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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 25 juin 2014

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 32

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de M. Yves Verollet, Délégué général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), co-rapporteur du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la dépendance des personnes âgées en 2011, et de Mme Manuella Pinto, responsable des relations sociales de l’UNA, sur le projet de loi n° 1994 relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

– Informations relatives à la Délégation

La séance est ouverte à 14 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition de M. Yves Verollet, délégué général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), co-rapporteur du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la dépendance des personnes âgées en 2011, et de Mme Manuella Pinto, responsable des relations sociales de l’UNA, sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (n° 1994).

Mme la présidente Catherine Coutelle. La Délégation a demandé à être saisie du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, sur lequel nous allons travailler dans des délais très resserrés, puisque le rapport de la délégation devra être examiné d’ici quinze jours.

Ce projet de loi nous semble concerner les femmes à plusieurs titres.

Tout d’abord, ce sont souvent les femmes qui, après avoir élevé leurs enfants, s’occupent ensuite de leurs parents vieillissants, voire de leurs beaux-parents. En outre, les métiers de l’aide à domicile sont presque exclusivement exercés par des femmes, souvent à temps partiel. On constate la persistance de stéréotypes dans ces métiers du care, ce qui soulève également la question de l’orientation. Notre collègue Christophe Sirugue, ici présent, est très sensible à cette question des aidants. Quels moyens pourrait-on envisager pour rendre ces emplois moins précaires ?

D’autre part, avec l’allongement de l’espérance de vie, les femmes vieillissent plus longtemps que les hommes, mais pas nécessairement en bonne santé. Elles sont également davantage confrontées à l’isolement. L’une de nos collègues, Mme Martine Lignières-Cassou, vient de constituer un groupe d’études sur les accidents domestiques et il semblerait que les femmes âgées soient plus concernées, s’agissant en particulier des chutes et pertes d’équilibre.

Comment répondre au mieux à l’ensemble de ces problématiques, même si tout ne relève pas nécessairement du domaine de la loi ? Par ailleurs, pourriez-vous nous présenter l’UNA et nous indiquer quelle appréciation vous portez sur ce projet de loi ?

M. Yves Verollet, délégué général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). L’UNA est une fédération qui regroupe environ 950 structures : il s’agit pour la plupart d’associations, mais aussi de structures publiques territoriales, telles que des centres communaux d’action sociale (CCAS), ou encore d’organismes mutualistes. Ces structures sont souvent polyvalentes et gèrent plusieurs types de services auprès de différents publics. Cela représente un peu plus de 80 000 salariés dans le système prestataire. Pour ce qui concerne les structures mandataires, cela représente environ 30 000 salariés. Parmi ces structures, 150 n’exercent qu’un seul type d’activité, par exemple uniquement de l’aide à domicile, mais la plupart sont pluri-activités, en intervenant dans le domaine de l’aide, et du soin, de l’intervention sociale et familiale ou de la petite enfance, par exemple.

Dans le contexte actuel, et en particulier dans le cadre des débats en cours sur le projet de loi relatif à la santé et celui relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, il est important de souligner que la branche intervient dans le domaine de l’aide et du soin. En effet, lorsque l’on parle d’intervention globale auprès des personnes âgées – parcours de santé, dispositif PAERPA (personnes âgées en perte d’autonomie), etc. – , nous sommes un peu au cœur de tout cela, mais avec la particularité pour cette branche d’être née du social et d’être parfois peu acceptée par le monde du sanitaire.

Au-delà de l’UNA, l’ensemble de la branche de l’aide à domicile représente de l’ordre de 220 000 salariés, avec une convention collective unique et quatre fédérations : l’Association d’aide à domicile en milieu rural (ADMR), qui compte à peu près autant de salariés que l’UNA, soit environ 80 000, ainsi que deux autres plus petites, Adessadomicile et la FNAAFP-CSF (Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire). Nous travaillons bien ensemble et défendons souvent les mêmes positions.

