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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 26 juin 2013

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de Mmes Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et Florence Chappert, responsable du projet « Genre et condition de travail » de l’ANACT

La délégation aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mmes Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et Florence Chappert, responsable du projet « Genre et condition de travail » de l’ANACT.

La séance est ouverte à 14 heures.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. La Délégation a commencé son travail consacré au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera présenté en conseil des ministres le 3 juillet prochain par Mme Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes.

Aujourd’hui nous abordons le domaine des conditions de travail.

Selon le constat, très alarmant, dressé par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), les conditions de travail des femmes se sont dégradées au cours des dix dernières années : le nombre de maladies professionnelles des femmes a augmenté de 162 %, dépassant celui des hommes ; les accidents de trajet augmentent, alors que ceux des hommes diminuent ; une femme sur trois est exposée à la tension au travail, contre un homme sur cinq.

Comme vous l’avez souligné, l’organisation du travail (le temps partiel, les horaires atypiques, l’absence de reconnaissance) est une cause importante, mais il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des emplois occupés, qui génèrent des troubles de santé qui sont bien décrits. Se pose notamment la question de la voie à suivre pour rendre le système de retraite plus juste lorsque l’on sait que le travail souvent particulièrement pénible des femmes se traduit par une durée de retraite plus faible.

Mme Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). L’Agence a pour vocation de répondre aux besoins des entreprises et d’éclairer les décisions des pouvoirs publics, mais aussi des partenaires sociaux. Outre le projet de loi que vous avez mentionné, Mme la Présidente, je tiens à rappeler que les partenaires sociaux négocient actuellement un accord sur l’égalité professionnelle, le temps partiel subi et la précarité.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. En effet ! Mais la lenteur de cette négociation est décevante, alors que l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi a été conclu en peu de mois ; en outre le champ de la négociation ne couvre pas l’ensemble des problèmes puisqu’il est limité aux conditions de vie au travail.

Mme Florence Chappert, responsable du projet « Genre et condition de travail » de l’ANACT. Pour nous, l’essentiel réside dans le lien entre qualité de vie au travail et égalité, cette dernière devant être une préoccupation dans tous les aspects de la qualité de vie au travail, qu’il s’agisse de l’égalité d’accès à un travail valorisant, à des conditions de travail de qualité, intégrant la pénibilité de l’activité, à la prévention des risques, par exemple.

Nous souhaitons mettre l’accent sur l’articulation entre santé et égalité. Le travail a un impact différent sur la santé des hommes et sur celle des femmes, et ce même dans les entreprises où l’égalité, notamment salariale, est respectée.

Nous nous heurtons à la difficulté qu’il y a à produire des statistiques sexuées, les informations publiées ne distinguant pas les femmes des hommes. À partir des dernières données provenant de la CNAMTS, qui couvrent 18 millions de salariés, nous sommes parvenus à retracer certaines évolutions au cours des dix dernières années. En 2011, les accidents de travail concernant des femmes représentent le tiers des 650 000 accidents de travail : depuis 2000, le nombre de ces accidents à diminué de 20 % pour les hommes, mais a augmenté de 27 % pour les femmes. Pour avoir une vision exacte de cette évolution, il faut corréler ces données à l’augmentation des effectifs d’hommes et de femmes, dont la CNAMTS ne dispose pas. D’autres sources permettent néanmoins de dire que le nombre d’hommes actifs a progressé de 1 % en dix ans, contre 11 % pour celui des femmes. L’écart entre les hommes et les femmes s’est donc bel et bien creusé en matière d’accidents du travail au cours des dix dernières années. Nous disposons de l’indice de fréquence des accidents dans le secteur de l’hôtellerie-restauration : il a diminué de 15 % pour les hommes et augmenté de 36 % pour les femmes. Faute de recherches dans ce domaine, il est difficile de connaître les causes de ces évolutions contrastées. On peut formuler l’hypothèse selon laquelle les femmes qui commencent une activité ont souvent un travail exposé et pour lequel la prévention n’est pas suffisante. Par exemple, les accidents de trajet ont augmenté de 30 à 40 % pour les services à la personne, souvent assurés par des femmes.

