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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Jeudi 1er octobre 2015

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Colloque, ouvert au public, sur la campagne He for She et l’implication des hommes pour l’égalité des sexes, et remise des prix du concours vidéo « Ton court pour l’égalité » organisé par le Centre Hubertine Auclert, le Comité ONU Femmes France et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot

La séance est ouverte à 17 h 30.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation a organisé un colloque, ouvert au public, sur la campagne « He for She » et l’implication des hommes pour l’égalité entre les femmes et les hommes, suivi de la remise des prix du concours vidéo « Ton court pour l’égalité  », organisé par le comité ONU Femmes France, le Centre Hubertine Auclert et le pôle égalité-femmes de l’université Paris-Diderot.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis heureuse de vous accueillir aujourd’hui à l’Assemblée nationale, en remerciant les organismes à l’initiative de cet évènement : le Comité ONU Femmes France et sa présidente, Mme Miren Bengoa, le Centre Hubertine Auclert, présidé par Mme Djénéba Keita, et l’université Paris Diderot, qui est la seule université en France disposant d’un pôle dédié à l’égalité femmes-hommes, dirigé par Mme Anne Kupiec.

Je félicite les jeunes lauréats du concours vidéo « Ton court pour l’égalité » et salue l’ensemble de celles et ceux, ici présents, qui agissent à nos côtés, au quotidien, pour faire avancer les droits des femmes, et en particulier les partenaires de la campagne He for She : le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), représenté par Margaux Collet – son secrétaire général, M. Romain Sabathier, devrait nous rejoindre prochainement –ainsi que le Groupe Generali, dont le directeur général, M. Eric Lombard, interviendra dans quelques instants.

Lancée en septembre 2014, la campagne He for She, qui rencontre un grand succès, porte un message clair : elle invite les filles et les garçons à réfléchir aux enjeux de l’égalité, avec l’ambition de sensibiliser les hommes et les garçons à la lutte contre les discriminations et les stéréotypes de sexe. Cette initiative affirme avec force que l’égalité femmes-hommes est un combat partagé qui nécessite l’engagement de toutes et tous. De nombreux hommes, inconnus ou célèbres, ont répondu à l’appel, et nous ne pouvons que nous en féliciter, d’autant que nous n’avons encore de nombreux combats à mener.

En effet, les inégalités salariales perdurent, même s’il y a eu des améliorations dans ce domaine, et les femmes consacrent encore deux fois et demie plus de temps aux tâches domestiques que les hommes, et c’est là un enjeu essentiel en termes d’égalité des sexes. En France, le taux d’activité des mères chute avec le nombre d’enfants, quand celui des pères remonte, et plus de 50 % des femmes actives se concentrent dans 12 familles de métiers, tandis que 30 % des femmes actives travaillent à temps partiel, contre 7 % des hommes. Les femmes sont aussi les principales victimes de violences sexuelles et sexistes. Il reste donc des inégalités, même si nous faisons aussi beaucoup pour essayer d’améliorer cette situation.

Nous y contribuons à travers les combats que nous menons à l’Assemblée nationale, en particulier dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui examine les différents projets de loi sous ce prisme en vue de les amender pour faire progresser l’égalité réelle. Nos travaux ont par exemple permis d’enrichir le projet de loi sur la santé, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, et bien d’autres encore, et nous travaillons actuellement sur les femmes et le numérique, dans la perspective de l’examen du projet de loi qui sera présenté par Mme Lemaire. Nous en sommes convaincus : rassemblés, nous serons plus fortes et plus forts.

Je suis frappée par les discriminations qui touchent aujourd’hui encore les femmes et les filles, et notamment celles mises en lumière par le rapport récent d’une commission des Nations Unies sur le harcèlement sur Internet dont sont victimes les femmes et les jeunes filles, et sur lequel le Centre Hubertine Auclert a d’ailleurs mené des travaux intéressants. Cette étude en appelle à une prise de conscience mondiale, alors que 73 % des femmes auraient déjà été confrontées, d’une manière ou d’une autre, à des violences en ligne ou en auraient été victimes, avec de lourdes répercussions. Or très peu d’entre elles portent plainte.

