Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation aux droits des femmes

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de Mme Hélène Paumier, professeure de lettres et chargée de mission sur l’éducation et le numérique à l’association des centres d'entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA), sur le numérique et l'enseignement

La séance est ouverte à 14 heures 30.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l’audition de Mme Hélène Paumier, professeure de lettres et chargée de mission sur l’éducation et le numérique à l’association des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA), sur le numérique et l’enseignement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif au numérique, la Délégation aux droits des femmes a décidé de s’intéresser aux relations entre les femmes et le numérique. En effet, non seulement les femmes se tournent de moins en moins vers les métiers du numérique, où elles étaient pourtant très présentes dans les années quatre-vingt-dix, mais la montée de l’informatique va faire disparaître un certain nombre de métiers – d’accueil, de médiation, etc. –, essentiellement occupés par des femmes.

Nous accueillons aujourd’hui Mme Hélène Paumier, professeure au Lycée pilote innovant international (LP2I), situé à Jaunay-Clan, et dont le projet d’établissement met l’accent sur l’utilisation de l’informatique comme support pédagogique pour tous les élèves, sélectionnés en fonction de leur motivation. Depuis le 1er septembre, madame Paumier, vous êtes chargée de mission sur l’éducation et le numérique à l’association des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA).

Nous avions également invité Mme Catherine Becchetti-Bizot, inspectrice générale de l’Éducation nationale, mais elle a eu un empêchement. Ex-directrice de la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), mise en place en juin 2013, elle vient d’être remplacée à cette fonction par un homme, M. Mathieu Jeandron.

Madame Paumier, pourquoi une direction du numérique n’a-t-elle pas été mise en place avant 2013 ? Des actions étaient-elles menées auparavant et cette direction a-t-elle permis de les fédérer ?

Le Président de la République a annoncé un grand plan pour le numérique à l’école, qui sera doté d’une enveloppe s’élevant à 1 milliard d’euros sur trois ans. Comment l’utilisation du numérique est-elle envisagée à l’Éducation nationale au travers de la formation et de l’orientation ?

Mme Edith Gueugneau. Madame Paumier, alors que notre société demeure extrêmement genrée – les manuels scolaires comportent encore des stéréotypes sexistes –, de quelle manière la diffusion de l’esprit numérique dans nos écoles peut-elle casser cette barrière d’un autre temps ?

Par ailleurs, comment le développement des outils numériques permet-il au secteur associatif d’intervenir dans l’animation des activités périscolaires ?

Mme Hélène Paumier, professeure de lettres et chargée de mission sur l’éducation et le numérique à l’association des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA). Les CEMEA interviennent dans quatre secteurs : animation, travail social, santé, et école. Je travaille dans le secteur école, sur un plan de formation des animateurs concernant les périodes périscolaires.

Au Lycée pilote innovant international (LP2I), la question du numérique n’est plus du tout genrée. En effet, alors qu’auparavant les garçons étaient majoritaires à étudier le code, la robotique ou l’informatique de spécialiste – ce qu’on appelle la culture geek –, les filles sont aujourd’hui aussi nombreuses à apprendre le numérique au lycée. En effet, nous avons maintenant autant de filles que de garçons dans notre établissement, le corps professoral étant lui-même devenu paritaire après avoir été totalement masculin dans la discipline informatique.

Depuis 2007, tous nos élèves suivent des cours dénommés « TICEM » (TICE pour technologie de l’information et de la communication dans l’éducation, et M pour Média), discipline au service de projets que nous avons créée sur nos propres moyens. D’abord, les élèves de seconde ont une heure de TICEM par semaine. Ensuite, des groupes de quinze élèves consacrent une demi-journée par semaine au minimum à des projets interniveaux (seconde, première, terminale), choisis par eux et menés tout au long de l’année. Les enseignants eux-mêmes proposent des projets au travers des modules interdisciplinaires (MID) réservés aux élèves de seconde – j’ai moi-même organisé un MID pendant trois ans sur le thème de la ville en poésie et en géographie. Dans le cadre de tous ces projets, les élèves doivent produire une vidéo, une émission de radio, un exposé oral avec un support multimédia ou encore un blog. En fin de seconde, tous les élèves doivent avoir réalisé ces quatre productions numériques.

