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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 20 octobre 2015

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition de Mme Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique (CNN), chargée du groupe de travail du CNN sur l’emploi, le travail et le numérique, membre du conseil d’administration du groupe Casino et membre du conseil de surveillance de Lagardère, de  M. Ludovic Guilcher, directeur adjoint des ressources humaines du groupe Orange et directeur du programme de transformation digitale, et de Mme Nathalie Wright, directrice générale de la division Grandes entreprises et alliances de Microsoft France, sur la transformation numérique, l’emploi et le travail des femmes

La séance est ouverte à 18 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l’audition de Mme Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique (CNN), chargée du groupe de travail du CNN sur l’emploi, le travail et le numérique, membre du conseil d’administration du groupe Casino et membre du conseil de surveillance de Lagardère, de M. Ludovic Guilcher, directeur adjoint des ressources humaines du groupe Orange et directeur du programme de transformation digitale, et de Mme Nathalie Wright, directrice générale de la division Grandes entreprises et alliances de Microsoft France, sur la transformation numérique, l’emploi et le travail des femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure d’information sur les femmes et le numérique. Dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif au numérique, notre délégation poursuit ses auditions en abordant aujourd’hui la question de l’impact de la transformation numérique sur l’emploi et le travail des femmes. Nous avions initialement prévu d’entendre des sociologues du travail, mais aucune n’a pu se libérer pour assister à cette table ronde.

Nous accueillons aujourd’hui Mme Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique (CNN), chargée du groupe de travail du CNN sur l’emploi, le travail et le numérique, qui a été mis en place à la suite d’une lettre de saisine de M. François Rebsamen de décembre 2014. Elle est par ailleurs membre du conseil d’administration du groupe Casino et membre du conseil de surveillance de Lagardère. Le groupe de travail qu’elle pilote sur l’emploi, le travail et le numérique rendra son rapport en décembre 2015 à Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Elle va évoquer les premiers travaux menés dans ce cadre et les pistes de réflexion du groupe de travail.

M. Ludovic Guilcher est directeur adjoint des ressources humaines du groupe Orange et directeur du programme de transformation digitale. Il est entendu en tant que représentant de M. Bruno Mettling, directeur des ressources humaines (DRH) d’Orange et auteur du rapport Transformation numérique et vie au travail, remis à Mme la ministre Myriam El Khomri en septembre 2015 à la suite d’une saisine de M. François Rebsamen. Les propositions de ce rapport ont été évoquées lors de la Conférence sociale pour l’emploi, qui a eu lieu avec les partenaires sociaux le 19 octobre dernier, en présence du président de la République, M. François Hollande. M. Guilcher va nous présenter les objectifs et les travaux menés dans le cadre de la mission sur la transformation numérique au travail, dont la préconisation n° 9 est d’intégrer l’objectif de parité femmes-hommes dans la transformation numérique. Il pourra également évoquer des initiatives particulières mises en place au sein du groupe Orange.

Mme Nathalie Wright est directrice générale de la division « grandes entreprises et alliances » de Microsoft France et a été chargée du programme diversité de Microsoft. Elle est aussi membre de l’association Women in leadership et coresponsable du groupe de travail Women à la chambre de commerce franco-américaine. Son audition est l’occasion d’évoquer les principaux enseignements de l’étude inédite Ipsos-Microsoft, publiée en septembre 2010, sur l’apport du numérique dans la réduction des inégalités professionnelles femmes-hommes. Cette étude, réalisée auprès de 500 femmes françaises actives ou en recherche d’emploi, établit notamment une typologie de profils : « femmes numériques », « techno-demandeuses », « techno-sceptiques » ou « techno-défavorisées ».

Mme Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique (CNN), chargée du groupe de travail du CNN sur l’emploi, le travail et le numérique. Je vais m’exprimer à deux titres. D’abord, comme patronne d’entreprise, ce qui m’a amenée à mettre en place des dispositifs en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, en m’appuyant notamment sur le numérique comme accélérateur. Ensuite, comme chargée du groupe de travail du CNN sur l’emploi, le travail et le numérique, qui a commencé ses travaux il y a seulement deux mois, mais sur lesquels je peux vous fournir aujourd’hui quelques premières pistes de réflexion.

Pour le Conseil national du numérique, la question des femmes et de leur place grâce ou à cause ou par le numérique a toujours été une question centrale, y compris dans notre précédent rapport Ambition numérique, pour une politique française et européenne de la transition numérique, publié en juin 2015. Nous considérons en effet que le numérique, en changeant profondément l’entreprise, est une occasion à saisir pour rendre effective l’égalité femmes-hommes. Car si les quotas ont amélioré la présence des femmes au sein des conseils d’administration, les choses sont beaucoup plus compliquées au niveau des comités de direction, les « codir », et des comités exécutifs, ou « comex ».

