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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

Mercredi 26 septembre 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, et de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, et de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis heureux d’accueillir M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, et M. Jérôme Cahuzac, ministre chargé du budget. Avec leur audition, nous entamons nos travaux sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, présenté en conseil des ministres le 19 septembre dernier. Ce texte fait suite à la décision rendue le 9 août dernier par le Conseil constitutionnel. Saisi par le Président de la République, conformément à l’article 54 de la Constitution, le juge constitutionnel a conclu que le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) ne portait pas atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale, si bien qu’une loi organique suffit pour transcrire dans le droit national la règle d’équilibre des finances publiques contenue dans le traité. 

Nous examinons ce projet de loi organique dans le cadre d’une commission spéciale. Aux termes du Règlement de l’Assemblée, la commission des Lois est seule compétente pour connaître des lois organiques. La question de la hiérarchie des normes et de l’articulation entre lois organiques, lois de programmation, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale est complexe. Quelle sera ainsi la valeur juridique exacte de la future loi organique ? Une loi de finances qui n’y serait pas conforme serait-elle contraire à la Constitution ? Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que le projet que nous examinons ne précise pas à quel article de notre loi fondamentale il conviendrait de rattacher cette loi organique. Elle pourrait l’être à l’article 34, à l’article 47 ou à l’article 47-1. La question n’est pas seulement de forme. En effet, le Conseil constitutionnel n’a jamais précisé dans quelle mesure la loi organique mentionnée au dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution pouvait s’imposer aux lois de programmation des finances publiques. Cette architecture juridique sophistiquée méritera un examen attentif. Nous aurons aussi à nous interroger sur les liens entre le futur Haut conseil des finances publiques et le Conseil constitutionnel. Si ce dernier reste seul juge de la constitutionnalité des lois de finances, devra-t-il toutefois tenir compte des avis du Haut conseil ? Des divergences ne sont pas exclues dans l’appréciation de certains éléments que le Haut conseil sera chargé de vérifier. Nous serons aussi amenés à nous demander si les lois de programmation ont ou non une valeur supérieure aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, ou bien encore si ces lois qui « fixent », « déterminent », « contribuent à encadrer »…, ont ou non une valeur normative.

Par sa nature budgétaire, ce projet de loi organique intéresse aussi la commission des Finances. La commission des Affaires sociales aurait également pu s’en saisir compte tenu des aspects liés au financement de nos régimes sociaux. La commission des Affaires étrangères, qui travaille sur le TSCG, n’est pas moins concernée. D’où la décision de créer une commission spéciale. Cette faculté, offerte par l’article 30 de notre Règlement, nous permettra d’étudier ce projet de loi sous tous ces angles. La même voie avait d’ailleurs été empruntée en 2001 pour l’étude de la proposition de loi organique, ayant abouti à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Didier Migaud fut le rapporteur de cette commission spéciale, présidée par Raymond Forni. De même, en 2003, c’est une commission spéciale, présidée par Michel Bouvard et ayant pour rapporteur Gilles Carrez, qui fut constituée pour modifier la LOLF. Je forme le vœu que la qualité de notre travail soit à la hauteur de ces travaux passés. Je suis convaincu que la multiplicité des points de vue y contribuera. Chacun d’entre vous a déjà pu travailler sur ce texte déposé en Conseil des ministres la semaine dernière. Je ne doute pas que les questions seront nombreuses. Nos échanges n’en seront que plus fructueux.

Je vous propose que l’ensemble des travaux de cette commission spéciale, et pas seulement l’audition des ministres, soient ouverts à la presse. Je vous informe en outre que notre prochaine réunion se tiendra mercredi prochain, 3 octobre, à 11 heures 30, à l’issue du conseil des ministres, afin que les ministres puissent être présents parmi nous pour l’examen du texte. Nous reprendrons ensuite l’examen des articles et amendements de 14 heures à 15 heures, puis à 16 heures 15, après la séance de questions au Gouvernement. Je suggère qu’avant d’aborder l’examen des articles et des amendements, nous nous contentions mercredi prochain d’entendre un orateur par groupe, étant entendu que tous ceux d’entre vous qui souhaitent intervenir peuvent le faire aujourd’hui.

M. Charles de Courson.  Il est rare qu’à l’issue du conseil des ministres, les ministres puissent être présents dès 11 heures 30. Ils arrivent plutôt vers midi ou midi et demi…

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous pourrons commencer la discussion générale avant leur arrivée.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission spéciale. Quelle est la date limite de dépôt des amendements ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas.  Samedi 29 septembre à dix-sept heures.

Je donne maintenant la parole aux ministres.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances.  Cette audition marque pour Jérôme Cahuzac et moi-même le coup d’envoi des débats budgétaires de l’automne qui incluent cette année la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ainsi que l’adoption de ce projet de loi organique.

Conformément au souhait du Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont fait le choix du sérieux budgétaire. Jérôme Cahuzac et moi-même sommes garants du respect de cet engagement devant le Parlement. Mais en dernier ressort, c’est devant nos concitoyens que nous sommes engagés car ce sont eux qui ont choisi cette voie du redressement dans la justice, c’est pour eux que nous déployons notre programme économique et c’est à eux que nous devrons rendre compte des résultats obtenus.

Certains s’inquiètent de l’incidence du TSCG sur notre souveraineté. Nous sommes aujourd’hui devant vous pour écouter vos questions, y répondre et apaiser vos éventuelles inquiétudes.

La France s’est engagée dans le redressement de ses finances publiques. Ce n’est pas le traité qui nous l’impose, comme certains veulent le croire. C’est un impératif pour notre pays et le Président de la République s’y est engagé. Nous tiendrons cet engagement parce que la dette, qui empêche de dégager des marges de manœuvre pour financer les politiques publiques et combattre les inégalités, est l’ennemie de l’économie et des services publics. Elle est aussi l’ennemie de la souveraineté nationale : un pays dont les finances publiques dérapent se trouve de facto livré aux mains des marchés. Plusieurs pays européens – point n’est besoin de citer leur nom, chacun les a en tête – ont commis par le passé et commettent encore des erreurs dans la gestion de leurs comptes publics. Ils en ont payé le prix et, aujourd’hui à la merci des marchés financiers, continuent de le payer. Je comprends les interrogations qui peuvent se faire jour quant au respect de notre souveraineté. Ce projet y répond d’ailleurs, mais que chacun perçoive bien qu’aucune nation n’est moins souveraine que celle que son niveau d’endettement expose à l’emprise des marchés.

Ne nous trompons pas. Ni l’Europe ni le TSCG ne sont la source de nos maux. C’est la dette qu’il nous faut combattre pour pouvoir appliquer notre programme et, précisément, préserver notre souveraineté. D’où notre choix du sérieux budgétaire, choix politique que les Français ont appuyé. Au final, ce à quoi la France souscrit au travers de la ratification du TSCG et de l’adoption de ce projet de loi organique, c’est le pendant européen d’une orientation que notre pays a souhaité lui-même prendre.

Le traité ne fait pas de l’équilibre budgétaire un absolu. Il prend en compte les circonstances économiques qui contraignent les États, il n’impose aucune correction automatique de la trajectoire des comptes et ne dit rien de la voie à emprunter pour tendre vers l’équilibre. Nous atteindrons l’objectif que nous nous sommes fixé d’équilibre des comptes en 2017 en restaurant justice et équité dans notre système fiscal. C’est ce que j’ai répondu aux observations de la Commission européenne sur notre programme de finances publiques. Assainir les comptes dans la justice, c’est solliciter ceux qui peuvent et soulager ceux qui peinent. Telle est la voie que nous avons choisie.

Ce projet de loi organique tire les conséquences des règles du TSCG en matière de gouvernance des finances publiques et les introduit dans notre droit national. Il ne se conçoit pas seul, il fait partie d’un « paquet » plus large, qui inclut toutes les mesures en faveur de la croissance et de l’emploi. Lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, le Président de la République a obtenu de nos partenaires que soit déplacé le centre de gravité de la construction communautaire en rendant toute leur place aux initiatives en faveur de la croissance, de l’emploi et de la stabilité financière, avec notamment l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Les règles budgétaires sont certes importantes, mais l’Europe ne saurait s’y résumer.