La lutte contre les discriminations, c’est aussi le combat pour l’appropriation de l’espace public par les femmes. Vivre la ville lorsqu’on est une femme, c’est encore trop souvent être confrontée à d’importantes inégalités. L’étude du HCEfh sur le harcèlement sexuel et sexiste dans les transports l’a démontré : 100 % des femmes interrogées disaient effet avoir déjà subi ce type de harcèlement.

Pour répondre à ces enjeux, l’éducation des garçons et des filles, par les pères et les mères, est primordiale. Lancée par ONU femmes, la campagne He for She participe à cette bataille pour l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge.

S’engager pour les droits des femmes, c’est s’engager pour les droits humains et pour une société plus humaine, plus juste, et plus égalitaire, et c’est un combat qui traverse les frontières et doit se mener au niveau international : c’est le sens de votre démarche et je souhaitais, en vous accueillant ici aujourd’hui, vous en féliciter.

Mme Miren Bengoa, présidente du Comité ONU Femmes France. Au nom du Comité ONU Femmes France, je suis très honorée d’intervenir aujourd’hui dans ces lieux et nous remercions vivement Mme la présidente Catherine Coutelle pour son accueil. Cette manifestation est pour nous très symbolique, car ONU Femmes France a été créé il y a deux ans et, outre les différents partenariats noués, nous espérons continuer à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans différents espaces, et aujourd’hui dans ce lieu si prestigieux.

Je voudrais également remercier chaleureusement le Centre Hubertine Auclert et le pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot qui ont organisé, avec le comité ONU Femmes, le concours vidéo « Ton court pour l’égalité », ainsi que le HCEfh, partenaire de l’évènement, les membres du jury qui ont participé à la sélection des films, et l’ensemble de l’équipe, dont l’engagement, bien souvent bénévole, a permis l’aboutissement de ce projet.

Quelques mot d’abord sur les raisons qui nous ont conduit à envisager l’organisation d’un concours vidéo dans le cadre de la campagne mondiale He for She. Nous sommes une jeune instance, créée en 2013, qui a pour mission de sensibiliser et de relayer les actions d’ONU Femmes, agence intergouvernementale onusienne pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui est elle aussi très jeune – elle a été créée en 2010 par les États, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies, avec un mandat global, ce qui était très nouveau. Il s’agissait avant tout d’indiquer à la communauté internationale que sans l’égalité femmes-hommes, les objectifs de développement ne pourraient être atteints.

Cette volonté a d’ailleurs été réitérée il y a quelques jours, lors de l’adoption des nouveaux objectifs de développement durable (ODD), qui fixent l’agenda de l’accompagnement au développement des pays jusqu’en 2030. Grâce à l’implication d’ONU Femmes notamment, ils incluent un objectif spécifique sur l’égalité femmes-hommes, avec aussi la prise en compte de cet enjeu dans le cadre des indicateurs transversaux relatifs aux autres objectifs.

Nous sommes aussi dans une année phare pour les droits des femmes : en effet, il y a exactement vingt ans, se tenait une conférence internationale à Pékin pour les droits des femmes, dont le bilan apparaît en demi-teinte. De fait, ONU Femmes et les pays membres de l’Assemblée générale qui portent ces enjeux, n’ont pas souhaité lancer une nouvelle conférence internationale à cette occasion, dans la mesure où les mouvements conservateurs pourraient remettre en cause certains acquis obtenus en 1995. Il est très important pour nous de sensibiliser à cette dimension internationale des droits des femmes dès lors que des inégalités persistent.

La campagne internationale He for She a été lancée après le discours prononcé en septembre 2014 par l’actrice Emma Watson, à l’Assemblée générale des Nations Unies, en défendant une idée assez nouvelle, au moins dans sa formulation. En substance, son message était celui-ci : le combat pour l’égalité doit être l’affaire de tous, porté par des ambassadeurs hommes, et ce dès maintenant. Un mouvement de solidarité est nécessaire, parce que l’égalité ne peut être portée par une moitié seulement de la population.

Cette campagne a démarré avec un objectif ambitieux : obtenir un milliard de signatures. Si cet objectif n’a pas été atteint, on dénombre aujourd’hui près de 500 000 signatures, dont au moins une dans chaque pays du monde. Certes, cela ne suffit pas mais en même temps, il est important que dans des pays où les femmes n’ont pas le droit d’hériter, de posséder de terres ou encore de divorcer et d’avoir la garde de leurs enfants, il existe des hommes qui souhaitent faire avancer l’égalité.