Dans le cadre de nos travaux, nous nous sommes demandé pourquoi l’impact du numérique sur le travail revêt une telle ampleur par rapport à celui d’autres transformations précédentes, comme la révolution industrielle. L’explication est que si les postulats existent toujours, ils sont par contre amplifiés par le numérique. Un exemple : la question de la rigidité du cadre de l’emploi était déjà posée il y a quinze ans, mais elle prend aujourd’hui une dimension âpre car toute rigidité constitue un frein à l’accélération qui caractérise notre environnement actuel.

Nous avons organisé une quarantaine d’auditions – sociologues, économistes, patrons d’entreprise, chercheurs –, afin d’élaborer notamment une cartographie du numérique en termes de créations ou de suppressions d’emplois, de secteurs et de professions concernés, etc. Mais pour l’instant, nous ne pouvons pas prédire si le numérique supprimera des emplois ou pas, si l’automatisation concernera davantage les emplois à faible valeur ajoutée ou certaines professions intellectuelles, car les avis sont contradictoires.

Par contre, ces auditions ont montré qu’il existe des points de stabilité. Par exemple, si certains experts pensent que le numérique, qui représente d’ores et déjà 5,5 % du PIB, créera beaucoup plus d’emplois qu’il n’en détruira, quand d’autres pensent l’inverse et d’autres encore ne le savent pas, tous se rejoignent cependant pour dire que les emplois qui subsisteront seront ceux qui nécessiteront de la créativité, de l’intelligence émotionnelle, de l’intelligence relationnelle. Certains même disent que la force de demain sera le couple robotisation/humain.

À partir de ces points de stabilité, nous avons identifié six axes, sur la base desquels nous pouvons émettre de premières pistes d’amélioration.

Le premier axe est le dialogue social et le numérique.

Le deuxième axe concerne les indicateurs. En effet, les avis convergent pour dire que les indicateurs actuels ne sont pas pertinents : ils devraient être revus, en prenant notamment en compte les problématiques qui touchent les femmes.

Le troisième axe est lié à la fin du salariat – salariat au sens de l’emploi tel qu’on le connaît aujourd’hui, c’est-à-dire avec le statut qui s’y rattache. La distinction a été faite entre les notions d’emploi, de travail et d’activité, laquelle intègre des activités marchandes et non marchandes. Nous allons nous efforcer de définir ces notions, qui renvoient toutes à la création de valeur.

Le quatrième axe porte sur l’évolution de l’entreprise. Les avis convergent pour dire qu’il faut faire évoluer l’entreprise, mais aussi évoluer au sein même de l’entreprise. Faute de quoi, l’entreprise risque de disparaître, à la faveur de l’ « uberisation », et les salariés évolueront sans elle, ce qui posera la question de la précarité. Or les populations les plus précaires sont les jeunes et les seniors, mais aussi les femmes.

Dernier axe : les représentations mentales. Il ressort des auditions qu’il faut casser les stéréotypes, extrêmement forts. Nous en avons identifié un certain nombre, en particulier concernant les femmes.

Nous n’avons pas abordé notre rapport sous l’angle du genre. En revanche, en relisant les comptes rendus d’auditions – les experts étaient en majorité des hommes –, j’ai été frappée de constater que seules les femmes auditionnées ont abordé la question des femmes. C’est un point d’attention extrêmement fort dans une société où les dirigeants d’entreprise restent des hommes, où ceux qui détiennent l’information restent des hommes – la polémique récente sur les réseaux sociaux à propos de la garde du corps grecque de François Hollande, qualifiée de « jolie, grande, blonde » par Le Figaro, est tout à fait symptomatique. Dans la lutte contre les préjugés et les stéréotypes, l’État doit être garant de l’égalité hommes-femmes à tous les niveaux.

M. Ludovic Guilcher, directeur adjoint des ressources humaines du groupe Orange et directeur du programme de transformation digitale. Le travail de la mission de M. Bruno Mettling sur la transformation numérique s’est structuré autour d’un groupe d’experts regroupant des représentants du monde du travail, notamment des responsables syndicaux et patronaux, et des personnalités qualifiées, dont la vice-présidente du Conseil national du numérique et moi-même, en tant que chargé du programme de transformation numérique interne du groupe Orange.

Dans le cadre de ce travail, nous avons été frappés par le fait que, pour la première fois, l’entreprise est en retard par rapport à la société en matière d’adoption technologique. En effet, si les entreprises ont été les premières à s’équiper des outils de communication classiques – téléphone, fax, ordinateur –, l’adoption du mobile et de sa forme élaborée au travers des réseaux sociaux s’est développée beaucoup plus vite dans la sphère privée.

D’un côté, ce décalage est porteur d’espérance, car l’intégration du numérique dans l’entreprise fait suite à une adoption technologique par les citoyens. De l’autre, il interroge très fortement les grands groupes comme les nôtres, car les nouvelles générations ont du mal à comprendre pourquoi on n’a pas réussi cette transformation – elles questionnent même notre capacité à le faire.

