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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises

Mercredi 9 juillet 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de Mme Françoise Descamps-Crosnier, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Mandon, Secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification

– Membres présents ou excusés

La séance est ouverte à 11 heures 30.

Présidence de Mme Françoise Descamps-Crosnier, présidente.

Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Mandon, Secrétaire d’État chargé de la Réforme de l’État et de la simplification sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises (n° 2060) (Mme Sophie Errante, rapporteure).

Mme la présidente Françoise Descamps-Crosnier. L’Assemblée nationale a été saisie du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises le 25 juin. M. Bruno Le Roux, président du groupe SRC, a demandé la constitution d’une commission spéciale. De fait, cette formule, parce qu’elle permet la représentation de toutes les commissions permanentes de l’Assemblée, paraît particulièrement adaptée à l’examen d’un projet de loi qui embrasse de très nombreux sujets : droit du travail, droit des sociétés, relations des entreprises avec l’administration fiscale, formalités administratives, commande publique, urbanisme et construction, énergie, modernisation de l’action publique...

Outre dix-huit articles habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance, le texte modifie huit codes – code général des collectivités territoriales, code général des impôts, code monétaire et financier, code de la consommation, code général de la propriété des personnes publiques, code de la sécurité sociale, code de la santé publique, code de l’énergie –, deux lois – sur la prévention et le règlement amiable des difficultés des entreprises et sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations – et deux ordonnances – relatives à l’expérimentation d’une autorisation unique, l’une en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, l’autre pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement.

Pour n’être pas nouveau, qu’il soit comme ici dans l’intérêt des entreprises ou dans celui des usagers de l’administration, l’exercice de simplification prend actuellement une ampleur particulière, dans le prolongement de l’annonce du « choc de simplification » faite le 14 mai 2013 par le président de la République. La création au début de cette année d’un Conseil de la simplification pour les entreprises, puis la désignation le 3 juin dernier de M. Thierry Mandon comme secrétaire d’État auprès du Premier ministre spécifiquement chargé de la simplification témoignent de l’investissement du Gouvernement dans ce processus.

Depuis le rapport au vitriol du Conseil d’État, paru en 1991 et intitulé De la sécurité juridique, les pouvoirs publics ont progressivement pris conscience qu’ils étaient à l’origine d’une inflation normative nuisible à la lisibilité du droit et à sa compréhension tant par les entreprises que par l’ensemble de nos concitoyens. Le Parlement a relayé cette préoccupation dans ses travaux. Le sénateur Éric Doligé a publié un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales. Les anciens parlementaires Alain Lambert et Jean-Claude Boulard ont conduit une mission de lutte contre l’inflation normative. Monsieur le secrétaire d’État, en juillet 2013, vous avez vous-même été l’auteur, comme député, d’un rapport sur la simplification collaborative. Enfin, notre collègue Laurent Grandguillaume a conduit une mission dont le rapport final, rendu en décembre 2013, s’intitule Entreprises et entrepreneurs individuels : passer du parcours du combattant au parcours de croissance.

Cette simplification est attendue par nos concitoyens, comme chacun d’entre nous peut s’en rendre compte dans sa permanence. Chacun se rend en effet compte de ce qu’un environnement juridique plus compréhensible, plus lisible, peut apporter à notre pays et à son économie. Mais c’est aussi le gage d’une meilleure qualité de vie. Nous n’hésiterons donc pas à nous pencher sur des éléments techniques, sur des détails qui tiennent à l’administration du quotidien.

Pour ce travail d’horlogerie, le facteur temps est essentiel. Or le délai très contraint qui nous est imposé complique les travaux de la commission spéciale. L’œuvre à laquelle s’est attaquée le Gouvernement est immense, nous le savons, mais, pour qu’elle puisse se poursuivre de manière optimale, il conviendrait, monsieur le secrétaire d’État, que les conditions de l’examen parlementaire soient améliorées. Je crois que la loi y gagnera en qualité et en… simplicité.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification. Une loi d’habilitation est une loi d’un type un peu particulier : le législateur y fixe au Gouvernement des objectifs pour la rédaction d’ordonnances qu’il se borne ensuite, en général, à valider par une loi de ratification. Comme parlementaire à une époque encore récente, je me suis interrogé sur les moyens d’assurer la qualité de la loi en instituant des rapports « adultes » entre le Parlement et le Gouvernement, et je pense que nous devons aller au-delà de cette procédure habituelle pour associer le Parlement, après l’habilitation, à l’élaboration des ordonnances, d’autant que, dans le cas présent, celles-ci introduiront des changements profonds sur lesquels il serait sage de vous entendre. C’est en tout cas l’esprit dans lequel j’aborde cet examen avec vous.

La présente démarche de simplification s’inscrit dans une longue lignée de travaux amorcés par notre collègue Jean-Luc Warsmann. Mais, si la même politique se poursuit, la méthode a changé, comme en atteste notre rendez-vous d’aujourd’hui, mais aussi deux autres qui l’ont précédé. Il s’agit en effet d’une méthode collaborative, qui prend pour point de départ la complexité vécue et dénoncée par les entreprises. Dix groupes de travail collaboratif ont été constitués avec celles-ci et ont identifié des « nœuds » de complexité, sources de coûts, d’insécurité juridique et de perte de temps. D’où un agenda qui, sans être impératif, s’est ensuite imposé à l’exécutif : en résulte bon nombre des mesures qui font ici l’objet d’une demande d’habilitation après avoir été élaborées au sein du Conseil de la simplification pour les entreprises, institué sur le modèle d’exemples étrangers.

