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Mercredi 20 février 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 38

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Jean-Marc Michel et Bernard Chevassus-au-Louis, préfigurateurs du projet de l’agence nationale de la biodiversité

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu MM. Jean-Marc Michel et Bernard Chevassus-au-Louis, préfigurateurs du projet de l’agence nationale de la biodiversité.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Marc Michel, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et à M. Bernard Chevassus-au-Louis, inspecteur général de l’agriculture. Suite à la conférence environnementale et à l’annonce par le Président de la République de la création d’une agence de la nature, la ministre de l’écologie et du développement durable Delphine Batho les a désignés, le 4 décembre 2012, comme préfigurateurs de cette agence de la biodiversité. Nous les recevons ce matin pour qu’ils nous fassent part de l’état de leurs réflexions et qu’ils explicitent leurs propositions.

La biodiversité est une compétence propre et forte de notre commission, et nous avons effectué, à ce titre, de nombreux travaux que je rappelle rapidement : le 9 octobre 2012, nous avons auditionné M. Gilles Bœuf, président du Muséum d’histoire naturelle ; le 21 novembre 2011, nous avons organisé une table ronde intitulée « collectivités locales et biodiversité » ; à la fin de l’année 2012, une délégation de la commission s’est rendue en Guyane pour évoquer, entre autres choses, de la biodiversité.

M. Bernard Chevassus-au-Louis, co-préfigurateur du projet de l’Agence nationale de la biodiversité. Mesdames, messieurs les députés, merci de nous accueillir pour vous présenter le rapport que nous avons remis, il y a quelques jours, à Mme Delphine Batho. Pour ma part, je présenterai les éléments concernant le cadrage de l’Agence et ses missions ; Jean-Marc Michel, pour la sienne, présentera les aspects liés à son organisation et à ses moyens.

Notre lettre de mission précisait plusieurs points relatifs au cadrage de ce projet d’agence de la biodiversité. Tout d’abord, elle faisait explicitement référence à une agence qui, sur le modèle de l’ADEME, viendrait en appui aux opérateurs, aussi bien collectivités, qu’entreprises ou associations ; une agence qui travaillerait sur l’ensemble des champs de la biodiversité, qu’elle soit marine ou continentale, et aussi bien terrestre qu’aquatique ; une agence qui prendrait en compte non seulement la biodiversité remarquable, qui fait l’objet de mesures de protection et d’espaces réservés, mais aussi la biodiversité ordinaire qui existe dans les milieux agricole, urbain ou forestier, qui ne bénéficie pas de mesures de protection particulières mais dont on mesure de plus en plus aujourd’hui l’importance en termes d’écologie mais aussi d’économie.

Le cadrage géographique allait de la métropole jusqu’aux départements et territoires d’outre-mer ainsi que, dans le respect de leurs prérogatives et de leur autonomie, aux collectivités de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Le champ se voulait donc assez large.

Enfin, une référence forte était faite à l’ambition de la stratégie nationale pour la biodiversité, qui est la concrétisation des engagements de la France au niveau international, en particulier au titre de la convention sur la diversité biologique et des accords de Nagoya. À cet égard, le Président de la République avait évoqué la notion de reconquête, signifiant qu’il ne s’agissait plus simplement de stopper l’érosion de la biodiversité mais de la développer comme atout pour le développement durable, de l’envisager dans une logique de recapitalisation écologique, en créant du capital naturel qui, au même titre que le capital social ou économique, constituerait un atout pour demain. Il importe de bien souligner que l’Agence de la biodiversité ne sera pas une agence des aires protégées, mais un organisme qui fera de la biodiversité un élément central de notre économie et de la dynamique de nos territoires.

S’agissant de la méthode, la lettre de mission nous avait demandé un premier rapport pour le 31 janvier, un délai court puisque cette lettre nous avait été remise au début du mois de décembre. Au cours de cette période, nous avons procédé à une cinquantaine d’auditions individuelles ou collectives, en essayant de répondre à toutes les demandes d’audition des différentes parties prenantes, que ce soit des organisations professionnelles, des collectivités territoriales, des organismes ou des représentants des salariés. Nous avons également reçu des contributions écrites. La liste de ces diverses interventions figure dans le rapport qui vous a été transmis.

Une première présentation publique de ce rapport a eu lieu hier, devant le comité qui préfigure le Conseil national de la transition écologique. Nous sommes aujourd’hui devant vous. Il est indiqué dans la lettre de mission que nous aurons sans doute à continuer ce travail après qu’un certain nombre d’arbitrages seront intervenus et les cadrages précisés, pour le mener jusqu’à son inscription dans le projet de loi-cadre plus global relatif à la biodiversité.

Nous avons identifié les missions de l’Agence par paquets. Le premier paquet regroupe tout ce qui a trait à la formation, à l’éducation, à la sensibilisation, à la communication. Nous sommes conscients que la biodiversité et ses enjeux doivent encore faire l’objet d’un travail important d’explication auprès de personnes diverses – élèves, étudiants, entreprises, opérateurs. Dans ces domaines, la science évolue beaucoup ; il y a donc aussi des enjeux de formation, à la fois initiale et continue, auprès de toutes les personnes qui y travaillent, des employés des espaces verts dans les municipalités aux gestionnaires d’espaces naturels, de forêts ou autres. Loin de nous l’idée de dire que, jusqu’ici, rien n’a été fait ou que les choses ont été mal faites, au contraire. C’est parce que beaucoup d’opérateurs se sont mobilisés, tant au niveau des associations, des collectivités territoriales que de l’État, et ont essayé d’agir que l’on peut penser maintenant en termes de plus grande cohérence, ambition, valeur ajoutée. Il faut faire mieux et plus ensemble. C’est ainsi que, dans le domaine de la formation, il faudra travailler avec le centre de formation des collectivités territoriales, avec les opérateurs qui ont déjà des centres de formation et voir comment travailler davantage ensemble.

Le deuxième paquet de missions rassemble tout ce qui est lié à la connaissance, c’est-à-dire les données naturalistes, la connaissance de la répartition des espèces, des habitats, de la diversité de ces espèces, en distinguant bien la recherche au sens strict de la connaissance et de l’expertise. Nous disons clairement que l’Agence n’aura pas à s’occuper de la coordination de la recherche sur la biodiversité, car c’est essentiellement le rôle du ministère de l’enseignement supérieur. Toutefois, elle pourra être client des opérateurs de recherche si elle a besoin de mieux comprendre comment étudier la biodiversité, comment avoir des plans d’étude sur le territoire. En revanche, dans le domaine de la connaissance, c’est-à-dire parmi tous les opérateurs qui, depuis des années, veillent à recueillir des données sur l’ensemble du territoire, nous pensons nécessaire d’introduire cohérence et coordination. Les données naturalistes sur notre territoire sont assez denses, mais certaines zones sont très bien observées quand d’autres le sont beaucoup moins. La situation s’explique par le fait que ce sont des amateurs qui recueillent ces données, et qu’ils se répartissent de manière très variable d’un endroit à l’autre. La coordination et la planification du recueil de données sont donc vraisemblablement nécessaires, ainsi qu’une mise à disposition selon des formes adaptées. Les demandes en provenance d’une collectivité territoriale, d’une association ou d’une entreprise diffèrent selon le but de l’étude d’impact. Il faudra pouvoir mettre les données à disposition dans des formats adaptés aux différents utilisateurs.

Le troisième paquet de missions concerne toute la question de la gestion et de l’appui à la gestion. Sur ce sujet, nous n’envisageons pas une agence directement chargée de la gestion de territoires, à l’exception peut-être du cas particulier des aires marines protégées. Il nous semble que, entre les collectivités territoriales, les associations, l’État lui-même ou les opérateurs publics, le territoire bénéficie déjà d’un réseau important et motivé de gestionnaires d’espaces protégés. Le rôle de l’Agence sera plutôt de vérifier, en fonction du cahier des charges de ces espaces délégués en gestion, que cette gestion est bien effectuée.

Quatrième paquet, la police de la nature, qui est déjà assurée par un certain nombre d’opérateurs. Des réflexions ont déjà été menées sur l’évolution nécessaire de ces polices de la nature ; une réflexion complémentaire a encore été annoncée. Nous prenons position pour que l’Agence n’assure pas une telle fonction, qui apparaîtrait contradictoire avec son rôle d’appui et de soutien au travers de ressources techniques et de connaissances. En tout cas, cela contribuerait à brouiller la perception de l’Agence.