En premier lieu, la transformation numérique de l’entreprise vient de l’extérieur – précisément du client – et elle progresse à l’intérieur de l’entreprise en changeant progressivement les métiers. À titre d’exemple, l’utilisation croissante du téléphone mobile vient du client, mais elle est devenue possible à l’intérieur de l’entreprise et elle transforme nos métiers, grâce à des applications mobiles internes pour valider ses congés, ses notes de frais, pour se former ou encore travailler sur le réseau social interne. Ainsi, le métier au sein de l’entreprise est en train d’évoluer en fonction de la manière dont a été structurée la relation avec le client.

Deuxièmement, l’entrée dans l’ère collaborative, avec le développement des réseaux sociaux, ne vient pas de l’entreprise : elle vient de l’extérieur. Nous travaillons avec nos clients – le grand public – pour trouver des solutions aux problèmes qu’ils posent : ils se répondent entre eux via des forums, sur lesquels nous intervenons. À l’intérieur de l’entreprise, l’une des grandes transformations du numérique est l’existence de réseaux sociaux internes qui, en permettant une circulation de l’information beaucoup plus rapide, aident les grands groupes à lutter contre l’un des grands risques auxquels ils sont confrontés, à savoir le travail en silos.

Troisièmement, les données analytiques – big data – sont utilisées dans la relation clients, mais vont très vite être utilisées à l’intérieur de l’entreprise, sous réserve de trouver le chemin d’acceptation sociale. Si les entreprises ne le font pas, d’autres le feront. La question n’est donc pas de savoir s’il faut le faire, elle est de trouver le chemin pour y parvenir.

D’autres tendances se développent aujourd’hui dans l’entreprise, comme la personnalisation de la relation client – possible grâce au big data. Dans le cadre du plan stratégique d’Orange, l’un de nos cadres nous a dit que, en tant que client d’Amazon depuis un mois, il avait reçu une proposition de voyage correspondant exactement à ses envies après avoir acheté seulement un livre et un vélo, mais qu’en vingt ans de salariat dans le groupe, il n’avait jamais reçu de manière proactive une formation digitale correspondant à ses besoins. Cet exemple montre que la demande de personnalisation dérive de la manière dont le salarié l’a vécue dans sa vie de consommateur.

Le rapport de M. Bruno Mettling met en avant les impacts majeurs de la transformation numérique.

Premier impact : la diffusion massive des nouveaux outils de travail, notamment la messagerie instantanée, le mail, le réseau social interne, la vidéo présence. Ces nouveaux équipements posent la question de l’hyper-connectivité et de la multi-connectivité.

Deuxièmement, l’impact sur les métiers et les compétences. Un exemple : quand un manager du groupe Orange souhaite trouver un profil qui corresponde à ses besoins dans ses équipes, il se tourne en général vers son responsable des ressources humaines (RH), mais dans un cas sur deux, il n’a pas la réponse car nos bases de données ne sont pas assez performantes. Or 80 000 des 150 000 salariés du groupe ont un profil de compétences renseigné sur LinkedIn : ce manager peut donc aller sur LinkedIn, faire une recherche en langage naturel et trouver la bonne personne. Cela s’appelle la désintermédiation, ou l’ « uberisation », de la fonction RH. Ainsi, notre métier est en train d’évoluer en raison du développement des outils. Cela est vrai pour les compétences, mais cela le sera aussi pour la formation : le jour où nous aurons l’outil adéquat, le métier du correspondant de formation, dont le rôle est de conseiller sur les formations, va lui-même évoluer. L’ingénieur formation, qui construit aujourd’hui des formations présentielles, devra bâtir des formations digitales.

Tous les métiers vont être impactés par le digital, et pas seulement les métiers en lien avec le client, autour d’une logique assez semblable, avec pour partie une désintermédiation, donc un repositionnement, et une obligation de maîtriser la donnée, faute de quoi d’autres le feront – LinkedIn est très apte à nous offrir ces services.

En outre, tout doit se faire de manière transversale. Pour construire une formation présentielle, l’ingénieur formation prévoit une slide, des créneaux avec les différents intervenants, et transmet tout cela à la personne qui organise l’intervention des animateurs, la location de la salle, la logistique. Mais s’il veut organiser une formation digitale, il se met autour de la table avec une personne des systèmes d’information, un ergonome designer, et il fait un massive open online course (MOOC). Il a donc acquis un vocabulaire qu’il n’avait pas auparavant et la capacité à dialoguer. On pourrait reprendre cet exemple pour le marketing, la relation client – nous devons chatter avec nos clients… Bref, les métiers sont profondément et durablement impactés par l’arrivée du digital.

Troisièmement, l’évolution numérique a un impact sur l’organisation du travail, ce qui renvoie à deux sujets : le développement du travail à distance et le mode collaboratif.

