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Mercredi 24 avril 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Tuot, sur la réforme du code minier

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Thierry Tuot, conseiller d’État, sur la réforme du code minier.

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Mes chers collègues, avant de procéder à l’audition qui nous réunit ce matin, je vous indique qu’à partir du 13 mai prochain, l’application informatique ELOI, que nous utilisons déjà pour le dépôt de nos amendements en séance publique, sera utilisée pour le dépôt des amendements dans notre commission, comme dans toutes les autres commissions permanentes. Vous y aurez accès via le portail de l'Assemblée nationale sur internet. Bien entendu, le secrétariat de la commission se tient à votre disposition pour toute question relative à cette mise en place.

J’accueille maintenant, au nom de la commission, M. Thierry Tuot, conseiller d’État, que Mme Delphine Bathot et M. Arnaud Montebourg ont chargé d’animer un groupe de travail sur la réforme, dont on parle depuis longtemps déjà, du code minier. Ce groupe de travail rassemble des industriels, des associations de protection de l’environnement, des organisations syndicales de salariés, des élus ainsi que des experts juridiques et scientifiques. Il a commencé à se réunir depuis plusieurs mois. J’ai eu le plaisir de recevoir M. Thierry Tuot il y a quelques mois. Je sais qu’il a été auditionné, au mois de décembre, par la commission des affaires économiques et la commission du développement durable du Sénat, et qu’il a déjà fait valider certaines orientations et propositions par les deux ministres. Le moment est donc venu pour notre commission de l’entendre à son tour.

M. Thierry Tuot. Je vous remercie de m’accueillir pour me permettre de vous présenter l’état des travaux que je conduis depuis la fin du mois d’août sur la refonte du code minier. Depuis l’adoption de la Charte constitutionnelle de l’environnement, ce code pose en effet un problème structurel qui réside dans la non-conformité aux exigences de participation du public des modalités conduisant aux décisions d’exploitation et de gestion des mines. La difficulté avait été soulevée par la Commission supérieure de codification à la suite d’une opération de modernisation à droit constant du code minier, et signalée comme susceptible de nous exposer à des embarras juridiques de grande ampleur.

Les trois ministres intéressés – écologie, industrie et outre-mer – avaient souhaité, dans un premier temps, qu’un groupe de concertation examine les enjeux de la modernisation du code minier. Le groupe constitué est un échantillon de parties prenantes ; il ne vise pas la représentativité mais s’efforce d’entendre tous les secteurs de la vie publique intéressés : syndicats de salariés, organisations patronales, associations environnementales, experts, scientifiques, juristes mais aussi collectivités territoriales et principales administrations concernées.

Très vite, nous nous sommes rendu compte que, au-delà de la question de la participation du public qui n’aurait nécessité qu’un toilettage mineur, nous étions devant un instrument juridique qui reflétait un passé depuis longtemps révolu et ne répondait en rien aux exigences contemporaines. Si bon nombre de ses dispositions, datant de 1810, sont parfaites pour permettre à un maître de forge d’exploiter du charbon dans l’est de la France, elles sont très insuffisantes sur les plans technique et économique, tant en matière de valorisation du sous-sol et d’accès à des ressources dont on n’imaginait pas l’exploitation au moment de son écriture – par exemple, l’utilisation des cavités du sous-sol pour le stockage d’hydrocarbures ou de gaz ou l’exploitation des terres rares ou d’autres matières – que dans la recherche d’un équilibre entre le droit environnemental profondément modernisé, les exigences beaucoup plus importantes de la société et celles des collectivités territoriales depuis la décentralisation. Nous nous sommes donc engagés peu à peu vers des propositions de refonte, dans l’idée d’écrire un code accessible décrivant de façon claire selon quelle procédure on peut exploiter les richesses du sous-sol, qu’il s’agisse d’extraire, d’utiliser ou d’injecter, dans des conditions satisfaisantes de participation, de protection de l’environnement et de respect des intérêts des populations et des territoires.

Pendant quatre mois, à raison d’une séance de travail par semaine, nous avons essayé de dégager des orientations communes, que nous avons ensuite exposées, au cours d’une réunion particulière au ministère de l’outre-mer, à des représentants nationaux et locaux des territoires et collectivités d’outre-mer concernés. Sur la base de ces travaux, j’ai proposé au Gouvernement des orientations de travail dont le Premier ministre, par une lettre de mission du début du mois de février, m’a demandé d’écrire les dispositions législatives correspondantes dans le cadre du même groupe de travail. Avec un petit groupe de rédacteurs issus à la fois du Conseil d’État, de la direction des affaires juridiques du ministère chargé de l’écologie et de la direction des affaires juridiques du ministère du redressement productif, nous avons commencé à rédiger le nouveau code dont près de 80 % des articles seront conservés. Sur les 20 % de dispositions novatrices, je peux maintenant vous donner quelques indications et de contenu et de calendrier.

La philosophie générale du code est inchangée : il s’agit de régir la totalité des usages du sous-sol, hors aménagement, car, bien évidemment, la construction de parkings souterrains relèvera toujours du code de l’urbanisme. Sont visées les activités minières au sens large tel qu’il est entendu aujourd’hui, qui recouvre à la fois les matières qu’on peut extraire, celles qu’on peut injecter mais aussi les usages qu’on peut faire du sous-sol, notamment de ses cavités et de la chaleur qui s’y trouve, en vue de l’exploitation à des fins de stockage ou de géothermie. C’en est fini de l’image du chevalet de mine et de l’extraction du charbon.

De façon générale, le code est envisagé comme un instrument permettant à la nation de décider de l’utilisation de son sous-sol dans des conditions assurant à la fois une parfaite participation de l’ensemble des parties prenantes et un bon équilibre entre l’intérêt économique et les exigences environnementales et de développement territorial, tenant compte de l’intérêt des populations. Nous nous efforçons d’atteindre cet équilibre en proposant un certain nombre d’évolutions. Sans rentrer dans les détails, j’en donnerai quelques exemples qui, pour l’instant, font consensus. Toutefois, le diable se niche dans les détails, et nous ne parviendrons pas à trouver un équilibre partout. Au final, c’est au politique qu’il incombera de trancher entre les différentes versions qui seront soumises à son examen.

D’abord, nous proposons que la nation réfléchisse à l’orientation générale qu’elle souhaite donner à l’utilisation de son sous-sol, autrement dit qu’elle élabore un schéma national minier. Pour cette opération, il faudrait avant tout reprendre le travail de recensement de nos richesses, délaissé depuis 1980 et effectué aujourd’hui pour à peine un tiers du territoire et, la plupart du temps, pour des matières ou des usages extrêmement limités. Ainsi, les fameuses terres rares, dont vous savez combien nous dépendons sur un plan stratégique, ne font l’objet d’aucun recensement. Nous ne savons pas si notre sous-sol en recèle, donc si nous pourrions recourir ou pas, et dans quelles conditions, à la ressource nationale en cas de crise. Un plan d’exploration, à la fois public et privé, est donc à dresser pour mettre à la disposition du public des connaissances scientifiques aujourd’hui inexistantes ou mal exploitées.

Le schéma national devrait aussi être l’occasion d’ouvrir des débats sur les techniques et les modalités d’exploitation des différentes matières, de façon à ce que, à mesure de l’avancée des découvertes et du savoir, on puisse se prononcer au niveau national sur ce qui paraît acceptable, ce qui l’est moins et ce qui est complètement exclu. Comme pour l’amiante, dont nous savons aujourd’hui qu’il ne doit pas être exploité, il serait bon d’établir une cartographie claire de ce que l’on veut ou pas exploiter, et comment.

Dernière vocation possible du schéma national, le recensement des titres miniers délivrés, qui n’a jamais été fait. Aujourd’hui, nous ne savons pas où sont et quels sont les titres miniers délivrés par le passé, ce qui pose, pour la gestion de l’après-mine, des difficultés tout à fait considérables. Une bibliothèque universelle des titres miniers délivrés permettrait d’assumer dans de bonnes conditions la responsabilité et le suivi des titres antérieurement octroyés.

Nous proposons, ensuite un deuxième type d’innovation qui concerne les principales autorisations. En plus des permis de recherche et des permis d’exploitation, les fameux titres miniers, qui existent actuellement, serait créée une nouvelle catégorie de titres visant la recherche purement académique sans vocation à l’exploration. Écho de la nécessité de recenser les richesses, cette autorisation permettra de conduire des travaux sans finalité économique définie, l’identification des richesses du sous-sol par la recherche scientifique pouvant conduire à débattre du principe de l’exploitation avant de confier à quelque demandeur privé le soin de rechercher à titre exclusif.