Ce projet de loi organique donne à l’État, aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale une boîte à outils commune pour le pilotage des finances publiques. Il réforme les outils de programmation et de gouvernance des finances publiques. Il s’organise en trois grands chapitres : le premier révise la structure de nos lois financières ; le deuxième crée un Haut conseil des finances publiques ; le troisième institue un mécanisme de correction d’éventuels écarts.

Par nature, ce projet de loi ne comporte que des règles de procédure, une loi organique n’ayant pas pour objet d’établir des règles de fond. Il n’énonce pas de règle d’or en tant que telle. J’y insiste car je sais l’importance du sujet pour beaucoup d’entre vous. C’est d’ailleurs ce qui fait la spécificité de notre approche. Là où la majorité précédente voulait inscrire une règle d’or dans la Constitution, ce qui aurait de facto amoindri le rôle du Parlement, nous avons souhaité soumettre à la représentation nationale un dispositif qui préserve les prérogatives du Parlement et donnera de la vitalité à ses débats.

Les nouvelles règles concernent d’abord l’élaboration de nos lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Dorénavant, celles-ci intégreront le respect d’un objectif à moyen terme de solde structurel défini dans les lois de programmation des finances publiques. Ce solde structurel sera défini pour l’ensemble des administrations publiques et devra, en fin de cycle, tendre vers l’équilibre. Les lois de programmation couvriront une période d’au moins trois ans et définiront une trajectoire de retour à l’équilibre – à l’instar de celle que nous avons retenue pour ce mandat : 4,5 % de déficit en 2012, 3 % en 2013 et 0 % en 2017. Chaque loi de finances intégrera un tableau de bord qui permettra au Parlement de vérifier que la trajectoire fixée est respectée.

Un mot du solde structurel. C’est le solde budgétaire corrigé des fluctuations conjoncturelles – trous d’air ou améliorations temporaires qui peuvent biaiser, voire fausser, la perspective. En nous attachant à ce solde-là, qui donne l’état de santé réel de nos comptes, nous conservons la possibilité d’engager une politique économique contracyclique ou résistante au cycle en cas de conjoncture dégradée ou de récession. Pas plus que le TSCG ne fait de l’équilibre budgétaire un absolu, le projet de loi organique, qui l’intègre dans notre droit national, ne crée de carcan pour les finances publiques. Souple et pragmatique, cette approche a toutes les qualités.

Autre innovation : ce projet de loi organique crée un Haut conseil des finances publiques. Celui-ci sera chargé, d’une part, de vérifier la fiabilité des prévisions macro-économiques, d’autre part, de se prononcer sur le respect de la trajectoire des finances publiques à moyen terme. Placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le premier président de la Cour, il comprendra quatre magistrats de la Cour des comptes et quatre membres nommés, respectivement, par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et les présidents des commissions des Finances des deux assemblées. Son indépendance totale sera ainsi garantie.

Enfin, ce projet de loi organique organise un mécanisme de correction. À l’occasion de la préparation du débat d’orientation sur les finances publiques, le Haut conseil peut alerter publiquement le Gouvernement et le Parlement s’il s’avère que l’écart se creuse entre la trajectoire visée et la trajectoire effective. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles pouvant justifier l’écart constaté. Le Gouvernement doit s’expliquer devant le Parlement sur les raisons de l’écart et tenir compte de l’avis du Haut conseil dans l’élaboration des plus prochaines lois financières. Il faut souligner qu’avec ce calendrier, le Parlement bénéficiera de l’éclairage du Haut conseil avant le débat d’orientation des finances publiques.

Il n’y a que le déclenchement du mécanisme de correction, prévu dans le traité et repris dans le projet de loi organique, qui est automatique. Seul le Parlement pourra, sur proposition du Gouvernement, définir les voies et moyens de cette correction. Ses prérogatives, auxquelles vous êtes, comme nous, attachés, ne sont donc pas réduites. C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil constitutionnel a jugé le 9 août dernier que la mise en œuvre du TSCG « ne porte aucune atteinte aux conditions d’exercice de la souveraineté nationale. »

Je mesure la complexité législative qui résulte de la prise en compte de ces nouveaux mécanismes européens dans la procédure et le calendrier parlementaire de chaque État. Je sais également combien la représentation nationale est attachée à la maîtrise de l’exercice budgétaire. Je souhaite que nous puissions rendre ensemble les échéances financières plus lisibles. L’instauration, à l’article 13 du traité, d’une conférence interparlementaire devrait y aider.

Une fois que nos partenaires européens auront eux aussi ratifié le TSCG, nous pourrons partager avec eux des points de repère et des outils de travail. Aura ainsi été réparée l’une des défaillances de la gouvernance européenne, que la crise financière a brutalement mise en lumière. L’intégration du traité dans le corpus législatif des États membres contribuera à rétablir la confiance. L’horizon deviendra en effet plus lisible, plus prévisible, voire certain, une fois passée la période de flottement actuelle. Autant d’éléments indispensables au retour de la croissance en Europe. La ratification du traité par nos partenaires permettra également de rééquilibrer la construction européenne en faveur de la croissance, conformément au souhait du Président de la République.

Celui-ci avait, pendant la campagne, défini un agenda européen comportant trois points principaux : pas d’inscription d’une règle d’or dans la Constitution, ajout d’une dimension de croissance à la construction européenne, sérieux budgétaire. Les termes de ce contrat proposé aux Français ont été respectés. Le projet de loi organique qui vous est soumis ne remet pas en cause la souveraineté nationale. Il préserve le rôle du Parlement. Il donne des outils plus efficaces pour atteindre l’objectif d’équilibre des finances publiques tel que déjà mentionné à l’article 34 de notre Constitution. C’est pourquoi je souhaite qu’il soit approuvé le plus largement possible dans les deux assemblées.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le ministre du budget, souhaitez-vous ajouter un mot ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Je n’ai rien à ajouter. Je me contenterai de répéter : pas de transfert de souveraineté et pas d’automaticité dans les mesures à prendre. Si une procédure doit être enclenchée dès lors qu’elle aura été jugée nécessaire par le Haut conseil des finances publiques, nul, et surtout pas le Parlement, ne se trouvera pour autant dessaisi de ses prérogatives. La règle demeure : le Gouvernement propose, le Parlement dispose.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission spéciale. Je me félicite que l’adoption de ce projet de loi organique puisse intervenir avant le début du processus budgétaire, alors que le Gouvernement aurait pu la remettre à plus tard. Tiendra-t-il compte dès la présentation de la loi de finances initiale pour 2013 des dispositions de la future loi organique ?

Le TSCG prévoit que la Commission européenne proposera un calendrier de convergence vers l’objectif d’un déficit structurel inférieur à 0,5 % du produit intérieur brut. A-t-on déjà une idée de ce calendrier ?

Comment le Gouvernement entend-il la notion de solde structurel, dont il existe plusieurs acceptions ? Est-ce le Haut conseil des finances publiques qui sera chargé de la préciser ? Le solde effectif, quant à lui, pourrait n’apparaître que dans le rapport annexé à la loi de programmation. Qu’en pensez-vous ?

Il est prévu que l’article liminaire des lois de finances fasse référence à toutes les administrations publiques, ce qui inclut les collectivités territoriales. Certains s’inquiètent donc de l’atteinte qui pourrait être portée au principe de leur libre administration. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Certains d’entre nous s’interrogent sur la composition du Haut conseil des finances publiques. S’il est légitime de réserver une place importante à la Cour des comptes, cette composition ne gagnerait-elle tout de même pas à être élargie ? Des propositions seront faites en ce sens. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Quelle est la portée exacte du III de l’article 16 concernant les mécanismes de correction ? Impose-t-on au Gouvernement les mesures à prendre ? J’ai cru comprendre qu’il serait seulement imposé de proposer des mesures, mais que le Gouvernement et le Parlement resteraient maîtres de leur contenu. Pour le reste, il nous semblerait utile que le constat des écarts ait lieu dès l’examen de la loi de règlement plutôt que d’attendre le débat d’orientation des finances publiques.

