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Mercredi 20 mars 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 46

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président puis de M. Alain Gest, vice-président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le thème « environnement et droit minier » avec Mme Sophie Bringuy, de l’Association des régions de France (ARF), M. Olivier Gourbinot et Mme Morgane Piederrière, de France Nature Environnement (FNE), Mme Emmanuelle Guilmault-Fanchini et M. Michael Weber, de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France (FPNRF), et Mme Anne-Gaëlle Verdier, du WWF

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur le thème « le facteur local dans le droit minier », avec Mme Sophie Bringuy, de l’Association des régions de France (ARF), M. Olivier Gourbinot et Mme Morgane Piederrière, de France Nature Environnement (FNE), Mme Emmanuelle Guilmault-Fanchini et M. Michael Weber, de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France (FPNRF), et Mme Anne-Gaëlle Verdier, du WWF.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable s’est engagée à l’automne 2012 dans un travail prospectif afin de mieux appréhender les textes qui lui seront soumis dans les prochains mois. Cette table ronde s’inscrit dans le cycle consacré à la réforme du code minier, qui nous tient particulièrement à cœur. Nous avons auditionné à l’automne Me Arnaud Gossement à propos de son rapport sur la réforme minière ; en janvier, nous avons organisé une table ronde regroupant les représentants des industries extractives et des organismes scientifiques ; le 19 février, nous avons reçu M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, au titre de sa compétence en matière de politique minière. Par ailleurs, en décembre dernier, une délégation de la commission s’est rendue en Guyane pour discuter des forages en mer et de l’extraction aurifère.

Je remercie les intervenants qui ont répondu à notre invitation. Il s’agit de Mme Sophie Bringuy, vice-présidente de la région Pays de la Loire, représentant l’Association des régions de France (ARF), de M. Olivier Gourbinot et de Mme Morgane Piederrière, de France Nature Environnement (FNE), de Mme Emmanuelle Guilmault-Fanchini, directrice du Parc du Gâtinais français, et de M. Michael Weber, président du Parc des Vosges du Nord, qui représentent la Fédération des Parcs naturels régionaux de France, et, enfin, de Mme Anne-Gaëlle Verdier, de l’organisation WWF.

Mme Sophie Bringuy, représentant l’Association des régions de France (ARF). Je remercie la commission du développement durable pour son invitation et je salue l’ensemble des participants à cette table ronde qui porte sur le sujet très important de la réforme du code minier. Arnaud Gossement vous l’a certainement rappelé : le code minier date de 1810. Il a donc vécu et doit évoluer, en particulier au regard de l’actualité juridique, économique et technique.

L’aménagement du territoire, élément majeur pour les régions, sera le fil conducteur de mon intervention. Au cours des dernières années, l’ARF a pris position à plusieurs reprises sur cette question : en adoptant à l’unanimité un avis de février 2011 pour la fin des permis d’exploration énergétiques non concertés, en participant au Comité national de la géothermie, en accompagnant les régions Lorraine et Nord-Pas-de-Calais qui ont une grande expérience en matière d’exploration et d’exploitation minières.

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et le ministre du redressement productif, en accord avec le ministre des outre-mer, ont présenté leurs orientations lors du conseil des ministres du 6 février 2013. Celles-ci reçoivent le soutien de l’ARF, en particulier sur les points suivants : l’élaboration d’un schéma national d’orientation minière (SNOM), la place donnée aux considérations sanitaires et environnementales, la participation du public, l’appréhension globale des projets, la répartition équitable de la fiscalité liée à l’exploitation minière et la création d’un fonds de solidarité nationale.

L’ARF considère qu’il convient d’apporter une attention particulière à l’après-mine en prenant en compte les expériences passées. Cette question n’a pas été évoquée avec précision au cours du conseil des ministres, ce qui est normal s’agissant d’une annonce globale du Gouvernement ; nous pensons toutefois que les risques consécutifs à l’arrêt de l’exploitation sont un élément essentiel du code minier. Je suppose que vous allez auditionner, à ce titre, les associations de victimes de l’après-mine.

L’instauration d’un régime de surveillance d’une durée minimale de trente ans après l’arrêt de l’exploitation et la possibilité de rechercher les responsabilités pendant vingt ans seraient des avancées notables, saluées par tous les acteurs du territoire qui ont été confrontés à des situations délicates.

Dans le département de la Sarthe, au sein de la région Pays de la Loire dont je suis l’élue, se trouve une mine d’or. Située à Rouez-en-Champagne, elle a été exploitée pendant une dizaine d’années – au lieu de trente  selon les prévisions originales – et sa concession, d’abord attribuée à Elf-BRGM, est aujourd’hui détenue par Total. Les habitants de la commune vivent aujourd’hui avec des milliers de tonnes de déchets cyanurés sur leur territoire, stockés dans une sorte de sac poubelle géant, sans surveillance et sans réel suivi. Une demande de permis de recherche déposée l’été dernier par la société Variscan Mines a conduit l’association locale de protection de l’environnement à se ressaisir du dossier. Elle a procédé à des mesures qui ont montré la présence d’importantes pollutions ; elle s’est aperçue que les numéros d’urgence en cas de découverte de pollution amenaient vers des personnes pas du tout informées. Cet exemple témoigne de la nécessité d’encadrer parfaitement l’après-mine, de définir les responsabilités de chacun et d’assurer un suivi du site pendant plusieurs années.

À cet égard, j’attire votre attention sur la défiance que suscite désormais l’exploitation minière au sein des populations. Lorsqu’un premier projet minier a été proposé à Rouez-en-Champagne, les habitants se sont réjouis : cela allait créer de l’emploi et générer de la richesse. Trente ans plus tard, face au deuxième projet, ils sont suspicieux. Ce comportement montre la nécessité d’organiser la participation du public.

Dans ces conditions, une planification nationale peut s’avérer compliquée à mettre en œuvre sans les territoires. C’est pourquoi nous souhaitons que les régions, départements et communes soient vraiment associés. À ce titre, le schéma départemental d’orientation minière (SDOM) qui existe en Guyane nous paraît intéressant. Nous prônons la mise en place d’un schéma national, décliné au niveau régional, afin d’organiser le débat public dans les territoires, le plus près possible des élus locaux et des citoyens.

M. Olivier Gourbinot, représentant France Nature Environnement (FNE). Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir conviés à cette table ronde. FNE est une association déclarée d’utilité publique, représentative et agréée pour la protection de l’environnement. Elle fédère trois mille associations implantées sur tout le territoire français pour environ 850 000 adhérents.

Nous avons participé aux travaux de la commission présidée par M. Thierry Tuot, à qui nous savons gré de la qualité des débats qu’il a animés. Le dossier des gaz de schiste et les forages au large de la Guyane nous ont permis de constater que le code minier n’était pas entré dans le XXIe siècle. Les principaux griefs sont aujourd’hui identifiés sous la forme d’une triple absence : absence de transparence car, malgré la loi interdisant la fracturation hydraulique, il est difficile de connaître les objectifs de certains permis, notamment en Île-de-France où l’on explore actuellement la roche-mère ; absence d’évaluation des impacts, ainsi les forages pétroliers en eaux profondes au large de la Guyane ont-ils été réalisés sur la base d’une simple notice d’impact, procédé inconcevable au vu des conséquences de l’accident de la plateforme Deepwater Horizon ; absence totale de participation du public.

Le cas du permis « Limonade » de Guyane montre que le Gouvernement n’est pas en mesure de refuser une concession d’exploitation dans un parc national et sur un territoire exclu par la planification minière locale.

Depuis longtemps déjà, nos associations fédérées ont pu constater que le code minier avait du mal à régler les problèmes de l’après-mine. Ces difficultés sont source d’insécurité juridique et obligent le Gouvernement à suspendre l’instruction de nombreuses demandes.

Soyons clairs : si l’ambition est de promouvoir la « mine propre » du XXIe siècle, il faudra totalement réformer une législation qui ne doit plus avoir comme seul objectif de favoriser l’activité des industriels. Pour FNE, le futur code devra avant tout garantir la transparence des projets miniers et promouvoir des procédures de participation ambitieuses.