À l’UNA, nous avons environ 250 services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ainsi que des centres de santé infirmiers, et c’est également le cas pour l’ADMR. Cependant, dans les débats actuels, nous avons du mal à nous faire reconnaître comme des intervenants sur le plan sanitaire et social. Cela constitue pour nous l’un des enjeux de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Et je dois dire que le débat qui avait été engagé avec Mme Michèle Delaunay, et désormais avec Mme Laurence Rossignol, a bien avancé sur ces questions, avec par exemple l’introduction dans ce projet de loi de la notion de service polyvalent d’aide et de soin à domicile (SPASAD), qui regroupe les structures d’aide et de soin. Dans le projet de loi relatif à la santé publique, il y aussi l’idée de créer un service public territorial de proximité, et nous souhaitons pouvoir être partie prenante de tout cela.

Concernant le profil des salariés dans le secteur de l’aide à domicile, il s’agit très majoritairement de femmes, qui représentent au total 97 % des intervenants. Plus précisément, il apparaît que les hommes sont davantage présents dans le secteur du handicap, mais qu’en revanche, concernant l’intervention auprès des personnes âgées, leur proportion est plus faible encore et doit même être statistiquement peu décelable.

Par ailleurs, les trois quarts des salariés ne travaillent pas à temps plein. En revanche, contrairement à ce que l’on peut penser, il ne s’agit pas de contrats précaires au sens où pour l’essentiel la part des contrats à durée indéterminée (CDI) s’élève à 88 % environ.

Plus de la moitié des intervenants sont des personnes âgées de 45 ans ou plus. Selon la Direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (Dares), il y aura environ 250 00 départs en retraite d’ici 2020, qui vont donc nécessiter des recrutements, dans un secteur qui n’est pas très attractif.

Ce manque d’attractivité tient tout d’abord aux difficultés que peuvent rencontrer des salariés pour travailler à temps plein. Cela dit, plus les personnes sont qualifiées et plus le temps de travail est important, ce qui est plutôt rassurant. Par exemple, les auxiliaires de vie sociale sont à temps plein ou quasiment dans beaucoup d’associations.

Cependant, même si la branche est reconnue, au moins juridiquement, dans le secteur médico-social depuis la loi du 2 janvier 2002, nous restons un peu à la marge dans les faits, ce qui est probablement lié pour partie au caractère éclaté des financements, avec une partie provenant de l’assurance maladie pour les structures de soins mais surtout, pour un grand nombre de structures, des financements au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

À cet égard, il y a une contradiction lorsque l’on parle de professionnalisation du secteur : d’un côté, tout le monde souhaite renforcer la qualité des interventions mais, d’un autre côté, lorsque l’on développe la qualification des salariés, par exemple au niveau d’auxiliaires de vie sociale, il n’y a pas forcément ensuite les financements correspondants. En la matière, les conseils généraux peuvent avoir des attentes mais aussi des possibilités financières différentes : ainsi, certains font clairement le choix de soutenir la professionnalisation du secteur et donc d’aller vers plus de qualité, en prenant en compte cet objectif dans le cadre des discussions budgétaires, mais c’est beaucoup moins le cas dans d’autres départements.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À combien s’élève la différence de salaire entre un agent non qualifié et une auxiliaire de vie sociale ?

Mme Manuella Pinto. Cela représente environ 10 %, mais cet écart diminue de plus en plus, car avec l’augmentation du Smic, les premières catégories A (salariés non qualifiés) et B, sont au niveau du Smic pour les premières années, tandis que les catégories C, qui constituent en quelque sorte le diplôme phare de la branche (auxiliaire de vie sociale), sont aujourd’hui à environ 9 % au-delà Smic.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Que se passe-t-il lorsque le Smic augmente ?

Mme Manuella Pinto. On essaye de prendre des mesures catégorielles pour augmenter les premiers coefficients des catégories immergées.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Qu’appelez-vous « catégories immergées » ?

Mme Manuella Pinto. Il s’agit des coefficients situés sous le Smic. Nous n’avons pas les marges financières nécessaires pour procéder à des augmentations générales de la valeur du point pour l’ensemble des salaires, car nous dépendons en fait d’un cadrage financier, qui nous est communiqué, dans le cadre de la conférence salariale, par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Or depuis 2009, cette enveloppe ne permet pas la signature d’un accord collectif prévoyant une augmentation générale de la valeur du point. Et lorsque cela a été fait, l’accord n’a pas été agréé par les pouvoirs publics.

