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Mardi 26 février 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 39

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Léchevin, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’ADEME est envisagée par le Président de la République

– Vote sur la nomination de M. Bruno Léchevin

– Information relative à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Bruno Léchevin, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’ADEME est envisagée par le Président de la République.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous auditionnons aujourd’hui, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Bruno Léchevin, dont la nomination en qualité de président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est envisagée par le Président de la République.

M. Bruno Léchevin est accompagné de deux responsables de l’ADEME, Mme Virginie Schwarz, directrice générale déléguée, et Mme Nadia Boeglin, conseillère, ainsi que de M. Stéphane Mialot et de Mme Katia Lefeuvre, respectivement directeur des services et chef du service de la communication du Médiateur national de l’énergie.

Après un exposé introductif de M. Bruno Léchevin, je donnerai la parole aux représentants des groupes, puis aux députés désireux de poser des questions.

Nous procéderons enfin à un vote à bulletins secrets, comme l’a déjà fait la Commission du développement durable du Sénat, après avoir auditionné M. Bruno Léchevin en début d’après-midi. Le dépouillement des deux scrutins sera effectué de manière concomitante.

M. Bruno Léchevin. En préambule et afin de permettre à chacun de mieux connaître mon parcours, de comprendre mon approche et de percevoir mes motivations, je vous propose de me présenter.

Je suis originaire de Sallaumines, dans le Pas-de-Calais, un département affecté par de nombreuses pertes d’emplois depuis plus de quarante ans, en raison de la disparition du bassin minier et de la désindustrialisation. Très tôt, je me suis engagé au sein de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), mouvement d’éducation populaire et de jeunesse. Grâce aux responsabilités qui m’ont été confiées, j’ai participé aux différents combats pour la défense de l’emploi dans un collectif régional qui rassemblait toutes les forces vives locales. C’est dans ce contexte que je me suis imprégné du sens de l’intérêt général et de sa défense. Dirigeant national puis président de la JOC de 1974 à 1978, j’ai ensuite intégré l’entreprise EDF-GDF distribution, où la quasi-totalité de mon parcours s’est effectuée comme dirigeant de la CFDT. La prise en compte du facteur social au sein des industries électriques et gazières et l’intérêt public ont guidé mon action durant toutes ces années.

Rappelons au passage que la CFDT a toujours assumé, dans le discours et dans les faits, un positionnement atypique, puisque, se démarquant d’une logique purement productiviste, elle s’est historiquement opposée au « tout nucléaire ». Je suis heureux de voir que l’histoire et les faits lui ont donné raison.

C’est en 2000, sur proposition du Premier ministre de l’époque, que j’ai été nommé commissaire de la Commission de régulation de l’énergie, où je suis resté huit ans. Alors que l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz bouleverse la donne pour nos concitoyens, qui ont souvent du mal à se repérer dans cette nouvelle organisation, j’ai toujours soutenu la thèse selon laquelle les marchés doivent être au service du consommateur final. C’est à cette condition que les consommateurs retrouveront confiance, car il n’y a pas de marché sans confiance.

Certes, l’énergie est un bien économique et, à ce titre, elle obéit à des règles de marché, mais elle est aussi et surtout un bien essentiel qui doit être, dans une société moderne et solidaire, accessible à tous.

C’est animé de cette volonté de renforcer la protection du consommateur que j’ai assumé, à partir de 2008 et à l’issue de mon mandat de commissaire, la fonction de délégué général du Médiateur national de l’énergie, avec la préoccupation centrale de lutter contre la précarité énergétique. Certes, cette institution, qui venait juste d’être créée et que nous avons développée, a bousculé les entreprises dans leur approche du client, que ce soit en matière d’information ou de traitement des réclamations. Mais aujourd’hui, elle est installée dans le paysage énergétique français et reconnue pour son expertise et ses prises de position en faveur de l’intérêt général. Ces cinq années passionnantes nous ont permis de penser et de concevoir le Médiateur national de l’énergie comme une institution efficace au service du plus grand nombre.

Enfin, je souhaite en deux mots partager l’expérience qui est la mienne au travers de l’ONG dont j’ai été membre fondateur, il y a plus de vingt-cinq ans. Dénommée d’abord Codeve (pour « Coopération développement »), elle est devenue « Électriciens sans frontières », une organisation de solidarité internationale. Notre principe d’action, avant toute intervention, est d’identifier les besoins énergétiques à satisfaire en électricité – mais aussi en eau – et les techniques les plus efficaces pour y répondre. Il s’agit ensuite d’inventorier les ressources énergétiques, qui seront évidemment renouvelables chaque fois que c’est possible, et les moins polluantes, quand ça ne l’est pas.

Après cette présentation, qui caractérise un parcours atypique et des engagements successifs – mais dans une continuité au service de l’intérêt général –, venons-en à l’ADEME.

Un nouveau défi à relever : présider cette belle agence qui regroupe quelque mille hommes et femmes, répartis pour moitié sur ses sites nationaux (Angers, Paris et Valbonne) et pour moitié au sein de chaque région, à travers ses directions régionales.

Reconnue pour son expertise et son action territoriale, l’ADEME a joué un rôle majeur dans les principales évolutions environnementales de ces dernières années, en particulier celles liées au Grenelle. Elle dispose en 2013 d’un budget d’intervention de 607 millions d’euros, auquel s’ajoute le programme des investissements d’avenir, doté d’environ 2,5 milliards d’euros sur trois ans.

De par ses statuts, l’ADEME a pour mission de « susciter, animer, coordonner, faciliter et le cas échéant, réaliser toutes les opérations » dans les domaines de la gestion des déchets, de la préservation des sols, de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, de la qualité de l’air et de la lutte contre le bruit. L’ADEME intervient donc sur toutes les thématiques environnementales, hors la gestion de l’eau et celle de la biodiversité.

