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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 24 avril 2013

Séance de 13 heures 45

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Communication de Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé sur les violences faites aux femmes, dans la perspective du dépôt éventuel d’un projet de loi relatif aux droits des femmes

– Examen du rapport d’information présenté par M. Sébastien Denaja sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 835)

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a pris connaissance de la communication de Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé sur les violences faites aux femmes, dans la perspective du dépôt éventuel d’un projet de loi relatif aux droits des femmes.

La séance est ouverte à 13 h 45.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Délégation, a souhaité, en accord avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des Droits des femmes, présenter des axes d’amélioration du dispositif en vigueur pour la prise en charge des femmes victimes de violences, notamment au sein du couple.

Mmes Edith Gueugneau et Monique Orphé ont été chargées par la Délégation d’instruire cette question, et ont donc mené un travail d’auditions et d’approfondissement pour aboutir à des propositions d’amélioration de notre droit et de nos procédures de prise en charge et de traitement de ces faits. Ce travail n’est d’ailleurs qu’un début, car il se poursuivra dans le cadre de l’examen de la loi sur les droits des femmes en préparation au Gouvernement. Cette loi devrait être présentée en mai.

Mme Gueugneau étant actuellement en mission au Mali, nous entendrons la présentation de ce travail par Mme Orphé, puis nous déciderons s’il y a lieu de transmettre une contribution à la ministre.

Mme Monique Orphé. Je rappellerai d’abord le contexte de notre travail. À la suite d’un échange avec la ministre des Droits des femmes, Mme Gueugneau et moi-même avons souhaité apporter une contribution de la Délégation, en amont du futur projet de loi-cadre sur les droits des femmes qui comportera un volet violences. Il s’agit notamment d’apporter des améliorations à la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

Les violences faites aux femmes constituent une réalité incontestable. Les chiffres disponibles pour évaluer et quantifier ce phénomène proviennent de l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (ENVEFF) réalisée en 2000. L’enquête VIRAGE (enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre) décidée par le ministère des Droits des femmes devrait apporter des chiffres plus récents en 2015. Cette enquête sera réalisée sur l’hexagone en excluant malheureusement l’outre-mer pour des raisons de coût, ce qui m’a paru assez choquant. Le coût de l’enquête s’élèverait à 3 millions d’euros pour la métropole, dont 1,5 million d’euros serait pris en charge par le ministère des Droits des femmes. L’extension aux départements d’outre-mer aurait un coût évalué à 300 000 euros pour chacun d’entre eux. À ma demande, l’enquête inclura finalement la Réunion.

Les statistiques dont nous disposons pour le moment, souvent citées, témoignent d’une réalité ordinaire : 10 % des femmes sont victimes de violences au sein de leur couple, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, compagnon ou ex-partenaire.

Les femmes handicapées semblent particulièrement concernées par les violences. L’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir », qui représente les femmes handicapées, avance un chiffre effrayant : 70 % de ces femmes seraient concernées par les violences.

Les territoires ruraux présentent une situation particulière, caractérisée par le manque de prise en charge des personnes victimes comme des auteurs.

Le coût annuel pour la société des violences faites aux femmes a été estimé à 2,5 milliards d’euros.

En réponse à ce phénomène massif des violences, la loi de 2010 a adopté comme mesure centrale la création de l’ordonnance de protection. Celle-ci est rendue par le juge aux affaires familiales, et vise à fournir un cadre protecteur à la femme victime de violences et à stabiliser sa situation juridique.

La liste des mesures que peut prendre le JAF sur le fondement de l’article 515-11 du code civil est particulièrement complète : je vous renvoie à cet article et à notre communication pour en prendre connaissance.

La loi de 2010 a aussi créé un article 222-14-3 au sein du code pénal transcrivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de violences. Désormais « les violences (….) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ». Le délit de violence psychologique n’a pas encore donné lieu à jurisprudence.

Le législateur a également décidé de faire du mariage forcé une circonstance aggravante d’infractions existantes.

Par ailleurs, les associations de soutien et de défense des femmes victimes de violences ayant signalé que la médiation pénale était inappropriée dans les situations de violences conjugales, l’article 30 de la loi de 2010 a introduit dans le code de procédure pénale une présomption de non consentement à la médiation pénale pour les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection.

