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Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président et de Mmes Marietta Karamanli et Annick Girardin Vice-présidentes de la commission des affaires européennes

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires européennes, de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué des transports, de la mer et de la pêche, sur les politiques européennes des transports et de la pêche

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la Commission des affaires européennes ont entendu M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué des transports, de la mer et de la pêche, sur les politiques européennes des transports et de la pêche.

Mme Marietta Karamanli, présidente. Je vous prie d’excuser notre présidente, Mme Danielle Auroi, dont l’avion, venant de Berlin, a été retardé à cause des conditions météorologiques.

Le niveau pertinent pour la politique des transports est clairement l’Europe. Une contradiction existe néanmoins entre l’ouverture à la concurrence, qui favorise le développement du transport routier, par la compression de ses coûts, et la lutte contre la congestion qui coûte à l’Union européenne 1 % de son PNB chaque année. Monsieur le ministre, la libéralisation et le découplage des marchés ne constituent-ils pas un obstacle au nécessaire transfert d’une partie du transport routier vers le rail ?

Quel est l’état des négociations sur le paquet aéroportuaire après que les propositions législatives de la Commission ont été désavouées par le Conseil ? Par ailleurs, semble-t-il sous la pression de l’Allemagne et de la France, la présentation du quatrième paquet ferroviaire a été reportée. Où en sont les discussions sur la libéralisation des lignes secondaires ?

La priorité donnée aux investissements dans les nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ne va-t-elle pas « assécher » le financement de la modernisation des lignes existantes ?

La fiscalité frappant le transport routier doit être davantage assise sur le principe du pollueur – ou utilisateur – payeur. Où en est cette évolution nécessaire ?

L’insuffisance de l’interopérabilité entre les systèmes ferroviaires nationaux est source d’inefficacité. Quelles sont les perspectives d’amélioration ?

Concernant la politique de la pêche, la France semble en retrait par rapport aux propositions de la Commission. Comment maintenir l’objectif d’interdiction des rejets tout en ne compliquant pas la tâche des pêcheurs ? Enfin, notre pays va-t-il défendre une définition du rendement maximal durable fondée sur les quotas ou sur les stocks ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Voici la première réunion commune entre nos deux commissions pour cette législature. Nous en aurons une autre le 3 avril prochain pour l’audition du commissaire européen à l’environnement, M. Janez Potočnik. Un groupe commun sur le ferroviaire présidé par M. Jean-Luc Moudenc et dont M. Gilles Savary est le rapporteur, a également été mis en place.

Je ne poserai pas de question supplémentaire pour ne pas retarder le débat.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Les sujets que je traite possèdent tous une forte dimension européenne. La présence du ministre dans les instances de l’Union européenne est indispensable. Le Président de la République a d’ailleurs insisté pour que la France occupe toute sa place dans les enceintes européennes. Ce retour de notre pays – impulsé notamment par Bernard Cazeneuve, et rendu possible par l’implication de notre représentation permanente – permet une défense plus efficace de nos intérêts, mais répond également à l’attente de la Commission et de nos partenaires. Dans le processus de codécision, le dialogue avec les autres pays est fondamental.

La libéralisation des transports routier et ferroviaire, voulue par le commissaire aux transports, M. Siim Kallas, comporte des dangers. Le modèle unique d’organisation des grands réseaux n’est pas une bonne solution ; nous défendons un principe de subsidiarité qui permettrait un agencement plus équilibré et la prise en compte de questions négligées comme celle de la sécurité. La politique européenne des transports ne peut se résumer à la libéralisation, il faut aussi prendre en compte les enjeux sociaux.

Avant d’élaborer de nouveaux textes, il conviendrait du reste de dresser le bilan de ceux déjà appliqués. Le cadre réglementaire du cabotage routier fixe comme préalable l’harmonisation sociale, qui a peu progressé ces dernières années.

Quel est le rôle des services publics en Europe ? Leur démantèlement ne constitue pas une réponse. J’ai dit à M. Kallas ma surprise de voir commencer une renégociation du règlement communautaire sur les obligations de service public – OSP – qui avait fait l’objet d’un accord équilibré.

Nous devons aborder le domaine aérien avec prudence car, du fait des difficultés de nos grandes compagnies, toute évolution peut avoir de lourdes conséquences économiques, financières et sociales.

La lutte contre le dumping social exige de veiller à la qualité de la production normative. Les textes doivent être opposables et leur application contrôlée.

Le développement des réseaux principaux ne doit pas s’effectuer au détriment de la qualité des transports du quotidien, notamment publics. L’Europe des citoyens doit promouvoir les droits des usagers. Lorsque le Gouvernement défend l’Europe de la croissance, il plaide pour les investissements. Il faut financer les grands chantiers et les interconnexions doivent être financés sans que les transports nationaux en pâtissent.

Le transport est l’un des domaines où les perspectives de recherche sont les plus nombreuses. Les filières aéronautique et ferroviaire en particulier sont porteuses d’innovation et de création d’emplois.

N’oublions pas la nécessité d’une politique maritime intégrée. La mer constitue l’une des sources de la croissance de demain, il n’y a pas lieu de la sanctuariser mais il faut l’exploiter de façon durable. Les conséquences du développement industriel sur l’environnement doivent nous inciter à rechercher des techniques qui permettront une utilisation non destructrice de la mer. La France a marqué l’importance qu’elle accorde à ce sujet en octobre dernier, lors de la conférence célébrant la Déclaration de Limassol.

Sur les négociations touchant à la pêche, nous avons une position équilibrée. Nous refusons une approche trop sectorisée et privilégions la définition de perspectives pluriannuelles. Dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP), nous avons défendu la spécificité de notre pays, ce qui a permis, notamment, la reconnaissance du caractère ultra-périphérique de certaines de nos régions d’outre-mer. Peser sur les enjeux européens, tel est le sens de notre action.

Le conseil national de la mer et des littoraux, installé la semaine dernière, doit devenir le lieu d’élaboration de notre politique de recherche et de développement économique. Les filières de démantèlement des navires ou de réparation navale connaissent déjà de beaux succès. Pour d’autres, comme les navires du futur, les perspectives sont riches.

