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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 2 mars 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 15

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Colloque, ouvert au public, sur les femmes et la fonction publique d’État, en présence notamment de Mme Laurence Rossignol, ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation a organisé un colloque, ouvert au public, sur les femmes et la fonction publique d’État, en présence notamment de Mme Laurence Rossignol, ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, mesdames et messieurs, c’est avec un grand plaisir que j’ouvre ce colloque en présence de notre nouvelle ministre chargée des droits des femmes, Mme Laurence Rossignol, dont je tiens à saluer l’engagement déterminé pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

La Délégation aux droits des femmes a souhaité organiser ce colloque sur la place des femmes dans la fonction publique d’État, et notamment dans la haute fonction publique, pour procéder à un premier bilan de la loi Sauvadet, faire le point sur les avancées intervenues depuis lors et identifier les obstacles que les femmes peuvent rencontrer.

La loi Sauvadet, adopté en mars 2012, juste à la fin de la dernière législature, est une loi importante, qui constitue une étape vers l’égalité professionnelle dans la fonction publique. À l’époque, avec ma collègue Marie-Jo Zimmermann, alors présidente de la Délégation, nous avons enrichi le texte en y ajoutant un titre III comportant des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Celui-ci introduisait, notamment, des objectifs chiffrés de représentation équilibrée dans l’encadrement des trois fonctions publiques, avec 40 % de femmes d’ici à 2018. Je n’avais pas déposé d’amendements pour porter ce taux à 50 %, mais j’ai des réserves sur le principe même de quotas, une notion distincte de la parité. Ils sont néanmoins acceptables en l’occurrence en ce qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une montée en puissance.

Par la suite, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, portée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, a avancé cette échéance à 2017, concernant l’objectif de 40 %.

La loi prévoyait une représentation équilibrée des deux sexes dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance, les organes équivalents des établissements publics, les jurys de recrutement, les comités de sélection et les instances de dialogue social.

Nous avions prévu dans la loi des sanctions financières en cas de non-respect de ces obligations. Nous aurions souhaité la nullité des décisions. À défaut, nous avons obtenu la nullité des nominations, mais je serais curieuse de savoir si certains ont vu leur nomination annulée pour non-respect de la parité.

La Délégation est pleinement dans son rôle quand elle évalue les politiques publiques. J’ai souhaité organiser ce colloque à l’occasion de la journée du 8 mars, et quatre ans après l’adoption de la loi de mars 2012.

Malheureusement – et nous le soulignons à propos de presque tous les textes – nous manquons encore de statistiques sexuées fines, nécessaires pour mener une analyse précise de la réalité dans la fonction publique. Nous manquons, notamment, de statistiques sur les métiers exercés par les femmes, et sur les métiers exercés en majorité par des hommes, mais en cours de féminisation. Sur ce plan, le dernier rapport de situation comparée de la fonction publique est encore un peu moins clair que le précédent, nettement moins facile à lire, et pas plus sexué. J’invite donc le ministère de la fonction publique à retravailler ses statistiques, que l’on peut consulter sur internet. Je tiens toutefois à saluer une exception : la gendarmerie et la police, qui tiennent des statistiques précises. Mme Régine Desforges nous en parlera peut-être tout à l’heure.

Un autre élément positif mérite d’être souligné : la signature, par les pouvoirs publics et les représentants syndicaux, du protocole d’accord du 8 mars 2013, relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, qui prévoit notamment l’élaboration annuelle d’un rapport de situation comparée dans le cadre des bilans sociaux, outre le rapport annuel sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Ce rapport est très précieux, dans la mesure où il permet d’apprécier les avancées et de donner des directions. Je pense que Mme Soulay nous en parlera.

Pourquoi nous sommes-nous emparés de ce sujet ? Aujourd’hui, la parité en nombre est atteinte dans les trois fonctions publiques. Les femmes sont même majoritaires : il y a 61 % de femmes parmi les fonctionnaires. Il y en a 54 % dans la fonction publique d’État, sachant que ce pourcentage est dépassé dans l’éducation nationale, et bien plus bas dans l’armée. Le taux de féminisation de l’armée n’est en effet que de 15 %, ce qui constitue malgré tout le plus fort taux de féminisation des armées d’Europe. Il faut d’ailleurs préciser que la mixité dans les armées est un phénomène récent.

Mais si les femmes ont une place importante au sein des fonctions publiques, elles rencontrent de nombreux obstacles dans leur carrière.

Premier obstacle : les femmes s’orientent encore majoritairement vers des métiers réputés féminins. Selon les statistiques de 2014 : dans l’éducation nationale, elles représentent 70 % des agents, et dans les ministères sociaux, 65 % des agents. Dans la fonction publique territoriale, on dénombre 96 % de femmes dans les filières sociales et médico-sociales. Et dans la fonction publique hospitalière, neuf agents sur dix sont des femmes. Par contre, chez les ouvriers d’État, 87 % des agents sont des hommes.

Deuxième obstacle : la proportion des femmes dans les emplois d’encadrement ne reflète nullement leur place réelle. Les emplois de direction dans la fonction publique restent globalement encore très masculins : il n’y a que 26 % de femmes dans les directions de la fonction publique d’État, 35 % dans la fonction publique territoriale, et 45 % dans la fonction publique hospitalière.

La fonction publique hospitalière est toutefois un bon exemple d’une politique volontariste qui a permis d’accroître le nombre des directrices d’hôpitaux. Mme Marisol Touraine m’a raconté qu’à son arrivée, on lui avait expliqué qu’il était difficile de nommer des femmes à la direction des hôpitaux, parce qu’il n’y avait pas de vivier suffisant. Elle a donc procédé de la façon suivante : quand un poste se libérait, elle demandait qu’on lui propose trois personnes, dont une de sexe différent des deux autres. Cela lui a permis de nommer des femmes. Ensuite, d’autres femmes, constatant qu’il était possible de devenir directrice d’hôpital, se sont portées candidates. De fait, quand les femmes se sentent barrées ou s’aperçoivent qu’elles n’obtiennent jamais tel ou tel poste, elles finissent par ne même plus le demander.

La situation est un peu différente dans la magistrature – peut-être Mme Joly-Coz nous en parlera-t-elle – puisque 62 % des magistrats sont des femmes. Mais elles sont beaucoup moins nombreuses dans les hautes fonctions de la magistrature : cours d’appel, Cour de cassation, etc.

Troisième obstacle : l’inégalité des salaires. S’agissant de la fonction publique, cela étonne. Pourtant, la moyenne des salaires des femmes y est de 1 270 euros, et celle des hommes de 1 670 euros. Cela s’explique de deux façons. Premièrement, les temps partiels sont beaucoup plus fréquents chez les femmes ; 22 % des femmes, dans la fonction publique sont à temps partiel, sans que l’on sache s’il s’agit d’un temps partiel choisi. Deuxièmement, les primes sont très inégalement réparties entre les hommes et les femmes. Et ce n’est pas une donnée facile à obtenir, car on ne fait pas état de ses primes. Il faudrait donc que les primes, et notamment les primes au mérite, soient publiées. En outre, les femmes travaillent moins souvent dans les secteurs où les primes sont importantes. Par exemple, dans les collectivités locales, les services techniques reçoivent davantage de primes que les services sociaux ou les écoles. Et je passe sur les retraites…

Comme je l’ai dit au début de mon propos, la loi Sauvadet a permis de rééquilibrer, dans les trois fonctions publiques, la place des femmes dans les postes de direction.

En 2012, un ministère des droits des femmes de plein exercice a été créé. La même année, un comité interministériel aux droits des femmes a généralisé dans l’ensemble des ministères l’élaboration de feuilles de route destinées à mesurer et à résorber les inégalités dans la fonction publique.

Enfin, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire à l’égalité a été nommé auprès du ministre. Nous y reviendrons au cours de ce colloque, sans doute avec Mme Genthon, qui est haut fonctionnaire à la promotion de l’égalité au ministère de la culture, et avec M. Prince, qui est délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle au ministère des finances.

Mme Laurence Rossignol, ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les membres de la fonction publique, mesdames et messieurs de la société civile, je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui pour ouvrir ce colloque. C’est ma première intervention ici en tant que ministre des droits de femmes. En outre, j’interviens à l’invitation de la Délégation aux droits des femmes, qui n’a pas toujours existé. J’ai connu le temps où il n’y avait pas de Délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, et où les députés essayaient de faire valoir les droits des femmes dans leurs différentes commissions.

Cette intervention ouvre une séquence qui est celle du 8 mars, et qui se poursuivra par d’autres colloques, d’autres temps forts, d’autres commémorations. Je remarque que tous les ans, on se demande s’il faut fêter le 8 mars et s’il ne s’agit pas d’une simple journée « bonne conscience ». Et en fin de compte, chaque année, on le commémore avec plaisir. Car c’est un temps de diagnostic partagé sur l’état des inégalités entre les femmes et les hommes, et sur la place des femmes dans la société. C’est le moment d’évoquer les avancées, pour montrer que nous progressons. Et heureusement, car sinon, nous découragerions les jeunes féministes de se joindre au combat que nous menons depuis tant d’années. Et puis, c’est le moment de pointer les obstacles et de les rendre visibles aux yeux de ceux qui en profitent le plus souvent.

Ce colloque va donc nous amener à identifier les freins que rencontrent les femmes dans la fonction publique, mais aussi les progrès réalisés. Dès ma nomination, j’ai exposé comment je concevais l’action de mon ministère au cours des quatorze mois qui me sont impartis, bref laps de temps qui limite quelque peu mes ambitions : alléger, soulager le poids du fardeau imposé aux femmes, ce sac à dos si chargé qui les empêche de partir sur un pied d’égalité avec leurs collègues masculins, d’avancer et de construire leur vie professionnelle sans renoncer à une vie familiale et personnelle, dans le respect de leurs choix et de leur liberté. Et je considère que si nous sommes ici ensemble, c’est parce que nous avons la volonté de donner aux femmes l’envie de construire, de se lancer et surtout, de ne jamais abandonner avant même d’avoir essayé.

Vous le savez, certains constats sont accablants. Ils ne peuvent être ni acceptés, ni relégués au second plan. Régulièrement, nous constatons que tout n’est pas acquis et que nous n’avons pas tout obtenu. Mais qu’est-ce que les femmes veulent encore, diront certains ? Eh bien, l’égalité justement. Voilà ce que nous voulons et voilà pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.

L’égalité est un principe qui fonde notre vie démocratique, notre vie en société, un principe qui fonde la République. Et nous devons régulièrement rappeler que ce principe inclut l’égalité entre les femmes et les hommes. En vertu d’un tel principe, l’exigence envers l’État est d’autant plus forte que celui-ci se doit d’être exemplaire : exemplaire en matière d’égalité homme-femme, bien sûr, et exemplaire parce qu’il doit appliquer à son propre fonctionnement l’exigence qu’il pose et qu’il impose à l’ensemble de la société. Il doit ouvrir la voie et servir de référence.

Faire le choix aujourd’hui d’aborder la place des femmes dans la fonction publique, c’est commencer par reconnaître que l’État n’est pas aussi exemplaire que nous le souhaiterions – Catherine Coutelle l’a évoqué dans son propos liminaire. C’est donc donner un coup de projecteur sur certains points.

Premier point : la fonction publique est féminisée, comme on l’a dit. Néanmoins, l’égalité des droits reste à construire dans les faits et tout au long des carrières. Les femmes rencontrent à mon sens trois grands obstacles quand elles exercent leur travail au sein de la fonction publique – et mes propos vont rejoindre le constat dressé à l’instant par Catherine Coutelle.

Premier obstacle : les écarts de rémunération. L’absence ou l’insuffisance d’éléments statistiques plus approfondis les concernant est regrettable. Parler d’écart global dissimule des situations très diverses et, dans les faits, occulte nombre de niches à inégalités. Le rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique constitue un outil statistique sur lequel nous pouvons nous appuyer, mais il mérite d’être encore travaillé et affiné.

Les écarts de rémunération constituent donc une première entorse. Dans la fonction publique d’État, l’écart est de 15 %. Il est plus faible que dans la fonction publique hospitalière, où il est de près de 22 %. Mais il est plus important que celui de la fonction publique territoriale, où il n’est « que » de 10,8 %.

Je tiens à ce que nous continuions à rappeler ces chiffres, pour inciter les femmes à connaître les rémunérations de leurs collègues masculins, afin de comparer leur situation et passer à l’action, ou plutôt à la négociation. Il n’est pas rare que les femmes, aussi bien dans le public que dans le privé, découvrent par hasard – parce qu’il a malencontreusement laissé traîner sa feuille de paie à côté de la machine à café – que le collègue qui fait exactement le même travail gagne 10 % à 15 % de plus qu’elles, sans explication possible. Pour moi, la transparence des rémunérations reste un objectif et un outil extrêmement efficace pour lutter contre les écarts de rémunération, mais aussi pour permettre aux femmes de les connaître, car elles ne s’en doutent pas toujours.

Deuxième obstacle : les femmes rencontrent davantage de difficultés que leurs collègues masculins à accéder aux responsabilités professionnelles. C’est un obstacle majeur, parce que c’est lui qui va déterminer, en fin de compte, bon nombre des discriminations que subiront les femmes tout au long de leur carrière.

