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Mardi 11 juin 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 70

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Débat sur la « contribution de la commission du développement durable au débat sur la transition énergétique et écologique ».

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé un débat sur sa « contribution au débat sur la transition énergétique et écologique ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant de commencer et en votre nom à tous, je souhaite la bienvenue dans notre commission à une délégation de l’Assemblée nationale du Burkina Faso conduite par son président, M. Soungalo Apollinaire Ouattara. (Applaudissements sur tous les bancs)

Comme je vous l’ai indiqué il y a deux semaines, nous organisons cette réunion à la suite des auditions et des tables-rondes que nous avons tenues sur la transition écologique et énergétique – neuf rendez-vous depuis le début de la session. J’ai pris la décision et l’initiative de publier un rapport regroupant les comptes-rendus et de leur adjoindre la position des différents groupes politiques sur le sujet. L’ensemble sera précédé d’une introduction, rédigée par mes soins, qui vous a été adressée avant cette réunion : elle résume nos consensus et nos dissensus ; elle exprime aussi mes opinions.

Je rappelle les points identifiés comme consensuels entre nous : la sobriété et l’efficacité énergétique, le verdissement du bouquet énergétique, la décentralisation des compétences en matière d’énergie, l’autofinancement de la transition énergétique, et enfin une meilleure coordination à l’échelle européenne.

Quant à nos divergences, elles tiennent aux questions du nucléaire et de l’acceptabilité. À l’occasion de l’examen de la proposition de loi de notre collègue François Brottes, devenue la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, différents amendements avaient suscité le débat sur cette dernière question.

Je passe maintenant la parole aux représentants des groupes politiques afin qu’ils expriment leurs orientations, qui figureront dans le rapport sous forme de compte rendu. Si des parlementaires souhaitent s’exprimer sur un point précis, ils pourront le faire par la suite.

M. Philippe Plisson a la parole au nom du groupe SRC.

M. Philippe Plisson. Alors que s’est achevée la deuxième phase du débat sur la transition énergétique, celle de la participation et concertation, nous souhaitons saluer cette initiative visant à préparer au mieux le futur projet de loi sur la transition énergétique, qui devrait être débattu en séance publique à partir de février 2014.

La préoccupation environnementale fait désormais partie intégrante des politiques publiques. Les idées écologistes ont fait leur chemin dans les esprits et chacun, par-delà les divergences idéologiques, est convaincu de la nécessité d’un développement soutenable, comme en témoigne l’existence de cette commission du développement durable. En quelques décennies, les idées dominantes sur le progrès et le développement ont été transformées par une prise de conscience : les sociétés doivent inscrire leur développement dans le temps long, afin que la réponse aux besoins du présent n’entre pas en contradiction avec ceux des générations futures.

Dans ce contexte, il convient de s’attaquer à un ensemble de défis : la limitation des activités polluante et des émissions de gaz à effet de serre, responsable d’un réchauffement climatique dont les effets négatifs sur les écosystèmes sont bien connus, la protection de la biodiversité, la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, la protection des équilibres écologiques.

Notre modèle de développement actuel, fondé sur les hydrocarbures fossiles, ne survivra pas à l’épuisement des gisements de pétrole et de gaz, et le recours à la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz et huiles de schiste n’est qu’une fuite en avant, qui ne résout en rien le problème des émissions polluantes, et qui nous ralentit dans la mise en place d’un bouquet énergétique décarboné.

La nécessité de trouver d’autres sources d’énergie et l’objectif de réduire l’impact environnemental de nos activités sont les deux principaux moteurs de la transition énergétique. En vertu du principe de précaution, ce processus se veut progressif et inscrit dans le temps long. Il ne s’agit pas, à l’instar des révolutions industrielles, de faire table rase du passé pour changer nos modes de production et de consommation, mais plutôt de préparer l’avenir avec tout le recul et la mesure que nous impose la gravité de la situation.