En ce qui concerne la transparence, il ne s’agit pas de compliquer à outrance les procédures, mais de garantir une information complète le plus en amont possible. C’est pourquoi nous sommes défavorables au maintien d’une distinction totale entre permis et travaux miniers. Si elle devait perdurer, des permis seraient encore délivrés sans que l’on connaisse les travaux et les technologies employés. Nous ne devons plus accepter cela.

La solution n’est pourtant pas si complexe. Au moment de la demande d’exploration, les gisements sont potentiels. À ce stade, le public doit avoir connaissance des différents types de produits espérés, des techniques disponibles ainsi que des risques – avérés et potentiels – pour la santé et l’environnement. Au moment de la demande d’exploitation, les gisements ainsi que les techniques et travaux nécessaires à leur exploitation sont identifiés : l’information est disponible et le public doit être informé de l’ensemble des conséquences du projet pour le territoire.

L’industrie minière doit comprendre que la transparence des projets est le préalable nécessaire à la sécurité juridique et à la réduction du nombre des recours contentieux.

J’en viens à la participation. Trop souvent la participation du public est présentée comme le moyen d’obtenir l’adhésion des populations. Nous combattons cette vision qui laisse entendre que les citoyens, les élus locaux et les ONG ne sont pas en mesure de comprendre et d’améliorer les projets qui les concernent directement. Si vous faites le pari de l’intelligence collective, seules les procédures de participation sont en mesure d’assurer un haut niveau de protection de l’environnement et de garantir l’intérêt des populations dans les projets miniers.

La Constitution impose une participation du public pour chaque décision présentant une incidence environnementale. La quasi-totalité des décisions, de l’exploration à la fin de l’après-mine, devra donc faire l’objet d’une procédure proportionnée. Concrètement, il ne s’agit pas d’alourdir ou de ralentir les dossiers, mais de prévoir une procédure simplifiée lorsque les enjeux sont faibles et une procédure renforcée lorsque les enjeux sont élevés. Sur ce point, les propositions de M. Thierry Tuot apparaissent tout à fait pertinentes.

En ce qui concerne les autorisations les plus importantes, l’idée de confier l’organisation de la participation du public à une instance indépendante semble être, sur le principe, une solution innovante, que notre fédération soutient. La composition de cette instance devra refléter les enjeux qui président à la délivrance des autorisations prévues par le code. Les associations de protection de l’environnement qui composent le mouvement FNE, compte tenu de leur connaissance des territoires et de leurs compétences en matière de protection de la biodiversité, de l’eau, de l’air ou du sol, auront nécessairement un rôle à jouer. Une telle instance permettra en outre aux décideurs locaux – élus et filières industrielles – d’évaluer les conséquences économiques et sociales de la mine sur le développement durable des territoires et d’adapter les politiques publiques en matière d’emploi. En effet, si la mine suppose la construction d’infrastructures pour accueillir les personnes qui viendront y travailler, elle peut aussi porter atteinte aux filières touristiques ou agricoles locales.

Évaluer les conséquences des activités minières est complexe. Vous en conviendrez certainement : il n’est pas aisé d’apprécier les risques liés à la fracturation hydraulique, à la géothermie profonde ou aux forages en mer ultra-profonds. Il n’est pas plus facile d’affirmer que l’exploitation des gaz de schiste est pertinente du point de vue économique ou que la géothermie profonde est une énergie d’avenir. Là encore, si nous voulons réduire les contentieux, il faudra promouvoir une évaluation apaisée des impacts environnementaux, économiques et sociaux, et rétablir la confiance. Le nouveau code devra prévoir la possibilité pour le public de demander des expertises contradictoires financées par l’industriel qui sollicite le permis.

Pour que la participation conserve son intérêt, il faudra supprimer le droit automatique à exploiter dont bénéficie le titulaire du permis de recherche. La participation ne peut se limiter à la demande d’exploration, car ses conséquences sont incertaines. Nous n’accepterons pas qu’entre l’exploration – qui peut durer quinze ans – et l’exploitation, l’État, les collectivités territoriales et le public perdent tout pouvoir d’appréciation. À l’inverse, dans l’hypothèse où la collectivité décide d’exploiter un gisement, il doit être réservé à l’industriel qui a investi pour le découvrir.

Les activités minières bénéficient de règles particulières en raison de l’intérêt stratégique qu’elles présentent pour l’industrie nationale, la politique énergétique et plus généralement les intérêts de la Nation. Pour nous, l’intérêt stratégique d’un projet doit, au même titre que ses enjeux environnementaux, faire l’objet d’une évaluation partagée. Dans ce cadre, nous soutenons le principe d’un schéma national d’exploitation minière. Celui-ci devra faire l’objet d’une élaboration partagée, être compatible avec les politiques environnementales locales, notamment les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, se fonder sur les besoins de l’industrie et respecter les conclusions du débat sur l’énergie. S’agissant des mines d’hydrocarbures, les enjeux du réchauffement climatique doivent être au centre du débat.

M. Michael Weber, représentant la Fédération des Parcs naturels régionaux de France. Vous voudrez bien excuser Jean-Louis Joseph, président de la Fédération des Parcs naturels régionaux, qui, retenu par ailleurs, ne peut être parmi nous. Le réseau des Parcs naturels régionaux est constitué de 48 parcs – dont deux ultramarins, la Guyane et la Martinique – qui couvrent 15 % du territoire et regroupent 4 100 communes rurales. Ceci représente 3,7 millions d’habitants soit 30 % de la population de l’espace français à dominante rurale.

Le réseau des Parcs est un concentré de la diversité des milieux naturels et des paysages français. Il regroupe des espaces remarquables reconnus au plan national et international. Créés à l’initiative des régions et classés par décret, les parcs ont pour mission de concilier préservation des patrimoines et développement économique. Leur charte, élaborée et approuvée par les collectivités territoriales, détermine pour douze ans les orientations et les mesures à prendre en matière d’aménagement, de préservation et de développement. L’État et les collectivités s’engagent à respecter ces orientations et à appliquer ces mesures sur le territoire du parc.

Au cours des derniers mois, la Fédération a pris des positions et rédigé plusieurs motions relatives à l’exploitation minière. Nous demandons, pour mieux prendre en compte ses impacts sur l’environnement, que l’exploitation minière soit régie par le code de l’environnement et soit, par conséquent, soumise à la procédure des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). Les projets miniers doivent être soumis à la procédure d’étude d’impact et d’évaluation environnementale.

Nous souhaitons que l’évaluation environnementale porte également sur le réaménagement des sites après leur exploitation. Il est indispensable que l’attribution des concessions et des permis de recherches prenne en compte les critères de protection de l’environnement et de préservation de la ressource en eau, en particulier souterraine, ainsi que la prévention des risques écologiques et sanitaires.

Nous soutenons la mise en place d’un schéma national de valorisation du sous-sol qui, à l’instar des schémas départementaux des carrières ou du SDOM de Guyane, serait décliné au niveau régional. Les deux schémas, national et régional, préciseraient à leur échelle respective les substances exploitées, les techniques utilisées et les exigences en matière d’environnement, de santé et de sécurité. Les Parcs souhaitent que ces schémas leur soient soumis pour avis et qu’ils soient compatibles avec les orientations de leur charte.

Concernant l’information du public, nous demandons la plus grande transparence ainsi que l’association des élus et des citoyens au processus d’élaboration des schémas et aux procédures d’attribution des titres miniers. Nous déplorons qu’aucune information précise n’ait été délivrée aux élus et aux citoyens dans l’affaire des permis d’exploration des gaz de schiste, qui ont beaucoup mobilisé le public en 2011 et 2012. Il est indispensable que les nouvelles dispositions législatives prennent en compte cette obligation d’information en matière environnementale et de santé. Elle s’impose, a fortiori si, comme le propose le Gouvernement, le sous-sol est considéré comme un bien commun de la Nation.

Concernant la concertation locale, nous souhaitons la mise en place d’une commission régionale des mines qui pourrait également être en charge des carrières. Celle-ci aurait pour mission d’élaborer et de suivre la mise en œuvre des schémas. Dans le Parc des Vosges du Nord, cette concertation fonctionne particulièrement bien.

