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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 15 octobre 2014

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de M. Pascal Brice, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et de Mme Cécile Malassigné, référente sur les violences faites aux femmes à l’OFPRA, sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182)

La séance est ouverte à 14 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l’audition de M. Pascal Brice, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et de Mme Cécile Malassigné, référente sur les violences faites aux femmes à l’OFPRA, sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous accueillons aujourd’hui le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ainsi que la cheffe de file du groupe thématique de l’office sur les violences faites aux femmes, que je remercie pour leur présence aujourd’hui.

L’OFPRA constitue un élément important du dispositif de l’asile que la France s’apprête à réformer. Il s’agit d’une réforme attendue depuis plusieurs années. Comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, les maux qui frappent le système actuel sont connus et ont été analysés par deux rapports parlementaires récents.

Ce projet de loi vise notamment à transposer les directives européennes dites « procédures » et « accueil » de 2013, dans le cadre des dispositions prévues par la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié. Nous avons d’ailleurs des interrogations à ce sujet, dans la mesure où il semblerait que le projet de loi ne fasse pas suffisamment référence au texte des directives ; vous pourrez nous dire ce que vous pensez de cette transposition.

En tout état de cause, cette transposition devrait permettre d’harmoniser les politiques en Europe et de mieux accueillir les demandeurs et demandeuses d’asile, en poursuivant deux objectifs :

– d’une part, écarter plus rapidement ceux qui font des demandes infondées, ce qui concourt à l’engorgement du système d’asile ;

– d’autre part, améliorer la protection des personnes qui en ont réellement besoin. Les travaux de la Délégation se concentrent sur cet objectif, avec des interrogations sur la prise en compte du genre dans cette réforme, alors que la France a été pointée du doigt dans un rapport publié en 2011, du fait de son retard par rapport à d’autres pays européens.

L’OFPRA sort renforcé de ce texte, qui consacre son indépendance dans la prise des décisions relatives à l’asile : vous nous direz si c’est également votre analyse. En outre, le projet de loi comporte des dispositions procédurales en vue d’écarter plus facilement les demandes les moins fondées, à travers notamment les procédures d’irrecevabilité. Par ailleurs, les dossiers classés en procédure accélérée, qui remplace la procédure prioritaire actuelle, pourront être remis en procédure normale par l’OFPRA, et cette prérogative est importante compte tenu des différences de pratiques entre les préfectures pour le traitement des dossiers.

La liste des pays d’origine sûrs est aujourd’hui définie par l’OFPRA et cette notion sera mise en œuvre selon des critères plus objectifs et plus précis. À ce sujet, considérez-vous comme des pays d’origine sûrs ceux dans lesquels l’excision est encore pratiquée fréquemment, mais qui indiquent avoir une politique de lutte contre l’excision ?

Par ailleurs, ce projet de loi vient-il conforter la réorganisation de l’office qui a été engagée récemment ? À la faveur de cette réforme interne, comment l’OFPRA envisage-t-il de mieux prendre en compte la dimension du genre ? En particulier, de quelle façon les groupes thématiques mis en place à l’OFPRA prennent-ils en compte la question des violences faites aux femmes ?

J’ajoute que nous avons pris connaissance avec beaucoup d’intérêt des travaux et recommandations sur l’asile du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), dont certaines ont été prises en compte.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Dans le cadre de la réorganisation récente de l’OFPRA, est-il prévu la production systématique de statistiques sexuées sur les demandeurs et demandeuses d’asile ? C’est quelque chose qui nous paraît fondamental, comme pour l’ensemble des politiques publiques. Nous souhaitons qu’il y ait davantage de statistiques sexuées, mais aussi des études d’impact plus approfondies en termes d’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il y a maintenant plus de 30 % de demandeuses d’asile : cela exige-t-il, selon vous, des procédures particulières ?

M. Pascal Brice, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Madame la présidente, madame la rapporteure, merci beaucoup de nous donner cette opportunité d’échanger et de répondre à vos questions sur ce projet de loi et sur la place de l’OFPRA dans le nouveau dispositif de l’asile. Je vais répondre aux différents points que vous avez abordés, en me concentrant sur la question des droits des demandeuses d’asile, mais un mot d’abord sur le contexte et la réforme en cours à l’office.

On observe une augmentation très importante de la demande d’asile en France depuis 2007, avec un ralentissement depuis le début de l’année, de l’ordre de 4 %. Cependant, compte tenu du contexte européen et de la sortie du Kosovo de la liste des pays d’origine sûrs, suite à une décision récente du Conseil d’État, cette tendance à la hausse constatée depuis 2007 pourrait reprendre, ce qui justifie pleinement la réforme actuellement engagée.

En outre, les directives européennes dites « qualification » et « procédures », qui seront mises en œuvre à partir de l’été prochain, comportent des droits et des garanties nouvelles, qui concernent notamment les femmes, et qui justifient à la fois la réforme récente de l’OFPRA et les mesures prévues par ce projet de loi.

Il convient en effet de répondre à l’augmentation importante des demandes d’asile et des objectifs de réduction des délais d’instruction ont été fixés par le Gouvernement. En tant que directeur général de l’OFPRA, j’adhère pleinement à cet objectif, qui ne me semble pas exogène à ses missions, dans la mesure où la réduction des délais est indispensable au regard de la situation des hommes, des femmes et des enfants concernés, mais aussi pour la crédibilité de cette politique publique.