Le travail à distance, qui présente un intérêt dans l’optique du principe de mixité, bouleverse de manière importante la façon dont les équipes sont encadrées. Mais à chaque fois qu’il est appliqué, nous constatons qu’il augmente la productivité, le bonheur au travail, la satisfaction du salarié, sans compter qu’il améliore le bilan carbone. Sous réserve qu’il soit mis en place dans de bonnes conditions, c’est-à-dire dans une logique collective, où l’ensemble de l’organisation du travail est repensé. Nous y voyons une voie très intéressante.

Le travail en mode collaboratif nous amène à repenser les espaces de travail. Après avoir été critiqués par les organisations syndicales sur l’open space, nous arrivons aujourd’hui à une voie intermédiaire, avec des bureaux individuels et des espaces ouverts, cette reconfiguration permettant la coexistence dans une même journée de temps individuels et de temps collectifs.

Quatrièmement, le numérique a un impact sur le management. C’est l’impact le plus lourd, le plus compliqué, et il nécessite un management participatif. Nous nous sommes rendu compte que sept des dix agences Orange les plus performantes étaient dirigées par des femmes – alors qu’elles n’en dirigent que 30 %. L’explication est que le management féminin est beaucoup plus participatif, collaboratif, en particulier parce que les femmes arrivées à ce niveau ont davantage souffert que les hommes – elles ont dû concilier leur vie privée et leur vie professionnelle –, si bien qu’elles sont plus attentives aux difficultés rencontrées par leurs collaborateurs. Or une des caractéristiques du monde digital est la dimension participative et collaborative. Il existe donc un lien assez fort entre l’esprit digital et le mode de management.

Dernier impact de la transformation numérique : les nouvelles formes de travail hors salariat. Le fait qu’une certaine catégorie de population souhaite avoir un statut différent de celui de salarié est une question importante pour la fonction RH, car elle devra s’habituer à gérer des personnes en free-lance et des intérimaires, comme elle gère des contrats à durée indéterminée (CDI) et des contrats à durée déterminée (CDD). Il s’agit là d’une révolution copernicienne. Cela étant dit, ce discours est selon moi encore réservé à une certaine élite. En effet, dans un pays où 25 % des jeunes sont au chômage et 20 % d’une classe d’âge n’a pas le baccalauréat, il me semble exagéré de penser que l’obsession de chaque jeune est d’avoir un statut d’intermittent. En revanche, les personnes les plus demandées sur le marché du travail sont demandeuses de ce type de relation au travail, qui amène à passer d’un projet à un autre sans être forcément rattachées à un CDI. C’est un défi pour nous, pas encore pour le pays.

Face à ce constat, le rapport formule trente-six préconisations.

La première est l’éducation au numérique, qui doit commencer à l’école, mais se poursuivre au sein des entreprises. Chez Orange, le président Stéphane Richard a souhaité qu’un passeport digital soit proposé à chaque salarié pour s’éduquer au numérique, afin de ne pas risquer d’en laisser au bord de la route : nous avons une obligation de résultat en la matière et nous avons mis les moyens pour former les salariés, et ce n’est qu’un début.

Le rapport insiste sur l’intégration du numérique parmi les savoirs fondamentaux dès l’école. À noter qu’il n’existe ni agrégation ni CAPES d’informatique. Aujourd’hui, ce sont en général des professeurs de mathématiques qui enseignent l’informatique au collège et au lycée ; or on pourrait envisager une formation dédiée pour envoyer un signe positif.

Le deuxième volet de mesures concerne la qualité de vie au travail, avec le droit à la déconnexion sous ses différentes formes : le droit à la déconnexion hors du temps de travail, l’organisation d’un temps de déconnexion pendant le temps de travail, mais aussi le devoir de déconnexion – car si le salarié n’a pas la volonté de se déconnecter, il manque un élément dans cette dimension de coresponsabilité. On retrouve aussi les mesures favorables au développement du travail à distance.

Un troisième volet de mesures porte sur l’adaptation du droit social, avec comme mesure phare la sécurisation du forfait jours. Le forfait jours est en effet le statut le mieux adapté au monde du numérique, en particulier aux start-up, en organisant un temps de travail ne nécessitant pas d’être mesuré précisément et des temps de repos. Or il est remis en cause par la jurisprudence récente de la Cour de cassation.

Le quatrième volet de mesures concerne le développement de l’emploi non salarié, en lien avec la protection sociale des salariés. Le compte formation est une première réponse, mais il ne traite pas toute la protection sociale, loin de là.

En conclusion, le thème « digital et mixité » a été peu évoqué lors de ces travaux, mais le groupe Orange y travaille beaucoup. Nous sommes convaincus que nous avons un modèle européen à construire sur cette question. Il n’existe pas de modèle américain, le monde digital américain étant dominé par la gent masculine, en raison des voies de sélection.