Ces éléments de contexte visent à rappeler l’importance de la mission confiée à cette commission : réaliser le travail de préparation de la transition énergétique, un travail de fond qui s’étale sur de longs mois. Il nous incombe d’appliquer les propositions du président de la République : limitation progressive des gaz à effet de serre, économies d’énergie, rééquilibrage du bouquet énergétique en faveur des sources renouvelables, tout en prenant en compte la réalité sociale, économique et politique du pays. Nous devons être à la fois des idéologues et des pragmatiques. Si notre rôle est crucial, c’est que le projet global de la transition énergétique transcende l’ensemble des membres du corps social.

Tout d’abord, ce projet bouscule certains intérêts privés et inquiète de nombreux agents économiques, comme on le voit dans le débat sur la taxation du gazole. La protection de l’environnement peut paraître menaçante aux yeux des citoyens ; les connaisseurs des problématiques de chasse le savent bien. À travers la classe politique, même si le développement durable est sur toutes les bouches, les divergences idéologiques conduisent à des projets opposés. Des écologistes aux productivistes, il nous faut trouver un consensus qui fédère l’ensemble des élus en gardant à l’esprit que la transition énergétique doit servir trois objectif : l’écologie, le développement humain, le développement économique. Néanmoins, il ne faut sûrement pas que la transition énergétique amène une fois encore l’écologie en second plan.

Depuis la mise en place du débat national, la commission est allée à la rencontre des acteurs de la société civile. Il est primordial qu’elle assume son rôle de porte-voix des citoyens et de leurs groupements en la matière car cette question mérite une réflexion collective.

Le principe d’un développement durable fait consensus, mais les modalités font débat. Il n’est pas de réponse unique, mais un ensemble de solutions qu’il faut combiner en fonction des besoins et des caractéristiques des territoires. S’agissant des sources d’énergies, il apparaît évident qu’il faut mettre en place un bouquet énergétique où le nucléaire conserve sa part aux côtés de l’ensemble des énergies renouvelables, alors que les hydrocarbures sont voués à disparaître. La problématique centrale est la proportion de ces différentes sources d’énergie et leur répartition territoriale. À ce titre, nous devrions nous pencher sur l’éventualité d’un plan national des équipements énergétiques. Mais la diversification des sources d’énergie ne doit pas remettre en cause le principe d’égalité des citoyens d’accès à la ressource à travers la péréquation tarifaire. Si la diversité territoriale implique que le solaire soit privilégié dans le Midi et l’éolien sur la façade atlantique, les tarifs ne sauraient être régionalisés.

Les adversaires des renouvelables mettent souvent en avant les limites techniques qui s’opposeraient à une généralisation de ces technologies. Ainsi du problème d’intermittence pour le solaire et l’éolien : l’électricité disponible n’est pas continue mais évolue en fonction du vent et de l’ensoleillement. Or il existe des solutions à ces problèmes techniques. Le développement des outils de stockage et la possibilité de mettre en place des réseaux intelligents permettent de surmonter l’obstacle de l’intermittence. L’intervention publique est ici nécessaire, à la fois pour encourager la recherche rendant possible la transition énergétique et pour édifier des infrastructures coûteuses. Car le nerf de la guerre de la transition écologique est son financement : son coût oscillera entre 40 et 65 millions d’euros par an sur plusieurs décennies. Or la question du financement n’a pas été beaucoup mise en avant… Gardons-nous de voir ce projet de loi devenir une coquille vide, au sein de laquelle les grands projets avancés ne trouveraient pas leurs nécessaires financements.

Il convient, enfin, de souligner les avantages économiques que notre pays peut tirer de ce processus. Trouver des énergies nationales respectueuses de l’environnement serait un moyen de réduire la facture énergétique – 68,5 milliards d’euros cette année – qui pèse sur la balance commerciale. La recherche-développement, en la matière, fait partie du redressement productif dans lequel s’est engagé le Gouvernement. Elle doit faire l’objet d’un consensus et mobiliser toutes les énergies, au sens propre comme au sens figuré.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La parole est maintenant à M. Julien Aubert, au nom du groupe UMP.