Enfin, où en sont les négociations sur les deux propositions de règlement dites « Two - Pack » ? Quid de la nécessité de transmettre à Bruxelles les projets de budgets nationaux ?

M. le ministre. Tiendrons-nous compte des dispositions de la loi organique dans la présentation des lois financières dès cette année ? La réponse est oui. Nous raisonnerons notamment en termes de déficit structurel. Il est important que le Parlement soit dès cette année informé et que ces prescriptions soient respectées.

Pour ce qui est de la composition du Haut conseil des finances publiques, il appartient bien évidemment au Parlement de se prononcer. Nous y avons longuement réfléchi. La proposition qui vous est faite exclut toute forme d’intervention du pouvoir exécutif. C’est la Cour des comptes et les deux Assemblées du Parlement qui désigneront les membres du Haut conseil. Notre souci a été de garantir l’indépendance absolue de cette instance.

Le projet de loi de finances initiale ne pourra comporter dès cette année d’article liminaire au sens de l’article 6 du projet de loi organique, mais tous les éléments utiles figureront dans l’ensemble des documents annexés.

Pour ce qui est des écarts, nous sommes prêts à examiner votre proposition d’en avancer dans le temps la constatation ainsi que l’examen des mesures à prendre. Le projet de loi impose seulement au Gouvernement de tenir compte de l’existence d’un écart. Un rapport annexé à la loi de finances initiale détaillera les mesures de correction proposées.

En ce qui concerne le calendrier de convergence vers l’objectif de moyen terme, aucune discussion n’a encore été entamée avec la Commission européenne. Cela sera chose faite dans les prochaines semaines, les prochains mois au plus tard, sans qu’il existe à ce stade de calendrier précis dans la mesure où les États membres sont en train de ratifier le traité.

M. le ministre délégué. La notion de solde structurel, que votre commission des Finances a commencé à manier lors la précédente législature, renvoie à celle de croissance potentielle, à savoir la croissance que le pays aurait s’il ne subissait pas les effets de la crise internationale. Elle permet donc de juger de la réalité des efforts consentis et de l’efficacité des politiques menées par un pays pour ajuster ses finances publiques. À titre d’exemple, le déficit structurel de la France ne s’est jamais amélioré entre 2005 et 2011.

Cela dit, nous allons nous heurter à des problèmes méthodologiques qu'il faudra régler. La Commission européenne a une méthode de calcul de la croissance potentielle, la Cour des comptes en a une deuxième, la direction du Trésor une troisième, et certains pays de l’Union en ont encore une autre. J’espère que les travaux menés au niveau européen trouveront une conclusion. Si l’on veut qu’une règle s’applique à l’ensemble des pays de la zone euro et que les comparaisons aient un sens, encore faut-il que la croissance potentielle soit appréciée de la même manière partout.

M. le rapporteur. Je crains que vous n’ayez pas répondu à ma question concernant les collectivités territoriales.

M. le ministre délégué. Nous apporterons des précisions demain devant le comité des finances locales, comme il est de tradition. Mais je vous indique que c’est le « zéro valeur » qui s’appliquera à l’enveloppe normée, étant entendu que les sommes versées au titre du fonds de compensation de la TVA ne seront pas prises en compte dans l’application de cette norme.

M. le rapporteur. Les contraintes prévues dans le traité s’imposeront-t-elles non seulement aux dotations de l’État mais aussi, par exemple, au niveau d’endettement des collectivités territoriales ? Le principe fondamental de la libre administration des collectivités territoriales pourrait-il se trouver remis en cause de quelque façon que ce soit ?

M. le ministre délégué. Il n’est pas prévu d’ajouter à la règle d’or qui existe déjà en matière d’investissement local une règle supplémentaire qui s’imposerait aux collectivités territoriales. Chacun est libre d’imaginer ce qu’il souhaite dans le cadre d’un plan de retour à l’équilibre. Mais le projet de loi de finances initiale ne comportera pas de règle fixant, par exemple, un niveau d’endettement maximum pour les collectivités.

Mme Élisabeth Guigou. La commission des Affaires étrangères a adopté ce matin à une très large majorité le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Ce texte est le premier élément d’un ensemble comportant également le projet de loi organique, le projet de loi de programmation des finances publiques et la mise en œuvre du pacte de croissance obtenu par le Président de la République en juin dernier.

Comme vous le soulignez, ce n’est pas le traité qui nous impose le chemin de rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques : ce sont les engagements pris par le Président pendant la campagne électorale.

Le traité innove peu, somme toute, par rapport aux règles du traité de Maastricht – qui existent depuis vingt ans –, au principe de surveillance et au principe de sanction. La notion de solde structurel elle-même existait déjà depuis quelques années. Le traité en durcit la mesure, faisant passer la limite inférieure de déficit structurel de 1 % à 0,5 % du produit intérieur brut. Les deux principales innovations sont, d’une part, le contrôle exercé par la Cour de justice de l’Union européenne sur la transposition du pacte en droit national, d’autre part, la règle de la majorité inversée pour pouvoir déclencher une procédure de sanction contre un pays qui ne respecterait pas son chemin de rétablissement.

J’en viens à mes questions.

En ouvrant une marge de négociation dans la mise en œuvre du traité, la notion de solde structurel est assurément plus intelligente que la règle fondée sur le déficit annuel. Mais certains de nos partenaires, dont l’Italie, demandent d’exclure les dépenses d’investissement du calcul du solde structurel. Ce n’est pas la position du Gouvernement, je le sais, mais beaucoup aimeraient que vous apportiez des précisions à ce sujet.

Quels sont les motifs qui ont amené le Gouvernement à choisir de placer le Haut Conseil des finances publiques auprès de la Cour des comptes et de le faire présider par son premier président ? Dans d’autres pays de l’Union, on envisage de faire appel au Parlement, à l’instar de ce qui existe aux États-Unis. Je ne conteste pas le choix français mais j’aimerais être éclairée.

Par ailleurs, le Haut conseil des finances publiques prendra-t-il l’attache du Parlement avant de communiquer ses observations au Gouvernement ?

Ma dernière question a trait à la légitimité démocratique. L’article 13 du TSCG évoque la création d’une conférence interparlementaire, mais cela reste une simple évocation. À l’initiative de Christophe Caresche, la commission des Affaires européennes et la commission des Affaires étrangères ont adopté une proposition de résolution européenne demandant la création rapide de cette conférence. Nous souhaiterions, à cet égard, connaître l’idée que le Gouvernement se fait de sa composition et de son rôle.

Mais la résolution va plus loin. Si, comme vous le soulignez à juste titre, les prérogatives de notre Parlement ne sont pas altérées par le traité, nous voulons pour notre part qu’elles soient renforcées. Il est nécessaire que nous contrôlions davantage un processus qui touche au cœur de nos pouvoirs. Il ne s’agit pas d’aller vers un système de mandat impératif à l’allemande, qui provoquerait, soit dit en passant, un blocage général de l’Union européenne. Mais entre le « tout » allemand ou danois et le « presque rien » français, il y a de la marge ! C’est pourquoi la résolution propose que le Parlement français débatte, au-delà des questions budgétaires, de l’ensemble des enjeux relatifs à l’Union économique et monétaire. Nous invitons à cette fin le Gouvernement à le consulter à l’occasion des principales étapes du semestre européen et du processus européen de suivi et d’évaluation budgétaire. En dernier lieu, nous estimons indispensable que les calendriers budgétaires national et européen soient harmonisés de manière à rationaliser l’examen des textes et à garantir la cohérence entre les engagements européens et les décisions budgétaires nationales.

Bref, en dépit des contraintes de calendrier, il faut que le Parlement exerce son contrôle à différents moments clés.