Nous proposons également que la totalité des décisions soient prises à l’issue d’une procédure d’évaluation environnementale, donc de participation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans l’esprit du groupe de concertation, cet enrichissement des garanties environnementales doit être complété par une plus grande sécurité et une plus grande rapidité des procédures. À l’heure actuelle, de très nombreuses procédures sont totalement opaques, pour les demandeurs comme pour les populations. Les élus locaux parmi vous savent qu’un élu local n’est jamais informé d’une demande de titre, qu’il la découvre au hasard des informations qu’on veut bien lui donner. Beaucoup de titres sont donnés sans enquête, lesdites enquêtes intervenant soit prématurément, soit, au contraire, trop tardivement. Nous proposons donc une remise en ordre générale, avec des procédures à délais fixes, transparentes et donnant lieu à une information. Nous posons le principe, au niveau législatif, de la transparence absolue. Toutes les données devront être sur la table à tout instant, sous réserve du secret industriel et commercial, et dans les limites posées par la loi de 1978. C’est donc un principe d’accès extrêmement large et d’information à la fois précoce et constante pour l’ensemble des populations et des parties intéressées. En contrepartie, les procédures seront ramenées à des délais plus raisonnables et toujours fermés. Aujourd’hui, beaucoup de procédures sont à délai ouvert et le fait de ne pas en connaître le terme rend toute contestation impossible.

Pour ne pas ajouter à la complexité d’un droit environnemental que, par ailleurs, le Gouvernement a annoncé vouloir simplifier, nous proposons de calquer, par défaut, toutes les procédures du code minier sur la procédure des installations classées. Celle-ci a l’avantage d’être connue de tous les industriels et de toutes les associations de défense de l’environnement, d’être parfaitement rôdée, moins coûteuse que beaucoup d’autres, et d’être enserrée dans des délais et des pratiques fixés par la jurisprudence de façon extrêmement simple. Toutefois, nous sommes aussi en train de travailler à une procédure spéciale, beaucoup plus ouverte, destinée à ne pas enfermer les grands débats dans des exigences de moyens qui camouflent le fond : il s’agirait d’une procédure à la fois plus ouverte, plus souple et plus courte, assortie de garanties juridictionnelles plus exigeantes. Nous envisageons notamment la possibilité de purger les procédures de leur vice de forme par un recours juridictionnel volontaire. Cela permettrait, dès lors qu’un titre a été délivré, de s’assurer très vite devant un juge de sa validité et d’éviter ainsi ces annulations qui interviennent quelquefois dix années plus tard en déstabilisant, aussi bien économiquement que socialement, les conditions d’une exploitation.

Nous proposons de consacrer un livre entier du nouveau code à l’après-mine, en rassemblant les dispositions éparses nées au gré des circonstances et des difficultés survenues, notamment en Lorraine et dans les départements du Nord, de façon à mettre en place un régime de solidarité nationale très clair. Celui-ci poserait le principe que l’après-mine doit être géré et que la responsabilité en incombe à l’exploitant. Des systèmes très encadrés permettraient à ce dernier d’assumer cette responsabilité, par le biais d’assurances notamment, et de s’en dégager dans des conditions également de transparence complète. La levée de la police minière serait ainsi considérée, elle aussi, comme une procédure de participation transparente. Par ailleurs, la création d’un fonds national de solidarité minière, alimenté par la fiscalité de l’exploitation minière, permettrait de suppléer les carences ou les défauts de l’exploitant, y compris lorsqu’il n’y a plus d’exploitant de bonne foi. Nous proposons notamment, pour assurer la responsabilité de l’exploitant, une clause dite Metaleurop, qui a l’assentiment des industriels et qui permet de rechercher la responsabilité, à défaut de l’exploitant, de celui qui a bénéficié de l’exploitation ou qui en assuré la conduite effective. Le cas échéant, nous pourrons remonter aux actionnaires des actionnaires, comme on le fait de façon très classique en matière fiscale. Ce n’est pas là une très grande novation juridique.

Le Gouvernement serait favorable à ce que ce régime d’après-mine soit élargi. À l’heure actuelle, seule la propriété de la résidence principale peut être indemnisée. Nous proposerons d’élargir l’indemnisation, conformément aux exigences constitutionnelles, à l’ensemble des propriétés. Bien que cela n’incombe pas aux rédacteurs du code minier, nous ferons également des propositions pour régler définitivement l’après-mine de la période antérieure à 1994, à l’origine de situations humaines extrêmement douloureuses qu’un effort financier très modeste permettrait de traiter. Je précise que deux associations défendent, dans le groupe de travail, les intérêts des titulaires de l’après-mine.

Voilà, brossées à très grands traits, les innovations auxquelles nous travaillons. Nous espérons avoir achevé nos travaux avant l’été, ce qui devrait permettre au Gouvernement, s’il se prononce rapidement sur nos choix, de transmettre le dossier au Conseil d’État en vue d’un examen que j’espère rapide. Le projet de texte du Gouvernement, à la place duquel je ne suis pas censé m’exprimer, pourrait alors être transmis au Parlement durant l’été.

Je précise, mais ne le répétez pas au vice-président du Conseil d’État, que nous nous efforçons de rédiger un code qui ne comporterait que des dispositions législatives. N’appelant pas de mesures d’exécution réglementaire pour entrer en vigueur, il pourrait donc être applicable dès le lendemain du vote, à quelques exceptions près. Nous proposerons au Gouvernement que vous puissiez l’habiliter à prendre par voie d’ordonnance les mesures de transition nécessaires pendant une période de quelques années. De très nombreuses situations d’exploitation ou d’après-mine relèvent encore de l’ancien univers et appelleront des mesures de transition pour basculer dans le niveau système. Il faudra les régler pratiquement exploitant par exploitant, territoire par territoire, ce qu’il paraît plus facile d’opérer par ordonnance.

L’outre-mer n’est pas à proprement parler dans mon mandat, mais c’est un point tout à fait central. Dans les cas de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna, nous n’aurons rien à dire puisque la loi organique a déjà prévu un transfert complet des compétences au profit des collectivités. Dans d’autres cas, les enjeux miniers sont tout à fait essentiels : en Guyane, à la fois sur le territoire continental, avec l’or, et sur le domaine maritime, avec les hypothèses de ressources pétrolières ; aux Antilles, avec la géothermie. D’autres collectivités ou territoires d’outre-mer pourraient être concernés. Nous avons retenu comme méthode de travail d’écrire le tronc commun de notre code et de laisser au ministre de l’outre-mer le soin de discuter avec chacune des collectivités de la façon de tenir compte de leurs spécificités. C’est un travail qui dépasse les responsabilités d’un fonctionnaire puisque le ministre devra veiller, tout en respectant les nécessités de la décentralisation, à ne pas mettre ces collectivités dans une situation où elles devraient assumer les responsabilités de police ou de surveillance, d’indemnisation et de protection de l’environnement sans en avoir les moyens, comme c’est le cas aujourd’hui. Il devra trouver un équilibre entre les compétences de l’État et celles de ces collectivités, et le négocier avec chacune d’entre elles.

Voilà, en quelques mots et à titre d’introduction, l’état de nos réflexions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Vous avez parlé de la possibilité de « purger » les recours abusifs à travers la mise en place d’un groupement momentané d’enquête. Cette proposition nous paraît tout à fait originale et particulièrement intéressante. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la mise en place de tels groupements ?

Aujourd’hui, un industriel qui dispose d’un permis exclusif de recherche bénéficie d’un droit de suite qui lui assure, s’il souhaite exploiter, de devenir automatiquement titulaire de titres d’exploitation. Que va devenir ce droit de suite ?

Mme Chantal Berthelot. J’ai eu l’occasion d’assister à quelques réunions de votre groupe de travail dédiées à l’outre-mer. La refonte du code minier est considérée comme urgente depuis l’ancienne mandature ; en tout cas, il est nécessaire de l’adapter au droit de l’environnement et à l’évolution de notre société.

Au mois de février, les ministres ont rappelé comme premier principe que la richesse du sous-sol est la richesse de la nation. Dans les outre-mer aussi, la nation a du sens, même si le ministre de l’outre-mer va procéder à des adaptations en fonction des territoires.

La refonte du code obéit à la nécessité de mettre le droit minier en conformité avec le droit de l’environnement et le respect des populations et des territoires qui doivent bénéficier de la valorisation des ressources. Le premier enjeu est la participation du public, prévue par la loi de 2012. Les associations souhaitent que la consultation intervienne dès l’exploration jusqu’à l’après-mine. De leur côté, les industriels y voient un possible point de blocage. Pour vous qui êtes en lien avec les deux parties, une participation du public à chaque étape semble-t-elle vraiment de nature à ralentir les processus ?

Quelles peuvent être les déclinaisons concrètes d’une redevance destinée à compenser les impacts sur l’environnement ? Le monde industriel souhaite plus de visibilité sur ce sujet. Interrogés lors d’une table ronde, ses représentants se sont montrés plus que prudents. Êtes-vous allés plus loin dans votre groupe de concertation ?

Le schéma national est innovant et fait débat. Parfois, l’outre-mer innove : la Guyane a déjà son schéma départemental d’orientation minière. Même s’il reviendra au Gouvernement de trancher, jusqu’où estimez-vous qu’on peut aller sur le schéma national ?

En matière d’études d’impact, vous avez parlé surtout pour l’après-mine. Pour ma part, je souhaiterais qu’on puisse évaluer l’impact de l’orpaillage illégal sur le tourisme  ainsi que l’impact d’une exploration pétrolière sur la ressource halieutique. Comment envisager cette procédure de manière équilibrée ?