Pour les sites autorisés à l’exploitation minière, il nous paraît indispensable de mettre en place des commissions locales d’information. Celles-ci assureraient le suivi de l’exploitation et vérifieraient que les mesures environnementales et sanitaires ainsi que les engagements liés aux réaménagements après exploitation sont bien respectés.

La Fédération a déposé en 2011 et 2012 deux motions relatives aux gaz de schiste, dans lesquelles nous demandions l’interdiction dans les parcs de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbure dans la roche-mère, compte tenu des risques induits pour l’environnement, la préservation de la ressource en eau, la santé publique et les paysages – cette interdiction concernant également l’acquisition de connaissances scientifiques. Nous demandions, en outre, l’annulation des autorisations existantes sur les périmètres des parcs et l’organisation d’un débat national sur l’avenir énergétique de notre société et le développement des énergies renouvelables.

S’agissant de l’exploitation minière en Guyane, nous avons rédigé une motion en janvier 2013, à la suite de la concession octroyée dans une zone interdite à l’activité minière située dans le Parc amazonien. La Fédération a exprimé son inquiétude sur les conséquences de cette décision sur la conservation de la biodiversité ; elle a demandé l’annulation du permis d’exploitation. Elle a en outre invité le Gouvernement à respecter le SDOM de Guyane et à mettre en place une mesure de protection réglementaire pour la montagne de Kaw, site exceptionnel. À ce jour, nous n’avons pas reçu de réponse et nous le regrettons.

Mme Anne-Gaëlle Verdier, représentante du WWF. Je suis ravie et honorée, au nom du WWF, de participer à cette table ronde. Cela va me permettre de rendre compte des propositions défendues au sein du groupe de concertation informel sur la réforme du code minier animé par le conseiller d’État Thierry Tuot. Si le WWF a été invité à y participer, c’est qu’il est très mobilisé sur les questions minières outre-mer, plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.

La Nouvelle-Calédonie possède d’importantes ressources en nickel et disposerait, en outre, de nodules polymétalliques. Ce territoire dispose déjà d’un code minier et d’un schéma de mise en valeur des richesses minières. Il n’est pas concerné par la réforme du code minier métropolitain, cette compétence relevant du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Il serait néanmoins souhaitable de veiller à une certaine harmonisation des législations.

La Guyane concentre toutes les richesses aurifères nationales et disposerait de ressources pétrolières au large de ses côtes. Le WWF France s’est investi depuis plusieurs années dans ce département, notamment dans la lutte contre l’orpaillage illégal qui, je le rappelle, constitue le premier facteur de dégradation environnementale sur le Plateau des Guyanes et occasionne pollutions de l’eau et déforestation, avec les conséquences sociales, sanitaires et économiques que l’actualité ne cesse de rappeler. Nous nous impliquons aussi dans une démarche de limitation des impacts environnementaux en plaidant pour l’existence d’exploitations légales, propres et responsables.

C’est dans ce cadre que la réforme du code minier souhaitée par l’État français, qui entend s’assurer de sa conformité avec la Charte de l’environnement, prend tout son sens.

Nous partageons les préoccupations évoquées par les précédents intervenants. Pour ma part, je souhaiterais revenir sur trois aspects de la réforme qui concernent plus précisément les territoires d’outre-mer.

La réforme du code minier, présentée en conseil des ministres le 6 février dernier, reprend la proposition d’un schéma national de valorisation du sous-sol qui déterminerait les priorités, les techniques et les limites de l’exploitation des substances minières. Cette démarche nous semble extrêmement importante car elle pose les principes de la politique minière et interroge l’intérêt même de l’exploitation des ressources minérales. À l’heure de la nécessité d’un changement de modèle énergétique, cette question cruciale doit faire l’objet d’un véritable débat national et trouver sa déclinaison dans chaque territoire. Si la Guyane est dotée depuis 2012 d’un SDOM dans l’élaboration duquel nous nous sommes impliqués, elle ne dispose pas de schéma minier marin, ce que prévoyait pourtant l’article 56 de la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. En l’absence de connaissances fiables et approfondies sur les ressources marines, nous sommes conscients de la difficulté d’établir un tel document et de la nécessité de procéder à un inventaire des ressources. Cela étant, comment expliquer que des autorisations d’exploration – donc d’exploitation – aient été délivrées, faisant fi du principe de prévention pourtant intégré dans la Charte de l’environnement et sans étude d’impact fiable ? Des études sismiques ont été réalisées récemment au large de la Guyane sans que la moindre mesure d’atténuation ait été mise en place et sans respecter le calendrier de migration de certaines espèces marines, pourtant emblématiques et vulnérables !

La présence et le développement d’activités minières ne doivent pas altérer les engagements relatifs à la gestion durable des ressources. Les politiques publiques de préservation de l’environnement sont élaborées à différentes échelles territoriales, telles les SDAGE ou les SAR (schémas d’aménagement régionaux). Certaines sont prévues par la loi – je pense à la loi de 2006 réformant le statut des parcs nationaux – voire par le droit européen avec la loi-cadre sur l’eau. Ces politiques ne peuvent être menacées par le droit minier, qui doit respecter l’intégrité des territoires reconnus comme essentiels. Il serait donc normal d’interdire l’exploration et l’exploitation sur tout espace faisant l’objet d’une protection réglementaire.

En ce qui concerne la répartition des compétences, il a été rappelé que les richesses du sol et du sous-sol constituent un bien commun de la Nation et que le code minier vise à réguler l’exploitation d’une ressource minérale d’intérêt national, voire stratégique. C’est donc à l’État qu’il revient d’assumer la responsabilité de la décision politique et de la délivrance des titres, en y associant naturellement les collectivités locales et la société civile. Nous faisons nôtre la proposition de nos collègues du FNE de participer à l’instance indépendante chargée d’évaluer l’intérêt du projet minier.

Il existe, en Guyane, une commission départementale des mines qui a vocation à informer et consulter les élus locaux, les professionnels et les représentants de la société civile sur l’attribution des titres miniers. Malheureusement, cette instance n’est pas encore le lieu d’un débat sociétal équilibré dans la mesure où un certain nombre de parties prenantes ne sont pas associées – communes, aires protégées, représentants coutumiers – et parce qu’elle ne dispose que d’un pouvoir consultatif.

Un transfert de la compétence en matière de délivrance des titres miniers au profit des régions poserait un problème eu égard aux compétences des services de police ; il romprait l’homogénéité nécessaire dans le processus décisionnel car la gestion de l’espace souterrain est partagée entre plusieurs activités. La police de l’eau, par exemple, peut intervenir sur ce qui relève du sous-sol, mais la compétence en la matière est exercée par l’État. Confier les polices de l’eau et des mines à des autorités différentes pourrait être préjudiciable à l’activité et à la sécurité.

Si les ressources minières constituent un bien national, il est logique que la Nation, aux niveaux central et décentralisé, bénéficie d’une partie des recettes d’exploitation. Si, comme l’indiquait la ministre de l’écologie, il est effectivement nécessaire de « revoir la fiscalité minière afin de permettre une meilleure répartition des produits fiscaux », nous soutenons la proposition de la commission Tuot de redevances territorialisées, adaptées aux projets miniers, qui tiennent compte des externalités induites par l’exploitation et l’après-mine. Nous proposons la mise en place de fonds de compensation écologique, à l’échelle des territoires, destinés à financer les organismes d’expertise scientifique ou environnementale impliqués dans la réhabilitation de sites ou le développement de projets de développement durable.

La réforme du code minier doit être l’occasion d’interroger à nouveau notre modèle de développement énergétique en veillant à minimiser nos besoins d’extraction et à réduire la pression qui s’exerce sur nos ressources, dans un souci de préservation de l’environnement et en impliquant le plus grand nombre d’acteurs dans le processus décisionnel.

Je ne reviendrai pas sur la polémique Rexma, mais le fait que le permis ait été accordé est révélateur de l’obsolescence d’un code minier qui ne s’est pas adapté aux évolutions de la société et de la législation. Aucun des trois piliers de l’intérêt général invoqués pour évaluer l’intérêt d’un projet n’a été respecté : ni les exigences environnementales, ni l’intérêt national puisque ce permis est incohérent avec les politiques publiques de ce territoire et que le projet de développement économique est transitoire, ni l’intérêt de la Guyane puisque plusieurs élus, dont certains membres de cette commission, se sont élevés contre cette décision. C’est pour éviter ce type de situation et pour « repenser le droit minier dans l’éclairage de la Charte de l’environnement », pour reprendre les termes de Me Gossement, que cette réforme nous paraît fondamentale.