M. le ministre. Sans entrer dans le détail de la proposition italienne, je précise que nous avons choisi de présenter le projet de loi de finances pour 2013 avec un déficit nominal de 3 % du PIB. Nous considérons en effet qu’il faut conserver la crédibilité de la trajectoire de nos finances publiques et affirmer la qualité de notre signature. Il est hors de question de baisser la garde sur ce point si nous voulons préserver ce qui est aujourd'hui notre apanage, c'est-à-dire des taux d’intérêt faibles. Un euro de plus affecté au remboursement de la dette, c’est un euro de moins pour l’hôpital, l’éducation, la sécurité ou la compétitivité de l’économie.

Pour ce qui est du Haut conseil des finances publiques, rappelons d’abord que le traité laisse les États signataires libres d’organiser comme ils le souhaitent les institutions qui se prononceront publiquement sur les prévisions macroénonomiques, sur la trajectoire des finances publiques et sur l’éventuelle apparition d’un écart, du moment que ces institutions sont indépendantes. Compte tenu de la place que la Cour des comptes a prise dans notre système institutionnel, que ce soit auprès du Gouvernement ou auprès du Parlement, il n’était pas imaginable qu’elle ne soit pas partie intégrante du dispositif que nous mettons en place. Plutôt que d’avoir deux instances séparées, il nous est apparu plus judicieux de réunir en un même lieu – proche de la Cour des comptes, bien entendu – toutes les compétences en matière de suivi des finances publiques et de prévisions macroéconomiques. C’est ce qui justifie cette composition mixte – qui pourra, le cas échéant, être précisée – et le rôle que jouera le premier président de la Cour.

Enfin, le Gouvernement ne peut qu’appuyer l’appel à la création rapide d’une conférence interparlementaire. Non seulement la loi organique vivifiera le débat financier national, mais elle l’inscrit, avec le programme de stabilité, dans un cadre européen. Je n’envie pas forcément mes collègues danois ou allemand, qui vivent parfois comme une épreuve – stimulante, certes – leurs auditions par le Folketing et le Bundestag. Il faut trouver une juste mesure, mais rien de ce qui va dans le sens du renforcement du contrôle parlementaire sur les débats européens ne m’a jamais paru être négatif.

M. le ministre délégué. Si l’on exclut les dépenses d’investissement du calcul du solde structurel, on se heurte à une difficulté considérable. En effet, le retour à l’équilibre des finances publiques passe par le pilotage dudit solde. Sachant que 70 % des investissements civils sont réalisés par des collectivités locales régies par le principe de libre administration, l’État ne pourrait agir que sur les 30 % restants. Bref, certains investissements régaliens deviendraient la variable d’ajustement de l’ensemble des investissements réalisés en France. Je ne crois pas que ce soit satisfaisant. Partant, je ne crois pas que l’on puisse retrancher les dépenses d’investissement pour calculer le solde structurel.

Mme Élisabeth Guigou. La conférence interparlementaire, à laquelle participeront des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, est une chose. Mais quid du contrôle effectué par l’Assemblée, en amont de la réunion de la conférence, sur l’action du Gouvernement et de la Commission européenne tout au long du semestre européen ?

M. le ministre. La création d’une conférence interparlementaire me semble tout à fait positive. Reste à trouver les modalités pratiques d’organisation des travaux en fonction des échéances, notamment celles du programme de stabilité et du programme national de réformes. Cela mérite un examen détaillé, auquel d’autres collègues du Gouvernement pourront être associés.

M. Gilles Carrez. Ce projet de loi organique découle en grande partie de l’article 3 du traité de stabilité. Je note que la rédaction de cet article, qui constitue en quelque sorte le cœur du traité, est restée strictement inchangée depuis février dernier.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision du 9 août dernier que la France avait le choix entre deux options pour décliner les dispositions de l’article 3 en droit français : soit une révision constitutionnelle, soit tout autre moyen ayant un caractère contraignant et permanent. Votre choix de recourir à la loi organique est assurément conforme à cette décision.

Cela dit, vous avez laissé entendre dans votre présentation que la loi organique pourrait permettre de s’exonérer beaucoup plus facilement des obligations du traité, ou de les contourner, que le biais constitutionnel. Je rappelle que l’article 3 est extrêmement contraignant, allant jusqu’à prévoir un mécanisme automatique de correction des écarts.

Je me réjouis toutefois que le projet de loi organique présente une grande continuité avec le projet de loi constitutionnelle que l’Assemblée et le Sénat ont voté l’an dernier mais qui n’a pu être soumis au Congrès. La méthodologie est la même : l’application du traité passe par les lois de programmation pluriannuelles que la précédente majorité a introduites dans la réforme constitutionnelle de 2008. Ces lois définissent une trajectoire visant à rapprocher progressivement les plafonds de dépenses et les planchers de recettes des comptes de l’État et des comptes sociaux.

Il existe cependant une différence qui tient à l’introduction, dans l’article 3, de la notion de solde structurel inspirée de la réforme constitutionnelle allemande de 2009. Comme l’a bien vu Mme Guigou, toute la difficulté résidera dans le passage entre les soldes effectifs et les soldes structurels.

Pour le reste, je veux souligner à quel point nous nous inscrivons dans une continuité. En entendant votre vocabulaire, votre sémantique, je me croyais revenu un an en arrière ! Oui, vous avez raison d’insister sur la confiance dont nous devons continuer de bénéficier auprès de nos créanciers et sur la nécessité de couvrir notre besoin de financement dans de bonnes conditions. Et vous avez raison de vous engager sur un solde nominal de 3 %, sans essayer de vous réfugier derrière une approche structurelle qui exclurait, le cas échéant, les investissements. Nous ne pouvons que vous approuver !

Les délais imposés à notre commission spéciale étant très brefs – samedi prochain à 17 heures pour le dépôt des amendements – je souhaite poser d’ores et déjà quelques questions.

Ne conviendrait-il pas de compléter l’article 2 du projet de loi organique, qui précise le contenu de la loi de programmation pluriannuelle en y introduisant la notion d’effort structurel. À cet égard, une partie des éléments que l’article 5 prévoit de faire figurer dans le rapport annexé pourrait être transférée à l’article 2, de manière à décliner le solde structurel en dépenses et en recettes dès la loi de programmation pluriannuelle.

Par parenthèse, je signale à Jérôme Cahuzac que le solde structurel de notre pays ne s’est jamais autant dégradé qu’au cours des années 1999, 2000 et 2001. Alors que notre pays était en haut de cycle, avec des élasticités de recettes phénoménales, on a créé, en face de recettes temporaires, des dépenses définitives. Notre solde nominal était correct, mais on laissait notre solde structurel se dégrader.

Au-delà de ce rappel historique, je propose donc, messieurs les ministres, que l’on décompose le solde et que l’on introduise la notion d’effort structurel dès l’article 2 de la loi organique.

Le Haut conseil des finances publiques doit-il vraiment être « placé auprès de la Cour des comptes » ? La Cour, bien entendu, doit se voir confier un rôle éminent dans cette structure, mais il serait dommage de se priver, au nom de l’indépendance absolue, de l’expertise qui existe à Bercy. Le calcul des élasticités de recettes, par exemple, implique une expertise opérationnelle qui existe au ministère de l’Économie et des finances, pas forcément à la Cour des comptes ou chez tel ou tel économiste ou universitaire distingué. Ne serait-il pas raisonnable que le directeur de l’INSEE, voire le directeur du Trésor, siège dans cette instance ? Pour ma part, je n’y trouverais rien à redire du point de vue de l’indépendance. Je n’ai rien à objecter au dispositif et au mode de désignation prévus par le texte, sinon que l’on aurait intérêt à y insuffler davantage de compétences techniques.

Je souhaiterais également que le Haut conseil puisse intervenir sur chaque projet de loi de finances rectificative. On l’a vu ces dernières années, les réactions face à la crise doivent être très rapides. Les collectifs ont pris une importance qu’ils n’avaient pas auparavant. Il conviendrait donc de renforcer les dispositions prévues à l’article 11.

