement contestés.

Suivant l’avis favorable du ministre, la Commission adopte l’amendement SPE1943.

Article 82 : Dispositions transitoires non codifiées

Les amendements SPE115 de M. Gérard Cherpion et SPE445 de M. Patrick Hetzel sont retirés.

La Commission adopte alors l’amendement rédactionnel SPE1714 des rapporteurs.

Puis elle se saisit des amendements identiques SPE916 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1359 de M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Jacqueline Fraysse. Le projet de loi prévoit que les accords doivent être conclus en trente-six mois : c’est beaucoup trop. Je pense qu’en travaillant d’arrache-pied, il doit être possible de réduire ce délai à douze mois. Soyons sérieux.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous prévoyez que deux régimes bien différents coexisteront pendant trois ans : ce n’est certes pas un délai couperet, c’est même plutôt de la complaisance !

M. le rapporteur général. Trois années nous amèneraient au-delà du terme de l’actuelle législature, ce qui me paraît un peu gênant. C’est un débat qui doit être mené, même s’il ne sera pas tranché cet après-midi : une durée intermédiaire entre un et trois ans me paraîtrait bonne. Il faudra trouver un compromis en séance publique.

M. le ministre. Madame Fraysse, je suis sensible à votre argumentation. Nous avons essayé de trouver la juste proportion entre l’intérêt des salariés et l’intérêt des petits commerces eux-mêmes, mais on peut effectivement arriver à des situations injustes. Un an, c’est sans doute trop court, parce qu’un petit commerce en zone touristique ne travaille sans doute pas d’arrache-pied à ces sujets ; trois ans, c’est trop long. Je vous propose de retirer votre amendement pour que nous reprenions cette discussion en séance, après concertation notamment avec les associations de commerçants concernées. Il faut aussi éviter de fixer des objectifs très ambitieux qui ne sont pas atteints par la suite, comme c’est arrivé avec les accords de sécurisation de l’emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne retirerai pas mon amendement, car je crois vraiment que douze mois peuvent suffire, mais je suis sensible à votre écoute, monsieur le ministre. Nous soutiendrons toute proposition de réduction du délai : qui peut le plus peut le moins.

La Commission rejette les amendements SPE916 et SPE1359.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1715 à SPE1723, SPE1726 et SPE1727 des rapporteurs.

Elle adopte alors l’article 82 modifié.

Après l’article 82 

La Commission se saisit de l’amendement SPE1479 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Les exceptions au principe du repos dominical se justifient pour nécessités économiques ou de service public. Il faut encore me démontrer que l’exception au repos dominical est fondamentale pour pouvoir acheter du vernis à ongles.

Mme Élisabeth Pochon. Remarque sexiste ! (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. Pas du tout, le vernis à ongles pour tous est une réalité sur les Champs-Élysées. (Sourires.)

Mon amendement vise donc à interdire les dérogations au travail dominical, toutes zones confondues, les journées où sont organisées des élections.

M. le ministre. J’entends bien la distinction que vous faites, avec les services publics notamment. Mais qu’en est-il de l’ouvreuse du cinéma, du gardien de musée ? J’appelle votre attention sur le fait que, par souci collectif de bien faire, nous avons prévu des protections importantes pour les travailleurs du dimanche dans le commerce de détail. Mais, ce faisant, nous créons une distorsion par rapport à beaucoup d’autres salariés qui travaillent déjà le dimanche.

J’entends votre argument, mais je suis défavorable à cet amendement. Cette mesure n’aurait de sens que dans le cadre large d’une réflexion sur la citoyenneté et la liberté offerte aux salariés lorsqu’un commerce ouvre le dimanche.

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. J’avoue avoir été séduit par cet amendement : en tant qu’élus, nous voulons tous combattre l’abstentionnisme. Mais le vote par procuration existe. Nous traitons ici seulement du commerce de détail : ce projet de loi n’est pas, me semble-t-il, le bon véhicule pour une telle mesure. Avis défavorable.

Mme Karine Berger. Nous pourrions ici, je crois, trouver un moment de consensus. Nous discutons d’ouvertures dominicales supplémentaires : prévoir que les travailleurs qui seront concernés pourront effectuer normalement leur devoir électoral me paraît relever de l’évidence. J’entends que le Gouvernement est favorable à ce que cette mesure soit généralisée à d’autres cas de travail du dimanche : c’est une excellente nouvelle, et je m’étonne que nous n’ayons pas réussi à le faire jusqu’à présent.

Puisque nous travaillons ce dimanche sur le nouveau travail du dimanche, commençons par protéger le devoir électoral de ces salariés-là. L’adoption de l’amendement de Sandrine Mazetier permettrait de traiter la question, et montrerait que nous envisageons toutes les conséquences de ce qu’il faut bien appeler une augmentation du travail dominical.

M. Jean-Yves Caullet. Sur la forme, la rédaction vise-t-elle uniquement ceux sur lesquels le projet de loi dont nous débattons aurait des conséquences, ou bien tous ceux qui travaillent déjà le dimanche seraient-ils concernés ?