En France, nous avons lancé une campagne le 8 mars 2015, avec l’appui de différentes personnalités et qui sera suivie d’autres manifestations.

Le concours vidéo « Ton court pour l’égalité » s’inscrit pleinement dans les objectifs de la campagne He for She. Nous avons ciblé les étudiantes et les étudiants, car c’est à la fois un relais indispensable vers la population jeune, et un levier de changement ; leur regard est important, notamment pour savoir si nos campagnes institutionnelles sont en phrase avec leurs attentes et leurs modes de de communication.

Mme Anne Kupiec, vice-présidente chargée des relations humaines et directrice du pôle égalité femmes-hommes de l’université Paris Diderot. Je voudrais tout d’abord remercier chaleureusement la présidente Catherine Coutelle de nous accueillir aujourd’hui dans ce lieu chargé d’histoire, ainsi que du soutien apporté à notre projet.

L’université Paris Diderot, dont la présidente, Mme Chrisitine Berici, n’a pu être présente aujourd’hui en raison d’un empêchement de dernière minute, est une université pluridisciplinaire, reconnue dans le milieu académique pour son engagement depuis plusieurs années sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, à travers la création d’un pôle dédié que je dirige. Je précise que cet engagement remonte en fait aux années 1970, à travers les activités de recherches et d’enseignements. En effet, l’université a été pionnière dans les études scientifiques sur le genre. Ainsi, bien avant l’institutionnalisation des études de genre, l’historienne Michelle Perrota pu commencer en 1973, grâce au soutien de l’université, un cours intitulé « Les femmes ont-elles une histoire ? ».

En 1985, nous avons été l’une des trois premières universités françaises à avoir créé un poste de maître de conférences sur les études féministes, qui sera occupé par Mme Claude Zaiman. En 2001, un poste de professeur « Genre et société » a également été créé.

Aujourd’hui, nous avons une quinzaine d’enseignantes et d’enseignants-chercheurs travaillant sur le genre dans différentes disciplines, comme la sociologie, l’histoire, la géographie, les lettres, les arts et le cinéma, mais aussi les études psychanalytiques ou les études interculturelles en langues appliquées. L’existence de ces postes a permis la mise en place d’enseignements et de diplômes sur le genre. Il existe en effet un master en sociologie qui a pour titre « Genre et changement social et politique ».

Dans la continuité de cette tradition, l’université Paris Diderot a été la première – et la seule à ce jour – à avoir créé en 2010 un service dédié à l’égalité femmes-hommes. Ce service s’est vu confier trois missions par le conseil d’administration de l’établissement.

La première consiste à dresser le constat des inégalités dans l’université, à travers des études quantitatives, et à rechercher des explications, par des études qualitatives. Depuis la création du pôle égalité femmes-hommes (PEF), cinq études ont été réalisés sur la communauté universitaire : enseignantes et enseignants-chercheurs, personnels administratifs et techniques, étudiantes et étudiants.

La deuxième mission du PEF est de sensibiliser les acteurs et actrices de l’université sur les inégalités femmes-hommes, notamment en diffusant les données issues des études produites, mais aussi à travers une série de conférences annuelles sur l’égalité des sexes, destinées aux chercheurs et au grand public.

Enfin, le PEF a pour mission de proposer des mesures concrètes pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes à l’université. Depuis sa création, il a ainsi défini deux plans d’action : l’un, adopté en juin 2011 par le conseil d’administration de l’université, et le second, défini pour répondre à un appel à projets de la Commission européenne, qui date de 2013. Les mesures prévues par ces deux plans d’action s’adressent à l’ensemble de la communauté universitaire et touchent aussi bien la sphère professionnelle (recherche, enseignement, politique générale de l’établissement) que privée, notamment en vue d’améliorer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Certains pourraient s’interroger sur les raisons d’un tel engagement. En effet, le monde académique est souvent perçu comme démocratique, ouvert à la société et dédié à la transmission égalitaire des savoirs. Cependant, les données statistiques et sociologiques disponibles montrent qu’un plafond de verre existe également dans le monde académique.