Sur un sujet touchant plus particulièrement la Guyane, à savoir l’exploration et la production de pétrole offshore, êtes-vous favorable à une législation spécifique à l’activité pétrolière ?

Enfin, permettez-moi de vous « titiller » un peu pour connaître votre sentiment sur le permis « Limonade » à Saül.

M. Martial Saddier. La refonte du code minier, que l’apparition de nouvelles technologies et de nouvelles potentialités d’exploitation de richesses du sous-sol avait rendu désuet, a été lancée en 2011 par la majorité précédente. Qui plus est, la Charte constitutionnelle de l’environnement exigeait que le public soit associé en amont à toute décision impliquant un impact sur l’environnement. À l’époque, nous avions expliqué que la procédure serait longue et complexe, ne serait-ce qu’à cause de la longue période pendant laquelle ce code minier était resté intouché. La majorité actuelle a repris ces travaux et se rend compte, à son tour, de la lourdeur et de la complexité du sujet. Alors qu’on nous avait reproché un manque de rapidité au sein de cette commission, nous n’en ferons pas aujourd’hui le procès sachant de quoi il retourne. Pouvez-vous néanmoins être un peu plus précis s’agissant du calendrier ? Depuis dix mois, plus nous auditionnons, en particulier Mme Delphine Batho et M. Arnaud Montebourg, plus nous recevons d’informations, plus les délais se prolongent. Peut-on espérer voir se préciser une date de sortie pour ce nouveau code minier ?

Nous sommes attachés à ce que la mine reste un bien sans maître. Il appartient donc à l’État de déterminer les grandes orientations. C’est, je pense, le fil conducteur de vos travaux. Vous n’en avez pas parlé, mais nous souhaitons que le code minier clarifie la différence entre la recherche et l’exploitation. En particulier, vous n’avez pas fait référence à la fracturation hydraulique que notre pays a interdite. Ma collègue vous a titillé avec le permis « Limonade », permettez-moi d’en faire autant avec la fracturation hydraulique.

L’eau est un bien qui circule. Y aura-t-il une articulation claire entre la loi sur l’eau et le futur code minier ?

Le délai d’instruction des dossiers est, à l’heure actuelle, d’environ huit ans. À l’issue de vos travaux, s’ils étaient suivis par le Parlement, à quelle durée moyenne pourrait être ramenée la procédure ?

Dans l’ancien système, les collectivités territoriales étaient quasiment absentes de la procédure. Nous souhaitons que, dorénavant, elles soient, avec les citoyens, au cœur des procédures dès l’amont, mais aussi autour de la table pour la répartition de la richesse créée par les territoires qui porteront les futures infrastructures.

Quant à la création d’un fonds national, je n’en fais pas non plus procès à l’actuelle majorité mais, depuis des décennies, tous les fonds créés, la main sur le cœur, par toutes les majorités pour une bonne cause, ont fini par servir à beaucoup de choses sauf à ce qui avait justifié leur création. Nous sommes donc circonspects sur ce sujet. Nous souhaiterions que la péréquation de la richesse se fasse sur un échelon beaucoup plus local.

M. Bertrand Pancher. J’ai quatre questions à poser à M. Thierry Tuot. La première concerne les consensus et dissensus qui ont pu s’exprimer au cours des nombreuses auditions auxquelles vous avez procédé. J’ai été frappé par les réactions très diverses : pour Maryse Arditi de France Nature Environnement, la plus grosse faiblesse du projet est le maintien en l’état du code minier qu’elle souhaite voir disparaître ; Olivier Gourbinot, de FNE également, considère que le futur code minier doit garantir la transparence des projets miniers et promouvoir les procédures de participation ambitieuses ; Anne-Gaëlle Verdier de WWF regrette l’oubli d’un code minier spécifique aux enjeux marins, même si des dispositions sur l’offshore seraient prévues ; Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières, pose la question de l’exclusivité de la recherche jusqu’à l’exploitation. Malgré la volonté d’avancer et les consensus exprimés, on sent bien que ce texte soulève aussi beaucoup de dissensus. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Ma deuxième question concerne la participation du public. La concertation est déjà prévue par la loi du 27 décembre 2012, dans le cadre de l’organisation de procédures de participation pour les permis exclusifs de recherche. J’imagine qu’il va y avoir un lien direct avec cette loi. Au mois d’octobre, nous avons reçu Maître Arnaud Gossement pour qui les mesures consistant à soumettre certains titres à évaluation environnementale et participation du public semblaient très vagues. Y a-t-il un texte plus précis sur le champ de la concertation ?

La troisième question a trait au calendrier. Au sein de cette commission, l’opposition est de plus en plus agacée de voir les projets de textes législatifs sans cesse repoussés. C’est aussi le cas pour celui-ci : le Gouvernement avait annoncé qu’il serait présenté à la fin de l’année dernière ; aujourd’hui, on parle de l’adopter à l’automne 2013. Est-ce une date ferme et définitive ? Quand le projet de loi sera-t-il déposé ?

Quatrième question, vous n’avez pas mentionné la place de l’expérimentation, mais j’imagine que vous y avez travaillé. Il est frappant de constater que les oppositions frontales en France sont liées à l’insuffisance, dans le passé, de procédures de concertation structurées. Dès qu’on veut s’engager dans l’exploitation minière, le gaz de schiste en est un exemple, des blocages se mettent systématiquement en place partout. Malgré quelques belles déclarations et propositions sur le sujet, jamais, dans notre pays, on ne s’est appuyé sur l’expérimentation. Ne serait-il pas nécessaire d’engager solidement l’expérimentation, de façon à démontrer à nos concitoyens que tester ne signifie pas forcément généraliser des procédures ?

M. François-Michel Lambert. Dans ma circonscription, la mine a été fermée rapidement, mais aujourd’hui une histoire de plâtre empoisonne nos territoires, que des menaces d’éboulement nous empêchent de développer. L’après-mine m’intéresse donc particulièrement, d’autant que j’ai la chance d’accueillir à Gardanne la section du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dédiée à cette question. En matière de mine, les choix faits ont un impact sur plusieurs décennies, voire à l’échelle séculaire.

Chacun s’accorde à reconnaître que la réforme du code minier est nécessaire, excepté ceux qui bénéficient des failles du système actuel, comme la société Rexma qui jouit aujourd’hui d’un permis au cœur d’un parc naturel national en Guyane ! Cette réforme doit procéder d’une vision préalablement définie. Plutôt que de continuer dans une logique d’économie linéaire qui presse pour toujours plus de prélèvements, pourquoi ne pas se tourner vers l’économie circulaire, où le prélèvement des ressources naturelles est limité au maximum et complète un cycle de réutilisation et de recyclage ?

J’ai pleinement conscience que les industriels ont besoin d’une visibilité du droit, d’une stabilité des règles, c’est pourquoi j’insiste pour que les politiques industrielles nationales soient bien en lien avec ce code minier à venir. Un changement de vision conduirait à modifier le comportement des sociétés d’exploitation, qui devraient abandonner la frénésie d’extraction au profit d’un schéma économique d’extraction-réutilisation-recyclage, approche indispensable pour s’inscrire dans un développement soutenable. Mme la ministre Delphine Batho nous a parlé d’une loi-cadre sur l’économie circulaire, qui portera une attaque frontale au modèle de l’économie linéaire. Le code minier, qui accompagne ce modèle d’extraction-consommation-rejet, doit s’adapter. Comment avez-vous intégré cette nécessité ?

Dans d’autres domaines, la même vision de préservation de la ressource doit s’imposer. Comment parvenir à découpler exploration et exploitation, aujourd’hui intimement liées, l’une faisant suite à l’autre et les deux étant confiées au privé ? Dans ce cadre, quelle est la place de nos établissements publics, en particulier de l’Ifremer et du BRGM ? De même, quelle sera la place du BRGM par rapport aux acteurs privés dans le schéma national minier qui reste à établir,  ainsi que dans l’après-mine ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour réparer les erreurs du passé et éventuellement en retirer des gains ?

Quels grands enseignements vos consultations vous ont-elles permis de tirer ? Quelle a été la nature des débats entre la conservation du code minier et sa suppression ? De quelle façon la consultation publique a-t-elle été abordée et comment la voyez-vous ?

L’interdiction légale de l’hydrofracturation a-t-elle donné lieu à débats ? La tendance est-elle à rester sur l’abandon de cette voie pour en ouvrir d’autres ?

Enfin, vous n’avez pas parlé de la recherche et de la veille sur le stockage du CO2.

M. Patrice Carvalho. Permettez-moi, avant d’interroger M. Thierry Tuot, de remercier tous ceux de mes collègues, de droite comme de gauche, qui m’ont adressé leurs vœux de rétablissement. J’en ai été très touché.