Bien que les cadres A soient majoritairement des femmes dans les trois versants de la fonction publique, celles-ci accèdent peu et mal aux emplois de direction. Dans la fonction publique d’État, les emplois de direction sont occupés à 26 % par des femmes. Cela prouve que le plafond de verre résiste somme toute assez bien à la place importante qu’occupent les femmes chez les cadres de catégorie A.

Enfin, troisième obstacle : dans l’ensemble de la fonction publique, les femmes se trouvent plus souvent en situation de précarité. Elles sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à être non titulaires et à être à temps partiel.

Comment peut-on expliquer l’existence, ou du moins la persistance de ces différents obstacles ?

Comme toutes les femmes, celles qui travaillent dans la fonction publique font face à des contraintes liées aux stéréotypes de genre, à l’inégale répartition des corvées domestiques et des responsabilités familiales.

Par ailleurs, s’agissant des postes à responsabilité, elles n’échappent pas non plus aux contraintes liées au fonctionnement général du milieu professionnel. Il n’a échappé à personne que bien des décisions se prennent de manière informelle entre 19 heures 30 et 21 heures, l’heure à laquelle les femmes regardent leur montre en se demandant ce qui se passe à la maison.

Dans la fonction publique, les femmes rencontrent également des problématiques spécifiques. Si elles souhaitent accéder à des postes à responsabilité, elles doivent faire face au poids des nominations, à l’autocensure et aux stéréotypes qui constituent des freins considérables. Nathalie Loiseau, qui est aujourd’hui directrice de l’École nationale d’administration (ENA), raconte dans son livre l’anecdote suivante : au moment de nommer une femme qui rassemblait toutes les compétences requises pour un poste d’ambassadeur, ses collègues se rendant compte qu’aucune femme n’avait jamais occupé ce poste, ont fini par se demander si c’était possible et si elle « avait les épaules » pour cela. Mais dans ce cadre, que peut bien vouloir dire « avoir les épaules », sinon remettre en cause la ténacité et l’engagement de cette personne simplement parce qu’elle est une femme ?

Autre exemple : j’ai lu un article où l’on écrivait qu’hier, Myriam El Khomri avait été « indisposée ». La connotation de cette expression n’aura échappé à personne. Cela montre à quel point les messages subliminaux continuent de nous stigmatiser et de nous assigner à notre condition de femmes.

On l’a dit, l’arsenal législatif est aujourd’hui conséquent. Mais les inégalités femmes-hommes sont sournoises et se moquent de la loi. Nombre de femmes sont admirablement douées et performantes. Mais elles n’en subissent pas moins le poids des archaïsmes, des stéréotypes et des responsabilités familiales. Dans la fonction publique comme dans le privé, le fait que les corvées domestiques et les tâches familiales soient toujours réalisées à 75 ou 80 % par les femmes pèse sur tous les engagements professionnels et sur toutes les carrières. Et on le sait, pour réussir, une femme a besoin du soutien déterminant de sa famille, de son compagnon ou de sa compagne.

Depuis 2012, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur un objectif : dépasser l’égalité formelle, et donc atteindre l’égalité réelle. La loi du 4 août 2014 a mis en place des mesures concrètes pour agir sur les inégalités là où elles se trouvent, notamment dans la sphère familiale avec la réforme du congé parental et la mise en place de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA).

S’agissant plus particulièrement de la fonction publique, il convient de souligner les progrès réalisés et l’action constante du Gouvernement. L’État, en tant qu’employeur, s’est lui-même attaché à suivre les obligations en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Dès 2012, le Premier ministre a nommé un gouvernement paritaire. Et je tiens à souligner que cette parité résiste à la durée. En effet, l’histoire ne manque pas de quinquennats ou de septennats qui ont commencé par un gouvernement paritaire. Mais des quinquennats ou des septennats qui ont tenu la parité tout au long de la mandature sont beaucoup plus rares. C’est le cas de ce quinquennat.

Le Gouvernement a également veillé à une application volontariste de la loi Sauvadet. Les nominations aux plus hauts emplois de l’État sont désormais soumises à des quotas. Pour ma part, j’aime bien les quotas, ou du moins j’en apprécie l’efficacité. Et je pense que l’on en a encore pour un moment avec les quotas, dont les échéances de mise en œuvre ont d’ailleurs été rapprochées, par rapport à la loi Sauvadet, par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Notre objectif actuel est ainsi de 40 % de femmes dans les flux de nomination aux postes de cadres dirigeants de l’État en 2017 plutôt qu’en 2018. Au mois de janvier 2016, nous en étions déjà à 33 %. Nous accélérons le mouvement car la dynamique ambitieuse qui est à l’œuvre est allée au-delà de nos impératifs. En 2013, les objectifs fixés par la loi avaient d’ores et déjà été dépassés – 29 % pour une obligation de 20 %. Ce volontarisme est propice à notre objectif qui est de briser le plafond de verre. La contrainte législative a, là encore, démontré toute son efficacité.

Le Gouvernement ne relâche pas pour autant son effort. Nous menons actuellement une étude sur les nominations dans l’encadrement supérieur. Cette étude devra nous permettre d’identifier la cause de la persistance des inégalités de carrière entre les femmes et les hommes, hautes fonctionnaires et hauts fonctionnaires, et d’identifier des leviers d’action.

Un mouvement structurel a par ailleurs été lancé avec la signature du Protocole d’accord du 8 mars 2013 relatif l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Il repose sur le dialogue social et met en place des mesures concrètes, déclinées par chaque ministère, en faveur de l’égalité des rémunérations et des carrières, de l’articulation entre vie professionnelle, vie personnelle et familiale, mais aussi contre le harcèlement au travail. Ce dernier point est très important, car il ne faut jamais oublier de souligner que le harcèlement est un obstacle de taille à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Nous avançons donc. Le label « égalité professionnelle », qui correspond à un cahier des charges exigeant en matière de recrutement, d’accès à la formation et de gestion des compétences, fait d’ores et déjà l’objet d’un engagement fort de la part de cinq ministères.

Nous devons aussi agir à la source des inégalités. Lorsque l’on parle des inégalités femmes-hommes dans la fonction publique, on parle souvent des carrières des fonctionnaires, de la vie de la fonction publique. Mais les fonctionnaires le sont pour servir, et aussi pour servir des causes, et notamment celle de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, contre les violences et contre le sexisme.

Je souhaite donc que nous étudiions avec précision la place donnée à ces sujets dans les formations initiale et continue des fonctionnaires. Pour un certain nombre d’entre elles, nous les connaissons. Ainsi, dans la police, la formation à l’accueil des femmes victimes de violences a progressé. Mais je ne suis pas sûre que l’ensemble des fonctionnaires reçoivent une formation qui leur permette, dans l’exercice de leurs tâches et de leurs fonctions, de déployer une action publique au service de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Voilà pourquoi j’ai bien l’intention de m’intéresser aux nombreuses formations de la fonction publique.

Mais au-delà de son rôle d’employeur, ce gouvernement a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes un réflexe, une évidence dans la construction des politiques publiques. De façon très concrète, un haut fonctionnaire en charge de l’égalité des droits a été nommé dans chaque ministère et les conférences de l’égalité, qui se tiennent tous les ans, permettent d’actualiser les feuilles de route de chaque ministère, afin que la promotion des droits des femmes irrigue l’ensemble des politiques publiques. Enfin, nous allons réunir le Comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne l’avons pas réuni chaque année, comme nous aurions probablement dû le faire. Je sais, madame la présidente, que cela vous préoccupe, et que les attentes sont grandes. Mais je m’emploie à y mettre un contenu à la hauteur de nos ambitions en matière d’égalité.

Vous pouvez le constater, la promotion des droits des femmes au sein de la fonction publique et dans l’action interministérielle se fait de façon méthodique. C’est une volonté de tous les instants, un engagement nourri pour des résultats concrets, bien au-delà des effets d’annonce. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner aux femmes les moyens de leur autonomie, pour que les cartes ne soient pas battues d’avance, mais distribuées justement.

Au-delà de l’aspect politique, il y a une véritable révolution culturelle à mener : celle de l’évolution des mentalités, à laquelle je vais consacrer les quatorze mois que j’ai devant moi en disant tout simplement aux femmes : ne cédez rien, ne vous laissez pas marcher sur les pieds ! Soyez sûres de vous, soyez ambitieuses. L’ambition est toujours reconnue comme une qualité pour les hommes, elle l’est tout autant pour les femmes. C’est la condition nécessaire à l’épanouissement personnel et à la réussite des grands et beaux projets pour le développement de notre société et de nos familles. Une mère de famille heureuse dans son travail et épanouie dans son activité professionnelle est une mère de famille heureuse et épanouie auprès de ses enfants.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, madame la ministre, pour ces propos, ces encouragements et ces perspectives. Il est exact que la réunion prochaine du Comité interministériel aux droits des femmes sera la bienvenue.

La première partie de ce colloque sera consacrée à la question suivante : concernant les femmes dans la fonction publique, quelles avancées depuis 2012 ? Nous poursuivrons ensuite nos débats, en évoquant les femmes actrices du changement dans la haute fonction publique : quels sont les changements introduits par les femmes et quels freins rencontrent-elles ?

S’agissant de la première partie, je remercie Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), d’avoir accepté de remplacer Mme Françoise Milewski, membre de ce Conseil, qui a malheureusement été victime d’un accident de voiture. Je la remercie d’autant plus qu’elle a accepté d’intervenir au pied levé et qu’elle est plutôt spécialiste de l’égalité professionnelle hommes femmes dans le secteur privé.

*

« Les femmes dans la fonction publique d’État : quelles avancées depuis 2012 ? »

Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). Madame la présidente, je suis là en effet comme secrétaire générale du Conseil supérieur, mais aussi comme fonctionnaire : je connais moi aussi de l’intérieur les subtilités des promotions et des inégalités.

Le sujet sur lequel j’ai été invitée à intervenir – « rupture ou continuité pour les femmes dans la fonction publique depuis 2012 » – est clair. Il amène à se demander si la loi Sauvadet, qui porte sur l’accès à l’emploi titulaire et sur la lutte contre les discriminations, est vraiment la loi fondatrice de la modernité paritaire dans la fonction publique. La réponse est double : oui, sans aucun doute, pour les nominations dans les emplois supérieurs et dirigeants ; non, sans aucun doute, pour l’accès des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des établissements publics. Pourquoi un tel jugement ?

Nous avons un cadre légal et une politique publique parfaitement favorables à une rupture, c’est-à-dire à un changement et à des progrès en matière d’égalité. Mais étrangement, l’État, qui se doit d’être exemplaire et qui est prescripteur de normes, s’y est pris à plusieurs fois, notamment pour la loi sur les conseils d’administration.

Nous avons ainsi la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 qui traite d’un certain nombre de conseils d’entreprises publiques et d’établissements publics ; puis la loi Sauvadet du 12 mars 2012, qui élargit le champ à d’autres établissements publics ; puis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui l’élargit aux établissements publics administratifs ; enfin, le décret du 30 décembre 2014, qui porte à 50 % les nominations des personnalités qualifiées au sein des conseils d’administration des établissements publics, et qui accélère le calendrier à 2017.

C’est une architecture très importante, mais encore plus importante s’agissant de l’autre volet sur les conseils d’administration, c’est-à-dire la lutte contre les inégalités, avec trois points forts qu’il convient selon moi de citer.

D’abord, il faut faire des rapports. Vous avez dit, madame la ministre et madame la présidente, à quel point nous manquions de statistiques. Or on doit maintenant établir des rapports sur l’égalité professionnelle dans le cadre du bilan social, devant les comités techniques, et puis le fameux rapport devant le Conseil commun de la fonction publique, que le Gouvernement doit aussi remettre au Parlement.

Ensuite, a été mis en place un dispositif de représentation équilibrée, non seulement dans les conseils d’administration, mais aussi dans les comités techniques, parmi les membres des jurys des comités de sélection, et dans le Conseil commun de la fonction publique. Sans compter le dispositif de nomination équilibrée dans les emplois supérieurs et dirigeants de la fonction publique, qui a été évoqué devant vous à plusieurs reprises.

Il y a donc à la fois des mesures très strictes pour ce qui est de la lutte contre les inégalités au sein de la fonction publique, et des mesures strictes pour la place des femmes dans les conseils d’administration. Mais, et c’est cela la grande différence, dans un cas on a mis en place tout un appareil de suivi, toute une méthodologie que je trouve assez exemplaire, et dans l’autre, il n’y a rien : c’est le désert !

Commençons par ce qui me semble très bien, c’est-à-dire le suivi au sein de la fonction publique, en matière de lutte contre les inégalités.

Ce suivi est exemplaire, d’abord parce qu’il y a des sanctions, et que sans sanctions, rien ne se passe. En 2017, la contribution financière pour nomination manquante – c’est-à-dire une pénalité en fonction du nombre de nominations faisant défaut pour atteindre la proportion minimale de personnes de chaque sexe fixée – pourra aller jusqu’à 90 000 euros, ce qui n’est pas rien.

Ensuite, parce que c’est un accompagnement en cascade : un comité interministériel aux droits des femmes a été réuni en 2012 ; un protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans la fonction publique a été signé le 8 mars 2013. Ce dernier insiste sur quatre éléments fondamentaux de la philosophie de lutte contre les inégalités : l’importance du dialogue social, l’effectivité de l’égalité de rémunérations et des parcours, une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, et enfin la prévention des violences.

Nous avons également des feuilles de route qui sont soutenues et orchestrées par les hauts fonctionnaires de l’égalité. Tout cela fait vraiment un appareil méthodologique.