Comme le rapporteur, je pense qu’il serait plus judicieux de discuter de correction des écarts lors de l’examen de la loi de règlement que lors du débat d’orientation budgétaire. Le bon chaînage ne serait-il pas de soumettre au Parlement le projet de loi de règlement et la correction des écarts au mois de mai, puis, dans la foulée, le projet de loi de programmation pluriannuelle ? Cet examen coïnciderait avec la publication des avis de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne sur le programme de stabilité, l’examen par le Parlement français avant l’envoi à Bruxelles ayant été réalisé en avril. Il me semble en effet intéressant de déconnecter la discussion de la loi de programmation pluriannuelle de celle du projet de loi de finances de l’année.

Aux termes de l’article 16 du projet de loi organique, « il est tenu compte par le Gouvernement d’un écart important au plus tard lors de l’élaboration du plus prochain projet de loi de finances de l’année ou projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année ». Ce « il est tenu compte » me semble un peu faible au regard de la correction automatique prévue à l’article 3 du traité. Ne pourrait-on envisager une rédaction telle que : « le Gouvernement s’engage à tenir compte » ?

M. le ministre. Le Conseil constitutionnel, en effet, a laissé le choix entre deux possibilités. Nous en avons adopté une, mais en aucun cas pour nous exonérer de quoi que ce soit. Il n’y avait d’ailleurs aucune ambiguïté dans ma présentation. Mieux vaut une loi organique efficace qu’une disposition constitutionnelle sans portée, comme on l’a déjà dit. De fait, le projet de loi organique se cale de façon très précise sur les dispositions du traité. Il n’y a aucune échappatoire, ni même aucune intention en ce sens. Il serait faux d’affirmer que nous affaiblissons le contrôle de nos lois de finances.

Ce choix de la loi organique, nous l’avons fait pour deux raisons.

D’abord pour une raison politique. La majorité actuelle a toujours dit qu’elle ne souhaitait pas l’inscription d’une règle d’or dans la Constitution. C’est bien le cas dans ce projet de loi organique, qui institue des règles de procédure utiles et nécessaires et dont le caractère contraignant ne peut être mis en doute.

Ensuite pour une raison ayant trait au contrôle par le juge. L’introduction d’une règle d’or dans la Constitution impliquerait que la totalité des lois de finances soient passées au crible par le Conseil constitutionnel. Or, dans sa décision du 9 août, le Conseil constitutionnel précise que son contrôle sur la sincérité des lois de finances prendra en compte les avis du Haut conseil. Il vérifiera également la procédure suivie, mais aucune censure de la loi de finances ne sera possible au nom d’une règle d’or. Le choix que nous avons fait préserve donc les prérogatives du Parlement.

J’ai bien noté, monsieur le président de la commission des Finances, que vous approuviez la prévision de 3 % de solde nominal de notre projet de budget. Je ne doute pas que cela facilitera le vote du projet de loi de finances par l’opposition !

Cela dit, les chemins que nous choisissons pour revenir à ces 3 % sont différents des vôtres. Nous n’avons laissé aucune approximation à ce sujet lors de la campagne présidentielle.

J’en viens à la composition du Haut conseil. Jérôme Cahuzac et moi-même serions les derniers à contester qu’il existe une capacité d’expertise à Bercy ! Nos équipes mettent la dernière main à la présentation du projet de loi de finances pour 2012. Elles fournissent un travail considérable et d’une qualité incroyable. Je leur accorde toute ma confiance – et notamment à la direction du Trésor, dont j’ai pu lire ici ou là qu’elle était questionnée. Leur loyauté et leur compétence ne font aucun doute. La voie de l’indépendance que nous avons choisie nous est apparue plus conforme au traité, mais nous pourrons débattre de l’utilisation de cette expertise indéniable dans le nouveau dispositif.

Concernant le calendrier, vos arguments, je le répète, peuvent être entendus. En revanche, à l’article 16, je crois que l’expression « il est tenu compte » dit précisément jusqu’où on peut aller et au-delà de quoi on ne peut aller.

M. le ministre délégué. Nous avons jugé suffisant de faire figurer dans la loi de programmation la définition de l’objectif de solde structurel, en renvoyant aux rapports annexés l’évaluation de l’effort structurel à consentir, même si celui-ci est évidemment indispensable pour réduire celui-là. Y a-t-il là matière à un débat majeur ? J’en doute, dans la mesure où la loi organique énonce clairement que l’équilibre des finances publiques se fait par le pilotage du solde structurel.

Quant aux lois de finances rectificatives, l’article 11 est très clair : « …le Gouvernement informe sans délai le Haut conseil des finances publiques des prévisions macroéconomiques sur lesquelles il entend se fonder pour l’élaboration de ce projet. Le Haut conseil peut rendre un avis public sur ces prévisions ». Laissons le Haut conseil maître de s’exprimer ou non. Le contraindre en remplaçant : « peut » par : « doit » ne me paraît pas indispensable.

M. Gilles Carrez. Mon propos ne tendait pas à remplacer une faculté par une obligation, mais à étendre la portée de l’avis donné par le Haut conseil. L’article 11 ne l’autorise à se prononcer que sur les prévisions macroéconomiques et je souhaiterais qu’il livre également à une analyse des comptes, comme pour un projet de loi de finances.

M. le ministre délégué. La multiplication récente des lois de finances rectificatives incite en effet à la prudence, mais ces textes peuvent être décidés, élaborés et présentés dans des délais très brefs. Le Haut conseil risque alors de ne pas disposer de tout le temps nécessaire pour suivre la même procédure qu’à l’occasion des projets de lois de finances initiales. Ne le contraignons pas à un travail trop rapide qui pourrait compromettre sa crédibilité !

M. Paul Giacobbi. Je comprends parfaitement la signification et l’utilité des concepts de « trajectoire » et de « pluriannualité » en matière de retour à l’équilibre de finances publiques. En revanche, je suis quelque peu allergique à la notion de « loi de programmation ». L’expérience me conduirait en effet à définir un tel texte comme un « ensemble de dispositions législatives indicatives et prévisionnelles destinées à être contredites par les lois de finances annuelles » !

Le choix de ne pas inscrire dans la Constitution la règle de retour à l’équilibre nous condamne à un exercice juridique et sémantique qui s’apparente, sans jeu de mots, à un numéro d’équilibriste. Le présent dialogue en témoigne. À force d’entendre répéter qu’il n’y a ni transfert de souveraineté ni mécanisme contraignant, j’en viens à m’interroger sur la portée juridique du texte. Dans un environnement anglo-saxon, où l’on parlerait par exemple de guidelines, l’exercice serait sans doute plus facile que dans les pays latins de droit écrit. À vouloir respecter tout à la fois le traité et la décision du Conseil constitutionnel sans modifier la Constitution, on atteint vite à la contradiction.

Alors que l’époque est à l’économie et à la simplification, alors que le Conseil d’État et la Cour des comptes dénoncent la multiplication des conseils, agences et commissions de tout poil, la création d’un Haut conseil est-elle vraiment appropriée ? Je rappelle, à cet égard, l’existence de la Cour des comptes, instance indépendante chargée, en particulier, d’éclairer à tout moment le Parlement sur les finances publiques et de certifier a posteriori les comptes publics. En quoi un comité composé pour moitié de magistrats financiers et pour moitié d’experts désignés, eux, par des autorités politiques – comme les membres du Conseil constitutionnel – offrirait-il de meilleurs gages de crédibilité et de compétence, surtout s’il s’agit de rendre un avis sur la sincérité des prévisions macroéconomiques ? N’importe quel crétin est à même de consulter celles de toute une série d’institutions publiques ou privées, nationales ou internationales, et de les comparer à la prévision du Gouvernement. Il constatera alors, comme on l’a fait au cours des dix dernières années, que cette dernière dépasse toujours de 0,5 à 1 point le consensus des experts. Au moment de la discussion budgétaire, on met cet écart sur le compte du volontarisme économique et politique. Puis on constate que « les temps sont durs ». Et l’on explique enfin que l’on avait quand même raison, mais que bien des choses se sont passées entre-temps ! Tout cela n’est pas très sérieux !