M. Yves Verollet. Il faut rappeler que nous ne sommes pas des employeurs de plein exercice en termes de salaires. Certes, nous pourrions toujours, face aux syndicats, promettre une augmentation de 15% et signer un accord en ce sens, mais nos accords collectifs devront ensuite être agréés par les pouvoirs publics.

L’accord conclu en 2002 avait permis un vrai déroulé de carrière entre personnels qualifiés et non qualifiés mais au fil du temps les salaires n’ont pas été revalorisés et, depuis 2009, la valeur du point n’a pas été augmentée. En termes de grille salariale, sur les 220 000 salariés de la branche de l’aide à domicile, il y en avait environ 100 000 au 1er janvier 2012, qui étaient situés sous le SMIC. Il y a eu des financements complémentaires pour remonter tout le monde au niveau du Smic, mais l’augmentation du Smic de cette année risque de refaire replonger environ 30 000 en dessous de celui-ci.

Or cela pèse beaucoup dans l’attractivité, de même que les fréquences des temps partiel. Cela dit, il y a des différences assez fortes entre les structures : dans des zones urbaines, certaines arrivent à proposer des temps de travail plus importants, mais dans certaines structures rurales, et du fait notamment des temps de déplacement, le taux de temps partiel peut être élevé.

Mme Manuella Pinto. Nous disposons de premiers chiffres sur le salaire moyen brut dans la branche, qui s’élève à environ 1 210 euros mensuels. Pour les catégories A, soit les agents non qualifiés, cela représente 958 euros bruts. Pour les catégories B, qui ont un niveau V de formation, le salaire brut est de 1 100 euros, tandis que pour les auxiliaires de vie sociale, cela représente 1 327 euros. Comme cela a été souligné, le temps de travail est plus élevé pour les plus qualifiés : il est en effet de 109 heures d’activité par mois environ pour les auxiliaires de vie sociale, contre 90 heures en moyenne pour les catégories A. Il convient par ailleurs de préciser qu’un certain nombre de salariés ont plusieurs employeurs, et peuvent par exemple travailler en emploi direct auprès d’une personne âgée, à côté de leurs activités relevant du champ de l’UNA.

M. Yves Verollet. Nous sommes dans une situation un peu particulière par rapport à d’autres professions. En effet, si la branche compte environ 220 000 salariés, les études de la Drees font apparaître qu’il y a environ 500 000 personnes qui interviennent dans le secteur de l’aide à domicile. Les intervenants à domicile peuvent travailler auprès d’un particulier employeur ou de structures prestataires ou mandataires, voire les deux ou les trois en même temps. Dans ce contexte, il est d’ailleurs difficile d’identifier précisément la part de temps partiel choisi ou subi.

Mme Manuella Pinto. Une étude de la Drees sur les métiers de l’aide à domicile, publiée en juillet 2012, a montré que même quand les salariés souhaitent augmenter leur temps de travail, l’emprise du travail sur la journée était telle qu’il pouvait être de fait très difficile pour un employeur d’arriver à proposer un temps plein. Dans la convention collective, certains temps ne sont pas pris en compte comme du temps de travail effectif, en particulier les temps de déplacement entre deux interventions non consécutives. Autrement dit, un salarié peut avoir un contrat avec une durée de travail hebdomadaire de 30 ou 32 heures hebdomadaires, mais être en fait mobilisé par son activité professionnelle pendant une plus grande amplitude horaire. En prenant en compte ces déplacements, les salariés peuvent ainsi ne plus avoir de disponibilités, et il s’agit d’un frein pour les employeurs qui souhaiteraient pouvoir augmenter le temps de travail de leurs salaires.

M. Christophe Sirugue. De quelle façon est prise en compte la notion de déplacement dès lors qu’il y a plusieurs employeurs ?

Mme Manuella Pinto. Dans la convention collective, il s’agit du mode prestataire, et le temps de déplacement n’est pris en compte que s’il s’agit de déplacements entre séquences consécutives de travail : s’il y a par exemple une interruption d’une heure ou bien liée à une activité chez un autre employeur, le temps de déplacement n’est pas pris en compte. Or il s’agit d’un créneau horaire où la personne n’est pas disponible.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous évoquiez des séquences de travail consécutives, mais qui organise le travail ?