Au-delà de la seule expertise, l’ADEME est une institution reconnue pour ses actions sur le terrain auprès des acteurs locaux, publics et privés, comme de nos concitoyens. La meilleure illustration en est donnée par les « Espaces info énergie » (EIE), qui dispensent des conseils personnalisés aux particuliers. Le réseau est cofinancé par les collectivités et l’ADEME. En un an, ses 405 conseillers ont donné une information personnalisée à plus de 150 000 personnes et en ont sensibilisé près d’un demi-million. L’efficacité de ces structures est démontrée, puisque 45 % des personnes ayant bénéficié d’un conseil personnalisé sont passées à l’acte et ont engagé plus de 327 millions d’euros de travaux en 2011. Ce réseau aura à coup sûr un rôle de premier plan à jouer dans la création du « guichet unique » annoncé par le Premier ministre ou dans celle du service public de la performance énergétique de l’habitat, prévue par la proposition de loi « Brottes », actuellement en cours de discussion au Parlement et dont l’objectif est d’accompagner les particuliers dans la rénovation de leur logement. Si le conseil objectif et gratuit dispensé par ces relais est un élément essentiel, qu’il serait d’ailleurs souhaitable de renforcer pour toucher beaucoup plus de personnes, il faudra également trouver les moyens d’étendre l’accompagnement en amont, – lors du démarchage auprès des habitants – et en aval, s’agissant du choix des entreprises et du suivi de la réalisation effective des travaux.

Je serai particulièrement attaché à ce que l’ADEME puisse s’organiser avec ses partenaires territoriaux dans le but de stimuler la demande des particuliers et de mettre cette demande en relation avec une offre de travaux et de financement – laquelle devra être structurée, coordonnée et fiabilisée.

Au-delà, l’ADEME soutient l’innovation technologique et l’expérimentation des solutions de demain, grâce notamment aux investissements d’avenir.

L’Agence gère en effet pour le compte de l’État 12 % du total du montant du grand emprunt, dans le cadre duquel 87 projets sont engagés à ce jour. Les principales filières bénéficiaires sont les énergies renouvelables, les véhicules routiers et la mobilité, et les réseaux électriques intelligents. Notons au passage que les aides distribuées ne sont pas majoritairement des subventions : deux tiers des 820 millions d’euros engagés jusqu’à présent – sur un coût total supérieur à 4 milliards d’euros – font l’objet de retours financiers vers l’État, sous forme soit d’avances remboursables, soit de prises de participation. À cette échelle, de telles modalités d’intervention de l’État dans le champ du développement durable et des écotechnologies représentent une innovation majeure.

Le programme des investissements d’avenir tout entier témoigne d’ailleurs sans conteste d’un changement d’échelle en matière de soutien à l’émergence de technologies et de produits relevant du développement durable : en associant son expertise technologique avec de nouvelles compétences en ingénierie financière, l’ADEME a su rapidement relever le défi que constitue la construction de l’industrie du futur, alliant compétitivité, emplois et préservation de l’environnement.

Parmi ses diverses missions, l’ADEME gère le fonds destiné aux déchets, mais aussi le « fonds chaleur » qui, en trois ans et pour un total de 900 millions d’euros, a aidé 2 400 installations à produire de la chaleur à partir de la biomasse, c’est-à-dire d’une source d’énergie renouvelable.

L’ADEME participe également à des innovations et à des expérimentations adaptées aux problématiques spécifiques d’un territoire. C’est le cas par exemple dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, qui compte 41 communes et 150 000 habitants, et où une part importante de la pollution de l’air provient de l’utilisation par les particuliers d’équipements de chauffage non performants. Pour accélérer la modernisation du parc d’appareils de chauffage individuels au bois, l’ADEME a lancé, avec le concours des collectivités de la vallée, du conseil général et du conseil régional, une opération pilote destinée à favoriser leur renouvellement.

Le temps me manque pour évoquer d’autres activités qui pourtant le mériteraient, qu’elles concernent l’international, la communication ou l’urbanisme. L’essentiel me semble être de souligner combien la richesse des activités de l’ADEME et la diversité de ses partenaires témoignent de sa capacité d’évolution.

Ainsi, si l’ADEME a aujourd’hui plus de vingt ans, elle a su constamment s’adapter aux évolutions de la société et de ses rapports avec les problématiques énergétiques et environnementales, grâce à un modèle original auquel je suis particulièrement attaché et dont je souhaiterais évoquer ici quelques-unes des spécificités.

L’Agence dispose ainsi d’une expertise reconnue et indépendante au service de tous les types de décideurs, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités, des entreprises ou des particuliers.

Elle a également un caractère intégré et une grande capacité à agir sur les territoires. Grâce à la complémentarité entre directions centrales et directions régionales, l’ADEME assure un continuum depuis la recherche jusqu’à l’application de solutions, assurant ainsi la cohérence entre les politiques de l’État et celles qui sont menées par les collectivités territoriales.

C’est une agence spécialisée sur des enjeux interdépendants complexes : sa capacité à traiter de problématiques transversales liées au développement durable et au changement climatique lui permet d’avoir une vision d’ensemble sur des sujets interdépendants comme l’énergie, l’air ou les déchets.

Par ailleurs, quand elle contractualise avec les régions pour démultiplier les soutiens tout en les concentrant sur les priorités locales, ou quand elle consacre les investissements d’avenir à la préparation des forces industrielles du futur, l’ADEME agit préférentiellement sur un mode partenarial, d’autant qu’elle peut compter, dans ses négociations et ses évaluations, sur la neutralité que lui confère son statut d’établissement public.

Le large périmètre d’action de l’agence, qui va de l’amont – la recherche et le développement – à l’aval – l’accompagnement de la mise en œuvre et de la généralisation des bonnes pratiques – fait de l’ADEME un modèle innovant et envié par ses homologues européens, dont les champs d’intervention sont souvent plus réduits.

J’aimerais maintenant en venir à mes priorités d’action pour cette institution et évoquer quelques sujets d’actualité.

Face au risque, universel, du changement climatique, la France doit montrer la voie de l’efficacité énergétique. Dans cette démarche, l’ADEME doit jouer, demain encore plus qu’aujourd’hui, un rôle de moteur.