M. Gilles Savary. La pêche impose des arbitrages difficiles entre la production et la protection de l’environnement illustrés par la négociation sur les quotas ; la Commission voulant protéger les espèces quand les professionnels souhaitaient maintenir leurs ressources. Pourriez-vous nous rappeler, monsieur le ministre, le contenu de l’accord sur les quotas de pêche pour 2013 ?

La politique commune de la pêche relève dorénavant de la codécision. Or, le Parlement et le Conseil seraient en conflit sur le périmètre de leurs compétences, ce qui bloquerait plusieurs textes comme ceux sur la pêche profonde et sur les plans de gestion à long terme. Où en est-on à cet égard ?

Le 6 février, le Parlement européen entamera la première lecture du projet de réforme de la politique commune de la pêche. Les outils mis en place pour préserver la ressource – rendement maximal durable, qualité des données et modalités du contrôle du prélèvement acceptable – seront au cœur des débats.

Quelles sont les orientations européennes en matière d’énergie hydrolienne, d’éolien off-shore, de bonnes pratiques dans l’aquaculture, d’impact environnemental du tourisme côtier et de réduction des gaz à effet de serre émis par le transport maritime ? Par ailleurs, l’Union européenne peut-elle aider les territoires d’outre-mer qui sont soumis à une concurrence anarchique et prédatrice de pays limitrophes ? Enfin, la stabilité du budget de l’agence des aires marines protégées est-elle assurée ?

Le quatrième paquet ferroviaire devait être présenté le 19 décembre dernier. La présidence irlandaise ne compte pas saisir le Conseil de ce sujet. Il ne sera donc pas examiné avant septembre, mais connaissons-nous la date de diffusion du projet de la Commission ? Pouvez-vous nous confirmer que ce calendrier est bien découplé de celui de la réforme ferroviaire française ?

Vous devriez soutenir le mécanisme d’interconnexion en Europe, car sa mise en œuvre permettrait de faire passer le budget du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) de 8,1 milliards à 21,5 milliards.

M. Jean-Marie Sermier. Les transports sont un outil de modernisation de l’Europe et de développement de l’activité économique.

Le Grenelle de l’environnement a élaboré plusieurs mesures dans ce domaine : projets de lignes à grande vitesse (LGV) – abandonnés trop rapidement par le Gouvernement –  et engagements pour le transport combiné, les opérateurs de proximité et la modernisation de la gestion des sillons. Cet effort doit être poursuivi.

Depuis quinze ans, l’Union européenne libéralise ce secteur. L’un des objectifs du quatrième paquet ferroviaire est de briser les derniers monopoles en ouvrant les lignes nationales de voyageurs à la concurrence d’ici 2019. La France et l’Allemagne sont-elles sur la même ligne ? Quels sont nos alliés sur ce sujet ?

L’harmonisation sociale est très peu avancée dans le transport routier. La révision du cadre réglementaire du cabotage doit être l’occasion de traiter le problème de la délocalisation des entreprises de ce secteur vers les pays à faible coût du travail. Où en est, par ailleurs, la mise en place de l’écotaxe qui permettrait de mutualiser le financement des infrastructures de transport ?

Enfin, l’Union européenne et la Suisse ont-elles développé des relations dans le domaine des transports ?

Mme Annick Girardin. La directive européenne sur l’application de la taxe carbone au secteur aérien a provoqué une fronde aux États-Unis, en Chine, en Inde et au Brésil. Le Sénat américain a interdit à ses compagnies nationales d’appliquer le texte et la Chine a menacé de boycotter Airbus. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont obtenu la suspension de cette directive, mais la Commission européenne prône la fermeté. Monsieur le ministre, comment l’UE peut-elle sortir de ce conflit à son avantage ?

Dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), la France bénéficiera-t-elle bien de 6,5 milliards d’euros ? Quels sont les principaux désaccords avec la Commission sur les mesures éligibles à un financement européen ? Un meilleur ciblage de l’attribution des aides est-il envisagé ?

Mme Annick Girardin remplace Mme Karamanli comme co-présidente de la réunion.

M. Olivier Falorni. La mise en place de l’interdiction des rejets demandera un effort financier important aux patrons pêcheurs, qui devront équiper leurs bateaux de moyens de surveillance adéquats. Comment cette charge sera-t-elle financée ?

La Commission prévoit la vente, la location ou l’échange de concessions de pêche transférables (CPT) à des propriétaires de navires enregistrés. Cela revient à octroyer de nouveaux droits d’exploitation. Les pêcheurs ne pouvant plus bénéficier d’un plan de sortie de flotte pourraient être tentés de spéculer sur ces CPT. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour protéger la pêche artisanale des gros armateurs qui pourraient concentrer un grand nombre de droits de pêche ?

Les quotas de civelle ont été atteints au bout d’un mois et demi cette année, si bien qu’un tiers des professionnels ont été exclus de cette pêche. Cet important manque à gagner doit conduire à réviser le niveau des quotas, la discussion du nouveau plan de gestion de l’anguille en offrant l’opportunité. L’ouverture du marché asiatique pourrait compenser la saturation du marché européen par les pêcheries espagnole et portugaise.

M. Stéphane Demilly. J’associe mon collègue Arnaud Richard à ma question. Monsieur le ministre, vous avez fait l’impasse sur le futur canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, composante majeure du RTE-T, capable de nourrir une croissance durable et de créer des milliers d’emplois.

Le 29 août 2012, le PDG de Bouygues construction, l'un des deux candidats à la réalisation de ce canal affirmait que l'opération était suspendue. Cette déclaration, que vous avez qualifiée de maladroite, a pourtant eu un effet positif, puisqu’elle a provoqué une forte mobilisation de ceux qui soutiennent ce projet.

Dans ce contexte, vous avez confié à l'Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) une mission portant sur la faisabilité financière du projet. L’UE pourrait porter sa contribution de 7 % du financement total à 20 %, voire 30 % – et recourir aux project bonds, émissions obligataires destinées à financer les infrastructures. Les États-membres doivent pour cela valider la proposition de budget présentée par la Commission. Or, le Gouvernement français n’a toujours pas fait connaître sa position. Il a demandé à la commission Mobilité 21, présidée par M. Philippe Duron, de réévaluer la pertinence des projets inscrits au Schéma national des infrastructures de transport (SNIT).