Pour ce qui est des maladies professionnelles, elles sont aussi fréquentes pour les hommes que pour les femmes, mais elles sont en hausse de 160 % pour ces dernières, soit deux fois plus que pour les hommes.

Une autre illustration nous est fournie par le programme Samothrace sur la santé mentale. En 2007, 24 % des hommes et 37 % des femmes éprouvaient une souffrance psychologique au travail, les femmes cadres et employées étant les plus touchées alors qu’il y a peu de différences entre catégories socio-professionnelles pour les hommes. La comparaison de deux études « Summer », celle de 2003 et celle de 2010, montre que la tension au travail touche 29,2 % des femmes en 2010, contre 28,2 % en 2003, pour, respectivement 23,8 % des hommes et 19,6 % des hommes. On observe donc une augmentation générale, mais plus marquée pour les hommes : l’écart entre les sexes se réduit donc. Une étude sur l’absentéisme au travail conclut à un niveau nettement plus élevé pour les femmes, mais elle n’a pas pris en compte les différences dans les conditions de travail parmi les causes de cette situation. Elle a en revanche mis en évidence une corrélation forte avec la situation personnelle du salarié, bien plus qu’avec le nombre d’enfants, et ce, pour les hommes comme pour les femmes.

Si les inégalités sont indéniables, nous manquons de travaux de recherche, ce qui risque de conduire à des interprétations essentialistes, négligeant le lien avec les activités domestiques et les conditions de travail.

La plupart des études sociologiques sont faites « toutes choses égales par ailleurs », sans intégrer les facteurs liés au genre. Par exemple, pour expliquer pourquoi les femmes souffrent davantage de troubles musculo-squelettiques, il faut prendre en compte le fait qu’elles font des travaux plus répétitifs. Dans la réalité, les situations sont inégales : les conditions d’emploi, de vie, de conciliation entre vie professionnelle et vie privée sont différentes. Il faut faire le lien entre les indicateurs de santé et les conditions de travail. De même, dans les entreprises, les rapports annuels de situation comparée ne remontent pas aux causes structurelles ; les conditions de travail restent appréhendées à partir de la norme de l’homme moyen.

Nous avons donc développé une méthodologie organisée autour de quatre grands facteurs de causes :

– la répartition sexuée des emplois et des activités, qui est sensible partout, même entre des personnes occupant des postes identiques : par exemple, une serveuse dans l’hôtellerie ou la restauration ne fait pas le même nombre de pas, ne rend pas le même service que son collègue masculin ;

– les risques, les violences, les incivilités auxquels les femmes sont exposées ;

– les pratiques pénalisantes dans la gestion des ressources humaines : par exemple, dans le secteur de l’imprimerie, entrés au même poste, un homme évoluera rapidement ou quittera l’entreprise tandis qu’une femme assurera le même travail de base jusqu’à son départ en retraite ou son licenciement pour inadaptation au poste ;

– l’exposition aux conditions d’emploi et de conciliation.

Nous avons pu repérer quatre types d’emplois qui sont très exposés :

– les emplois répétitifs et pénibles, le caractère répétitif étant l’une des caractéristiques de l’emploi des femmes – ce que démontrent les enquêtes relatives aux à leurs conditions de travail ;

– les emplois émotionnellement exigeants (par exemple, les emplois des secteurs de la santé, du soin) ;

– les emplois aux horaires atypiques, avec des horaires de travail le soir ou très tôt le matin (par exemple dans le secteur de la propreté), avec également des horaires de travail fragmentés et le travail de nuit (dont la part progresse dans l’activité des femmes) ;

– les emplois sans perspectives d’évolution professionnelle, emplois qui ne permettent pas des parcours partout dans une entreprise et pour tout le monde.