M. le rapporteur général. Il faut le vérifier.

Mme Sandrine Mazetier. Il porte, je crois, sur le travail du dimanche dans le secteur du commerce de détail.

M. Dominique Lefebvre. Je comprends la volonté de favoriser la participation de nos concitoyens aux élections. Mais les salariés concernés par ce projet de loi sont très peu nombreux par rapport à ceux qui travaillent déjà les jours d’élection, et pas seulement pour des nécessités de service public : tous ici, nous avons tenu des bureaux de vote et rencontré des électeurs qui venaient à l’ouverture parce qu’ils travaillaient ensuite, ou qui venaient à la dernière minute parce qu’ils avaient travaillé toute la journée. Il est aussi possible de donner une procuration. Si nous voulons traiter cette question sans arrière-pensée, alors il ne faut pas prendre de mesure pour les seuls salariés du commerce de détail : il faut poser la question de façon beaucoup plus générale.

Mais je n’ai jamais rencontré personne que son travail ait empêché d’accomplir son devoir électoral.

M. le président François Brottes. Je suspends la séance quelques minutes pour faire le point sur la portée exacte de l’amendement.

M. le rapporteur général. Le but de l’amendement est que l’augmentation du nombre de dimanches travaillés n’empêche pas ceux qui travailleront dans le commerce de détail d’aller voter. La rédaction proposée paraît toutefois inadaptée.

Si la volonté de nos collègues est largement partagée, il faudra trouver – avec le Gouvernement – une rédaction qui prévoira que les dimanches où l’ouverture des commerces sera autorisée par les maires ou les présidents d’EPCI ne pourront pas être ceux où se déroulent des opérations électorales.

Mme Sandrine Mazetier. Il doit être possible de compléter la rédaction que je propose. Certains citoyens doivent voter par procuration pour une nécessité économique, ou pour une nécessité de service public, j’entends bien. Mais obliger un citoyen à accomplir des démarches administratives pour la seule raison que l’on autorise l’ouverture dominicale du commerce de détail, cela me paraît une chose tout à fait différente, et pour tout dire difficile à justifier.

L’amendement SPE1479 est retiré.

Chapitre II

Droit du travail

Section 1

Justice prud’homale

Article 83 : Réforme de la justice prud’homale

La Commission se saisit d’abord des amendements de suppression SPE119 de M. Gérard Cherpion et SPE453 de M. Patrick Hetzel.

M. Gérard Cherpion. C’est la troisième fois cette année que nous abordons la question de la justice prud’homale : un premier texte a été retiré, un deuxième texte a établi un régime transitoire.

Aujourd’hui, vous nous présentez un article fleuve de plus de sept pages, qui aborde des sujets aussi divers et aussi cruciaux que la déontologie, la formation et les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud’hommes… Vous voulez procéder à une réforme de fond de la procédure de la justice prud’homale. Or cela n’a pas grand’chose à faire dans un projet de loi destiné à relancer la croissance et l’activité dans notre pays. Le fonctionnement des prud’hommes conditionnerait-il le développement économique de la France ? Nous n’adhérons pas à cette vision économique de la justice.

Cet article devrait être porté par le ministre du travail dans un projet de loi spécifique.

Ces propositions sont majoritairement issues du rapport rendu par M. Lacabarats à la ministre de la justice – rapport qui devait servir de support à une concertation qui n’a jamais eu lieu. Cela explique la demande unanime des partenaires sociaux de disjoindre la section relative à la prud’homie du présent projet de loi. Par respect du dialogue social, je me rallie à cette position.

M. Patrick Hetzel. Le décalage est immense entre l’ambition affichée de ce texte – rendre la justice prud’homale plus simple, plus prévisible, plus efficace, améliorer la formation des juges, raccourcir les délais… – et la réalité.

La question des délais, en particulier, n’est pas traitée de façon pertinente : les retards ne viennent pas en général des tribunaux eux-mêmes ; souvent, ce sont les conseils des parties qui demandent à repousser le procès. Les retards ne sont donc pas imputables à l’organisation des prud’hommes.

De plus, le juge départiteur n’intervient aujourd’hui que lorsque les quatre juges prud’homaux n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Si vous vous penchez sur la question, vous constaterez que les magistrats professionnels ont déjà les plus grandes difficultés à tenir les délais. Or, en prévoyant un recours plus rapide à la formation de départage, vous allez significativement augmenter leur charge de travail. Prévoyez-vous de recruter des magistrats ? Il existe un risque significatif de dégradation de la justice prud’homale.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. le président François Brottes. Chers collègues, je vous propose de mettre aux voix dès maintenant ces amendements de suppression et de renvoyer les explications complètes du rapporteur thématique, Denys Robiliard, sur cet article au début de la séance de ce soir.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette les amendements SPE119 et SPE453.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Réunion du dimanche 18 janvier 2015 à 15 heures

Présents. - M. Luc Belot, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Jacques Bridey, M. François Brottes, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Patrick Gille, M. Jean Grellier, M. Patrick Hetzel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, M. Philippe Vigier, M. Michel Zumkeller

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