Cet objectif, que l’OFPRA fait totalement sien, est inscrit dans son contrat d’objectifs et de performance. Ainsi, à l’horizon 2016, nous devrons avoir réduit de moitié le délai moyen d’instruction, pour le faire passer de six à trois mois, de manière à ce que, pour l’ensemble de la procédure, les délais d’examen des demandes d’asiles passent de vingt à neuf mois.

Pour atteindre cet objectif, c’est une sorte de fusée à trois étages qui a été mise en place, dont la réorganisation de l’OFPRA constitue le premier niveau. J’ai souhaité l’engager très tôt, à la demande du ministre de l’intérieur de l’époque, M. Manuel Valls, compte tenu du caractère très ambitieux des objectifs qui nous étaient fixés et de la nécessité d’adapter le fonctionnement interne de l’office. C’est la raison pour laquelle, depuis maintenant un an, est engagée une réforme très profonde de l’OFPRA s’appuyant sur un plan d’action, que j’ai élaboré avec les agents et qui a été approuvé à l’unanimité par les organisations syndicales.

Il s’agissait notamment de placer l’OFPRA en situation de mettre en œuvre plus aisément la loi portant réforme de l’asile et les dispositions issues des directives européennes. Les acteurs de l’asile en France, et en premier lieu les agents de l’office, doivent pouvoir se recentrer sur les besoins de protection réels des demandeurs. À cet égard, je suis heureux d’être accompagné aujourd’hui par Cécile Malassigné, qui est cheffe de section à l’OFPRA et pilote nos travaux sur les questions relatives aux violences faites aux femmes. Notre leitmotiv est de ne pas passer à côté d’un besoin de protection, et singulièrement s’agissant des femmes.

Dans un souci de plus grande efficacité et pour réduire les délais, il convient de consacrer moins de temps au traitement de demandes qui ne relèvent pas de besoins réels de protection, dans le respect des garanties fondamentales, qui sont renforcées par les directives. Tout demandeur, toute demandeuse d’asile a le droit à l’examen de sa demande et à un entretien à l’OFPRA. Cependant, nous devons organiser – et c’est l’objet de notre réforme interne et du traitement accéléré prévu dans la loi – les moyens d’une différenciation du traitement de la demande d’asile, reposant sur un socle fondamental de garanties, renforcées par les directives et la loi, mais aussi permettant de faire un partage par rapport à la réalité des besoins de protection, de manière à lutter contre ce que le Haut-commissaire aux réfugiés appelle la « dilution de l’asile ».

Cette réforme interne vise également à mieux harmoniser la mise en œuvre du droit d’asile au sein de l’OFPRA. Nous avons notamment mis en place un comité d’harmonisation, dont la vocation est de mieux prendre en compte la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). C’est particulièrement important pour les besoins de protection concernant les femmes.

Nous avons par ailleurs mis en place des groupes de référents thématiques, tels que celui qu’anime Cécile Malassigné sur les violences faites aux femmes. Ces cinq groupes thématiques, constitués d’agents de différents services de l’office, portent sur des besoins de protection, qui correspondent assez largement à la notion de vulnérabilité au sens des directives européennes. À mon sens, ce projet de loi, outre la réforme de l’OFPRA, met pleinement en œuvre les directives européennes. Nous avons anticipé cette réforme avec la constitution de groupes de référents sur les violences faites aux femmes, la torture, la traite des êtres humains, qui concerne très largement les femmes, mais aussi les victimes de persécution en raison de leur orientation sexuelle, et les lesbiennes notamment, ainsi que les mineurs isolés, parmi lesquels naturellement des jeunes filles.

Les groupes de référents travaillent très activement depuis un an sur ces besoins de protection, en lien avec le monde associatif et des partenaires institutionnels tels que les ministères de la justice et de la santé. Il s’agit d’aider les officiers de protection lorsqu’ils instruisent des cas très particuliers sur lesquels ils peuvent être démunis, en les y sensibilisant et en mettant à leur disposition des outils d’appui à l’instruction. C’est un aspect très important de la réforme que nous avons engagée depuis maintenant plus d’un an.

Cette réforme comporte d’autres aspects, tels que la mise en œuvre d’un traitement adapté de la demande d’asile, qui repose sur un principe de différenciation et sur des outils d’appui à l’instruction, pour aller plus vite lorsque des demandes relèvent a priori d’un besoin de protection inexistant, avec un socle de garanties fondamentales pour tous. Ainsi, lorsque nous constatons que les demandeurs albanais ou kosovars relèvent de taux de protection à l’OFPRA de l’ordre 2 ou 3 %, je considère qu’il y a une forme de présomption qui fait que, dans le respect fondamental de garanties dues à tous les demandeurs, les officiers de protection doivent pouvoir aller plus vite. Ils ont des outils pour cela, avec aussi l’obligation de sortir immédiatement de ce cadre de traitement adapté s’il s’avère que la personne relève bien d’un besoin de protection réel.

Dans le même temps, lorsque les officiers de protection ont à traiter de cas de personnes syriennes, pour lesquels le taux d’accord est de 96 %, ou encore dans d’autres types de situation, concernant notamment l’excision, ils peuvent s’appuyer sur d’autres outils d’appui à l’instruction afin, là encore, de pouvoir se prononcer plus rapidement. Il est essentiel d’organiser, de structurer et d’harmoniser le traitement des demandes de sorte que, dans tous les cas, les garanties fondamentales soient présentes, mais il n’y a pas d’autre possibilité, à mon sens, que de renforcer les garanties fondamentales et dans le même temps d’utiliser des outils formalisés permettant cette approche différenciée. C’est le rôle des officiers de protection, c’est le rôle de leur hiérarchie à travers les chefs de section, et c’est mon rôle en tant que directeur général, que de veiller à ce que les droits et garanties ainsi que ces éléments de différenciation soient mis en œuvre.