Mme Sabine Buis. Pour nous, députés du groupe SRC, la réforme du code minier est urgente et nous souhaitons voir le plus rapidement possible une meilleure articulation entre les droits minier et de l’environnement. Nous prendrons notre part dans l’élaboration du projet de loi qui sera prochainement déposé car il présente un intérêt stratégique pour la politique nationale.

Nous partageons nombre d’arguments qui viennent d’être développés. L’intervention de la représentante de l’ARF résume presque toutes les autres en ce qu’elle établit le lien entre aménagement du territoire et réforme du code minier. Vous souhaitez que l’ARF participe à la construction du schéma national, qui devrait être élaboré avec la participation du public, conformément à la convention d’Aarhus et à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ces deux points nous tiennent particulièrement à cœur.

Une gouvernance plus adaptée, l’information et la participation du public aux processus décisionnels, la prise en compte des enjeux environnementaux pour la délivrance des permis sont des demandes de notre groupe, tout comme la nécessité d’une prise en compte des particularités de l’outre-mer. En revanche, je suis surprise que vous n’ayez pas insisté sur l’impérieuse révision des dispositions fiscales sachant que celles-ci n’assurent pas aux collectivités et à l’État les revenus qu’ils seraient en droit d’attendre.

Par ailleurs, je souhaiterais des précisions sur la proposition du représentant de FNE visant à demander aux industriels de financer les expertises contradictoires. Serions-nous véritablement assurés de leur objectivité ?

La table ronde regroupant des industriels pouvait se résumer en une phrase de Jean-Louis Schilansky : « On ne change pas le code de la route pour arrêter la circulation ». Souhaitez-vous, mesdames et messieurs, arrêter la circulation ? Est-ce cela que vous attendez de la réforme du code minier ? Mme Verdier suggère de minimiser nos besoins d’extraction. Mais où se trouve la limite entre minimiser et arrêter ? Certains parlementaires pensent encore que les associations ne sont là que pour nous empêcher d’avancer. Est-il possible, selon vous, d’avancer ensemble dans le cadre de cette réforme ?

M. Martial Saddier.  Les députés du groupe UMP remercient chacun pour la qualité des interventions prononcées. Nous souhaitons à notre tour rappeler que le sous-sol et ses richesses sont un bien commun de la Nation. Il faut trouver un équilibre entre son exploitation durable, notamment au regard de notre indépendance énergétique, et sa protection. C’est cette démarche qui anime l’ancienne majorité. Il y a urgence et c’est ce qui nous avait amenés à provoquer un débat législatif pour la recodification du code minier, dont nous avions à l’époque signalé la complexité. La nouvelle majorité se trouve confrontée aujourd’hui à cette réalité.

Monsieur le président, M. Arnaud Montebourg a indiqué devant notre commission qu’il pourrait présenter un texte en conseil des ministres dès le mois de juin. Ce calendrier est-il toujours d’actualité ?

Il eût été intéressant d’entendre ce matin les représentants de l’ensemble des collectivités territoriales. Je peux comprendre que l’ARF considère que la région est le bon échelon de gouvernance, mais quelles sont les positions de l’Association des maires de France (AMF), de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) et de l’Assemblée des départements de France (ADF) ? Elles auraient intéressé la représentation nationale, qui aura à débattre de la fiscalité écologique dans le cadre de l’examen du projet de loi de décentralisation. Quelle répartition entre l’État et les différentes collectivités ? Quelle péréquation ?

Vous n’avez pas abordé la question de la remise en état des sites. C’est pourtant un point important pour les générations futures et les élus locaux.

L’ouverture d’un débat public est conforme à l’esprit du Grenelle de l’environnement et de la Charte de l’environnement. Les députés du groupe UMP sont favorables à la participation du public, mais elle doit intervenir en amont et ne pas se traduire par une multiplication de recours, voire par des recours abusifs.

La réforme du code minier ne doit pas faire oublier les préoccupations quotidiennes des élus locaux qui portent plus sur les granulats et les dépôts de matériaux inertes que sur le gaz de schiste.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous espérons tous que l’échéancier du Gouvernement, qui prévoit le dépôt d’un projet de loi en juin, sera respecté.

En ce qui concerne la participation de l’Association des maires de France à cette table ronde, je vous indique l’avoir sollicitée il y a maintenant sept semaines, mais l’AMF n’a pas daigné déléguer l’un de ses représentants. Je ne l’avais pas mentionné en préambule pour ne pas monter la chose en épingle, mais dans la mesure où cette absence fait l’objet d’une intervention, je tenais à apporter cette précision. Compte tenu des équilibres à respecter dans la constitution de la table-ronde, il était difficile d’inviter à la fois l’ARF, l’AMF et l’ADF, c’est pourquoi nous avions choisi d’inviter les deux premières, sans penser que l’AMF n’enverrait pas de représentant.

En matière de fiscalité minière, les redevances versées par les industriels aux communes et aux départements ne pourraient-elles alimenter un fonds régional plutôt que le budget de telle ou telle collectivité au motif qu’elle accueille une mine ou une exploitation sur son territoire ?

M. Yannick Favennec.  Le groupe UDI vous remercie, mesdames et messieurs, pour la qualité de vos interventions. Notre groupe, qui soutient une écologie de progrès et de développement, souhaite que l’exploitation de nos ressources naturelles puisse se poursuivre, sous réserve de ne pas appauvrir la nature et de ne pas générer de dommages irréversibles. Une réforme du code minier s’impose et nous ne pouvons que nous féliciter des principes édictés par le ministère : l’information, la transparence et la prise en compte des enjeux environnementaux.

Mais qu’en est-il dans la réalité ? La préparation de cette réforme devait reposer sur une concertation avec les associations environnementales, les industriels et les collectivités territoriales. Comment avez-vous été intégrés à cette concertation ?

Nous sommes d’accord sur la nécessité de mieux prendre en compte les débats locaux. Quelle serait, selon vous, l’instance la plus appropriée pour organiser ce débat ? Sachant que lorsque les décisions sont prises au niveau local, comme c’est le cas dans les pays d’Europe du Nord, les décideurs consultent beaucoup plus largement les populations, vous paraît-il nécessaire de transférer la décision aux collectivités par le biais d’un mécanisme de codécision ?

M. Denis Baupin. Je remercie à mon tour les intervenants d’avoir accepté de participer à un débat d’actualité sur les impacts environnementaux des explorations et exploitations minières sur l’eau et la biodiversité. Force est de constater que, même lorsque l’on s’accorde sur les principes, des dérogations peuvent ensuite poser problème. Nous devons donc engager une réflexion globale. Comment assurer la préservation des ressources, qui sont des biens publics globaux et dont il faut aussi laisser la jouissance aux générations futures ? Comment utiliser ces ressources de façon modérée et progressive ?

Pour nous, la fracturation hydraulique est un facteur aggravant s’agissant de l’exploitation des gaz de schiste. Mais nous ne perdons pas de vue le problème essentiel des émissions de gaz à effet de serre. Je rappelle que, pour tenir les engagements du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de ne pas réchauffer la planète de plus de deux degrés par rapport à la température constatée au début de l’ère industrielle, nous ne devons pas exploiter plus du cinquième de l’ensemble des réserves connues d’énergies fossiles.

Nous sommes favorables au made in France, mais ne soyons pas plus laxistes envers la pollution made in France qu’envers toute autre. C’est dans cet esprit que nous interviendrons dans le débat sur la réforme du code minier.

Pour en revenir aux propos de M. Schilansky, un code de la route est nécessaire. Les chauffards dénoncent une atteinte à leur liberté chaque fois que nous le modifions, mais ces règles permettent de limiter les impacts de leur conduite sur les usagers de l’espace public. Il en va de même pour le code minier.