Je sais combien l’ensemble des collaborateurs de l’ADEME sont compétents, mobilisés et investis. Fort de leur engagement, j’aurai à cœur de faire de l’Agence l’outil innovant, efficace et exemplaire qui nous permettra d’atteindre le mix énergétique transformé qu’appelle de ses vœux le Président de la République.

Les économies d’énergie doivent être notre objectif permanent. Mais de cela, ce ne sont pas les membres de votre commission qu’il faut convaincre. C’est à nous d’agir pour que cette ambition devienne une priorité objective, concrète et partagée.

À cet égard, le débat national de la transition énergétique représente pour l’ADEME une opportunité particulière de valoriser le remarquable travail d’expertise effectué sur ses scénarios 2030-2050, un exercice de prospective qui a mobilisé et rassemblé l’ensemble de ses experts.

Ce sera l’occasion pour l’Agence de porter un message fort en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments, qui doit être notre première priorité en matière d’économies d’énergie, et de soutenir, grâce à son expertise technique et financière, des propositions concrètes destinées à rendre effective la transition énergétique et écologique. Au-delà même du débat, l’ADEME devra se mobiliser en faveur de la mise en œuvre de ces initiatives.

La réussite de cette politique passera par une implication forte des territoires de proximité, car c’est au niveau des territoires que se réalisent les projets concrets qui font la transition écologique. S’il revient à un État de définir les lignes directrices, l’échelon territorial est bien le plus propice à la mobilisation et à la mise en relation des acteurs locaux. Je suis conscient que l’équilibre entre ces deux niveaux est délicat à trouver. Mais le système s’est montré performant : les politiques de l’État sont déclinées au niveau des territoires, dont elles prennent en compte les spécificités tout en leur faisant bénéficier d’une expertise nationale, tandis que cette dernière s’enrichit elle-même des retours du terrain.

La prochaine édition de la conférence environnementale annuelle traitera notamment la question des déchets, et il est crucial que l’ADEME se mobilise pour aider le ministère à la préparer. Je sais que le chantier est déjà bien avancé. Ce sera également l’occasion pour l’Agence d’approfondir sa réflexion sur les ressources, sur l’économie circulaire, sur les façons d’améliorer l’efficacité du recyclage pour fournir à nos industries des matières premières de recyclage compétitives.

Enfin, il nous faut préparer cette perspective dans un contexte budgétaire que vous savez nécessairement contraint. Face à la réduction des dépenses publiques, l’ADEME devra poursuivre ses efforts afin d’optimiser l’usage des crédits qui lui sont confiés.

Au cours de ces vingt dernières années, la politique environnementale française s’est renforcée, tant dans le domaine des déchets que dans celui de la maîtrise des consommations d’énergie, ou encore en matière d’aménagement ou de production agricole. Des textes sont venus affirmer la nécessité de réduire les flux : flux d’énergie, de matière, d’espace consommés ; flux de CO2 rejeté ou de déchets à traiter. De nombreux territoires et de multiples acteurs se sont emparés du sujet et montent en compétence pour développer des politiques locales : les agglomérations et territoires de projet avec les plans climat-énergie territoriaux, les programmes de prévention, les régions avec l’appui aux nouvelles filières d’énergie et de recyclage.

Depuis plus de vingt ans, l’ADEME a initié, stimulé, accompagné ce mouvement, en développant de nouvelles activités et de nouveaux modes d’action pour lesquels elle fait figure de précurseur. L’exemple le plus récent est celui des investissements d’avenir, qui lui ont permis d’acquérir de nouvelles compétences : je souhaite que nous puissions capitaliser ces compétences et poursuivre notre soutien à l’innovation au-delà du programme en cours, malgré la nécessaire adaptation des aides publiques au contexte budgétaire de notre pays.

Je voudrais conclure en rappelant ma conviction qu’il est nécessaire de s’engager dans la voie de la transition énergétique et écologique. En ces temps difficiles, on pourrait être tenté de répondre par des schémas et des réponses classiques à la crise économique et à la dégradation des conditions sociales de nos concitoyens. Or l’urgence écologique et sociale – plus encore que les règles communautaires ou les obligations que nous avons vis-à-vis des générations futures – doit nous inciter, tout au contraire, à faire preuve d’innovation, d’audace, de courage, mais aussi d’enthousiasme ; à prendre à bras-le-corps les problématiques énergétiques et environnementales ; à faire de la maîtrise de l’énergie un des leviers essentiels de la sortie de crise dans notre pays.

Ce n’est pas devant vous qu’il est nécessaire d’insister sur le fait qu’en 2012, le déficit du commerce extérieur de la France pour l’énergie a été de 69 milliards d’euros, et qu’il contribue pour une très grande part à celui de la balance commerciale, qui atteint 67 milliards d’euros. La réduction de cette dépendance est un enjeu majeur pour notre économie et notre modèle social, ce qui rend incontournable une transition énergétique fondée sur l’efficacité et la sobriété. Quel que soit le scénario d’évolution du mix énergétique, notre défi essentiel, c’est d’économiser l’énergie. La sobriété énergétique est en effet bonne pour la compétitivité de nos entreprises, et donc pour l’emploi et l’économie. Elle est également bonne pour les ménages, car elle permettra à tous de faire face à la hausse inéluctable des coûts unitaires, et aux plus vulnérables de sortir de la précarité énergétique.

Le chantier qui s’ouvre devant nous, celui d’une société sobre et économe en ressources, mais aussi industrielle et créatrice d’activités et d’emplois, est vaste. Mais je crois dans les capacités de l’ADEME pour contribuer à le réaliser.

Il sera de notre responsabilité d’élaborer les outils et les moyens d’action nécessaires et d’appeler, dans les entreprises, les collectivités ou le grand public, à une massification des changements de comportements et des investissements.

L’ADEME sera un acteur majeur de la transition énergétique et écologique engagée par le Gouvernement et prochainement débattue au Parlement. Elle est attendue, et je sais d’ores et déjà qu’elle a la capacité d’être à la hauteur des enjeux.

Le challenge est passionnant et je serais fier que me soit confiée la présidence de ce bel établissement.