L’avant-dernier point est l’activité internationale. L’Agence n’est nullement pressentie pour reprendre des prérogatives régaliennes du Gouvernement dans les accords internationaux. Elle ne viendrait qu’en appui, pour expertiser les positions que la France peut adopter et défendre, les engagements qu’elle peut prendre de manière assez réaliste pour pouvoir les tenir. Elle serait aussi un opérateur de « rapportage », en étant capable, au regard d’engagements de la France à atteindre certains objectifs dans le cadre d’accords internationaux ou de conventions européennes, par exemple en matière de qualité des eaux ou des milieux, ou de niveaux de protection, de fournir régulièrement des états des lieux, donc d’assurer un suivi.

Le dernier point porte sur les capacités d’intervention financière que pourrait avoir l’Agence. Nous sommes davantage dans une logique d’investissements et programmes que dans une logique de guichet. Si l’on parle en termes de capital écologique, il faudra en priorité soutenir des opérateurs désireux de développer celui-ci de manière durable, comme ceux qui promeuvent les grands projets de trame verte et bleue qui visent à instaurer une continuité écologique sur le territoire. Il faut privilégier les programmes cohérents et d’investissement plutôt que la démarche de guichet qui consiste à attendre le client et à contribuer au fonctionnement de certains opérateurs.

Telles sont les missions que nous voyons pour l’Agence.

M. Jean-Marc Michel, co-préfigurateur du projet de l’Agence nationale de la biodiversité. Il me revient de compléter cette présentation par nos propositions en matière de périmètre, d’organisation, de gouvernance et de moyens de l’Agence.

Le périmètre est lié aux missions, aussi nos propositions mettent-elles l’accent sur certains sujets et en délaissent-elles d’autres. Nous sommes partis de la question suivante : la reconquête nécessite-t-elle de créer un organisme nouveau ou d’intégrer un organisme déjà existant ? Forts de l’ambition de regrouper les forces pour participer à cette quête d’efficacité environnementale au service de la biodiversité, nous avons choisi de proposer la naissance d’un organisme nouveau qui prendrait la forme d’un établissement public à caractère administratif. Cet établissement public serait créé en même temps que serait engagé par vous-mêmes le débat sur la loi-cadre relative à la biodiversité, en parfaite concomitance avec la vision politique du renouveau que vous voulez donner à cette politique publique. S’il s’était agi d’envisager l’intégration dans un organisme existant, immédiatement, nous aurions pensé à l’ADEME. Toutefois, nous avons renoncé à l’intégration, car l’Agence pour la biodiversité doit regrouper plusieurs petits opérateurs qui se seraient trouvés complètement dilués dans un organisme existant. Nous plaidons donc pour quelque chose de nouveau qui, politiquement, est plus lisible. Et puis, la biodiversité mérite bien qu’un organisme lui soit dédié.

Trois hypothèses étaient envisageables quant au rôle de l’Agence. La première en faisait une agence de stratégie, sans qu’on soit sûr qu’elle ait les capacités techniques d’assurer le pilotage et la stratégie pour toute une série d’acteurs. Dans le doute, nous n’avons pas proposé cette hypothèse, d’autant que nous poussions pour une agence de mobilisation et d’animation, qui ne se substituerait pas au Gouvernement pour exercer la tutelle des établissements publics et qui ne mettrait pas non plus d’intermédiaire technique entre une collectivité et ses gestionnaires d’espaces ou entre une branche professionnelle et ses acteurs. Voilà pourquoi l’agence de stratégie n’a pas été retenue, même si l’Agence de la biodiversité aura vocation à travailler en ce sens.

La deuxième hypothèse en faisait une agence de gestion des aires protégées. Nous avons pensé que les moyens déjà mis en place à cet effet par les collectivités, certaines ONG et l’État lui-même au travers des établissements publics tels que les parcs nationaux, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ou l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), à raison de 2 % du territoire national et de 10 % du territoire marin, n’étaient pas suffisants. L’ambition étant d’aller vers la reconquête de la biodiversité ordinaire, il faut s’occuper de 98 % de notre territoire national non artificialisé. C’est la raison pour laquelle nous avons préféré une agence d’appui et d’animation, qui couvrirait l’activité quotidienne d’opérateurs professionnels, associatifs et publics. C’est pourquoi cet établissement public à caractère administratif regrouperait des opérateurs existants et les conforterait. Quand, à la tête d’un réseau de conservatoires botaniques, il n’y a aujourd’hui que cinq ou six chargés de mission payés à 100 % sur une subvention de l’État, on peut s’interroger sur l’avenir de cette structure. Mais on peut aussi se demander si, en rapprochant des compétences botaniques et des compétences zoologiques, en rapprochant des compétences de gestion et de taxonomie, on ne produirait pas un meilleur service pour la biodiversité. C’est une des raisons qui nous a fait penser que regrouper des opérateurs permettrait de gagner en efficacité pour l’environnement. Nous avons également choisi que l’Agence ne se substitue pas à l’exercice de la tutelle de l’État sur ses établissements publics ni à l’exercice du pilotage de politiques publiques par les collectivités, voire d’évolution de capacité professionnelle par les branches professionnelles.

Un sujet délicat est le regroupement de très gros établissements publics, comme l’ONCFS et l’ONEMA. Nous avons fait une proposition qui s’inspire du dispositif de l’Institut Mines-Télécom, consistant dans le regroupement sous forme d’intégration de quatre écoles de la branche télécommunications et du rattachement ? sans perte de leur personnalité morale ? des écoles des mines, qui sont des établissements publics. C’est ainsi que seraient regroupées au sein de l’Agence des institutions intégrées et d’autres rattachées auxquelles les tutelles garderaient leur accès direct. Nous avons réussi à faire partager cette vision par plusieurs acteurs ; nous avons encore des ajustements à proposer à la marge, mais compte tenu de la clarté des débats hier, devant le Conseil national de la transition écologique, et, je l’espère, à la faveur des questions que vous nous poserez, cette hypothèse de travail pourrait être affinée.

Trois composantes ont soutenu notre réflexion sur cette organisation. D’abord, le budget, les moyens alloués aux politiques de la biodiversité méritent une attention particulière, sinon une augmentation. Néanmoins, nous sommes tenus par une efficience budgétaire et sans doute comptable, qui nous a conduits à proposer des regroupements. Ensuite, nous avons choisi de faire des propositions à la fois gagnantes en matière d’efficacité environnementale et modestes parce que l’Agence de la biodiversité n’est pas tout le renouveau de la politique publique en faveur de la biodiversité. Vous en serez les acteurs principaux avec la loi-cadre relative à la biodiversité. Enfin, troisième dimension à laquelle nous avons porté la plus grande attention, cette agence sera un organisme de partenariat qui travaillera par programmes, sur appels à projet, qui fabriquera des programmes de formation dédiés à des branches professionnelles ou à des catégories d’agents ou d’acteurs. La biodiversité nous semble être l’affaire de tous. Si l’Agence de la biodiversité se met au service de tous, elle entre dans une logique de partenariat plutôt que de cahier des charges ou de commande.

Pour ce qui est de la gouvernance, un établissement public à caractère administratif a son propre conseil d’administration. Nous le voyons assez restreint, en tout cas pas destiné à se substituer à la future gouvernance de la biodiversité, en particulier le Conseil national de la biodiversité qui fera l’objet de propositions dans la loi-cadre. Comme tout établissement public qui aura à gérer des bases de données, à développer des savoir-faire, à apporter des conseils au Gouvernement dans ses négociations internationales ou à des collectivités, nous pensons que cette agence doit être dotée d’un conseil scientifique et technique dédié à son quotidien. Ce ne serait pas le Conseil scientifique national de la biodiversité ni le conseil scientifique régional du patrimoine naturel.

Pour organiser ses programmes, compte tenu de son ambition territoriale, il serait prudent que l’Agence se dote de conseils de gestion qui suivent soit des programmes, soit des thèmes, soit des logiques territoriales. Cette idée des conseils de gestion nous a été suggérée par certains acteurs territoriaux, notamment les collègues du Conservatoire du littoral. Nous faisons aussi des propositions pour que cette agence soit en capacité d’adhérer à des groupements d’intérêt public nationaux, voire régionaux. C’est une forme d’affichage des partenariats. Nous proposons même, ce qui est plus rare pour des établissements publics à caractère administratif, de pouvoir créer des filiales avec des partenaires.