La mise en œuvre du plan d’action pour la réforme de l’OFPRA, qui n’a pas encore produit tous ses effets, va se poursuivre, et cela va notamment permettre de gérer la réforme en cours de l’asile. Si je ne puis présenter dans le détail l’ensemble de ce plan, qui est très large, il convient de souligner que nous avons déjà atteint nos deux principaux objectifs en un an.

En effet, le premier objectif que j’avais fixé, même s’il ne dépend que partiellement de nous, a été atteint : il s’agissait de faire en sorte d’inverser une tendance, qui m’est apparue comme une bizarrerie, selon laquelle, historiquement, le juge d’appel en matière d’asile reconnaissait un plus grand nombre de protections que l’administration en première instance. Cette inversion s’est produite pour la première fois depuis un an : l’OFPRA reconnaît ainsi un plus grand nombre de protections que la CNDA. Cela résulte à la fois d’une évolution de la demande d’asile, et notamment de l’augmentation de la demande syrienne, mais aussi de la volonté de l’OFPRA, à travers les travaux du comité d’harmonisation en particulier, de mieux prendre en compte la jurisprudence de la CNDA. À la mi-2014, les taux d’accord à l’office sont ainsi supérieurs à ceux de la CNDA.

D’autre part, tout l’enjeu pour nous est de ne pas passer à côté d’un besoin de protection et d’être plus efficace, et donc plus rapide globalement. L’activité de l’OFPRA a crû de 17 % sur les neuf premiers mois de 2014, par rapport à la même période en 2013, grâce à des recrutements mais aussi des gains d’efficacité. Cela a permis, pour la première fois depuis 2007, de stabiliser et de commencer à réduire le nombre de dossiers en attente, qui est passé en dessous de 30 000.

Les recrutements à l’OFPRA ont constitué le deuxième étage de la fusée. Depuis 2012, les moyens humains de l’office ont été augmentés de dix officiers de protection chaque année. En outre, dans le projet de loi de finances pour 2015, il est prévu d’augmenter de façon importante le nombre des officiers de protection à l’office, et cela correspond très précisément au nombre d’agents supplémentaires nécessaire pour atteindre l’objectif de trois mois de délai d’examen fixé pour 2016, en complément des gains d’efficacité résultant de la réforme de l’office.

Mme Barbara Romagnan. À combien d’agents correspond cette augmentation des moyens humains de l’OFPRA ?

M. Pascal Brice. Aujourd’hui, il y a au total 475 agents à l’office, dont 180 officiers de protection, et il est prévu une augmentation de 55 agents, afin notamment de compenser l’impact de la présence des avocats et des associations au cours des entretiens à l’OFPRA, car c’est une des grandes révolutions des directives et de la loi, au bénéfice notamment des demandeuses d’asile. Il s’agit là d’une formidable garantie qu’il nous revient de faire vivre, et qui aura probablement pour effet d’allonger la durée des entretiens.

Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile constitue le troisième étage de la fusée. Ce texte conforte pleinement l’OFPRA dans un système d’asile rénové, et la réforme proposée est totalement cohérente avec la réorganisation récente de l’office. Nous avons été associés très étroitement à l’élaboration de ce projet de loi et si je peux avoir quelques réserves sur des points de détail, l’équilibre de ce projet de loi et les dispositions qu’il comporte représentent une avancée pour l’OFPRA et pour le système de l’asile.

Il consacre tout d’abord l’indépendance fonctionnelle de l’OFPRA, qui est sous la tutelle du ministre de l’intérieur, et dont le directeur général, au nom duquel les décisions sont prises, ne reçoit aucune instruction.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pendant longtemps, l’OFPRA était sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et ce n’est qu’en 2007 que l’office a été placé sous celle du ministère de l’intérieur et de l’immigration, ce qui avait d’ailleurs suscité le mécontentement de plusieurs associations. A-t-il été envisagé de remettre l’office sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ?

M. Pascal Brice. Je suis diplomate et c’est un ministre de l’intérieur qui m’a proposé pour ce poste, et c’est un autre ministre de l’intérieur qui m’a fait l’honneur de m’accorder sa confiance. À partir du moment où la feuille de route de l’asile est dissociée de celle de la politique migratoire, comme c’est le cas depuis 2012, et dès lors que l’indépendance fonctionnelle de l’OFPRA est reconnue, la tutelle ne pose aucune difficulté… mais peut-être ai-je été victime du syndrome de Stockholm !

Et si, à titre personnel, j’avais pu avoir par le passé des réserves sur ce changement de tutelle, cette tutelle administrative peut être utile à certains égards et de nature à faciliter les choses. Cela a par exemple été le cas lorsque je me suis rendu récemment à Calais, pour vérifier la protection des demandeurs d’asile, en accord avec le ministre et la préfecture. De la même manière, lorsque des familles syriennes étaient présentes sur le parc de la ville de Saint-Ouen au printemps dernier, un guichet a pu être mis en place et cela a permis de régler la situation en quinze jours. Or cela n’aurait pas probablement pas été fait dans le même esprit, ni dans les mêmes délais, dans une autre configuration.