M. Jean-Yves Caullet. Une fois n’est pas coutume, les politiques correspondant aux domaines d’intervention de l’ADEME sont marquées, en dépit des alternances, par une grande continuité. En effet, même si les réponses que nous y apportons, du Grenelle de l’environnement jusqu’au débat sur la transition énergétique, peuvent différer légèrement, les défis sont les mêmes pour tous : recomposer notre mix énergétique, être plus économes.

Par ailleurs, les solutions doivent être trouvées au plus près des acteurs, individus, entreprises ou collectivités. À cet égard, je m’interroge sur l’organisation décentralisée de l’Agence, fondée sur un réseau d’antennes régionales. Or, entre l’échelon régional et les acteurs locaux, il existe toute une série d’intermédiaires – donneurs d’ordres, maîtres d’œuvre – plus ou moins bien informés des bonnes pratiques que l’ADEME a expertisées. Vous paraît-il possible de renforcer encore la diffusion de ces pratiques et de faire en sorte qu’elles deviennent naturelles pour chaque citoyen, chaque collectivité et chaque entreprise ? Il me semble que des progrès peuvent encore être accomplis dans ce domaine.

Vous avez souligné la rareté et le caractère précieux des fonds publics. Dans quelle mesure les moyens alloués par l’ADEME font-ils l’objet d’un retour sur investissements ? Quelle part prennent les avances, les prêts, les garanties par rapport aux subventions ? Quelle évolution dans l’utilisation de ces fonds peut-elle être envisagée ?

Mais, quel que soit le montant des subventions, il y a toujours, pour les bénéficiaires, un « reste à dépenser ». Et les ménages les plus modestes, souvent confrontés à la précarité énergétique, ont parfois du mal à assumer leur part du financement des travaux. Pourrait-on imaginer que l’ADEME intervienne au-delà du montant de la subvention, par exemple sous la forme d’emprunts gagés sur la valeur du bien immobilier, dont les travaux d’amélioration énergétique tendent à augmenter la valeur patrimoniale ? De telles pratiques, si elles existent déjà, restent peu utilisées.

Vous avez évoqué l’économie circulaire, un domaine dans lequel beaucoup reste à faire. Les utilisateurs des matières premières secondaires ne sont pas toujours proches des lieux de production et peuvent relever de filières différentes. Alors que l’on voit se multiplier les éco-organismes de type Écofolio, l’ADEME pourrait-elle assurer le pilotage et l’évaluation globale de l’efficacité de l’économie circulaire, économe en matières premières, mais aussi en énergie ?

M. Martial Saddier. Votre intervention nous a permis d’appréhender le périmètre d’intervention de l’ADEME ainsi que vos propres qualités, que nous ne remettons nullement en cause.

Je salue le travail accompli par le président sortant, François Loos. Il était venu devant cette commission pour présenter son programme, et je pense qu’il a très largement tenu la ligne de conduite qu’il s’était fixé.

Vous avez cité les cinq domaines d’intervention de l’ADEME. Pensez-vous qu’il existe d’autres questions dont elle devrait se saisir dans les prochaines années ? De même, d’autres modèles de financement peuvent-ils être trouvés ?

Comme nous, François Loos était très attaché à l’irrigation par le réseau de l’ADEME de tout le territoire français, y compris les départements et intercommunalités, qui représentent tous des défis différents du point de vue énergétique. Quel est votre point de vue sur cette question ?

Vous avez rappelé que l’Agence jouait également un rôle de conseil auprès de l’État. Alors que se multiplient les comités sur la fiscalité écologique – notamment à propos de la TVA ou des taxes sur le gasoil – ou la transition énergétique, il est souhaitable que l’ADEME joue un rôle de coordination pour les différentes initiatives qui ont été prises ou annoncées.

Enfin, dans quelle mesure le débat sur l’acte III de la décentralisation pourrait-il être l’occasion d’avancer en matière d’économie d’énergie ? Avez-vous des amendements à nous suggérer ?

M. Yannick Favennec. Le Premier ministre a récemment rappelé votre engagement en faveur de la protection des consommateurs et des économies d’énergie, ainsi que dans la lutte contre la précarité énergétique. Comment envisagez-vous concrètement d’accomplir ces missions à la tête de l’ADEME ?

Les compteurs de type « Linky », qui vont remplacer les anciens compteurs EDF, doivent permettre de lutter contre le gaspillage et la surconsommation et de favoriser les économies d’énergie. Toutefois, selon l’ADEME, une légère consommation supplémentaire est aussi à craindre, ce qui risque d’annuler les effets bénéfiques attendus. Si vous êtes nommé, quelle sera votre position sur cette question ?

Enfin, le Gouvernement souhaite réduire à 50 % la part d’électricité produite par le nucléaire. Que pensez-vous de cet objectif ?

M. Olivier Falorni. Depuis plus de vingt ans, l’ADEME fournit conseil et expertise aux gouvernements successifs pour la mise en œuvre des politiques environnementales. Dans le cadre des investissements d’avenir, l’Agence est par ailleurs responsable de l’accompagnement des projets, depuis la recherche jusqu’à la pré-industrialisation. À la suite du lancement, en 2011, des appels à manifestation d’intérêt, plus de 300 projets ont ainsi été soumis.

Le principal domaine d’intervention de l’ADEME est bien évidemment celui de l’énergie. Nous connaissons tous le combat que vous menez depuis des années contre la précarité énergétique. L’expérience acquise dans les différents postes que vous avez occupés permettra à l’Agence de renforcer son action dans ce domaine. Selon quels axes sera organisée cette lutte ?

Le site internet M ta terre, que l’ADEME destine à la jeunesse, consacre ce mois-ci un dossier à l’énergie marine, une ressource encore peu connue et peu exploitée, mais dont l’apport est nécessaire pour atteindre l’objectif d’un mix énergétique composé d’au moins 23 % d’énergies renouvelables en 2020. Dans ce domaine, plusieurs projets sont soutenus par l’ADEME dans le cadre des investissements d’avenir. Quel est votre avis sur l’importance, pour l’Agence, du développement de ces technologies ?