Le code minier ne peut pas se concevoir autrement qu’en rapport direct avec la satisfaction des besoins. Nous ne pouvons pas fonctionner comme les Allemands aujourd’hui : depuis qu’ils ont décidé de fermer toutes leurs centrales nucléaires, ce sont des cortèges de bateaux de plusieurs milliers de tonnes qui défilent sur le Rhin pour aller alimenter les différentes centrales électriques avec du charbon provenant de pays où l’on exploite le sous-sol sans se poser trop de questions. Pour satisfaire nos besoins en verre, par exemple, nous avons besoin d’ouvrir des carrières de sable, de dolomie, de phonolite, de phosphate. Ne comptons pas sur les autres pour le faire. Il faut savoir que les matières premières, notamment les cailloux, nécessaires à la construction de nos routes viennent de Belgique. Les carrières sont situées à quelques kilomètres de la frontière, elles sont exploitées à ciel ouvert, jusqu’à 300 mètres de profondeur, et s’intègrent assez bien dans l’environnement. N’est-il pas un peu « faux-cul » de refuser d’ouvrir des carrières en France tout en nous fournissant auprès de celles qui fonctionnent si près de chez nous ?

L’essentiel est de satisfaire d’abord nos besoins. Ainsi, le quartz est fabriqué en France par une seule usine du côté de Grenoble. La matière première vient de Chine, seul endroit du monde où on le trouve aujourd’hui. Comment être plus dépendant pour une matière d’avenir, qui sert en médecine, dans le spatial et dans bien d’autres industries ?

Nous devons nous servir des erreurs du passé, ne pas renouveler l’expérience de l’amiante, désormais interdit d’exploitation. En passant, ne plus exploiter mais ne pas reconnaître que l’amiante est à l’origine de certains cancers est quelque peu contradictoire. Toute mise en exploitation nouvelle doit s’accompagner de la garantie que cette exploitation n’aura pas de conséquences sur la nature ou sur les humains. S’agissant du gaz de schiste, je ne suis pas opposé a priori, à condition de suivre une procédure assurant l’absence de risque.

L’après-mine me laisse sceptique. La plupart du temps, l’abandon d’exploitation résulte de banqueroutes ; les familles ont disparu, laissant des friches utilisées comme dépotoirs, parfois comme lieux de stockage anonymes. Bien sûr, la situation est compliquée et il faut trouver des solutions. À cet égard, je rejoins Martial Saddier sur la nécessité de s’assurer que l’argent prélevé à cet effet servira vraiment à traiter ce problème. Il n’y a qu’à voir le nombre de stations-services abandonnées le long de nos routes, où seule l’enseigne a été retirée. Si nous ne sommes pas capables de régler cela, je doute qu’on puisse le faire pour des mines.

M. Jacques Krabal. On voudrait toujours que les choses aillent plus vite. Il est vrai qu’on aurait pu se pencher plus tôt sur les difficultés que présentait le code minier. Pour le groupe RRDP, la révision profonde de ce code doit s’inscrire dans une réflexion plus globale du point de vue économique. Les conséquences d’un mode de vie mondialisé, fondé sur la gestion irrationnelle de nos ressources, avec tous les gaspillages que nous connaissons, font passer au rouge tous les indicateurs économiques, sociaux et environnementaux. Nous sommes contraints de fondre, dans le creuset du présent, deux siècles d’expérience pour l’avenir. La protection de l’environnement n’interdit en rien de prendre une initiative économique de production. Il suffit de penser l’organisation de cette activité de façon rationnelle et responsable.

Le principe de précaution n’est pas seulement un frein à l’innovation industrielle ou technologique, c’est un atout pour un développement à la fois économique, social et humain. Il nous apparaît que le code minier doit aussi prendre en compte l’échelle du temps pour comparer de façon globale les gains et les coûts d’une activité minière.

Nous avions posé quelques principes que vous avez mentionnés : la transparence d’une information exhaustive vérifiable et adressée tant aux citoyens qu’à leurs représentants ; la concertation, gage de démocratie, qui implique un dialogue entre toutes les parties, l’autorité administrative et les responsables publics tenant compte des observations des citoyens, ce qui n’a jamais été le cas, pour motiver leur décision ; l’équilibre entre l’État et les collectivités territoriales face au processus décisionnel ; la répartition équitable des richesses issues de l’exploitation des ressources nationales ; une fiscalité spécifique préparant l’après-mine, qui sera sans doute difficile mais toujours mieux que l’absence de contrainte actuelle, et la réparation des altérations qui passe par la souscription de l’opérateur à un fonds dédié de garantie contre les catastrophes environnementales à effet retard.

J’ai été très surpris d’entendre qu’il n’y avait pas de schéma national minier. L’inventaire dont vous avez parlé dans ce cadre est-il exhaustif et accessible ?

En matière d’autorisations, comment remédier à l’opacité des procédures ?

S’agissant des gaz et huile de schiste, on voit sur le terrain que les permis d’exploitation et les permis d’exploration évoluent, sans doute dans la perspective de la réforme du code minier qui active les pétroliers. Certes, on ne peut pas imposer un moratoire à la science, mais ne pourrait-on pas en appliquer un aux demandes concernant gaz et huile de schiste ?

La moralisation de l’économie est inscrite à l’ordre du jour du Parlement européen. Les États membres ont voté des textes sur la transparence des industries extractives afin de renforcer, entre autres, la lutte contre la corruption. Vous inspirez-vous également de ces travaux pour modifier le code minier ?

M. Philippe Plisson. Notre civilisation est fortement dépendante des nouvelles technologies qui utilisent, tant dans le secteur high-tech que dans les énergies vertes, les terres rares dont les ressources sont finies sur terre. La filière du recyclage de cette matière première n’étant encore portée par aucune nation respectant un contrat social et environnemental de par le monde, quelles dispositions peuvent être prises dans le code minier sur ce sujet ?

De nombreuses craintes entourent encore la réforme dudit code au sein même des territoires, qui souhaiteraient voir les collectivités locales impliquées dans la réforme. Comment voyez-vous cette implication et à quelle hauteur ?

M. Jean-Pierre Vigier.  Avant que le Premier ministre ne vous confie cette mission, vous aviez déjà, à la demande de Jean-Louis Borloo, abordé le thème du code minier dans un rapport lié au Grenelle de l’environnement. C’est donc un sujet que vous maîtrisez parfaitement. Plusieurs codes sont concernés par cette réforme, notamment le code de l’environnement auquel il n’est plus possible d’échapper et, bien évidemment, le code minier. Comment pensez-vous concilier les deux codes, dont les dispositions peuvent être contradictoires en raison de leurs objectifs très différents ? Comment associer préservation de l’environnement et exploitation des richesses du sous-sol, source de pollution ?

M. Yannick Favennec. Selon quelles modalités le schéma national minier serait-il mis en place et quel en serait le calendrier ? Je suppose que ce schéma aura vocation à évoluer, mais selon quels critères et quelles modalités ?

Mme Françoise Dubois. Trop souvent, le public est consulté sans avoir reçu suffisamment d’informations. Il ne dispose donc pas des critères lui permettant de juger du bienfondé de l’exploration ou de l’exploitation d’une mine. Une information précise du public ainsi que des élus concernés sera-t-elle prévue dans le nouveau code minier ?

La multiplication des intervenants inquiète la population. Les garanties seront-elles les mêmes qu’il s’agisse de la société qui a reçu l’autorisation d’exploration ou de la société qu’elle aura mandatée pour la suite des opérations ?

Si l’intérêt économique de l’exploitation des mines ne fait pas de doute, il faut néanmoins s’attacher à la protection de l’environnement et aux conséquences que cette exploitation pourrait avoir.

Ce n’est pas sans réticence qu’on envisage un fonds d’indemnisation. Pourvu qu’il soit mis en place correctement et qu’il serve bien aux indemnisations, comme prévu !

Le nouveau code minier s’appliquera-t-il aux dossiers déposés antérieurement, dont les autorisations seront délivrées dans les mois qui viennent ?

M. Charles Ange Ginésy. Des permis d’explorer ont été délivrés. Aujourd’hui, on attend de la recherche qu’elle autorise ou non l’exploitation. Comment la recherche sera-t-elle traitée dans le nouveau code minier ? Restera-t-elle une déclaration d’intention ou y aura-t-il de vrais moyens ? Pouvez-vous en dire un peu plus sur la redevance territorialisée, notamment s’agissant de sa compensation au niveau national et de sa redistribution qui inquiète tant Martial Saddier ?

Mme Geneviève Gaillard. En 1810 comme en 1956, la protection de l’environnement et de la biodiversité ne faisait pas partie des préoccupations. Comment les atteintes à la biodiversité seront-elles prises en compte ? Un critère de service rendu par la nature sera-t-il intégré dans le calcul des compensations au cas où l’exploitation porterait atteinte aux écosystèmes, à la faune ou à la flore ? Prévoyez-vous une évaluation ante et post-exploitation permettant d’évaluer une compensation ? Celle-ci entrera-t-elle dans le cadre du fonds d’indemnisation que vous avez mentionné ?

M. Olivier Marleix. Comment intégrez-vous l’objectif du choc de simplification assigné par le Président de la République ? Vous avez parlé de l’alignement sur le régime unique des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Pouvez-vous en dire un peu plus ?