Le projet de loi comporte une autre disposition très importante, avec la possibilité qui sera désormais accordée à l’OFPRA de sortir certains demandeurs de la procédure accélérée. Il s’agit là d’une avancée majeure, qui permet de faire prévaloir des impératifs liés au fond de la demande par rapport aux décisions des préfets. C’est fondamental notamment pour les droits des demandeuses d’asile. En effet, et c’est un point commun aux cinq besoins de protection particuliers que j’évoquais précédemment, et c’est particulièrement vrai pour les femmes, ces besoins relèvent peu de l’évidence, et notamment parce qu’ils touchent à l’intime, qu’il s’agisse de l’orientation sexuelle, de violence conjugale, d’excision ou de violence sexuelle. Une attention toute particulière est donc nécessaire pour que les officiers de protection puissent identifier le besoin de protection, organiser l’entretien et accueillir le récit, et c’est pourquoi nous avons voulu travailler sur ces questions dans le cadre de la réforme de l’OFPRA. Par ailleurs, et cela concerne aussi les droits des femmes, tous les officiers de protection reçoivent une formation à l’accueil des récits de souffrance, qui est assurée par une association lyonnaise – Forum Refugiés – afin qu’ils soient sensibilisés à ces questions.

Ces besoins de protection relèvent d’une définition très jurisprudentielle, sur le fondement notamment de la Convention de Genève relative au statut de réfugié et des dispositions relatives à la protection subsidiaire. Il nous revient de mieux intégrer les évolutions jurisprudentielles de la CNDA et du Conseil d’Etat en cassation pour ne pas passer à côté de ces besoins de protection. En tout état de cause, la possibilité de sortir un dossier de la procédure accélérée à l’initiative de l’OFPRA constitue à mes yeux une avancée majeure.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’arrivée des conseils dans les entretiens, et c’est une révolution pour nous. En effet, les demandeurs pourront être accompagnés par des avocats ou représentants d’une association. Il s’agit d’une garantie fondamentale, en particulier pour les plus fragiles, et cette évolution majeure peut contribuer à ne pas passer à côté d’un besoin réel de protection.

Néanmoins, un encadrement est nécessaire pour que cette garantie fonctionne pleinement au bénéfice du demandeur et de façon compatible avec la réduction des délais qui est attendue de l’OFPRA. C’est pourquoi le projet de loi prévoit la définition du conseil, l’habilitation par le directeur général de l’office, selon des modalités définies en Conseil d’État, et en précisant également que l’intervention éventuelle de la personne accompagnant le demandeur n’ait lieu qu’à la fin de l’entretien. Si cela ne figure pas dans la loi, je vous indique par ailleurs que l’entretien sera enregistré. Et je suis convaincu que c’est une évolution fondamentale, notamment pour les demandeuses d’asile.

Mme la rapporteure. Précisément, qui seront les tiers présents lors de l’entretien ? Selon quels critères les associations seront-elles habilitées ? Et y aura-t-il une possibilité d’aide juridictionnelle ?

M. Pascal Brice. Sur ce dernier point, rien n’est prévu. À mon sens, cela ne peut être le cas dans la mesure où le passage devant l’OFPRA ne constitue pas une étape juridictionnelle.

Concernant le déroulement de l’entretien avec le demandeur, le projet de loi précise bien les choses : il y a une définition du conseil – et à titre personnel, je ne serais d’ailleurs pas opposé à ce qu’elle puisse être élargie aux travailleurs en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) – et des modalités d’habilitation par le directeur général de l’OFPRA qui seront définies par décret en Conseil d’Etat. Cela me semble essentiel pour permettre au directeur général, sur la base de principes législatifs et réglementaires, en situation d’exercer une forme de police de l’entretien pour que les choses se passent bien. Par ailleurs, j’ai engagé depuis plusieurs mois un dialogue avec des avocats et des associations et nous allons mettre en place une phase expérimentale.

S’agissant des dispositions qui facilitent la réunification familiale des réfugiés, il y a aujourd’hui une difficulté qui tient à ce que certains consulats revérifient sur place les documents fournis. Avec le projet de loi, il y aura désormais une présomption de validité des documents de l’OFPRA afin de pouvoir aller plus vite.

Une réforme profonde du système de l’asile est nécessaire mais tous les acteurs doivent se réformer en même temps. C’est ce qu’a fait l’OFPRA depuis un an, avec un effort important des agents dans ce sens, et cela suppose également qu’un effort soit fait en premier guichet, au niveau de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et des préfectures, et je n’ai pas de doute sur ce point, mais aussi de la CNDA. Le projet de loi permet d’ailleurs l’accélération du traitement des dossiers par la CNDA et c’est un point important.

Je précise par ailleurs que la liste des pays d’origine sûrs est fixée par le conseil d’administration de l’OPFRA, au sein duquel l’État est majoritaire. Mais le placement en pays d’origine sûr ne change rien à l’OPFRA. En effet, le contrôle de qualité que nous avons effectué avec le HCR, qui va être rendu public, montre que le déroulement et la qualité de l’instruction à l’office en procédure prioritaire est identique à celle de la procédure normale. La différence a trait au droit au séjour, et cela va être modifié par le projet de loi, au caractère suspensif ou non du recours et au délai d’instruction, ce qui a un impact dans la mesure où les gens ont moins de temps pour se préparer. En procédure prioritaire, le dossier est mis sur le haut de la pile, mais la qualité de l’instruction est la même et le fait de relever d’un pays d’origine sûr n’est pas un élément fondamental de l’instruction.

Concernant l’excision, 4 000 fillettes et jeunes femmes sont aujourd’hui protégées en France, avec désormais un statut de réfugié accordé suite à une décision du Conseil d’État. Leurs parents peuvent se voir accorder un titre de séjour.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comment se détermine le choix entre la reconnaissance de la qualité de réfugié et l’octroi de la protection subsidiaire ? Il y a aussi la difficile question des « ni-ni », qui ne sont ni expulsables, ni intégrables, n’ayant pas de papiers pour travailler ou se loger.