Notre méthode se veut également pragmatique et modeste : plutôt que d’attaquer les montagnes par la face nord, nous préférons isoler les difficultés pour les réduire comme par des frappes chirurgicales. Le Conseil de la simplification a ainsi arrêté cinquante propositions d’action, opération qu’il renouvellera tous les six mois. De cette première série, quatorze relèvent du domaine de la loi, d’autres sont d’ordre réglementaire, d’autres encore peuvent être mises en œuvre par un simple changement des pratiques administratives.

Notre rendez-vous d’aujourd’hui est, je l’ai dit, le troisième de ce type. La loi du 1er juillet 2013 a déjà habilité le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. Elle a été suivie par la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. J’en rappellerai brièvement le contenu pour dresser un état des lieux.

La loi de 2013 visant à accélérer les projets de construction en s’attaquant aux deux bouts de la chaîne a donné lieu à une vague d’ordonnances, publiées le 3 octobre 2013, qui ont modifié le mode de délivrance des permis de construire, mais aussi l’instruction des recours déposés contre ces permis.

Dans le cadre d’une nouvelle « procédure intégrée pour le logement », toutes les formalités sont condensées, de telle sorte qu’elles font l’objet d’une démarche et d’une autorisation uniques. Ce dispositif prometteur s’accompagne d’un encadrement des recours : sanction des recours abusifs ; obligation pour le requérant de faire connaître dans un délai de trois à six mois les moyens à l’appui de son recours, de manière à réduire les délais de jugement par le tribunal administratif, et suppression, pour les opérations d’une certaine importance, d’un niveau de juridiction, l’appel ayant lieu directement devant le Conseil d’État. Ces règles nouvelles seront étendues le 16 juillet prochain, par une dernière ordonnance, à l’immobilier d’entreprise.

Ces mesures sont très peu connues des professionnels du secteur de la construction. Elles sont pourtant d’une importance considérable pour eux comme pour ceux d’entre vous qui êtes aussi élus locaux. Certes, cela n’affecte pas la construction de pavillons isolés mais, sur des projets plus vastes, le progrès est réel. Douze à quatorze ans étaient auparavant nécessaires pour qu’ils sortent de terre, puisque l’instruction du permis de construire pouvait prendre six ans et le contentieux à peu près autant de temps. Ce délai est désormais divisé par deux.

La loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a quant à elle allégé les obligations comptables des micro-entreprises et des petites entreprises, assoupli les règles de recours à des salariés pour certaines professions du droit, simplifié les obligations déclaratives qui pèsent sur les entreprises en matière de participation des employeurs à l'effort de construction, créé un cadre juridique pour le financement participatif et pour la facturation électronique entre l’administration et ses fournisseurs.

Outre ces mesures, sont en cours dans certaines régions des expérimentations portant sur la simplification de l’encadrement des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation. L’article 11 du présent projet de loi tend d’ailleurs à les prolonger autant que de besoin au-delà du délai initialement prévu de trois ans.

Au fond, ce sont deux projets en un qui vous sont soumis. Les quatorze premiers articles reprennent celles des cinquante propositions d’amélioration présentées le 14 avril dernier par le Conseil de la simplification qui réclament une modification législative. L’article premier étend aux entreprises de neuf à vingt salariés l’utilisation du titre emploi simplifié entreprises (TESE), qui, comme le chèque emploi service, a l’avantage de faciliter les déclarations de salariés et le paiement des cotisations sociales. L’article 2 harmonise la notion de « jour » dans le code du travail, afin d’éliminer les nombreux contentieux nés de l’hésitation entre jours ouvrés, jours ouvrables et jours calendaires. L’article 3 tend à développer la procédure de rescrit, sujet qui a fait l’objet d’interventions de beaucoup d’entre vous. L’article 4 supprime le régime d’autorisation préalable pour certaines professions pour lesquelles il n’a aucun sens. L’article 5 tend à réduire le nombre de commissions locales compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public. Plus loin, l’article 12 simplifie les modalités de constitution des sociétés anonymes. La France est en effet le seul pays d’Europe où l’on exige au moins sept associés pour en créer une, ce qui conduit à des montages artificiels. L’article 13 vise à simplifier certaines obligations déclaratives en matière fiscale et comptable, afin de ne plus obliger les entreprises d’y déférer jusqu’à trois fois dans l’année.

Mme Sophie Errante, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette présentation et pour ce projet de loi qui s’inscrit dans la volonté du président de la République d’engager un véritable choc de simplification, au bénéfice des entreprises mais aussi de l’ensemble des usagers de l’administration.

Ce texte est une nouvelle étape dans une simplification dont vous aviez souligné le besoin dans votre rapport intitulé Mieux simplifier : la simplification collaborative – ce dernier qualificatif étant particulièrement pertinent – et procède directement des cinquante premières mesures de simplification proposées, en avril 2014, par le Conseil de la simplification pour les entreprises que vous avez coprésidé.

Nous voici donc face à une nouvelle marche à gravir. Elle ne sera sans doute pas la dernière, car la simplification est un exercice de long terme. Simplifier la vie des entreprises, c’est vouloir contribuer au déblocage de la France. L’intérêt de ce projet de loi est d’accélérer l’assouplissement des obligations contraignantes pour relancer les investissements et actionner les leviers de l’embauche. Autrement dit, c’est agir en faveur de la relance économique.