Nous avons également recueilli des éléments intéressants parmi les données du Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNVPPP). Ces données mettent en évidence des différences importantes entre les hommes et les femmes dans l’exposition aux risques, au terme d’une analyse portant sur 50 000 pathologies en rapport avec le travail, réalisée entre 2001 et 2009. On constate ainsi que les hommes objet de cette étude ont consulté pour des problèmes de santé liés à l’amiante, au port de charges, au bruit, aux solvants diluants. Les femmes ayant consulté ont, quant à elle, été exposées :

– aux violences psychiques ;

– au port de charges – que l’on songe à l’activité des infirmières, des caissières mais également à de nombreux postes de l’industrie et des services, le port de charge pouvant dépasser dans certaines entreprises la norme du code du travail, soit vingt-cinq kilos ;

– aux mouvements répétitifs ;

– aux « facteurs managériaux », facteurs de risque encore relativement occultés aujourd’hui mais qui peuvent porter atteinte à la santé des femmes.

Les premiers résultats de l’enquête Sumer (réalisée par la DARES en 2010) montrent par ailleurs que dans leur emploi, les femmes subissent toujours des contraintes spécifiques. Parmi ces contraintes, il convient de citer :

– tout d’abord, celles inhérentes au travail en contact avec le public, lequel expose les femmes à des situations de tension et à des agressions verbales ;

– ensuite, celles qui résultent de la répétition d’un même geste ou d’une série de gestes à cadence élevée pendant vingt heures ou plus pendant la semaine ;

– celles liées au travail sur écran vingt heures ou plus par semaine et auxquelles les femmes sont plus exposées que les hommes ;

– celles en rapport avec l’exposition aux agents biologiques ;

– celles qui procèdent de rythmes de travail impliquant l’interruption fréquente d’une tache, l’obligation de se dépêcher pour l’accomplir, l’impossibilité de faire varier les délais fixés ou d’interrompre momentanément son travail quand on le souhaite ;

– celle enfin que constitue le fait de ne pas disposer de 48 heures consécutives de repos au cours d’une semaine.

S’agissant du temps partiel et de son impact en matière de santé au travail pour les femmes – qui représentent 80 % des salariés dans cette situation –, nos analyses ont confirmé les résultats des travaux de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) : la durée d’arrêt des salariés à temps partiel est plus longue que pour les salariés à temps plein. Cette conclusion semble a priori contre-intuitive dans la mesure où généralement, le travail à temps partiel donne une possibilité de prendre des repos et des temps de récupération, ce qui devrait susciter moins d’absences. De fait, les salariés à temps partiel sont moins absents en fréquence. Cependant, ils cumulent plusieurs arrêts si bien que leur absence apparaît d’un niveau supérieur à celui des salariés à temps plein. Ainsi, d’après l’analyse des chiffres d’absentéisme d’une mutuelle couvrant plusieurs millions de salariés que nous avons réalisée, les salariés à temps partiel ont 24 % de jours d’arrêt au total.

Si l’on examine la situation plus finement à l’échelle des secteurs d’activité, on observe que les salariés à temps partiel sont plus absents que les salariés à temps complet (en nombre de jours d’absence par an et par salarié). Ce constat vaut pour les activités financières et d’assurance, les secteurs de l’information communication, les activités spécialisées scientifiques et techniques ainsi que pour les administrations publiques. Ceci peut s’expliquer par le fait que les salariés à temps partiel tendent à être pénalisés ou marginalisés en étant cantonnés dans des parcours moins intéressants et qui exposent à une usure professionnelle favorisant des absences suivies. Une explication de même nature peut être fournie en ce qui concerne le haut niveau d’absentéisme dans des secteurs tels que l’industrie manufacturière, les industries extractives, la construction, la production d’eau et d’assainissement et la production d’électricité. En effet, il s’agit de métiers comportant une certaine pénibilité physique et l’on peut penser que le passage au temps partiel tient à une dégradation de la santé des salariés qui, elle-même, est la cause d’absences répétées.