M. Pascal Brice. Aujourd’hui dès lors que les fillettes ont le statut de réfugié, les parents – sauf s’ils ont été engagés dans des actions de militantisme par exemple, qui leur permettent d’être protégés au titre la Convention de Genève – relèvent d’un droit au séjour, ce qui est précisé dans une circulaire. L’état du droit me semble clair.

Plus généralement, s’agissant de la détermination du statut de réfugié ou de l’octroi de la protection subsidiaire, il y a eu des évolutions doctrinales, qui relèvent du Conseil d’État, de la CNDA et de l’OFPRA, portant le plus souvent sur l’existence ou non d’un groupe social. C’est le rôle de nos référents thématiques que de saisir le comité d’harmonisation lorsqu’il y a un doute, de manière à stabiliser notre doctrine.

Il faut quand même mesurer ce que signifie la notion de « groupe social » en droit. Elle renvoie aux notions de persécution, de crainte et d’hostilité de la société. Il revient donc à l’office et, en appel, au juge de l’apprécier. Je suis ouvert au développement des statuts de réfugiés, mais lorsque le droit l’autorise et la situation le permet, notamment s’agissant des femmes. Il se trouve qu’il y a des situations dans lesquelles les violences faites aux femmes constituent des persécutions et justifient une crainte en cas de retour au pays d’origine, mais sans qu’elles appartiennent pour autant à un groupe social. Dans ce cas, la situation relève clairement de la protection subsidiaire. Je sais que ce propos est souvent mal compris, mais c’est une réalité, d’autant plus que nous sommes très mobilisés sur le respect des droits. Ce qui m’importe, c’est que les gens soient protégés lorsqu’ils doivent l’être. Au demeurant, si vous obtenez une protection subsidiaire, vous bénéficiez d’un droit au séjour d’un an renouvelable et de tous les droits sociaux qui y sont liés. Je ne sous-estime pas l’ampleur du débat doctrinal, mais je veux simplement rappeler qu’il s’agit d’éléments de droit, d’appréciation de la réalité des situations dans les pays en question et du récit des demandeurs, afin de pouvoir accorder les bonnes protections. Mme Malassigné pourrait vous donner plus de précisions à ce sujet.

Mme Cécile Malassigne, référente à l’OFPRA sur les violences faites aux femmes. Je suis responsable du groupe thématique sur les violences faites aux femmes depuis le début de l’année 2014, qui est constitué d’une quinzaine de référents. Nous nous sommes tout d’abord attachés à recenser les principales problématiques rencontrées concernant les demandes d’asiles déposées par des femmes et les difficultés rencontrées quotidiennement par les officiers de protection dans l’instruction de ces demandes. Ce qui est majoritairement remonté de nos contacts réguliers avec nos collègues, ce sont les difficultés rencontrées pour aborder les questions relatives aux mariages forcés, la problématique des violences domestiques étant également assez courante. Les mariages forcés peuvent concerner un nombre assez restreint de pays, mais les violences domestiques concernent l’intégralité des pays que nous rencontrons à l’office.

Ces thématiques posent des problèmes notamment au moment du déroulement de l’entretien. Quelles sont les questions à poser à ces femmes afin de leur permettre de parler librement mais en même temps d’avoir suffisamment d’éléments pour prendre une décision éclairée ? De quelle manière procéder à l’instruction des dossiers à la suite des déclarations recueillies en entretien? Le but du groupe thématique dont je m’occupe est de mettre en place des outils permettant aux officiers de protection d’améliorer l’instruction. Nous élaborons des guides et trames d’entretien, qui donnent des indications sur la façon d’aborder l’entretien, sur le type de question à poser pour que les personnes soient mieux à même de s’exprimer. Les violences domestiques, et plus largement les violences sexuelles, sont assez difficiles à aborder en entretien puisque, comme cela a été dit, toutes ces questions touchent à l’intime, et il est difficile pour ces personnes d’en parler. Nous souhaitons mettre en place un guide de bonnes pratiques pour orienter les officiers de protection et leur permettre de parler de ces questions sensibles avec les demandeuses en entretien, et ensuite, lors de la prise de décision, en tirer les meilleures conclusions.

Mme la rapporteure. Y-a-t-il une formation spécifique pour les officiers ?

Mme Cécile Malassigne. Il y a une formation initiale dès l’arrivée des officiers de protection à l’office, par le biais de conférences et d’un système de tutorat.

Mme la rapporteure. Sur les problématiques de genre ?

Mme Cécile Malassigne. Cela se fait de manière très concrète, à travers des échanges avec des officiers de protection plus aguerris. Au sein du groupe, nous sommes actuellement en train d’identifier des formations spécifiques sur le genre, qui pourraient par la suite être dispensées aux officiers de protection. Au-delà de la formation mentionnée par le directeur général, il existe également un système européen de formations en ligne concernant les entretiens avec les personnes vulnérables, et qui touche notamment aux questions de genre.

Mme la rapporteure. Certains estiment que la notion de vulnérabilité est insuffisamment définie dans le projet de loi : devrions-nous établir des critères plus précis ?