M. Julien Aubert. Ce débat sur la transition énergétique fait apparaître des points de consensus. Le groupe UMP soutient l’idée d’une diversification du bouquet énergétique ; il faut permettre à des sources alternatives de trouver toute leur place. Quant à la méthode que nous recommandons, elle tient en un mot : pragmatisme. Nous récusons toutes les idéologies avec trois priorités à l’esprit.

La première priorité est de lutter contre les émissions de CO2. Compte-tenu de ses engagements internationaux, la France doit s’engager pour en réduire le volume. Ceci n’interdit pas de se poser des questions sur l’exploitation des gaz de schiste ou sur l’impact d’une croissance des énergies nouvelles sur le bilan carbone. Une étude récente de la fondation Concorde a montré que, à cause des délocalisations, leur impact est probablement plus limité qu’espéré sur ce dernier point. Notons aussi que le nucléaire est une énergie décarbonée puisque les émissions françaises sont six fois inférieures à celles de l’Allemagne.

Notre deuxième impératif est celui de l’emploi. Il faut raisonner en termes de filière, maximiser celles qui créent de l’emploi – comme le nucléaire, justement, qu’il n’est pas envisageable d’affaiblir. Créer d’autres filières est tout aussi souhaitable. Veillons toutefois à la qualité des emplois qui sont détruits et créées, car tous ne se valent pas.

Enfin, notre troisième objectif doit être de maintenir le coût de l’énergie aussi peu élevé que possible. Quels que soient les secteurs – efficacité énergétique, enfouissement des déchets, développement de nouvelles filières, etc. –, on compte en dizaines de milliards d’euros. Gardons-nous d’obérer les choix futurs : les ressources se raréfient et il ne faut surtout pas qu’elles viennent à manquer au moment de passer à la troisième ou à la quatrième génération nucléaire.

Nous devons garantir l’indépendance énergétique de la France, qui fait sa force, ainsi que les emplois qui y participent, si possible en en créant d’autres, et préserver ce qui fonctionne, notamment la filière nucléaire. Nous devons aussi réfléchir à des sujets connexes, comme les réseaux, puisqu’un déploiement intensif des énergies renouvelables et des centres de faible production obligerait à repenser leur architecture prévue pour des centrales d’envergure. Au regard des nombreuses étapes et des enjeux financiers, avançons avec pragmatisme en gardant en mémoire nos priorités.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’invite maintenant M. Bertrand Pancher à s’exprimer pour le groupe UDI.

M. Bertrand Pancher. Nous nous félicitons de l’organisation du débat public autour de la transition énergétique, car ses enjeux nous concernent tous. J’avais d’ailleurs essayé, moi-même, de l’organiser sous la précédente législature. Nous devons veiller, c’est nécessaire, à élever la qualité de ce débat, à l’heure où certains sondages révèlent qu’un quart de nos compatriotes n’en a jamais entendu parler. Or rien ne se fera sans l’adhésion de tous les Français.

Au premier plan des grandes priorités de l’économie verte se trouve le logement, et d’abord le logement neuf, dans lequel nous avons désormais l’obligation de construire un parc dont la consommation énergétique s’élève au plus à 50 kilowattheure par mètre carré et par an. La multiplication des contrôles et les progrès de la construction nous poussent à définir de nouveaux objectifs, plus ambitieux, en matière de bâtiments à énergie positive : cela pourrait figurer dans une prochaine loi. Dans l’ancien, lors de la Conférence environnementale, le chef de l’État avait fixé un objectif très ambitieux avec la rénovation de 500 000 logements par an : tout indique qu’il ne sera pas atteint, en raison de la faiblesse de la mobilisation des moyens existants – je pense à l’éco-prêt à taux zéro, qu’il faudrait simplement adapter. Certaines mesures, comme des baisses ciblées de taux de TVA pour certains travaux, permettraient de s’en approcher. La généralisation des sociétés de service en économie d’énergie auprès de l’ensemble des collectivités pourrait s’avérer une piste intéressante : pourquoi ne pas en parler lors du débat sur la décentralisation ?