Les TICEM sont donc la boîte à outils des projets. Ils apportent aux élèves la maîtrise des outils (logiciels, applications), mais aussi une initiation au droit d’auteur et plus particulièrement à la réglementation sur la publication numérique. En effet, en demandant à nos élèves de publier leurs productions, nous sommes amenés à aborder la notion de droit de l’image et du son, ainsi que celle d’auteur d’une œuvre collective, ce qui permet aux étudiants de devenir des utilisateurs avertis de l’outil qu’ils utilisent en permanence. Ces cours nous conduisent également à engager une réflexion sur la trace numérique.

L’équipe des professeurs demande en outre à ses élèves de construire un webfolio, sorte de portfolio numérique commencé en seconde et poursuivi dans une logique BAC+3, dans lequel ils peuvent insérer tout ce qu’ils souhaitent – résultats scolaires, productions dans le cadre des projets, compte rendu de leur voyages scolaires et extrascolaires, diplôme BAFA, etc. – grâce à un outil de leur choix (blog, site, etc.). Au travers de cette démarche accompagnée, les élèves réfléchissent à l’image qu’ils construisent d’eux-mêmes sur le Net. Les professeurs y voient également un travail sur l’orientation et la construction de projets professionnels.

Pour l’enseignement des TICEM, qui sont des cours obligatoires, nous privilégions l’utilisation de logiciels libres. Les garçons ne se montrent pas meilleurs que les filles puisque, je le redis, les TICEM sont un outil au service des projets. Les compétences sont évaluées par le brevet informatique et internet (B2I), dont la dernière version accorde une place importante à l’aspect juridique et à la trace numérique, ce qui en fait un outil parfait à nos yeux.

Avant la création des TICEM, deux disciplines étaient enseignées dans notre établissement : l’informatique-outil, au service des projets, et l’informatique-programmation, qui consistait à coder – option jusqu’à la fin des années quatre-vingt, dénommée APTIC, elle réunissait une fille pour cinquante garçons. À l’époque, le lycée était composé à 65 % de garçons, dont un grand nombre choisissait notre établissement pour mener à bien des projets de programmation – je me souviens d'un projet où des élèves avaient numérisé en 3D le centre historique de Parthenay pour en faire un DVD touristique, en collaboration avec des architectes et des historiens. Ces activités complémentaires de formation (ACF) tournées vers l’informatique concernaient donc essentiellement les garçons – les rares filles présentes étaient issues de la filière « art plastique » pour le design. Les garçons avaient donc des compétences importantes et, comme le montre la thèse de notre collègue M. Pierric Bergeron, documentaliste, intitulée « Que sont-ils devenus ? », un grand nombre mène aujourd’hui des carrières extrêmement brillantes – certains travaillent à Google. Les rares filles pionnières, très bonnes en informatique, devaient être les meilleures pour être légitimes – je pense notamment à une élève partie travailler à Boston.

Il y a neuf ans, le LPI est devenu LP2I en obtenant le label international. Nous avons ainsi ouvert une « section internationale chinois » et trois classes européennes. Cette coloration linguistique a totalement modifié le recrutement, si bien que nous avons aujourd’hui autant de filles que de garçons dans nos classes. Parallèlement, la filière STI2D a disparu, et le lycée est désormais un lycée général. Ainsi, nous sommes passés d’une informatique de geek à une culture numérique au service des projets.

Auparavant, seuls des hommes enseignaient l’informatique au lycée ; aujourd’hui, il y a autant de femmes que d’hommes professeurs de TICEM. Les femmes se sentent légitimes. Elles publient beaucoup sur le site public, aussi bien des productions numériques de leurs élèves – productions sonores, vidéos, blogs –, que des articles sur l’usage du numérique, le lycée étant équipé tout numérique depuis quatre ans avec le déploiement de 700 tablettes pour tous les personnels et tous les élèves. Elles publient également sur le site académique et sur Éduscol.