En revanche, dans des secteurs comme ceux de l’enseignement, des arts et spectacles, de certaines activités administratives et de soutien, d’autres activités de service, de la santé et de l’action sociale, il s’avère que le nombre de jours d’absence par an pour les salariés à temps partiel est inférieur à celui observé pour les salariés à temps plein. On peut faire l’hypothèse, pour expliquer ce constat, que dans ces secteurs fortement féminisés, l’organisation du travail a su s’adapter à la présence de nombreux salariés à temps partiel.

Sur ce point, des analyses plus précises devraient sans doute être menées afin de mieux mesurer l’impact des conditions de travail des salariés à temps partiel sur l’absentéisme. Cela étant, nous pouvons d’ores et déjà avancer l’idée que l’absentéisme, parmi les personnes ayant un emploi à temps partiel, constitue une conséquence du cumul des effets sur la santé de conditions de travail pénibles et d’un état de santé déjà dégradé du salarié – qui l’a conduit à occuper à un emploi précaire atypique ou à demander un temps partiel – auxquels s’ajoutent sans doute les effets sur la santé des conditions de vie précaires liées à un niveau de rémunération moindre.

Par ailleurs, les premiers résultats de l’enquête Sumer 2010 mettent aussi en évidence le fait que le temps partiel subi comporte, tant pour les hommes que pour les femmes, nettement plus de contraintes au travail que le temps partiel choisi ou qu’un travail à temps complet. Dans le cadre d’un temps partiel non choisi, ces contraintes consistent pour un salarié à avoir à travailler plus de dix-huit samedis par an et à devoir accomplir plus de deux périodes de travail dans la même journée. Dans cette situation, il y a également davantage de probabilité qu’un salarié dispose de moins de 48 heures de repos consécutif au cours d’une semaine, bénéficie d’une latitude décisionnelle plus faible, que son poste fasse l’objet d’au moins un jugement négatif du médecin du travail et donne lieu à une surveillance médicale renforcée.

Tous ces éléments corroborent le fait que dans le cadre d’un temps partiel non choisi, les salariés sont exposés à des contraintes fortes dans leur travail.

Dès lors, la problématique du temps partiel ne peut être appréhendée sous le seul angle du nombre d’heures travaillées ou de son augmentation. Elle doit être analysée en prenant en considération les conditions et l’organisation du système productif – qui lui-même procède de compromis sociaux. Pour les politiques publiques et les entreprises, le défi est double : il s’agit à la fois d’augmenter le nombre d’heures travaillées et de diminuer la pénibilité ou de ne pas dégrader les conditions de travail. Dans certains métiers, tels que ceux du secteur des services à la personne, on constate ainsi qu’une durée du travail raisonnable est un ¾ temps. Un temps plein ne serait pas « tenable ».

Je conclurai mon intervention par deux points.

Le premier porte sur la prise en compte des questions de genre et d’égalité au plan réglementaire, conventionnel et institutionnel.

De ce point de vue, les règles relatives à la santé au travail n’appréhendent pas suffisamment la question du genre, mises à part quelques restrictions concernant le port de charge, l’exposition au plomb et au radium ou les dispositions protégeant la femme enceinte. Souvent, les accords sur les risques psychosociaux ne traitent pas des facteurs de risques spécifiques auxquels sont confrontés les hommes et les femmes dans leur emploi et ne développent pas d’analyse de leurs données ou résultats en rapport avec le genre ou le sexe. De même, les accords ou les plans séniors ne prennent absolument pas en compte les différences dans les conditions du vieillissement au travail observées entre les femmes et les hommes. Les accords sur l’égalité professionnelle n’abordent pas la question des conditions de travail ou de la santé au travail puisque les indicateurs santé n’y sont pas directement intégrés.

Le second et dernier point que je développerai rapidement porte sur les propositions que nous souhaitons vous présenter afin de progresser.