L’université Paris Diderot est engagée sur ces questions, car nous sommes convaincus de l’importance du rôle de l’université pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ; c’est aussi un lieu d’innovation sociale, et notamment dans le domaine des droits des femmes. Les recherches sur le genre, qui nous permettent de mieux comprendre les mécanismes de construction et de reproduction des inégalités, ainsi que les formations dispensées nous permettront d’atteindre notre objectif : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Nous dispensons chaque année, depuis 2011, une formation obligatoire à l’égalité femmes-hommes à destination de l’ensemble des étudiants de première année de licence, et au fil des ans, nous avons constaté une nette évolution : en effet, si au début les étudiants s’interrogeaient sur la nécessité de suivre ce cours, leur discours a aujourd’hui changé. L’action des pouvoirs publics, les initiatives de différents organismes, tels que le Centre Hubertine Auclert et ONU Femmes, ont favorisé une prise de conscience du grand public.

Au cours de ces formations, nous constatons que certains étudiants s’interrogent sur les moyens dont ils disposent pour faire changer les choses. Le concours vidéo « Ton court pour l’égalité » répond précisément à leur envie de s’investir pour promouvoir l’égalité des sexes. Mobiliser les étudiantes et les étudiants sur cette thématique, la lutte contre les discriminations sexistes et l’implication des hommes et des garçons, est pour nous un enjeu et un défi majeur, et pour l’ensemble de la société. À cet égard, la campagne internationale He for She, dans le cadre de laquelle s’inscrit ce concours, et dont l’objectif est de sensibiliser les hommes pour qu’ils prennent eux aussi conscience de la nécessité de soutenir et de s’engager dans cette cause, est une initiative formidable.

Pour l’ensemble de ces raisons, lorsque ONU Femmes nous a proposé de s’associer à ce projet, nous n’avons pas hésité une seconde. L’idée d’inviter les jeunes générations à réfléchir aux enjeux de l’égalité et promouvoir l’implication des hommes nous a semblé intéressante, et surtout nécessaire.

Aujourd’hui encore, quand nous organisons des manifestations sur l’égalité, scientifiques ou culturelles, nous dressons le même constat : peu d’hommes ou de garçons y participent car ils ont peu conscience du problème, et en particulier du fait que les inégalités ne nuisent pas seulement aux femmes. Par ailleurs, si ce concours vidéo visait notamment à encourager l’implication des hommes et des garçons, il est bien évident que les questions d’inégalités entre les sexes, de lutte contre le sexisme ou des violences faites aux femmes se posent également aux filles.

En tant qu’organisateurs du concours, avec le centre Hubertine Auclert et le comité ONU Femmes, nous avons insisté sur la nécessité d’une réflexion menée par les filles et par garçons et les filles : la mixité des équipes proposant un court-métrage était d’ailleurs l’un des critères du règlement du concours.

Pour conclure, je voudrais remercier la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, en soulignant le plaisir que nous avons eu à travailler sur ce concours vidéo avec le Centre Hubertine Auclert et ONU Femmes, en remerciant en particulier Béatrice Audollent, Pauline Chabbert et Amandine Berton-Schmitt notamment, ainsi que l’ensemble des partenaires et les membres du jury.

Un travail formidable a été réalisé et, si le choix n’a pas été facile, compte tenu de la qualité des courts-métrages proposés, les débats ont été constructifs et ont abouti à un consensus, dans une ambiance chaleureuse. Je me félicite également de la diversité des personnes et organismes impliqués dans ce projet, et cette diversité, qui a certainement contribué au succès du projet, est à l’image de la campagne He for She, qui a pour objectif, en s’adressant à des personnalités issues de différents milieux, notamment politiques, économiques et académiques, la dissémination à une large échelle d’un message optimiste et inclusif sur l’égalité.