J’en viens à mes questions. Qu’advient-il de celles des cinquante propositions qui ne sont pas reprises dans ce projet de loi ? De nouveaux chantiers seront-ils ouverts ou sont-ils déjà en cours ?

Le rythme auquel ce chantier ambitieux va progresser importe. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les différents délais prévus dans le texte et sur leur justification, notamment en ce qui concerne les mesures destinées à être prises par ordonnance ?

L’étude d’impact indique que des concertations avec les acteurs concernés seront engagées : certaines ont-elles déjà été entreprises ?

Disposez-vous d’évaluations chiffrées, même approximatives, des allégements de charges susceptibles de résulter du projet de loi, tant pour les entreprises que pour les usagers de l’administration ?

L’article 4 autorise le Gouvernement à « supprimer ou simplifier certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration pesant sur les entreprises » et à « remplacer certains régimes d’autorisation préalable par des régimes déclaratifs ». Quels domaines et quels textes seront concernés ?

Certaines simplifications – je pense à celles qui aboutiraient à mettre en place des alternatives à l’enquête publique ou à imposer une procédure d’autorisation unique en matière d’urbanisme – ne risquent-elles pas de s’opérer au détriment de la sécurité juridique et opérationnelle des projets ?

Une fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) est annoncée à l’article 29. Quels en sont les objectifs et quelles en seront les conséquences pour les entreprises nationales ? Selon quelles modalités les agences régionales seront-elles intégrées dans la future agence nationale unique ?

L’action que vous engagez est attendue par beaucoup d’entreprises, notamment par les responsables de PME et de TPE que nous rencontrons régulièrement dans nos circonscriptions. Comment comptez-vous associer les parlementaires à l’élaboration de ces mesures de simplification ?

Mme la présidente Françoise Descamps-Crosnier. Oui, la méthode doit être pleinement collaborative.

M. le secrétaire d’État. En effet, madame la rapporteure, toutes les propositions figurant dans mon rapport n’ont pas été reprises dans ce texte : l’agenda est établi au sein des groupes collaboratifs, qui hiérarchisent ces mesures selon leur degré d’urgence. Par ailleurs, le Conseil de la simplification s’est donné pour objectif d’avancer tous les six mois cinquante propositions à mettre en œuvre dans le même délai, leur application faisant ensuite l’objet d’une évaluation indépendante. Ainsi la « fabrique à simplifier » est-elle conduite à s’autolimiter, pour éviter les annonces non suivies d’effet.

Quant à la concertation, elle est déjà engagée sur le titre emploi simplifié entreprises, par exemple. Elle atteindra son plein régime au second semestre et s’étendra, au-delà des seules parties prenantes, aux parlementaires et à certaines personnalités qualifiées.

L’article 4 concerne trois à quatre cents régimes d’autorisation ou de déclaration préalable, dont le bien-fondé est très variable : ainsi l’exercice en mer de la profession de photographe nécessite une autorisation préalable ! Dans ce cas, comme probablement dans bien d’autres, une simple déclaration paraît suffisante. Il faudra donc supprimer les autorisations « surréalistes », en remplacer d’autres par de simples déclarations, mais aussi, le cas échéant, conserver celles qui apparaîtraient justifiées.

La fusion des deux agences Ubifrance et AFII est évoquée de longue date. L’une organise à l’étranger la promotion des produits français, l’autre est chargée d’attirer sur notre territoire les investisseurs internationaux. Dans d’autres pays, ces fonctions sont confiées à une seule et même entité, d’où la disposition proposée. En revanche, il ne revient pas à l’État de réformer les comités régionaux. Ce pourrait toutefois être de bonne politique : idéalement, il faudrait des plateformes qui regroupent, fédèrent ou coordonnent la présence française à l’étranger pour éviter des situations comme celle que j’ai observée récemment à Shanghai. Là-bas, l’AFII, Ubifrance, la chambre de commerce et d’industrie d’Île-de-France et la région Île-de-France ont ouvert autant de bureaux séparés ! Il est alors difficile, pour qui s’intéresse à la France, de savoir à quelle porte frapper.

Il me semble que des améliorations peuvent être apportées sur au moins deux points à la participation des parlementaires à l’œuvre que nous avons entreprise, étant rappelé que le Conseil de la simplification est coprésidé par l’un des vôtres – aujourd’hui M. Laurent Guillaume. Sans aller jusqu’à une coproduction des ordonnances, je pense en premier lieu que les assemblées doivent être plus étroitement associées à leur élaboration. En matière de logement et d’urbanisme par exemple, cela faciliterait certainement la conciliation entre la simplification et l’accélération des procédures, d’une part, et la prise en compte des intérêts des usagers ou de la protection de l’environnement, d’autre part. Mais, en second lieu, les parlementaires recueillent sur le terrain de nombreuses informations qui les mettent à même d’irriguer en amont le travail du Conseil de la simplification en lui fournissant des pistes de réflexion. Il n’y a aucune raison que le travail collaboratif soit réservé aux entreprises.