Mme Nathalie Wright, directrice générale de la division Grandes entreprises et alliances de Microsoft France. En plus de l’étude Ipsos-Microsoft que vous évoquiez, madame la présidente, nous avons réalisé deux autres études sur l’impact du numérique, l’une en 2013 sur la transformation des métiers, l’autre en 2014 sur les cols bleus.

M. Guilcher a évoqué la transformation des métiers : elle concerne les ressources humaines, mais aussi les contrôleurs de gestion avec le big data ou encore les commerciaux. Un commercial dans une organisation comme Microsoft doit être très actif sur les réseaux sociaux et comprendre le client avant même de l’avoir rencontré. En effet, toutes les études démontrent qu’un client à qui l’on propose un service est déjà engagé à 60 % dans son processus de décision, autrement dit il sait déjà ce qui va l’intéresser ou pas avant qu’on ne l’ait vu. Cette donnée change fondamentalement tous les métiers. Et la tendance s’accélère.

La transformation numérique doit être inclusive de l’ensemble de la population, active ou non active, en particulier des cols bleus. En effet, l’étude lancée par Microsoft a montré qu’ils utilisent davantage la technologie dans leur cadre personnel que la moyenne des populations actives ou non actives, mais qu’ils sont relativement peu équipés – ils le sont le plus souvent avec des équipements fixes. Or tous admettent que les technologies pourraient leur apporter beaucoup dans l'exercice de leur métier au quotidien.

L’étude Microsoft-Ispos de 2010, menée auprès de 500 femmes françaises actives ou en recherche d’emploi, a mis en évidence des éléments qui sont toujours d’actualité. Ainsi, 53 % des femmes interrogées en recherche d’emploi estiment que leur situation professionnelle pourrait s’améliorer grâce aux technologies numériques. Parmi elles, 60 % déclarent n’avoir jamais bénéficié d’une formation au numérique. C’est tout l’enjeu de la fracture numérique, car une femme en recherche d’emploi ne sachant pas poster un CV sur Internet sera de facto exclue de 90 % des offres d’emploi proposées.

Ensuite, quatre femmes actives sur dix ressentent une moindre disponibilité dans le travail, en estimant ne pas pouvoir équilibrer convenablement leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Cette proportion augmente chez les mères d’un enfant de moins de quinze ans, à 56 %. En outre, pour 72 % d’entre elles, cette situation est causée par des contraintes de ménage et de gestion du foyer – et je ne crois pas que les choses aient changé depuis 2010…

Tous ces chiffres révèlent que les femmes perçoivent les bénéfices des nouvelles technologies pour améliorer leur situation professionnelle.

L’étude de 2010 a également dressé une typologie de profils.

Tout d’abord, les « femmes numériques », qui représentent 61 % de l’échantillon, sont bien équipées. Elles appartiennent plutôt à la catégorie des cadres et cadres supérieurs et sont très souvent confrontées à cet enjeu d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Les « techno-demandeuses », 10 % de l’échantillon, pensent que la technologie pourrait leur apporter des bénéfices et elles sont très volontaires pour s’engager dans cette voie. La majorité d’entre elles est en recherche d’emploi.

Les « techno-défavorisées », qui représentent 12 % du panel, aimeraient bénéficier du numérique, mais éprouvent un réel sentiment d’incompétence et d’incapacité à pouvoir le faire.

Enfin, les « techno-sceptiques » – 17 % de l’échantillon – sont un peu perdues, elles ne voient pas comment elles pourraient accéder aux nouvelles technologies et ne pensent pas qu’utiliser le numérique pourrait leur permettre d’améliorer leur situation professionnelle.

Au-delà de cette étude, on ne peut pas dire que les femmes sont « handicapées » face au numérique : plus de 50 % des internautes sont des femmes, elles passent en moyenne 8 % de temps de plus que les hommes à surfer, et elles sont très souvent prescriptrices de l’achat sur Internet. En revanche, les statistiques montrent que les femmes sont sous-représentées dans les métiers des technologies de l’information et de la communication, à 17 %. C’est toute la question de l’accès des filles aux professions techniques.

D’ailleurs, lorsque nous essayons de mettre en place des dispositifs pour encourager les filles à s’orienter dans les voies scientifiques, nous constatons que les stéréotypes sont très ancrés et même entretenus. Les jeunes filles en terminale S qui ne s’engagent pas dans les parcours scientifiques sont malheureusement de plus en plus nombreuses – seules 8 % de jeunes filles ont été retenues pour la première promotion dans l’école 42 de Xavier Niel. Si davantage de femmes s’orientaient vers les métiers du numérique, cela permettrait à nos entreprises d’employer plus de collaboratrices dans ce secteur, ce qui contribuerait à faire tomber les stéréotypes.

Face à ce constat, nous avons plusieurs idées à formuler au travers de pratiques que nous avons mises en place.