Enfin, cette agence sur le modèle de l’ADEME doit avoir une organisation territoriale. Nous n’avons pas franchi toutes les étapes d’analyse sur ce sujet. Certains de nos partenaires nous ont dit qu’une agence complètement autonome en région, avec des délégations qui ne sont rattachées ni à l’État ni à une collectivité, serait compliquée à piloter. Nous pensons que l’Agence, dont les moyens ne seront pas extraordinaires, pourrait ne pas être implantée au niveau régional. Des suggestions nous ont été faites pour le dépasser et privilégier une implantation suprarégionale, voire par bassin, ce qui pourrait avoir du sens.

J’en viens aux interventions financières de l’Agence. Bernard Chevassus-au-Louis vous a expliqué pourquoi nous privilégiions une agence travaillant par appels à projet ou par programmes plutôt que par guichet. Le débat n’est pas complètement clos parce qu’un certain nombre d’opérateurs ou d’acteurs de la biodiversité, craignant de ne pas pouvoir répondre à ces appels à projet, préféreraient la solution guichet. Je ne vous cache pas que nous avons, dans le domaine de la biodiversité, un problème de maîtrise d’ouvrage : nous n’avons pas autant de maîtres d’ouvrage que nous le souhaiterions. Ce pourrait être, dans les cinq ou dix premières années de fonctionnement de l’Agence, une hypothèse de travail par programmes que de consolider les maîtres d’ouvrage existants ou d’en accompagner l’apparition de nouveaux.

Pour cette agence, nous voyons un premier exercice fonctionnel en 2015, puisque sa création suivra le vote de la loi-cadre sur la biodiversité. Nous voyons des ressources évoluant par paliers pour arriver à un objectif en 2020 et obtenues à partir de redéploiements de ressources budgétaires. Nous avons travaillé sur quelques hypothèses de fiscalité et, depuis quinze jours, d’autres idées nous ont été communiquées. Par ailleurs, Mme la ministre vient de signer une lettre de mission de réflexion sur le domaine public maritime et sa fiscalité. Nous nous sommes ainsi demandé si certaines taxes existantes, notamment sur les phytosanitaires, qui sont complètement dédiées aux politiques publiques de l’eau, ne pourraient pas l’être aussi à la politique publique de la biodiversité. Nous faisons aussi des propositions sur l’artificialisation des sols, sujet qui a été ouvert à la conférence environnementale du mois de septembre. Nous en sommes à cette idée qu’en travaillant avec des moyens existants, en coordonnant des programmes et en accordant une dotation budgétaire, notamment de l’État, par redéploiements dans le PLF 2015, nous aurions les moyens d’installer l’Agence dans la stratégie de reconquête de la biodiversité.

J’ajoute deux éléments. Premièrement, nous défendons l’idée d’un fonds d’intervention qui serait capitalisé pour quatre ou cinq ans, puis qui serait réabondé au fur et à mesure de la consommation et de l’engagement de ses moyens d’intervention. L’exemple existe déjà avec le Fonds français pour l’environnement mondial, dont la dotation en capital est réabondée tous les quatre ans, à mesure que l’Agence française de développement et ses partenaires proposent l’engagement d’opérations sur le terrain. Entre 3 et 5 millions d’euros par an sont attribués par ce fonds français sur des programmes de biodiversité. Deuxièmement, en travaillant par programmes et pour peu qu’elle développe de bons partenariats, cette agence est faite aussi pour mobiliser des moyens privés et publics. Les auditions avec les partenaires économiques – CGPME, MEDEF, UPA –, nous ont convaincus qu’en passant par les branches professionnelles, on pouvait intervenir directement sur les savoir-faire des salariés des entreprises ou sur les sites que gèrent ces entreprises. Nous pensons que, au travers de programmes de partenariats territoriaux, des moyens peuvent être levés, non pas pour enrichir le budget de l’Agence, mais pour réussir des opérations territorialisées avec les collectivités.

Vous le voyez, nous n’avons pas fait le tour de toute la question. Nous avons essayé de rassembler, dans ces auditions et dans ce rapport, une série de propositions qui montrent que la reconquête de la biodiversité entre en phase opérationnelle et que le regroupement des forces est une manière d’accomplir cette ambition.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Après vous avoir entendus, je crois que nous allons être confrontés à un problème de lisibilité politique. En dehors de toute critique, on a le sentiment qu’on pourrait assister, au travers de la création de l’Agence française de la biodiversité, à ce qui ressemblerait une opération de recentralisation alors que l’acte III de la décentralisation est en cours. J’attire votre attention sur cette difficulté, qui est avant tout politique, mais pas seulement, et qui nécessite que les questions soient bien posées. Comment s’intègre cette agence de la nature dans la volonté d’un certain nombre de personnels politiques d’aller plus loin dans la décentralisation ? Je lisais dernièrement, dans une dépêche, que le conseil régional de Rhône-Alpes souhaitait avoir la pleine compétence dans le domaine de la biodiversité. Ce sujet est complexe et difficile à appréhender, c’est pourquoi j’insiste sur ce problème de lisibilité.

L’Agence française de la biodiversité est une agence de l’État mais quelle place réserve-t-elle aux collectivités territoriales ? Je suis de ceux qui considèrent que la compétence biodiversité doit être décentralisée. Au-delà de l’expertise, de la réflexion et de toutes les actions d’éducation et de sensibilisation, l’action se fait sur le terrain, dans les territoires. Aujourd’hui, les collectivités territoriales consacrent des moyens plus importants aux actions en faveur de la biodiversité que ne le fait l’État. Ces éléments doivent être pris en compte.

La perte de biodiversité est liée au réchauffement climatique, à l’artificialisation des sols, à la surexploitation des ressources, à la pollution et aux espèces exotiques envahissantes. D’ailleurs, la lutte contre ces dernières n’existe qu’à travers des actions entreprises par les collectivités territoriales. La fiscalité écologique serait un moyen de réduire l’artificialisation des sols, par exemple. Deux propositions parmi celles que vous faîtes vont dans ce sens, l’une concernant les infrastructures linéaires, LGV ou autoroutes, qui portent atteinte à la biodiversité, l’autre tendant à frapper d’une taxation supplémentaire le foncier bâti pour lutter contre l’artificialisation des sols. Ces propositions reflètent une cohérence qui donne à penser qu’une véritable fiscalité écologique pourrait être mise en œuvre.

Si le climat actuel rend le dossier difficile, nous sommes nombreux à souhaiter que soit mise en place une véritable politique en faveur de la biodiversité.

Mme Geneviève Gaillard. Permettez-moi de vous féliciter pour votre travail. On revient de loin puisque des réflexions avaient déjà été engagées, qui n’ont pas abouti. La création de cette agence est envisagée dans la perspective de la loi-cadre sur la biodiversité. J’observe qu’il aurait été intéressant de disposer des grandes lignes de cette loi-cadre pour pouvoir replacer les missions de l’Agence dans la logique globale de ce texte.

Nous connaissons tous l’état de la biodiversité aujourd’hui, alors que nous disposons d’outils, que des structures existent et que du travail a déjà été accompli. Toutefois, nous le disons depuis longtemps, il est important d’avoir à la fois ces missions d’animation, d’appui et d’intervention si nous voulons aller plus loin et reconquérir cette biodiversité à laquelle nous sommes très attachés, mais qui est parfois mal connue du grand public, voire de certaines collectivités. Cette agence pourrait être l’outil adéquat.

La biodiversité mérite certainement un projet ambitieux, porté par la totalité des opérateurs, par l’État comme par les collectivités. Dans votre rapport, vous proposez des scenarii intéressants. Pour ma part, j’ai retenu le scénario de l’Agence d’animation et d’appui aux opérateurs, qui m’apparaît répondre le mieux aux objectifs que nous poursuivons.

Vous excluez la compétence sur la recherche. Or, je l’ai souligné dans un récent rapport, alors que les besoins de recherche en matière de biodiversité sont très importants, ce sont les problématiques génétiques qui sont aujourd’hui privilégiées. Comment l’Agence pourrait-elle influer sur les orientations en matière de recherche ? Si la biodiversité est aussi une question de gènes, sur le terrain, on a besoin d’autre chose.

Certaines structures seraient intégrées à l’Agence, d’autres y seraient rattachées, comme l’ONEMA ou l’ONCFS, avez-vous dit. Pouvez-vous développer un peu plus ?