Je doute également, monsieur le président de la commission des Finances, de l’utilité d’adjoindre à ce Haut conseil des fonctionnaires de Bercy, dont je reconnais par ailleurs les compétences éminentes et l’utilité incontestable. Rien n’interdit à cette instance de demander au ministère de l’Économie et des finances des données que ses différentes directions sont plus à même de fournir que la Cour des comptes.

Enfin, ne pourrait-on instituer un mécanisme analogue à celui du texte pour les collectivités locales, dont beaucoup – c’est le cas de celle que je préside – font cet exercice pluriannuel lorsqu’elles votent les orientations budgétaires, mais sans le formaliser complètement ? Sachant qu’elles contribuent pour une large part à l’investissement public mais que le blocage des dotations les amènera à réduire certains excès, elles ont autant besoin de cette discipline que l’État. Mais cela ne saurait être l’objet d’une loi organique...

M. Charles de La Verpillière. J’admire l’habileté de votre présentation, messieurs les ministres. Vous y insistez lourdement : vous n’inscrivez la règle d’or prévue dans le traité dans aucun texte de fond et c’est un projet de procédure que vous nous présentez. Je doute que certaines composantes de votre majorité, notamment Europe Écologie-Les Verts et le Front de gauche, soient tout à fait dupes !

Cela étant, l’angle que vous avez choisi aura des effets juridiques. En ne faisant figurer la règle d’or ni dans la Constitution ni dans la loi organique – sinon, à l’article 1er de votre projet, sous la forme d’une référence à l’article 3 du TSCG –, vous renvoyez l’essentiel aux lois de programmation. Ma question rejoint donc celle du président Urvoas : les règles fixées dans les lois de programmation s’imposeront-elles aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets de loi rectificative déposés pour rectifier le tir en cas d’écart ? Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, qui ne pourra pas vérifier la conformité de ces textes au traité faute de modification de la Constitution, pourra-t-il cependant censurer une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale qui ne respecterait pas les objectifs fixés par la loi de programmation ? Si tel est le cas, il faut que ce soit plus explicite dans votre texte.

Ma deuxième question rejoint les interrogations du rapporteur : quelles obligations les lois de programmation pourraient-elles imposer aux collectivités territoriales ? Ces dernières sont à l’évidence incluses dans la rédaction de l’article 4 : « Ces règles peuvent en particulier avoir pour objet d’encadrer les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l’endettement de tout ou partie des administrations publiques. »

L’excellente intervention de Paul Giacobbi a conforté mes doutes quant à l’opportunité d’instituer un Haut conseil des finances publiques. Quels arguments de principe pouvez-vous apporter à l’appui de cette création ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous saurais gré, chers collègues, de ne pas revenir sur des points qui ont déjà été abordés, de manière à faire avancer la discussion.

M. le ministre. Je ferai donc l’économie de certaines réponses. Je vous redis néanmoins, monsieur de La Verpillière, qu’aucune censure d’une loi des finances n’est possible au titre de la règle d’or, du moment que nous avons choisi la voie de la loi organique.

En ce qui concerne les lois de programmation des finances publiques, la nouvelle procédure vise précisément à nous aider à les respecter. Cependant, soyons clairs : d’un point de vue juridique, les lois de programmation ne s’imposeront pas pour autant aux lois de finances, mais l’institution du Haut conseil des finances publiques et l’inscription dans les lois de finances de tableaux de synthèse permettront de gagner en lisibilité et en effectivité. Il s’agit d’un système, non pas juridiquement contraignant, mais politiquement incitatif.

M. Charles de La Verpillière. Bref, c’est du droit mou !

M. le ministre. Non, c’est du droit intelligent !

J’ai pris note de vos commentaires sur le Haut conseil. Je pense néanmoins que nous avons réussi à trouver un équilibre entre le « tout Cour des comptes » et la recherche d’une autre forme d’expertise, tout en respectant l’impératif d’indépendance qui nous était fixé.

M. le ministre délégué. La libre administration des collectivités territoriales est un principe constitutionnel. Puisqu’il s’agit d’une loi organique, le présent texte sera soumis à l’avis du Conseil constitutionnel. De deux choses l’une : ou bien l’article 4 sera jugé contraire au principe que je viens de rappeler, et le Conseil jouera son rôle, ou bien il ne le sera pas, et vos craintes sont vaines.

M. Pierre-Alain Muet. Le présent projet de loi organique construit un équilibre subtil entre le respect des prescriptions du traité et celui des prérogatives du Parlement. Il eût été absurde d’inscrire dans la Constitution des règles budgétaires dont la validité ne peut être que temporaire. La loi organique permet de faire référence au traité et, sans pour autant les mentionner explicitement, à ses deux objectifs d’une dette inférieure à 60 % et d’un déficit structurel inférieur à 0,5 % – avec un rythme de réduction de la dette pertinent et parfaitement compatible avec les prévisions à moyen terme du Gouvernement. Elle ne définit qu’une méthode, s’appliquant sans limite de temps, ce qui fait que, moyennant des amendements, elle pourra survivre au traité et à d’éventuelles modifications des règles.

Il est bon d’utiliser la notion de déficit structurel pour le pilotage des finances publiques – même s’il n’est pas facile de s’entendre sur la croissance potentielle. Si la précédente majorité l’avait fait, la France n’aurait sans doute pas connu pendant cinq ans un déficit structurel compris entre 3,3 % et 4,5 % du PIB et l’explosion de sa dette.

Le Haut conseil mériterait toutefois d’être élargi. Une personnalité qui y aurait naturellement sa place serait le directeur général de l’INSEE – qui est une institution indépendante, quoique rattachée à Bercy. C’est en effet elle qui fixe le déficit au sens de Maastricht, et qui s’exprime le mieux sur la croissance potentielle et sur les prévisions.

M. Pierre Lequiller. Nous n’avions pas à être convaincus de la nécessité de ratifier ce traité, puisque nous l’étions déjà depuis de longs mois ! Notre intention était de ratifier aussi la règle d’or, mais à la suite de cette réunion, j’en suis moins sûr : comme MM. Giacobbi et de La Verpillière, j’ai du mal à comprendre la portée juridique du texte qui nous est présenté. Il eût été plus clair d’inscrire la règle d’or dans la Constitution.

Il existe en Europe des États dans lesquels les finances des collectivités territoriales sont encadrées par des règles globales ; ici, on ne sait pas exactement ce qu’il en sera.

L’article 13 du traité découle en effet d’une initiative que j’avais prise quand j’étais président de la commission des Affaires européennes ; il s’agit de créer une conférence interparlementaire, qui réunira non seulement des représentants des parlements nationaux, mais aussi des représentants du Parlement européen. L’objectif est d’obtenir une contrepartie à l’accroissement des pouvoirs de l’exécutif – la Commission européenne, le Conseil européen et leurs présidents respectifs –, de manière que les parlements nationaux ne soient pas perçus comme les grands perdants des dernières avancées de la construction européenne.

Mme Guigou l’a dit, il faut y travailler rapidement. Certes, c’est d’abord l’affaire des parlements, mais nous avons besoin de l’appui des gouvernements. En particulier, la composition de cette conférence sera difficile à arrêter ; par exemple, les Allemands souhaitent quatre représentants par pays, parce que leurs quatre grands partis ont de fortes divergences sur les questions européennes.

Le renforcement du contrôle du Parlement n’est pas un problème secondaire. Ayant eu l’occasion d’assister aux réunions internes à la CDU et à des auditions des membres du Gouvernement allemand, j’ai pu noter qu’un véritable dialogue était engagé avant chaque prise de décision importante en matière financière. Nous devrions nous inspirer de ces méthodes, sans pour autant verser dans les excès des systèmes allemand ou danois, si nous ne voulons pas que nos concitoyens aient l’impression que nous abandonnons des pans entiers de notre souveraineté – bien que, comme le Conseil constitutionnel l’a confirmé, ce ne soit pas le cas.