Alors oui, le bilan est bon : publication de la circulaire du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique ; création de référentiels de formations pour la fonction publique ; actualisation du répertoire des métiers, pour éliminer les dénominations discriminantes ; déclinaison du protocole du 8 mars 2013 et des rapports. C’est donc un réel suivi.

En revanche, côté conseil d’administration, dans les établissements publics, il n’y a pas grand-chose. La loi n’a pas prévu d’instance de suivi et de contrôle. Il n’y a pas de mise en place de viviers de femmes, en dehors d’un certain nombre d’expériences et d’initiatives lancées par les associations. Nous ne savons même pas quel est le champ exact des entreprises couvertes par la loi. La situation est assez étrange. En effet, nous sommes face à une terra incognita, d’étendue potentiellement pharaonique. Si le Contrôle général économique et financier (CGEFI) contrôle 750 opérateurs, on est vraiment loin du compte puisque l’on estime qu’il y aurait à peu près 9 000 établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et 330 établissements publics administratifs (EPA). Vous voyez qu’il y a de quoi faire…

Évidemment, les chiffres sont en accord avec ce paysage en demi-teinte. Récemment, de nouvelles études sur la fonction publique ont été menées, notamment par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et par le Défenseur des droits. Certaines d’entre elles portent sur les écarts de rémunération et le plafond de verre dans les ministères. J’en retiens cette phrase, censée expliquer la carrière des hommes : « il a une épouse formidable ! J’ajouterai pour ma part celle-ci : « elle n’a pas les épaules assez larges ! » Ces deux phrases résument à elles seules l’étude sur le plafond de verre dans les ministères.

Les écarts de rémunération sont estimés entre 15 et 16 % dans la fonction publique d’État, et à 19 % dans les secteurs publics. Et selon le groupe Economics, qui fait partie des chercheurs que vous avez sollicités, progresser dans l’échelle des rémunérations est plus difficile pour les femmes que pour les hommes ; plus le niveau des rémunérations est élevé, moins les femmes ont une probabilité d’y accéder.

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’accroît tout au long de la carrière. L’écart moyen de salaire – si l’on prend en compte les primes – entre les femmes et les hommes de 25 ans, en catégorie A, est de 1 886 euros, soit 6,7 %. Il passe à 11 450 euros à l’âge de 50 ans, soit 24,5 %.

Les femmes sont faiblement représentées aux postes de décision. 54 % des cadres de la fonction publique sont des femmes – pourcentage supérieur à celui des femmes cadres dans les entreprises, qui est aux alentours de 43 %. Mais il n’y en a que 26 % aux postes de direction.

Maintenant, quelle est l’évolution du taux de primo-nomination des femmes ? Alors que nous étions à 33 % en 2013, nous sommes descendus à 30 % en 2014, avec des vagues extraordinaires : 22 points de plus dans les ministères des affaires sociales, mais 20 points de moins pour le ministère de la culture, 11 points de moins au ministère de l’éducation nationale. Les ministères financiers et le ministère de la défense se sont avérés, quant à eux, de très mauvais élèves.

J’en viens au pourcentage de femmes dans les conseils d’administration. Si l’on atteint 31 % dans les établissements publics, selon une analyse partielle du CGEFI, on n’est qu’à 25 % de femmes dans les entreprises soumises à la loi Copé-Zimmermann, et à 29 % dans les entreprises soumises à la loi Sauvadet. C’est moins que dans les conseils d’administration du privé, où ce taux est d’environ 31 % pour les entreprises du CAC 40 et de l’indice SBF 120. Il y a donc des freins, des résistances structurelles et évidemment culturelles.

Les freins structurels sont liés au fait que les salariés hommes et femmes n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques individuelles liées au salaire, en termes de capital humain, d’âge, de temps de travail, et au fait qu’ils n’occupent pas les mêmes emplois. Il faut également prendre en compte les traitements « genrés » des carrières et des rémunérations, cette fameuse discrimination systémique, ce noyau dur résiduel, inexplicable et qui est de l’ordre de 11 %, pour expliquer les différences de rémunération dans la fonction publique d’État. Un diplôme de femme vaut moins qu’un diplôme d’homme dans la fonction publique. Il y a un rendement différent des facteurs.

Autrement dit, les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois, ne font pas les mêmes métiers, n’utilisent pas leur temps de la même façon et ne grimpent pas de la même façon à l’échelle des carrières. Autrement dit, les emplois, les métiers, le temps, les échelles de carrière sont sexués. Autrement dit, les murs de verre, les plafonds de verre, les escalators de verre et le brouillage du temps sont la règle. Autrement dit, les biais sexistes sont légion !

Évidemment, c’est de la ségrégation professionnelle. Vous la connaissez par cœur, et elle explique à peu près 40 % des écarts de rémunération. Elle est à la fois horizontale et verticale. Elle est dans le temps de travail : 83 % des employés à temps partiel sont des femmes, et 45 % d’entre elles déclarent travailler à temps partiel pour raison familiale, contre seulement 10 % des hommes.

L’étude sur les plafonds de verre, que j’ai évoquée tout à l’heure, nous apprend beaucoup de choses. Par exemple, les femmes refusent plus souvent que les hommes les postes en cabinet ministériel, parce qu’elles sont occupées par leurs enfants. Il est plus difficile pour elles d’accepter la mobilité géographique. Sans oublier la résistance du conjoint, l’affaiblissement du réseau familial, la culpabilité et la réprobation sociale en cas de célibat géographique. En revanche, quand les hommes partent, notamment à l’international, ils acquièrent une sorte de capital international qui ne les pénalise jamais.

La maternité est aussi une source importante des inégalités salariales. Trois ans après la naissance d’un premier enfant, le salaire journalier des mères baisse en moyenne de 2,6 à 5,5 %, et il baisse de 12,4 à 17,9 % lors de la naissance additionnelle d’un troisième enfant. 96 % des congés parentaux sont pris par les femmes.

Passons au déroulement des carrières. Vous savez bien que celles-ci sont toutes construites au masculin-neutre, ce qui restreint de beaucoup l’accès des femmes. Sophie Pochic montre bien que les femmes accèdent plutôt à des postes de cadres experts fonctionnels plutôt qu’à des postes de cadres d’encadrement des hommes, plus porteurs en termes de carrière.

Enfin, il est clair que la révision générale des politiques publiques (RGPP), comme d’autres réformes de restructuration de l’action publique, en promouvant des parcours plus personnalisés, plus individualisés, peuvent conduire à un rapport de forces défavorable aux femmes… ou le contraire. Quoi qu’il en soit, il faut mettre cette question sur la table.

Les freins culturels sont très importants. Ils sont de deux ordres : le sexisme, dont il faut enfin dire le nom, et puis la notion d’efficience. L’écart non expliqué, ce fameux taux de 11 %, est dû à un rendement différent des facteurs.

Françoise Héritier dit souvent que les trois grandes conquêtes des femmes sont la liberté de disposer de leur corps, l’accès au savoir et, plus récemment, l’accès au pouvoir. Et ce qui doit relier ces trois conquêtes, c’est le respect et la reconnaissance. Or, à la place, il n’y a que le mépris. Le mépris, c’est un mot littéraire. Et je pense qu’à la place de mépris, il faut dire « sexisme ». C’est cela que nous avons montré dans le récent rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) sur le sexisme au travail, que nous avons remis à la ministre des droits des femmes.

Le sexisme est une idéologie, qui érige la différence sexuelle en différence fondamentale, et qui entraîne un jugement sur les capacités et le comportement des gens, notamment des femmes. Ce sont aussi des pratiques, qui peuvent aller de la blague qui se veut drôle à l’agression sexuelle. Ce sont des manifestations multiformes.

C’est surtout, notamment pour les femmes au pouvoir, un déni quasiment généralisé, avec des stratégies identitaires variées – euphémisation, blanchiment, stratégies de passing. Elles sont soumises à des injonctions paradoxales : comportez-vous comme des hommes, tout en restant des femmes. Et finalement, elles adoptent des stratégies de transformation très subtiles, parce que le coût de la dénonciation du sexisme est souvent beaucoup trop lourd à porter.

Cela crée des dégâts considérables car les femmes, non seulement sont exclues, mais elles s’auto-excluent. D’où l’idée de rendre visible ce sexisme. Nous l’avons fait dans la loi Rebsamen d’août 2015 : « Nul ne doit subir d’agissements sexistes, définis comme tout agissement lié au sexe d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant, dégradant ou offensant ».

Si j’ai cité ce passage, c’est parce que je souhaiterais qu’il soit repris à l’article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Mais pourquoi mettre les femmes partout, et pourquoi revendiquons-nous cette égalité ? Parce que c’est le droit, c’est l’équité. Mais nous ne pouvons pas échapper aujourd’hui à une « managérialisation » du droit. Dans le secteur privé, celle-ci est symbolisée par la notion de performance ; l’égalité est un business case, avec tous les dangers que cela comporte. Dans le secteur public, on parle d’efficience, terme utilisé dans le Comité interministériel aux droits des femmes de 2012 ; l’efficience, c’est l’optimisation des outils mis en œuvre pour parvenir à un résultat. Elle se mesure sous forme d’un rapport entre résultat et ressources.

Parmi tous les arguments, quels sont ceux que l’on peut éventuellement accepter, et ceux qu’il faut rejeter avec force ?

Effet vivier de talents ? Oui. Les deux tiers des diplômés du troisième cycle sont des femmes, et la fonction publique a besoin du talent des femmes.

Effet d’image et de responsabilité sociale et sociétale ? Oui. L’égalité éclaire positivement le paysage de la fonction publique qui devient exemplaire et est un pourvoyeur de modèles identitaires auxquels les femmes peuvent se reporter.

Effet gestion du temps ? Oui, en partie. Les femmes assument 80 % des tâches domestiques, puisque les hommes refusent la coresponsabilité parentale. Finalement, seule une autre organisation de travail et la prise en compte de la parentalité tout au long de la vie peuvent permettre un équilibre des temps.

Effet de mise à l’agenda ? Les femmes viendront mettre à l’agenda des sujets qui sont à l’interstice des vies professionnelle et familiale, et que tout le monde met de côté. Oui, en partie. Mais attention à ne pas essentialiser les préoccupations des uns et des autres.

Effet miroir ? Les femmes représentent la moitié de l’humanité. L’administration, d’une certaine façon devrait recourir pour moitié à des femmes. Oui et non, car il faut faire très attention. Comme pour les élus, dans le domaine politique, un être humain est capable de représenter l’entièreté de l’humaine condition.

Effet de complémentarité ? Non, non, non !

Il n’y a pas de compétences spécifiques aux femmes. Il faut faire très attention à ce sexisme bienveillant, qui prête aux femmes des compétences de douceur, d’intuition, d’empathie, qui sont particulièrement propices à la gouvernance moderne, à une autorité davantage négociée qu’imposée. Attention à ne pas reconfigurer un care professionnel, et à ne pas dire, par exemple, que si Pôle emploi était dirigé par des femmes, il y aurait moins de chômeurs… Ce sont des discours très dangereux, contre lesquels il faut avoir des arguments.

Plus sûrement, que reste-t-il ? Il reste ce que la société a produit : à partir du moment où il y a un refus de la complicité des hommes avec les femmes aux postes de gouvernance, les femmes se retrouvent en dehors. Ce sont des outsiders et, comme tous les outsiders, elles créent de l’énergie circulante dans un domaine où, finalement, ce qui fonctionne, c’est un système de connivence, de clonage, un système de l’implicite. Faire venir des femmes dans une organisation aux postes de gouvernance, c’est aussi refuser l’implicite et reconduire une nouvelle complicité.

Madame la présidente, je crois que mes collègues parleront des différents leviers d’action. Pour ma part, je terminerai sur les moyens : les quotas, qui permettent d’instaurer un rapport de forces ; l’accompagnement des lois au plus haut niveau des organisations ; la création de groupes de pression, de groupes de femmes. Ceux qui sont représentés ici doivent se montrer, non pas pour faire du lobbying, mais pour innover. Il ne s’agit pas de récriminer. Ce ne sont pas des lobbies, ce sont des accélérateurs de pensée, et nous sommes là pour accélérer la pensée sur l’égalité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je donne à présent la parole à Mme Catherine Soulay, pour évoquer en particulier les deux questions suivantes : comment les administrations se sont-elles saisies du sujet de l’égalité femmes-hommes, et quel bilan peut-on tirer des feuilles de route des ministères relatives à l’égalité professionnelle ?

Mme Carine Soulay, directrice, adjointe au directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Madame la présidente, mesdames et messieurs, je commencerai par rebondir sur la phrase citée par Mme Grésy : derrière la carrière réussie d’un homme, il y a une épouse formidable. Je dirai pour ma part que j’ai un mari formidable. C’est probablement aussi grâce à lui que j’ai pu accepter une mobilité géographique, accéder aux fonctions qui furent et qui sont les miennes aujourd’hui, et que je peux les exercer avec autant de bonheur et de disponibilité d'esprit.

Je pense aussi que derrière une directrice, il y a un directeur général formidable, qui s’appelle Thierry Le Goff, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), qui vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il aurait vraiment aimé être parmi nous aujourd’hui, puisque les sujets d’égalité femmes-hommes lui tiennent particulièrement à cœur. Tout au long de sa carrière professionnelle, où il a notamment travaillé dans les ressources humaines et dans différentes enceintes, il s’est attaché à promouvoir ces sujets, et ce bien avant 2012 et la loi Sauvadet. Grâce à M. Le Goff, l’égalité femmes-hommes est une réalité que je peux vivre au quotidien avec lui.