Mme Annick Lepetit. Je vous sais gré d’avoir rappelé la loi par laquelle nous avons habilité le Gouvernement, il y a un an, à prendre des ordonnances visant à accélérer la réalisation de logements. Cependant, c’est à peine si ces ordonnances ont été évoquées quand un débat s’est engagé, dans la presse notamment, sur les derniers chiffres de la construction et il ne semble pas que les difficultés dont les acteurs du secteur m’avaient entretenue en tant que rapporteure du projet de loi d’habilitation aient disparu, en particulier celles qui tiennent à la multiplication et à la longueur des recours. Certes, la simplification des procédures administratives ne peut tout régler, mais il importe de la faire jouer pleinement une fois décidée. Il conviendrait par conséquent que les parlementaires, mais aussi les préfets s’attachent à faire connaître les mesures prises.

Comme rapporteure du projet de loi d’habilitation, il m’appartient d’évaluer son application et de chercher à comprendre pourquoi ces outils sont si peu utilisés. Mais, lorsque vous proposez par le présent projet d’élargir le champ du travail de simplification, cela signifie-t-il que, pour vous, nous ne serions pas allés suffisamment loin en 2013 pour que professionnels, acteurs du logement et élus locaux se saisissent de ces nouveaux instruments ? N’y aurait-il pas un problème concret de diffusion de l’information ou même tout simplement d’application, certains rouages de l’État ne fonctionnant pas de manière optimale ? Chacun doit, me semble-t-il, faire son examen de conscience et s’engager à son échelle dans le mouvement de simplification, derrière le Parlement et le Gouvernement.

Les parlementaires sont toujours réticents à accorder une habilitation dont ils ont le sentiment qu’elle les dépossède de leurs prérogatives, mais l’argument auquel ils s’étaient rangés en 2013, à savoir que la procédure des ordonnances permettait d’aller vite, nous incite à demander à notre tour au Gouvernement de faire appliquer plus rapidement les dispositions qui en sont issues.

M. Jean-Pierre Le Roch. Je voudrais évoquer deux expérimentations en cours. La première, engagée depuis un peu plus de deux mois dans sept régions, consiste à soumettre à une autorisation unique la réalisation de certaines ICPE : les parcs éoliens et les installations de méthanisation, considérées comme prioritaires par les ministères de l’agriculture et de l’écologie. La seconde concerne le certificat de projet, délivré par le préfet de département dans un délai de deux mois : cette procédure permet au chef d’entreprise désireux de développer un projet d’interroger l’administration sur les règles qui seront applicables à ce projet et sur le délai dans lequel sera instruite chacune des autorisations nécessaires ; comme l’administration est liée par la réponse qu’elle donne, le porteur de projet jouit d’une vraie sécurité. Savez-vous déjà comment les chefs d’entreprise perçoivent ces deux expérimentations ? Envisagez-vous éventuellement de les étendre ?

Mme Sophie Rohfritsch. Nous nous réjouissons tous de voir que la simplification avance – enfin, avons-nous envie d’ajouter – même s’il est peut-être excessif de mobiliser autant de ressources humaines pour une cause aussi élémentaire. Mais avez-vous fait en sorte que les services de l’État se convertissent effectivement à cette simplification ? Avez-vous par ailleurs évalué le « retour sur investissement » de tous les contrôles sociaux, fiscaux et autres pour éventuellement en supprimer ?

Pouvons-nous espérer que la question des seuils sociaux sera abordée dans le prochain train de cinquante mesures ? Là est en effet le principal frein à l’embauche. Vous avez annoncé la création d’une autorité administrative indépendante composée de représentants d'entreprises et chargée d'une contre-expertise sur l'impact des nouveaux textes de loi et décrets, en vue de simplifier la vie économique. Ses attributions lui permettront-elles de nous taper sur les doigts au besoin et de nous inciter à être plus efficaces ?

Mme Michèle Bonneton. Dans nos territoires, nous entendons constamment une demande de simplification, venant des élus locaux comme des entreprises et de nos concitoyens. Il y a assurément un énorme travail à faire. Je m’interroge néanmoins sur le recours aux ordonnances. Certes, il permet d’aller vite, mais ne laisse guère de place au Parlement.

Je souscris pleinement aux améliorations proposées dans le domaine du logement ou dans celui des énergies renouvelables. Mais je me demande, lorsque je lis l’article 3 qui confie une nouvelle mission de conseil à l’administration, si elle disposera de moyens supplémentaires pour la remplir.

À l’article 5, quelles sont exactement les « commissions locales compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public » dont la fusion est programmée ? Pourrions-nous connaître la nature des dossiers sur lesquels des expérimentations sont prévues à l’article 11 ? La simplification des « obligations déclaratives en matière fiscale des personnes morales » mentionnée à l’article 13 ne va-t-elle pas compliquer les contrôles, qui demeurent nécessaires ? La même question se pose d’ailleurs à propos des articles 18 et 19, qui assouplissent « l’obligation de conserver, sous leur forme originale, des documents sous forme papier » et abolissent celle « de faire apparaître sur tout acte administratif la signature de son auteur ».

Enfin, même si le projet de loi ne touche pas au sujet, je voudrais vous interroger sur les demandes constantes de l’Union européenne en faveur d’une simplification des procédures de marché public : dans quelle mesure des contrôles renforcés pourraient-ils ensuite être mis en place ?