Avez-vous la volonté politique de lancer rapidement la construction du canal Seine-Nord Europe ? Quand informerez-vous la Commission de votre réponse ?

M. Jean-Louis Roumegas. J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la LGV qui permettra de relier l’Espagne au nord de l’Europe. Le seul tronçon manquant sépare Montpellier de Perpignan. Ce dossier est peu soutenu dans notre pays et dans les instances européennes, mais il ne doit pas être oublié.

Je salue l'adoption, le 18 décembre dernier, du rapport du Parlement européen sur la révision de la PCP. Un calendrier pour la fin des rejets, la reconstitution des stocks et la réduction de la surcapacité des flottes a été arrêté. Cela contribuera à développer une politique européenne de la pêche écologiquement soutenable et économiquement viable.

Les métiers de la pêche artisanale représentent près de 80 % des emplois européens dans ce secteur. Ils répondent aux exigences de régénération des ressources et de création d'emplois. Défendrez-vous un rééquilibrage des subventions au profit de cette pêche plus durable, ainsi que la mise en place de quotas reposant sur des critères écologiques et sociaux ?

M. le ministre délégué. La concurrence doit ajouter, non retrancher. Or, pour l’instant, elle a entraîné une diminution de la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises, alors que nous ambitionnions une hausse de 25 % en 2025. Il faut dégager des moyens pour les autoroutes ferroviaires et les corridors pour le fret, promouvoir la complémentarité avec les autres modes de transport, notamment par le développement des autoroutes maritimes et par une politique de cabotage routier cohérente.

Le quatrième paquet ferroviaire devra tenir compte des spécificités nationales. Certains pays ont développé un système intégré dont l’efficacité n’a pas été prouvée et souhaiteraient séparer les fonctions de gestionnaire de celles d’exploitant du réseau. L’Allemagne est satisfaite de son organisation intégrée sous forme de holding. La France va engager une réforme apportant de la clarté, des économies d’échelle et de l’efficacité à son système. Ce cadre nouveau reposera sur un pôle unifié autour de l’opérateur historique – ce qui n’entravera pas l’éventuelle ouverture à la concurrence des lignes nationales – et sur une plus grande place des régions qui, à la suite de la nouvelle étape de la décentralisation, pourront devenir des autorités organisatrices de transports. Les réformes européenne et française sont certes découplées, mais le projet porté par le Gouvernement est compatible avec celui de l’UE. Sachons influencer la Commission, et non subir son mode de pensée.

En matière de pêche, monsieur Gilles Savary, nous avons beaucoup progressé. D’abord isolée sur la question de la politique commune de la pêche (PCP), la France a proposé, lors du Conseil européen de juin dernier, une approche fondée sur le respect des avis scientifiques. Dès lors que les stocks et la biomasse présentent une fragilité avérée, il convient de diminuer raisonnablement les quotas ; en cas d’évolution favorable, il est possible de les augmenter ; en cas d’incertitude, il faut les maintenir. L’essentiel est d’imposer des engagements pluriannuels, afin d’en finir avec les changements permanents des objectifs.

L’enjeu de la PCP est de moderniser le fonctionnement de la pêche. C’est dans cette optique que s’inscrit notre nouvelle discussion avec la commissaire Maria Damanaki que je salue pour les efforts qu’elle a réalisés et qu’il est important de reconnaître. Mme Damanaki est d’ailleurs officiellement invitée en France, en février, pour discuter de la politique maritime intégrée. Nous nous sommes opposés aux concessions de pêche transférables – synonymes de la marchandisation de la mer –, obtenant la reconnaissance du principe de subsidiarité. Notre position sur les rejets est, en revanche, minoritaire. La PCP et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) devraient être considérés ensemble, car si l’on interdit le rejet, nous devons disposer de moyens suffisants pour moderniser nos méthodes. Cela dit, afin d’éviter le blocage entre le Parlement et le Conseil, qui pénaliserait l’ensemble des pêcheurs, chacun doit rechercher le compromis.

Enfin, la France s’inscrit pleinement dans la stratégie dessinée par la déclaration de Limassol. Nous devons rechercher des financements intelligents pour les aires marines protégées et parvenir à une définition commune des enjeux qu’elles représentent.

Monsieur Jean-Marie Sermier, la politique de transport sur les lignes à grande vitesse (LGV) a soulevé beaucoup d’espoirs, mais il faut désormais trouver des financements adéquats. Pour importantes qu’elles fussent, les déclarations faites à l’occasion des assises du ferroviaire, en décembre 2011, sont arrivées trop tardivement dans le quinquennat pour permettre de mener une politique ambitieuse. Les revendications des territoires sont légitimes, mais c’est à la commission Mobilité 21 de hiérarchiser les enjeux entre le ferroviaire, l’aérien et l’autoroutier, les projets transnationaux exigeant une approche particulièrement pragmatique. Les LGV doivent être évaluées du point de vue de leur soutenabilité ; or, celle-ci dépend non seulement de l’État, mais également des collectivités territoriales qui doivent cofinancer ces projets à hauteur de 90 milliards d’euros. Pourront-elles toutes honorer leurs engagements ? N’oublions pas non plus que les grands chantiers s’étalent sur le temps long.

Ni la Commission européenne, ni l’Allemagne ne voient aucune ambiguïté dans la position de la France sur le quatrième paquet ferroviaire. Le calendrier n’est pas non plus remis en question : la libéralisation des lignes de TGV n’interviendra pas avant 2019, l’organisation ferroviaire n’y étant pour le moment pas prête.

S’agissant du transport aérien, madame Annick Girardin, nous avons essayé de déplacer la discussion sur les « emission trading schemes » (ETS) au niveau de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Sans renoncer à l’objectif du dispositif, celle-ci devrait l’équilibrer en impliquant les États-Unis, la Chine et la Russie, afin que l’Europe ne soit pas seule à se l’imposer. Il faut également affiner les mesures ; aujourd’hui, en effet, un avion chinois qui n’entre que pour quelques minutes dans l’espace aérien européen est taxé sur l’ensemble du vol jusqu’aux États-Unis. Les discussions sont néanmoins difficiles et menacées de blocage, la Chine ayant promis de boycotter le système.