Je vous prierai également de bien vouloir excuser mon absence pendant la deuxième partie du colloque. Mais c’est également pour la bonne cause. Au prochain Conseil central de la fonction publique, qui se tiendra le 15 mars 2016 avec les employeurs publics et l’ensemble des organisations syndicales, nous présenterons le rapport Égalité de cette année, ainsi que le rapport sur les nominations équilibrées, et c’est précisément pour préparer cette présentation que je devrais vous quitter.

Je ne reviens pas sur le cadre dans lequel s’inscrit l’action de l’État en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la fonction publique d’État. L’engagement du Gouvernement à promouvoir l’exemplarité des employeurs publics, et notamment de l’État, en matière d’égalité, repose sur tout l’arsenal qui vous a été rappelé : la loi Sauvadet de 2012, l’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 8 mars 2013, signé à l’unanimité des organisations syndicales, et la loi du 4 août 2014, qui vient renforcer l’arsenal issu de la loi Sauvadet, notamment sur les nominations dites « équilibrées ».

Qu’entend-on par nominations équilibrées ? Il s’agit d’un quota de nominations de femmes : 20 % en 2013-2014 ; 30 % en 2015-2016 ; et 40 % à partir de 2017. Il s’applique aux nominations aux emplois d’encadrement supérieur de l’État, autrement dit : emplois de sous-directeurs et chefs de service, et emplois sur décision du Gouvernement, dont les titulaires sont nommés en conseil des ministres – recteurs, ambassadeurs, préfets, directeurs d’administration centrale.

De façon graduelle, à l’occasion des flux de nominations, ces postes devront être attribués à des femmes. C’est un objectif volontariste. Je reviendrai sur des éléments statistiques, et peut-être sur les perspectives en 2016 et sur les moyens d’atteindre ces 40 %, qui représentent une avancée substantielle.

Certaines insatisfactions ont été exprimées, s’agissant de la connaissance statistique des données concernant les hommes et les femmes dans la fonction publique d’État.

Je dirai tout de même qu’un rapport annuel sur l’égalité entre les hommes et les femmes est désormais édité chaque année, qu’il fait l’objet d’une présentation officielle, par la ministre de la fonction publique, aux organisations syndicales et aux employeurs publics.

Par ailleurs, chaque ministère produit maintenant un rapport de situation comparée des femmes et des hommes (RSC) dans le cadre de son bilan social.

De son côté, le département d’études statistiques de la DGAFP, parfois en lien avec d’autres partenaires, comme le Défenseur des droits, a lancé plusieurs études pour mieux évaluer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, et améliorer notre connaissance du plafond de verre dans les ministères.

Enfin, au-delà de son département d’études statistiques, la DGAFP produit un certain nombre de guides. Je pense par exemple à un guide destiné aux jurys de concours, qui met en avant l’égalité entre les hommes et les femmes. Effectivement, si l’on veut progresser en la matière, il faut progresser dans la connaissance du phénomène. C’est ce que l’on essaie de faire à travers ces rapports.

Des outils et des dispositifs ont été mis en place. J’ai parlé des bilans de situation comparée qui sont aujourd’hui réalisés dans tous les ministères. Certains ministères ont été extrêmement proactifs sur d’autres mesures, par exemple en incluant, dans les conventions d’objectifs et de performances passées avec leurs opérateurs publics, des clauses dites « d’égaconditionnalité » visant à la promotion de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. C’est notamment le cas du ministère de l’écologie. Ces clauses font partie de la feuille de route définie par le contrat.

Les référents égalité se sont mis en place dans les ministères et travaillent de plus en plus souvent en réseau. La DGAFP, quant à elle, travaille avec les partenaires de l’interministériel, notamment avec le Service des droits des femmes. Je tiens également à rendre hommage aux associations qui se sont montées dans les ministères pour y défendre la place des femmes, en particulier dans l’encadrement supérieur. La DGAFP a bien l’intention de prendre toute sa place dans l’animation de ces réseaux qui sont extrêmement précieux à la connaissance de la réalité, comme à l’échange et à la diffusion de meilleures pratiques entre les ministères.

On constate que, selon les ministères, les moyens donnés à ces référents égalité sont assez hétérogènes en termes financiers, en termes de personnel et en termes de positionnement dans l’administration du ministère. C’est un point sur lequel il faudra probablement travailler.

J’en viens aux perspectives 2016.

La ministre de la fonction publique nouvellement arrivée tient particulièrement, comme elle l’a dit au directeur général et à moi-même, à ce que l’on se penche sur la mixité des métiers.

Le répertoire interministériel des métiers de l’État (RIME) est en cours de féminisation. La ministre souhaite que ce travail soit mené à bien de la façon la plus efficace, notamment en lien avec d’autres travaux menés par certains ministères – ministère des finances, des affaires sociales, de l’agriculture.

L’amélioration de la mixité des métiers passe aussi par une meilleure communication des ministères vis-à-vis de leur personnel. Je sais, par exemple, que les ministères de la défense et de l’intérieur ont engagé des actions de communication visant à promouvoir l’image d’un certain nombre de métiers, a priori plutôt masculinisés, auprès des femmes travaillant dans ces ministères.

Après la mixité des métiers, la labellisation de l’ensemble des ministères, dont la ministre a parlé tout à l’heure et qui est assez substantiellement pilotée par la DGAFP. Cette labellisation porte à la fois sur les problématiques de diversité, mais aussi sur la problématique de l’égalité hommes-femmes, dans la mesure où le cahier des charges est le même.

La campagne de labellisation sera faite pour l’ensemble des ministères – sachant que certains, comme le ministère des affaires sociales et celui de l’économie et des finances sont déjà labellisés. La DGAFP accompagne les ministères sur le diagnostic de leurs pratiques RH sur l’égalité et la diversité, et sur le plan d’action à construire au deuxième semestre. Ce diagnostic et ces plans d’action donneront lieu à une labellisation, à la fois au titre de la diversité et au titre de l’égalité hommes-femmes. C’est un chantier qui devrait nous mener au tout début de 2017.

Deux missions sont en cours.

La première est la mission confiée à Yannick L’Horty, qui évalue les différentes voies de recrutement dans la fonction publique au regard d’un certain nombre de biais : l’origine, la résidence, la situation familiale, mais aussi le genre. Les conclusions de cette mission devraient être remises en juin 2016.

La seconde mission, qui vient d’être lancée par le Premier ministre, a été confiée à Olivier Roussel et porte sur les pratiques discriminatoires subsistant dans les écoles de service public, à la fois au niveau du recrutement et de la formation. Vous parliez, madame la présidente, de la place de l’égalité femmes-hommes dans les formations initiale et continue. Un des chantiers de la DGAFP, en 2016, concernera précisément les socles de formations initiale et continue des fonctionnaires, et le sujet de l’égalité pourrait en faire partie.

Je terminerai sur les nominations équilibrées, dont je souhaite vous donner un aperçu. On l’a dit, l’objectif législatif assigné pour 2013 et 2014 était de 20 %. Or il a été déjà dépassé, puisqu’il s’établissait à 33 % en 2013 et à 30 % en 2014.

Au mois de janvier 2016, on en était à 35 % de primo-nominations des cadres dirigeants, donc des emplois nommés en conseil des ministres, confiés à des femmes. Et sur les emplois de direction, c’est-à-dire les emplois de sous-directeurs et de chefs de service, on en était à 40 % : c’est une statistique mensuelle, que l’on tient en lien avec la Mission des cadres dirigeants, rattachée au Secrétariat général du Gouvernement (SGG).

La marche va être haute pour le 1er janvier 2017, où il faudra à passer à 40 % des primo-nominations. L’objectif est donc de développer la logique de vivier. La Mission des cadres dirigeants tient déjà des viviers de cadres dans lesquels elle doit puiser trois noms à chaque fois – dont au moins le nom d’une femme – pour les nominations aux emplois proposés en conseil des ministres.

La DGAFP, au titre de sa feuille de route qui lui a été confiée en décembre dernier par le Premier ministre et le ministre de la fonction publique, doit développer le même type de politique en faveur de l’encadrement supérieur – autrement dit les cadres susceptibles d’être nommés sur les emplois de sous-directeurs et de chefs de service. Je ne peux pas encore les dévoiler, mais nous sommes en train de travailler à un certain nombre de mesures avec le Secrétaire général du Gouvernement lui-même. Ces mesures devraient permettre de développer une logique de vivier intégrant davantage de femmes, pour que celles-ci puissent accéder à de tels emplois.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous allons maintenant entendre M. Prince, notre « caution paritaire » aujourd’hui, qui est délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle au ministère des finances et des comptes publics. Mais peut-être est-il aussi haut fonctionnaire à la promotion de l’égalité ? Il nous le dira.

Auparavant, je voudrais faire deux remarques. Premièrement, la loi Sauvadet prévoyait un rapport au Parlement. Or je ne suis pas bien sûre que le Parlement ait été un jour destinataire d’un rapport. Deuxièmement, nous avions souhaité que les ministères établissent l’équivalent des rapports de situation comparée. Il serait bon que nous puissions en avoir connaissance.

M. Dominique Prince, délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle au ministère des finances et des comptes publics. Madame la présidente, merci d’avoir invité les ministères économiques et financiers à ce colloque. Je suis ravi d’en être la « caution paritaire ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est normal pour le ministère des finances. Savez-vous que la Commission des finances à l’Assemblée est presque exclusivement masculine ?

M. Dominique Prince. Je suis le premier à constater qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire. D’ailleurs, la parité n’aurait pas été atteinte si ma directrice, que vous aviez invitée, avait pu se déplacer. Elle m’a d’ailleurs chargée de vous présenter ses regrets et ses excuses.

Mais comment les ministères se sont-ils saisis de la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ?

Je vais vous expliquer, et ce sera le fil de mon rapide exposé, pourquoi j’interviens comme « délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle » et non comme « haut fonctionnaire à la promotion de l’égalité ». En fait, je cumule les deux fonctions, mais chronologiquement, j’ai d’abord été Délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle, parce que cette dynamique a été lancée à Bercy en 2009 – donc avant 2012, date de la mise en place du réseau des hauts fonctionnaires à la promotion de l’égalité par la DGAFP.

Ainsi, en 2009, les ministres à Bercy, et singulièrement Mme Christine Lagarde, ont lancé une dynamique importante sur les sujets de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité professionnelle dans la politique des ressources humaines des ministères économiques et financiers – Bercy, pour faire plus court.

Quelles sont les caractéristiques qui nous ont conduits à nous saisir de ce dossier ? J’en citerai trois, qui me semblent essentielles.

Première caractéristique : c’est une politique qui a été conçue immédiatement comme devant être une partie intégrante de la politique des ressources humaines (RH) des ministères, et par ailleurs comme une politique devant être ancrée durablement dans cette politique RH, et donc faire l’objet d’une attention et d’un portage de long terme.

Cette option explique que cette politique a été outillée et immédiatement armée. Elle a été outillée d’abord par la mise en place d’un délégué, dont j’occupe aujourd’hui la fonction – je suis le deuxième titulaire de ce poste. Ce délégué consacre la totalité de son activité professionnelle à cet exercice de portage et de pilotage des politiques de promotion de l’égalité et de lutte contre les discriminations.

Ce délégué, que je suis aujourd’hui, s’appuie sur un réseau de référents « diversité » qui existe dans chacune des directions métiers du ministère. Et ce réseau de référents « diversité égalité » nationaux pilote lui-même un réseau de référents « diversité égalité » locaux, qui permettent de diffuser cette politique au plus près des services qui sont, comme vous le savez, s’agissant des ministères de Bercy, très dispersés sur le territoire – avec des implantations qui sont à la fois interrégionales, régionales, départementales et infradépartementales. Il y a là une dimension opérationnelle importante à prendre en compte.

J’anime moi-même tous les mois un comité de pilotage des référents nationaux, qui suit la mise en place de ces politiques. On procède donc à un suivi rapproché, et à une mise à niveau de tous les outils du référentiel professionnel des responsables RH qui peuplent la totalité des services de Bercy, pour inclure, dans toutes les circulaires, dans tous les guides, dans tous les référentiels, sur lesquels ces responsables RH et les managers s’appuient, des mentions très explicites sur les obligations qui sont les leurs en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité professionnelle. C’est une politique ministérielle qui a été conçue immédiatement pour être ancrée de manière durable et très forte, et très visible, dans la politique RH du ministère.

Deuxième caractéristique, qui montre comment nous nous sommes saisis du sujet : c’est une politique qui a fait l’objet d’un dialogue social très intense à Bercy.

Cette politique a remporté des succès variables, et en tout cas un succès notable : le premier plan d’action pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui a été mis en œuvre a été entièrement négocié et co-écrit avec les organisations syndicales au cours de l’année 2010, et signé sous forme d’un accord professionnel unanime en 2011.

Ce dialogue social me paraît être un élément fondamental, qui conditionne le succès et les avancées de ces politiques. Évidemment, dans des structures aussi complexes que les nôtres, il faut qu’il y ait le maximum de personnes et de structures à bord.

Troisième caractéristique : c’est une politique qui a été immédiatement orientée vers des plans d’action qui se veulent multithématiques.