Dans votre esprit, le schéma national est-il indicatif ou prescriptif ? S’il était prescriptif, ne craignez-vous pas qu’il agisse comme un frein ou une contrainte vis-à-vis de la recherche et de l’investissement, dans un contexte où l’évaluation du potentiel de la ressource minière évolue rapidement. Il y a dix ans, le gaz de schiste n’était pas un sujet.

Les titres miniers ont une valeur patrimoniale pour les entreprises. La réforme confirmera-t-elle l’existence de ces titres : permis et concessions, d’un côté, autorisations de travaux, de l’autre ?

M. Vincent Burroni. Une réforme du code minier, à tout le moins une coordination entre pays frontaliers, est-elle envisagée au niveau européen ?

Entre redevance, qui dépendrait du code minier, et fiscalité, qui doit figurer dans une loi de finances, où en est le débat ? Une piste est-elle privilégiée ?

M. Christophe Priou. L’appellation « code minier » a quelque chose de suranné et de localisé dans quelques régions de France. Or, aujourd’hui, il trouverait à s’appliquer bien au-delà de la métropole, outre-mer et sur diverses activités. Pourrait-on envisager de changer son nom ?

Sur l’espace marin, aujourd’hui, c’est l’État qui gère les permis d’exploitation pour les granulats marins et, même si cela ne concerne pas le code minier, l’éolien en mer. Qu’en sera-t-il demain avec la décentralisation ? Je vois que l’éolien en mer pose l’épineuse question des redevances et des répartitions territoriales entre régions, départements, communes. J’entrevois la même complexité, sans parler du domaine public maritime, de la zone des douze milles, des zones internationales à forts enjeux, notamment au large des DOM-TOM et en Guyane. Le domaine maritime est donc particulièrement important et pourrait contenir beaucoup de ressources d’avenir. Qui sait si l’on n’est pas à la veille de la découverte d’autres exploitations possibles ?

Mme Corinne Erhel. La problématique de l’extraction de sable coquillier en mer recouvre plusieurs aspects : la nécessité d’obtenir une autorisation d’exploitation ; le respect de l’équilibre entre un écosystème fragile et une activité économique impactante ; la prise en compte de l’avis des collectivités, des élus, des associations. Ce dernier point n’est pas du tout illustré par le projet d’extraction, au large de la baie de Lannion, dans les Côtes-d’Armor, de 600 000 tonnes de sable sur vingt ans à raison de 345 tonnes par an, sur un périmètre de 4 kilomètres carrés situé entre deux zones Natura 2000, distantes respectivement de 1 et 1,5 kilomètre. Les acteurs locaux, alors qu’ils dénoncent des conflits d’usage, ont le sentiment de ne pas être entendus. La refonte du code minier doit absolument prévoir des dispositions tendant à mieux prendre en compte l’avis des premiers concernés et les éventuels conflits d’usage.

M. Jean-Marie Sermier. La refonte du code minier doit servir les intérêts du développement économique et l’emploi. Au fil des années, on n’a cessé d’ajouter des contraintes à tous les étages administratifs. Aujourd’hui, au cours du traitement d’une demande d’ouverture ou d’extension d’une carrière ou d’une mine, chacun s’emploie à trouver le moyen de retarder le dossier. Il est impératif que vous trouviez des solutions permettant de préserver nos emplois. Un seul exemple pour vous en convaincre, celui du Jura qui est un département de calcaire. Pour faire des routes, on a besoin de gravier dur, notamment de porphyre que l’on n’extrait que dans la carrière de Moissey. Or on y a fait arrêter la production en raison de la proximité de chauve-souris que l’on trouve en d’autres endroits. Aujourd’hui, on ne vit que sur les stocks existants. Comment faire reprendre cette exploitation et préserver l’emploi d’une quinzaine de salariés ?

M. Fabrice Verdier. Je me félicite que vos propositions de réforme du code minier tendent vers une transparence absolue. C’était une attente forte des élus notamment.

S’agissant du traitement des principales autorisations déjà délivrées, vous proposez que la recherche académique puisse être conduite sans finalité économique. Pensez-vous que ce troisième titre pourrait s’appliquer dès le vote de la loi à la question des gaz de schiste ?

Envisagez-vous que les critères environnementaux, sanitaires et territoriaux soient pris en compte, dans le processus de délivrance d’un permis d’exploitation, au même titre que les seuls enjeux économiques ? Selon vous, qui devrait délivrer ces permis ?

M. Guillaume Chevrollier. La refonte du code minier fait consensus. Il est, en effet, dans l’intérêt du redressement économique de notre pays de pouvoir mieux valoriser ses ressources minières. Vos travaux, sous-tendus par la nécessité de trouver le point d’équilibre entre l’exploitation, l’environnement, la démocratie locale, la transparence et la fiscalité, sont bien engagés.

Dans le cadre du schéma national minier, recenser le potentiel de nos ressources est effectivement essentiel, mais c’est un travail de longue haleine. Attendra-t-on son achèvement pour sortir le nouveau code, dont les évolutions sont attendues par les professionnels ? Autant dire que cela constituerait un frein au développement économique.

La protection de l’environnement pourrait se voir appliquer des procédures calées sur celles des installations classées, avez-vous dit. Avez-vous connaissance des recours les plus fréquemment utilisés dans ce type de procédure pour entraver les mises en exploitation ? Il faut des procédures, certes, mais des procédures simples afin de ne pas ajouter à l’hystérie normative que nos compatriotes ne supportent plus.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Comment est envisagée la répartition des éventuelles recettes issues d’exploitations minières entre l’État et les collectivités ? Vous l’avez mentionné pour l’outre-mer mais pas pour la métropole. Pour l’instant, la recette est essentiellement nationale puisque le sous-sol appartient à l’État. Quel bénéfice financier les territoires pourront-ils retirer ? Quelle sera la rédaction de l’article 1er du code minier ?

Depuis une trentaine d’années et le changement profond en matière d’exploitation minière opéré en France, nous souffrons d’un déficit d’accompagnement par l’État. Vous avez avancé l’idée d’un fonds d’indemnisation pour le suivi à venir. Ce fonds se substituera-t-il d’emblée aux exploitants en place ou à leurs héritiers par une logique de taxe, ou bien faudra-t-il attendre un certain délai, par exemple cinquante ans, avant qu’il ne soit effectif, la solidarité nationale ne se substituant pas de fait au devoir d’intervention du secteur exploitant ?

Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris si seraient également concernées par le code minier les carrières et gravières de surface, y compris celles qui se situent dans les fleuves et les lits fluviaux. La question n’est pas anodine, car elle recouvre beaucoup de choses.

La notion de responsabilité de l’État ou de la puissance publique est-elle définie comme une responsabilité de moyen, d’information, de publicité ou de suivi ?

Mme Sophie Rohfritsch. À l’évidence, nous allons éprouver de grandes difficultés à concilier développement économique, aménagement du territoire et préservation des ressources. Nombreux sont les pays qui réfléchissent à la refonte de leur code minier, qui pour aller vers plus de développement économique, qui pour mieux associer le public. Pourquoi ne pas nous inspirer de ce qui est fait ailleurs ? La Chine, par exemple, a mis en place, à l’instar de ce que préconisait François-Michel Lambert, une refonte sur la base de l’économie circulaire obligeant l’exploitant à s’adosser à une industrie de recyclage. D’autres pays ne s’orientent pas vers un fonds d’indemnisation mais demandent, dès les permis d’exploration puis d’exploitation, la consignation des sommes à engager lors de l’abandon de la mine. Pourquoi ne pas proposer une telle consignation, par exemple à la Caisse des dépôts et consignations, comme cela avait été le cas à un moment ?

M. Michel Liebgott. Je remercie, d’abord, M. Thierry Tuot de l’accueil qu’il a réservé au collectif de défense des communes minières de Lorraine, qui comprend à la fois des élus et des associations et dont je suis un des vice-présidents. Je confirme ici que nous souhaitons l’abandon de la procédure d’expropriation lorsqu’il y a danger pour certaines maisons, car les indemnisations ne sont jamais à la hauteur. Nous nous félicitons de la constitution d’un fonds de convergence de l’ensemble des dispositifs afin d’éviter les différences entre « clausés » et « non clausés ». Je me félicite également que vous envisagiez de prendre en compte les habitants de Landres et Piennes dont les dégâts sont antérieurs à 1998. Il est bon que l’on entre dans un dispositif conforme à celui des installations classées, sachant néanmoins qu’il sera difficile de poursuivre certains exploitants même s’ils en ont les moyens. Je pense en particulier à ArcelorMittal.

Nous avons des richesses à ne pas négliger et que les collectivités publiques doivent pouvoir continuer à maîtriser. Je pense aux réserves d’eau qui ont servi à noyer 40 000 kilomètres de galerie et à l’exploitation possible sans fragmentation du gaz de houille dans le bassin houiller.