Pour revenir à la pêche, la question de la civelle mérite en effet réflexion, monsieur Olivier Falorni. La commissaire Damanaki, suivant en cela une demande de la France, a mis en place une aide à l’installation des jeunes pêcheurs, à hauteur de 50 000 euros. Il s’agit d’un signal très positif que les États devraient essayer de relayer. Par ailleurs, si notre position sur les rejets est singulière, c’est en raison de la spécificité de nos modes de pêche : les pays nordiques font souvent de la pêche minotière – qui exclut les rejets puisqu’il s’agit de faire de la farine –, alors que la France pratique la pêche mixte où il est difficile d’isoler les prises accessoires. Ces distinctions exigent d’adopter des dispositifs intelligents.

Il est important de travailler sur les modes de transport du futur, ainsi que sur les carburants du futur, qui permettraient de résoudre bien des difficultés. Il faut, à cet égard, saluer l’initiative de la région de Bretagne qui s’est engagée à développer le navire du futur, dans la perspective du renouvellement de la flotte.

Monsieur Roumegas, nous avons engagé le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, en collaboration avec l’Espagne ; actuellement, nous réglons la question de l’homologation du matériel roulant. La mise en place du barreau coûtera cher, mais le débat public est lancé, et les objectifs sont soumis à la Commission Mobilité 21 dont le travail est en cours.

Le Canal Seine-Nord Europe, monsieur Stéphane Demilly, est un enjeu majeur d’aménagement du territoire, dont il aurait fallu prendre conscience plus tôt ; il est dommage de n’avoir demandé de subventions européennes qu’à hauteur de 6 %. D’autres projets avaient été, à l’évidence, privilégiés à l’époque, et votre Gouvernement n’assumera pas les responsabilités qui ne sont pas les siennes. Nous avons, dès le premier jour, demandé à la Commission européenne d’inscrire le canal parmi les priorités de mobilisation des fonds européens. L’enveloppe globale s’élève aujourd’hui à 19 milliards d’euros, et la France a un droit de tirage de l’ordre de 10-15 %.

Par ailleurs, le partenaire privé du projet s’étant défaussé, j’ai dû me tourner vers d’autres entreprises. Le montage financier du projet date de 2008, et malgré la crise, on n’a revu ni les hypothèses financières, ni les capacités du partenaire privé à mobiliser des fonds sur le marché. C’est pourquoi j’ai commandé deux enquêtes auprès de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui devront nous livrer des solutions de sortie de crise. Les « project bonds » et le combat du Président de la République au niveau européen permettront sans doute d’avoir des financements nouveaux. Le Gouvernement est décidé à les mobiliser sur des grands chantiers, parmi lesquels nous avons inscrit le canal Seine-Nord Europe. Mais les projets financés doivent être suffisamment solides et achevés ; c’est pourquoi je souhaite un vrai dialogue compétitif avec les entreprises et un véritable partenariat public-privé, le partage de l’expertise technique et des savoir-faire devant nous permettre d’aboutir à des solutions moins coûteuses, plus pragmatiques et plus efficaces. Le pilotage sérieux du projet met toutes les chances de notre côté, et nous sommes prêts à y accorder le temps nécessaire.

M. Jean-Jacques Cottel. Nous sommes extrêmement attachés au projet de canal Seine-Nord Europe, et même s’il ne bénéficie pas de la somme initialement espérée, la mobilisation des fonds européens autorise l’optimisme. Chaque tonne transportée par voie d’eau permet de diviser par quatre les émissions de CO2 ; le transport fluvial coûte par ailleurs près de quatre fois moins cher que la route, en termes d’équivalent pétrole à la tonne transportée, et convient à de nombreux matériaux – marchandises ou déchets, notamment ménagers. Le fret et la voie d’eau représentent l’un des projets européens les plus importants, et je souhaite ardemment l’avènement de l’Europe de la croissance et des investissements que vous avez décrite.

M. Martial Saddier. Deux projets européens, au sens plus ou moins large, n’ont pas été abordés. Où en est la ligne Lyon-Turin, et qu’en est-il des accords du récent sommet franco-italien de Lyon ? À quel stade se trouve la liaison ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA) entre la France et la République et canton de Genève ?

M. Jacques Krabal. La directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté prévoyait de requérir des normes plus strictes en matière de nuisances sonores. Pourtant, seuls quatre aéroports urbains – Berlin-Tempelhof, Stockholm Bromma, London City et Belfast City – les appliquent, et peuvent à ce titre exiger le retrait des avions « conformes à la marge », équipés d’un système de faible amortissement du bruit. Pourquoi Paris-Charles de Gaulle et Orly ne figurent-ils pas sur cette liste ? Compte tenu de la croissance continue des échanges aériens, l’Union européenne doit se saisir de ce dossier afin d’uniformiser les différentes directives nationales. Peut-on envisager une directive européenne en ce sens ?

Selon ce qu’écrit La Fontaine – dont le nom a été choisi pour la promotion de l’ENA 2013-2014 – dans la fable « L’hirondelle et les petits oiseaux », « Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. » En l’occurrence, le mal des nuisances sonores est venu jusqu’en milieu rural.

Mme Annick Le Loch. L’un des enjeux de la PCP, le rendement maximal durable (RMD), inquiète particulièrement les pêcheurs. On emploie souvent ce terme en parlant de la mortalité par pêche ; mais le Parlement veut aller plus loin, évoquant le bio-RMD basé sur la biomasse, qui tiendrait compte du climat, de la pollution ou encore du réchauffement climatique. Or, selon la définition adoptée, les conséquences seront très différentes pour les possibilités de pêche.

On ne peut que féliciter la France de s’engager sur la voie de l’élimination progressive des rejets ; mais comment rendre cet objectif – qui constitue un vrai bouleversement pour les professionnels – opérationnel, soutenable et adapté ?

M. Pierre Lequiller. Vous avez insisté sur la nécessité de développer la recherche en matière de transport. De quels projets de transport la France pourra-t-elle bénéficier, et sur quel montant peut-t-elle compter dans le cadre du volet croissance ?