En l’état actuel du droit, les élus locaux n’ont pas les moyens d’empêcher les industriels détenteurs de permis d’explorer et d’exploiter les hydrocarbures de schiste sur leur territoire. Serait-il légitime, selon vous, de leur accorder ce pouvoir, sous forme d’un droit de veto ?

Enfin, considérez-vous les recours effectués par les associations comme abusifs ?

M. Jacques Krabal. Les députés du groupe RRDP partagent en grande partie vos interventions. N’ayant pas de question à vous poser, mon propos sera de nature politique. La réforme du code minier est un impératif de premier ordre car elle engage l’avenir sur des questions fondamentales, comme la restructuration et la spécialisation de notre tissu industriel, notre niveau de dépendance aux importations de matières premières stratégiques ou non, notre approvisionnement énergétique, les modalités de la transition énergétique chère au Président de la République et, enfin, la préservation de notre environnement.

Tous ces domaines dépendent du mode de développement que nous voulons. Le cadre qui s’impose à nous est lié à la crise. C’est à l’aune de cette crise qu’il faut penser la réforme du code minier ainsi que les perspectives qui permettront de rompre avec l’ordre économique précédemment établi et de satisfaire le légitime besoin de changement auquel aspire une majorité de citoyens.

L’ensemble des défis qui se posent à nous induit de réécrire intégralement le code minier. Les conséquences d’un mode de vie mondialisé, basé sur la gestion irrationnelle de nos ressources, avec tous les gaspillages que nous connaissons, font passer au rouge tous les indicateurs économiques, sociaux et environnementaux. L’occasion nous est donnée de fondre deux siècles d’expérience dans le creuset de ce que le présent nous contraint à déterminer pour l’avenir. La protection de l’environnement n’interdit en rien de prendre une initiative économique de production, quelle qu’elle soit. Il suffit de penser l’organisation de cette activité de façon rationnelle et responsable.

Quant au principe de précaution, ce n’est certainement pas un frein à l’innovation industrielle ou technologique : c’est un atout pour un développement à la fois économique, social et humain.

Bien entendu, il nous paraît nécessaire de prendre en compte l’échelle du temps pour comparer de façon globale les gains et les coûts d’une activité minière. L’exploitation des hydrocarbures de schiste par fracturation hydraulique, par exemple, peut générer des gains à court terme mais entraîner à long terme des coûts bien supérieurs. Les promoteurs avancent l’argument selon lequel cette activité générerait un certain nombre d’emplois directs et indirects ; elle aurait un effet global d’enrichissement pour la société. Nous pourrions leur objecter qu’ils ne sont pas réputés pour leur philanthropie et que leurs intérêts sont uniquement mus par la perspective de bénéfices.

Comme l’a suggéré Me Arnaud Gossement lors de son audition d’octobre 2012, il faut repenser le droit dans l’éclairage de la Charte de l’environnement et revoir les compétences de l’État, de l’administration, des collectivités.

Pour nous, cinq principes fondamentaux et incontournables doivent être pris en compte dans une société moderne qui ne repose pas exclusivement sur la spéculation et le profit immédiat : la transparence d’une information exhaustive, vérifiable, et adressée tant aux citoyens qu’à leurs représentants ; la concertation, gage de démocratie qui implique un dialogue entre toutes les parties, l’autorité administrative et les responsables publics tenant compte des observations des citoyens pour motiver leurs décisions ; l’équilibre entre l’État et les collectivités territoriales face au processus décisionnel ; la répartition équitable des richesses issues de l’exploitation des ressources nationales ; enfin, une fiscalité spécifique préparant l’après-mine et la réparation des altérations, ce qui passe par la souscription de l’opérateur à un fonds de garantie contre les catastrophes environnementale à effet retard.

Voilà les pistes de travail que propose d’emprunter le groupe RRDP pour mener à bien cette réforme dans un esprit moderne, démocratique et responsable. Pour conclure, je citerai un vers de Jean de la Fontaine, fabuliste né à Château-Thierry, extrait de la fable Le renard et le Bouc : « En toute chose il faut considérer la fin ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Est-il utile de préciser que M. Jacques Krabal n’est autre que le maire de Château-Thierry ?

M. Jacques Krabal. Je pense que personne ne peut plus l’ignorer. (Sourires)

M. Serge Bardy. Je souhaite remercier la présidence d’avoir organisé cette table ronde complémentaire à celle du 23 janvier dernier. Nous disposerons ainsi, à l’issue de cette matinée, d’un panorama complet sur les défis auxquels l’évolution du code minier doit répondre au regard de la protection de l’environnement. Tous les acteurs auditionnés jusqu’ici conviennent de la nécessité et même de l’urgence de cette réforme.

J’ai plusieurs questions à vous poser à partir du rapport remis par Me Arnaud Gossement à l’ancienne ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet. Tout d’abord, l’actuelle ministre, Mme Delphine Batho, a évoqué le rapprochement – approuvé par tous – du droit minier et de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : quels pourraient en être, dans la pratique, les limites et les obstacles ?

Le rapport Gossement traite peu de la responsabilité environnementale de l’exploitant : pourriez-vous nous indiquer vos points de vue sur ce sujet, notamment sur la gestion de l’après-mine et sur les mesures d’accompagnement financier qu’il serait légitime d’attendre de la part des exploitants. Mme Bringuy nous a précisé que leur responsabilité continuait d’être engagée pendant une période de vingt ou trente ans après la fermeture du site !

Le droit de l’environnement, essentiellement européen et mondial, ne s’arrête pas aux frontières de la France. Certains débats – comme celui sur les gaz et les huiles de schiste – font apparaître une fracture en Europe. Que pensez-vous de la proposition 38 du rapport Gossement qui invite l’Union européenne à élaborer une directive-cadre relative à l’exploration et à l’exploitation du sol et du sous-sol ?

Enfin, la mise en place d’un Haut conseil des ressources minières – qui assurerait une démocratie environnementale continue et qui pourrait être saisi pour donner un avis complémentaire à celui du Conseil général des mines – constituerait-elle une avancée ?

M. Christophe Priou. Le porte-parole de notre groupe, Martial Saddier, avait souhaité la présence des intercommunalités et des départements à cette table-ronde. Il tenait à ce que je le précise afin que la présidence en tienne compte.

La méthode du dialogue entre élus et associations, retenue pour les Grenelle de l’environnement et de la mer, s’est avérée très productive.

Denis Baupin a évoqué la sécurité routière : dans ce domaine, il faut aussi lutter contre les petits délits, comme le démontre l’expérience de votre collègue du groupe écologiste qui a perdu son permis du fait d’une succession d’infractions légères.

Dans le futur projet de loi, il conviendra de préciser le statut du sous-sol marin qui, bien que partie du domaine public maritime, pâtit d’un certain flou comparé au milieu terrestre, et dont l’importance est appelée à croître si on l’exploite rationnellement. M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, n’avait pas été très clair sur cette question d’importance.

Mme Françoise Dubois. Comme l’a expliqué Mme Sophie Bringuy, le territoire sarthois a connu des expériences malheureuses qui ont laissé des traces. Nous estimons tous cette réforme indispensable ; les élus locaux devront suivre avec attention l’intégralité de la conduite d’un projet, de sa conception à sa réalisation, et faire preuve de vigilance pour que les collectivités reçoivent les garanties dont elles ont besoin pendant l’exploration, l’exploitation et l’après-mine, en lien avec les citoyens concernés.

Il y a lieu de promouvoir la transparence, essentielle à la bonne mise en œuvre d’un projet dont l’impact territorial n’est pas anodin. Comme la future réforme sur la décentralisation promouvra les régions dans le rôle de chef de file en matière économique, celles-ci pourront-elles faire valoir des exigences qui leur permettraient de ne pas dépendre de promesses de retombées économiques temporaires, bien souvent surestimées par les exploitants, et qui ne prennent pas en compte les nuisances environnementales d’un chantier de grande ampleur ?

M. Guillaume Chevrollier. Le sol et le sous-sol de notre pays constituant le bien commun de la Nation, l’importance de la réforme du code minier est reconnue par tous. Nous devrions procéder, dans une démarche de concertation transparente avec l’ensemble des acteurs, à l’évaluation des réserves minières françaises. Une carte nationale pourrait être établie, ce qui permettrait d’éviter des situations inouïes comme celle du permis Limonade en Guyane, où une autorisation a été délivrée pour exploiter une zone interdite.