Mme Djénéba Keita, présidente du Centre Hubertine Auclert. Mme la Présidente, mesdames, messieurs. Je remercie tout d’abord la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale de nous accueillir aujourd’hui. Il fallait pour cette première édition du prix « Ton court pour l’égalité » un lieu symbolique, et quel lieu plus symbolique que l’enceinte de la représentation nationale pour remettre un prix dédié à l’égalité ? Ici, le peuple et ses représentantes et représentants débattent des règles et des lois qui régissent notre vie commune. Ici, la citoyenneté s’apprend et se forge. Ici, l’égalité est inscrite dans la pierre. Pour qu’elle ne s’efface pas, malgré les coups répétés qui lui sont portés, nous devons être vigilantes et vigilants.

L’éducation à l’égalité est donc fondamentale, et notamment au cœur des missions du Centre Hubertine Auclert. L’éducation, c’est bien sûr l’école, car nous savons combien les stéréotypes y sont forts et perpétués. Notre nouvelle étude, qui paraîtra dans les prochains jours sur les manuels de lecture de cours préparatoire (CP) et qui analyse les représentations sexistes et sexuées, montre une nouvelle fois combien les enfants apprennent dès le plus jeune âge les inégalités. En avant-première, je peux donc vous dévoiler que les seules carrières professionnelles qui s’offrent aux femmes, selon ces manuels, sont… maman et princesse !

Nous voyons bien que les mentalités doivent évoluer, et les pratiques professionnelles dans l’éducation se modifier. Éduquer, c’est donc sensibiliser aussi bien les jeunes que les adultes.

C’est dans ce cadre que le concours « Ton court pour l’égalité » a été pensé. Mobiliser la jeunesse, mobiliser les étudiantes et les étudiants sur ces questions est un enjeu important, d’abord parce que nous voulons leur permettre de s’exprimer et de transmettre à leur tour une culture de l’égalité, mais aussi parce qu’il est toujours judicieux d’écouter leur vision du monde.

Les nombreuses créations que nous avons reçues et celles qui seront primées ce soir sont autant d’outils qui vont permettre de sensibiliser, d’ouvrir le débat et defaire réfléchir. La forme d’un film est d’autant plus forte qu’elle incarne un projet commun dans lequel de nombreuses personnes sont impliquées (acteurs et actrices, techniciennes et techniciens, spectateurs et spectatrices…) et peuvent à leur tour diffuser une culture de l’égalité.

Le prix « Ton court pour l’égalité » est aussi un projet commun dans lequel je suis heureuse de voir des partenaires impliquées et dynamiques. Porté à la fois par le Comité France d’ONU Femmes dans le cadre de la campagne He for She, par le Centre Hubertine Auclert, institution régionale de ressources pour l’égalité femmes-hommes, ainsi que par l’université Paris Diderot, dynamique sur ces questions, que je tiens à remercier à nouveau, ce concours est parti pour s’inscrire durablement dans le paysage audiovisuel, surtout s’il est soutenu par des partenaires engagés.

J’en profite donc pour remercier le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), avec qui nous travaillons régulièrement sur de nombreux sujets et qui participe, comme nous, au groupe de travail initié par ONU Femmes France sur l’implication des hommes dans le féminisme et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je remercie aussi le Festival international des droits de l’Homme de Paris, qui bien qu’ayant le terme « homme » dans son titre, contribue au rayonnement des idées et des valeurs de l’égalité entre les femmes et les hommes. Un évènement est d’ailleurs prévu en 2016, au carrefour des droits humains et des droits des femmes. Enfin, je remercie le groupe Generali, qui soutient financièrement notre prix et permet de lui donner une attractivité plus forte, tout en permettant de renflouer les bourses étudiantes encore trop souvent trop vides aujourd’hui.

Ce soir, au travers de cet évènement, nous assistons à une belle dynamique qui associe acteurs et actrices de la vie civile, institutionnelle, politique et professionnelle. Cette synergie, nous la construisons au quotidien, vous la construisez au quotidien, et nous travaillons ensemble pour qu’elle se développe et se répande à tous les niveaux de la société.

M. Éric Lombard, directeur général de Generali France. Je voudrais tout d’abord revenir sur les raisons pour lesquelles l’entreprise Generali a apporté son soutien à cette initiative, en ajoutant qu’à titre personnel, je suis aussi très engagé sur ces questions.