Mme Annick Le Loch. Ma question est technique et précise puisqu’elle porte sur le tri et le recyclage des emballages. J’ai été récemment interpellée, en particulier par la filière agro-alimentaire, sur la mise en place du logo « Triman » dont l’apposition a été rendue obligatoire par l’article 19 de la loi d’habilitation du 2 janvier 2014. Le décret en Conseil d’État prévu pour l’application de cette disposition n’est pas encore publié, mais tout laisse présager des difficultés. Or, dans les cinquante premières mesures de simplification pour les entreprises que vous avez vous-même présentées le 14 avril dernier, la vingt et unième était d’« établir des obligations de signalétique de tri moins contraignantes ». Quelles sont dès lors vos intentions à l’égard de ce logo ?

M. le secrétaire d’État. Vous avez raison, madame Lepetit, les mesures relatives à la construction sont méconnues. J’ai moi-même constaté la semaine dernière que même les promoteurs de centres commerciaux n’étaient pas au fait de cette petite révolution qu’est la division par deux des délais pour la réalisation des très grands projets. Une réunion d’information très large sera donc organisée en septembre 2014 par le Premier ministre, à destination des professionnels. Les rapporteurs des textes concernés pourront naturellement y être associés.

Les allégements prévus à l’article 7 concernent l’obligation de doter les logements de parkings, qui sera aménagée pour les ensembles construits à proximité de parcs de stationnement ou de gares, ainsi que certaines enquêtes publiques, qui pourront être conduites aussi sous forme dématérialisée.

Monsieur Le Roch, je me félicite avec vous que le certificat de projet soit déjà en place. En Bretagne, cette expérimentation connaît un véritable succès et son champ gagnerait sans doute à être élargi. J’insiste sur la solidité légale des permis accordés dans ce cadre. Plutôt que trois ans comme prévu, douze à dix-huit mois devraient être suffisants pour établir au moins un premier bilan, de sorte que la loi d’habilitation de 2015 pourrait généraliser les expériences réussies.

Madame Rohfritsch, je conviens volontiers qu’il faille faire le départ entre l’allégement des procédures et le changement de culture administrative, moins rapide et moins aisé à obtenir mais évidemment nécessaire. Nous passons d’un État très orienté vers le contrôle a priori à un État centré sur le conseil a priori – ce qui implique toutefois de renforcer ensuite les sanctions contre ceux qui frauderaient.

Nous ferons évaluer ex post l’impact micro- et macro-économique des mesures prises, en confiant cette mission, dans le souci d’une évaluation indépendante, aux instituts d’évaluation des politiques publiques de l’École d’économie et de l’École de Sciences politiques de Paris, mais aussi aux universités de Toulouse et de Montpellier. Il n’est pas mauvais de travailler ainsi avec une épée dans les reins mais également de pouvoir faire état des gains que la simplification fera réaliser à notre économie.

La création d’une autorité indépendante des entreprises a constitué en avril la première proposition du Conseil de la simplification. J’attends sa mise en œuvre dès le 1er janvier 2015. Tous les projets de loi feront ainsi l’objet d’une contre-expertise quant aux effets qu’ils peuvent produire sur les entreprises. Dans la ligne des travaux de M. Régis Juanico et de Mme Laure de la Raudière sur la simplification, je pense au demeurant que vous pourriez étendre ce dispositif aux propositions de loi et aux amendements d’origine parlementaire.

L’instruction par cette nouvelle autorité indépendante ne doit prendre que vingt et un jours, ce qui permettra de ne pas ralentir trop le processus législatif. Au besoin, ce délai pourra même être ramené à sept jours si l’urgence est déclarée.

Non, Madame Rohfritsch, le sujet des seuils sociaux ne fera partie du deuxième train de cinquante mesures, car il sera mieux traité par les partenaires sociaux.

Mme Sophie Rohfritsch. Dans ces conditions, il ne fera pas non plus partie du troisième train de mesures…

M. le secrétaire d’État. Je suis plus optimiste que vous. La question des seuils sociaux est trop souvent abordée à travers celle de la représentation du personnel alors qu’elle réside d’abord dans leur nombre – vingt et un ! –, d’où découle un flot d’obligations de toute nature. C’est par là qu’il faut attaquer le problème et je suis convaincu que les partenaires sociaux y sont prêts.

Madame Bonneton, la demande de simplification émane aussi, en effet, des citoyens. Nous lancerons donc demain un plan triannuel de simplification massive pour leur faciliter les démarches de la vie quotidienne, en particulier grâce à un usage novateur du numérique.

Nous n’avons pas opté pour la procédure des ordonnances parce qu’elle permettait d’aller vite, mais parce qu’elle permet de faire mieux. La plupart des sujets traités se trouvent à l’interface entre la loi et le règlement. La loi est par nature trop générale pour appréhender les mesures nécessaires dans leur détail d’application concrète. Le Gouvernement préfère donc une logique de coproduction, que permettent les ordonnances dans la mesure où la procédure se situe à la jonction du législatif et de l’exécutif.

Je voudrais souligner que les rescrits attendus de l’administration ne la placent pas seulement dans un rôle de conseil. Ils l’engagent pleinement, notamment en droit de l’urbanisme.

Les commissions dont la fusion est évoquée à l’article 5 sont la commission départementale d’organisation et de modernisation des services publics et la commission départementale de présence postale territoriale. Je crois que la portée de cet article n’est pas immense.