Il convient d’ouvrir la concertation, préalable à chaque projet, aux associations, aux citoyens et aux élus locaux de tous les échelons, en étant attentif à ce qu’une telle méthode n’entraîne ni blocage ni paralysie. Son coût doit être maîtrisé, si bien que les procédures prévues ne doivent pas s’avérer trop lourdes. En effet, l’objectif reste l’exploitation des ressources minières de notre pays pour favoriser le développement économique et la création d’emploi.

M. Jean-Pierre Vigier. La réforme du code minier, dont les grandes lignes ont été présentées en septembre 2012, vise à le mettre en conformité avec la Charte de l’environnement. Très positive, cette réforme entraînera néanmoins un coût important au regard de l’exploitation de la ressource, puisque les contraintes environnementales sont nombreuses. Cette charge n’empêchera-t-elle pas la France de rester compétitive dans le domaine de l’énergie ? Il reste primordial, cependant, que notre pays, par ailleurs, conserve l’environnement de qualité que le monde entier lui envie.

Mme Laurence Abeille.  La géothermie profonde à haute température constitue une filière d’avenir en plein essor ; elle présente l’avantage de limiter notre dépendance aux hydrocarbures et au nucléaire. Mme Delphine Batho a accordé deux nouveaux permis exclusifs de recherche fin février et dix-huit demandes seraient actuellement en cours d’instruction. Pourtant, cette nouvelle technique énergétique pourrait poser des problèmes et j’aimerais connaître la nature des risques environnementaux qu’elle fait encourir. La roche est stimulée pour accroître le débit de l’eau : quelle différence entre stimulation et fracturation hydrauliques ? En outre, les eaux qui remontent à la surface contiennent des substances nocives qui pourraient polluer les nappes phréatiques : qu’en est-il ? Par quelles mesures pourrait-on garantir l’innocuité environnementale de cette activité ?

M. Jean-Marie Sermier.  Je vous remercie la présidence de la commission d’avoir organisé cette table-ronde qui fait vivre l’esprit du Grenelle de l’environnement voulu par le précédent Président de la République. En effet, un lien entre les institutions et les associations s’était tissé à cette occasion, grâce au système de gouvernance à cinq, qui permet aux ONG de prendre toute leur place dans le processus de décision.

Avec ma collègue Geneviève Gaillard, j’avais rédigé un rapport parlementaire en 2011, qui soulignait la qualité de la gouvernance et du système de financement des grandes associations environnementales nationales – France nature environnement, WWF-France et la Ligue pour la protection des oiseaux notamment –, situation qui ne se retrouvait pas dans bon nombre de petites associations territoriales créées à l’occasion du lancement d’un projet.

Cette nouvelle relation vous confère une responsabilité. Puisque les décideurs locaux, autrefois concentrés sur le développement économique et peu soucieux d’environnement, prennent aujourd’hui en compte les considérations écologiques, les associations sont-elles prêtes à comprendre les préoccupations des territoires qui ont besoin de développement et, en zone rurale notamment, d’énergie, de recherche, d’infrastructures, d’agriculture productive et d’industrie ? L’expertise de chacun doit un aménagement durable du territoire.

Mme Valérie Lacroute. Ma question s’adresse plus particulièrement aux représentants de FNE et de la Fédération des parcs naturels régionaux de France (FPNR). La Seine-et-Marne, dont je suis l’élue, est un département très prisé des compagnies pétrolières : sept autorisations de travaux miniers ont été délivrées par la préfecture en 2012, ce qui représente un dixième des autorisations nationales. Dans le sud du département constitué essentiellement de zones rurales et agricoles, un permis a été délivré pour un forage vertical de reconnaissance des couches géologiques situées entre 1 500 et 2 500 mètres de profondeur. Les élus des communautés de communes concernées s’inquiètent du déroulement des prochains travaux et des moyens qui seront utilisés. Plusieurs facteurs d’analyse et d’appréciation sont, en effet, à prendre en considération du fait de l’existence de sources et de zones humides situées, pour certaines, à quelques mètres des plateformes. Ces sources possèdent la particularité de se trouver en liaison avec un affluent du Loing, zone de captage principal de la société des eaux de la ville de Paris. Plus généralement, la réalisation d’études d’impact sur l’environnement et la santé, ainsi qu’une concertation approfondie avec les citoyens et les associations concernés, apparaissent indispensables et doivent constituer un préalable à la réforme du code minier.

Je souhaiterais attirer votre attention sur l’exploitation des carrières à ciel ouvert et leur remise en état. Dans mon département, les carrières de Larchant, situées au cœur du parc naturel du Gâtinais français, exploitent un sable d’une grande pureté et la silice la plus fine d’Europe, utilisée en verrerie d’art. Bien que la loi du 30 mars 1999, dite loi après-mines, permette une meilleure prévention des risques, la remise en état des sites présente un défaut d’encadrement. En effet, le cahier des charges n’impose ni comblement à mesure de l’exploitation, ni réhabilitation paysagère complète : ne faudrait-il donc pas parfaire le dispositif ?

Mme Sophie Bringuy. L’ARF est satisfaite de la concertation informelle à laquelle elle a été conviée par M. Thierry Tuot, comme l’ont été l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des départements de France (ADF). L’AMF et l’ADF n’y ont pas participé, car toutes les collectivités ne peuvent disposer de spécialistes du code minier, ce que requiert la complexité du sujet. Ce dialogue fut en tout cas un moment d’écoute et d’échange.

Nos modes de vie impliquent le recours à des matières premières qu’il faut bien extraire du sous-sol. Il serait irresponsable d’importer ces ressources sans se soucier de leur mode d’exploitation, dans le seul but de disposer de montres en or ou de téléphones portables. La volonté de relancer l’activité minière peut répondre à la question de la solidarité internationale et nous inciter à nous pencher sur les conditions de mise au jour des ressources.

Le code minier ne garantit pas, dans sa rédaction actuelle, l’exploitation respectueuse des ressources naturelles ; l’ARF souhaite que la réforme comble cette lacune. Comme l’ont souligné la plupart des intervenants, le débat national sur l’énergie offre l’occasion d’une réflexion sur de nombreux sujets : protection des ressources naturelles, préservation de notre indépendance, et prise en compte des territoires et de leurs acteurs notamment sur les aspects sanitaires.

Tous les niveaux de l’action publique auront à s’impliquer suivant le stade de la consultation. L’échelon national occupera une place importante dans le débat sur l’énergie. L’ARF défend la déclinaison régionale de cette politique, non dans un réflexe corporatiste, mais parce que des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) et des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) ont déjà été adoptés ; ces collectivités ont vocation à trouver leur place dans l’exploitation de mines et de carrières, même si certains endroits doivent être exclus de toute exploitation. Ainsi, dans le cas de la Sarthe, un projet, situé sur le territoire de dix-sept communes et en plein cœur d’une zone Natura 2000, menace le pique-prune, déjà malmené par la construction d’une autoroute. Enfin, j’approuve la proposition de la FPNR sur la mise en place de commissions locales d’information – elle rejoint d’ailleurs celle de M. Thierry Tuot en la matière : un débat local réunissant les élus, les associations et les opérateurs comme ceux du domaine de l’eau s’avère nécessaire pour chaque projet.

IamGold et Cambior ont déposé un permis de recherche dans la montagne de Kaw, zone d’intense pluviométrie, qui a été accepté dans le cadre du Grenelle de l’environnement. En bas de cette montagne se situent les marais de Kaw où subsiste la dernière colonie de grands caïmans et de hérons agamis tandis que la prise d’eau de Cayenne se trouve sur l’autre versant du site. Des expérimentations devaient être conduites dans une grande ICPE, mais le Président de la République de l’époque, M. Nicolas Sarkozy, a interdit l’exploitation. Cet exemple démontre la nécessité de tisser un lien entre le permis de recherche et l’exploitation d’une part, et l’approche globale des projets de l’autre. Certains lieux sont impropres à l’exploitation de ressources et il ne faut pas permettre à un industriel d’y conduire des recherches. Dès le permis de recherches, les procédés d’exploitation doivent être présentés car, dans le cas du projet d’IamGold et de Cambior, les expériences prévues auraient rejeté dix fois plus de cyanure dans l’environnement que la quantité autorisée !