Je salue l’effort qui serait fait en direction des collectivités territoriales et des professionnels en général. Concernant les plans de prévention des risques miniers (PPRM), il me semble nécessaire de pouvoir attaquer les arrêtés simples de prescription et pas seulement les décisions préfectorales.

Mme Marie-Lou Marcel. La gestion d’après-mine est compliquée par les difficultés liées aux incohérences des PPRM et aux travaux revenant à la charge des maîtres d’ouvrage. Je suis élue du bassin industriel et minier de Decazeville-Aubin, dans l’Aveyron, qui est le plus impacté du territoire national, car l’exploitation s’y est faite à faible profondeur et en grande partie sous des zones urbanisées. Il est d’ailleurs classé en première position sur le tableau national des sites à risque. Des fonds d’indemnisation interviennent actuellement après dégâts, mettant en évidence la nécessité d’anticiper à travers un programme pluriannuel, voire interministériel, qui s’articulerait entre logement, voiries, réseaux et prévention des risques.

En matière de solidarité, quel système de compensation pourrait être envisagé, d’une part, pour couvrir les surcoûts induits par les études géotechniques et les fondations spéciales dans les zones à projet, infligeant une double peine aux collectivités, d’autre part, pour les biens des habitants inclus dans les secteurs d’aléas moyens et forts ?

Mme Valérie Lacroute. Les pétroliers auraient déposé une question prioritaire de constitutionnalité sur la loi dite Jacob, qui interdit la fracturation hydraulique sauf pour la géothermie. Que penser de l’utilisation de cette technique dans le cadre de la géothermie ? Quel pourrait être l’impact de cette QPC sur l’interdiction de la fracturation hydraulique ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La technique employée dans la géothermie n’est pas la fracturation hydraulique mais la stimulation hydraulique. Ce n’est pas la même chose.

Les substances de mines constituent le bien commun de la nation. Pouvons-nous envisager, demain, que des titres miniers d’exploration ou d’exploitation soient délivrés par une autre autorité que l’État ?

La fiscalité minière est un vrai problème entre l’État et les collectivités territoriales. Ne pourrait-on pas envisager qu’une partie de cette fiscalité vienne alimenter un fonds régional afin d’éviter que le lien direct qui existera avec les collectivités d’accueil d’installations minières puisse conduire à certaines déviations, la répartition intervenant ensuite dans des conditions qui restent à déterminer ?

M. Thierry Tuot. En préambule, je rappelle que, en tant que fonctionnaire, le Gouvernement ne m’a, à aucun moment, demandé de me prononcer pour ou contre l’exploitation du sous-sol, pour ou contre la défense de l’environnement, et sur la façon de choisir entre les deux. Je suis chargé de trouver un consensus sur la fabrication d’un nouvel outil, sans préjuger de la façon dont on utilisera cet outil ni des objectifs qu’on cherchera à atteindre en le maniant. Officiellement, je n’ai pas le moindre avis sur telle ou telle exploitation.

Mon objet est d’entourer une exploitation - que le Gouvernement déciderait - des conditions répondant à des exigences juridiques, sociales et politiques. Ce n’est pas la décision prise qui doit être satisfaisante mais la procédure au terme de laquelle elle a été prise, qui ne doit être ni excessivement formaliste ni trop instable et qui doit donner suffisamment de sécurité et de satisfaction à l’ensemble des intérêts. C’est dans cet esprit que nous travaillons, dans la recherche permanente d’un compromis entre la poursuite qui peut parfois apparaître nécessaire d’une exploitation et les exigences de protection de l’environnement et des populations. Nous essayons de donner un nouvel équilibre à cette conciliation, pas de préempter les décisions qui seront prises ultérieurement. Je réponds donc d’emblée aux questions particulières au permis « Limonade », à l’extraction de sable coquillier en baie de Lannion ou autre que, personnellement, je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire. (Sourires)

S’agissant de la participation du public, l’idée est de la rendre générale, c’est-à-dire qu’il y ait une information et une participation pour toutes les décisions. Afin que cela n’apparaisse pas comme la réitération permanente d’une procédure longue et compliquée, nous proposons de fonder cette participation sur plusieurs principes.

Premier principe, la proportionnalité. Un géologue qui veut regarder le paysage n’a pas besoin d’autorisation ; il n’y a donc pas non plus de participation. S’il veut se livrer à une recherche académique sans finalité d’exploitation, il n’y a aucune raison d’ouvrir un débat sur l’intérêt de l’exploitation. À chaque cas, sur la base d’une transparence totale – qui fait quoi à quel moment, qui veut demander quoi à qui –, il faut pouvoir proportionner l’effort d’information, d’expertise, de débat et de participation. Il va de soi que la délivrance d’un permis de recherche exclusif, qui emporte naturellement le droit exclusif de demander à exploiter, devra entraîner l’examen de l’opportunité d’exploitation à ce moment-là. Il va de soi aussi que, à ce stade, on sera incapable de dire où on va exploiter, en quelles quantités et à quelles fins. Ces points ne seront donc discutés que plus tard.

D’où le deuxième principe, que, pour l’instant et faute de mieux, nous appelons d’incrémentation, selon lequel à chaque fois qu’on délivre une autorisation, on tient compte de la précédente et on ne va pas plus loin que ce qui est demandé. Cela veut dire que, à chaque instant, on tient le débat nécessaire dans la mesure des connaissances disponibles. Pour des autorisations extrêmement longues de vingt-cinq ou cinquante ans, par exemple pour des stockages, on pose le principe de leur durée et de leur réévaluation permanente. À chaque occasion de réalisation de nouveaux travaux, de modification d’un périmètre, une procédure proportionnée devra être lancée, tenant compte des précédents mais renouvelant le débat.

Dans cette perspective, le schéma national minier doit jouer un rôle de réducteur d’incertitudes. Si l’évolution des cours mondiaux, dans la manipulation desquels certains pays comme la Chine ont une grande pratique, conduisait à envisager l’exploitation de la fluorine en France, il faudrait pouvoir se référer à ce schéma national minier. Celui-ci pourrait indiquer que l’exploitation de la fluorine est considérée, en principe, comme satisfaisante en France sans donner de précision de lieu ou de technique. Cela éviterait de refaire la bataille de Gravelotte à chaque fois que quelqu’un voudrait ouvrir une exploitation de fluorine, et au moins un principe serait acquis.

Le schéma national minier ne doit être que ceci : un document partiel à horizon glissant, en permanence actualisé au gré des techniques, des découvertes, de l’acquisition de savoirs et soumis à une participation. Document de planification, il doit non pas être contraignant mais donner des orientations stratégiques, des vœux que le Gouvernement aura soumis à validation par une participation du public et dans lesquels il aura impliqué le Parlement selon des modalités qu’il aura choisies – communication, association, validation, débat, évaluation impliquant votre office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces choix seront discutés au sein du groupe mais ne feront pas l’objet de recommandations à proprement parler parce qu’ils relèvent vraiment de l’organisation politique. Il s’agit bien, dans notre idée, d’avoir un document réducteur d’incertitudes, non pas un instrument de limitation des activités ou normatif sur les territoires, ce qui priverait de tout sens la notion même de participation territoriale ; un document qui donne de grandes orientations et qui valide des choix collectifs quant aux ressources, quant aux usages.

S’agissant de la fiscalité, nous n’avons pas encore travaillé sur les dispositions, mais notre idée est de les mettre toutes dans le code minier d’abord, même si certaines iront dans le code général des impôts qui sera un code dit suiveur. En lisant le code minier, on saura tout sur l’équilibre économique et financier. Nous proposons comme principe de base de bien distinguer entre redevances et fiscalité. La fiscalité n’est pas un instrument de compensation des dommages ou de réparation, c’est un instrument de financement du budget de l’État et des collectivités territoriales. Tout ce qui est lié au financement des conséquences et des impacts doit être versé sous forme de redevance. Il nous faut donc imaginer des redevances couvrant l’ensemble des conséquences et se fondant sur une évaluation des conséquences de l’exploitation, des externalités positives et négatives comme des coûts et des dommages, qui s’attache à prendre en considération non seulement ce qui se passe sur le territoire communal d’assiette, mais aussi sur l’ensemble du bassin de population et des infrastructures impactées.

Il faut avoir plusieurs mailles d’examen territorial : communale, intercommunale, départementale, régionale et plus quand il s’agira d’offshore, où la notion de collectivités intéressées couvrira des façades ou des collectivités riveraines d’un bassin. L’examen doit être adapté, les redevances également. Par exemple, en cas de conséquences sur des charges de formation professionnelle pour une région, c’est une redevance qui y sera attachée plutôt qu’une fiscalité compensatoire dont on finit par oublier pourquoi on l’a créée.