Enfin, qu’en est-il du ciel unique ?

M. Jean-Louis Bricout. En visitant l’usine Bayer à Marle, dans ma circonscription, j’ai été choqué d’y trouver des infrastructures ferroviaires laissées à l’abandon à la suite des réorganisations successives du fret SNCF. Cet industriel de la chimie a choisi de s’implanter dans l’Aisne pour profiter des possibilités de gestion en matière de maîtrise des coûts et d’efficacité logistique. Les matières premières hors emballage, en provenance de Dormagen ou de Francfort, étaient, en effet, livrées quotidiennement à Marle – en wagon pour les solides et en citerne ferroviaire pour les liquides –, à des coûts très compétitifs. Mais le désintérêt persistant à l’égard du fret, le manque d’investissements dans les gares de réception et la réduction du nombre des gares de desserte – notamment entre l’Allemagne et la France – ont poussé de nombreuses entreprises du secteur à repenser les modes de livraison, pour des questions de traçabilité, de sécurité et de coût de transport. Le fret SNCF devrait pourtant avoir toute sa place dans les transports de produits jugés dangereux. Le fret peut être économiquement et écologiquement rentable, surtout si les entreprises prennent la précaution de sauvegarder leurs aménagements ferroviaires privés dans l’entreprise et leurs possibilités de raccordement aux réseaux national et européen. Quelle est donc la position de la France dans le débat sur le quatrième paquet ferroviaire, censé rendre les transports sur rail pleinement compétitifs ?

M. Didier Quentin. Avec mon collègue Guy Lengagne, nous avions fait plusieurs rapports d’information sur la sécurité maritime. Où en sommes-nous en termes de contrôle des sociétés de classification ?

Le 8 septembre 2011, le commissaire Kallas a annoncé vouloir réduire, en 2013, les formalités administratives dans les ports, améliorer la transparence du financement de ces derniers et renforcer l’efficacité des services portuaires. Où en est-on de ces intentions ?

Pourriez-vous dresser un premier bilan des autoroutes de la mer – le merroutage – et nous indiquer vos attentes quant à leurs perspectives de développement ?

Enfin, comme l’a souligné Olivier Falorni, le problème de la civelle devient urgent en Charente-Maritime.

M. le ministre délégué. Le quota de pêche à la civelle est fixé à 34 tonnes.

M. Arnaud Leroy. Toujours à propos de sécurité maritime, quelle suite sera donnée au rapport de la Cour des comptes sur la politique française de contrôle des navires en transit et en escale dans nos ports ? Le rapport fait mention de plusieurs pistes de travail ; comment pensez-vous vous en saisir ?

Est-il prévu de faire une évaluation de la mise en place des grands ports maritimes – chaînon essentiel pour la compétitivité de l’économie française –, et le cas échéant, dans quels délais ?

En ce qui concerne la directive « soufre », la France a proposé à la Commission européenne de tenter de sortir de l’obligation à laquelle nous sommes soumis par les accords internationaux contractés dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI) ; où en sommes-nous dans cette discussion ?

M. Laurent Furst. Le TGV Rhin-Rhône, bénéficiant de subventions européennes et connecté au réseau européen, représente un dossier important qui doit être réglé de toute urgence.

Monsieur le ministre, je tiens à rappeler aussi l’attachement du conseil régional d’Alsace et du conseil général du Bas-Rhin à l’axe autoroutier Nord-Sud alsacien.

À l’heure où le Gouvernement adopte un plan de compétitivité de 20 milliards d’euros, le versement transport – qui représente une charge pour les entreprises – augmente dans nombre d’agglomérations. Cette augmentation ne risque-t-elle pas d’annihiler les efforts du Gouvernement ?

M. Philippe Bies. Les LGV du continent européen – notamment la magistrale européenne – suivent principalement l’axe Ouest-Est. Sans revenir sur ce choix, comment développer le réseau ferroviaire européen à grande vitesse pour en faire un véritable catalyseur pour notre continent ?

Alors qu’il faut aujourd’hui 4 h 37 pour relier Strasbourg à Bruxelles en passant par Paris et 5 h 16 en passant par Luxembourg, la construction d’un axe Nord-Sud à grande vitesse reliant Bruxelles à Zürich en passant par Strasbourg apparaît à la fois nécessaire et urgente. La présence, dans ces villes, d’institutions politiques, économiques et universitaires majeures fait de cet axe un couloir stratégique ; le renforcement des synergies et une interconnexion accrue bénéficieraient donc non seulement aux acteurs locaux, mais aussi à tous les Européens. Pour faire aboutir ce projet Europole, outre la deuxième phase du TGV Est – en voie d’achèvement –, il faudrait réaliser une ligne nouvelle Liège-Luxembourg de 120 km, en prolongement de la ligne Bruxelles-Liège qui vient d’être achevée, et acheter quelques automotrices à grande vitesse qui permettraient de ramener le temps de trajet Bruxelles-Strasbourg à 2 h 45, à un coût relativement raisonnable. Il a fallu attendre vingt-cinq ans pour que le TGV arrive en gare de Strasbourg ; pouvons-nous nous contenter, au cours des vingt-cinq prochaines années, de trains circulant à la vitesse moyenne de 90 km/h entre Bruxelles, Strasbourg et Zürich ? Alors que depuis la décision de 1994, la priorité est donnée au projet Eurocap-Rail Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg qui passe par Namur et non par Liège, quelle sera la stratégie du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Vigier. À côté de ses grandes infrastructures, la France compte des territoires ruraux, tels que l’Auvergne et la Haute-Loire, que l’on peut encore qualifier d’enclavés. Ces régions de moyenne montagne, à faible densité de population, sont très fragiles, et il faut accompagner leur développement économique. Il est notamment nécessaire d’apporter une aide substantielle à leurs projets d’infrastructures routières et ferroviaires. Quelle politique de transport voulez-vous mener dans ces territoires en grande difficulté ?