M. Pascal Brice. Il y a plusieurs niveaux : celui de la directive, qui est transposée dans la loi et qui en donne une définition, et celui de la mise en œuvre. Cela reste une notion et je pense qu’il faut l’aborder avec une certaine prudence. Certaines associations craignent avec raison que l’on crée différentes catégories de demandeurs, ce à quoi je me refuse. C’est pourquoi j’utilise plutôt le vocable de « besoin de protection spécifique », qui revient à peu près au même. Vous avez raison de souhaiter des précisions, notamment concernant la répartition des tâches pour l’identification de ces vulnérabilités au cours du parcours des demandeuses. Le premier guichet – les préfectures et l’OFII – ne pourra identifier que les vulnérabilités objectives, telles que les personnes en situation de handicap ou les femmes enceintes. En revanche, pour ce qui concerne les vulnérabilités liées au fond de la demande, cela relève exclusivement de l’OFPRA, qui pourra l’identifier au moment de l’arrivée du dossier et de l’instruction de la demande.

Mme la rapporteure. Les CADA accueillent en priorité des femmes avec enfants ou des familles. En revanche, les femmes isolées bénéficient moins souvent de places d’hébergement dans les CADA. Or, vous le savez,  nous sommes très préoccupées par la traite des êtres humains, avec ces femmes qui arrivent en France pour être livrées à la prostitution. Il n’y a aujourd’hui que 25 000 places en CADA pour 65 000 demandes. Nous imaginons qu’elles vont encore rester en dehors du circuit... J’aimerais par conséquent savoir s’il y a actuellement des solutions prévues pour leur hébergement ?

M. Pascal Brice. Je ne peux vous parler de l’hébergement car cela ne relève pas de la responsabilité de l’OFPRA ; il faudrait plutôt poser cette question au ministre de l’intérieur et au directeur général de l’OFII.

Je peux en revanche vous indiquer que nous faisons sur les femmes victimes de la traite un travail comparable à celui que mène Cécile avec nos collègues sur les autres violences faites aux femmes, dans le cadre d’un autre groupe thématique. J’ai pu très tôt mesurer, notamment en travaillant avec les travailleurs sociaux et des associations, telles que Le bus des femmes, le risque important d’instrumentalisation de l’OFPRA. On m’a en effet expliqué que certains réseaux fixaient la dette à rembourser par ces femmes exploitées en fonction du délai moyen d’instruction à l’office. L’enjeu pour nous est de pouvoir identifier le besoin de protection, là encore avec un travail avec les associations et les autres partenaires institutionnels. La question de la plainte préalable se pose et, en tout cas, d’une forme de dissociation par rapport au réseau. Ce n’est pas simple d’identifier ces femmes car comme vous le savez, elles l’évoquent rarement immédiatement. Souvent, il faut des techniques d’entretien particulières. Nous savons qu’il y a certains pays d’origine, notamment le Nigéria et la Chine, qui sont concernés. Donc je vous confirme qu’il y a tout un travail qui est conduit concernant l’accueil à l’OFPRA de ces femmes victimes de la traite.

Mme la rapporteure. À cet égard, avez-vous la possibilité d’établir des statistiques sur l’origine des demandes d’asile en fonction des violences, et envisagez-vous de le faire ? D’autre part, quand ces personnes arrivent, elles ne souhaitent pas forcément se manifester en tant que victime de traite, elles n’en prennent conscience qu’avec le temps. Elles ne bénéficient donc pas du même accueil selon qu’elles sont primo-arrivantes ou qu’elles viennent trois ou quatre ans plus tard par le biais d’associations. Comment cette situation a-t-elle évolué ?

M. Pascal Brice. Concernant les cinq besoins de protection que j’évoquais, ce n’est pas une thématique nouvelle à l’office mais, depuis maintenant deux ans, il y a une volonté très claire de notre part d’aller plus loin. Nous souhaitons renforcer notre capacité à protéger ces personnes, notamment pour les victimes de la traite, mais cela vaut également pour d’autres besoins de protection dont l’expression est difficile. Cela peut passer par une nouvelle convocation en première instruction, par la capacité d’examiner comme il convient des demandes déposées tardivement par rapport à la date d’entrée sur le territoire français, mais surtout dans le cadre des réexamens, pour lesquels nous avons une approche particulière sur cette question.

En ce qui concerne les statistiques, nous n’en avons pas car il me semble que nous ne serions pas fondés à avoir ce type de dispositifs d’identification des besoins de protection, qui pourraient poser des problèmes par rapport à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Mme la rapporteure. Mais ce serait anonyme !

M. Pascal Brice. Nos dossiers ne sont pas anonymisés, il y a le nom du demandeur, et procéder à un traitement statistique de cet ordre mérite un examen. Nous disposons de données concernant notamment la proportion globale de demandeuses d’asile, mais sur des besoins de protection plus spécifiques, je crains qu’il n’y ait une difficulté d’ordre statistique. Je suis en revanche très ouvert sur le principe pour progresser.

Mme la rapporteure. Il arrive parfois que les femmes dont je parlais, qui se présentent dans un deuxième temps pour demander l’asile, soient entrées pour la première fois avec de faux papiers. Cela constitue-t-il une sorte de fin de non-recevoir pour leur deuxième demande ou leur vulnérabilité est-elle prise en compte?

M. Pascal Brice. Tout d’abord, s’agissant des conditions d’accès au territoire, le fait d’être entré sur la base de faux documents n’a aucune incidence sur la demande d’asile, puisque la demande d’asile est de droit, quel que soit le moyen par lequel vous êtes parvenu sur le territoire français. La seule exception concerne les personnes relevant de la procédure Dublin qui relèvent d’une autre logique. Nous n’allons jamais regarder en tant que tel les conditions d’accès. Cependant, font effectivement partie de l’instruction de la demande, les interrogations suivantes : D’où venez-vous ? Comment êtes-vous venus ? Avez-vous des documents ? Nous pouvons donc parfois détecter des faux. Nous allons d’ailleurs renforcer l’office à cet égard, afin de pouvoir mieux les détecter.