L’article 13 concerne la déclaration DAS 2, soit l’obligation faite aux entreprises de déclarer tous les honoraires supérieurs à 600 euros qu’elles ont versés. Pour une PME, cela peut déjà représenter une masse non négligeable de documents papier, mais pour de grosses entreprises, on en arrive à des cartons entiers ! Nous avons voulu connaître ce qu’il advenait de ces dossiers qui constituent, aux dires des services de Bercy, l’outil de base du contrôle fiscal. Figurez-vous qu’ils sont tous dirigés vers Nevers, où on consacre six à neuf mois à les scanner, à les dématérialiser, avant de les rediriger vers les centres des impôts compétents pour d’éventuels croisements avec d’autres fichiers… Aucun chiffre n’est disponible sur les contrôles effectués sur cette base. À tout le moins, le plafond de déclaration devrait être plus élevé, mais je crois même que les données ainsi collectées sont disponibles par d’autres moyens.

Sur le sujet, l’administration fiscale s’est battue une nuit entière au motif qu’elle veut pouvoir, à juste titre, repérer les comportements déloyaux. En définitive, la conclusion a été que le meilleur instrument serait la déclaration fiscale unique. Les « contenants » changeront, non le contenu de l’information. Mais la qualité des relations entre l’administration et les entreprises s’en trouvera grandement améliorée.

Madame Le Loch, je soutiens la signalétique « Triman ». Cet étiquetage devrait renseigner les usagers sur les possibilités de recyclage afin de leur simplifier le tri. Mais, pour certains produits, il paraît difficile à mettre en œuvre sur l’objet lui-même, notamment lorsqu’il est importé. Nous nous orientons donc vers une apposition du logo sur l’emballage.

M. Marc Goua. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’attente des entreprises est si forte que nous n’avons pas le droit de la décevoir. Des échanges que j’ai pu avoir avec leurs responsables, j’ai retiré la conviction qu’une bonne part de nos problèmes vient d’un manque de confiance des milieux économiques.

J’apprécie particulièrement votre démarche et son caractère modeste et pragmatique n’est pas pour me déplaire, mais ne manque t-il pas quelques mesures emblématiques pour la crédibiliser ? Mes interlocuteurs insistent beaucoup sur la question des seuils sociaux : n’y a-t-il pas quelque chose à faire sur le sujet ? Le redémarrage de la croissance appelle plus que des mesures de simplification ou en faveur de l’investissement : un choc susceptible de redonner confiance aux acteurs économiques.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je ne doute pas de votre volonté sincère de simplifier mais, à l’instar de M. Goua, je plaide pour un véritable choc en la matière. Il est peut-être temps de rompre avec les habitudes pour faire d’abord et discuter ensuite !

Je m’interroge sur la gestion du calendrier parlementaire. En raison d’un examen trop rapide, certains textes reviennent devant nous pour être modifiés dans des délais étonnamment brefs. Dernier exemple en date : nous avons débattu cette nuit d’amendements tendant à corriger certains effets de la loi ALUR qui pourtant commence tout juste d’être appliquée. Si vous passez des nuits à simplifier, nous passons parfois les nôtres à compliquer !

Votre projet semble faciliter davantage la vie de l’administration que celle des entreprises. Cela étant, il y a sans doute là des simplifications nécessaires qui, par ricochet, finiront par profiter aux entreprises.

Vous vous étonnez de la méconnaissance des mesures permettant de diviser par deux les délais pour les grands projets immobiliers. La division par quatre des délais pour les petits projets aurait certainement eu plus de succès et, par exemple, depuis que le Président de la République l’a annoncé, j’attends que soit appliquée la règle selon laquelle le silence de l’administration vaut acceptation.

Quant à l’association des parlementaires à votre travail, je vais peut-être choquer mes collègues, mais est-elle bien nécessaire ? La proposition de loi de simplification de Jean-Luc Warsmann a suscité 756 amendements et il en est ressorti des articles plus compliqués qu’ils ne l’étaient dans le texte initial. Vous trouverez toujours un parlementaire pour entrer dans le détail et contrarier la simplification.

Mais, de même, il n’est pas toujours aisé de comprendre ce que le présent projet de loi est censé simplifier – l’article 8 en est l’illustration.

Les lois ne sont toutefois pas la seule source de complexité : les décrets aussi y contribuent. En outre, ils ne sont pas toujours conformes à l’esprit de la loi et l’idée que l’écriture des ordonnances puisse être confiée à ceux-là mêmes qui les rédigent m’inquiète.

L’urgence n’est pas au chiffrage de vos mesures, mais au redémarrage de l’économie de production. Il s’agit de redonner très rapidement l’envie d’entreprendre à ceux qui sont prêts à mettre un euro de leur poche dans un projet pour essayer d’en gagner deux ; les emplois suivront.

M. Jacques Krabal. Simplifier la vie quotidienne des Français et le travail de l’administration est une nécessité, mais nous devons nous consacrer avant tout à la simplification au bénéfice des entreprises, dans la ligne du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

L’État doit jouer un rôle de conseil et de sanction effective sur le terrain. Quant au Parlement, je rejoins M. Taugourdeau. Le cas de la loi ALUR est édifiant : comment un tel pavé pourrait-il être un modèle de simplification ? Il faut éradiquer cette boulimie législative qui atteint les gouvernements, quels qu’ils soient.

Soyons progressistes et modernes, mais prenons garde aux fausses bonnes idées : la dématérialisation n’est pas nécessairement synonyme d’économies et de vertu écologique.