M. Serge Bardy. En 2011, 88 % du transport de marchandises en France s’effectuaient par voie routière, 9,5 % par voie ferroviaire et à peine 2 % par voie fluviale. Nous avons de plus en plus de mal à appliquer le principe du report modal qui voudrait la substitution du rail et du fleuve à la route. À ce jour, deux lignes ferroviaires à dimension européenne passent par la France : Perpignan-Bettembourg-Luxembourg et Aiton-Turin, et le report modal semble efficace sur la première d’entre elles. L’accroissement du commerce mondial et des échanges intracommunautaires rendent par ailleurs d’autant plus urgente la nécessité de repenser le transport de marchandises.

Outre les problèmes techniques qu’il peut poser, le report modal exige une harmonisation du cadre social à l’échelle de l’UE, qui seul peut permettre le développement d’une véritable politique européenne de transport de marchandises. Certains entrepreneurs déplorent ainsi l’embauche, par des entreprises de transport françaises, de travailleurs européens rémunérés sur la base de salaires en vigueur dans leur pays d’origine. Ce dumping social fait beaucoup de tort au report modal et décourage ceux qui seraient prêts à dépasser les difficultés pratiques pour s’engager sur la voie du développement durable. Prévoit-on de mener une action concertée au niveau européen afin de surmonter cet obstacle de taille ?

M. William Dumas. La pêche à l’anguille concerne deux cents professionnels dans le Languedoc-Roussillon et représente environ 300 tonnes de capture, dont au moins 40 % doivent retourner à la mer des Sargasses pour la reproduction, conformément à la réglementation européenne. La profession souhaiterait la mise en place d’un plan de sortie de flotte (PSF) qui, bien qu’ayant des effets négatifs sur l’emploi, permettrait de répondre aux objectifs du plan de gestion anguille. Quelle est votre position sur cette question ?

Malgré la mise en place, à court terme, d’aides financières au PSF des chalutiers, ou, à moyen ou long terme, sur la consommation des navires, la situation reste difficile, alors que les professionnels et les collectivités territoriales réfléchissent au navire du futur. Dans ces conditions de crise, serait-il possible d’obtenir de l’UE, avec l’appui du Gouvernement, une aide exceptionnelle pour restructurer la flotte de pêche méditerranéenne ?

Enfin, où en sommes-nous en matière ferroviaire pour les territoires ruraux, en particulier pour le train « le Cévenol » ?

Mme Valérie Lacroute. Placés dans un environnement concurrentiel intense, les transports routiers sont aujourd’hui confrontés à des enjeux majeurs : la hausse des prix du carburant, les normes anti-pollution et la lutte contre le changement climatique. Ces entreprises ont, depuis plusieurs années, fait des investissements lourds en faveur du développement durable, en aménageant leurs véhicules. L’acquisition de pneus énergie, permettant une réduction de 20 % de la résistance au roulement, l’installation de déflecteurs de cabine et la mise en place de coupures automatiques du moteur visent à réduire la consommation du gasoil d’environ 6 %. Ces entreprises ont également fait l’acquisition de véhicules neufs répondant aux normes Euro 5 – et bientôt Euro 6 –, qui sont aujourd’hui exigés dans les cahiers des charges des appels d’offres. Une entreprise de ma circonscription du sud de la Seine-et-Marne, qui compte dix-huit unités de poids lourds, se serait ainsi vue sanctionner par un de ses clients si elle n’avait pas investi dans un tracteur répondant à cette norme. Elle aurait alors perdu un marché de location de trois poids lourds sur dix ans.

Or, le prix d’acquisition de ces équipements ou des véhicules neufs excède les économies des entreprises, et aucune contrepartie n’est proposée aux transporteurs qui s’impliquent dans ce volet du développement durable. L’État envisage-t-il de les aider, directement ou indirectement, dans leurs investissements coûteux ?

M. Michel Lesage. Le vieillissement des bateaux – qui ont aujourd’hui plus de vingt-cinq ans d’âge en moyenne – représente un problème important pour nos pêcheurs, en termes de renouvellement, de sécurité, de conditions de travail et de financement. Comment les aider à y faire face ?

Envisage-t-on la création d’un écolabel européen public et unique des produits de pêche, capable d’en assurer la traçabilité ?

M. Yves Daniel. À la suite de la réunion du 11 janvier dernier à Valenciennes, un travail important est engagé sur le transport ferroviaire. Malgré la diminution du fret, le parc devient obsolète et nécessite d’importants travaux. Une restructuration pourrait-elle permettre la création d’une véritable filière de construction et de réparation de wagons, qui permettrait aux entreprises françaises de créer de la valeur ajoutée et de l’emploi, si nécessaires à notre croissance ?

M. Christian Assaf. La PCP, qui devrait prochainement être votée au Parlement européen, est un acte important. Quels sont les acquis de cette réforme pour la petite pêche – la pêche artisanale ou côtière ? Ce secteur fragile fournit des emplois et participe au développement de certaines zones littorales et maritimes. Pratiquée dans la région de Languedoc-Roussillon, le port de Sète, le bassin de Thau, et plus généralement sur la côte méditerranéenne, cette forme de pêche a également un rôle identitaire important. Quelle position le Gouvernement a-t-il défendue sur la pêche artisanale et quelles avancées a-t-il obtenues en matière de protection et de soutien de ces pêcheurs, notamment en termes d’accès aux subventions européennes ? La pêche méditerranéenne fait-elle l’objet d’un traitement particulier dans la PCP, et le cas échéant, lequel ? Sinon, de quelle manière ses spécificités pourront-elles être prises en compte ? La pêche sera-t-elle vraiment plus durable après l’évolution de la PCP, ou simplement verdie dans les déclarations ?

M. le ministre délégué. Nos engagements sur la ligne Lyon-Turin ont été réaffirmés lors du sommet de Lyon. Cet axe fait partie des grands chantiers qui pourront bénéficier des financements européens dont l’enveloppe globale s’élève à 19 milliards d’euros, sur lesquels 10 à 15 % reviendront à la France. Le promoteur public franco-italien est en cours de constitution, l’appel d’offres sera prochainement lancé, et fin 2013, nous pourrons mettre le tunnelier en marche. Mais pour démarrer les travaux, il faut d’abord s’assurer du financement ; aussi interrogeons-nous actuellement l’UE sur sa capacité à mobiliser quelque 2 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

Quant à la ligne CEVA, son financement – réalisé dans le cadre d’un contrat de projets État-région – s’élève à 30 millions d’euros et ne soulève pas de problèmes particuliers.