Mme Manuella Pinto. J’évoquais le cas des structures prestataires, et ce sont elles en l’occurrence qui organisent la planification des interventions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Elles peuvent donc faire des coupures sans que la salariée le souhaite ?

Mme Manuella Pinto. En effet. Mais pour ce qui concerne les personnes âgées, l’activité s’organise essentiellement autour de trois temps dans la journée: l’aide au lever et à la toilette, le déjeuner et l’aide au coucher.

M. Yves Verollet À l’inverse, les soins infirmiers peuvent être organisés de façon plus souple dans le cadre de « tournées ». Dans le secteur de l’aide à domicile, la gestion du temps est beaucoup plus compliquée. Dans des structures qui ont un travail diversifié, il peut y avoir au cours de la journée des temps de ménage par exemple, dans le cadre de l’aide-ménagère à domicile accordée par caisses de retraite, mais sinon, il peut y avoir des interruptions dans les temps de travail. Or ce n’est pas une question qui se règle facilement, au regard notamment des spécificités de ce travail auprès des personnes âgées.

En matière de temps partiel, nous avons d’ailleurs des difficultés avec l’application de la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 et le seuil de 24 heures hebdomadaires. Nous espérons aboutir prochainement à un accord sur ce sujet, mais nous ignorons quelles seront les organisations signataires.

Mme Manuella Pinto. Nos interventions à domicile sont de plus en plus courtes et séquencées, par exemple vingt minutes pour une toilette, en raison de contraintes financières.

Le projet de loi met l’accent sur l’appui aux aidants et le bénévolat, ce qui est bien. Mais nous craignons à terme la perte du lien relationnel avec la personne pour des professionnels, dont la pratique serait ainsi réduite à des actes techniques minutés. Or la richesse de ce travail d’aide à domicile, qui est aussi l’un des seuls aspects un peu attractifs dans ce secteur, c’est précisément l’aspect relationnel. Il y a donc une inquiétude concernant les dispositions relatives aux aidants, qui doivent intervenir en complément des professionnels, mais pas à leur détriment.

M. Yves Verollet. Concernant le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, il a été précédé d’une large concertation en 2013 et nous en approuvons la philosophie générale. J’évoquerai plus particulièrement trois points concernant le financement, l’organisation du secteur ainsi que la gouvernance d’ensemble.

Concernant le dernier point, nous avions constaté que notre secteur de l’aide à domicile n’est pas véritablement piloté, et cela peut contribuer à expliquer différentes difficultés du secteur. Le pilotage de l’aide à domicile est en effet éclaté entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – qui intervient mais un peu à la marge, et fait notamment descendre les financements au niveau local, notamment l’APA, et apporte également des financements pour la modernisation du secteur, avec toutefois des responsabilités limitées – les administrations, centrales et déconcentrées, ainsi que les conseils généraux. Il manque une cohérence d’ensemble et on observe d’importantes différences de tarification des services selon les conseils généraux, à niveau socio-économique équivalent. Dans la réforme proposée, il est prévu que la CNSA devienne le pilote de cette politique et cette évolution nous semble positive, dans la mesure notamment où elle pourrait permettre progressivement des harmonisations souhaitables.

S’agissant de la gouvernance locale, la perspective de la réforme territoriale modifie un peu les choses. En effet, l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement apportait initialement une certaine cohérence au niveau territorial, en prévoyant l’institution d’une conférence des financeurs – qui figure toujours dans le projet de loi – mais aussi le regroupement des acteurs sous l’égide du conseil général, en constituant un peu le pendant de la CNSA sur le plan local. Cela a un peu disparu et cette partie sur la gouvernance locale est donc en quelque sorte suspendue, compte tenu de l’examen à venir de la réforme territoriale par le Parlement.