De notre point de vue, le numérique étant devenu plus convivial en termes d’usage, les femmes se le sont approprié : des outils plus conviviaux permettent de s’intéresser davantage au contenu qu’à la technique. Le numérique en lui-même est indissociable d’une culture numérique : à côté de la technique, il y a la connaissance juridique et éthique. Ainsi, la sensibilisation à la culture numérique est un élément fort de la culture de notre établissement.

La co-formation entre professeurs et élèves, et entre pairs, est très forte au LP2I. Le numérique est un élément de savoir devant lequel nous sommes égaux : les professeurs maîtrisent davantage les questions juridiques, tandis que les élèves se montrent beaucoup plus agiles dans nombre de domaines. Il n’est pas rare, dans un cours de TICEM, qu’un enseignant demande à la classe « Qui sait mieux que moi ? ».

Par contre, rien n’a changé pour nos deux sections de brevet de technicien supérieur, dont un BTS-SNIR (systèmes numériques – informatique et réseaux), où les enseignants sont tous des hommes et les élèves tous des garçons. Dans ces sections, le numérique n’est pas mis autant qu’au lycée au service des projets.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous ne notez pas de différence entre les filles et les garçons pour l’apprentissage. Mais les filles font-elles preuve d’une plus grande prudence en publiant des informations dans leur webfolio ?

Mme Hélène Paumier. Nos élèves ne postent que peu de photos d’eux dans leur webfolio. Un rapport publié cette semaine par les CEMEA et intitulé La banalisation du harcèlement sur les réseaux sociaux numériques montre que les garçons craignent les hackers et les virus, tandis que les filles ont peur des insultes. Selon cette étude réalisée auprès d’élèves scolarisés dans un CFA préparant à des baccalauréats professionnels et des CAP, les jeunes utilisent avec plus de prudence qu’on ne l’imagine les réseaux sociaux numériques, car ils redoutent le cyberharcèlement, notamment les filles qui en sont beaucoup plus victimes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comment se positionne la France au niveau européen dans le domaine du numérique à l’école ?

Existe-t-il des freins à l’utilisation du site Éduthèque, portail d’accès à des ressources pédagogiques à destination des enseignants ?

Mme Hélène Paumier. J’ignore comment se situe la France au niveau européen ; Mme Becchetti-Bizot pourrait vous répondre.

Les établissements comme le LP2I qui construisent un projet d’établissement autour du numérique sont rares. Ce que j’ai pu observer, c’est que le numérique est souvent le fait d’enseignants passionnés qui, par exemple, travaillent en classe inversée, adoptent la « twictée » en primaire, etc. Sur les réseaux sociaux, je constate le bouillonnement de certains enseignants qui, en réalité, ont déjà l’habitude de travailler en mode projet, dans une logique d’atelier. Ainsi, le numérique a vraiment pris dans le cadre de pratiques pédagogiques déjà en mouvement. Mais, comme le disent les professeurs utilisant le numérique, ce dernier, associé à une pédagogie en questionnement, correspond généralement à un enseignement exercé de façon solitaire, non à un travail d’équipe.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce sont quelques enseignants par établissement.

Mme Hélène Paumier. On en trouve un, deux ou trois par établissement, mais ils sont de plus en plus nombreux, que ce soit en école primaire, au collège ou au lycée. Dès la maternelle, des enseignants mènent des projets numériques très intéressants.

Il existe aussi des projets globaux, comme les collèges connectés (CoCon). Mme Becchetti-Bizot pourrait vous apporter des informations supplémentaires à ce sujet.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans votre lycée, les professeurs sont volontaires.

Mme Hélène Paumier. Tous sont sur des postes dits « à exigences particulières ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. Quelle voie envisage de privilégier la Direction du numérique de l’Éducation nationale : la maîtrise de l’outil numérique ou l’usage du numérique ?

Mme Hélène Paumier. Il y a effectivement deux courants, dont l’un défend l’idée du code comme une discipline, évaluée au baccalauréat.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Des enjeux industriels se profilent-ils derrière le débat entre les deux courants ?