En premier lieu, nous estimons que pour progresser dans un certain nombre de domaines, les politiques et actions visant la prévention de la santé et de la sécurité au travail ainsi que la qualité de vie au travail doivent – qu’elles soient le fait des entreprises ou des pouvoirs publics – faire appel à une analyse fondée sur la prise en compte du sexe afin d’améliorer la prévention de la « sinistralité » des hommes et des femmes, en particulier dans les secteurs mixtes ou à prédominances féminine. À cette fin, nous recommandons :

– la production de statistiques « sexuées » de santé au travail, qui soient rendues obligatoires dans les bilans des organismes de sécurité sociale, dans le bilan social des entreprises ou dans les grandes enquêtes nationales menées par les ministères du Travail et de la Santé ; il importe également de promouvoir des recherches afin d’expliquer les écarts observés entre hommes et femmes dans ces différents indicateurs ;

– l’établissement d’un dispositif de prévention des risques adéquat dans les secteurs à prédominance féminine : il nous semble que dans les emplois à prédominance masculine, la prévention permet aujourd’hui d’appréhender la spécificité des risques qui s’attachent aux métiers exercés par les hommes et par les femmes, ce qui n’est pas le cas dans les secteurs à prédominance féminine ;

– l’intégration dans le document unique d’évaluation des risques de ceux relatifs à la santé reproductive des femmes mais aussi des hommes et de ceux des emplois à prédominance féminine ;

– l’intégration de la problématique du genre dans les démarches des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

– l’intégration de la prévention des violences et harcèlement à caractère sexiste et sexuel dans les approches sur les risques psycho-sociaux ;

– l’intégration de la dimension du genre dans les accords et plans d’action sur les risques psycho-sociaux, la pénibilité, les séniors et la qualité de vie au travail.

En ce qui concerne les politiques et actions ayant pour objectif l’égalité professionnelle, nous considérons qu’il ne faut pas se borner à la question des « discriminations directes », des inégalités salariales ou à celle de l’emploi. Il importe que les actions en faveur de l’égalité professionnelle prennent en compte les conditions et l’organisation du travail, la santé et la qualité de vie au travail. Aussi, nous recommandons :

– d’intégrer un certain nombre d’indicateurs de santé dans le rapport de situation comparée : a minima, des indicateurs relatifs à l’absentéisme, aux accidents du travail, aux accidents de trajet, la maladie professionnelle, ainsi que le font déjà certaines entreprises ;

– d’assurer la mixité des emplois et des activités en revoyant l’ergonomie des postes de travail de sorte qu’elle intègre la différence des sexes ;

– d’inclure, dans l’organisation du temps de travail, les critères d’articulation des temps et de santé en sorte de limiter les horaires atypiques, le temps partiel contraint et d’accorder plus de flexibilité aux salariés dans la gestion de leur temps de travail ;

– de revoir, dans les entreprises, les critères de mobilité et de promotion qui, trop souvent, reposent sur la disponibilité et l’ancienneté ;

– d’augmenter le nombre d’heures de travail des emplois à temps partiel mais également de repenser l’organisation du travail afin de diminuer la pénibilité et d’améliorer les conditions de travail ;

– de revaloriser les emplois à prédominance féminine dans les classifications en prenant en compte les exigences réelles de l’activité et de la pénibilité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie. Sur le dernier point, le Défenseur des droits vient de publier un ouvrage – vous y avez sans doute contribué – sur la définition des postes et la revalorisation.

Mme Florence Chapert. Nous avons effectivement contribué, notamment, à ce que la charge émotionnelle des emplois soit prise en compte…

Mme la présidente Catherine Coutelle. …dans les grilles indiciaires. Il y a en effet des situations injustes.

Mme Barbara Romagnan. Les chiffres que vous avancez sont-ils basés sur les entreprises où l’ANACT est intervenue et que vous avez visitées?

Mme Florence Chappert. Non, il s’agit des données fournies par la CNAMTS.