En matière de financement, la fiscalité écologique devrait nous accompagner pour l’installation de cette agence. Comment tuilez-vous les mesures de fiscalité écologique susceptibles d’être prises dans la loi-cadre et la création de l’Agence ?

Enfin, sur la décentralisation, je partage en grande partie l’avis de notre président. Néanmoins, je pense que la biodiversité doit, à un moment, avoir un pilotage national, faute de quoi on peut faire, ici ou là, n’importe quoi n’importe comment. Comment répartir compétences décentralisées et compétence nationale pour satisfaire à la nécessité de lisibilité ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je n’ai pas dit qu’il ne devait pas y avoir de pilotage national. Heureusement qu’il y a une stratégie nationale de la biodiversité !

M. Martial Saddier. Je tiens à préciser que mes remarques, comme celles de mes collègues, ne seront pas adressées ès qualités. Les parlementaires UMP sont, naturellement, attachés à la protection de la biodiversité, en témoignent les lois Grenelle 1 et 2, et la loi de modernisation agricole, qui ont été à l’origine d’outils de connaissance et de protection de la biodiversité. L’idée de l’Agence est séduisante, mais j’avoue que nous sommes quelque peu déçus à ce stade.

Il y a un problème de cohérence globale, et on peut en faire le reproche au Gouvernement et à la majorité, qui va rendre le travail de synthèse singulièrement compliqué. La ministre a attendu le 3 décembre pour vous faire parvenir votre lettre de mission ; vous avez l’honnêteté d’écrire dans votre rapport que vous n’avez pas eu le temps d’aller jusqu’au bout de vos investigations. La pression était forte pour rendre la copie, alors que le comité sur la fiscalité écologique continue de travailler et que des travaux sont en cours sur la décentralisation. Il va être très compliqué de faire le travail de synthèse et de mettre tout cela en cohérence.

Alors que nous attendions tous rationalisation et regroupement, il est très clairement question d’une structure de plus, ce qui n’est pas dans l’air du temps, d’autant que cette structure semble s’inscrire comme une tutelle. D’une main, on annonce la décentralisation, de l’autre, l’Agence serait la tutelle des territoires décentralisés. De la même manière, on ne rationalise pas avec d’autres structures, mais on envisage de mettre en place des pôles territoriaux de compétence qui travailleraient avec l’ADEME et les agences de l’eau. On voit bien qu’il y a une volonté de reprendre en main et de mettre sous tutelle une partie des programmes, notamment ceux des agences de l’eau. Or celles-ci sont l’exemple type de ce qui marche parfaitement dans notre pays et qui, en termes d’organisation territoriale, constitue tout à fait adaptées aux spécificités locales des territoires, et qui nous ont permis de faire d’énormes progrès reconnus dans l’Europe entière. Il y a vraiment une très grande inquiétude de notre part sur ce volet de tutelle et d’absence de rationalisation.

J’ai lu attentivement votre rapport. Parmi les personnes auditionnées, toutes les associations d’élus ont été entendues, à l’exception de l’AMF, l’ANEM et l’ANEL. Il est curieux que ce soit des associations de collectivités territoriales. Rien dans votre rapport n’envoie le message que la biodiversité politique est le gage de la réussite pour des enjeux comme celui-ci. J’ose espérer que cela ne présage pas de l’absence de biodiversité politique dans la future agence.

De nombreuses créations de taxes sont évoquées, il ne faudrait pas que la création de l’Agence soit l’occasion d’y procéder. Alors que le débat sur la décentralisation est à peine ouvert, on sent bien que l’échelon régional est fléché pour les taxes, mais quid de la répartition territoriale ? Là encore, il n’y a absolument rien sur le retour sur les territoires, notamment sur les EPCI et sur les collectivités territoriales.

M. Yannick Favennec. Permettez-moi d’attirer votre attention sur l’inquiétude manifestée par certaines associations d’élus locaux, notamment de territoires ruraux, qui s’inquiètent de la façon dont va fonctionner la future agence, laquelle devrait, selon eux, permettre de centraliser la connaissance et l’expertise en matière de préservation de la biodiversité et renforcer les liens entre les politiques publiques et les politiques territoriales. Cette agence devrait donc satisfaire plusieurs exigences : répondre aux enjeux de la biodiversité, à l’instar de l’ADEME, et du même niveau d’exigence que pour l’énergie ; ne pas être une structure parisienne mais véritablement un outil totalement dédié à l’ensemble de nos collectivités, notamment rurales ; être une agence de moyens proposant de vrais outils méthodologiques et non une agence d’affichage et de communication ; être une agence au service des territoires, dotée de moyens financiers propres à la hauteur de ses ambitions, surtout dans un contexte de suppression de nouvelles dépenses et de fiscalité écologique incertaine ; permettre aussi de faire des enjeux de la biodiversité des aspects sociétaux du quotidien de nos concitoyens ; enfin, participer au développement des emplois verts dans nos collectivités afin d’accélérer le développement économique de nos territoires et la croissance verte au niveau national.

En liaison avec ces remarques d’élus locaux, j’ai un exemple concret à vous soumettre. À la frontière de la Mayenne et de l’Orne, il y a actuellement, et depuis déjà plusieurs années, un projet de contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon sur la RN 12. Ce projet est aujourd’hui pendant parce que l’État souhaite une nouvelle étude liée à la protection de la biodiversité. L’Agence française de la biodiversité aura-t-elle son mot à dire quant à la réalisation d’un tel projet ? Les élus locaux pourront-ils saisir l’Agence ? Bref, quelle sera la méthodologie et comment l’Agence pourra-t-elle s’inscrire dans la réalisation d’un tel projet ?

Mme Laurence Abeille. Votre rapport est ambitieux, messieurs les préfigurateurs, tant il est vrai que la biodiversité est porteuse d’enjeux majeurs. Outre la biodiversité remarquable, les écologistes s’intéressent particulièrement à la biodiversité ordinaire, celle qui existe dans les villes, dans les villages, celle dont on ne parle pas beaucoup. Elle est indispensable dans la lutte contre la pollution, dans la préservation d’espèces peu connues mais pourtant importantes pour notre avenir. Dans cette vision, le premier scénario ne doit, bien sûr, pas être retenu puisqu’une agence de la biodiversité ne peut pas se contenter de rester dans l’exceptionnel ou les espaces remarquables.

Il est vraiment important de se mettre à prendre en compte la biodiversité dans l’ensemble des politiques publiques. C’est ce qui, aujourd’hui, n’est pas forcément bien compris ni intégré. On voit bien la tension qu’il y a dans le débat entre, d’un côté, l’Agence nationale et, de l’autre, la nécessité d’être dans la continuité de la décentralisation. Cette tension doit essayer de s’exercer de la façon la plus profitable possible pour l’ensemble des acteurs. Au niveau national, on a besoin de peser au niveau européen, sur les politiques agricoles par exemple. Quel rôle pensez-vous que l’Agence pourrait jouer vis-à-vis de l’Europe ? Comment envisagez-vous ses relations avec des structures locales, dont certaines fonctionnent très bien ? Je pense à Natureparif en Île-de-France, Bretagne vivante en Bretagne, et à d’autres organismes qui, à plus ou moins grande échelle, ont déjà des expériences d’expertise très concrète. Cette capacité à rassembler des informations, essaimer et faire profiter existe déjà de manière locale et arriver à faire vivre cela est un enjeu important.

Vous avez dit un mot sur la formation, à laquelle je suis très attachée. On n’arrivera à rien tant qu’au niveau de l’enseignement, aussi bien scolaire qu’agricole, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’industrie, on n’aura pas, en matière de biodiversité, une nouvelle approche. Aujourd’hui, il existe un gouffre entre les discours de certains acteurs et la réalité concrète dans le bâtiment ou l’agriculture, par exemple.

La question des moyens financiers ne me semble pas très claire, et je suppose qu’elle ne l’est pour personne puisque rien n’est vraiment calé. Pouvez-vous nous en dire plus sur la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier bâti ? Pensez-vous que cette idée pourrait être retenue et qu’elle aurait une efficacité contre l’artificialisation des sols ?

Mme Fanny Dombre Coste. Je salue la qualité du travail que vous avez fait. Ce n’est pas si simple de travailler sur la biodiversité, surtout lorsqu’il s’agit d’imaginer un dispositif permettant de rassembler toutes les dynamiques et toutes les intelligences au service de cette ambition. Je salue votre recommandation de retenir un scénario ambitieux qui apporte véritablement une plus-value au dispositif existant. J’ai bien entendu que cette agence ne rentrerait pas dans une politique de guichet mais s’inscrirait plutôt dans la durée à travers une politique de projets et d’appels à projet.