Au second plan de l’économie verte se trouve le transport durable, qui concerne tous les moyens de déplacement, du ferroviaire à la route avec les transports en commun en site propre (TCSP) et bien sûr le secteur fluvial. La fiscalité verte a fait ses débuts dans ce domaine : nous avons récemment adopté la loi précisant le contenu de l’écotaxe poids-lourds, qui permettra d’abonder le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui n’est pas le cas actuellement, et donc de financer de nouvelles infrastructures vertueuses. En Allemagne, l’écotaxe poids lourds rapporte 5 milliards d’euros par an, ce qui permet des initiatives importantes dans le financement des infrastructures.

Au troisième plan figure les énergies renouvelables : il faut que les projets visant à les développer sur notre territoire soient acceptés par tous. Des décrets restent à prendre afin de stabiliser les tarifs de rachat et de raccordement. Parmi les idées qui ont émergé lors de nos différents débats, je retiens celle de la chaleur renouvelable : il faut, pour la favoriser, optimiser l’utilisation de nos forêts – dont 40 % ne font l’objet d’aucune exploitation – et augmenter la dotation du fonds chaleur de l’ADEME, limité à 200 millions d’euros aujourd’hui, notamment en explorant des recettes annexes. Cela devrait nous permettre de définir des objectifs ambitieux.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je donne la parole à M. Denis Baupin pour présenter la position du groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Mon sentiment sur le débat sur la transition énergétique reste positif : il a permis de montrer que nos choix concernant notre bouquet énergétique ne sont pas le fruit de la fatalité. Ce débat, qui a permis de faire émerger, comme le rappelait le président Chanteguet à l’instant, des consensus comme celui de la sobriété et de l’efficacité énergétiques, se poursuivra naturellement au Parlement.

Il ne s’agit pas d’organiser la récession, comme certains voudraient nous le faire croire, mais bien d’augmenter la productivité de notre économie. Ce n’est pas un hasard si le Royaume-Uni ou l’Allemagne se sont fixé pour objectif de diviser par deux leur consommation d’énergie d’ici 2050 : nous devrions faire de même.

S’agissant de la mobilité, question cruciale, nous soutenons le développement de la voiture propre que le Premier ministre a évoquée ce matin : cela nous paraît essentiel pour progresser. Nous soutenons, de la même façon, le développement des énergies renouvelables, d’abord pour leur aspect environnemental et indolore pour les ressources, mais aussi parce qu’elles constituent un levier très puissant de création d’emplois. En Allemagne, le secteur emploie déjà 390 000 personnes quand la filière nucléaire n’en fait vivre que 60 000 en France… Nous devons agir, dans un contexte de croissance faible, pour favoriser la création de tels emplois, qui constitueront des ressources – non délocalisables – pour les territoires, plutôt que de dépenser des milliards à importer des énergies fossiles.

Le montant de la facture énergétique, dans la situation économique très fragile que nous connaissons, ne doit pas être oublié. Quel sera-t-il ? La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a rappelé récemment que le prix de l’énergie est appelé à augmenter. Comment faire pour que la facture du consommateur diminue lorsque le coût global d’une énergie augmente ? En faisant le choix de l’efficacité énergétique, justement, car elle offre l’avantage de faire baisser la consommation dans un contexte haussier, et donc de permettre en fin de cycle une limitation du tarif acquitté par le consommateur.