La gestion des déchets est un autre domaine d’intervention de l’ADEME sur lequel je souhaite vous interroger. Un dispositif d’aide « déchets », destiné aux collectivités et aux entreprises, a été mis en place en 2009, après le Grenelle de l’environnement, dans le cadre du plan d’action sur les déchets. L’ADEME a ainsi soutenu dans de nombreuses régions des initiatives de valorisation et de recyclage destinées à faire baisser de 15 % à la fin de 2012 la quantité de déchets destinés à l’enfouissement ou l’incinération. Ces efforts ont eu des effets prometteurs et doivent être poursuivis. Or le dispositif a pris fin le 31 décembre 2012. Quelle mesure souhaitez-vous engager pour le remplacer ?

Les interventions de l’Agence destinées aux particuliers sont d’une ampleur considérable. Or si ses actions en direction des professionnels sont bien identifiées, celles qui concernent le grand public sont beaucoup moins visibles. Elles prennent essentiellement deux formes : l’information, grâce à l’édition de guides et l’organisation de campagnes de sensibilisation, et le conseil de proximité, par l’intermédiaire des 240 « espaces info énergie ». Avez-vous l’intention de mettre en œuvre une politique plus volontariste à destination du grand public ?

M. Christian Assaf. La lutte contre la précarité énergétique occupe une place de choix dans votre curriculum vitae. Pourtant, aux yeux du citoyen, l’ADEME n’apparaît pas positionnée dans ce domaine. Si nous voulons réussir la transition énergétique et progresser dans les domaines du développement durable et de la maîtrise de la consommation d’énergie, nous ne pouvons pas exclure toute une partie de la population. Or, un certain nombre de nos concitoyens souffrent des conditions dans lesquelles ils vivent : disposant de faibles revenus, ils sont contraints, en raison de l’inefficience de leurs équipements, soit de surconsommer de l’énergie et donc de payer plus cher pour leur chauffage, soit de consommer moins qu’il serait nécessaire pour leur confort. L’ADEME doit-elle proposer une action à destination de ces personnes, et si oui, laquelle ? Quels moyens nouveaux faudrait-il engager dans ce domaine ?

M. Julien Aubert. Êtes-vous actif dans d’autres ONG que celle que vous avez fondée ? Dans l’hypothèse où vous appartenez à des organisations intervenant dans des domaines proches de celui de l’ADEME, quelle sera votre attitude en cas de confirmation de votre nomination ?

La Cour des comptes reproche à l’ADEME l’éparpillement de ses services et l’insuffisance de ses procédures de contrôle. Notant que l’Agence dispose de trois sites centraux, à Paris, Angers et Valbonne, la Cour lui recommande de rationaliser son organisation. Quel est votre avis sur la gestion de ce réseau et sur l’éventualité d’un partage des interventions avec d’autres organismes, tels que les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ou les directions régionales de l’environnement ?

Que pensez-vous de la recommandation de la Cour des comptes de mettre en place au sein de l’ADEME des outils – primes individuelles et intéressement collectif – destinés à donner plus de flexibilité à la masse salariale et à inciter les agents à obtenir des gains de productivité ? Sur le plan des moyens financiers, l’Agence n’est pas en effet la plus à plaindre, et doit pouvoir montrer l’exemple dans cette période difficile.

M. Christophe Bouillon. La structuration d’une véritable filière industrielle d’économie circulaire apparaît comme une urgence pour notre pays. Non seulement l’économie circulaire peut être le fondement d’un nouveau modèle de développement, mais elle représente un formidable vivier d’emplois non délocalisables. Des initiatives ont d’ores et déjà été prises par l’ADEME, puisque trois appels à manifestations d’intérêt (AMI) organisés dans le cadre du programme d’investissement d’avenir ont été lancés dans les domaines de la collecte, du tri, de la valorisation, du recyclage ou de la valorisation des déchets, mais aussi en matière de dépollution des sites et d’écoconception.

Ces premières orientations, qui vont dans le bon sens, seront vraisemblablement suivies d’une nouvelle vague d’AMI destinés à renforcer la compétitivité de l’offre industrielle française en matière de tri ou de recyclage. Quelle sera votre stratégie sur ce point ? Quelle feuille de route vous donnerez-vous pour la mise en place, à long terme, d’une véritable industrie verte ?

M. Jacques Krabal. Le débat sur les normes applicables aux collectivités territoriales, qui a actuellement lieu dans l’hémicycle, montre la nécessité de simplifier les normes dans tous les domaines, mais particulièrement dans celui de l’environnement. Quels sont vos projets en la matière ?

Depuis le 14 février, l’ADEME préside le Club EnR, réseau européen regroupant 25 agences de maîtrise de l’énergie. Allez-vous utiliser ce levier pour faire avancer les actions dans notre pays et harmoniser les politiques en faveur de la transition énergétique ?

L’ADEME compte 26 directions régionales. Comptez-vous les maintenir, voire les développer de façon à apporter un soutien encore plus fort aux populations et aux collectivités territoriales ?

M. Jean-Marie Sermier. Le bois et la biomasse restent une matière première et une source d’énergie sous-exploitées en France. Des appels d’offres ont été lancés pour une utilisation à grande échelle de la biomasse, de façon à structurer la demande. Les collectivités ont par ailleurs réalisé, avec l’aide de l’ADEME, des plans d’approvisionnement qui ne sont pas, pour l’instant, coordonnés les uns avec les autres. L’Agence ne pourrait-elle pas élaborer avec les collectivités un plan plus cohérent et en meilleure adéquation avec l’offre disponible ?

M. Philippe Plisson. L’ADEME est un acteur essentiel dans la politique d’économie d’énergie, mais elle est également très impliquée dans les projets innovants et les énergies renouvelables, comme en témoigne cet appel à manifestations d’intérêt sur les énergies marines que lui a confié le ministère de l’écologie. En quoi consiste la mission de l’Agence en ce domaine, avec quels partenariats, pour quels objectifs et selon quel calendrier ?