M. le ministre. Monsieur Muet, l’INSEE est une institution indépendante, dont l’objectivité, le sens du service public et la rigueur des méthodes ne font aucun doute ; elle ne fait preuve d’aucune forme de complaisance envers le Gouvernement. Cependant, cet institut est aussi une direction du ministère, et c’est une source d’ambiguïté. On pourrait même envisager – je dirais presque par l’absurde – que le Parlement choisisse le directeur général de l’INSEE. En toute hypothèse, l’article 14 du projet de loi organique permet son audition par le Haut conseil.

Reste que la question de la composition de ce dernier soulève de toute évidence des interrogations ; peut-être faudra-t-il peaufiner ce point. Je m’en suis aujourd’hui tenu à vous présenter le raisonnement du Gouvernement pour à la fois garantir l’indépendance du Haut conseil, s’appuyer sur la Cour des comptes et veiller à la présence du Parlement.

Rassurez-vous, monsieur Lequiller : il n’y a aucun flou juridique. Nous ne cherchons aucune échappatoire. Je vous invite à consulter la décision du 9 août du Conseil constitutionnel et le texte du traité : tout s’y trouve – y compris les options. Je suis convaincu que nous avons choisi la solution la plus intelligente. Pierre-Alain Muet a bien montré le risque qu’aurait présenté l’inscription d’une règle d’or dans la Constitution. Le traité et la décision du Conseil constitutionnel nous suggèrent une autre voie, certes subtile, mais non pas habile, qui a l’immense mérite de préserver les prérogatives du Parlement ; c’est notre réponse à votre demande de dialogue permanent. Il est quelque peu paradoxal de vouloir renforcer le contrôle du Parlement et de préférer une disposition moins respectueuse de ses droits !

Les règles de procédure que nous vous proposons sont d’une grande rigueur intellectuelle, parfaitement codifiées et répondent à la fois aux objectifs fixés par le traité et à l’interprétation du juge constitutionnel. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir.

M. Christophe Caresche. Vous avez prévu que les membres du Haut conseil extérieurs à la Cour des comptes seraient nommés par les présidents des deux assemblées et par les présidents des deux commissions des Finances. On comprend votre intention, qui est d’assurer une forme de pluralisme, dans la mesure où ils sont censés être l’émanation, les uns de la majorité, les autres de l’opposition ; on pourrait toutefois en déduire que certains siègent au nom de la majorité et d’autres au nom de l’opposition, ce qui ne serait pas une bonne chose, y compris pour les personnes concernées. Pour ma part, je préférerais – si c’est possible juridiquement – une désignation par les commissions concernées à la majorité des trois cinquièmes, ce qui donnerait une véritable garantie d’indépendance et éviterait toute interprétation partisane.

Au plan européen coexistent deux processus : un semestre européen et un semestre national, ce dernier comprenant les examens, à peu près concomitants, de la loi de finances initiale et de la loi de programmation des finances publiques. Or le programme de stabilité, dans lequel doit aussi figurer la trajectoire budgétaire, est présenté bien avant la loi de programmation. Il faudrait, comme l’a suggéré M. Carrez, rapprocher dans le temps ces deux discussions, afin d’assurer une bonne articulation entre la loi de programmation et le programme de stabilité.

J’irai même plus loin : en bonne logique, la loi de programmation devrait surplomber l’ensemble du processus budgétaire. Or le Parlement ne peut qu’adopter ou rejeter le programme de stabilité, sans possibilité de l’amender. Il importe donc d’établir un lien avec la loi de programmation, afin de garantir que la trajectoire des finances publiques retenue par le programme de stabilité est bien celle décidée par le Parlement.

M. Charles de Courson. Le projet de loi organique prévoit deux procédures distinctes pour, d’un côté, les projets de lois de finances initiales et les projets de lois de financement de la sécurité sociale, de l’autre côté, les projets de lois de finances rectificatives et les projets de lois de financement de la sécurité sociale rectificatives. Vous le justifiez en mettant en avant des questions de délai, mais ce n’est pas un bon argument : le Haut conseil, qui ne comprend que neuf personnes, pourrait parfaitement remettre rapidement des avis. Le régime discriminatoire instauré par les articles 10 et 11 me paraît inadapté, car certaines lois de finances rectificatives sont très importantes.

D’autre part, pourquoi ne dites-vous pas explicitement que le Haut conseil est une autorité administrative indépendante (AAI) ? Pourquoi les représentants de la Cour des comptes ne sont-ils pas, comme d’habitude, élus par leurs pairs ?

La proposition de certains collègues de nommer un directeur d’administration centrale membre du Haut conseil me choque. Cela placerait ce haut fonctionnaire dans une situation intenable ! Si le Gouvernement décidait de ne pas retenir les prévisions de l’INSEE – ce qui est son droit –, pensez-vous vraiment que son directeur pourrait contester les chiffres au Haut conseil ? S’il le faisait, le ministre ne risquerait-il pas de le sanctionner ? En revanche, rien n’empêche de prévoir des auditions, en veillant à ce que le ministre ne puisse pas interdire aux hauts fonctionnaires convoqués de s’y rendre.

M. le ministre. C’est précisément ce qui est prévu !

M. Charles de Courson. Je voudrais revenir sur un sujet que j’ai abordé hier devant M. Cazeneuve – sans obtenir de réponse. Il s’agit du pouvoir dont bénéficiera le Conseil constitutionnel dans le cadre du traité.

Dans sa décision du 9 août dernier, le Conseil dit qu’il se réserve la possibilité de contrôler la sincérité des documents. Or celle-ci peut s’entendre de deux façons : d’une part, la sincérité qui repose sur la conformité de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale à la loi de programmation des finances publiques ; d’autre part, la sincérité des prévisions, contrôlée par le Haut conseil. On ne peut donc pas dire, monsieur le ministre, que le Conseil constitutionnel ne jouera aucun rôle – de toute façon, il est le seul juge de ses actions, et ni vous ni moi ne pouvons lui dicter sa jurisprudence. Cela mériterait en tout cas un débat approfondi.

L’audition des membres du Haut conseil, ou tout au moins de son président, par les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat n’est pas prévue par le projet de loi. C’est dommage.

Dernier point, le déficit structurel ne pourra pas être défini différemment dans chacun des États membres ; nous n’échapperons donc pas à une intervention européenne en la matière. Quelle prise pourrons-nous avoir sur cette décision ? On a dit que le solde structurel était l’écart entre le solde constaté et ce que serait le solde en croissance potentielle – mais comment définir le niveau de cette dernière en situation de crise ? Il y a là une difficulté méthodologique qui devra être préalablement tranchée à l’échelon communautaire.

M. le ministre. J’ai écouté avec intérêt les remarques de Christophe Caresche sur le mode de désignation des membres du Haut conseil. Je noterai simplement que le projet de loi organique prescrit que la nomination par le Parlement de quatre membres du Haut conseil se fera « en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ». Je ne doute pas que le Parlement se conformera à cette exigence – mais c’est à lui de définir des procédures adaptées.

Je ne peux pas laisser Charles de Courson dire que le directeur général de l’INSEE ne peut pas être membre du Haut conseil parce qu’il n’est pas indépendant – même si je ne préconise pas cette option. Il existe en effet des règles européennes qui garantissent l’indépendance des systèmes statistiques publics, et les règlements du « Two Pack » pourraient encore les renforcer. Le directeur général de l’INSEE se trouve donc dans une situation très particulière.

M. Charles de Courson. Oui, il peut être révoqué à tout moment en Conseil des ministres !

M. le ministre. Le calendrier proposé par Christophe Caresche se heurte à des obstacles pratiques. D’abord, en début de quinquennat, il est bon d’adopter une loi de programmation des finances publiques sans attendre le programme de stabilité du printemps suivant – et mieux vaut que la loi de programmation soit calée sur la première loi de finances de la législature. En toute hypothèse, le calendrier de dépôt de lois de programmation des finances publiques ne pourrait être fixé qu’au niveau constitutionnel ; une loi organique ne pourrait le faire.