On a eu une approche assez globale de la question de l’égalité professionnelle, en partant du constat que l’on peut décliner cette question opérationnellement en thèmes et en sous-thèmes mais qu’en fait, toutes ces questions sont intimement liées. Cela a été largement développé par les intervenantes précédentes.

Nous avons voulu ouvrir simultanément une série importante de chantiers, dans des directions très diverses. Bien sûr, on peut rencontrer des difficultés, se disperser. Il arrive que certains chantiers n’avancent pas au même rythme. Mais on préserve l’approche globale du sujet, ce qui permet une meilleure adhésion de la part des personnels et des services.

J’illustrerai ce qui me semble constituer les points forts des plans d’action mis en place à Bercy.

Premier point fort : un plan de formation – on l’a dit tout à l’heure, la formation est très importante en la matière – obligatoire pour la totalité des managers et des responsables RH des administrations financières. Ainsi, 35 000 personnes ont été formées dans des modules variant entre une journée et deux journées, de 2010 à 2013. Ce plan a été déployé en interne, avec des formateurs bénévoles qui portaient ces formations au plus près du terrain sur leur temps de travail.

Deuxième point fort lié à la lutte contre toutes les discriminations, et évidemment les discriminations liées au sexe et au genre : la mise en place, en 2011, d’une cellule de prévention des discriminations, ouverte à la totalité des agents – bien entendu en dehors de la voie hiérarchique, et jamais de manière anonyme. Cette cellule reçoit à peu près 150 appels par an. Et depuis sa création, le thème de la discrimination entre les femmes et les hommes fait constamment partie des deux ou trois premiers thèmes évoqués. Le sujet est donc bien vivant, et toujours devant nous. Cette cellule contribue, selon moi, à faire émerger aussi bien des situations individuelles, que des situations de discrimination potentielle plus « systémique », et nous permet d’agir.

En dehors de ces deux points extrêmement forts, nous avons mis en place, de manière assez anticipée par rapport aux directives de la fonction publique, un système de formation et de féminisation des jurys. La totalité des jurys aujourd’hui sont paritaires, qu’il s’agisse des présidences ou qu’il s’agisse des membres des jurys, et tous sont systématiquement formés avant l’ouverture d’un concours – concours interne, concours externe ou examen professionnel – à la lutte contre la discrimination et à la maîtrise des stéréotypes.

La question des stéréotypes fait également partie des axes forts de notre action de communication et de sensibilisation interne. Un plan de communication pluriannuel est en cours. Il très axé sur ces questions de maîtrise des stéréotypes, notamment des stéréotypes de sexe. Dans ce cadre, nous organisons des évènements, et nous mettons en place des supports de communication et de sensibilisation permanents, de type affichage. Il s’agit d’interpeller, dans les services ou dans les locaux communs, sur les stéréotypes que tout un chacun peut porter.

Je ne reviendrai pas sur la question du plafond de verre et sur le dispositif relatif aux nominations équilibrées issu de la loi Sauvadet, qui a été amplement développée tout à l’heure. Simplement, s’il est vrai que Bercy a été un mauvais élève certaines années, 2015 fut meilleure et 2016 le sera probablement aussi. Malgré tout, dans ces matières, rien n’est jamais gagné. Chaque année, on s’aperçoit que certains sujets que l’on pouvait croire clos ne le sont pas.

J’insisterai sur deux derniers points.

Premier point : la mise en place d’un certain nombre d’éléments d’une politique de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Pour l’année à venir, notamment, nous allons lancer deux sujets un peu délicats en gestion. Nous allons d’abord engager une expérience de temps compressé, qui permet d’éviter le recours systématique, plus ou moins volontaire, par les femmes majoritairement, au temps partiel. Nous allons ensuite revenir sur des règles de gestion qui sont très ancrées dans nos ministères, et qui imposent des mobilités professionnelles géographiques à l’occasion de certaines promotions. Cela pose également un certain nombre de difficultés en termes de dialogue social.

Second point : nous ouvrons un certain nombre de réflexions et d’actions, de formation, de sensibilisation, et de mise sous tension de nos experts, sur la lutte contre les violences faites aux femmes – qu’il s’agisse de lutter contre ces violences dans le milieu professionnel ou de détecter des signaux faibles de violences domestiques ou extérieures.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Monsieur Prince, je vous remercie. Mais là encore, madame Soulay, si je cherche dans les chiffres, j’apprends qu’il y a 165 000 fonctionnaires au ministère des finances. Seulement, je ne peux pas savoir combien il y a de femmes et combien il y a d’hommes. Il n’est tout de même pas bien compliqué d’établir un tableau sexué. Mais visiblement, on n’y pense pas.

Nous allons maintenant entendre Mme Muriel Genthon, haut fonctionnaire à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes au ministère de la culture et de la communication, sur le thème suivant : quel est le rôle et quels sont les résultats obtenus par les hauts fonctionnaires à l’égalité ?

Je dois dire que lorsque nous avons cherché à imposer la parité, le monde de la culture nous a surpris par son attitude que je qualifierais de « rétive ». Pourtant, c’est un monde qui devrait montrer l’exemple en bousculant les habitudes, les stéréotypes, et les visions traditionnelles. Mais cela ne vaut peut-être pas pour le ministère. Vous allez nous le dire.

Mme Muriel Genthon, haute fonctionnaire à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes au ministère de la culture et de la communication. Madame la présidente, je partage votre remarque. Je vais essayer de montrer quel est le rôle de la haute fonctionnaire chargée de l’égalité et quelles difficultés elle rencontre, entre l’étendue importante de ses missions et les moyens parfois un peu insuffisants qui lui sont alloués pour les mener à bien.

La question de l’égalité est très médiatisée dans le secteur culturel. Vous avez entendu les dessinatrices de bandes dessinées manifester récemment parce que, au salon d’Angoulême, il n’y avait pas de femmes présélectionnées. Elle avait été posée peu de temps auparavant, à l’occasion du festival de Cannes. C’est donc une vraie question, qui revient régulièrement.

Les hauts fonctionnaires chargés de l’égalité ont été institués par la circulaire du 23 août 2012. Celle-ci met en place, pour une politique par essence interministérielle, un ou une haute fonctionnaire qui développe la politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les départements ministériels et à tous les niveaux de l’administration. J’ai été nommée depuis un an et je suis la deuxième titulaire de ce poste. Je dois dire que pour moi qui, dans les années soixante-dix, ait été associée à tous les mouvements féministes, mener aujourd’hui un travail d’irrigation totale de l’administration pour mener le combat de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines des politiques publiques est tout à fait passionnant.

C’est un travail passionnant, mais c’est un énorme travail : il s’applique à la fois à l’intérieur du ministère – un tout petit ministère à côté de celui de Bercy, mais un ministère où les égalités salariales sont les plus faibles – et à l’extérieur puisqu’il décline son action dans de nombreuses politiques publiques où, effectivement, on constate de nombreuses inégalités.

La plupart des hauts fonctionnaires ont été nommés à la fin de 2012. Je sais qu’au ministère de la culture, un dispositif, qui existait avant cette circulaire, permettait d’avoir une sorte de référent sur ces questions. La plupart ont été nommés par décision interne.

Certains d’entre eux ont une lettre de mission, et c’est mon cas. J’observe tout de même qu’une lettre de mission est souvent préparée par les intéressés, avant d’être validée, ce qui limite un peu l’intérêt du système. Et puis, la circulaire précise qu’il s’agit d’un fonctionnaire d’autorité ; or je me demande si j’en suis bien une… Souvent ce sont des inspecteurs ou des inspectrices, ce qui est mon cas. En outre, je suis encore et toujours inspectrice des affaires culturelles. J’exerce donc à la fois mon métier d’inspectrice et cette fonction de haute fonctionnaire. Cela est assez fréquent.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Êtes-vous à mi-temps ? Est-ce vous qui fixez votre mission ?

Mme Muriel Genthon. Je travaille un peu au fil de l’eau en fonction des urgences, et cela doit représenter en effet moins de la moitié de mon temps. Mais je suis toute seule, sans collaborateurs. D’où l’importance de travailler avec des correspondants dans chaque direction.

Le rôle du haut fonctionnaire est de définir et de mettre en œuvre la politique en faveur de l’égalité, à partir d’un état des lieux. Nous avons la chance de disposer d’un Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes de la culture et de la communication, rapport administratif et sexué, qui est publié tous les ans ; le prochain va sortir prochainement.

Cet observatoire concerne le ministère de la culture lui-même, c’est-à-dire les directions, les dirigeants et dirigeantes ainsi que les conseils d’administration des établissements publics où la parité est respectée. Il comprend un tableau qui fait apparaître par métier, par filière, les différences d’effectifs, de rémunérations – primes comprises – entre les femmes et les hommes. Je vous le laisserai ce tableau, qui me semble assez unique, mais qui est incomplet puisque tous les effectifs du ministère n’y sont pas ; n’y figurent que les titulaires. Il nous manque toute la partie concernant les contractuels et une grande partie des effectifs des établissements publics.

Par ailleurs, cet observatoire permet d’analyser nos politiques publiques, concernant par exemple les directeurs d’établissements du spectacle vivant, le nombre d’œuvres achetées par le Fonds national d’art contemporain, le nombre d’expositions réalisées par les centres d’art. Une soixantaine de tableaux y figurent. Il est ainsi possible d’avoir une connaissance relativement fine, même si elle est incomplète et si elle se complète d’année en année, de ce qui se passe dans nos secteurs.

Quels sont les points sensibles que l’on peut mettre en avant ? J’en citerai deux : premièrement, tout ce qui touche à l’enseignement, puisque nous avons une part d’enseignement supérieur dans le domaine culturel, où la question des stéréotypes et des métiers se pose ; deuxièmement, l’importance des inégalités dans le spectacle vivant. Comme vous l’avez dit, madame la présidente, dans ce secteur où l’on s’attendrait à beaucoup de progrès et d’ouverture, certaines situations sont tout à fait inacceptables.

Ensuite, comme je l’ai déjà dit, l’action du haut fonctionnaire comporte deux volets.

Concernant le volet interne, évidemment en appui avec le service des ressources humaines, il y a, d’une part, tout ce qui touche aux formations, aux promotions et aux rémunérations, sur lesquelles M. Prince s’est exprimé et, d’autre part, un réseau de femmes qui se disent sensibles à cette question, et sur lesquelles je pense que l’on peut davantage investir puisque c’est le moyen de constituer des viviers.

Concernant le volet relatif aux politiques publiques, il me semble important qu’elles se fassent non seulement avec les directions, mais aussi avec les acteurs culturels. Je souligne tout de même que nous sommes très peu impliqués dans le volet territorial des politiques de l’égalité. C’est un peu dommage puisque les politiques culturelles se font toujours en partenariat avec les collectivités territoriales.

Pour conclure, quel est le bilan de ces actions ?

Il y a des aspects positifs : d’abord, une avancée incontestable dans la prise en compte de la question de l’égalité, aussi bien l’égalité professionnelle que la manière de conduire les politiques publiques ; ensuite, nous pouvons développer ces actions avec les acteurs culturels à travers un comité ministériel qui se réunit chaque année, et qui est une instance de dialogue et de conception de stratégies.

Il y a des aspects négatifs, sur lesquels je passerai rapidement. Je pense que l’on peut les résumer en un seul mot, en tout cas en ce qui me concerne : l’isolement. Les hauts fonctionnaires sont insuffisamment associés aux politiques du ministère ; les directions ne sont pas suffisamment conscientes de l’importance du sujet dans les politiques qui sont menées. C’est la raison principale, selon moi, de notre insuffisance d’autorité et de moyens. Encore une fois, je n’ai pas de personnel dédié, j’ai peu de temps, et je n’ai pas de moyens de financements. Je suis obligée, de ce fait, de renvoyer ailleurs les associations qui me sollicitent.

En conclusion, c’est un excellent système puisqu’il a le mérite d’exprimer la transversalité des politiques, qui est très importante. Mais il a besoin d’être davantage soutenu, mieux ciblé, si l’on veut que la situation progresse plus rapidement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup. Vous confirmez les propos de Brigitte Grésy, à savoir qu’il y a de grandes différences entre les hauts fonctionnaires selon les ministères.

Mais je vais vous soumettre le cas suivant : de nombreuses petites troupes de théâtre, parfois d’une, deux ou trois personnes, montent des pièces sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et sur le genre. Plusieurs m’ont sollicitée. Ces petites troupes peuvent tourner dans les établissements scolaires ou dans les associations. Les sommes en jeu ne sont pas très importantes – 3 000 ou 4 000 euros. J’avais essayé de voir avec le ministère s’il était possible de créer un fonds pour soutenir ces troupes, mais j’avoue que je n’ai pas encore abouti. Ce serait bon pour l’image du ministère, et ce serait un moyen de lutter contre les stéréotypes.

Mme Stéphanie Seydoux, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Madame la présidente, merci pour cette initiative opportune, qui nous permet de débattre de manière très simple et très claire.

Je tiens à dire – et je le fais en présence de Gwenola Joly-Coz qui a été présente à tous les instants de ce cycle – combien le rôle des hauts fonctionnaires à l’égalité est important, même si les moyens dont ils disposent ne sont pas toujours suffisants. Nous avons pu constater, avec la DGAFP, qui a été présente à chacune des conférences de l’égalité, combien l’ensemble des ministères avaient collectivement progressé dans leurs pratiques RH internes depuis quelques années.