En matière d’économies d’énergie, les compétences ont tendance à se chevaucher, qu’il s’agisse des espaces info énergie, des agences locales de l’énergie ou des collectivités territoriales. Comment voyez-vous le guichet unique voulu par le Président de la République ? Quel rôle y tiendra l’ADEME ?

M. Arnaud Leroy. La lutte contre le changement climatique est un des chantiers essentiels auxquels l’ADEME devra s’atteler dans les prochaines années. Quelles synergies pourraient être mises en place avec l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique ? Sachant que la France se propose d’accueillir, en 2015, la 21e conférence des parties (COP 21) de la Conférence des Nations-Unies sur le changement climatique, que notre pays va par ailleurs devoir revoir son plan d’adaptation l’année prochaine et que les régions sont en train de développer des « plans d’action climat », quelle aide l’ADEME serait-elle susceptible d’apporter dans l’élaboration des nombreuses mesures requises en matière de lutte contre le changement climatique ?

Par ailleurs, que pensez-vous de l’expertise que l’Agence est en mesure de faire valoir dans le domaine de la fiscalité écologique ?

Enfin, la certification des logements en termes d’efficacité énergétique relève pour l’instant plus de la paperasserie que de la maîtrise de l’énergie. Quelles pistes suggérez-vous pour améliorer ces documents ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’ADEME vient de publier son scénario énergétique pour les années 2030 à 2050. Ce document, qui prend en compte l’objectif fixé par le Président de la République de réduire de 75 % à 50 % la part d’électricité d’origine nucléaire, est particulièrement intéressant en ce qu’il prévoit une réduction des besoins : à l’horizon 2030, la consommation totale d’énergie diminuerait de 20 %, et de 47 % en 2050. Le seul secteur de la construction devrait contribuer à 65 % des économies réalisées.

Par ailleurs, les transports en commun et les modes de déplacement doux seraient mieux exploités. Le parc des véhicules automobiles individuels passerait ainsi de 35 à 22 millions – une baisse particulièrement importante, peut-être irréaliste.

Les objectifs fixés en matière de développement de l’agriculture biologique – 20 % du total en 2020 – seraient tenus. Le rythme d’artificialisation des sols, aujourd’hui de 62 000 hectares par an, serait divisé par deux en 2030.

En matière de gaz à effet de serre, les objectifs seraient également atteints : les émissions diminueraient de 34 % en 2030 et de 74 % en 2050, soit le « facteur quatre » prévu par la loi de programme de 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Ce scénario a été présenté jeudi dernier, lors de la dernière réunion du Conseil national du débat sur la transition énergétique. Vous l’aurez compris, les hypothèses sur lesquelles il s’appuie sont particulièrement volontaristes, mais nous-mêmes devrons nous montrer, le moment venu, tout aussi ambitieux.

M. Martial Saddier. Vous avez cité le fonds expérimental mis en place dans la vallée de l’Arve. En tant que président de la structure intercommunale qui porte ce fonds, j’aimerais savoir si nous pourrons continuer à compter sur le soutien de l’ADEME au cours des trois années à venir, et si cette expérience, qui est une première en France et peut-être même en Europe, pourrait s’étendre, à terme, à tout le territoire national.

M. Bruno Léchevin. Je ne suis pas sûr d’être en mesure de répondre à toutes les questions qui m’ont été posées, en particulier s’agissant des points les plus techniques, mais je m’engage à ce que des réponses précises vous soient apportées par écrit dans les prochains jours.

Plusieurs députés ont abordé le problème de la précarité énergétique. L’ADEME ne s’est pas vu attribuer une mission spécifique en ce domaine, même si elle est la cheville ouvrière de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), dont j’étais d’ailleurs membre en tant que délégué général du Médiateur national de l’énergie. Nous ne parviendrons pas à construire une société sobre en énergie et à relever tous les défis environnementaux si les réponses apportées au problème de la précarité énergétique ne sont pas à la hauteur des enjeux. En particulier, on ne parviendra pas, demain, à faire payer le juste prix de l’énergie – qui sera vraisemblablement en augmentation, ne serait-ce que pour permettre de financer les politiques publiques – si l’on ne fait pas jouer la solidarité nationale en faveur de ceux qui n’en auront pas les moyens.

La précarité énergétique est un phénomène en augmentation, favorisé par la montée de la crise et la hausse des coûts de l’énergie. Le nombre de personnes ayant des difficultés à se chauffer atteint désormais les 8 millions, ce qui n’est pas acceptable dans une société moderne se voulant solidaire. La réponse peut être curative, c’est-à-dire consister à aider les personnes concernées à payer leurs factures. C’est le sens de l’élargissement des tarifs sociaux prévu par la proposition de loi Brottes et qui pourrait toucher 4 millions de personnes. Mais elle doit surtout être préventive : pour faire reculer durablement la précarité énergétique, nous devons nous attaquer au fond du problème, c’est-à-dire à la rénovation de l’habitat et à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Il faut donc trouver des dispositifs susceptibles d’aider les personnes disposant de peu de moyens à financer les travaux de rénovation.

Or, dans ce domaine comme dans d’autres, nous sommes confrontés à des contraintes budgétaires. Le Gouvernement a prévu la rénovation de cinq millions de logements par an…

M. Julien Aubert. Le Gouvernement est ambitieux, mais quand même ! (rires)

M. Bruno Léchevin. … pardon. Je parlais d’un objectif de cinq cent mille logements par an, mais c’est déjà un objectif énorme – et d’autant plus ambitieux si l’on songe que seulement vingt mille logements ont bénéficié d’une rénovation thermique dans le cadre du programme « Habiter mieux » lancé à la suite du Grenelle de l’environnement.

Ce n’est pas seulement un problème d’argent : il faut aussi articuler les exigences des demandeurs, des financeurs et des autres acteurs du processus, ce qui est très difficile, surtout au début. Il me paraît donc nécessaire de viser en priorité les foyers souffrant de précarité énergétique. Ces derniers n’habitent pas nécessairement les logements sociaux, ni même l’habitat collectif. Il s’agit souvent de personnes âgées, vivant seules dans de grandes maisons situées en milieu rural.