Je travaillais auparavant à BNP Paribas et j’y ai assisté à la création, il y a environ une quinzaine d’années, d’un réseau de femmes cadres, « MixCity », qui existe toujours. J’ai été invité à la première réunion de ce réseau. Ayant la réputation d’être un manager attentif à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai été invité à la première réunion de ce réseau, ce qui m’a conduit à m’exprimer devant des centaines de femmes cadres. Ce type de déséquilibre numérique est assez inhabituel pour un homme, et malheureusement les femmes sont davantage confrontées à ce type de situation.

Voici en substance le discours que j’ai tenu alors : l’égalité entre les femmes et les hommes est une évidence, et de ce point de vue, il est un peu triste qu’en 2015 il faille encore s’engager et militer pour assurer cette égalité. S’il faut naturellement une égalité de représentation et de salaires, il est aussi nécessaire que les formes de travail dans les grandes entreprises intègrent mieux une façon peut-être féminine d’organiser le travail… Par certains aspects, l’organisation du travail est en effet très masculine dans des entreprises. J’ai donc dit à ces femmes de prendre le pouvoir, car c’est seulement ainsi que les modes de fonctionnement des entreprises sont susceptibles d’évoluer et d’être plus propices à la mixité et à une représentation plus égalitaire des femmes et des hommes, ce qui n’a d’ailleurs pas été sans susciter les inquiétudes du directeur des ressources humaines du groupe…

En tout état de cause, et pour faire le lien avec la campagne He for She, et le discours très beau et émouvant prononcé par l’actrice Emma Watson, les hommes doivent eux aussi militer pour l’égalité et pour la reconnaissance de la place des femmes dans l’entreprise.

Dans le secteur de la finance, une étude a été faite sur les entreprises qui prennent des risques financiers et font des pertes. Cette analyse a fait apparaître que le niveau de risques et pertes était en lien avec la proportion de femmes dans l’encadrement ; plus la proportion était élevée et plus la gestion des entreprises était prudente, et donc plus conforme à l’intérêt général. Ceci illustre clairement le caractère indispensable de la parité, et bien évidemment, quel que soit le secteur d’activité, la parité est un facteur d’efficacité essentiel.

Alors, pourquoi n’y est-on pas encore ? Probablement parce que l’on ne s’en occupe pas encore assez. Pour donner un exemple concret, dans l’entreprise Generali, qui compte environ 7 000 personnes, il y a 60 % de femmes, 50 % de femmes cadres, 30 % s’agissant des cadres dirigeants, et enfin 20 % de femmes au comité exécutif. C’est à la fois injuste et inefficace, mais nous avons décidé de veiller à la parité lors des promotions de cadres, et cela se fait d’ailleurs très naturellement, sans qu’il soit besoin de faire de la discrimination positive : il suffit de prendre des femmes et des hommes aptes à devenir cadres, et on arrive ainsi à la parité.

Il en va de même pour les nominations de cadres dirigeants, qui interviennent environ chaque année, et nous allons parvenir à augmenter la proportion de femmes au comité exécutif, même si cela prend du temps. Lors d’une récente réunion interne, des hommes se sont d’ailleurs inquiétés de la place qui leur serait réservée, ce à quoi j’ai répondu que cela serait fonction des talents.

Les choses peuvent d’ailleurs évoluer rapidement. Ainsi, dans une filiale d’assurance de BNP Paribas, Cardif, que j’ai précédemment dirigée, et si le comité exécutif ne comportait aucune femme lorsque j’ai pris mes fonctions, il en comptait 30 % lorsque j’en suis parti ; par ailleurs des femmes dirigeaient les principaux centres, en France et en Italie.

Il faut donc s’occuper de ces questions et, comme le met en lumière la campagne He for She, c’est aussi aux hommes qu’il appartient de s’en saisir. Pour donner quelques exemples des multiples initiatives concrètes que nous avons prises en ce sens, un observatoire des femmes dans l’assurance a été lancé par Generali. C’est un réseau très efficace, et les réseaux sont importants dans la vie professionnelle. Nous avons d’ailleurs entendu récemment la directrice de l’École nationale d’administration, Mme Loiseau. Nous avons également pris des initiatives dans le domaine sportif, avec un projet autour de la voile en particulier.

En saluant toutes celles et tous ceux ici présents qui se mobilisent pour cette cause, je veux souligner, pour conclure, que l’égalité entre les femmes et les hommes devrait être une évidence aujourd’hui et nécessite la mobilisation de tous.