D’abord, ma conviction est qu’il faut faire bouger les lignes au niveau de l’individu : la loi ne pourra pas tout devant ce changement sociétal fondamental. Il convient donc de mettre en place des règles du jeu, de donner des impulsions qui seront reprises par le plus grand nombre.

Ensuite, le télétravail est un vrai sujet. Nous avons mis en œuvre un accord de télétravail sur une population très ciblée – nous avons une population de cadres –, tout en essayant de développer des pratiques de flexibilité au travail qui permettent à nos collaborateurs de travailler de façon beaucoup plus libre. Cette pratique oblige les managers à évoluer dans leur métier, car ils doivent être beaucoup plus clairs sur les objectifs qu’ils fixent à leurs collaborateurs dont ils ne devront pas juger l’efficacité à l’aune de leur présence dans l’entreprise. Cela n’est pas sans conséquence en particulier pour les femmes dont beaucoup souhaitent équilibrer leur vie personnelle et leur vie professionnelle autrement.

Il faut donner des impulsions pour que les jeunes filles elles-mêmes évoluent dans la façon dont elles perçoivent les métiers du numérique. Les jeunes filles de quartiers difficiles que nous accueillons pour leur montrer les perspectives offertes par les métiers du numérique pensent que le travail dans l’informatique implique de porter des lunettes, de rester posté derrière un écran et… d’être plutôt un garçon. C’est pourquoi nous venons de lancer les « colos numériques », des classes accueillies par des entreprises numériques pendant les vacances scolaires où les jeunes filles peuvent apprendre à coder. Il est clair qu’on ne peut pas s’en tenir aux formations traditionnelles ou au cursus traditionnels, autrement dit qu’il faut trouver d’autres modèles.

Enfin, l’enjeu de société est d’éviter la fracture numérique. Certaines personnes vivent en effet dans des zones non connectées et d’autres n’ont pas les moyens d’avoir un téléphone portable et une connexion. Pour avoir travaillé avec l’association Force femmes, je peux vous dire qu’il est très compliqué pour une femme de se réinsérer lorsqu’elle vit dans une zone éloignée, sans permis de conduire et sans ordinateur ou téléphone portable. Cela est vrai pour les hommes, mais surtout pour les femmes qui sont plus souvent dans cette situation.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. Notre collègue Corinne Erhel, qui a rendu avec Laure de la Raudière un rapport sur le numérique, m’a alertée sur la fin des métiers dits « d’intermédiation », qui pourrait aboutir aux États-Unis à la suppression de 800 000 postes. Or ces métiers – guichetier de banque, caissier de supermarché, agent de La Poste, etc. – sont majoritairement occupés par des femmes. Quelles sont vos préconisations en la matière ?

Alors qu’un grand nombre de femmes travaillaient dans l’informatique dans les années 1970-1980 –, elles y sont ultra-minoritaires aujourd’hui. Je constate d’ailleurs que les week-end gamers regroupent 99 % de garçons…

Mme Nathalie Andrieux. En Israël, les « startupers » – essentiellement des hommes – m’ont expliqué que les hommes sont majoritaires à travailler dans le numérique parce que les jeux vidéo sont une pratique qui concerne majoritairement les garçons ! Pourquoi ne pas encourager les filles à jouer à ces jeux dans une logique éducative ?

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. Comme l’a montré un rapport du centre Hubertine Auclert, l’image de la femme est associée à la mère de famille ou à une princesse dans les manuels scolaires de niveau CP !

Les enquêtes ont montré que si le télétravail correspond à ce qu’on appelait autrefois le travail à façon à la maison, il s’apparentera à un esclavage – la femme en horaires décalés se remettra à travailler à vingt et une heures trente ou vingt-deux heures, une fois les tâches familiales et domestiques terminées ! Il y a quinze ans, des pools de secrétaires en télétravail ont été expérimentés, mais elles ont toutes demandé au bout de trois mois à être ensemble parce qu’elles voulaient se parler ! Aujourd’hui, les employées qui prennent les rendez-vous pour les médecins n’ont aucun contact. Or le travail revêt une dimension sociale. Qu’en pensez-vous ?

M. Ludovic Guilcher. C’est une question d’équilibre. À Orange, nous avons signé un accord avec les organisations syndicales, dont SUD, qui prévoit une limite – pas plus de trois jours de travail à distance par semaine –, ainsi qu’une détection initiale de l’autonomie du salarié. Le but est d’éviter que le salarié se retrouve totalement isolé et ne demande jamais d’aide. Notre accord prévoit le télémanagement : c’est le manager qui est à distance, l’équipe restant sur un site non fermé. Ainsi, un télétravail encadré, c’est-à-dire limité en nombre de jours et assorti d’un retour en entreprise, notamment pour les moments collectifs, est plutôt favorable. Yahoo a mis fin au télétravail car toute vie collective avait disparu dans l’entreprise.