Monsieur de Courson, je n’ai nullement laissé entendre que le Conseil constitutionnel ne jouerait aucun rôle, et je n’ai certainement pas dit qu’il ne devait pas en jouer. J’ai simplement fait référence au considérant 27 de la décision du 9 août 2012, qui précise la façon dont il se saisira de ces questions : il y est dit qu’il prendra en compte l’avis du Haut conseil des finances publiques dans son appréciation de la sincérité des lois budgétaires. Il a donc pris le soin de circonscrire de la sorte l’effet de la loi organique sur son contrôle. C’est pourquoi j’estime qu’il ne pourra pas y avoir de censure sur la base de la règle d’or – en me fondant, non sur une spéculation, mais sur ce que le Conseil constitutionnel a entendu dire, à ce stade, sur son propre rôle.

M. Charles de Courson. Je note, monsieur le ministre, que vous venez de modifier sensiblement votre propos, et je vous en félicite. Je me permets toutefois d’insister.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel dit qu’il devra s’assurer de la « sincérité » des lois ; donc, si le Gouvernement ne suit pas les avis du Haut conseil, il n’est pas exclu que le Conseil constitutionnel puisse annuler une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale pour cause d’insincérité.

D’autre part, quid d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale qui ne serait pas conforme à la loi de programmation ? Eu égard à la hiérarchie des textes, il me semble qu’il existe un véritable risque que le Conseil constitutionnel l’annule.

M. le ministre. Je n’ai nullement rectifié ma première intervention, monsieur de Courson, j’ai simplement précisé mon propos en citant la décision du Conseil constitutionnel – et j’ai fait référence, moi aussi, à la notion de « sincérité » : c’est bien ce dont il s’agit.

J’ai également répondu à votre seconde question : il ne pourra y avoir aucun contrôle de la sorte. Je me réfère une fois encore à la manière dont le Conseil constitutionnel a défini son rôle en la matière ; il a été suffisamment précis pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.

Mme Marietta Karamanli. Je salue la subtilité de ce texte, mais je souhaiterais insister sur la souveraineté des parlements nationaux.

Il serait bon que ceux-ci puissent débattre des programmes de stabilité et de convergence et des programmes nationaux de réforme.

Ils devraient également être en mesure de donner leur avis sur les répercussions sociales des recommandations faites par des instances comme le Haut conseil.

Enfin, il faudrait que les méthodes, hypothèses et paramètres pertinents qui sous-tendent les prévisions macroéconomiques et budgétaires leur soient transmis – ce qui est prévu par une directive du Conseil, mais n’est pas appliqué.

Ces trois dispositions pourraient être inscrites dans la loi organique par l’intermédiaire d’un amendement. Le Parlement européen a d’ailleurs fait une demande allant en ce sens auprès de la Commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel. S’agissant de la composition de l’autorité indépendante, il ne faudrait pas tout mélanger ! Il n’est pas anormal que les services de l’État soient sous l’autorité hiérarchique d’un ministre, et il ne me semble pas anormal non plus qu’une autorité indépendante soit composée, d’une part de personnalités extérieures, d’autre part de membres de la Cour des comptes. En outre, les données sur lesquelles la Cour des comptes et la future autorité indépendante travailleront seront nécessairement fournies par Bercy : c’est dans l’ordre des choses.

Je veux rendre hommage aux ministres, qui ont réussi le tour de force de produire un texte d’une souplesse inattendue et d’une grande subtilité, alors que nous aurions pu être pris dans une mécanique effroyable.

Serait-il néanmoins possible de préciser la notion de « circonstances exceptionnelles » ? Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il serait possible d’assouplir les règles en cas de récession – je pense que même la Commission admettrait qu’il s’agit en effet d’une « circonstance exceptionnelle » ! – et de « situation économique dégradée ». Or l’article 16 du projet de loi organique se contente de renvoyer à l’article 3 du traité, qui – me semble-t-il – ne définit pas avec précision lesdites « circonstances exceptionnelles ». Avons-nous la certitude que nous pourrons y inclure les situations économiques dégradées ?

Mme Eva Sas. Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez le garant du sérieux budgétaire. Sachez que les écologistes s’en réjouissent, car ils sont eux aussi conscients de la nécessité de s’inscrire dans une trajectoire de réduction des déficits publics. Nous souhaitons cependant faire deux observations sur ce projet de loi organique.

D’une part, le traité et le projet de loi organique ont pour objectif de placer la règle d’équilibre budgétaire au sommet de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire de rendre cet objectif supérieur aux autres objectifs que peuvent être la lutte contre le chômage ou la défense de l’environnement. Cette hiérarchie des objectifs politiques doit être débattue.

Il convient en outre de préciser la notion de solde structurel afin de permettre des politiques d’investissements à moyen et long terme, qui pourront assurer la transition vers un modèle de développement soutenable. Les écologistes proposent de faire référence au Règlement européen du 27 juin 2005 réformant le pacte de stabilité et de croissance, qui incite à prendre en considération « les réformes structurelles majeures qui entraînent des économies directes de coûts à long terme ». Il s’agit à notre sens d’une disposition structurante qui, malheureusement, a fort peu été retenue dans l’appréciation des soldes structurels – d’où la nécessité de l’inscrire clairement dans la loi organique.

Enfin, les écologistes suggèrent que cette notion de solde structurel exclue les investissements liés à des objectifs stratégiques européens, notamment les objectifs de lutte contre le changement climatique et de transition énergétique.

Serait-il possible de préciser la notion de solde structurel sur ces bases ?

M. le ministre. Madame Karamanli, il existe déjà des débats au Parlement sur le programme de stabilité et sur le programme national de réforme (PNR), et il y en aura encore davantage à l’avenir : l’article 13 du projet de loi organique fait expressément état du programme de stabilité ; quant au PNR, qui doit être préparé dans des délais très brefs, le Parlement peut en être saisi au titre de l’article 88-4 de la Constitution.

Madame Bechtel, permettez-moi de vous citer l’article 3 du traité : « les "circonstances exceptionnelles" font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabililité budgétaire à moyen terme ». N’est-ce pas clair ?

Madame Sas, je le répète, nous n’inscrivons pas la règle d’or dans la loi organique, prise sur le fondement des habilitations donnée au législateur par les articles 34, 47 et 47–1 de la Constitution. Du point de vue juridique, une loi organique ne peut énoncer que des règles de procédure, non des règles de fond. Je pense que nous avons fait un travail intelligent – du moins, j’espère que vous le jugerez ainsi.

Enfin, la méthode de calcul du solde structurel fait l’objet de travaux européens. Vouloir inscrire cette méthode dans une loi organique rendrait pour le coup le dispositif trop rigide.

M. le ministre délégué. Je comprends que certains s’interrogent sur la possibilité d’adopter ou non le traité et la loi organique, et qu’ils puissent craindre une forme d’aliénation de la souveraineté. C’est une question légitime et chacun y répondra en conscience.

Je comprends moins bien que les mêmes souhaitent, via la loi organique, contraindre les politiques économiques en les orientant de telle sorte que le solde structurel privilégie une décision publique d’investissement plutôt qu’une autre. L’argument du respect de la souveraineté devrait s’appliquer dans tous les cas !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Messieurs les ministres, je vous remercie d’avoir participé à la première réunion de cette commission spéciale qui aura duré deux heures avec une quinzaine d’intervenants.

La séance est levée à 18 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Julien Aubert, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Étienne Blanc, M. Daniel Boisserie, M. Gilles Bourdouleix, M. Jean-Jacques Bridey, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Guy-Michel Chauveau, M. Alain Claeys, M. Philip Cordery, M. Charles de Courson, Mme Seybah Dagoma, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Christian Eckert, M. Christian Franqueville, M. Guy Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Paul Giacobbi, M. Yves Goasdoue, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Estelle Grelier, Mme Élisabeth Guigou, Mme Marietta Karamanli, M. Charles de La Verpillière, M. Pierre Lequiller, M. Arnaud Leroy, M. Gilles Lurton, M. Jean-Philippe Mallé, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Pierre-Alain Muet, M. Philippe Noguès, Mme Sophie Rohfritsch, M. François de Rugy, M. Paul Salen, Mme Eva Sas, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Philippe Vigier, M. Jean-Luc Warsmann, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Michel Lefait, M. Dominique Lefebvre