L’ADEME ne se contentera pas d’observer la situation des personnes vivant dans des passoires énergétiques, ce qu’elle fait aujourd’hui par l’intermédiaire de l’ONPE. Mais elle risque de se heurter à la question des financements. Et à moins de se voir dotée d’une responsabilité particulière en ce domaine et du budget correspondant, je ne crois pas qu’elle développera une action spécifique. Elle peut néanmoins jouer un rôle de sensibilisation et de repérage des besoins, grâce à la proximité avec le terrain que lui offrent les espaces info énergie (EIE).

On m’a demandé si ce réseau serait maintenu, voire développé. Dès lors que l’on recherche la sobriété énergétique et que l’on se donne des objectifs extrêmement ambitieux en matière d’économie d’énergie et de rénovation de l’habitat, il paraît indispensable de renforcer les EIE, mais pas nécessairement de les doter de moyens supplémentaires. Comme tous les opérateurs d’État, l’ADEME devra en effet, compte tenu de l’état des finances publiques, apprendre à faire plus et mieux pour le même coût. Elle doit, comme les autres, consentir des efforts en termes d’optimisation et d’efficacité de son action, peut-être par un redéploiement de son réseau. Déjà, elle doit obtenir des gains de productivité, puisqu’il est prévu une réduction de ses effectifs de quinze emplois par an sur trois ans. L’effort n’est peut-être pas considérable, mais il représente sa contribution aux économies budgétaires. En tout état de cause, il lui faudra multiplier les partenaires – entreprises, collectivités, chambres d’industrie et de commerce –, trouver de nouveaux moyens et hiérarchiser les priorités si elle veut prendre sa part dans l’entreprise de rénovation énergétique des bâtiments.

S’agissant des investissements d’avenir, environ deux tiers des aides consenties donnent lieu à un retour vers l’État. Mais ils ne sont pas les seuls à se voir appliquer ce principe : en Picardie, un système de tiers-investissement est en expérimentation, prévoyant le remboursement des frais sous forme de redevance. Plus généralement, nous devons inventer des modèles différents d’ingénierie sociale et économique et favoriser une meilleure coordination entre les différents acteurs, de façon à trouver à chaque fois la réponse la plus appropriée.

En réponse à une question posée par M. Julien Aubert, je rappelle que la tutelle technique des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ne fait plus partie des responsabilités de l’ADEME depuis 2010.

En matière d’économie circulaire, sujet très important, les appels à manifestations d’intérêt vont se poursuivre. L’action de l’ADEME dépendra bien entendu des orientations prises par le Gouvernement, notamment à l’issue de la conférence environnementale. L’ADEME doit effectuer un exercice de prospective sur la question de la consommation, comparable au travail accompli sur la réglementation technique 2012. Par ailleurs, le dispositif d’aide « déchets » devra être prolongé d’une manière ou d’une autre. Deux pistes peuvent être explorées, la valorisation des matières organiques ou la valorisation énergétique des déchets. L’ADEME va poursuivre sa réflexion sur ce thème et proposer des solutions dans le cadre de la prochaine réunion de la conférence environnementale.

La diffusion des bonnes pratiques est un domaine dans lequel les compétences de l’ADEME sont reconnues. L’Agence doit conserver un équilibre entre deux exigences contradictoires : la recherche d’une cohérence, d’une impulsion à l’échelle nationale, et le souhait de faire émerger des initiatives locales et régionales variées, tenant compte des spécificités du terrain.

Il en est de même s’agissant de la politique énergétique, sur laquelle on m’a interrogé : il faut, bien entendu, maintenir une politique globale, mais aussi profiter de l’opportunité que représentent le développement des énergies décentralisées et renouvelables, ainsi que celui des smart grids, les réseaux intelligents, qui nous permettront à la fois de penser globalement l’énergie et d’agir localement, en fonction des acteurs locaux et des opportunités locales – sans remettre en cause, bien entendu, la sécurité du réseau ni la péréquation tarifaire.

En ce qui concerne les normes écologiques, il est certain qu’elles doivent pouvoir être simplifiées si nous voulons les développer, mais cela est plus facile à dire qu’à faire. Je ne suis toutefois pas en mesure d’en dire plus pour l’instant, car il me faut d’abord examiner la situation.

De même, il est encore trop tôt pour que je puisse détailler quelles évolutions devrait connaître l’ADEME. Je ne suis pas sûr, par exemple, qu’il soit souhaitable de lui confier de nouvelles attributions, dans la mesure où elle doit déjà faire mieux avec les mêmes moyens. Il faut d’abord recenser les actions de l’Agence et distinguer les plus utiles de celles qui le sont moins. N’oublions pas que les collectivités territoriales ont gagné en compétences depuis vingt ans, et que l’environnement est devenu un sujet porteur auprès des élus comme de la population. Dans un tel contexte, le rôle de l’ADEME pourrait, demain, être différent de celui qu’elle a tenu hier : nous serons peut-être moins instigateurs ou initiateurs qu’accompagnateurs.

On m’a par ailleurs demandé si l’ADEME devait développer ses actions destinées aux particuliers. Je souhaite réaliser rapidement un tour de France des antennes de l’Agence, et notamment visiter les espaces info énergie, qui représentent un formidable outil, d’une grande diversité, leur modèle variant selon les caractéristiques locales et les partenariats. La question est toutefois de savoir si leur action est à la hauteur des enjeux, de la démultiplication que l’on attend d’eux. La perspective du guichet unique va conduire à leur donner un rôle nouveau, et va les obliger à travailler avec d’autres acteurs. Des évolutions seront donc peut-être nécessaires.

Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il faudra renforcer les EIE. Je l’ai rappelé, 45 % des conseils personnalisés ont donné lieu à des travaux de rénovation – un bon résultat, sans doute, mais qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux en termes de politique environnementale et d’efficacité énergétique. Il convient donc d’examiner l’ensemble des activités, d’identifier celles qu’il convient de faire évoluer, de consolider ce qui marche bien et de travailler de plus en plus avec les collectivités.