Les commissions locales d’information –d’autres appellations sont envisageables – permettront aux élus locaux de participer à la concertation, mais ceux-ci doivent être mieux formés et mieux informés. Dans le projet sarthois, les maires des dix-sept communes concernées ne disposaient que du mois d’août pour transmettre leur avis au préfet sur le projet de recherche.

S’agissant des recours abusifs, l’ARF ne sera pas directement concernée. Les parlementaires ont raison d’affirmer que les associations sont également responsables ; elles le sont d’autant plus lorsqu’elles sont informées et intégrées au processus. Comme FNE l’a souligné, la confiance s’avère essentielle. Ce sont les procédures et les espaces de concertation mis en place qui permettront un climat apaisé. Il y aura toujours quelques personnes malhonnêtes et des recours de type « pas dans mon arrière-cour », mais si ces actions ne sont pas soutenues par des associations reconnues, leur probabilité d’aboutir sera beaucoup plus faible. M. Thierry Tuot a d’ailleurs proposé que les recours centrés sur la procédure soient dissociés de ceux portant sur le fond. Cette idée permettra d’assurer un équilibre tout en garantissant la transparence.

Bien appréhender la fiscalité exige de définir les objectifs qu’on lui assigne, et non se focaliser directement sur la répartition des revenus. Dans cette optique, la question de l’internalisation est importante : comment utiliser le levier de la fiscalité pour que les effets collatéraux de l’exploitation servent l’intérêt général ?

La solidarité dans l’espace et dans le temps soulève des questions majeures : en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, les élus se sont trouvés démunis pour gérer l’arrêt de l’exploitation minière ; ils n’ont pas bénéficié de la solidarité nationale alors que leur activité avait profité à des zones situées bien au-delà des limites de leur territoire. La transparence s’avère essentielle, afin que tous les éléments d’un projet soient discutés.

M. Olivier Gourbinot. On ne réforme pas le code de la route pour interdire la circulation, mais pour assurer la sécurité des automobilistes. Le code minier aujourd’hui en vigueur ne comporte pas de limite de vitesse. Il convient d’élaborer des règles qui permettent d’éviter la pollution durable de l’environnement et l’atteinte aux territoires. Les mines peuvent représenter des opportunités de développement mais, mal gérées, elles peuvent également apporter de la destruction sociale.

La question de l’expertise est centrale et nous ne croyons pas à son indépendance. Un pétitionnaire paie une étude d’impact qui, portée à la connaissance du public, des élus et des décideurs, pourra être questionnée par des contre-expertises financées par ce même pétitionnaire. Dans le cadre de la commission Tuot, dans laquelle les débats furent effectivement intéressants, il est apparu que les enjeux environnementaux et économiques doivent être évalués de manière approfondie au stade de l’exploitation, afin que l’environnement soit protégé, afin que les territoires se préparent à gérer l’exploitation minière et ses incidences à long terme. Il ne s’agit pas de réfléchir à l’échelle temporelle d’un mandat local, mais de se pencher sur les externalités positives, comme les créations d’emplois, et négatives, ainsi la destruction d’une filière agricole du fait de la captation de terrains.

Dans une démarche de long terme, il faut étudier les dossiers techniques, d’où le besoin d’une instance indépendante d’évaluation regroupant les différentes composantes du territoire, les personnes protégeant l’environnement et les populations, et également celles qui défendent les intérêts stratégiques nationaux. Si elle avait existé au moment des dépôts de permis de recherches de gaz de schiste, il aurait été possible de conduire notre propre évaluation des problèmes que la fracturation hydraulique commençait de soulever aux États-Unis, en nommant des géologues, notamment. L’autorité administrative pourrait fixer un montant que le porteur du projet placerait entre les mains d’une commission indépendante chargée de réaliser des études. Cette évolution serait à la fois novatrice et intéressante.

La géothermie profonde présente-t-elle des risques pour l’environnement ? Des spécialistes de FNE pourraient répondre à cette question tout en ayant du mal à définir précisément la fracturation et la stimulation hydrauliques. En effet, un article du Monde indiquait que l’industrie pétrolière les considère semblables, alors que le Bureau de recherche géologique minière (BRGM) les distingue. Il me semble qu’informer la population passe par la promotion du débat entre spécialistes.

Cette expertise ne se limite d’ailleurs pas aux enjeux environnementaux ; elle comprend également ceux de l’après-mine. Quelles mesures nécessaires à la remise en état ? Quel impact économique de ces installations ? Si l’on exploitait le gaz de schiste en Ardèche, l’image de tourisme vert de ce département s’en trouverait probablement atteinte. L’établissement d’une mine induit l’accueil de nouveaux travailleurs et la création d’infrastructures publiques. L’évaluation d’un projet devra être menée tout au long de l’exploitation de la mine ; elle facilitera la fixation de redevances, qui dépendront des travaux à réaliser et de l’ampleur des adaptations nécessaires.

La fiscalité constitue la source des recettes de l’État. Les activités dont nous parlons sont stratégiques et d’intérêt général. Là réside la justification de l’existence du code minier et la non-intégration de ses dispositions dans le code de l’environnement. FNE considérait que le code minier avait vocation à disparaître, mais la discussion dans le groupe Tuot a mis en lumière la particularité des activités minières chargées, notamment, d’assurer l’indépendance énergétique de la France. Le besoin d’un cadre juridique spécifique est admis. La mise en œuvre d’une fiscalité ambitieuse sera ardue, puisque la variabilité des cours perturbe le calcul de rentabilité économique d’un gisement. Les mines s’avèrent difficiles d’accès et leur exploitation n’est pas éternelle. Si une génération profite de l’exploitation, elle doit mettre en place une fiscalité des bénéfices suffisamment forte pour que les générations suivantes développent des alternatives au moment de l’épuisement des ressources.

La question des recours systématiques ne se pose pas qu’en matière minière : elle concerne également l’urbanisme. Un dispositif pénal existe pour sanctionner les rares recours réellement abusifs. Dans le domaine minier, plus les évaluations seront approfondies et moins les recours seront nombreux – du moins de la part de nos associations si elles acquéraient la certitude que les projets serviront aux populations et ne dégraderont pas l’environnement.

La procédure novatrice de participation du public représente un effort demandé aux industriels. En effet, la demande de permis constituait jusqu’à présent une étape, certes longue, mais sans beaucoup de risques.

(M. Alain Gest, vice-président de la commission, remplace M. Jean-Paul Chanteguet à la présidence de la séance.)

M. Olivier Gourbinot. Le renforcement de la sécurité juridique dont jouissent les industriels a été proposé. Il viendrait sanctionner la participation du public. Lors de la phase de questionnement du projet, une contre-expertise pourrait être réclamée sur la dangerosité d’une technique envisagée. Si elle était interdite, il serait possible de saisir directement la cour administrative d’appel sur la procédure qui, si elle était validée, ne pourrait plus faire l’objet d’un recours. Seule une requête sur le fond du projet resterait possible. Cela constituerait une garantie : certains projets, réalisés depuis vingt ans, sont annulés par le Conseil d’État pour un vice relatif à l’enquête publique. Ce système ne protège pas l’environnement, puisque le projet a été réalisé, et il fragilise les industriels qui se retrouvent sans autorisation. Le renforcement de la participation, que nous soutenons, doit être l’occasion de purger la procédure de ses travers en offrant un recours juridique ouvert à toutes les personnes intéressées.