La pente a été très rapidement gravie. On a notamment remarqué que les ministères qui, par leur positionnement régalien, semblaient les plus éloignés de la mixité – celui de la défense, des affaires étrangères ou de l’intérieur – ont rattrapé assez vite leur retard. Dans tous les autres ministères, y compris ceux très féminisés comme les affaires sociales, les mêmes mesures sont maintenant toutes à l’œuvre. On peut donc parler des progrès de l’approche intégrée de l’égalité, celle que défend la loi du 4 août 2014 dans son article 1er.

Évidemment, les résultats ne sont pas encore tous au rendez-vous. Mais je voudrais témoigner, du point de vue de l’administration qui porte les politiques d’égalité et de droits des femmes, combien l’exercice est fructueux. Il permet de dégager un certain nombre de bonnes pratiques. Certaines ont été évoquées ici : le ministère des finances avec le label et le réseau qui lui est propre ; le ministère de la culture avec son observatoire que bien d’autres ministères lui envient.

On peut citer d’autres pratiques : celles du ministère de l’intérieur et celles du ministère de la justice, qui leur sont propres – pour faire un clin d’œil à Corinne Desforges et Marie-Françoise Lebon-Blanchard. On a parlé de la formation dispensée au ministère de l’intérieur, mais la communication interne de ce ministère est également assez remarquable. Quant au ministère de la justice, il a engagé un travail de fond sur la mixité.

Ainsi, les ministères, collectivement, se mettent en route. Pour autant, les enjeux restent très nombreux. On en a évoqué certains. J’aimerais indiquer quels sont ceux sur lesquels il va nous falloir rester mobilisés.

D’abord, la réforme territoriale, dont on n’a pas parlé. Celle-ci s’est faite dans des conditions dont on n’a pas encore tiré tous les enseignements. L’état des lieux est en cours. Il faudra continuer de veiller à ce que la réduction des postes de direction ne se traduise pas par une trop forte attrition du nombre de femmes affectées à ces postes.

Ensuite, la mixité. C’est évidemment une des directions dans lesquelles, collectivement, les ministères vont s’engager dans l’année à venir. Naturellement, l’engagement en faveur des labels qu’a souhaité le Premier ministre – autant que possible avec « égalité » et « diversité » – va favoriser la mobilisation. Au passage, il sera intéressant de voir comment on progresse dans la parité syndicale puisque les représentants du personnel ont, comme vous l’avez dit, un rôle important à jouer. Il n’est pas possible d’avancer sur nos sujets en interne, dans les ministères, sans la mobilisation des syndicats.

Enfin, le suivi du protocole d’accord du 8 mars 2013, qui est, de fait, appliqué dans nombre de ministères, parfois de manière exemplaire, mais pas forcément partout et sur tous les sujets.

Voilà, rapidement brossés, certains des sujets de mobilisation. J’y ajouterai la prévention de la violence et la lutte contre le harcèlement. C’est important. Le 25 novembre, qui est la journée internationale de lutte contre les violences, les ministères ont toujours plus de mesures à mettre en avant. Dominique Prince a parlé pour Bercy. Mais d’autres ministères s’en préoccupent également.

Je ne reviens pas sur la rémunération et les écarts de salaires, qui ont été largement évoqués. Mais ils constituent un enjeu de taille pour l’année à venir.

Enfin, ce n’est peut-être pas le lieu, mais j’aimerais remercier ceux et celles des hauts fonctionnaires qui sont présents. C’est un réseau vraiment précieux qui – sous l’œil de la DGAFP et avec son appui permanent et bienveillant – permet de progresser sur tous ces sujets.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Est-ce que la SDFE a la connaissance des positions des différents hauts fonctionnaires ainsi que des moyens qui sont mis à leur disposition ? Dispose-t-on d’un tableau ?

Mme Stéphanie Seydoux. Oui. On le demande à chaque conférence de l’égalité. On l’a communiqué à la Cour des comptes, qui s’y est beaucoup intéressée et qui en a rendu compte dans son tout dernier rapport.

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« Les femmes actrices du changement dans la fonction publique d’État : quels sont les changements introduits par les femmes et quels freins rencontrent-elles ? »

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous en venons à la deuxième partie de notre colloque, qui a constitué, en fait, le point de départ de la réflexion qui a abouti à l’organisation de ce colloque. Gwenola Joly-Coz était alors directrice du cabinet de la secrétaire d’État aux droits des femmes, et nous avions lancé l’idée de mettre en valeur à l’Assemblée les réseaux de femmes, comme le réseau « Femmes de l’intérieur », à la création duquel j’avais été invitée, ou le réseau « Femmes de la diplomatie ».

Avant de passer la parole à Mme Myriem Mazodier, présidente de la commission Femmes de l’Association des anciens élèves de l’ENA, je souhaiterais faire part de ma préoccupation.

Je sais que l’ENA et sa directrice sont très mobilisées sur les questions d’égalité. J’avais participé à une soirée qui avait été organisée autour de ce thème, à un moment où l’on pouvait se réjouir de vraies avancées – s’agissant notamment de la composition des jurys, et de la promotion des candidates. Or j’ai lu récemment que le nombre de femmes reçues à l’ENA avait baissé cette année, peut-être parce que l’on a changé les modes de sélection. Je n’ai pas creusé cette question, mais je m’interroge. Comme le disait M. Prince, les progrès peuvent être suivis de reculs, quelle que soit la volonté des uns et des autres.

Mme Myriem Mazodier, présidente de la commission Femmes de l’Association des anciens élèves de l’ENA. Merci, madame la présidente, c’est d’ailleurs un point sur lequel je vais conclure.

La commission Femmes a été créée par le conseil d’administration de l’Association des anciens élèves de l’ENA le 13 mars 2006, il y a donc dix ans. Pourquoi si tard ? Quels sont ses apports ? Et quelles sont nos préoccupations ?

Pourquoi si tard ? D’autres associations d’anciens élèves ont créé leurs associations « femmes » avant l’ENA. Je pense que cela vient du fait que nous avions une vision idéale de la fonction publique. En 1945, l’ENA était révolutionnaire dans la mesure où c’était l’une des premières écoles mixtes. Par la suite, nous sommes restés dans le rêve d’une égalité théorique qui aurait été également une égalité réelle. Il faut reconnaître que les barrières qui existaient au départ avaient été peu à peu levées : les femmes avaient pu rentrer dans la préfectorale à partir de 1974 ; on retrouvait des femmes dans le haut du classement un peu dans tous les corps. Aussi le conseil d’administration a-t-il assez étonné lorsque des femmes – dont ma voisine, Agnès Arcier – ont demandé la création d’une commission Femmes. L’idée était que l’égalité aux concours existait, mais pas l’égalité d’accès aux emplois publics supérieurs.

Pour ce colloque, j’ai relu le compte rendu de cette réunion du conseil d’administration. Il est assez amusant de noter la timidité de la présentation puisqu’il y était indiqué que : « en dépit des garanties statutaires, on peut se demander si le fameux plafond de verre n’existerait pas également dans la haute fonction publique ».

Quels sont les apports de la commission ? Déjà, on n’écrirait plus de genre de phrase. On sait désormais que le plafond de verre existe. La Commission a donc permis de faire circuler l’information et d’exploiter les statistiques. Elle a fait appel à un certain nombre de chercheuses, du CNRS et de l’École normale supérieure (ENS), qui nous ont apporté le fruit de leurs études. Elle a échangé avec des responsables étrangers, des hommes politiques en faveur de la féminisation des cadres. Cela nous a montré que la problématique française n’était pas très différente de celle de la plupart des autres pays, et qu’il y aurait sans doute à s’inspirer de telle ou telle mesure prise ici ou ailleurs.

L’intérêt d’être une commission, et pas une association, est que l’information ne circule pas uniquement en interne. Cinq fois par an, le conseil d’administration se réunit et écoute ce que dit la présidente de la Commission « femmes ». Ces messieurs sont obligés d’entendre les chiffres, les indications que nous leur donnons, même si certains n’hésitent pas à montrer que ce n’est pas le moment le plus passionnant du conseil. Le premier apport de cette commission est donc de faire circuler l’information.

Elle permet de se rapprocher de l’ENA pour travailler en commun concernant l’offre de formation initiale et continue. Je pense notamment au fameux séminaire organisé par l’École nationale de la magistrature (ENM) et l’ENA, séminaire de deux jours sur le management féminin qui a abouti, quelques mois après, à la création du réseau « Femmes de justice ».

De la même façon, nous avons des rencontres avec des élèves en cours de scolarité, un peu à l’initiative des délégués de promotions. Cela dépend de l’intérêt que ces délégués attachent à la question, mais il en est résulté des rencontres tout à fait intéressantes.

Le plus important, je crois, dans le travail de la commission, c’est l’aide que nous apportons aux parcours. Nous avons créé le « marrainage », terme que nous avons choisi à dessein différent de ceux figurant dans les circulaires de la fonction publique. Car nous ne faisons pas du coaching, ni du tutoring, ni du monitoring – on nous a expliqué quelle était la différence entre toutes ces actions. Notre objectif est relativement simple : donner de l’ambition. En effet, ce n’est pas parce que l’on est entré à l’ENA que l’on a obligatoirement de l’ambition. Beaucoup de nos camarades hommes ont comme ambition de devenir député, Président de la République, etc. Les femmes se demandent plutôt si peut-être, à la fin de leur carrière, elles pourront devenir chef de service. D’où ce marrainage, qui prend la forme d’un binôme entre une femme ayant obtenu un haut poste dans la fonction publique et une autre qui a trois ou quatre ans d’expérience. Cela donne d’excellents résultats.

Quelles sont nos préoccupations ? Nous en avons deux.

En premier lieu, le recrutement. Comme vous l’avez remarqué, madame la présidente, le pourcentage des femmes reçues à l’ENA qui était de 40 % il y a deux ans, s’est stabilisé autour de 30-33 %. C’est d’autant moins satisfaisant que notre objectif est d’atteindre 40 %. Malheureusement, nous sommes toutes des bénévoles, et nous n’avons pas la possibilité de prendre notre bâton de pèlerin pour aller rappeler dans toutes les universités que les femmes peuvent aussi passer le concours.

En second lieu, pour revenir à ce que disait Brigitte Grésy tout à l’heure, nous nous inquiétons du fait que l’accueil du public masculin nous semble plus mitigé qu’il y a quelques années. Je parle de l’accueil de ce que nous disons et de ce que nous faisons au sein de la Commission « femmes ». Le phénomène paraît marqué dans les jeunes générations. Des hommes fonctionnaires disent, parfois assez franchement, ne pas comprendre pourquoi ils sont privés de « marrainage », pourquoi certaines mesures ne les concernent pas, pourquoi il existe des quotas, alors que les femmes réussissent mieux leurs études que les hommes, etc.

Mme la présidente Catherine Coutelle. De la même façon, lorsque nous avons discuté de la loi Sauvadet dans l’hémicycle, un collègue député, qui l’est d’ailleurs toujours aujourd’hui, a fait part de son incompréhension, disant : « les hommes ont des carrières, et comment vont-ils les faire ? » De fait, si des femmes peuvent accéder à certains postes grâce à des quotas, et si la réforme territoriale restreint le nombre des postes existants, les hommes risquent de rencontrer plus de difficultés dans leur carrière. Mais se sont-ils jamais préoccupés de la carrière des femmes ?

Mme Agnès Arcier, présidente et fondatrice de l’association « Administration moderne ». Nous sommes une association de femmes hautes fonctionnaires. L’ambition de notre association, dès sa fondation, était d’exercer une action continue sur la réforme de l’État, d’où son nom, avec la conviction que les femmes étaient des actrices du changement et de la réforme de l’État, mais qu’elles n’étaient pas forcément visibles ni entendues.

La création de notre association avait pour objectif de nous regrouper et nous faire connaître avec l’idée que nous pouvions avoir une autre vision de la réforme de l’État et être actrices du changement. Celle-ci portait jusqu’alors surtout sur la réforme des structures sans réflexion managériale, ce qui nous irritait. L’association voulait porter le message spécifique que le management est un levier fondamental, et sous-estimé, de la réforme de l’État et nous voulions nous engager pour donner l’exemple par le haut. Brigitte Grésy parlait tout à l’heure du débat sur la complémentarité entre les femmes et les hommes, nous, nous sommes parties de la vision des femmes. Il nous paraissait nécessaire d’ouvrir à des méthodes de fonctionnement participatif, de coopération, d’écoute ce qui impliquait la mixité à tous les niveaux et notamment dans les directions.

Les thèmes que nous avons portés depuis 1998 comme autant de messages adressés aux ministres en charge de la réforme de l’État, sont nombreux. Au début, on riait dans les couloirs du ministère en évoquant l’ « association des nénettes », puis on nous a demandé des photos de l’association et enfin un dialogue de fond s’est ouvert.

Nous avons abordé des sujets tels que la gestion du temps, la gestion des réunions et des décisions interministérielles, avec un processus parfois inefficient, ainsi que les relations entre les cabinets et l’administration soumises au règne de l’urgence Nous avons aussi évoqué,le manque de sens pratique dans l’organisation du travail, la gestion des ressources humaines à effectuer sur la base des compétences plutôt que sur les statuts ou les plafonds d’emplois, ainsi que la formation des managers à la gestion des femmes et des hommes – un sujet qui a beaucoup progressé dans certains autres pays, mais qui n’est pas encore pleinement accepté dans l’administration alors qu’il est enseigné dans les écoles de management.