Ces faux documents n’ont toutefois de conséquences que s’ils mettent en cause le cœur même de la crainte. Si le demandeur est venu en France avec un faux document, pour reprendre l’exemple que vous citiez, ce ne sera pas notre problème. En revanche, si ce faux document fait tomber le besoin de protection lors de l’instruction, alors cela aura une conséquence. Autrement dit, si c’est périphérique à l’examen de la demande, que cela ne met pas en cause le motif de la protection, alors il n’y aura pas d’incidence pour nous.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est peut-être vrai à l’OFPRA mais ce ne l’est pas en préfecture ! Ils ne vont même pas jusqu’à l’OFPRA, vous ne les voyez pas !

M. Pascal Brice. Mais si !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si un demandeur d’asile est détecté avec des faux papiers au guichet d’orientation d’une préfecture, son parcours s’arrête là !

M. Pascal Brice. Non, madame la présidente, ce n’est pas le cas, sauf si la personne relève de la procédure Dublin.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vais allez voir alors !

M. Pascal Brice. Je vous propose de m’appeler immédiatement si tel est le cas, car mon rôle est veiller scrupuleusement au principe fondamental selon lequel tout demandeur d’asile, sous réserve de la procédure Dublin, doit voir sa demande examinée à l’OFPRA. Le demandeur peut être placé en procédure prioritaire si le préfet estime qu’il y a une fraude, mais il verra sa demande examinée, et avec les mêmes garanties que la procédure normale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le cadre de la préparation de notre proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, dont nous espérons l’inscription prochaine à l’ordre du jour, nous avions échangé avec le ministère concernant notamment l’obtention de papiers pour ces femmes. Le ministère était alors soucieux de ne pas alimenter les réseaux, et nous aussi du reste, c’est-à-dire de ne pas donner l’impression que ce texte pourrait leur servir pour faire venir des prostituées en France. Nous avons demandé un accompagnement pour la sortie de la prostitution.

Si une femme a été poussée par son proxénète à venir demander l’asile, afin qu’elle ait des papiers et qu’elle soit protégée pendant le temps de la procédure, mais qu’elle se ravise et qu’elle passe par une association, pouvons-nous imaginer que sa requête soit réexaminée, même longtemps après ?

M. Pascal Brice. C’est l’objet de notre travail avec les associations, dans le cadre de nos travaux sur la traite. La conclusion à laquelle ce groupe de travail est parvenu est qu’il faut privilégier une forme de dissociation à l’égard du réseau. Nous pourrions demander le dépôt d’une plainte. Je ne souhaite cependant pas le faire, sur la recommandation des référentes de l’office. Les travailleuses sociales elles même le confirment, ainsi que les services de police et de justice, car ce serait mettre la personne dans un tel danger, et vous connaissez tout cela très bien, que l’on mettrait vraiment en péril notre capacité à recevoir ces demandes. Ce que nous recherchons dans le cadre de l’instruction de ces demandes, c’est donc une forme de dissociation, mais pas une plainte, et nous allons continuer nos travaux sur ce point dans les mois qui viennent.

Mme la rapporteure. Des associations souhaiteraient revenir sur les certificats médicaux exigés pour les petites filles protégées en raison d’un risque de mutilation sexuelle. Pour certaines, cette vérification annuelle ne devrait pas exister ; pour d’autres, elle devrait être plus espacée dans le temps. Je pense qu’il faut maintenir ce contrôle, non pas pour des raisons d’encadrement du droit à l’asile, mais tout simplement pour des raisons de protection des filles. Cela étant, serait-il envisageable d’espacer davantage ces contrôles, étant donné qu’une vérification annuelle peut apparaître comme une contrainte un peu lourde ?

M. Pascal Brice. Je partage totalement votre point de vue. Nous avons eu une longue phase de concertation avec les associations, qui sont d’ailleurs partagées sur ce point, et j’ai fait le même constat que vous. C’est l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir, même si je reconnais que ce système est très particulier et fait peser une forme de suspicion à l’égard des parents. Dans le même temps, je suis d’accord avec vous sur le fait que ce système n’est pas adapté en termes de délais.

J’envisage de demander désormais ce certificat tous les trois ou cinq ans. Le contrôle annuel se justifiait car ces filles bénéficiaient de la protection subsidiaire, et nous demandions donc le certificat à l’occasion du renouvellement de celle-ci. À présent qu’elles peuvent avoir le statut de réfugié, je pense alors que tous les trois à cinq ans, ce serait très bien.

Par ailleurs, nous sommes en discussion avec le ministère de la santé et les hôpitaux de Paris pour tenter de stabiliser le recours aux unités médico-judiciaires (UMJ). La médecine libérale ne me semble pas adaptée à des examens très intrusifs et qui nécessitent de la part des praticiens une connaissance de ces problématiques et une parole adaptée à l’égard des parents et des enfants. Les UMJ font un travail formidable sur ces questions-là, en particulier à l’Hôtel Dieu, où exerce le docteur Rey, qui serait très désireuse d’établir ces certificats.

Nous sommes en discussion avec les hôpitaux de Paris et la ministre Marisol Touraine à ce sujet. Le projet de loi donne une base juridique à ces certificats et les modalités d’application seront définies par un arrêté des ministères de la santé et de l’intérieur. J’aimerais que le recours aux unités médico-judiciaires puisse être stabilisé mais cela suppose un petit effort financier de la part du ministère des affaires sociales et de la santé.