S’agissant de l’avenir du nucléaire, cette question demeure primordiale. Nous sommes liés par l’engagement du Président de la République, dont nous pensons qu’il va dans le sens d’une plus grande sûreté et d’une moindre vulnérabilité de notre système électrique à l’énergie nucléaire, qui l’alimente à hauteur de 75 %. Notre pays se trouvant seul dans cette situation, peut-être l’évolution à laquelle nous sommes favorables – la réduction de la part du nucléaire dans la production électrique – pourrait-elle faire consensus ? Quoi qu’il en soit, la question de la durée de vie des réacteurs – j’ai vu que le président Chanteguet a pris position dans l’introduction du rapport – se pose : nous estimons que leur prolongation au-delà de trente ans n’est pas souhaitable.

La question du rythme de la transition énergétique revêt une importance centrale : nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du futur projet de loi.

On parle beaucoup d’acceptabilité des énergies renouvelables, mais il faut s’interroger sur celle de toutes les énergies. Nous avons l’impression qu’il y a là une bonne illustration du « deux poids, deux mesures » : nous avons accepté sans problème 200 000 pylônes supportant des lignes à haute tension sur le territoire national, mais 20 000 éoliennes seraient aujourd’hui inenvisageables. Pour évoquer les gaz de schiste, pensez-vous que nos compatriotes seraient prêts à voir un derrick au fond de leur jardin ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. M. Jacques Krabal a la parole au nom du groupe RRDP.

M. Jacques Krabal. Je voudrais tout d’abord vous remercier, monsieur le président, de cette double initiative : le présent débat et l’idée d’apporter une contribution au débat d’ensemble sur la transition énergétique et écologique. Une contribution unanime serait une excellente chose. Il me semble qu’elle est possible sur l’essentiel : la biodiversité, l’efficacité énergétique, l’économie verte, la nécessaire décentralisation des compétences énergétiques.

En revanche, je suis favorable à un taux de TVA à 5% pour les travaux de réhabilitation énergétique.

Un autre point qui me tient à cœur : il faut rappeler que la démocratie écologique se vit au quotidien, dans la proximité, par l’intermédiaire de nos collectivités. Notre commission est celle de l’aménagement du territoire : cette dimension doit figurer dans notre contribution. Celle-ci doit aussi réaffirmer la nécessité de l’information des citoyens et de la concertation avec eux au plus proche de leurs bassins de vie quotidienne.

Ensuite il me semble que notre commission a montré une sensibilité particulière en ce qui concerne les gaz et huiles de schiste. A ce sujet, je tiens à rappeler que les Radicaux sont, certes, des scientistes, favorables à la recherche scientifique, au progrès technique et humain. Mais nous ne voulons pas d’un progrès technique dans les mains des multinationales énergétiques qui dicteraient leurs volontés aux élus et aux décideurs, au mépris des considérations écologiques. Nous savons ce que cela a donné aux États-Unis ! Nous soutenons une recherche indépendante, encadrée par les pouvoirs publics.

L’immense sujet que constituent l’exploitation et le recours à la fracturation hydraulique présente sur un plan purement économique et financier des coûts majeurs en termes d’émissions de méthane, de besoins en eau et de conséquences sanitaires.

La vérité des prix doit être effectivement établie, sur tous les prix, mais avec une prise en compte de tous les coûts globaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Je me sens très proche des propos du président Chanteguet sur le rapport récemment présenté par l’OPECST. Ce rapport est très contestable. Même l’exploration est un marché de dupes, dans lequel nous ne devons pas tomber, et envisager cette perspective est totalement incohérent avec le processus de transition écologique qui s’est engagé sur tous nos territoires avec cette volonté de mix énergétique. Je souhaite que notre commission affirme une position claire et ferme, un choix collectif, dans cette contribution, dans la continuité des propos du président. J’évoquerai un exemple précis que je connais bien : à Château-Thierry, un permis d’exploitation a été délivré en 2009 sans aucune concertation, et le préfet a signé la semaine dernière un arrêté interdisant, certes, les forages horizontaux, mais autorisant les forages verticaux profonds. L’incompréhension et le mécontentement des citoyens sont justifiés ! Et puis la réflexion est actuellement en cours sur la réforme du code minier : pourquoi l’accélérer ?