Je ne veux pas éluder la question délicate des moyens de l’Agence et de la gestion de ses ressources. Pour consolider cette institution, il convient de trouver les bonnes ressources, au bon endroit et au bon moment, de façon à pouvoir financer non seulement les missions actuelles, mais aussi celles qui pourraient nous être confiées demain, à l’issue du débat sur la transition énergétique. Nous allons en discuter avec les organisations syndicales, mais en tout état de cause, il est normal, lorsque l’on gère une grande et belle maison comme l’ADEME, de s’interroger chaque jour sur l’efficacité des actions, sur les priorités à établir, sur les nouveaux champs à explorer, le tout dans un contexte budgétaire contraint.

Je n’exerce des fonctions de dirigeant que dans une seule ONG, « Électriciens sans frontière », dont je suis le vice-président depuis vingt-cinq ans. Toutefois, mes nouvelles responsabilités m’amèneront probablement à mettre cette activité en parenthèse, de même que j’ai déjà annoncé devoir cesser toute relation financière entre « Électriciens sans frontières » et l’ADEME.

MM. Martial Saddier et Julien Aubert. Pourquoi ? Si vous quittez la vice-présidence, il n’y aura pas de problème. Vous risquez de pénaliser l’ONG !

M. Bruno Léchevin. Certes, mais mes anciennes fonctions pourraient susciter des questions.

Il va sans dire que l’expérimentation réalisée dans la vallée de l’Arve, prévue pour durer trois ans, ira jusqu’à son terme. On ne peut qu’espérer un développement à plus grande échelle, afin que d’autres régions puissent bénéficier de cette initiative très concrète et intelligente, mais dans ce domaine également, le problème est de trouver les financements.

Comme vous, monsieur le président, j’ai pris connaissance de la contribution de l’ADEME à l’élaboration de visions énergétiques pour la période 2030-2050. Ce document est le fruit d’une mobilisation de tous les experts de l’Agence et a nécessité la mise en cohérence de toutes leurs réflexions. Il s’agit, il est vrai, de scénarios ambitieux, exigeants, mais les critères retenus, qu’il s’agisse de la croissance du PIB ou de la fécondité, restent réalistes. Ce travail mérite en tout cas de faire l’objet de débats, de réflexions complémentaires, de critiques ou d’expertises.

En tant que membre du groupe des experts sur lequel s’appuie le débat national sur la transition énergétique, j’espère que les discussions ne se limiteront pas à déterminer la part exacte que doit prendre le nucléaire dans la production nationale d’électricité. Ma conviction profonde est que le « tout-nucléaire » n’a pas d’avenir, ni d’ailleurs le « tout-quelque chose », car notre société doit parvenir à la sobriété. Toutefois, la question n’est pas de savoir comment sortir du nucléaire, mais de déterminer les conditions de réussite de la transition énergétique, c’est-à-dire les moyens de diminuer, dans des conditions techniques et sociales acceptables, la part de l’énergie nucléaire. Le débat doit s’engager rapidement et être suivi d’actes concrets.

Nous parviendrons d’autant mieux à modifier le mix énergétique que nous aurons atteint la plus grande part des objectifs fixés dans le cadre du débat sur la transition énergétique ou par l’Union européenne.

Certaines questions doivent être résolues comme, en France, le problème des pointes de consommation d’électricité, qui requièrent une énergie à la fois très coûteuse et très polluante, malgré l’importance de notre secteur nucléaire. Lorsque la température baisse d’un degré en Europe, la moitié des moyens de production mobilisés sert à répondre à la demande française au moment du pic de consommation de 19 heures. Dire cela, ce n’est pas tenir un discours anti-chauffage électrique, mais seulement exposer un fait objectif. L’énergie nucléaire est donc importante, et le restera demain. Mais il convient de repenser le mix énergétique, de laisser une plus grande place aux énergies renouvelables, d’organiser la production d’énergie au niveau européen de façon à garantir la sécurité des approvisionnements, et surtout d’agir pour réduire notre consommation et améliorer l’efficacité énergétique. Cela sera bénéfique pour la compétitivité des entreprises, bénéfique pour les consommateurs, dont la facture énergétique pourrait ainsi baisser malgré l’augmentation du prix à l’unité, bénéfique pour l’économie, bénéfique pour l’environnement, et donc pour la planète. À tous égards, le débat sur le nucléaire s’annonce passionnant.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Sans parler du débat sur la transition énergétique !

La question de l’efficacité énergétique concerne directement notre commission. À la demande du groupe socialiste, un débat aura d’ailleurs lieu ce soir en séance publique sur « les dispositifs d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande dans le bâtiment ». De même, notre commission organise demain une table ronde sur l’efficacité énergétique.

Je vous remercie, monsieur Bruno Léchevin, pour la qualité de votre intervention et de vos réponses. Je sais que vous ne manquerez pas de revenir par écrit sur les questions que vous n’avez pas pu aborder.

L’ADEME est une belle institution à laquelle nous sommes très attachés, mais qui a connu, depuis 2003, quatre présidents différents. Si vous devenez effectivement le cinquième, j’espère que votre mandat sera placé sous le signe de la stabilité.

M. Bruno Léchevin. J’espère en effet, si cette mission m’est confiée, pouvoir la mener dans la durée. Le conseil d’administration de l’ADEME m’a fait l’honneur de proposer ma candidature à l’unanimité. Les organisations syndicales n’ont pas pris part au vote, mais elles ont dit m’accueillir avec une « neutralité bienveillante ». Mais surtout, elles m’ont demandé de rester… (Sourires).

*

* *

Après le départ de M. Bruno Léchevin, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d’âge étant MM. Julien Aubert et Olivier Falorni.

Les résultats du scrutin qui a suivi l’audition sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

*

* *

Information relative à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je propose de désigner notre collègue Philippe Plisson en tant que rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, qui devrait être examiné en séance publique au milieu du mois d’avril.

M. Philippe Plisson est désigné rapporteur de ce texte.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 26 février 2013 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Arnaud Leroy, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville, M. Jean-Pierre Vigier