Concernant, d’autre part, l’organisation du secteur, nous sommes en discussion depuis 2010 avec l’Assemblée des départements de France (ADF) pour transformer les relations avec le conseil général afin d’être co-constructeurs de cette politique, plutôt que simples prestataires, dans le cadre de la refondation de l’aide à domicile. Des expérimentations ont ainsi été lancées dans une quinzaine de départements concernant la tarification des services d’aide à domicile, et le projet de loi, dans sa première version, prévoyait la création d’une sorte de droit d’option pour les départements entre le système actuel ou un mode de tarification plus global. Si ces dispositions ne figurent plus dans le projet de loi, nous tenons à avancer sur des pistes de réforme de la tarification, qui est un débat important.

Enfin, le financement de la réforme par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) est maintenu et c’est très bien, mais notre secteur semble un peu oublié. Compte tenu des difficultés du secteur que j’évoquais précédemment, concernant en particulier les salaires, les qualifications et les frais de déplacement, une petite enveloppe de 25 millions d’euros avait été obtenue par l’ancienne ministre déléguée aux personnes âgées, Mme Michèle Delaunay, dont une partie devrait être fléchée vers les conseils généraux au titre des frais de déplacements, et une autre pour éviter les tassements au niveau du smic. Or, si le dossier de presse évoque la question de façon générale, nous ne savons pas précisément ce qu’il en sera de cette enveloppe fléchée. Sur cette enveloppe globale, il resterait environ 18 millions d’euros pour répondre au problème de tassement des rémunérations au niveau du Smic, ce qui est insuffisant pour avoir un vrai « bol d’air » sur les salaires.

Par ailleurs, par rapport au rendement financier de la CASA, qui s’élève à 645 millions d’euros, cette enveloppe de 25 millions d’euros est d’un faible montant et en tout état de cause insuffisante. Il faudrait avoir une enveloppe complémentaire qui puisse être mobilisée tout de suite, sans attendre 2015. À un moment donné, cela devient vraiment difficile d’expliquer aux partenaires sociaux qu’on ne peut rien donner sur rien.

Le projet de loi comporte, d’autre part, plusieurs améliorations s’agissant de l’APA à domicile, et même si on peut toujours dire qu’il faudrait plus, cela va dans le bon sens, avec une aide accrue pour les personnes les plus dépendantes ainsi que des mesures concernant le reste à charge. Il y a également toute une partie sur la prévention de la perte d’autonomie. Nous sommes, sinon, moins concernés par la partie relative aux aidants, encore que nos structures interviennent aussi en matière de répit pour les aidants ou en matière d’information.

Mme Manuella Pinto. Les questions de financement contraignent aussi les organisations de travail. Aujourd’hui, même si les employeurs souhaiteraient améliorer les conditions de travail des salariés, en termes de pénibilité notamment, cela est difficile compte tenu de la tarification horaire. Un engagement national de développement des emplois et des compétences (EDEC) de branche est actuellement en cours de mise en œuvre pour les métiers de l’autonomie, avec le soutien financier de l’Etat et de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Nous sommes donc en train de mettre en place des dispositifs en vue notamment de piloter les politiques de prévention, mais tant qu’il n’y aura pas plus d’argent disponible pour débloquer les contraintes budgétaires des structures, et donc tant que l’on n’aura pas la possibilité d’agir sur l’organisation du travail, cela deviendra très compliqué d’agir efficacement en matière de prévention.

Pour ce qui concerne les ruptures de contrats, 16 % des licenciements sont liées à des inaptitudes, et cela intervient entre 46 et 50 ans chez des femmes arrivées déjà tardivement dans ce métier, ce qui pose la question de ce qu’elles deviennent ensuite.

Dans le cadre de l’Edec de branche, nous travaillons à cette troisième ou deuxième partie de carrière pour leur permettre d’accéder à d’autres emplois, au sein de la branche ou en dehors de la branche, et en vue de développer les passerelles entre le secteur médico-social et sanitaire, mais il y a là des cloisonnements importants. Par exemple, il y a aujourd’hui un groupe de travail à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sur les diplômes d’aides médico-psychologiques et d’assistants de vie sociale, et un autre groupe de travail, au ministère de la santé, concernant la refonte du diplôme d’aides-soignants. Mais nous n’avons pu faire en sorte que ces deux groupes de travail se réunissent et qu’on puisse travailler ensemble – puisque ce sont tous des diplômes de niveau V –  à un diplôme avec un socle commun de compétences. Pour les personnes aidées, cela présenterait aussi l’avantage de limiter les séquencements – c’est-à-dire lorsqu’une personne âgée voir arriver le matin l’aide-soignant, l’infirmier, l’aide à domicile, etc. – , ce qui n’est pas non plus satisfaisant en termes de qualité de service.