Mme Barbara Romagnan. Les femmes rentrent aujourd’hui, comme vous l’avez dit, dans les métiers exposés : quels sont-ils ? Ne peut-on expliquer l’absentéisme plus élevé des travailleurs à temps partiel par le fait que les femmes, majoritairement à temps partiel, en plus de leurs tâches à la maison, peuvent exercer un second travail à temps partiel en plus du premier ? Concernant l’Accord national interprofessionnel (ANI), récemment transcrit dans le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, qu’avez-vous noté de positif ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Lorsque vous intervenez dans les entreprises, est-ce à leur demande ?

Mme Pascale Levet. Je tiens à dire que l’ANACT au plan national et les ARACT au plan régional jouent un rôle d’incubateur. Nous sommes placés sur des sujets émergents impliquant une coopération scientifique et une coopération institutionnelle en vue d’améliorer les conditions globales de travail dans les entreprises. Nous avons un dispositif appelé diagnostic court, qui représente plus de 3 000 interventions par an, principalement dans les grandes entreprises. Les ARACT sont plus présentes dans les plus petites entreprises.

Nous avons également travaillé sur les services à la personne où il n’existe pas d’étude réalisée par sexe. Les entreprises sont à « configuration » variée.

Mme Florence Chappert. Nous intervenons par exemple dans des entreprises paritaires (48 % de femmes). Quand on regarde les rapports de situation comparée (RSC), les écarts ne sont pas très importants et n’attirent pas l’attention. Mais si on regarde en plus les indicateurs de santé, alors on peut avoir de grandes surprises car les écarts se révèlent importants. Les causes structurelles des écarts de santé, de rémunération et de carrière ne sont pas les mêmes. Il faut faire remonter le diagnostic aux causes structurelles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En matière de RSC on a quand même progressé. D’un côté, on nous dit, le RSC est trop complexe, il faut un outil utile, dont la confection soit accessible aux entreprises. De l’autre côté, vous nous dites qu’il n’y a pas assez d’indicateurs de santé dans les RSC et qu’il nous faut les bonnes données, mais comment les faire émerger ?

Mme Florence Chappert. Nous avons outillé les entreprises et cet outil figure d’ailleurs sur le site du ministère des Droits des femmes. Il s’agit d’un tableau Excel qui permet de réaliser le RSC de l’entreprise de façon automatisée à partir de 16 données, parmi lesquelles les accidents du travail et les maladies professionnelles. Pour les grandes entreprises de plus de 300 salariés, nous avons proposé des tableaux manuels. Tout assistant d’une direction des ressources humaines peut utiliser cet outil. Le problème actuel du RSC n’est pas tant sa fabrication que son analyse fine qui fait souvent défaut.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut une publicité des RSC, afin de pouvoir effectuer des comparaisons, il faut une « remontée » des RSC, une plus grande visibilité.

Mme Florence Chappert. Nous voudrions rajouter, parmi les données retenues par le RSC, le critère d’absence. Dans nos analyses, nous enlevons toujours le congé maternité sauf s’il s’agit de grossesses pathologiques. Mais un écart de 30 % avec les hommes subsiste qui oblige à penser le lien entre les conditions de travail et les absences.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Une possibilité de flexibilité offerte par l’entreprise permet d’éviter certaines absences. C’est l’intérêt du projet de loi cadre sur l’égalité à venir qui permettra un congé parental partagé.

Mme Barbara Romagnan. La flexibilité non choisie existe aussi !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Une étude sur l’organisation du travail des caissières montre que l’absentéisme diminue lorsqu’elles peuvent s’entendre entre elles sur cette organisation, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle est imposée par un chef ou un ordinateur.

Mme Pascale Levet. Ceci est également vrai pour les plannings dans les hôpitaux. Concernant l’actuelle négociation sur les conditions de vie au travail, les partenaires ont tout de même avancé ! Il faut penser l’égalité en lien avec la mobilisation des individus au travail : qu’est-ce qui fait qu’on s’engage dans son travail, qu’on se mobilise ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le stress au travail explose en France, il est bien plus fort que dans d’autres pays européens et il provoque des maladies.

Je vous remercie pour vos analyses qui vont éclairer notre travail.

La séance est levée à 15 heures 15.