Parmi les questions que je me pose, l’une concerne la nébuleuse d’organismes existants, tout aussi pertinents et complémentaires, qu’ils soient privés ou qu’ils soient publics, en matière de recherche, de connaissance, d’expertise, d’information. L’enjeu de l’architecture que vous envisagez est véritablement de créer un effet de levier vertueux efficace et efficient. J’appelle de mes vœux qu’il rationalise et mutualise également.

Dans ce projet, vous n’avez que peu évoqué la question sociale, particulièrement pour les personnels et les salariés des organismes que vous envisagez de regrouper. Pourriez-vous aborder ce point qui me paraît important ?

Ma deuxième interrogation porte sur la relation de l’Agence avec les collectivités locales, dont nous allons tous parler, je pense, tant cette question est centrale. Leur rôle dans la sauvegarde de la biodiversité, à travers notamment les schémas régionaux de cohérence écologique ou les schémas des espaces naturels sensibles, n’est plus à démontrer. Je ne peux passer sous silence que Montpellier est devenue capitale européenne de la biodiversité en sachant se mobiliser et en mettant en place un partenariat extrêmement efficace avec les centres de recherche ainsi que les organismes privés et publics. La question de la biodiversité ne peut pas, me semble-t-il, être dissociée de celles de l’aménagement du territoire, de la maîtrise du foncier et de la préservation des terres agricoles, donc de la lutte contre l’artificialisation des sols à laquelle je suis particulièrement sensible. Je rappelle toujours que, dans ce pays, tous les six ans, l’équivalent d’un département en terres agricoles et espaces naturels disparaît sous le béton. En ce sens, le sujet de la décentralisation est essentiel. Il me semble qu’il devrait y avoir une articulation entre le travail que prépare Mme Lebranchu et le projet de loi sur la biodiversité avec la création de cette agence en particulier.

S’agissant de la régionalisation, vous avez évoqué la possibilité de GIP régionaux ou une représentation par bassin. Pourriez-vous élargir votre réflexion ?

Comment pensez-vous mettre en réseau les différents dispositifs existant aujourd’hui, les différents organismes disséminés sur l’ensemble du territoire, de Paris à Montpellier, en passant par Brest, Rochefort ou Dijon ? Si vous envisagez une unité de lieu pour les services centraux, quelle mise en réseau envisagez-vous pour ces organismes ?

M. Jacques Kossowski. À la suite de la proposition du Président de la République, la ministre de l’écologie Delphine Batho a rappelé, lors de vos nominations en décembre dernier, l’objectif de la création d’une agence nationale pour la biodiversité. Sur le modèle de l’ADEME, il s’agit de venir en appui aux collectivités locales, aux entreprises et aux associations qui œuvrent pour la reconquête de cette biodiversité. On ne peut, évidemment, que souscrire à un tel but.

Puisque vous êtes chargés d’analyser les missions de ce nouvel organisme, quel serait, à votre avis, son budget annuel de fonctionnement ? Le Gouvernement vous a-t-il préalablement défini un cadre budgétaire ? De quels moyens humains et techniques cette agence  devrait-elle disposer ?

M. Philippe Plisson. Pour la création de l’Agence de la biodiversité, vous avez élaboré trois scenarii, dont deux principaux. L’un est léger, qui lui donne un rôle de coordination et de mise en synergie des différents organismes travaillant dans le domaine de la biodiversité ; l’autre prône, peu ou prou, leur fusion dans une grande entité nationale, qui semble avoir votre préférence. Ne pensez-vous pas que cette dernière démarche va à l’encontre de la souplesse et du principe de décentralisation qu’on fait prévaloir par ailleurs ?

Vous avez évoqué une forme de démembrement de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, dont Mme Batho avait assuré ici même qu’il ne serait pas touché. Ne craignez-vous pas que cela aille, là encore, à l’inverse des efforts consentis par son président et les acteurs concernés pour sortir l’ONCFS de sa spécificité exclusive « chasse » et en faire aujourd’hui un acteur majeur dans le suivi et la protection de la faune sauvage ?

M. Yves Albarello. Je pense qu’il est urgent d’attendre pour mettre en place cette agence pour la biodiversité. À votre place, hier, était assis le ministre du redressement productif, que nous avons écouté avec attention et qui a, d’ailleurs, été applaudi par les commissaires socialistes. Il nous faisait part, à l’occasion de la révision du code minier, des extrêmes difficultés que rencontrent les exploitants pour exploiter les ressources tant minières que de carrière. Nos ressources naturelles, nous sommes obligés d’aller les chercher à l’étranger ! Dans une période de disette budgétaire, où le budget national a été bâti sur une hypothèse de 0,8 % de croissance quand les prévisions les plus optimistes sont à moins 0,2 %, voire moins 0,3 %, je pense qu’il est urgent d’attendre et de commencer à réfléchir aux économies que la nation pourrait faire.

Vous avez parlé de recapitaliser la biodiversité ; je pense plutôt urgent de recapitaliser nos entreprises qui sont en voie de disparition. Toutes les filières industrielles françaises sont en extrême difficulté. Le jour où l’on n’aura plus d’entreprises, il n’y aura plus de biodiversité. Commençons par nous occuper des entreprises !

La fiscalité a une fin. Je travaille aujourd’hui avec un co-rapporteur sur le Grand Paris, projet d’intérêt national, où l’on a besoin de trouver des financements. À force des chercher des financements complémentaires, on est tenté de remettre de la fiscalité sur la fiscalité. À un moment, trop de fiscalité tue la fiscalité. Le général de Gaulle disait : « Encore un machin de plus ! » Moi, je dis : « Il est urgent d’attendre ».

Mme Suzanne Tallard. La biodiversité est l’affaire de tous. À l’inverse de M. Yves Albarello, je pense qu’il faut s’occuper dès maintenant de ce sujet pour ne pas atteindre des points de non-retour qui rendront la protection et la reconquête encore plus difficiles et onéreuses. Certes, le contexte n’est pas facile et peut laisser penser qu’il y a d’autres priorités. Il ne faut pas raisonner en termes de « ou bien… ou bien » mais choisir un « et… et » sobre. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous devons à la fois être ambitieux dans les objectifs et sobres sur les moyens en utilisant tous les partenariats existants. Comment faire travailler ensemble des gens qui n’ont pas l’habitude de le faire, qui sont souvent opposés, voire qui se détestent, mais qui ont pourtant intérêt à œuvrer sur le fond, à respecter et à créer un environnement de qualité ? N’oublions pas que la biodiversité, c’est la qualité de nos milieux, mais c’est aussi la qualité de la vie.

Laurence Abeille l’a déjà dit, aussi me contenterai-je de le mentionner, l’aspect formation, information et recherche est extrêmement important.

M. Bertrand Pancher. J’ai participé à la conférence environnementale, où j’ai d’ailleurs croisé avec beaucoup de plaisir Jean-Marc Michel. Lorsque a été annoncée cette agence française de la biodiversité, beaucoup d’entre nous ont réagi en s’interrogeant sur les moyens, dont on se rend compte aujourd’hui qu’ils n’existent pas, ainsi que sur les conditions de concertation avec les collaborateurs des grandes agences, des offices, voire des agents de l’État. Une réflexion visant à mieux coordonner l’ensemble de ces services a beau être indispensable, ce n’est pas vendeur ; la création d’une agence est politiquement plus marquante auprès de l’opinion publique.

De quels moyens nouveaux allons-nous pouvoir disposer ? Si ceux-ci ne sont pas suffisants, ne faudrait-il pas « réduire la voilure » en indiquant qu’on souhaite surtout une meilleure harmonisation des agences et des services de l’État ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Je trouve, messieurs les préfigurateurs, que vous vous êtes livrés à un exercice extrêmement compliqué et je vous en donne acte. Pour ma part, je pointe trois difficultés.

Vous positionnez l’Agence comme un outil technique, comme si la partie politique était portée par le Conseil national de la transition écologique (CNTE). À mon sens, c’est un premier hiatus.

Vous avez comme premier objectif, et je le partage, de rapprocher des organismes existants pour gagner en efficience sur le plan budgétaire et créer une synergie entre ces organismes. C’est une approche assez verticale.