Mme Nathalie Wright. Chez Microsoft, nous avons signé un accord sur le télétravail pour des personnels assurant le support clients. Pendant un an, ce mode de travail a été testé sur deux jours à domicile, trois jours au bureau, puis, à leur demande, nos collaborateurs sont passés à trois jours à domicile et deux jours au bureau. Je suis d’accord avec vous : il est important de garder un lien social. J’ai le souvenir d’une entreprise américaine qui, confrontée à l’isolement de ses collaborateurs sans bureau, avait posé l’obligation pour chacun d’eux de passer deux jours par mois dans le monde associatif.

Avec nos assistantes, nous avons mis en place, non un accord de télétravail encadré, mais une autorisation de flexibilité au travail. Cette formule est appliquée à la demande et basée sur un accord entre le manager et le collaborateur. Ma propre assistante travaille très régulièrement chez elle, ce qui suppose bien évidemment d’être connecté.

Malgré cette logique de flexibilité, il est important que les membres du comité de direction n’envahissent pas les messageries électroniques de leurs collaborateurs par des mails intempestifs, ce qui nous a amenés à mettre en place des règles extrêmement strictes : pas de mails le soir après vingt heures, ni le week-end. Parallèlement, nous avons posé l’obligation pour les collaborateurs d’être présents aux réunions d’équipe, mais celles-ci ne peuvent pas avoir lieu avant neuf heures et demie ni se terminer après dix-huit heures. Et les choses fonctionnent ! Sans être parfaites, ces règles sont simplement de bonnes pratiques, que les nouveaux managers intègrent rapidement, et elles renvoient à ce que je disais tout à l’heure, à savoir notre capacité à faire autrement.

Mme Nathalie Andrieux. À Mediaposte communication, où j’ai été présidente directrice générale, nous avons élaboré en 2010 un plan stratégique comportant des règles, non sur le télétravail, mais sur les heures de réunion – pas avant neuf heures ni après dix-huit heures – et les congés de maternité. J’ai en effet constaté que le congé de maternité provoquait une fracture dans la carrière des femmes, à cause des idées préconçues sur leur capacité à faire face à leur retour ! En la matière, il est important d’avoir des indicateurs.

Sur le télétravail, je suis très vigilante. À Orange et à Microsoft, sont-ce les femmes qui ont saisi cette opportunité ou autant les femmes que les hommes ?

Mme Nathalie Wright. Pour l’accord sur le télétravail, la question du genre ne s’est pas posée : les techniciens de très bon niveau concernés étaient surtout des hommes, ils habitaient dans la Vallée de Chevreuse et avaient donc une contrainte particulière de transport.

En revanche, le cadre sur les modalités de flexibilité au travail est extrêmement attractif, ce qui nous a permis de recruter des femmes. J’ai vu régulièrement des femmes choisir de nous rejoindre à Microsoft parce qu’elles savaient qu’elles allaient pouvoir équilibrer leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

M. Ludovic Guilcher. Chez Orange, il n’y a pas plus de femmes que d’hommes qui ont recours au télétravail. Au total, 7 % ont signé un avenant.

Selon moi, la distinction est plutôt entre cadres et non cadres. Pour les personnels soumis à des horaires de travail, les risques de débordement sont faibles, contrairement aux cadres, qui n’ont pas d’horaires et peuvent travailler n’importe où, dans le TGV par exemple. Revenir sur cette autonomie serait considéré comme une infantilisation de nos cadres. Il n’empêche que nous sommes confrontés à un problème de surconnexion. C’est pourquoi nous organisons une formation interne visant à expliquer à nos salariés l'utilité de la messagerie instantanée, du réseau social, etc. À l’avenir, nous aimerions leur fournir un tableau de bord des outils digitaux qui leur donne une visibilité sur leur consommation par rapport à une moyenne.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. Le présentéisme semble être un défaut français majeur. À l’inverse, au Canada, un cadre qui n’est pas parti de l’entreprise à dix-sept heures est considéré comme mauvais. Cette question n’est donc pas liée au numérique.

M. Ludovic Guilcher. Le présentéisme est une caractéristique française, qui commence dès l’école – nos enfants ont beaucoup d’heures de cours ! Les Anglais font moins d’heures, mais ils arrivent plus tôt au travail et déjeunent beaucoup plus vite.

Mme Nathalie Wright. Pour avoir toujours travaillé dans des entreprises américaines, où le présentéisme n’est pas la règle, j’ai réussi à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Les entreprises américaines ont en effet une culture d’objectifs et de performance, qui apporte une certaine liberté aux salariés. Ce sujet n’est pas simple dans notre pays, sans doute à cause de la culture des notes dès l’enfance : on a peur d’être mal noté si les objectifs ne sont pas atteints…

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. La majorité des parents français sont favorables aux notes à l’école.