Nous devons réaffirmer que la transition énergétique, ce sont de nouvelles perspectives de développement durable respectueuses de notre environnement, mais aussi un modèle économique plus vertueux et porteur d’emplois.

M. Yannick Favennec. Définir une politique énergétique, n’est-ce pas hiérarchiser des objectifs ? Le moment est venu de dire quelles sont nos priorités, pour les intégrer dans la future loi : voulons-nous rechercher l’indépendance énergétique ? Lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ? Préparer la période « post-carbone fossile » ? Développer des leaders industriels ? Créer des emplois ? Rechercher les prix les plus bas pour les usagers domestiques et industriels ? Peut-être tous ces objectifs à la fois. Il faut donc les classer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis entièrement d’accord avec vos propos.

M. Guillaume Chevrollier. Je partage avec vous, monsieur le président, quelques point de consensus : sur l’objectif de sobriété et d’efficacité énergétiques, sur l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, sur le verdissement, sur la gestion politique au niveau européen.

Mais je relève plusieurs points de divergence : s’agissant du nucléaire, je considère que la France détient un savoir-faire et qu’elle doit l’exploiter. J’émets des réserves sur le développement anarchique des énergies renouvelables, notamment de l’énergie éolienne qui implique une défiguration des paysages – préoccupation particulièrement forte dans mon département, où le bocage fait partie essentielle du patrimoine collectif. Je mets le développement durable au même niveau que le patrimoine paysager de notre pays. Je relève aussi que le coût des éoliennes et des panneaux photovoltaïques ne pourront qu’accentuer le déséquilibre de la balance commerciale, et que sur le terrain les extensions de réseaux ont un coût important, notamment dans les territoires ruraux. Il faut enfin reconnaître les problèmes environnementaux que posent ces énergies : intermittentes et fluctuantes, elles peuvent amener à recourir à des centrales à gaz ou à charbon, comme c’est le cas en Allemagne.

Il faut donc bien peser l’ensemble de ces éléments avant de prendre des décisions. Le débat sur la transition énergétique est parfaitement fondé !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Et il ne fait que commencer.

M. Michel Lesage. La transition énergétique passe bien par la sobriété, le verdissement, la décentralisation des compétences. J’avoue avoir besoin de précisions sur la question de l’autofinancement.

Beaucoup de ces actions relèvent de l’État ou de l’Union européenne : prenons garde aux visions trop centralisatrices en la matière. La mobilisation des territoires est nécessaire, il faut l’encourager. Elle est en cours : les collectivités adoptent des plans énergie, créent des agences locales de l’énergie. Il faut favoriser la diffusion de cette culture de responsabilité dans les territoires, auprès des élus et des citoyens. Il faut imaginer des productions d’énergie locales au plus proche des territoires : pour la Bretagne, l’enjeu majeur que constituent l’énergie marine et l’énergie éolienne offshore rend possible des consensus, y compris sur la question des paysages.

Cette dimension de mobilisation des territoires pourrait également être utilement intégrée dans notre contribution.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Elle le sera, à travers le compte-rendu de notre réunion.

Mme Sophie Rohfritsch. J’ai le sentiment que ce rapport permettra à notre commission de se positionner de manière centrale dans un débat qui peut, quelquefois, donner l’impression de nous échapper partiellement – y compris au sein de notre institution, où d’autres acteurs défendent parfois des visions différentes des nôtres.

Notre commission a vocation à être au cœur du débat sur la transition énergétique, de sorte que rien ne se passe sans que notre avis soit, au moins, sollicité.