Nous avons aussi travaillé sur la loi Sauvadet et la place des femmes dans les emplois de direction, et nous continuons aujourd’hui de nous mobiliser sur un volet, insuffisamment appliqué, de la loi concernant les établissements publics, comme l’évoquait tout à l’heure Brigitte Grésy. Concernant les conseils d’administration des établissements publics, il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’un sujet d’égalité femmes-hommes, mais aussi de transparence démocratique, car ces établissements, nombreux, sont des instruments de l’action publique et il est important que leur gouvernance ne soit pas empreinte d’une certaine opacité, en indiquant par exemple clairement sur leur site la composition du conseil, les dates de renouvellement des membres, etc.

Par ailleurs, en dépit de progrès réels, la transparence des recrutements, pour les emplois de direction et les postes de responsables d’opérateurs, reste un sujet. Le dernier thème que nous allons porter ensemble est celui de l’anticipation par rapport à une prise de poste. Il faudrait que la durée d’un poste soit fixée à l’avance ce qui permettrait l’organisation et l’anticipation et faciliterait ainsi la mobilité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La mobilité dans la fonction publique est un vrai sujet, les changements se font parfois très rapidement et il n’y a pas de tuilage dans la prise de poste.

Mme Corinne Desforges, vice-présidente de l’association « Femmes de l’Intérieur ». Lors de la création de l’association j’étais en faveur du jeu de mots et voulais baptiser notre association « Femmes d’intérieur », mais cela a été refusé, les femmes policières en particulier craignaient les moqueries de leurs collègues.

Je tiens à préciser que je suis aussi inspectrice générale de l’administration, haute-fonctionnaire à l’égalité, et par ailleurs vice-présidente de cette association.

Concernant notre ministère, beaucoup gardent l’image qu’un préfet ou un commissaire de police est un homme.... Mais en réalité, ce ministère est moins masculin qu’il n’y paraît : il y a environ 30 % de femmes dans le ministère, avec notamment des nominations récentes de femmes à des postes de responsabilité, grâce à la loi Sauvadet et au dispositif de quotas. On compte désormais 15 % de femmes préfets – c’est encore peu mais cette proportion a progressé –, 15 % de femmes dans les hautes fonctions de la police nationale et même une femme générale de gendarmerie, mais sur 392…

Le plafond de verre est donc épais mais nous avons fait beaucoup de choses. Depuis 2007, nous disposons d’un observatoire de la parité et la diversité dans la police et la gendarmerie permettant la réalisation d’études de cohortes et de mesurer les évolutions. Par exemple, les gendarmes ont ouvert leur recrutement à des femmes universitaires mais elles ne restent pas, en raison notamment des contraintes de mobilité. Nous avons créé un site, formé les femmes cadres au leadership, dans le cadre du programme Ariane. Nous avons également organisé une exposition sur la mixité dans les locaux de la cantine du ministère, avec des photographies de femmes et hommes du Raid, de préfets et préfètes.

Nous avons mis en place une charte des hauts fonctionnaires et obtenu que pour les premiers postes, ils puissent être proposés en toute transparence. Pour les sous-préfets, ils doivent en effet partir dans les trois semaines ; il est donc important de proposer différents postes et de pouvoir au moins choisir entre une affection à Aubusson ou à Barcelonette.

Notre association s’adresse aux femmes en responsabilité au nombre d’environ 1 200 sur 76 000 femmes dans le ministère, c’est-à-dire les femmes commissaires de police, du corps préfectoral, de l’administration générale ainsi que des officiers de gendarmerie. On essaye d’être 300 femmes dans l’association. Je me rappelle d’ailleurs de la venue du Premier ministre à un dîner auquel ont participé une centaine de femmes exerçant dans la police, la gendarmerie ou l’administration générale. Nous avons des actions de mentorat, de soutien, de création d’évènements, de formation interne notamment aux technologies numériques, de déplacements en régions pour rassembler les femmes du ministère de l’intérieur en régions. L’association « Administration moderne » va porter notre parole.

Nous avons maintenant le projet de créer un annuaire intelligent des femmes au ministère de l’intérieur, par exemple une femme ayant travaillé en matière d’aide aux victimes ou ayant été en poste dans le Nord-Pas-de-Calais, mais c’est très difficile. Demeure par ailleurs la question de l’image des femmes : le regard porté sur ce monde associatif n’est pas favorable et l’on nous parle de réunions de « bonnes femmes ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. Votre association dispose-t-elle de moyens financiers ?

Mme Corinne Desforges. Outre nos cotisations, nous recevons une aide du ministère de l’Intérieur de quelques milliers d’euros.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En ce cas, vous pourriez recruter temporairement un ou une stagiaire dont la mission serait de réaliser cet annuaire. Il me semble en effet que ce document vous serait très utile.

Je donne maintenant la parole à Mme Hélène Duchêne, présidente de l’association « Femmes et Diplomatie ».

M. Laurent Fabius, qui était, jusqu’à une période très récente, votre ministre de tutelle, avait coutume de dire qu’il avait augmenté de manière significative le nombre de femmes nommées ambassadrices. Cela vous paraît-il exact ?

Mme Hélène Duchêne, présidente de l’association « Femmes et diplomatie ». C’est vrai. M. Laurent Fabius s’est beaucoup engagé pour développer la parité au Quai d’Orsay.

Notre association a été créée en 2009. Elle a été créée parce que les femmes, à l’époque, considéraient que leur place au ministère des Affaires étrangères méritait d’être consolidée ; leur sentiment était qu’elles rencontraient des problèmes de mobilité et elles pensaient qu’il était nécessaire de s’organiser.

L’association a pour but de soutenir les femmes au sein du ministère pour qu’elles accèdent aux responsabilités. Il faut bien dire que le Quai d’Orsay, en règle générale, reflète plutôt la vision et les intérêts des hommes – il n’est que de penser, à cet égard, aux difficultés qu’il y a eu à nommer une femme ambassadrice à Pékin – et il n’est donc pas mauvais de faire entendre, chaque fois que cela est possible, le point de vue des femmes.

L’association regroupe actuellement un effectif d’environ 200 femmes, relevant principalement des emplois de la catégorie A, mais aussi des catégories B et C.

Nous animons le réseau en organisant des rencontres. Par exemple, nous avons reçu Mme Nicole Ameline qui nous a parlé de ses fonctions à l’ONU ; nous avons aussi accueilli l’ambassadrice de Suède.

Nous veillons à constituer un vivier de femmes au ministère. Ainsi, nous allons dans les écoles ou dans les universités pour inciter les femmes à passer les concours du Quai d’Orsay ; nous les incitons aussi à choisir la carrière diplomatique en cas de réussite à l’ENA.

S’agissant des recommandations que nous nous efforçons de faire prévaloir, je rejoins tout à fait ce qui a été dit par Mme Agnès Arcier : nos propositions sont, certes, des propositions qui intéressent avant tout les femmes ; néanmoins, dans la mesure où elles tendent aussi à la modernisation de l’administration, elles finissent par concerner l’ensemble des personnels.

Ainsi, l’une de nos propositions consiste en l’élaboration d’une charte du temps de travail. Il s’agit, pour les femmes, d’éviter les réunions tardives ou les réunions le week-end, afin d’établir une meilleure articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Bien entendu, cela peut aussi s’appliquer à l’ensemble des fonctionnaires du Quai d’Orsay.

Notre association a également conduit une réflexion sur la mobilité. Il s’agit d’anticiper les nominations pour éviter que les postes ne soient connus au dernier moment et donc que les déménagements ne s’effectuent en catastrophe. En Grande-Bretagne, par exemple, on connaît son poste d’affectation un an à l’avance ; il n’y a pas de raisons pour qu’en France il en soit autrement. Il y avait aussi un débat sur la question suivante : est-ce que l’homme peut être ambassadeur et sa femme conseiller culturel, par exemple, dans un même État ? Là aussi, nous avons examiné la situation dans d’autres pays où cela était possible.

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la question des doubles postes, et c’est une question qui intéresse aussi beaucoup les hommes, en lien avec le développement du travail des femmes. Aujourd’hui, le Quai d’Orsay examine de façon systématique cette question. Je pense d’ailleurs que les associations pourraient travailler ensemble sur ces questions, dans la mesure où des cloisonnements demeurent entre les administrations.

Nous exerçons également des formes de tutorat. En effet, nous avons fait un constat analogue à celui d’autres associations, c’est-à-dire qu’après un certain temps, les femmes diplomates risquent de partie, le jour où la mobilité entre en contradiction avec leur vie privée. Au cout de cinq ou dix ans, lorsqu’elles ont fait des enfants et qu’il faut partir, c’est là où on les perd, comme l’ont montré des études de cohorte. C’est pourquoi nous avons mis en place des tutorats, qui sont des accompagnements par des membres bénévoles de l’association, pour les aider à envisager d’autres possibilités lorsque ce type de difficultés survient, y compris par exemple la possibilité de ne pas accepter le poste en question, mais aussi pour les guider dans leur carrière et qu’elles ne se trouvent pas reléguées à des « ouvrages de dames » – culture, social, etc. Pour ma part, je suis directrice des affaires stratégiques, chargée des questions militaires, et cela n’a pas toujours été facile à faire comprendre à certains, mais cela a été possible et j’ai également aujourd’hui de jeunes rédactrices qui sont incollables sur la technologie des missiles, le nucléaire, etc.

Nous avons aujourd’hui un bilan positif : on dénombre actuellement quarante-huit femmes ambassadrices, contre vingt-et-une en 2012. Je suis néanmoins inquiète, car si nous avons pu avoir pendant toute cette période un soutien politique très important, en particulier de M. Laurent Fabius, je crains que des collègues masculins n’attendent leur heure, notamment quand j’entends des propos sur ce qui serait la « génération perdue des diplomates » qui sont les quarantenaires, et en fait, une forme de lassitude sur ces questions. Nous allons donc encore avoir besoin de soutien politique et de vigilance à l’avenir.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le monde politique, on constate un phénomène assez semblable à celui que vous décrivez, avec des résistances ou frustrations de certains hommes liées à la parité et à place croissante des femmes en politique, à travers par exemple le doublement des pénalités financières pour les prochaines législatives. Mais se sont-ils seulement interrogés, en sens inverse, sur les raisons pour lesquelles les femmes avaient été tenues à l’écart ? Nous avons bien assez attendu dans ce domaine.

Mme Gwenola Joly-Coz, secrétaire générale de l’association « Femmes de Justice ». Je remercie vivement Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, d’avoir réuni aujourd’hui les représentantes de la majeure partie des associations de femmes constituées au niveau des ministères. Je crois que c’est la première fois que nous nous trouvons toutes rassemblées au sein d’une enceinte publique.

Les « Femmes de l’Intérieur » étaient un peu nos grandes sœurs, et les femmes se réunissent désormais également dans notre département ministériel. Notre association « Femmes de justice » est la dernière en date à avoir été créée.

Cela peut d’ailleurs paraître paradoxal car le corps des magistrats est très féminisé, et pas seulement la magistrature, mais aussi les métiers au sein du ministère de la justice, y compris la protection judiciaire de la jeunesse et l’administration pénitentiaire, ainsi que les métiers du droit tels que les avocats et les notaires

Nous avons découvert que, dans notre ministère, nous ne parlions pas encore, du moins de manière suffisamment précise, de tous les problèmes auxquels les femmes sont confrontées.

Nous nous sommes aussi aperçues de l’existence de résistances au changement, et nous avons voulu briser une forme de tabou. Il faut souligner à cet égard la question de la féminisation des titres, qui pose encore des difficultés.

Nous voulons travailler sur la mixité et l’image des métiers de la justice. Aujourd’hui, 80 % des juges sont des femmes, alors qu’ils étaient 100 % d’hommes à la Libération. Le Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF) a même dit que, d’un point de vue sociologique, la féminisation de la magistrature était l’un des changements les plus importants que cette instance avait vécu ces dernières années. Quelle est la signification de ce changement pour le corps ? La fonction de juge s’identifie-t-elle aujourd’hui à un métier relevant de la sphère du care, alors qu’autrefois le juge était un fonctionnaire d’autorité ?

Un autre problème que nous nous posons est celui de l’avancement. Après le recrutement, il semble que le plafond de verre joue à plein. Ainsi, 80 % des procureurs sont des hommes. Il est difficile pour une femme d’être cheffe de juridiction ou d’être responsable d’une juridiction dite « hors hiérarchie ». En fait, nous nous sommes aperçues que les femmes ne se portaient même pas candidates.

En outre, il y a encore des bastions : directeur de l’ENM, secrétaire général du ministère de la Justice… On ne voit jamais de femmes occuper ces postes. De la même manière, parmi les dix nouveaux présidents de la Cour de cassation, il n’y a que des hommes.

La magistrature est très codée. Les femmes n’ont pas toujours accès à ces codes. Il faut qu’ils leur soient transmis. Il faut aussi que les femmes, pour les nominations, arrivent à faire entendre « leur petite musique », comme savent si bien le faire les hommes.

Mme Sophie Béjean, membre du conseil d’administration de l’association « Femmes dirigeantes de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » (AFDESRI). Je voulais vous remercier pour votre invitation et pour les propos que vous venez de tenir. Si notre association est récente, on aurait pu penser que c’est parce qu’il n’y a pas de sujet en termes d’inégalités pour ce qui concerne l’enseignement, la recherche et l’innovation. En effet, c’est un monde où l’on réfléchit, on observe les réalités, on les analyse et on cherche des solutions pour les transformer. On pourrait donc penser qu’il y a moins d’inégalités.