Au niveau des territoires, nous avons un foisonnement, voire un émiettement des initiatives menées par les collectivités, les associations, la société civile dans son ensemble, avec une forte action des amateurs, que je trouve positive pour son effet d’entraînement. À cet égard, il me semble que vous voulez confier à l’Agence un peu trop d’objectifs.

M. Christophe Priou. Selon que l’on est optimiste ou pessimiste, on dira que l’Agence est un nouvel outil indispensable ou un machin supplémentaire. À côté de ce qui existe déjà dans les régions, départements, intercommunalités et communes, on recense aujourd’hui 45 organismes sous tutelle agréés et financés par l’État, 45 parcs naturels régionaux, 164 réserves naturelles régionales, 21 conservatoires régionaux des espaces naturels et 8 conservatoires départementaux. L’architecture est déjà fort chargée.

L’évolution des mentalités a permis une meilleure prise en compte de la biodiversité, qui est visible dans les documents tels que les SCOT et les plans locaux d’urbanisme. Certains laboratoires ont également bien fonctionné, à l’occasion des plans Natura 2000, par exemple, où ont été mis en présence des gens qui ne se disaient pas bonjour et qui, après deux ou trois ans de travail en commun, ont voté des résolutions à l’unanimité.

Notre commission a ceci d’intéressant qu’elle nous a permis d’auditionner hier Arnaud Montebourg et de vous entendre aujourd’hui. Le ministre nous disait hier qu’on produisait de moins en moins et qu’on importait de plus en plus alors que des acteurs de terrain nous rappellent régulièrement les contraintes auxquelles ils sont soumis. Ainsi, les pisciculteurs, qui ont un rôle évident sur les milieux aquatiques, ne savent plus à quel saint laïc se vouer quand l’interprétation de la loi sur l’eau diffère d’un département à l’autre. Bien qu’étant de petits artisans, ils sont tentés d’aller produire en Europe centrale ou en Europe de l’Est, avec les problèmes de traçabilité que cela peut engendrer. Ne les oublions pas, pensons à les inviter aux réunions pour que l’Agence ne soit pas vécue comme un organisme supplémentaire.

Mme Sylviane Alaux. L’Agence ne doit pas se substituer à l’existant, avez-vous dit, elle doit s’inspirer de ce qui existe et fonctionner en partenariat sur le modèle de l’ADEME, pour faire mieux et plus ensemble. Pour autant, je m’interroge. Cette agence, êtes-vous sûrs qu’elle n’entre pas en concurrence avec des structures telles que Natura 2000, les parcs naturels régionaux, les parcs naturels marins, les aires marines protégées et pourquoi pas l’ADEME, l’Agence de l’eau, le Conservatoire du littoral, sans oublier les actions des collectivités territoriales ? Dans cet esprit, tant pis si d’autres l’ont dit avant moi, n’y a-t-il pas, au-delà, une volonté de centraliser qui serait en contradiction avec la tendance actuelle à la décentralisation au plus près des territoires ? Rassurez-moi !

M. Guillaume Chevrollier. Je suis perplexe. Si nous sommes tous d’accord pour préserver la biodiversité de notre beau pays, créer une nouvelle entité, avec toutes les lourdeurs que cela implique, a de quoi inquiéter. Le Conseil d’État et la Cour des comptes produisent régulièrement des états des lieux sur le nombre d’organismes, d’agences et de comités en tout genre qui existent dans notre pays, qui est ahurissant : près de 700. Alors que chacun sait qu’il faut réduire ce nombre, on crée une nouvelle agence ! D’ailleurs, dans l’épais document que vous avez commis, vous reconnaissez vous-mêmes que nombreux sont déjà les acteurs ou opérateurs qui travaillent en faveur de la biodiversité. Vous y détaillez aussi les nombreuses taxes que vous préconisez pour le financement de cette agence. Permettez-moi de les citer : taxe additionnelle à la taxe sur le foncier bâti, redevance sur les infrastructures linéaires de transport, taxe additionnelle à la taxe de séjour, taxe sur les activités de loisir exercées dans la nature. Un véritable matraquage fiscal ! À l’heure où notre pays n’arrive pas à contenir son déficit public à 3 %, je m’étonne que le Gouvernement, qui devrait avoir pour but premier de chercher à réduire la dépense publique, fasse plutôt l’inverse.

M. Charles-Ange Ginesy. Merci, messieurs, pour ce travail sur un sujet important, dont on voit aujourd’hui combien il mérite d’être débattu. Pour ma part, je dirais que, forts du choix qui a été fait de partir sur une nouvelle agence pour élargir le champ d’intervention, on voit que ce projet ambitieux est assez complexe et aboutit, en définitive, à la création d’un établissement de mille agents supplémentaires, avec un budget d’environ 150 millions d’euros. Sur le plan de la biodiversité, les moyens complémentaires à engager sont de 400 millions d’euros, c’est-à-dire une augmentation de 30 % de la dépense publique. N’aurait-il pas été préférable d’essayer d’absorber quelques agences ?

J’aurais aimé voir émerger de l’économie dite circulaire, c’est-à-dire que cette agence pour la biodiversité génère une nouvelle économie, ce qui aurait pu répondre à nos préoccupations.

Mme Pascale Got. D’ores et déjà, cette future agence de la biodiversité apparaît comme une grosse machine, ce qui logiquement interpelle sur la lisibilité, sa gouvernance réelle, sa capacité de fonctionnement réelle ainsi que sur la pérennité de son financement. Des inquiétudes se manifestent, notamment du côté de l’ONCFS. Comment l’Agence entend-elle préserver les missions et le fonctionnement de cet office, dont la ministre et le Premier ministre avait insisté sur le maintien ?

M. Jean-Marie Sermier. Le débat montre bien que chacun est d’accord sur l’objectif, c’est-à-dire la préservation de la biodiversité, qui est un marqueur de la qualité des milieux. Ainsi, les rivières du département du Jura sont fréquentées par des écrevisses à pattes blanches parce que l’eau y est de grande qualité. Pour autant, il ne faut pas confondre l’objectif et les moyens. J’entends que, sur tous les bancs de cette commission finalement, on s’interroge sur l’utilité de l’Agence, sur les moyens supplémentaires qu’elle nécessitera et le mode de gouvernance qu’elle impliquera.

En matière de qualité des milieux, la réponse se trouve dans le 1,5 milliard d’euros que les collectivités, l’État ou des sociétés privées consacrent chaque année à la biodiversité, et dont vous faites d’ailleurs état dans votre étude. C’est cela qui, avant tout, permet de faire avancer le bien commun. Plutôt que de le coordonner, n’aurait-on pas intérêt à donner les moyens suffisant à l’État, notamment aux DREAL qui pourraient coordonner cette réflexion ? Ne pourrait-on pas, au niveau des collectivités, désigner un chef de file, qui pourrait être la région, de manière à éviter de recréer une agence supplémentaire ?

Je garde un mauvais souvenir de la création, en 2008, du Haut Conseil des biotechnologies qui devait faire autorité sur tout ce qui avait trait aux nouvelles technologies, particulièrement les OGM. Aujourd’hui, après l’étude Séralini, on voit bien que ce HCB n’a pas fait autorité.

Mme Chantal Berthelot. Au cours de l’audition de M. Arnaud Montebourg, hier, il a été rappelé que le sous-sol était un bien commun de la nation. De la même manière, le sol devrait aussi être un bien commun de la nation française, dont les outre-mer font partie. Or votre rapport ne leur fait que peu de place, voire pas du tout. C’est un peu étonnant sachant que 80 % de la biodiversité y sont tout de même localisés. Pourquoi les outre-mer sont-ils si peu présents dans votre lettre de mission ?

Dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, beaucoup de compétences sont transférées aux collectivités territoriales, et plus encore outre-mer. Quelle est la place, dans cette agence nationale ou française, des collectivités françaises outre-mer ?

M. David Douillet. Avons-nous les moyens de nous payer un tel luxe ? Comme mon collègue Yves Albarello, ma réponse est non. Occupons-nous d’abord de l’outil de création de richesses pour pouvoir financer ensuite l’outil de protection de la biodiversité, sachant qu’il en existe déjà un certain nombre.