Aussi, avant le prochain projet de loi sur les violences annoncé pour 2013 par la ministre des Droits des femmes, il est opportun de s’interroger sur les possibles améliorations à apporter à la loi de 2010 et sur les points qui posent encore problème.

La question essentielle est celle de la nécessité ou non de modifier le dispositif de l’ordonnance de protection.

Aujourd’hui, avec un délai moyen de délivrance autour de 26 jours alors que ce dispositif vise à répondre à des situations d’urgence, la question se pose d’inscrire dans la future loi un délai maximal pour la délivrance d’une ordonnance de protection. Par ailleurs, la plupart des personnes entendues proposent de porter la durée de l’ordonnance de protection, actuellement fixée à quatre mois, à six mois, renouvelable une fois sans qu’il soit nécessaire de recommencer la procédure, selon une procédure de tacite reconduction.

Après avoir envisagé dans un premier temps de reconnaître le juge délégué aux victimes (Judevi) comme autorité compétente pour la délivrance de l’ordonnance de protection, le législateur a décidé de confier cette compétence au juge aux affaires familiales (JAF), ancrant cette mesure dans le droit de la famille. Certains considèrent pourtant que lorsqu’une procédure pénale est engagée, il faudrait que le juge pénal puisse aussi rendre une ordonnance de protection.

Certaines associations préconisent la suppression de la médiation pénale dans les situations de violences conjugales, en dehors de l’application d’une ordonnance de protection. La loi de 2010 nous semble néanmoins avoir trouvé une solution d’équilibre sur ce point.

Les violences au sein du couple posent enfin la question des enfants témoins et parfois aussi victimes. Longtemps a prévalu l’idée qu’un mauvais mari pouvait être un bon père. Ce postulat doit aujourd’hui être remis en cause. L’enfant témoin est toujours victime au moins à titre secondaire. Toute décision le concernant devrait toujours faire prévaloir l’intérêt de l’enfant. Dans un contexte de violences conjugales, le principe du maintien de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement (garde alternée) peut aussi légitimement être interrogé. L’ordonnance de protection pourrait, durant la durée de son application, entraîner une suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour l’auteur des violences.

Pour améliorer l’application du dispositif de la loi de 2010, quelques axes pourraient être suivis.

Premièrement, l’application de l’ordonnance de protection est très inégale sur le territoire, leur nombre étant variable d’un tribunal à l’autre ; de plus, certains juges semblent réticents à recourir à ce nouvel outil. Des instructions de la part de la Chancellerie et un effort de formation sont donc indispensables pour faire « décoller » le dispositif.

Le succès obtenu par le département de la Seine-Saint-Denis dans l’application de l’ordonnance de protection indique la voie à suivre. C’est le partenariat entre les différents acteurs, la mise en réseau, qui est la clé du succès. La mise en œuvre d’un protocole formalisant ce partenariat a permis la réussite de l’application de l’ordonnance de protection. Ces protocoles devraient être généralisés.

L’articulation insuffisante des procédures au civil et au pénal est aussi régulièrement dénoncée : la désignation dans chaque TGI d’un magistrat du parquet spécialisé dans le suivi des violences faites aux femmes doit devenir systématique et non facultative.

Deuxièmement, il est indispensable de prendre en charge les auteurs de violences et de prescrire une période d’accompagnement thérapeutique et psychologique, afin d’éviter les récidives ultérieures et de faire prendre conscience des actes commis. La question se pose d’aller plus loin en envisageant une obligation de soins ou non.

Troisièmement, il convient de prévoir l’accompagnement social des victimes par la mise à disposition de logements.

Quatrièmement, des actions de prévention et de lutte contre les stéréotypes sont nécessaires. Ainsi, les personnels médicaux qui sont susceptibles de repérer en premier lieu les femmes victimes de violences doivent être mieux informés et mobilisés dans la lutte contre ce fléau.

Enfin, la prévention des violences suppose également d’agir en amont, en luttant contre les stéréotypes sexistes présents dès l’école et en veillant aux contenus diffusés par les médias. Cet aspect apparaît également important pour modifier à moyen terme les comportements et les représentations.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie pour ce travail qui prolonge de manière très concrète et intéressante le bilan d’application de la loi fait par Mme Bousquet et M. Geoffroy au nom de la commission des Lois en janvier 2012.