Je le dis sans esprit polémique, la réforme territoriale dans laquelle s’est engagé courageusement le Gouvernement répond au besoin de simplification de la « France entravée, coincée, tétanisée » que décrit le Premier ministre. Au-delà des cartes qui font débat, on ne peut applaudir à la simplification dans cette commission et s’opposer ailleurs à la réforme territoriale. Il faut définitivement rompre avec la France de 1789, dans laquelle chacun pousse son petit dossier.

Le Premier ministre a proposé de « geler » les seuils sociaux pendant quelques années. Ne pourrait-on à tout le moins expérimenter cela dans certains territoires ou pour certaines catégories d’entreprises ?

Un responsable ministériel a récemment mis en garde contre la surenchère par rapport aux mesures décidées à Bruxelles, à l’origine de distorsions de concurrence avec nos partenaires européens. Quand allons-nous débattre de cette question et cesser d’ajouter des normes aux normes ?

Vous ne voulez pas attaquer la montagne par la face nord, dites-vous. Pour ma part, je considère que l’important est d’arriver au sommet et j’espère que nous y réussirons.

M. Bernard Gérard. Je tiens à vous alerter sur la situation des notaires, une profession aujourd’hui menacée et fragilisée alors qu’elle est au cœur du quotidien des Français.

Vous envisagez d’étendre le salariat dans les professions réglementées en revenant sur la règle du « un pour un », qui limite le nombre d’embauches de notaires salariés dans les études. De fait, plus de 1 000 notaires diplômés se trouvent sans travail aujourd’hui. C’est un drame.

Je note avec intérêt votre volonté de simplifier les procédures dans le secteur de la construction, mais vous ne faites rien pour simplifier la rédaction des actes notariés, qui s’étendent sur plus de 70 pages pour la simple vente d’un studio ! Alors que vous accélérez les procédures par ailleurs, vous compliquez la tâche des notaires en leur imposant des exigences invraisemblables, comme la recherche quasi archéologique de cahiers des charges. Tout ce temps pris pour l’établissement des actes peut avoir pour effet de retarder un divorce, une succession ou une mutation, ou d’obliger à contracter un prêt relais.

M. Laurent Grandguillaume. Afin d’accélérer la création de richesses, il est essentiel de simplifier l’écosystème entrepreneurial, parasité par beaucoup d’éléments perturbateurs. Si la régulation est nécessaire, elle n’est pas toujours suffisante. Il faut défendre l’initiative individuelle face à l’esprit de la rente. Le projet de loi y contribue.

Au-delà de ce texte, deux questions méritent d’être posées. La première a trait, au travers du titre emploi simplifié entreprise ou du portage salarial, à l’évolution des formes du travail. Ce sujet est toujours abordé au fil de l’eau sans que jamais nous nous interrogions sur les mutations à l’œuvre dans notre pays. La solution se résume pour certains à alléger le code du travail, mais rien ne dit qu’il en résultera des créations d’emplois.

Deuxième sujet, sur lequel un groupe de travail a été créé au ministère de la justice : le statut juridique de l’entreprise individuelle. La réflexion doit être guidée par deux objectifs : la protection du patrimoine de l’entrepreneur et la distinction entre ses revenus personnels et ses bénéfices. Notre pays est en effet l’un des seuls dans lesquels les bénéfices de l’entrepreneur sont en totalité soumis à l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas très logique du point de vue économique. Nous devons mettre en place une fiscalité incitative, en sachant qu’elle aura a un coût.

Je suis persuadé que nous pouvons dépasser les clivages habituels pour nous retrouver sur des mesures de bon sens qui permettront aux entreprises de mener à bien leur projet, à commencer par les TPE et les PME – mais n’oublions pas les entreprises de taille intermédiaire, qui ne sont pas délocalisables et qui sont les plus créatrices d’emplois.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le secrétaire d’État, votre passé témoigne de votre volonté de simplifier la vie des entreprises et nous ne la mettons pas en cause. En revanche, le Gouvernement et la majorité doivent balayer devant leur porte : depuis deux ans, nous subissons une logorrhée législative inédite. Loi ALUR, loi « Florange », loi relative à la consommation, proposition de loi de Mme Abeille sur l’exposition aux ondes électromagnétiques, réforme des retraites avec la création du compte pénibilité, projet de loi d’avenir pour l’agriculture, très bavarde : que de textes qui sont autant de sources de complications pour les entreprises !

C’est une des raisons pour lesquelles je récuse le recours aux ordonnances. La seule manière de changer la culture législative en France, c’est de faire travailler les assemblées à la simplification. Si vous procédez par ordonnances, vous irez certes un peu plus vite, mais, pendant ce temps, le Parlement continuera de complexifier. 

Recourir au travail en séance pour simplifier est un moyen, non pas de perdre du temps – les ordonnances demandent six à dix-huit mois, soit autant qu’en exige l’adoption définitive d’un texte de loi –, mais de contribuer au changement de culture qu’appelle le sujet. Je regrette que cette méthode n’ait pas été retenue par le Gouvernement, car je suis convaincue que les textes examinés en séance viendront de nouveau complexifier ce que nous aurons essayé de simplifier.

M. Alain Fauré. Je propose d’ajouter un nouvel article interdisant de présenter un nouveau texte législatif avant que le précédent ait été repris et adapté aux exigences du moment. L’effort de simplification peut commencer par l’application de cette règle, qui fera gagner du temps et qui marquera notre respect pour le travail de nos prédécesseurs comme pour ceux qui subissent l’avalanche de textes. Afin de limiter l’inflation législative, il ne serait pas inutile non plus de cesser d’accoler le nom de ministres ou de députés à des textes.