Dans sa lettre de mission, la ministre vous a demandé « de procéder à la consultation de l’ensemble des personnes et organismes principalement intéressés (administrations, établissements publics, collectivités territoriales, associations de protection de l’environnement…) par la création de cette agence… » J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé trace de la consultation des 1,5 million de personnes qui protègent aussi la nature, qui la respectent et sans qui bien des espèces n’existeraient plus, je veux parler des chasseurs. La Fédération nationale des chasseurs n’a pas été consultée, contrairement à d’autres associations. Pourquoi ? Est-il prévu de le faire ? Les chasseurs feront-ils partie du comité national de la biodiversité dont vous préconisez la création ? Ils y ont toute leur place, au regard de leur compétence, tant en matière d’éducation que d’expertise et de savoir-faire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’indique à MM. les préfigurateurs qu’ici, la parole est libre et que des positionnements politiques affirmés sont tout à fait normaux et respectables. Je les crois suffisamment aguerris pour appréhender l’ambiance qui peut exister au sein d’une commission parlementaire et pour ne pas être choqués par certains propos qui ont été tenus.

M. Bernard Chevassus-au-Louis, co-préfigurateur. Rassurez-vous, monsieur le président, nous ne sommes pas choqués, bien au contraire. La démocratie est un bien suffisamment précieux pour qu’on la laisse s’exercer. C’est un honneur de pouvoir vous écouter et avoir vos réactions.

Vos questions montrent que l’ambition de développer le capital écologique est un pari sur l’avenir pour notre société, son économie et son développement, qui nécessite d’être encore débattu. Il y a une quinzaine de jours, j’assistais à un colloque organisé par le MEDEF intitulé « Économie et biodiversité ». C’est dire si l’investissement dans la biodiversité comme vecteur d’avenir est intégré dans de nombreuses réflexions au sein même du monde économique, même si, en effet, il y a encore beaucoup à débattre.

Quant à savoir si le moment est bien choisi, rappelons-nous que nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupés lorsque nous étions riches. Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens. Quand les aurons-nous ? À quel moment ferons-nous ce pari si nous pensons qu’il s’agit d’un investissement pour l’avenir ?

Peut-être nous sommes-nous mal exprimés, et dois-je lever quelques malentendus. Notre vœu le plus cher est vraiment de faire une agence conçue et perçue par l’ensemble des acteurs, État, collectivités territoriales, entreprises et associations, comme leur maison commune. Autrement dit, toute lecture qui verrait une volonté de renationalisation, de reconcentration de la politique de biodiversité irait tout à fait à contresens de notre état d’esprit. Toutes les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont confortés dans l’idée que le succès dépendra de la perception de l’Agence comme une maison commune, un centre de ressources et d’appui pour tous les opérateurs. Effectivement, nous reconnaissons que les collectivités territoriales aujourd’hui, les villes comme les départements ou les régions, investissent dans ce domaine et y consacrent des moyens importants. Ce serait une catastrophe que l’annonce d’une agence conduise ces collectivités à en faire moins. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que nous préférons le terme d’ « agence française » à celui d’ « agence nationale ». D’une part, à l’international, « agence française » est plus parlant ; d’autre part, cette terminologie signifie bien que l’ensemble des opérateurs du territoire est concerné et pas uniquement la partie centrale.

Deuxième point d’ambiguïté, si nous avions proposé de faire rentrer dans un établissement public existant, comme Parcs naturels de France, l’Agence des aires marines protégées et un certain nombre d’autres opérateurs, vous auriez perçu que nous allions diminuer le nombre d’établissements publics. Or notre discours est de créer une nouvelle agence dans laquelle entreront ces opérateurs. C’est une question de présentation, derrière laquelle, effectivement, il y a une volonté de fusionner des établissements publics. Pour des raisons d’affichage politique, il est préférable de proposer la création d’une nouvelle agence dans laquelle tout le monde se retrouvera.

Jusqu’où irons-nous sur ces quarante-cinq opérateurs dont vous avez parlé ? Ce débat sera le vôtre. Sur les cas difficiles de l’ONCFS ou de l’ONEMA, nous proposons que ces organismes continuent d’exister avec leur structure de gouvernance et leurs pleines prérogatives, mais en les rattachant à un système de gestion commune des missions communes avec celles de l’Agence. Quant à aller plus loin dans la rationalisation et dans les fusions, c’est une décision qui vous reviendra dans votre débat. Nous proposons une première étape, à vous, ensuite, de régler le curseur.

S’agissant de la recherche, compte tenu de mon passé, je ne peux pas être soupçonné de nourrir une hostilité quelconque à son encontre. Cet enjeu est suffisamment important pour être traité de manière spécifique. Je suis le premier à dire que l’effort national de recherche sur la biodiversité a été un parent pauvre du renforcement de la recherche française, qui s’est beaucoup plus axé sur d’autres aspects de la biologie. Vous aurez à débattre d’une loi sur l’enseignement supérieur, dont la ministre a indiqué qu’elle lancerait une grande réflexion sur les priorités de la stratégie nationale de recherche. C’est peut-être à ce niveau qu’il faudra poser la question des domaines prioritaires et de la pertinence de réorienter une partie de l’effort de recherche. Nous avons préféré laisser ce domaine à l’enseignement supérieur et à la recherche plutôt que de faire porter au ministère de l’écologie un renforcement des moyens de recherche. Cela nous aurait semblé plutôt contreproductif, c’est-à-dire de nature à rendre moins urgent le débat sur la nécessité pour l’enseignement supérieur et la recherche de se saisir de cet enjeu des recherches sur la biodiversité. Encore une fois, c’est notre proposition et l’on peut en discuter.

M. Jean-Marc Michel, co-préfigurateur. Sur le volet social, la situation de tous les agents et salariés des opérateurs techniques que nous souhaitons rassembler dans l’Agence de la biodiversité sera examinée. Nous envisageons de reproduire un dispositif que nous avons mis en place à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature pour le parc national des Calanques, qui est un établissement public à caractère administratif accueillant des agents salariés par un GIP ou une association de droit de privé. Le Conseil d’État nous a conseillé sur le dispositif, le décret a été publié au Journal officiel, et nous avons le premier semestre 2013 pour régler individuellement le cas des trente-sept agents qui rejoindront le parc national des Calanques. À une autre échelle puisque 4 000 agents étaient concernés, Voies navigables de France est un établissement public où se sont retrouvés des agents des services publics de l’État et des agents d’un autre établissement public. La solution que nous avons trouvée existe dans la loi relative à la fonction publique et dans le code du travail. Là encore, c’est avec l’aide du Conseil d’État que nous l’avons trouvée. Si notre mission de préfiguration est complétée, la résolution de cette question constituera une étape dans le trimestre qui vient. Nous proposerons des solutions adaptées qui existent aux quelque 400 agents des structures qui sont appelées à être consolidées par regroupement dans l’Agence.

Pour gagner en efficience, nous envisageons effectivement de réduire le nombre de petits opérateurs fragiles qui ne se parlent pas toujours entre eux et ne sont pas forcément perçus, malgré la richesse de leurs propositions, par les opérateurs de terrain, les collectivités ou les branches professionnelles. Le redéploiement du 1,5 milliard d’euros de dépenses annuelles, publiques ou privées, en matière d’environnement interviendra forcément.

S’agissant de la fiscalité, alors que nous honorions la commande en remettant notre rapport le 31 janvier, s’ouvrait, le 30 janvier, le premier atelier de travail du comité pour la fiscalité écologique, présidé par Christian de Perthuis, économiste à Paris-Dauphine. Dans ce premier rapport, nous avons énuméré des propositions qui nous ont été faites. Depuis lors, d’autres sont arrivées, notamment pour trouver des moyens nouveaux à disposition des espaces maritimes et ultramarins. Oui, madame la députée Chantal Berthelot, nous ambitionnons de mettre cette agence à la disposition de tous les territoires, qu’ils soient métropolitains ou ultramarins. Au cours de nos six semaines de préfiguration, nous n’avons pas eu les contacts suffisants avec les autorités d’outre-mer, en particulier celles du Pacifique, dont les champs de compétence sont différents de ceux des départements et territoires d’outre-mer. Nous souhaitons approfondir maintenant ce sujet de la fiscalité car en dépendent les moyens affectés à certaines activités. L’ADEME en est un très bon exemple, avec la taxe générale sur les activités polluantes.