La pollution sonore est au croisement de plusieurs enjeux – politiques, industriels et environnementaux. La France applique la directive 2002/30/CE qui l’amène à interdire les avions les plus bruyants, mais nous demandons une révision de ce texte, en particulier pour l’aéroport de Roissy. Par ailleurs, les services du ministère de l’Écologie et de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) travaillent sur une modélisation des approches d’aéroport, qui pourrait optimiser la situation et éviter que l’avantage des uns ne se transforme en inconvénient pour bien d’autres.

S’agissant du ciel unique, nous avons eu une discussion serrée avec le commissaire Kallas. Nous avançons sur la question de la composition du Functional Airspace Block Europe Central (FABEC), même si les autres Functional Airspace Blocks (FAB) de la zone européenne ne suivent pas le même rythme. Mais la procédure de mise en cohérence des dispositifs nationaux au sein des blocs fonctionnels est longue et complexe. La pression qu’exerce le commissaire et son empressement – voire son emballement – n’y feront rien : tout changement en matière de transport aérien exige du temps, d’autant qu’il soulève des questions de sécurité très sensibles. J’espère donc que la Commission n’ira pas jusqu’au contentieux.

Le Président de la République plaide, au niveau européen, en faveur des grands projets de transports bénéficiant à la croissance. Les chantiers actuellement privilégiés – la ligne Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe, la LGV Bordeaux-Espagne ou Montpellier-Perpignan – dessinent les grandes directions de l’infrastructure européenne. Ces axes – dont la Commission Mobilité 21 s’est évidemment saisie – méritent une place à part, dans la mesure où leur réalisation exigera du temps. La part des financements européens qui revient à la France est pourtant à peine suffisante pour couvrir les besoins.

La grande question du fret est assurément celle de la compétitivité. Le rail n’étant compétitif que sur de grandes distances, nous avons poursuivi le travail sur l’autoroute ferroviaire atlantique. En revanche, la taxe poids lourds – qui alimentera le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) – n’est pas encore opérationnelle et, en tout état de cause, ne représentera pas une source de financement inépuisable. Sa mise en place est annoncée pour le 20 juillet – ce qui n’est pas sans poser des problèmes pratiques pour la comptabilité des routiers –, mais il nous faut avoir la garantie que le dispositif fonctionnera correctement. C’est pourquoi nous mettrons en place une période blanche, sans doute au niveau national, afin de nous assurer que l’écotaxe poids lourds bénéficiera également à la politique routière. En effet, le principal problème du transport routier n’est pas tant la pollution générée par les camions – que la norme Euro 6 rendra moindre – que le coût qu’il représente pour les infrastructures.

L’amélioration de la qualité des sillons s’inscrit dans la logique de la réforme ferroviaire. Nous souhaitons que RFF et la SNCF puissent envisager la modernisation des infrastructures de façon coordonnée. Elles doivent également cesser de sacrifier le fret, l’entreprise étant un client comme les autres.

Le Conseil national de la mer et des littoraux devra se saisir de la transposition, dans le droit français, des paquets européens ; celle du paquet législatif Erika III ne pose pas de problèmes particuliers. Par ailleurs, l’Agence européenne pour la sécurité maritime se charge des questions de sécurité.

Si les grands ports nationaux – dont j’ai rencontré les directeurs et les présidents – sont importants, il ne faut pas oublier les ports décentralisés, car une politique portuaire doit assurer un équilibre entre les enjeux nationaux et locaux. Il faut notamment travailler à la dématérialisation des formalités administratives, qui ont un impact très négatif sur la compétitivité de nos ports.

Nos ports bénéficient aujourd’hui d’une dynamique très positive. Marseille est le premier port de croisières de France, et affiche un bon développement du trafic de marchandises. Le Havre vient de récupérer un trafic de containers, qui représente 15 % de son activité, soit 350 000 tonnes. La Rochelle a de beaux projets de développement portuaire. Les perspectives de Dunkerque sont également excellentes, la progression se faisant tout en douceur. Le partenariat qui s’y est noué entre les acteurs sociaux montre par ailleurs que les représentants des organisations syndicales et la direction des ports peuvent trouver un langage commun ; c’est un bel exemple de paix sociale et de compétitivité. Préservons ces acquis et améliorons l’image de nos ports, qui le méritent amplement !

L’autoroute de la mer qui relie Gijón à Saint-Nazaire marche très bien ; deux ans après sa mise en service, l’heure sera bientôt au premier bilan. Le projet d’une deuxième ligne entre Vigo et Saint-Nazaire présente plus de difficultés, d’autant que la destination Saint-Nazaire risque de se retrouver en surexploitation, créant un déséquilibre entre les trafics montant et descendant. Des réflexions sont en revanche en cours pour mettre en place un trafic en fond de cale sous température dirigée pour faire monter les fruits et légumes du Sud et descendre des poissons du Nord. Le Maroc représente également une destination prometteuse. Plusieurs ministres – dont mon homologue espagnol et moi-même – sont particulièrement mobilisés pour développer ces autoroutes de la mer, mais il nous faut trouver un autre mode d’approche. Actuellement, en France, on finance l’armateur ; mais en Norvège, par exemple, c’est le transporteur routier que l’on rétribue, à hauteur de 6 euros, pour chaque tonne de marchandises passée par la mer. Ce système – qui permet d’intéresser et de fidéliser le transporteur – serait peut-être plus adapté pour compléter le dispositif de l’écotaxe poids lourds.

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité maritime en France me semble excessif, voire injuste. Notre système de contrôle est efficace, et s’il faut mener une politique d’aménagement portuaire, celle-ci doit aussi prendre en compte la spécificité de nos littoraux. Il ne s’agit pas de rejeter toutes les critiques, mais de considérer, au cas par cas, les domaines où les avancées sont nécessaires.