Mme Nathalie Wright. Microsoft a mis en place un outil visant à apprécier la performance en fin d’année. En pratique, il s’agit de savoir si un collaborateur peut démontrer son impact sur la performance des autres et de quelle manière il s’est appuyé sur les autres pour améliorer sa propre performance. La capacité à collaborer, et non à réaliser un objectif personnel, est très liée à l’environnement numérique qui repose lui-même sur la capacité à collaborer. Cette évolution n’est pas simple dans la culture française, elle demande du temps et de l’accompagnement.

M. Ludovic Guilcher. La robotisation va toucher des métiers internes comme des métiers externes, peut-être dans un premier temps via les écrans, avec du travail à distance.

Les métiers qui vont être impactés par le digital sont des métiers majoritairement maîtrisés par des hommes – puisque les femmes sont malheureusement minoritaires dans ce secteur. Or notre pays n’a pas franchi une étape satisfaisante en matière de parité, à propos de laquelle on a entretenu chez les jeunes générations l’idée qu’elle ne posait pas problème – les jeunes femmes le découvrent à l’arrivée du premier enfant, vers trente ans. Il y a donc urgence à corriger le tir.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. Les écoles sont mixtes et les filles réussissent mieux que les garçons jusqu’au baccalauréat. Une fois dans le monde du travail, les jeunes femmes découvrent que la maternité peut entraîner une discrimination et des difficultés dans la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme Nathalie Andrieux. L’impact du numérique est différent de celui de la révolution industrielle car la transformation est plus rapide. La révolution numérique revêt un caractère disruptif, ce qui implique de mettre en œuvre les changements rapidement.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. En France, où l’on attribue toujours une grande valeur aux diplômes, le numérique est-il une chance pour les jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification ?

La fracture numérique territoriale est toujours une réalité. Il y a encore des zones où le téléphone ne capte pas le réseau mobile Orange…

Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans certaines zones, on est obligé d’avoir trois téléphones avec trois opérateurs – Bouygues, SFR et Orange – pour s’assurer de pouvoir capter en fonction du lieu où l’on se trouve…

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. La secrétaire d’État chargée du numérique, Mme Axelle Lemaire, initie une démarche nationale d’identification des lieux de médiation numérique. Le numérique est une technologie pour laquelle les enfants sont, pour la première fois, plus doués que les parents. Qu’est-ce que vous inspire ce renversement complet de situation ?

Mme Nathalie Wright. Dans dix ans, une proportion non négligeable des collaborateurs – 75 % – sera née « avec ». L’avenir nous dira si le numérique donnera l’opportunité à ceux qui n’auront pas suivi un cursus scolaire traditionnel d’intégrer ces métiers. Nous avons des initiatives de même nature que l’école 42, où des jeunes sont plongés dans la « piscine », examen durant lequel ils doivent faire du code, c’est-à-dire résoudre une série de problèmes et développer des applications. Ces jeunes sont sélectionnés sur des critères très différents des critères classiques. Le ministère de l’éducation nationale lui-même conduit des initiatives pour apprendre aux jeunes à coder. Cela suppose que les entreprises accélèrent l’évolution des modalités de management et d’accueil de ces jeunes, dont les plus talentueux ont une vraie attente pour des modèles différents.

Mme Nathalie Andrieux. Les déclarations d’Axelle Lemaire découlent très largement du rapport Ambition numérique et de celui sur la littératie numérique du Conseil national du numérique, qui abordent l’apprentissage de l’algorithmie dès l’école et la mise en place de lieux de médiation. En effet, la fracture est plus sociale que générationnelle : les jeunes, les seniors sont connectés, alors que les personnes en situation précaire ne le sont pas. Or la fracture numérique en termes d’usage amplifie l’exclusion.

M. Ludovic Guilcher. Le numérique permet d’accéder à des emplois sans passer par les cursus traditionnels de l’éducation nationale, qui n’y forment pas directement. À court terme, le numérique permettra donc de créer des emplois. Orange ne recrute pas massivement dans ce secteur, mais nous ne sommes pas dépourvus en développeurs.

En revanche, j’ai une interrogation pour le long terme. En effet, la formation à un langage, à une spécialité, n’est pas nécessairement une formation à une adaptabilité, or l’évolution du digital nous oblige à faire évoluer très rapidement les compétences. Faute d’avoir acquis cette adaptabilité, les gens garderont leur travail quelques années seulement – beaucoup d’informaticiens sont aujourd’hui au chômage, alors que le pays est confronté à une pénurie de développeurs en raison de ce problème d’adaptation des compétences.

En tout cas, le numérique est une formidable opportunité. Les jeunes issus de quartiers défavorisés qui apprennent à coder grâce aux formations Simplon trouvent un emploi, alors qu’ils n’auraient eu aucune chance s’ils n’y avaient pas eu accès.

Mme la présidente Catherine Coutelle, rapporteure. Merci beaucoup, mesdames, monsieur.

La séance est levée à 19 heures 45.

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Membres présents

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Catherine Coutelle.

Excusés. – Mme Françoise Guégot, M. Christophe Sirugue.