Les branches professionnelles que nous avons rencontrées sont très demandeuses vis-à-vis d’opérateurs techniques susceptibles de les aider à résoudre des problèmes. Les producteurs de granulats que M. Yves Albarello a cités sont des professionnels qui ont bien dix ans d’avance car ils ont fait de la biodiversité un facteur de développement d’entreprise. La convention nationale de l’Union des producteurs de granulats distribue des prix de la sécurité, de la qualité des produits, de la qualité de relation avec le voisinage et de la biodiversité. C’est dire si l’intégration de la biodiversité dans le développement d’entreprise et de branche professionnelle est réussie ! Il est temps de faire en sorte que les 11 000 entreprises de jardinerie et de paysagisme, qui sont de formidables liens avec la société civile, soient aussi porteuses de messages sur la biodiversité. Ce n’est pas très compliqué si on négocie une convention de partenariat avec cette branche professionnelle. On peut faire à peu près la même chose avec des entreprises qui ont besoin d’espace pour leurs installations, en travaillant avec elles sur la mise en œuvre de la réglementation en vigueur.

Avec les collectivités, qu’elles soient maître d’ouvrage ou autorité administrative, qu’elles organisent l’utilisation de l’espace ou attribuent des budgets, l’Agence peut tout à fait nouer des partenariats et se mettre à leur service sous la forme d’un centre de ressources regroupant des bases de données accessibles, ce qui n’existe pas aujourd’hui en matière de biodiversité, puisque la plupart des données sont couchées sur des carnets d’amateurs. La prestation de l’Agence auprès des collectivités n’implique pas d’installer une forme de tutelle. Mais si elle peut faciliter la compréhension par un maître d’ouvrage, public ou privé, de la conduite des séquences « éviter, réduire, compenser », cela ne peut qu’en être mieux. Au cours de nos auditions, nous avons reçu un grand nombre d’appels à l’aide sur le sujet des mesures compensatoires au service de la biodiversité. Quoi de mieux et de plus opérationnel que de rassembler les informations sur divers milieux naturels pour savoir par quel type d’intervention de génie écologique compenser tel type de zone humide, par exemple ? Installer un opérateur technique dans une mission de rassemblement de données me semble tout à fait opportun, j’allais même dire très urgent.

Notre mission ne s’arrêtera sans doute pas là. La prochaine séquence, si j’en juge par les débats qui ont eu lieu hier devant le conseil national de la transition écologique, c’est l’approfondissement des hypothèses d’écriture des articles de loi qui traduirait le contenu de notre rapport. Puisque l’Agence de la biodiversité est susceptible d’être portée par la loi-cadre relative à la biodiversité, il faut lui donner une configuration, en termes de périmètre, d’organisation et de moyens, qui trouve sa traduction dans des articles de loi. Tout ne figurera pas dans cette loi-cadre puisque les mesures fiscales, quand elles auront évolué, devront trouver leur place dans un projet de loi de finances.

Notre deuxième chantier sera de démontrer que l’Agence de la biodiversité permet de gagner en moyens et en efficacité environnementale.

Le troisième chantier sera de veiller à ce que le sujet des acteurs territoriaux par rapport à l’Agence soit abordé lors des débats locaux de préparation de la loi-cadre relative à la biodiversité, de manière à évacuer complètement la crainte de recentralisation que vous avez évoquée. Restera aussi à définir le périmètre des institutions qui rejoindraient l’Agence sous forme d’intégration et celles qui, en gardant leur statut d’établissement public, y seraient rattachées. Nous en profiterons pour examiner les possibilités d’associer d’autres intervenants à l’activité de l’Agence sous forme de GIP, de manière à avoir les trois cercles concentriques de rayonnement de l’Agence de la biodiversité.

Deux questions ont été posées sur l’ONCFS et sur l’ONEMA. Sachez que nous ne proposons pas le transfert à l’Agence de la biodiversité de l’exercice de la police de l’environnement, ni de la police administrative qui est déjà dans les services déconcentrés, ni de la police judiciaire qui est détenue par ces deux établissements publics. Ceux-ci sont donc appelés à garder et leur autonomie et le cadre principal de leur mission. L’ONCFS compte aujourd’hui 1 650 agents, dont 1 330 sur le terrain. Nous ne proposons pas de modification pour ce qui concerne les métiers principaux qui seront conservés dans ces établissements. Néanmoins, quand un établissement public comme celui-ci affiche comme axe stratégique numéro un l’action en faveur de la biodiversité et qu’il y consacre 40 % de ses moyens, on est en droit de s’interroger sur la pertinence à maintenir une superposition. D’ailleurs, vous l’avez fait. C’est un sujet qu’on ne peut pas évacuer comme cela et nous y travaillerons dans les mois qui viennent. J’ai rencontré le directeur et le président de l’Office pour voir avec eux quelles contributions, hors missions d’intérêt cynégétique, pourraient être apportées au profit de la biodiversité, comment leurs capacités de recherche et développement ainsi que leur expertise pourraient être mises à disposition de l’Agence de la biodiversité. Nous n’avons pas encore abouti à des qualifications précises, mais nous y travaillons. Il ne s’agit pas d’engager un démantèlement de l’établissement public mais une collaboration en cohérence pour plus d’efficience.

On a peu parlé des milieux marins et océaniques, et pourtant la disproportion des moyens par rapport aux enjeux constitue un lourd sujet. Autant sur l’espace terrestre, nous avons un devoir de cohérence et d’évitement de superpositions, autant sur les milieux marins, nous ne mettons pas les moyens.

M. David Douillet. Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question sur la Fédération nationale des chasseurs, que vous n’avez pas auditionnée.

M. Jean-Marc Michel. Nous avons répondu à toutes les sollicitations d’audition que nous avons reçues. J’ai compris qu’il y avait eu un souci avec l’AMF.

M. David Douillet. Dans sa lettre, la ministre vous avait demandé expressément de vous rapprocher de toutes les associations concernées. Mais je peux comprendre que vous ayez eu beaucoup de travail.

Mme Geneviève Gaillard et Mme Martine Lignières-Cassou. . C’est un mauvais procès ! C’était difficile en six semaines ! Cela pourra se faire après

M. Jean-Marc Michel. Je pensais que deux heures de travail avec le vice-président de la Fédération nous avaient permis de faire à peu près le tour de la question.

M. David Douillet. À aucun moment, les associations de chasseurs ne sont citées dans votre rapport, ni pour l’éducation ni pour l’expertise, alors que d’autres, comme la LPO, le sont. C’est inquiétant pour un élu comme moi. Il faut faire attention, il s’agit quand même de beaucoup de gens qui connaissent ce milieu, qui l’occupent, qui le vivent. C’est leur vie, c’est leur chair. S’ils sont écartés, cela va créer des frustrations et des problèmes.

M. Jean-Marc Michel. Il n’y a pas eu d’ostracisme de notre part.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ne faisons surtout pas de procès d’intention, nous connaissons la qualité et la compétence des préfigurateurs, ainsi que leur conscience professionnelle. Je vois que le sujet est difficile et très prégnant. Des propositions ont été faites, certaines d’entre elles étant particulièrement fortes et de nature à susciter des interrogations de notre part. Néanmoins, nous sommes au début d’un processus de réflexion et de concertation. Je pense, et c’est le vœu que je forme, que l’Agence française de la biodiversité peut progresser et cheminer, en particulier au travers du texte sur la biodiversité. Néanmoins, extraire de la loi-cadre sur la biodiversité la seule Agence française de la biodiversité est un peu réducteur. Nous devrons avoir une vision d’ensemble qu’il faudra compléter par la réflexion sur l’acte III de la décentralisation, ce qui va rendre l’opération complexe.

Messieurs les préfigurateurs, vous avez effectué, en un temps particulièrement court, un travail de qualité. C’est à mettre à votre crédit. Pour ma part, je suis favorable à la mise en place d’un outil qui associerait véritablement l’État et ses organismes aux collectivités territoriales et aux entreprises et partenaires économiques. L’analyse d’Yves Albarello, exposée sur un ton quelque peu violent, péchait quand même par de nombreux oublis, vos propos l’ont bien démontré. C’est le début du cheminement, j’espère que ce projet pourra être conduit à son terme.

Au nom de tous les commissaires, je vous remercie pour votre excellent travail, même s’il a pu susciter des réserves et des critiques.

——fpfp——

Information relative à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous devons désigner deux co-rapporteurs dans le cadre de la mission d’information sur les éco-organismes et les filières REP que notre commission a proposé de créer. J’ai reçu les candidatures de M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe SRC, et M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe UMP. S’il n’y a pas d’opposition, je considère leur nomination comme acquise.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 février 2013 à 9 h 30

Présents. – Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-François Copé, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Fanny Dombre Coste, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, M. Patrice Carvalho, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Michel Lesage, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville, M. Patrick Vignal

Assistait également à la réunion. – Mme Pascale Got