Dès mon entrée en fonction, les armateurs m’ont interpellé sur le problème posé par la directive « soufre ». Le commissaire Kallas note avec raison que les pays membres ne se sont pas suffisamment mobilisés, il y a deux ans, pour en dénoncer les difficultés d’application. Si l’objectif reste bien de parvenir à appliquer les taux de rejet de soufre qu’elle fixe, le pavillon français a besoin de temps pour trouver une solution industrielle soutenable. Mieux vaut d’ailleurs, en cette matière, miser sur les navires du futur, l’adaptation des flottes actuelles – notamment celles dédiées au transport maritime de passagers dans la zone de la Manche et de la mer du Nord – s’avérant très difficile. Ces engagements ont été pris dans le cadre de l’OMI, mais l’UE devrait obtenir, pour la France, le même assouplissement du dispositif que celui dont bénéficient les États-Unis ou le Canada. Ne pas l’avoir réclamé met certains de nos armateurs – et l’ensemble de l’économie maritime – en difficulté ; une extension des exemptions représenterait une solution transitoire qui nous permettrait d’avancer.

La LGV Rhin-Rhône fait partie des chantiers examinés par la commission Mobilité 21. La deuxième phase de la branche Est – deux tronçons à l’approche de Dijon et de Mulhouse – devrait bénéficier d’un crédit de 1,2 milliard d’euros. En revanche, le partenariat public-privé en charge du grand contournement de Strasbourg n’a pas abouti. Nous sommes allés jusqu’au bout du dialogue compétitif, mais malgré les relances et les prolongations du délai de remise des accords avec les banques, Vinci n’a pas répondu à l’offre dans les temps.

La politique d’équilibre territorial – que Cécile Duflot et moi-même portons de concert – mériterait un vrai débat dans l’hémicycle. Les questions de l’aménagement du territoire et des modes de transport sont liées : le désenclavement ne passe pas forcément par le tout LGV, l’essentiel étant d’offrir à chacun des moyens de mobilité. Le transport de voyageurs par la route représente ainsi une solution à réexaminer à la lueur des efforts faits par les constructeurs : des bus et des cars parfaitement aménagés permettent aujourd’hui de désenclaver des zones qui ne peuvent être desservies autrement. Le projet de loi sur la décentralisation répartira les responsabilités, le maillage routier devant compléter de façon cohérente le maillage ferroviaire. Quant au Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) et à la Commission Mobilité 21, ils s’occupent des grands chantiers qui répondent à des ambitions d’un autre ordre.

Les projets de liaisons européennes, comme Europole, doivent être impulsés par les États, tout en bénéficiant d’un financement européen. La partie française des travaux est du ressort de la commission Mobilité 21 ; mais tout l’enjeu de la politique européenne de transport et de mobilité est d’assurer une cohérence entre différents projets.

Pour que la compétitivité de la route ne s’impose pas au détriment des autres modes de transport, il est indispensable de parvenir à l’harmonisation sociale à l’échelle européenne et d’assurer des contrôles au niveau national, ces deux conditions étant préalables à toute discussion sur le cabotage et le transport routier. Le secteur est tellement attaqué par la concurrence déloyale que les marges des entreprises représentent moins de 1 %, sans parler de la perte en emplois que les professionnels évaluent à 20 000. Il faut donc renforcer la législation et mettre en place des dispositifs intelligents. Par ailleurs, si beaucoup de routiers sont aujourd’hui sensibles au message environnemental, les grands groupes sont rarement vertueux, dénonçant bien souvent ce qu’ils pratiquent eux-mêmes – ce qui ne peut que ternir l’image de la profession. La norme Euro 6 élèvera, certes, le prix d’un camion de quelque 6 000 euros, mais le renouvellement de la flotte – qui concerne environ 45 000 camions par an – représente également un enjeu industriel. Les nouvelles générations de camions consommeront un peu plus, mais auront un intérêt environnemental certain, puisque sur une flotte renouvelée et propre, le bilan carbone n’est pas négatif. Mais la question de l’écotaxe excède le seul enjeu environnemental : le transport routier usant les infrastructures, il est légitime qu’il contribue à leur renouvellement. Nous avons adapté la taxe poids lourds pour qu’elle soit efficace et perçue comme telle, mais il faudra vérifier qu’elle pèse réellement sur les chargeurs, qui sont responsables du rythme imposé aux routiers et de la mise sous tension des infrastructures.

Comme en témoignent les courriers électroniques et les tweets que je reçois, « le Cévenol » a d’ardents défenseurs, non en raison de sa rentabilité économique – la partie Nîmes-Marseille est très peu fréquentée – mais sans doute parce qu’il représente une image vivante du patrimoine ferroviaire. L’attachement à ce train traduit la crainte de la disparition de la ligne ; il ne s’agit pourtant pas d’arrêter « le Cévenol », mais de le moderniser. Guillaume Pépy s’y est engagé, et il devra tenir parole.

Les termes de petite pêche ou de pêche artisanale peuvent renvoyer à des réalités très différentes ; ainsi, lorsque l’UE évoque les mesures d’accompagnement de la pêche artisanale, elle vise la très petite pêche – un pêcheur sur son bateau, qui ne sort en mer que quelques heures –, ce qui diffère sensiblement de notre définition française. Il est vrai que la zone méditerranéenne rencontre une série de problèmes, alors qu’elle a fait beaucoup d’efforts en vue du Parlement de la mer. Un plan de sortie de flotte pour soixante bateaux correspond à environ 2 millions d’euros ; ce n’est jamais une solution idéale, mais il est vrai que nous sommes actuellement en surcapacité. L’année prochaine, l’évolution des moyens de pêche imposée et la situation compliquée des stocks fragiliseront d’autant plus la pêche classique ; il est donc nécessaire de l’aider, en fléchant les PSF vers cette région.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie la présidente de la commission des affaires européennes, Mme Danielle Auroi, qui a pris l’initiative de cette réunion conjointe, et vous, monsieur le ministre délégué, pour votre présence et pour les réponses que vous avez apportées à tous nos collègues.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 23 janvier 2013 à 17 heures

Présents. - M. Christian Assaf, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Falorni, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Rémi Pauvros, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. David Vergé, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, Mme Florence Delaunay, M. Philippe Duron, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Fasquelle, Mme Annick Girardin, Mme Marietta Karamanli, Mme Annick Le Loch