M. Yves Verollet. Dans les faits, le travail d’auxiliaire de vie sociale est de plus en plus proche de celui d’aide-soignant. Des cloisonnements demeurent et cela fait des années que cela n’avance pas.

Mme Manuella Pinto. Sur la deuxième partie de carrière de nos personnels, comme sur la pénibilité, ce sont donc les financements qui bloquent, alors qu’il y a une volonté forte de la branche et des partenaires sociaux d’avancer sur ces questions. La branche fait en effet un effort important en termes de qualification, car le taux de cotisation est supérieur au taux légal, soit 2,07 %, avec 67 millions d’euros collectés chaque année et un salarié sur deux qui part en formation tous les ans. Il y a donc une réelle volonté de formation des intervenants, mais elle se heurte à la question des financements, qui est au centre de nos problématiques en termes de ressources humaines et d’organisation du travail. Certains conseils généraux nous disent par exemple qu’ils ne veulent pas plus de 30 % de personnel qualifié parce que cela coûte trop cher.

Mme Edith Gueugneau. Dans mon département rural, nous travaillons surtout avec l’ADMR. Même s’il s’agit de contrats à durée indéterminée (CDI), il y a des situations de précarité au regard des niveaux de salaires, avec aussi beaucoup d’emplois à temps partiel et cela concerne majoritairement des femmes.

L’enjeu, c’est de pouvoir garder ces personnels sur nos territoires avec le vieillissement de la population car les besoins existent. Or ces personnes doivent pouvoir vivre de leur métier. Concernant l’organisation des territoires, il y a dans mon département des services d’hospitalisation à domicile (HAD) qui se développent avec une volonté des professionnels de santé (médecins-pharmaciens, infirmiers) de travailler ensemble et avec aussi en projet des coopérations avec les aides-soignants et auxiliaires de vie sociale. Il serait intéressant de développer les initiatives partenariales au niveau local.

M. Christophe Sirugue. Ce projet de loi comprend quatre parties et il va nous permettre d’avancer sur les différentes problématiques que vous avez soulevées. Dans la dernière partie, il y a la notion de coordination gérontologique, mais je crois comprendre que vous souhaiteriez aller plus loin que les dispositions actuellement prévues par le projet de loi en matière de gouvernance locale ?

M. Yves Verollet. Pour certaines agences régionales de santé (ARS) qui sont très axées sur le sanitaire, nous n’existons quasiment pas, et c’est vrai aussi pour les PAERPA (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie). Nous ne souhaitons pas nécessairement d’autres articles, mais les parlementaires devraient rester attentifs sur ce point. Si l’on veut une approche globale de la prise en charge des personnes, cela doit se faire avec l’ensemble des services et personnels concernés. Il s’agit bien évidemment du personnel médical et paramédical, mais il ne faut pas oublier qu’en matière d’aide à domicile, nous pouvons intervenir une ou plusieurs heures par jour pour une personne dépendante, et tout cela exige de l’organisation.

Dans le cadre des travaux du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), le rapport de M. Denis Piveteau, ancien directeur de la CNSA, avait évoqué la question de la limitation des hospitalisations, mais cela suppose une organisation de la médecine de ville, et il faudra également régler les problèmes de cloisonnement des financements, car si cela induit des économies pour l’assurance maladie mais une augmentation des dépenses pour les conseils généraux, ça posera des difficultés. Nous comptons donc sur les projets relatifs à la santé et à l’adaptation de la société au vieillissement pour traiter l’ensemble de ces problèmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il existe en effet des cloisonnements. Il faut penser le service public du côté de l’usager, et en l’occurrence de la personne âgée, pour voir ensuite de quelle façon on lui rend le service, plutôt que de prévoir l’intervention d’une dizaine de personnes sans coordination.