Mme Hélène Paumier. De tels enjeux peuvent exister.

Pour beaucoup, en tout cas, Mme Catherine Becchetti-Bizot représentait le courant du numérique au service de la pédagogie. Je l’ai entendue à plusieurs reprises déclarer que l’outil numérique allait constituer un levier pour des changements de pratique pédagogique, tandis que les dispositifs classiques d’enseignement ne permettraient pas de mettre en place l’usage du numérique dans les classes. En plus de l’appropriation des outils, le numérique permet le travail collaboratif et la créativité. C’est le devoir de l’école de former les élèves à cet outil quotidien, c’est même une nécessité au regard des dangers du Net – cyberharcèlement, radicalisation… Dans le cadre du LUDOVIA 12, Mme Catherine Becchetti-Bizot a également plaidé pour le BYOD/AVAN (bring your own device, apportez votre appareil numérique). Cette nouvelle approche pédagogique consiste, au lieu d’équiper les élèves en tablettes ou en portables, à leur permettre de venir en classe avec leur instrument de communication familier, celui qu’ils connaissent parfaitement. Sur le terrain, Mme Catherine Becchetti-Bizot sera regrettée.

La nomination de M. Mathieu Jeandron, il y a trois semaines, pourrait représenter une inflexion vers une politique de l’équipement plus prononcée. Cependant, à quoi servirait d’équiper tous les élèves de cinquième en tablettes si, en même temps, les enseignants n’étaient pas formés ou ne souhaitaient pas les utiliser ? Le risque serait alors que le nouveau plan d’équipement ne soit qu’un plan de plus au sein de l’Éducation nationale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Sans formation aux outils, les plans restent lettre morte. Les mairies se sont dotées de tableaux numériques pour les classes primaires. De quelle pédagogie s’agit-il et une évaluation de ces outils a-t-elle été réalisée ?

Mme Hélène Paumier. L’équipe d’histoire géographie du LP2I pourrait vous répondre : elle utilise largement les tableaux blancs interactifs (TBI) car ils sont bien adaptés à ces disciplines. Pour le français, j’utilise un tableau plus classique dans le cadre d’un cours s’appuyant notamment sur des échanges avec les élèves.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le numérique ne va-t-il pas favoriser les élèves capables d’adaptation et qui utilisent déjà des outils à la maison ? En clair, ce mouvement ne risque-t-il pas d’accroître les inégalités ?

Mme Hélène Paumier. Selon un récent rapport de l’OCDE, le numérique à l’école n’est pas une garantie de performances. Souvenez-vous : lorsque le Bic Cristal a remplacé la plume Sergent-Major, certains ont considéré que les élèves n’auraient plus le temps de réfléchir et feraient donc davantage de fautes ; d’autres ont pensé l’inverse… De la même manière, je pense que le numérique n’a pas d’influence sur les résultats scolaires : c’est le climat scolaire qui prime pour la réussite des élèves. À ce sujet, l’enquête sociologique menée par M. Benjamin Moignard, l’année dernière, auprès de 6 000 lycéens, est parvenue à la conclusion qu’un bon climat scolaire tient à plusieurs facteurs : stabilité des équipes, travail en projet, vie scolaire forte grâce au conseiller principal d’éducation, aide aux élèves en difficulté. Ainsi, le numérique reste un outil, et la culture de formation entre pairs ou de travail en groupe, si elle peut améliorer les choses, relève de la pédagogie.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Tous les plans de restrictions budgétaires au sein de l’Éducation nationale ont consisté à supprimer, en premier lieu, les postes moins visibles, comme les CPE, les infirmières, les surveillants. Or, ces personnels sont indispensables au bon climat scolaire.

Mme Hélène Paumier. Même les cuisiniers. Au lycée LP2I, ils collaborent aux projets culturels et thématiques des élèves.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En quoi consiste la formation visant à rendre les élèves autonomes et responsables, afin qu’ils ne se connectent pas sur des sites à risque et apprennent à se protéger des dangers d’Internet ?