Après un échange avec la salle, a eu lieu la remise des prix aux lauréates et lauréat du concours vidéo, en présence de Mme Blandine Lenoir, réalisatrice, de M. Laurent Duarte, secrétaire d’Alliance Ciné, de M. Romain Sabathier, secrétaire général du HCEfh, de Mme Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociaux de Generali, de M. Stéphane Foenkinos, réalisateur, et de Mme Laetitita Puertas, du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, suivie de la projection des courts-métrages primés.

Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France. Madame la présidente, je vous remercie de me faire l’honneur de clore cette magnifique manifestation. Je ne suis pas la seule à être émue et admirative de ce que l’on a pu voir ce soir. Pour le Comité ONU Femmes, il n’a pas été évident de s’engager dans ce projet dans la mesure où il a dû mobiliser beaucoup de ressources, avec l’implication de bénévoles et différents partenariats, et cela a été un travail de longue haleine pour arriver aujourd’hui à ce résultat très satisfaisant.

Cet effort participe, au niveau local, à quelque chose de mondial. Comme Mme Miren Bengoa l’a souligné au début de cette réunion, le moment est important : nous venons de célébrer les vingt ans de la conférence de Pékin, mais aussi d’adopter les objectifs de développement durable (ODD). Quatre-vingt chefs d’État et de gouvernement se sont engagés récemment à New York, à l’Assemblée générale des Nations unies, pour faire progresser plus vite l’égalité entre les femmes et les hommes d’ici quinze ans. Nous savons bien effet qu’au rythme actuel, il faudrait près de cent ans pour atteindre une égalité formelle.

Il faut se situer du côté des optimistes et nous avons des raisons d’y croire : la campagne He For She illustre à cet égard le changement qui peut se produire grâce à l’implication de l’ensemble de la société. Vous l’avez dit, M. Lombard, en écoutant Emma Watson, vous avez réalisé que non seulement les femmes devaient prendre le pouvoir mais aussi que les hommes avaient l’obligation de soutenir et promouvoir l’égalité. Des changements rapides sont possibles.

Je tiens enfin à remercier vivement la présidente de la Délégation aux droits des femmes, Mme Catherine Coutelle, ainsi que les intervenants, les membres du jury et les jeunes lauréats, ainsi que l’ensemble des personnes ayant contribué à l’organisation de cet évènement. Je vous annonce d’ailleurs que nous commençons déjà à préparer la prochaine édition de cette manifestation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Au début de cette législature, je me suis rendue à l’Organisation des Nations Unies (ONU) avec la ministre Mme Najat Vallaud-Belkacem, et nous y avons rencontré Mme Michelle Bachelet, qui était alors directrice d’ONU Femmes. Nous avions alors évoqué le vingtième anniversaire du Sommet du Caire sur la population et le développement, en 2014, et celui du sommet de Pékin, en 2015. Mme Bachelet nous avait alors répondu que pour l’instant, la priorité était de ne pas reculer, et qu’un grand évènement ne serait pas organisé de ce fait.

Nous avions pourtant réussi, à travers ces grandes conférences organisées dans les années 1990-2000, à réunir une majorité d’États qui avaient pris des engagements en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, face aux réactions d’un certain nombre de pays et aux conservateurs qui s’organisent très bien, et peut-être mieux que celles et ceux qui défendent l’égalité et la liberté, l’ONU n’avait pas alors souhaité le faire. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis très heureuse que nous ayons pu aujourd’hui organiser cet évènement et célébrer les vingt ans du Sommet de Pékin.

Je remercier les jeunes générations, filles et garçons, qui continuent de porter ce flambeau. Le féminisme existe encore, et aussi longtemps que subsisteront des inégalités salariales, dans l’accès aux postes à responsabilité, et des discriminations, avec par exemple des questions posées à des femmes lors d’entretiens d’embauches concernant leurs projets parentaux. Je vous remercie toutes et tous pour votre présence et pour cette si belle initiative, en formant le vœu qu’elle fasse l’objet d’une seconde édition.

La séance est levée à 19 heures 20.

——fpfp——

Membres présents

Présente. - Mme Catherine Coutelle.