Ces métiers de l’aide à domicile créent du stress, avec des interventions séquencées, parfois en peu de temps, mais aussi des déplacements entre les différentes interventions. Dans ma région, l’ADMR est en grève à cause des temps de travail et des temps de déplacement. Il y a aussi une augmentation des accidents de travail : à cet égard, si un salarié a un accident de voiture pour se rendre de son domicile à la première intervention, ou ensuite pour se rendre à la seconde intervention de la journée, est-ce que cela sera considéré comme un accident du travail ?

Mme Manuella Pinto. Il y a une spécificité relative à l’ADMR. Dans l’ancienne convention collective, même les frais de trajet étaient pris en charge (domicile-première intervention et dernière intervention-domicile). Avec la nouvelle convention collective étendue, 60 % des frais de trajet sont pris en charge. Mais pour les autres fédérations, dont l’UNA, il n’y a pas de prise en charge des frais, ni du temps correspondant au déplacement entre le domicile et la première intervention.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Donc le temps de travail commence lorsque la salariée est au domicile de la première personne aidée, mais si par exemple, elle a une coupure dans la journée, ce qui n’est pas de son fait, et qu’elle a un accident pendant cette période, quand elle repart au travail, cela est-il considéré comme intervenant pendant un temps de travail ?

Mme Manuella Pinto. À partir du moment où la salariée n’est plus à la disposition de l’employeur et peut vaquer librement à ses occupations personnelles, elle n’est plus sous la subordination de celui-ci, et cela n’est donc pas considéré comme du temps de travail

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et si elle a un accident pour se rendre sur son deuxième lieu d’intervention de la journée, sans être rentrée chez elle dans l’intervalle, cela n’est donc considéré comme un accident de travail ?

Mme Manuella Pinto. Le trajet effectué pour se rendre auprès d’une autre personne est un temps de déplacement lié à son activité professionnelle. Il faut distinguer l’accident de trajet (depuis ou vers le domicile de la salariée) de l’accident du travail qui intervient dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il s’agit en tout cas d’une question importante, d’autant que l’on observe une augmentation des accidents de travail chez les femmes. Par ailleurs, vous parliez tout à l’heure d’invalidité. Est-ce lié au fait de porter des charges ?

Mme Manuella Pinto. Je parlais d’inaptitude. Nos statistiques montrent que 36 % concernaient des troubles musculo-squelettiques (TMS), 23 % des victimes de chutes ou d’accidents type glissades, et enfin 22 % pour des manipulations manuelles entraînant des arrêts de travail.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et pour la mixité des métiers, quelles sont vos propositions ?

Mme Manuella Pinto. Nous avons des actions de communication prévues dans le cadre du plan pour les métiers de l’autonomie et de l’EDEC signé fin mars. Nous travaillons avec les jeunes pour leur présenter nos métiers de l’économie sociale, car ce sont des métiers qui sont méconnus. Les salariés arrivent d’ailleurs souvent par hasard, après avoir été orientés par Pôle Emploi. Nous travaillons par ailleurs avec Pôle Emploi ainsi que les missions locales pour faire connaître les métiers de l’aide à domicile, et avons par exemple préparé une fiche pour présenter les tâches et les parcours dans ce secteur, dans le cadre notamment des emplois d’avenir. Il y a également des actions à conduire en termes d’attractivité des métiers, en termes de politique salariale et de pénibilité par exemple.

Au-delà de la méconnaissance de ces métiers, il y aussi un problème d’orientation, car pour nous, si nos métiers sont peu qualifiés, ils exigent néanmoins des compétences, en termes de mobilité et sur le plan relationnel par exemple.

M. Yves Verollet. Les parlementaires votent des exonérations de charges pour les entreprises et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui ne concerne cependant pas les associations, je voulais le rappeler. Or, nous sommes en concurrence dans nos métiers avec le secteur privé lucratif, même si sa place est encore faible, et avec la mise en place du CICE, cela diminuera leurs charges de 6 %, ce qui est énorme. Nous avions fait des propositions à ce sujet, concernant notamment la taxe sur les salaires.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie.

*

La Délégation a désigné M. Jacques Moignard, rapporteur d’information sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (n° 1994).

La séance est levée à 15 heures.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Catherine Coutelle, Mme Edith Gueugneau et M. Christophe Sirugue.