Il appartiendra au Gouvernement de déterminer comment il alloue les revenus fiscaux entre l’État et les collectivités territoriales. Nous proposons que les titres miniers soient délivrés en fonction d’un équilibre économique de l’exploitation, dont il serait tenu compte pour la fixation des redevances et l’évolution de la fiscalité. Ainsi, dans un contexte d’effondrement des cours mondiaux, on ne maintiendrait pas une fiscalité élevée mais, inversement, tout effet d’aubaine dû à des envolées de cours donnerait lieu à la révision des prélèvements de fiscalité ou de redevances. L’idée est d’assortir les titres miniers d’une trajectoire fiscale variable à la hausse ou à la baisse permettant de conserver un équilibre économique. C’est relativement facile à décrire, un peu plus difficile à écrire.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la France est un pays minier jeune, pas ancien. Un pays minier jeune doit avoir une fiscalité minière modérée pour permettre la mise en exploitation. Tous les pays miniers très anciens, comme le Canada ou l’Australie, ont des fiscalités relativement élevées ; tous les pays qui ne sont pas encore matures ont des fiscalités qui accompagnent et facilitent la recherche et, le cas échéant, le début de l’exploitation. Il faudra en tenir compte au moment de la fixation des niveaux de pression fiscale, qui relèvera de la loi de finances et non pas du code minier, conformément à la Constitution.

Pour orienter la recherche de l’équilibre entre l’économie et le social, nous proposons d’introduire, dès le début du nouveau code minier, une définition de l’intérêt général reposant sur trois piliers : l’obligation de l’État de préserver et de valoriser le sous-sol comme richesse nationale dans le respect des principes du code civil – le sous-sol appartient au propriétaire du dessus et l’État intervient au titre des autorisations administratives ; les exigences environnementales ; les exigences du développement territorial et des populations. L’intérêt général sera entendu comme la conciliation de ces trois exigences ; l’équilibre des décisions tiendra à la prise en compte des trois piliers à la fois. Nous tentons par-là de ramener l’intérêt général à trois points clairs plutôt qu’à la liste infinie que l’on trouve aujourd’hui dans le code de l’urbanisme, qui ne constitue pas un instrument permettant de trouver le bon équilibre.

Dans le domaine de l’exploitation en mer, nous avons choisi de décliner les dispositions débordant du tronc commun du code minier, technique par technique, milieu par milieu, matière par matière. La géothermie a des besoins qui ne sont pas les mêmes que ceux du stockage de gaz souterrain, eux-mêmes différents de ceux de l’exploitation de granulats. Chaque industrie se verra dédier un chapitre qui en indiquera les spécificités, de même que chaque territoire ou collectivité d’outre-mer et chaque milieu. Il y aura donc un chapitre offshore. Chaque chapitre décrira ce que l’on doit entendre par collectivité intéressée pour la procédure d’enquête, ou par infrastructure impactée par le développement en matière de choix économique, ou par autorité environnementale pour l’appréciation de l’impact sur le milieu, en l’adaptant à chaque fois, notamment pour l’offshore qui est un problème  tout à fait particulier.

S’agissant du calendrier, je ne suis pas habilité à vous dire quoi que ce soit sur ce que le Gouvernement fera. Je peux seulement vous indiquer qu’on m’a demandé de remettre la copie à la fin du mois de mai. Pour la suite, les délais m’échappent. Je continuerai à tenir votre président informé de l’avancée de mes travaux et reviendrai devant vous dès que vous le souhaiterez. Nous avons tous à cœur de trouver le bon compromis entre la vitesse d’exécution, la rapidité de mise en œuvre et la nécessité de construire quelque chose qui tienne debout. Aujourd’hui, le groupe de concertation proteste plutôt de ce que nous allons trop vite.

J’aurais dû commencer par vous le dire, le gaz de schiste ne figure pas dans mon mandat. Que les choses soient claires, je n’ai pas le droit d’en parler et je n’ai pas d’avis sur la question. (Murmures)

Bien entendu, l’ombre portée des gaz de schiste plane sur nos travaux, mais le débat politique a déjà eu lieu et ce n’est pas à une commission de fonctionnaires de le remettre en cause.

M. Martial Saddier. Et qu’est-ce que cela cache ?

M. Thierry Tuot. Rien ! C’est un autre débat politique. Évidemment, nous travaillons forts de l’expérience acquise dans les débats ou l’absence de débat sur le sujet du gaz de schiste. Nous réfléchissons à un déroulement de réflexion pour la prochaine substance qui suscitera à la fois des inquiétudes quant aux modes d’exploitation et des espérances quant aux retombées : notre sous-sol en recèle-t-il ? Si oui, comment l’exploiter ? Si nous exploitons, quelles seront les conséquences et quels seront les rapports ? Au sein de notre groupe de travail, il n’y a pas une intervention qui ne regrette que le nouveau code minier n’ait pas été en vigueur au moment où le débat sur le gaz de schiste s’est ouvert.

Les membres de la commission ont une totale liberté de parole, à l’intérieur comme à l’extérieur. Chacun est libre de prendre une position, et les dissensus sont nombreux. Néanmoins, je constate, après quelque huit mois de travaux, que France Nature Environnement, les Amis de la Terre et WWF continuent de parler avec l’Union française des industries pétrolières, Total, Shell, BP, Vermilion et monsieur Schilansky. Le consensus de fond semble donc plus important que les revendications des uns et des autres. Ce consensus est assez simple : tout le monde a compris, du côté des industriels, qu’on ne ferait plus de trou sans l’accord des populations et, du côté des associations, qu’on n’arriverait pas à faire prendre en compte l’environnement avec une attitude de refus pur et simple. En échange de vraies responsabilités pour les associations dans la prise de décision, la possibilité est ouverte de reprendre des exploitations maîtrisées répondant aux exigences d’un développement soutenable. C’est là que réside le principal consensus, même si, au moment de la rédaction des articles, de nombreux désaccords retrouvent à s’exprimer.

Nous ne touchons pas au rôle des grands établissements. Nous prévoyons la possibilité de permis de recherche académique qui laisseront une place, le cas échéant, à une expérimentation. Je ne sais pas si cela pourra s’appliquer ou non au gaz de schiste puisque, à l’heure actuelle, les gaz de schiste sont traités par la loi de 2011 et pas par le code minier.

Sous l’effet de la transparence, tout sera accessible, y compris le schéma minier et ses inventaires. De mon point de vue, outre la morale publique, c’est essentiellement cette transparence, notamment en matière financière et fiscale, qui apportera la réponse aux risques de corruption. Aujourd’hui, en matière environnementale, il est facile pour un opérateur puissant de proposer des travaux ou la compensation de dommages auprès d’une collectivité territoriale dans la plus totale opacité. Notre idée est de faire en sorte que, désormais, cette discussion financière ait lieu ouvertement et qu’elle porte sur une répartition très claire de l’ensemble des compensations sous forme de redevances. C’est la meilleure garantie qu’on puisse trouver.

L’implication des collectivités territoriales dans la réforme est totale : non seulement elles participent à la réflexion à travers leurs associations représentatives, mais elles interviendront dans la mise en œuvre ultérieure, au niveau du pilotage local des procédures de concertation et d’enquête, voire au niveau de la décision.

L’information accrue et complète du public passera par l’application du principe de transparence ainsi que par le recours à plusieurs domaines d’expertise, l’adaptation des études d’impact et un contrôle permanent sur l’ensemble des étapes. Notamment, en cas de pluralité d’intervenants et de sous-traitants, des mécanismes d’information et d’agrément devront être mis en place.

Le fonds d’indemnisation n’est pas du tout destiné à boucher les trous des dispositifs publics. Nous sommes partis de l’idée que la responsabilité de l’après-mine incombe à l’exploitant, à défaut à ses actionnaires que l’on doit pouvoir aller chercher jusqu’au fond de la mine si nécessaire. Or, s’il n’y a pas d’exploitant, il faut quand même pouvoir indemniser nos concitoyens qui subissent un préjudice. C’est l’objet du fonds qui pourrait intervenir dans deux types de situation. D’une part, lors d’un problème d’après-mine engendrant des situations humaines douloureuses. Une avance de trésorerie immédiate serait effectuée par le fonds, qui serait subrogé dans le droit des victimes et pourrait, sous forme de class action maîtrisée, se retourner et agir au nom et pour le compte des personnes indemnisées. D’autre part, dans des cas où la bonne foi et l’honnêteté des exploitants ne sont pas en cause mais où l’on se trouve néanmoins devant des situations imprévisibles et imprévues, telles l’effondrement de mines exploitées du temps des Romains ou de marnières pour lesquelles il n’y a ni titre minier ni exploitant. Dans ces cas-là aussi, la solidarité nationale doit pouvoir s’exercer.

Pour abonder un fonds, rien de plus facile que de recourir à l’impôt. Or on sait bien que, deux ans après, il alimentera la sécurité sociale. (Sourires) Plutôt que d’exposer à préemption ou au mieux d’immobiliser de l’argent non utilisé, nous avons opté pour une logique assurantielle : le fonds souscrirait une police d’assurance qu’il ferait jouer en cas d’accident. Ce serait un fonds dormant qui ne serait activé qu’en cas de besoin. De la sorte, il ne faudrait financer qu’une police d’assurance et pas une trésorerie pérenne inemployée. Je ne décris là, encore une fois, que le projet, mais nous nous efforcerons de le détailler plus amplement dans les textes.