Mme Maud Olivier. Il me semble nécessaire de travailler sur une obligation de prise en charge et de traitement des auteurs des actes de violence.

Mme Huguette Bello. L’enquête VIRAGE doit être conduite dans les territoires de l’outre-mer également ; il ne doit pas y avoir d’inégalités entre les différents territoires. On peut regretter le nombre insuffisant de juges formés aux violences intrafamiliales. Il me paraît nécessaire que des juges spécialisés traitent ces questions au sein des juridictions. On peut constater que des efforts de formation ont été accomplis par la police et la gendarmerie pour l’accueil des victimes, mais cela n’est pas encore suffisant.

Je m’interroge sur la pertinence de la garde alternée dans les cas où on relève des violences intrafamiliales. Je souhaite vivement qu’un nouveau texte de loi prenne en considération toutes les formes de violences faites aux femmes.

Par ailleurs, je souhaite que lorsqu’on travaille sur la prostitution, la situation des territoires d’outre-mer soit considérée. En métropole, il y a le problème des femmes venant d’Europe centrale et orientale ou d’Afrique ; à La Réunion, on constate un important « tourisme » en provenance de Madagascar pour pratiquer la prostitution, qui est une violence.

Mme Monique Orphé. La plupart des personnes que nous avons entendues ont insisté sur l’importance de trouver des ressources pour former les différents intervenants dans le traitement des cas de violence. Si l’on considère le coût de ces actes pour la collectivité, soit 2,5 milliards d’euros, on comprend l’enjeu d’un traitement des problèmes en amont par une vigilance des professionnels et une intervention plus efficace lorsque des faits ont été commis.

Mme Huguette Bello. La France est en retard en ce qui concerne la prise en charge des auteurs de violences et des victimes : nous avons peu de psychologues, de psychiatres, peu de consultations spécialisées.

Mme Maud Olivier. Je tiens à souligner qu’il existe aux Etats-Unis, par exemple, trois types d’ordonnance de protection : une de 24 heures, une de moyen terme et une continue. Cette manière d’adapter la protection à la situation pourrait nous inspirer.

Mme Huguette Bello. Il ne faut pas considérer les États-Unis comme un modèle à cet égard : ce pays n’a, par exemple, pas signé la convention CEDAW sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La France signe quant à elle beaucoup de conventions et ne les met pas toujours en œuvre.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il ne faut rien exagérer, nous mettons en général en œuvre les conventions ; le Parlement se donne en ce moment même les moyens de ratifier la convention, signée à Istanbul en 2011, sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Le traitement et la prise en charge des faits de violence s’améliorent depuis la loi de 2010, même s’il y a encore des progrès à faire.

Je remercie Mme Gueugneau et Mme Orphé pour cette communication.

La Délégation approuve les recommandations proposées par Mmes Edith Gueugneau et Monique Orphé et décide leur transmission à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes.

* *

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite examiné le rapport d’information présenté par M. Sébastien Denaja sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 835).

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Délégation a souhaité se saisir du projet de loi relatif à l’Enseignement supérieur et à la recherche, et en particulier des dispositions sur la mise en œuvre effective de la parité.

M. Sébastien Denaja a mené des auditions dans un délai extrêmement bref pour élaborer les améliorations que pourrait proposer la Délégation : il va nous présenter les recommandations qu’il préconise, et qui feront, pour certaines, l’objet d’amendements. Nous avons également dû inscrire l’examen de son rapport dans un délai très rapide, afin que M. Denaja puisse porter l’avis de la Délégation devant la commission des Affaires culturelles lors de ses réunions consacrées au projet de loi, qui auront lieu les 14 et 15 mai.

Je tiens à saluer le fait que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a défendu l’objectif de la parité dans ce texte important, ce qui aura des conséquences très importantes pour l’accès des femmes aux fonctions et pour l’amélioration de leur carrière, dans un secteur d’activité où les inégalités sont importantes, même si l’égalité juridique est bien sûr posée.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je vais axer ma présentation sur les recommandations que je propose à la Délégation, et qui devraient traduire les principales améliorations que nous pouvons apporter à ce projet de loi. Ce texte a notamment le mérite d’affirmer le principe de la parité dans de nombreuses enceintes d’administration et de gouvernance des universités, afin de remédier de manière efficace aux inégalités toujours très prégnantes entre les hommes et les femmes dans l’accès aux fonctions de responsabilité et dans le déroulement des carrières des enseignants chercheurs et des chercheurs.