Mais cette frénésie ne date pas de ces deux dernières années. Nous avons connu par le passé des spécialistes de la « projection » intensive de textes, au gré de l’actualité et des humeurs, qui ont aggravé la complexité dans tous les domaines. Pour les entreprises, l’OCDE en a estimé le coût à 60 milliards d’euros. Nous devons impérativement nous montrer responsables et raisonnables. Je vous remercie d’incarner cet effort aujourd’hui et de ne rien lâcher… Vaste projet, vaste programme !

M. le secrétaire d’État. MM. Goua et Taugourdeau ont souligné, à juste titre, la nécessité de « totems » pour représenter certaines politiques, l’utilité d’actes symboliques s’ajoutant aux mesures concrètes. Ils ont raison aussi de considérer qu’une avancée sur la question des seuils sociaux pourrait s’inscrire dans cette perspective – à condition de procéder comme j’ai dit. Je suis persuadé en effet qu’un progrès sur le sujet est possible, dans l’intérêt de l’économie et sans enlever aucun droit à personne. Sur ce chantier, j’ai l’intention de m’associer à la réflexion conduite par le ministère du travail.

Deuxième totem, et qui existe déjà : la garantie « zéro charge supplémentaire » pour les entreprises, inspirée du droit britannique. À compter du 1er janvier 2015, les charges résultant pour les entreprises d’une nouvelle législation devront être compensées par une réduction de normes d’un coût équivalent, évalué par l’autorité indépendante que j’ai mentionnée. Autrement dit, quelles que soient les évolutions législatives, le coût des charges administratives pour les entreprises devra être neutre. C’est faisable, les exemples européens le montrent. Nous disposons des outils et des méthodes : aux parlementaires de s’en saisir pour leur donner pleine puissance et d’acquérir le réflexe de brandir ce carton jaune à chaque charge nouvelle créée.

Quant à l’application du principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord, le dossier doit aboutir dans le courant du mois de septembre. Il s’agit d’un travail de titan. Nous avons, dans un premier temps, recensé ministère par ministère toutes les procédures susceptibles de relever de cette règle. Ensuite, nous avons dû en écarter certaines afin de ne pas contrevenir à la Constitution ou à des engagements internationaux. Enfin, d’autres, assez nombreuses, ont été exclues à la demande de l’administration qui a fait valoir que son efficacité en dépendait – j’examinerai personnellement la liste de ces « exclusions en opportunité » pour m’assurer de leur bien-fondé. Finalement, ce sont entre 50 % et 60 % des demandes adressées à l’administration auxquelles la nouvelle règle s’appliquera. Dans le cas du ministère de l’éducation nationale, sur les 154 procédures recensées, cinq sont exclues pour des motifs juridiques, 27 pour des motifs d’opportunité ; ce sont donc 122 procédures, soit 79,2 %, qui seront soumises à la nouvelle règle. Le travail est maintenant très avancé. Vous aurez compris qu’il est d’une grande minutie, mais nous avons appris des expériences étrangères que la simplification est souvent un travail de fourmi. Je vous remets dès à présent, madame la présidente, madame la rapporteure, le tableau récapitulant les procédures et les exclusions pour chaque ministère.

Je salue le travail de M. Grandguillaume sur la simplification des régimes de l’auto-entrepreneur et de l’entrepreneuriat individuel. C’est une chance qu’il puisse être le relais du Conseil de la simplification auprès du Parlement.

Je veux également faire la promotion du travail entrepris par Mme de La Raudière et par M. Juanico sur la simplification législative, puisque vous avez été nombreux à souligner la mauvaise qualité de la loi – certains légiférant encore plus mal que d’autres, semble t-il pour Mme de La Raudière. Je ne doute pas que leur rapport comportera des propositions intelligentes, qui auront malgré tout besoin de soutien. Or j’ai obtenu dans le décret d’attribution de mon secrétariat d’État de pouvoir porter des projets de réforme de la fabrique de la loi. Cette compétence de garant de la qualité de la production de normes par l’État est essentielle. Si certaines des mesures en ce sens agréent les parlementaires, assez nombreux aujourd’hui à déplorer le laisser-aller législatif, et si elles requièrent une intervention législative, nous aurons l’occasion d’y travailler ensemble. Vous avez raison, il est bien beau de s’attaquer au stock, mais si le flux ne tarit pas, le combat est perdu d’avance !

Mme la présidente Françoise Descamps-Crosnier. La simplification est avant tout affaire de culture et de changements de comportement, auxquels nous devons tous travailler. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.

La séance est levée à 13 heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Caresche, M. Romain Colas, M. Jacques Cresta, Mme Françoise Descamps-Crosnier, Mme Jeanine Dubié, Mme Marianne Dubois, Mme Sophie Errante, M. Alain Fauré, M. Christian Franqueville, M. Bernard Gérard, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Claude Greff, Mme Arlette Grosskost, M. Philippe Houillon, M. Henri Jibrayel, M. Régis Juanico, M. Jacques Krabal, Mme Laure de La Raudière, Mme Viviane Le Dissez, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, Mme Sophie Rohfritsch, M. Claude Sturni, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Sylvie Tolmont, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Véronique Besse, Mme Véronique Louwagie, M. Frédéric Roig