Dès le début, nous avons pris le choc de simplification en considération. L’idée de faire un code entièrement législatif est une simplification considérable, de même qu’une procédure de droit commun applicable à la participation du public. Nous souhaitons également que les décisions délivrées sur le fondement du code minier valent autorisation sur le fondement de tous les autres codes applicables, par exemple qu’une autorisation de travaux vaille également permis de construire, permis d’aménager, permis de défricher. Cela éviterait les procédures en série aujourd’hui en vigueur, nécessitant chacune enquête d’expertise, étude d’impact et autorisation diverses, et demandant des délais d’instruction très longs. Ainsi faut-il compter douze ans pour le renouvellement d’un stockage gazier, ce qui le rend quasi illégal en permanence. Dans l’état du droit positif aujourd’hui, on ne peut plus avoir un stockage gazier légal, ce qui est problématique. Nous comptons réduire considérablement les délais en mettant ainsi en parallèle les autorisations et les procédures, et en faisant en sorte qu’une seule procédure collective de participation soit valable à tous les stades de la décision administrative, même si, là aussi, cela suppose des réglages assez compliqués.

Bien entendu, toutes les exigences environnementales, en particulier la biodiversité, seront prises en compte, notamment dans les externalités positives ou négatives qui permettront de fixer l’intérêt général.

Nous ne touchons pas à la valeur patrimoniale des titres, qui continueront à être immobilisés. Nous avons même l’ambition de simplifier leur régime fiscal de façon à clarifier leur mode d’amortissement, de cession et de transmission ainsi que les droits qui peuvent être perçus à cette occasion.

J’aurais aimé vous dire que nous prenons en compte les exigences européennes. Si nous le faisons, c’est de façon passive, par rapport aux normes qui s’imposent, mais un code européen serait bien préférable. Cela fait partie des ambitions de la construction européenne qui dépassent très légèrement les capacités de mon groupe de travail.

La totalité des membres du groupe s’accorde pour dire que l’autorité de délivrance doit être recentrée sur l’État, au niveau ministériel. C’est l’une de mes surprises. Alors que je m’attendais à des discussions opposant décentralisation et préfet, la plupart des parties – syndicats, industriels, associations – préfèrent déterritorialiser les dossiers pour qu’ils soient examinés au niveau national, pensant que préfet comme élus locaux sont soumis à des pressions et qu’il est préférable de remonter au niveau ministériel. Je me ferai l’écho auprès du Gouvernement de cette aspiration qui pose la question de la décentralisation et de la responsabilité d’une nouvelle façon. Inutile de vous dire que les associations des conseils généraux, des régions de France et des maires de France ne sont pas tout à fait sur la même ligne, a fortiori pour l’outre-mer pour lequel le choix de décentralisation me paraît plus nettement ancré. Il y a une vraie difficulté au regard de la nature de la prise de décision. Peut-on laisser la décision à l’État tout en mettant, grâce à une meilleure information et à une plus grande implication dans la procédure, des pouvoirs beaucoup plus importants dans les mains des collectivités territoriales ? C’est l’une des questions politiques totalement ouvertes devant laquelle nous sommes.

La prévention des contentieux fait aussi partie de nos préoccupations. En la matière, nous proposerons des limitations, non pas au droit de recours, mais à la possibilité de faire valoir des recours de façon complètement décalée par rapport à l’équilibre atteint.

En matière d’après-mine, nous essayerons de faire des suggestions qui prennent en compte les surcoûts du passé, bien qu’il s’agisse plutôt là d’éléments de politique publique sortant quelque peu du cadre du code minier.

Je ne me prononcerai évidemment pas sur la question prioritaire de constitutionnalité sur les gaz de schiste, qui repose sur le principe d’égalité et qui est en cours d’examen, non plus que sur l’interprétation de la loi de 2011 au regard de la géothermie. Une juridiction étant saisie, vous comprendrez que je n’en dise rien.

Je terminerai, comme vous l’attendiez tous, sur les chauves-souris pour rappeler qu’elles sont protégées par la convention de Londres et que l’article 55 de la Constitution nous fait obligation d’appliquer le droit international en la matière.

M. François-Michel Lambert. Très bien !

M. Thierry Tuot. Ce sujet est très révélateur de la nécessité de procéder à un aggiornamento collectif sur la façon de prendre en compte l’environnement autrement que par un biais anecdotique. Il faut reprendre ce débat sur le fond au sein des collectivités territoriales, appeler les syndicats de salariés, les habitants, les associations environnementales et les exploitants à apprécier le bon équilibre entre biodiversité, services fonctionnels environnementaux, développement durable et nécessités stratégiques, parfois d’intérêt national, de croissance, d’emploi et d’exploitation des ressources. C’est ce que nous essayons de faire dans ce nouveau code. J’ai bien conscience que nous ne vous présenterons qu’une copie imparfaite et souvent des choix cornéliens, devant lesquels je suis heureux de n’être qu’un fonctionnaire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous n’avez répondu, ni sur le caractère prescriptif ou non du schéma national minier, ni sur le droit de suite. Aujourd’hui, un industriel qui est titulaire d’un permis d’exploration a automatiquement un droit de suite, c’est-à-dire que s’il y a exploitation, le titre lui en est attribué.

M. Édouard Philippe. Le contentieux qui peut naître d’une autorisation a pour effet de rendre moins sûr le titre accordé et aussi d’allonger le délai de purge au terme duquel on peut commencer l’exploitation. Une instruction et une délivrance d’autorisation au niveau ministériel auraient-elles un impact sur l’autorité juridictionnelle chargée de se prononcer sur un éventuel contentieux ? Cela entraînerait-il une transmission complète du contentieux à Paris ? Quel type d’instance en serait alors saisie ?

M. Thierry Tuot. Nous découplons complètement l’autorité de délivrance du recours, dont la chaîne normale commencerait par le tribunal administratif local du lieu d’exploitation. Afin, toutefois, de raccourcir les délais de la procédure spéciale de participation reposant sur les groupements momentanés d’enquête, nous envisageons une compétence directe de la cour administrative d’appel, ce qui est prévu par le code de justice administrative. Ce serait une façon aussi, lorsque cette procédure vise à traiter des cas socialement délicats, qui suscitent beaucoup d’opposition et de conflits, de dépayser le jugement de l’affaire et de faciliter son règlement.

Pour le moment, la rédaction de compromis – qui ne manquera pas d’être contestée, nous le savons – définit le schéma national minier comme un document indicatif en matière d’informations et de choix, mais aussi comme un document de référence pour les décisions administratives lorsqu’il fixe des priorités. Cela lui donne une valeur qui le rapproche des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), mais pas autant qu’un plan local d’urbanisme. Il s’articule d’ailleurs complètement avec la loi sur l’eau, que nous respectons intégralement pour ne pas remettre en cause des équilibres tout à fait essentiels, l’eau étant le principal vecteur de pollution du sous-sol.

J’en viens au droit de suite. Le permis de recherche dit exclusif réserve à son titulaire le droit de demander un titre minier. En aucun cas, il ne lui accorde un titre minier ; il ne lui donne que le droit d’être le seul à le demander. Nous proposons deux éléments de clarification. D’abord, un appel automatique à la concurrence dès le dépôt d’une demande de permis de recherche exclusif. Publicité sera faite au niveau européen que quelqu’un demande à fouiller quelque chose quelque part. Toute personne disposera d’un délai de deux mois pour faire la même demande. Au terme d’une procédure compétitive, l’État décidera à qui il donne le droit. Il y aura donc possibilité de contestation. Ensuite, une limitation du temps pendant lequel le titulaire du permis de recherche exclusif aura le droit de demander un titre minier, titre qui, bien entendu, devra faire l’objet d’une procédure de participation du public et d’évaluation environnementale. Il n’y a toujours pas de droit acquis au titre. Il est indispensable de conserver cet équilibre, qui existe dans tous les pays miniers, car s’il n’y a pas de permis de recherche exclusif, il n’y aura pas de recherche du tout. Sur ce point, les industriels sont extrêmement clairs.

Nous introduisons deux autres éléments très importants. D’une part, à la demande de tiers intéressés, notamment des collectivités territoriales, un permis de recherche exclusif en déshérence pourra être frappé de déchéance. Ainsi, celui qui a obtenu un permis de recherche exclusif à seule fin de stériliser un territoire et qui ne demande pas de titre minier pour exploiter pourra en être déchu au profit d’un d’autre. C’est un point important alors que sont mises en œuvre aujourd’hui des stratégies de préemption du territoire qui empêchent sa valorisation. D’autre part, nous prévoyons le même système pour le titre minier, tout titre délivré devant faire l’objet d’une mise en œuvre effective, faute de quoi il fera l’objet d’une déchéance entraînant le régime de l’après-mine pour les travaux commencés et non poursuivis.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Au nom de la commission, je vous remercie, monsieur Thierry Tuot, pour toutes les précisions que vous avez apportées.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 24 avril 2013 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Denis Baupin, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilles Savary

Assistaient également à la réunion. - Mme Corinne Erhel, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Michel Liebgott, Mme Marie-Lou Marcel, M. Fabrice Verdier