Je propose à la Délégation d’aller plus loin dans la logique paritaire en suggérant de la mettre en place dans la plupart des instances où le projet de loi ne l’a pas prévue.

Ensuite, j’ai souhaité introduire un volet relatif au traitement du harcèlement sexuel, phénomène hélas très connu dans les établissements d’enseignement supérieur ; c’est une question que nous avions soulevée lors de l’examen du projet de loi sur le harcèlement en juillet dernier, et qu’il avait été choisi de traiter lors de l’examen du présent projet de loi.

Un premier élément de la réforme, qu’il convient d’améliorer, vise à établir une gouvernance paritaire de l’enseignement supérieur et de la recherche tant au sein des établissements qu’au plan national.

Pour cela, le projet de loi pose le principe de la parité au sein du conseil d’administration et du conseil académique des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Le système de l’élection à deux tours de ces conseils me paraît très pertinent. Néanmoins, il me semble qu’il faut, pour atteindre le but, s’assurer que le mode de désignation des personnalités extérieures membres de ces deux conseils garantisse une stricte parité. Les modalités de désignation pourraient s’inspirer du mécanisme de tirage au sort prévu pour la constitution du Haut conseil des finances publiques.

Ensuite, la loi devrait aussi prévoir la parité parmi les vice-présidents, ou au sein des bureaux des organes de gouvernance des établissements d’enseignement publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Au plan national, nous constatons aujourd’hui que la composition des conseils et des comités de sélection des agences nationales de financement de la recherche sont composées d’hommes en plus ou moins grande majorité. Le principe de parité devrait aussi y prévaloir, de même que dans tous les comités de sélection de manière générale. L’argument est souvent opposé d’un manque de femmes dans certaines disciplines, ce qui rendrait difficile la constitution équilibrée des comités. Il me semble que cet argument ne doit pas être retenu, et que, dans un cadre plus contraint, l’on trouvera des femmes pour participer aux instances scientifiques à tous les niveaux, ou que des solutions pourront être trouvées au cas par cas, éventuellement en ouvrant la participation à des personnes ne relevant pas de la même « sous-sous-discipline », c'est-à-dire ne partageant pas obligatoirement la même spécialité vue au sens strict.

La composition paritaire du CNESER est affirmée par le projet de loi. Il convient de s’assurer que les modalités d’application traduiront cette parité, et en particulier que le décret d’application à venir prévoira la nomination paritaire des représentants des grands intérêts nationaux.

Un autre élément est très important pour rétablir l’égalité dans le déroulement des carrières : la stricte prise en compte des quatre dernières années d’enseignement et de recherche pour la constitution d’un dossier de demande de prime ou de promotion ; il s’agit d’un handicap lors de l’examen des dossiers de femmes ayant eu un ou plusieurs enfants pendant les années précédentes. Les situations qui imposent une période fixe devraient inclure un dispositif correcteur, en ajoutant à la période d’évaluation soit une année par naissance, soit la durée du congé de maternité ou parental pris par le salarié, ce qui permettra une évaluation de l’activité sur cette période prolongée et non plus sur les quatre dernières années.

Mon rapport souligne le besoin d’études et de statistiques sur les discriminations sexuées existant dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Á l’heure actuelle, les outils d’appréciation de la place des femmes et de l’évolution de leur carrière sont encore insuffisants. Il existe des initiatives mais isolées, comme la publication par le CNRS du bilan annuel « La parité dans les métiers du CNRS ». C’est pourquoi les établissements devraient collecter et transmettre au ministère les données relatives à la répartition entre les sexes des postes de chercheur et d’enseignant-chercheur, aux différents stades de la carrière. Cela permettra de meilleures statistiques nationales.

Enfin, je consacre un chapitre au respect entre les sexes dans la communauté universitaire. Les violences sexuelles et le harcèlement demeurent un sujet tabou dans l’enseignement supérieur : il doit y avoir une véritable prise de conscience et des mesures plus efficaces que le cadre actuel pour espérer éradiquer ce type d’actes.