Mme Hélène Paumier. Au LP2I, les classes comportent trois professeurs de suivi, responsables chacun de dix élèves. Dans le cadre du créneau consacré au suivi, nous avons demandé, l’an dernier, à nos élèves de créer un profil sur Google, en lien avec leur travail, concernant l’orientation – l’un d’eux, par exemple, s’est présenté comme étudiant en cinquième année de médecine. Cette activité a été conduite, après autorisation préalable des parents, en groupes fermés, et tous les comptes des élèves ont été sécurisés. Les élèves ont donc créé des comptes, constitué des groupes et échangé des mails ; puis, une fois cette activité terminée, nous avons publié un historique de leur trace sur Google : eh bien, nous avons pu constater que tout y était ! Un compte Google vous permet d’accéder à Gmail, à Google agenda et à bien d’autres produits… Ce travail sur la trace numérique est donc très important : la prévention est essentielle.

L’équipe organise des activités plus classiques. Nous dirigeons, par exemple, nos élèves vers des sites de désinformation, comme le site « Désencyclopédie », qui ressemble à s’y méprendre à Wikipédia, mais qui présente des articles complètement loufoques.

Nous avons aussi des activités plus ludiques, pour encourager l’esprit critique de nos élèves.

Autre exemple : pour faire une dissertation, j’ai demandé à mes élèves de réaliser des webographies critiques sur La Fontaine. Pour ce faire, ils ont choisi quatre sites, puis élaboré une fiche par site (ergonomie, décryptage de l’adresse URL, émetteur, utilité du site) ; à l’issue de cette recherche, ils m’ont rendu à la fois l’évaluation des sites et la dissertation proprement dite – qui, de cette façon, ne s’est pas apparentée à un copié-collé.

Nous pouvons également demander à nos élèves de rédiger un article dans Wikipédia, puisqu’il s’agit d’une encyclopédie collaborative.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les élèves de votre établissement lisent-ils davantage des supports papiers que les autres élèves ?

Mme Hélène Paumier. Il faudrait interroger notre documentaliste sur les prêts en bibliothèque. Je suppose que le nombre d’élèves qui lisent sur papier a augmenté, car notre lycée comporte désormais autant de filles que de garçons et il semble que, statistiquement, les filles lisent davantage…

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le numérique augmente-t-il ou diminue-t-il les compétences scolaires ? Des études ont-elles évalué son impact sur l’insertion professionnelle ?

Mme Hélène Paumier. Selon M. Jean-François Cerisier, directeur du laboratoire Techné (Technologies numériques pour l’éducation), les compétences des élèves sont tellement multifactorielles que personne ne peut évaluer l’impact du numérique sur les compétences scolaires.

Selon la thèse de M. Pierric Bergeron, les anciens élèves du LP2I étaient plus armés que les autres, il y a dix ans, face à l’utilisation du numérique dans leur pratique professionnelle. J’ignore si cela est encore le cas aujourd’hui. Je pense que les TICEM, en permettant aux jeunes de devenir des utilisateurs avertis, peuvent avoir un impact.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’observe que le LP2I ne bénéficie pas de moyens supplémentaires pour les TICEM : ces cours sont dispensés par des professeurs de différentes disciplines dans le cadre d’un travail en équipe tout au long de l’année. Il convient de saluer l’engagement de ces enseignants.

Quelles sont vos nouvelles fonctions au sein de l’association des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active ?

Existe-t-il des liens entre le LP2I ou les CEMEA et le tissu industriel ?

Mme Hélène Paumier. Depuis leur création en 1936, les CEMEA ont une forte culture du média, d’abord autour de l’imprimerie, et, plus récemment, avec la création de l’association Enjeux e-medias et l’organisation du Festival du film d’éducation. À la suite de l’annonce par M. François Hollande, Président de la République, de la création d’une « Grande école du numérique », les CEMEA ont souhaité créer un poste fléché « éducation et numérique » – et non « école et numérique », le terme « éducation » renvoyant au temps aussi bien scolaire que péri et extrascolaire. J’occupe donc un poste transversal au sein de l’association nationale pour promouvoir un réseau de formateurs. L’idée est de mener des formations au sein des CEMEA, de plus en plus sollicitées du fait, notamment, des demandes croissantes dans le cadre des projets éducatifs territoriaux (PEDT).