Mais en 2012, alors que la plupart des présidents d’universités ont été renouvelés, nous avons été quelques une à constater que nous étions passées à 10 % de femmes présidentes, c’est-à-dire moitié moins (six contre douze), et il était de plus en plus difficile d’avoir une femme dans le conseil d’administration de la Conférence des présidents d’universités (CPU). Il en va de même pour le bureau, dans lequel siègent trois personnes et où, deux fois de suite, les élus ont été trois hommes. Quelques rectrices, quelques présidentes et quelques directrices d’écoles ont donc pris l’initiative de créer notre association. Nous avons choisi dès le début de promouvoir la place des femmes dans les fonctions de direction, le nom de notre association l’assume.

Est-ce qu’il y a une spécificité concernant l’enseignement et la recherche ? En tout cas les stéréotypes sont là. Ils sont là dans le recrutement des enseignants-chercheurs, dans l’évaluation par les pairs et les parcours des carrières. Il y a aussi un plafond de verre comme dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des postes de directions de laboratoires, de doyens ou de directeurs… Concernant les recteurs, la situation s’est toutefois un peu améliorée suite au mouvement annoncé ce matin en Conseil des ministres. Les objectifs que le ministère s’est fixés commencent à porter leurs fruits, mais ce qui se passe du côté des recteurs et rectrices masquent des situations bien différentes à d’autres niveaux.

Il y a quelques spécificités à notre domaine et, premièrement, l’évaluation par les pairs, c’est à dire que les carrières se font par eux. Il est alors plus difficile de faire passer des objectifs d’égalité, de mixité et de promotion de la place des femmes, quand nos évaluateurs disent se fonder uniquement sur des critères de performance. Seule la performance scientifique permettrait d’atteindre des postes de recteurs, de professeurs, de directeurs de laboratoires.

L’autre processus particulier dans l’enseignement et dans la recherche est qu’il y a un processus électoral pour accéder à des positions de responsabilité, qui rappelle le monde politique, en ce sens que les femmes se positionnent dans un mode de fonctionnement où elles doivent se confronter à des élections.

Une autre spécificité est la question de la violence faite aux femmes et du sexisme. Je dois dire que moi-même, ayant été présidente d’université pendant cinq ans, j’ai été interpellée par le Collectif de lutte antisexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur (CLASHES) sur les violences et le sexisme à l’encontre des femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche. J’avais intégré une forme de déni de ces situations, mais en prenant du recul je me suis bien rendue compte que la relation qu’il existe entre un professeur d’université et son thésard ou sa thésarde est une relation de pouvoir et d’influence où le sexisme peut produire de la violence.

Malgré tout cela, il y a quelques espoirs d’évolutions et de transformations que je souhaitais évoquer : d’abord une charte d’égalité signée en 2013 par la CPU, le Centre d'études sur les formations et l’emploi des ingénieurs (CEFI) et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Geneviève Fioraso, la ministre Najat Vallaud-Belkacem, alors chargée des droit des femmes.

De plus, la loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur a permis d’introduire la parité dans les listes électorales, un point qui pourra probablement permettre de faire évoluer les choses. On peut noter que grâce à l’initiative d’une femme présidente, la CPU, qui a été très masculine ces quatre dernières années, est maintenant tenue d’avoir au moins une femme dans le bureau.

Je voudrais aussi signaler l’action très positive de la mission pour la place des femmes au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’engagement très fort de son directeur général, Alain Fuchs, qui en a fait un engagement politique fort, tout comme le ministre Laurent Fabius au Quai d’Orsay.

L’engagement d’un homme peut-être un facteur important d’évolution et d’ailleurs c’est un exemple que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) suit depuis peu puisque des femmes se sont réunies pour l’obtention de la mise en place d’une mission du même ordre.

Avant de conclure, je tenais à souligner l’existence d’un atout dans le secteur de l’enseignement supérieur : c’est de pouvoir s’appuyer sur la recherche. Comme l’ont dit certaines d’entre vous, quand on mobilise des chercheurs, on comprend mieux les situations, on peut les analyser, on peut trouver des solutions. Je vous disais aussi que l’évaluation par les pairs a pour incidence que certains disent que les femmes accèdent moins facilement à des hauts postes parce qu’elles sont moins brillantes. Or, précisément, des travaux ont montré que la menace des stéréotypes pour les femmes qui se présentent dans une situation où elles sont porteuses d’un stéréotype va diminuer ces performances. En revanche, si on les sensibilise avant qu’elles ne se positionnent à des entretiens de recrutement, leurs performances vont redevenir égales à celles des hommes. La recherche peut ainsi apporter une contribution précieuse pour progresser dans ce domaine.

Notre association toute récente a beaucoup de travail encore devant elle. Je voudrais simplement conclure en disant que l’entraide entre les associations et les réseaux féminins est effectivement un facteur très riche. Je crois moi-même en avoir tiré bénéfice puisque je viens d’être nommée ce matin rectrice de l’académie de Strasbourg et que si je n’avais pas écouté les conseils de Gwenola Joly-Coz sur la « petite musique » qu’il faut pouvoir faire entendre, je n’aurais peut-être pas été nommée, malgré mes compétences et mon expérience. En tout cas, j’en suis très heureuse et c’est un nouveau défi que je relèverai tout en continuant à me mobiliser pour l’association.

Lors du premier séminaire organisé par cette association en janvier dernier, il a été souligné que promouvoir la place des femmes, c’est aussi améliorer la situation des hommes. Mais il s’agit aussi d’un enjeu plus large, car ce n’est pas simplement une question d’équité pour les femmes, c’est aussi un facteur qui va améliorer la mixité, celle entre les sexes mais aussi la mixité sociale, celle à l’égard de l’autre. Et si l’on fait progresser la mixité dans la fonction publique, dans les postes à responsabilité, je crois que notre société ira mieux tout simplement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, félicitations pour votre nomination, et aussi de rappeler le terme de « rectrice ». Je précise d’ailleurs que vous étiez à la tête du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et de Campus France, et j’espère qu’une femme sera nommée pour vous remplacer. Je suppose que vous partez demain matin ou bien avez-vous jusqu’à dimanche ?...

Sophie Béjean. Pour ce qui est du CNOUS et Campus France, j’étais présidente du conseil d’administration, et donc le directeur et la directrice restent en poste. Pour ce qui est de la mobilité et de l’anticipation de la nomination des rectrices et des recteurs, il s’agit d’un vrai sujet. J’ai appris qu’on me proposerait pour la nomination il y a moins d’une semaine et je prendrais mon poste dans moins de quarante-huit heures.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Tout le monde suit avec les bagages, les enfants, l’école...

Mme Sophie Béjean. Il y a un vrai sujet sur la constitution du vivier et le ministère en est tout à fait conscient. Il essaye d’anticiper en identifiant des femmes pour pouvoir les proposer lors des nominations. On pourra prendre exemple sur ce qui a été promu par l’association Femmes et diplomatie pour faire avancer la situation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pourtant, la France fonctionne au rythme calendrier scolaire, tout le monde ou presque travaille en fonction en fonction de celui-ci, or à ma connaissance, l’année scolaire finit fin juin et tous les recteurs doivent préparer la rentrée scolaire, ceux qui arrivent comme ceux qui partent. Qu’est-ce qui justifie que les recteurs soient changés le 1er mars ? Ça ne correspond à rien dans l’année scolaire ou dans l’année administrative. Ne peut-on au moins leur laisser l’été pour trouver un logement, etc. ?

Mme Françoise Picq, vice-présidente de l’Association nationale des études féministes (ANEF). J’ai été membre du comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique. J’ai été très intéressée notamment par la deuxième partie de nos débats avec la présence des associations qui se sont développées dans les différents ministères, et notamment l’intervention de Mme Sophie Béjean, car l’ANEF représente les chercheuses qui travaillent sur ces questions. À ce propos, avez-vous eu connaissance du livre blanc de l’ANEF ? Il s’agit d’un livre blanc sur le genre dans l’enseignement supérieur et la recherche et qui comporte un certain nombre de thèmes. C’est à la fois sur la question du genre et de la place des femmes dans l’enseignement supérieur, dans la recherche. Ce document a été réalisé avec ce qui s’appelait à l’époque la Mission de la parité et de lutte contre les discriminations (MIPADI) ainsi que le Service des droits des femmes. C’est un travail qu’on a fait sur plusieurs années et qui actualise ces questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci Madame. Nous pouvons voir aujourd’hui tous les travaux menés et toutes les générations mobilisées pour avancer sur ces questions.

Mme Brigitte Grésy. J’étais hier à l’ENA dans le cadre d’un séminaire de formation de femmes fonctionnaires à des postes de leadership autour de la Méditerranée. Et toute m’ont dit : « Nous avons du mal, et nous voudrions constituer des réseaux de femmes ». Au Maroc, l’une d’elle avait constitué un réseau de femmes de l’intérieur mais ce réseau a été interdit par le ministère. Elles nous ont demandé de leur donner un guide, une sorte de vademecum, qui listerait comment construire un réseau, les contacts qu’il faut prendre au préalable, les assurances qu’on peut essayer d’avoir et comment se maintenir dans la durée. Quand je vois à quel point vous travaillez ensemble et à quel point vous avez capitalisé sur la façon de créer une association, je me dis qu’une des tâches que vous pourriez faire, peut-être au sein d’Administration moderne, qui est transversale, serait de construire une sorte de référentiel de construction d’une association. Ce guide pourrait dès lors être envoyé dans le cadre du réseau « Mixité et gouvernance », qui est notre réseau commun avec Agnès Arcier, ou dans le cadre du réseau de l’ENA.

Mme Agnès Arcier. C’est une excellente idée, nous pouvons y donner suite. Il faut juste faire attention car nous avons la chance d’avoir un droit associatif extrêmement favorable en France qui permet même à des étrangers de constituer et de diriger des associations en France. Ça n’est pas le cas du tout dans beaucoup de pays de la méditerranée, il faut donc penser à des réseaux qui pourraient être informels, pas forcément déclarés.

Mme Hélène Duchêne. Je pense effectivement que ce serait une bonne idée d’avoir une sorte de « kit de l’association ». L’association Femmes et diplomatie a d’ailleurs l’ambition de créer des membres relais qui sont en poste, ce qui permettrait de présenter une image de la France plus diverse, plus égalitaire. Malgré les aléas des cadres légaux de chacun des pays, c’est quelque chose qu’on pourrait faire ensemble.

Mme Corinne Desforges. Pour compléter, l’association « Femmes de l’intérieur » a été approchée par le ministère de l’écologie, nous devons déjeuner avec la DRH du ministère pour monter une association. Lors d’un autre colloque, une personne du ministère des finances m’a approchée car elle était susceptible de participer à la création d’une association au ministère des finances.

Mme Gwenola Joly-Coz. Je crois qu’il y a une vraie demande au niveau international. Par exemple, lors de la première formation que nous avions faite en commun entre l’ENA et l’ENM, une jeune femme magistrate en Egypte, qui y a participé, a pris contact avec nous dès qu’elle a connu notre existence. Elle voulait savoir si on acceptait des étrangers dans notre association et si elle pouvait la rejoindre, ce que nous avons accepté volontiers. Par la suite, Mme Lebon-Blanchard est allée au Caire pour parler avec ces femmes, on a découvert qu’il y avait beaucoup de femmes magistrates, et il se trouve qu’elles avaient les mêmes préoccupations que nous. Donc je pense que c’est une question bienvenue de penser à l’international. Merci d’avoir fait passer le message.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est une excellente initiative

Mme Myriem Mazodier. Et l’illustration peut aller au-delà, parce que cette magistrate avait fait ses études en France à l’ENA. Elle était à ce séminaire, dont nous avons parlé tout à l’heure, au titre de l’ENA et non de l’ENM. Donc on voit bien qu’on essaye à chaque fois de ne pas se placer dans des positions de concurrence mais au contraire de complémentarité et de convergence de manière à ce qu’on puisse faire passer le message et avoir des relais nécessaires dans plusieurs endroits.

Mme Maina Sage. Personnellement, je dois avouer que je n’ai pas rencontré de freins particuliers dans ma carrière. Aujourd’hui, je m’intéresse de plus en plus à la cause des femmes. Il me semble important de porter un regard extérieur sur tous ces mouvements initiés par des femmes. Les évènements organisés à l’occasion du 25 novembre et du 8 mars par exemple ont souvent lieu entre femmes. Il y a une inconscience de la gravité de la situation chez de nombreux hommes, une sorte de banalisation. Or le débat peut susciter une prise de conscience, qui peut être rapide et efficace, et lorsque l’on s’engage sur ces questions, il peut y avoir rapidement des résultats.

Je voudrais vous encourager à ouvrir vos réseaux aux hommes pour les sensibiliser à votre cause. Les hommes subissent ces changements alors que les progrès se font au profit de tous. L’amélioration de la place des femmes contribue à l’amélioration de leur place à eux aussi ! Il faut un débat partagé avec les hommes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Concernant un point évoqué précédemment, je suis moi aussi attachée à la féminisation des titres.

Mesdames et messieurs, je vous remercie toutes et tous. Je suis heureuse que les choses bougent. On voit très bien les progrès mais ils ne sont pas linéaires : il est temps de passer à l’égalité réelle !

La séance est levée à 19 heures 30.

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Membres présents

Présentes. – Mme Catherine Coutelle, Mme Maina Sage.