Ces agissements, comme les autres conflits, sont traités – dans les rares cas où ils le sont réellement – à l’intérieur de l’établissement par une section disciplinaire, comme dans toute autre structure publique. En effet, les victimes portent rarement plainte devant les tribunaux, pour des raisons de coût et de longueur de la procédure. Mais la procédure impliquant la section disciplinaire est très inégalitaire et loin d’être satisfaisante. Je propose donc de réformer cette procédure pour mieux garantir la défense des droits des personnes victimes de harcèlement, notamment en matière d’accessibilité du recours, d’appel et de publicité. J’ajoute que la section disciplinaire devrait, elle aussi, être composée de manière paritaire. Je considère d’ailleurs que le code de l’éducation devrait comprendre une disposition sanctionnant le harcèlement sexuel, de même qu’il comporte, depuis la loi du 17 juin 1998, une disposition en ce sens sur le bizutage.

J’ai l’intention de déposer un certain nombre d’amendements reprenant les éléments que je viens d’indiquer et d’autres que vous trouverez dans mon rapport d’information.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie pour ce travail qui permet d’aborder beaucoup de sujets importants.

Celui de la place des jeunes filles dans les filières scientifiques, et donc ensuite des femmes dans les carrières scientifiques, est important. Je souligne que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Mme Geneviève Fioraso, a souhaité améliorer l’information des étudiants en licence, afin qu’ils accèdent à des orientations plus diverses et adaptées à leurs capacités, ce qui n’est pas le cas si les jeunes filles « s’autolimitent » dans leur ambition et leurs choix.

Vous abordez dans votre rapport une autre question : celle de la stricte prise en compte des quatre dernières années d’enseignement et de recherche pour la constitution d’un dossier de demande de prime ou de promotion. Cette règle est critiquée à juste titre car elle désavantage les femmes ayant eu un ou plusieurs enfants pendant les années sur lesquelles porte l’évaluation. Il faut apporter un dispositif correcteur, en ajoutant à la période d’évaluation la durée du congé de maternité ou parental pris par le salarié. La période d’évaluation de l’activité sera alors prolongée, permettant de rétablir une égalité pour la femme qui aura cessé son activité et donc, par exemple, moins publié.

La question de l’accueil des enfants en bas âge des personnels des établissements d’enseignement supérieur et éventuellement des personnes en formation est pertinente ; toutefois, il faut prendre en considération le fait que ces établissements ne sont pas ouverts toute l’année. Créer ce genre de lieux d’accueil de la petite enfance auprès des universités serait une bonne chose, si l’on peut trouver la solution qui permettra l’emploi de leurs personnels toute l’année et une bonne utilisation des investissements réalisés, qui ne seront pas négligeables.

Je souligne enfin que la loi la loi du 12 mars 2012, « dite loi Sauvadet », relative notamment à la lutte contre les discriminations dans la fonction publique, sera applicable aux universités, qui devraient donc être soumises à l’obligation d’établir un rapport de situation comparée. Il sera intéressant de préciser à qui ce rapport devra être adressé et qui va contrôler la mise en œuvre de l’égalité dans ces établissements. Il s’agira en tout cas d’un outil à la disposition des chargés de mission Égalité nommés dans les établissements.

La Délégation adopte le rapport de M. Sébastien Denaja ainsi que les recommandations suivantes :

1) Élaborer des statistiques nationales sur la place des femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Adresser une circulaire aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche demandant la mise à disposition de données relatives à la répartition entre les sexes des postes de chercheur et d’enseignant-chercheur, aux différents stades de la carrière. Ces données doivent être disponibles pour les personnels et les usagers des établissements, et transmises au ministère pour l’élaboration des statistiques nationales.

2) Favoriser l’orientation des jeunes femmes vers les carrières scientifiques et en particulier vers les disciplines où elles sont encore très minoritaires.

Dans cet objectif, prévoir, dans les cahiers des charges des médias publics, la diffusion d’émissions scientifiques, impliquant des acteurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et tendant à respecter la parité femmes/hommes parmi les intervenants.

3) Le ministère de l’Éducation nationale doit veiller à l’égalité d’accès aux internats des classes préparatoires afin d’assurer l’égalité des chances et éliminer les obstacles pouvant freiner la réussite des jeunes filles.

4) Les établissements d’enseignement et de recherche, sous la direction de leur président (e), doivent élaborer un plan d’action Égalité/parité pour l’établissement, déclinant notamment le plan d’action pour l’égalité élaboré par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche en 2012.

5) Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche doivent nommer un (e) chargé (e) de mission Égalité, dont la mission sera de mettre en œuvre la charte pour l’égalité signée le 29 janvier 2013, de définir avec le (la) président (e) de l’établissement une politique de l’établissement et d’en suivre la mise en œuvre.

La loi doit préciser les éléments essentiels de sa mission de même que les moyens d’information et d’action dont il ou elle dispose.

6) Prévoir dans la loi qu’il appartient aux établissements d’enseignement supérieur de mener une action contre les stéréotypes sexués, tant dans les enseignements que dans les différents aspects de la vie de la communauté éducative.

7) Inciter les universités à construire des licences comportant des modules obligatoires sur le genre, ancrés dans les disciplines ou pluridisciplinaires.

Prévoir une formation obligatoire sur l’égalité entre les sexes et les stéréotypes de genre dans la formation des enseignants, de la maternelle au supérieur.

8) Assurer la parité au sein du conseil d’administration et du conseil académique des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Pour cela, s’assurer que le mode de désignation des personnalités extérieures membres de ces deux conseils garantisse cette parité.

Les modalités de désignation peuvent s’inspirer par exemple du mécanisme de tirage au sort prévu pour la constitution du Haut conseil des finances publiques.

9) La loi prévoit la parité parmi les vice-présidents, ou au sein des bureaux des organes de gouvernance des établissements d’enseignement publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

10) Le bureau de l’établissement d’enseignement supérieur doit veiller à la composition paritaire de la commission gérant le Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE).

11) Dresser le bilan, deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, de son application et de son résultat en ce qui concerne la composition paritaire des conseils d’établissement.

12) Veiller à respecter la parité sein des conseils et des comités de sélection des agences nationales de financement de la recherche.

13) La composition paritaire du CNESER est affirmée par le projet de loi. Il convient de s’assurer que les modalités d’application traduisent cette parité, et en particulier que le décret d’application à venir prévoie la nomination paritaire des représentants des grands intérêts nationaux par le ministre de l’Enseignement supérieur.

14) La composition du conseil d’orientation scientifique du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur doit respecter le principe de la parité entre femmes et hommes.

15) Les comités de sélection des universités et des grandes écoles doivent être composés de manière paritaire.

16) Prévoir un dispositif correcteur pour éviter la discrimination, dans le cadre de l’évaluation préalable à une promotion ou une demande de prime, envers les femmes ayant eu des enfants au cours des quatre dernières années, en ajoutant la durée du congé intervenu pendant la période.

17) Développer un accueil de la petite enfance au sein de l’université. Le plan d’action Égalité/parité de l’établissement pourrait créer les conditions de l’ouverture d’une crèche sur son emprise territoriale à destination des personnels, mais aussi des usagers ayant des enfants en bas âge.

18) Faire figurer, au sein du projet annuel de performances accompagnant la présentation du projet de loi de finances, un objectif de parité entre les femmes et les hommes dans les instances de recrutement des établissements et un objectif d’égalité entre les femmes et les hommes dans le déroulement des carrières.

19) Réformer la procédure disciplinaire applicable aux plaintes portant sur des violences, des situations de harcèlement ou de discrimination.

Á cette fin il y a lieu de permettre la saisine de la section disciplinaire par, outre le président de l’établissement, une autre autorité, qui pourrait être, par délégation du président, le (la) chargé (e) de mission Égalité au sein de l’établissement.

La section disciplinaire doit être composée de manière paritaire entre les femmes et les hommes. Les personnes chargées de l’instruction des faits ne doivent pas participer au jugement du conflit. La possibilité d’appel auprès de l’instance nationale doit être ouverte au plaignant, ainsi qu’au chargé de mission Égalité.

20) En coordination avec le (la) chargé (e) de mission, mettre en place, dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, une cellule de veille et d’information sur les discriminations, les violences et le harcèlement sexuel, ou au moins, désigner une personne référente pour informer et orienter les victimes et les témoins.

21) Les personnels des établissements doivent se voir remettre un document d’information spécifique relatif au harcèlement sexuel, comportant au moins la définition de ce délit, les peines encourues et les voies de saisine de la section disciplinaire compétente.

Ces informations doivent être accessibles sur les sites Internet des établissements et faire l’objet d’un encart dans les documents de présentation générale des droits et devoirs des étudiants.

La séance est levée à 15 h 15.