M. Michael Weber. Au-delà du code minier, c’est bien la question de l’énergie que nous traitons. Élu d’un territoire qui a connu l’exploitation forestière à outrance pour les manufactures de la cristallerie de Saint-Louis puis des houillères du bassin de Lorraine dans le secteur de Forbach – fermées dans les années 80 et dont mon père fut l’un des mineurs –, j’ai porté depuis 2003, sur le territoire de ma commune, un projet éolien dont les mesures compensatoires sont réinvesties dans du photovoltaïque. L’obligation de trouver des alternatives et de s’interroger sur l’exploitation potentielle des mines ne doit pas être éludée, car nécessité fait loi. La FPNR propose que certains secteurs soient exclus de l’activité minière, sans que cette disposition s’impose à l’ensemble du territoire. Notre approche pragmatique repose sur l’évaluation des conséquences des projets, sur l’expérimentation, sur l’analyse technologique et scientifique, de façon à réaliser des progrès limités mais réguliers. Il convient de ne pas reproduire le schéma passé, fondé sur une exploitation rapide et à outrance d’un site, suivie d’un arrêt brutal de toute activité.

Il faut prendre en compte la question, soulevée par beaucoup, de la remise en état. Il est indispensable d’exiger du pétitionnaire l’intégration, dans son plan de financement, du coût de l’après-mine. C’est ce que j’ai imposé pour le parc éolien construit dans ma commune. Cette provision doit être soumise à une évaluation environnementale, car il ne suffit pas de remettre les terrains en état : des militaires américains, entre autres exemples, ont tenté, à leur départ, d’ensevelir les terres polluées de leur base du parc naturel des Vosges du Nord, si bien que la puissance publique doit, des années plus tard, supporter le coût de leur passage.

Dans les années 2000, les communes, notamment en Lorraine, ont incité au développement de projets éoliens qui leur apportaient des ressources fiscales. En Allemagne, l’éolien s’est propagé de manière anarchique, car les communes, attirées par la perception d’impôt, jouèrent le rôle de moteur. Ensuite, la réforme de la taxe professionnelle fut conduite avant que ne soit créée l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont le projet de loi de finances pour 2011 réserva une part du produit – aujourd’hui disparue – aux communes sur lesquelles étaient installées des éoliennes. Dans le cadre de projets d’intérêt général, il est souhaitable que le prélèvement ne revienne pas à la collectivité hébergeant l’infrastructure mais, à l’inverse, l’ensemble de cette ressource fiscale ne doit pas alimenter exclusivement le budget de la région et du département, et les collectivités qui subissent les nuisances doivent percevoir une part des recettes. Une réflexion s’avère nécessaire sur ce point.

Accorder un droit de veto à l’élu local – le maire, le président de l’intercommunalité, celui du département ? – ne semble pas opportun au regard de l’intérêt général.

Quant aux recours abusifs, mon approche diverge de celle de FNE : si l’on veut les éviter, il convient d’établir les conditions d’un partenariat efficace, d’une confiance entre les élus locaux, les associations et les exploitants. C’est cela qui garantira la conformité du projet à l’intérêt général. La FPNR demande que la réglementation des ICPE englobe ces procédures, afin d’imposer la réalisation de l’étude d’impact et de l’évaluation environnementale du projet.

En matière d’énergie, les territoires ruraux ont le sentiment de constituer la variable d’ajustement au profit des zones urbaines. Ne tombons donc pas dans le piège qui consiste à opposer rural et urbain, car nous y avons trop souvent succombé. Produire de l’énergie dans les villes est beaucoup plus complexe que dans les campagnes mais, à l’inverse, ne faisons pas des zones rurales les simples pourvoyeurs d’énergie des villes. La coopération entre l’ensemble des territoires est nécessaire pour le bois énergie, pour l’éolien, pour le photovoltaïque et, éventuellement demain, pour le code minier.

La FPNR ne cesse de rappeler la nécessité de la remise en l’état des carrières à ciel ouvert. Cette opération doit avoir été évaluée dès le début de la procédure et non pas, en réparation, une fois l’exploitation achevée.

Mme Anne-Gaëlle Verdier. La réforme du code minier doit être l’occasion de repenser notre modèle de consommation énergétique et d’interroger notre politique d’exploitation des ressources minérales. Doit-on continuer de développer un système économique linéaire qui induit une pression sans cesse plus forte sur les ressources naturelles ? Ne conviendrait-il pas, plutôt, de privilégier une organisation circulaire permettant le recyclage ? C’est dans cette perspective qu’un schéma national de valorisation des ressources doit être conçu. Par ailleurs, il faut que cette réforme du code minier soit élaborée à la lumière de la Charte de l’environnement et dans le respect des politiques publiques de préservation environnementale. Il est également important de respecter les zones qui bénéficient déjà d’un statut de protection réglementaire, comme les parcs nationaux ou les zones nationales d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), et d’y interdire toute exploration et exploitation.

Nous ne remettons pas en cause la réalité de notre besoin énergétique, mais le code minier a pour objectif d’encadrer l’exploitation minière et les politiques existantes – notamment la préservation des ressources – doivent être maintenues. Cette position fait-elle de nous des empêcheurs de tourner en rond ? Nous avons été associés au groupe Tuot – dont nous avons salué la qualité des travaux – et nous avons soutenu les principes de la réforme présentés par Mme Delphine Batho. Il est donc possible de travailler en commun pour promouvoir des changements utiles.

Il convient de distinguer la fiscalité classique, qui alimente le budget général et se répartit entre l’État central et les collectivités locales, de la redevance territorialisée qui soulève des questions de définition du taux et de l’assiette du prélèvement, et qui doit s’adapter à la nature des substances et des volumes comme à la valeur des cours. En tout état de cause, le produit d’une telle redevance est appelé à alimenter un fonds régional, et non les budgets locaux ou national. Sur la base d’une évaluation environnementale, ce fonds compensatoire permettra d’intégrer l’ensemble des externalités – négatives comme positives – afin d’aider les territoires de manière adaptée, selon les substances et la nature des projets miniers accueillis. Cela reste indépendant des mesures correctives que peut prendre l’opérateur au cours de l’exploitation.

Le terme de droit de veto pour les élus locaux ne semble pas le plus approprié. En Guyane, il existe une commission départementale des mines. Pouvant être installée à l’échelon régional, une telle instance présente un intérêt, mais l’exemple guyanais montre qu’elle n’intègre pas toutes les parties prenantes : certaines collectivités, notamment les communes, en sont absentes alors que leur voix compte – comme l’affaire du permis Limonade l’a montré. Il en va de même des représentants coutumiers ou des aires protégées – le parc amazonien guyanais étant l’un des plus grands de notre pays. L’ensemble des parties prenantes doit être incorporé dans ce type de commission, qui devrait avoir à émettre un avis conforme contraignant en cas de demande d’autorisation.

Concernant la responsabilité de l’exploitant pour la période de l’après-mine, la commission Tuot a proposé que les préfets puissent lancer une procédure judiciaire afin d’obtenir des dommages en réparation sur la gestion du site après l’arrêt de son activité. Comme pour le régime des ICPE, la responsabilité courrait pendant trente ans et non cinq. Nous soutenons cette idée, d’autant plus que l’après-mine doit être intégrée dans le cycle de vie de la mine en étant pensée dès la phase de demande d’autorisation. Ainsi, les études d’impact doivent comporter un plan de développement pour l’exploitation et pour la réhabilitation du site, cette dernière soutenue par l’aide publique des collectivités locales. De même, avant l’expiration des titres miniers, il est nécessaire de conduire une évaluation environnementale, avec les collectivités locales et la société civile, de façon à intégrer les préoccupations de l’après-mine et de la réhabilitation des sites.

Monsieur Christophe Priou, mes propos ne portaient pas tant sur le statut des sous-sols marins, que sur notre manque de connaissance de ces milieux par rapport à l’espace terrestre. La délivrance d’un permis dans la crique Limonade en Guyane a, en effet, suscité notre incompréhension. L’information ne manquait pourtant pas sur l’état du sol et du sous-sol, et l’ensemble des services déconcentrés et instructeurs avaient formulé des avis négatifs pour ce permis qui heurtait les politiques publiques mises en place et remettait en cause le schéma minier. Mais il y avait une autorisation d’exploration de 2008 et un accord d’exploitation du 4 mai 2012. Cet exemple montre la nécessité d’une meilleure articulation entre État central et services locaux.

M. Alain Gest, président. Merci, mesdames et messieurs, de votre participation à cette table ronde qui m’a valu de présider notre commission pendant quelques instants.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 mars 2013 à 9 h 30

Présents. – Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. Philippe Duron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, M. Patrick Vignal