Mme la rapporteure. Je comprends votre préoccupation, mais la dénomination même d’unité médico-judiciaire n’est-elle pas de nature à faire un peu peur aux parents ? Il existe aussi les services de protection maternelle et infantile (PMI), qui sont gérés par les conseils généraux.

M. Pascal Brice. J’ai eu exactement la même réaction que vous dans un premier temps, leur travail est remarquable et ils font aussi de la prévention. Cependant, ce dispositif semble un peu complexe à gérer et par ailleurs ces services organisent des consultations jusqu’à l’âge de six ans, or la question se pose également au-delà de cet âge.

Mme la rapporteure. Il faudrait de toute façon renforcer la prévention et l’information des familles concernant l’excision, et développer la pédagogie sur ces questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En effet. Nous avons vu l’une de ces unités, et la manière avec laquelle ils auditionnent des enfants victimes de violence ou d’inceste est vraiment remarquable, même si je reconnais que le nom peut faire peur. En effet, des professionnels auditionnent des enfants, sans les faire répéter, avec des enregistrements et des glaces sans tain, tout étant dans un cadre judiciaire.

Mme Edith Gueugneau. Concernant la santé, comment travaillez-vous avec les services de l’État lorsqu’il s’agit d’orienter les femmes blessées ou mutilées ?

Avez-vous des éléments statistiques concernant les femmes réfugiées ou demandeuses d’asile en raison de leur orientation sexuelle ? Des pays se distinguent-ils par une persécution très violente vis-à-vis des femmes du fait de leur orientation sexuelle ?

M. Pascal Brice. Je vous remercie de poser cette question, qui mériterait de longs développements. Les questions d’orientation sexuelle, pour les hommes et pour les femmes, font partie des cinq besoins de protection que j’évoquais précédemment. Nous avons mis en place un groupe de référents sur ces questions, comparable à celui qu’anime Mme Malassigné. Ce groupe de travail vise à apporter un appui aux officiers de protection sur les différentes demandes qui nous sont faites en lien notamment avec des associations telles que l’ARDHIS (association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour) et le Collectif des lesbiennes de France. Il s’agit notamment d’élaborer des outils de sensibilisation et d’appui à l’instruction. Nous avons par ailleurs organisé une conférence sur cette question avec une spécialiste du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l’ensemble des officiers de protection, qui a eu un impact important. Nous avons maintenant des outils d’appuis à l’instruction permettant de sensibiliser et de donner des orientations aux officiers de protection.

Cela fait vraiment partie des besoins de protection sur lesquels nous sommes très mobilisés et sur lesquels nous progressons, avec toutefois des questions très particulières dès lorsqu’il s’agit de demander aux officiers de protection d’identifier l’orientation sexuelle des personnes. Je ne vous cache pas que je trouve cela étrange mais c’est indispensable, car c’est grâce à cela que nous allons pouvoir assurer nos missions de protection. C’est tout un travail que nous avons engagé à travers la formation sur l’accueil des récits de de souffrance. Nous allons débuter des groupes d’analyse des pratiques animés par une psychologue, car je pense que cela fait partie des choses qui doivent faire l’objet d’une prise en charge.

S’agissant des femmes battues ou victimes de violence, avez-vous avancé sur la question du signalement ?

Mme Cécile Malassigné. Non, pour l’instant nous n’avons pas de système qui nous permette de signaler ou d’envoyer une personne vers un médecin particulier. Cependant, dans la mesure où ces femmes sont régulièrement suivies par des travailleurs sociaux, nous avons la possibilité d’entrer en contact avec celui-ci et, le cas échéant, d’avoir un échange et de solliciter une consultation chez un médecin, mais pour l’instant c’est la seule chose que nous puissions faire.

M. Pascal Brice. Par ailleurs, nous sommes évidemment soumis à l’article 40 du code de procédure pénale et j’ai donc, encore récemment, donné l’instruction aux officiers de l’OFPRA de signaler ces cas à notre division des affaires juridiques, qui est d’ailleurs depuis peu dirigée par une femme magistrate. Après, il nous revient d’apprécier ces faits dans le cadre de l’examen de la demande d’asile puisque évidemment il s’agit de protéger les demandeuses, mais les dispositions prévues par l’article 40 s’appliquent, l’OFPRA devant signaler de tels faits au procureur lorsqu’ils sont commis sur le territoire national.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie pour vos réponses très claires et intéressantes. À titre personnel, je vois à présent l’OFPRA d’une autre manière et, pour être honnête, je n’en avais pas une image totalement positive du fait des cas très compliqués que j’ai pu suivre et des échanges avec les associations qui ne vont peut-être pas voir tout de suite l’évolution que vous avez effectuée.

Une dernière question : est-ce que, pour l’entretien à l’OFPRA, les femmes peuvent avoir une officière ?

M. Pascal Brice. Elles le peuvent lorsqu’elles le demandent et que cela est lié à la nature de leur demande. Par exemple, pour des femmes victimes de viols, très clairement ce doit être le cas. Nous sommes très attentifs à cela. Le principe est que le choix du sexe de l’officier doit être lié non pas au sexe de la personne, mais à la nature de sa demande. À cet égard, nous serions ravis de vous accueillir à l’OPFRA pour vous montrer tout cela.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur le directeur général, Mme Malassigné, nous vous remercions à nouveau.

La séance est levée à 15 heures 10.

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Membres présents

Présents. - Mme Catherine Coutelle, Mme Edith Gueugneau, M. Jacques Moignard, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Romagnan.