Nous participons en ce moment au projet Déclic numérique. En effet, un appel à projet initié dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA) a été remporté par trois associations d’éducation populaire, La Ligue de l’enseignement, les FRANCAS et les CEMEA. L’objectif est de former au numérique 6 000 animateurs péri et extrascolaires qui formeront eux-mêmes les enfants et cela selon trois axes : robotique et programmation, création vidéo/média, réseaux sociaux. Un beau et grand défi pour l’éducation populaire, sachant qu’actuellement les animateurs périscolaires sont majoritairement des femmes à temps partiel.

L’année dernière à Paris, le LP2I et l’association « Elles bougent » ont organisé une rencontre avec des élèves, à laquelle Mme Axelle Lemaire, Secrétaire d’État chargée du numérique, a participé et au cours de laquelle des ingénieures de Google, entre autres, ont pu témoigner de la possibilité pour les femmes ingénieures d’intégrer les professions du numérique, où les différences de salaire sont moins importantes au départ que dans d’autres domaines. Vendredi dernier, la déléguée régionale en Poitou-Charentes de l’association « Elles bougent » m’a envoyé un mail indiquant que la troisième édition des « Sciences de l’ingénieur au féminin », une journée de sensibilisation aux métiers d’ingénieur organisée par cette association en partenariat avec l’Union des professeurs de sciences et techniques industrielles (UPSTI), se tiendra le 26 novembre prochain. Cette session regroupera une centaine de lycées et collèges, soit près de 6 000 collégiennes et lycéennes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les anciens élèves de votre lycée s’orientent-ils davantage vers les métiers de l’informatique ?

Mme Hélène Paumier. Je n’ai pas de données chiffrées, mais je dirais que cela ne joue pas forcément, le numérique étant aujourd’hui largement utilisé comme un outil, alors qu’auparavant, un certain nombre d’élèves venaient dans notre établissement pour faire de l’informatique, y compris après le baccalauréat. Comme l’a montré M. Pierric Bergeron dans sa thèse, les élèves d’établissements innovants comme le nôtre poursuivent très souvent des études plus longues, mais aussi dissonantes, c’est-à-dire qu’ils mettent très longtemps à se stabiliser professionnellement ; ils le font plutôt dans des parcours valorisants – par exemple, en commençant des études d’ingénieur, avant d’envisager une carrière de professeur d’histoire et de géographie.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ils se considèrent comme étant polyvalents.

Mme Hélène Paumier. Et ils sont également très attentifs à leur épanouissement professionnel.

Je ne peux dresser un bilan des formations au BAFA, comme vous me l’avez demandé dans votre questionnaire écrit. Par contre, je peux vous dire que pour la troisième étape du BAFA, toutes les associations territoriales prévoient une formation « média audiovisuel ».

Je vous communique le rapport de Mme Sophie Jehel, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Paris VIII Vincennes Saint-Denis, sur le cyberharcèlement, un phénomène particulièrement prégnant dans les milieux défavorisés.

Je finis par une initiative intéressante : un principal de collège a proposé la réécriture du règlement intérieur de son établissement grâce à l’utilisation d’un outil collaboratif sur Internet, permettant aussi bien aux parents qu’aux élèves et aux personnels d’apporter leur contribution.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le cyberharcèlement est effectivement un sujet majeur sur lequel nous reviendrons au cours de nos travaux.

Je vous remercie beaucoup, Madame, pour l’éclairage que vous nous avez apporté.

La séance est levée à 15 heures 45

——fpfp——

Membres présents

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle, Mme Edith Gueugneau.

Excusés. – Mme Pascale Crozon, Mme Françoise Guégot, Mme Bérengère Poletti, M. Philippe Vitel, Mme Marie-Jo Zimmermann.