Comme le projet de rapport le souligne très honnêtement, les avis des différentes formations politiques divergent sur certains points : le nucléaire, les gaz de schiste, etc. Au-delà de ceux-ci, il me semble que notre commission doit également s’attaquer à d’autres sujets extrêmement lourds, comme le fonctionnement de la Commission de régulation de l’énergie. Il faut avoir le courage, à son égard, de dire les choses nettement et de souligner, par exemple, que, si des décisions administratives continuent d’être prises sans consultation des responsables politiques, on restera sur un registre purement incantatoire et les actions seront inexistantes. Il en va de même des orientations de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de l’allocation de ses moyens budgétaires, etc.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Restons donc éveillés, vigilants et réactifs !

M. Yves Albarello. La question du nucléaire a déjà été abordée à plusieurs reprises. L’objectif ambitieux de réduction à 50 % de la part de l’atome dans la production d’électricité d’ici à 2025 implique, de facto, l’arrêt de vingt-deux tranches de 1 000 MW, soit deux tranches par an à partir de 2016. Le remplacement des capacités ne pourra se faire avec l’aide des seules énergies renouvelables ; il supposera donc l’ouverture de nouvelles centrales à charbon ou à gaz.

Le remplacement d’une tranche de 1 000 MW par un parc éolien de même puissance nécessite le doublement de celui-ci par une centrale thermique. L’Allemagne, souvent évoquée, doit ainsi prévoir à court terme 22 GW de capacités supplémentaires, en centrales à charbon ou à gaz. Chacun appréciera l’impact de telles décisions sur le bilan carbone d’un pays !

S’agissant du coût, la facture pétrolière et gazière de la France au titre du transport et du chauffage s’élève à 61 milliards d’euros pour 270 millions de tonnes-équivalent pétrole (MTep) – c’est-à-dire pratiquement l’équivalent de notre déficit commercial. Inversement, la production nationale actuelle d’énergie électrique, qui équivaut à 117 MTep, s’établit à 700 millions d’euros grâce au nucléaire.

Aux États-Unis, on mise actuellement beaucoup sur le stockage de l’énergie dans le cadre d’études poursuivies dans plusieurs grandes universités.

Je rappelle que la fermeture programmée de Fessenheim coûtera, à elle seule, 1,5 milliard d’euros. Si on ferme vingt tranches pour tenir l’objectif annoncé, la facture globale sera de l’ordre de 30 milliards d’euros.

La réduction de la part du nucléaire dans la fourniture d’énergie nationale ne peut donc être envisagée dans les délais prévus, c’est-à-dire d’ici à 2025, sans une perte financière considérable due à la mauvaise utilisation des moyens nucléaires existants et à la multiplication des centrales thermiques de substitution, impliquant de surcroit l’abandon des efforts consentis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Une utilisation optimisée des énergies renouvelables ne peut qu’être le fruit d’un programme de recherche, mené aux niveaux européen et international sur une durée minimale de l’ordre d’une décennie. Ce programme visera non seulement l’alimentation des réseaux électriques nationaux, mais aussi la mise en place de substituts au pétrole et au gaz pour le chauffage et les transports.

Mme Suzanne Tallard. Je voudrais simplement insister sur le fait que transition énergétique et transition écologique sont liées de manière indissociable.

Un consensus se révèle, au cours des débats, sur la nature des actions à mener. Il faut donc avancer sans tarder sur les voies ainsi ouvertes et sans attendre nécessairement l’obtention d’un accord global.

Le rôle des citoyens me semble essentiel pour assurer le succès de ces deux transitions. Ils sont le maillon nécessaire pour articuler les différentes échelles de territoire, pour mettre en place des politiques volontaristes, transversales, complexes et pérennes. Chacun doit jouer pleinement son rôle au niveau qui est le sien : État, collectivités territoriales, associations, experts, citoyens, etc. Il faudra organiser les conditions d’un grand débat démocratique.

M. Martial Saddier. Le projet de rapport est fidèle aux travaux de la commission, ce qui ne me surprend d’ailleurs pas venant de notre président.

La transition énergétique dans notre pays doit se déployer dans une perspective européenne. Il en va de la sécurité de nos approvisionnements, de l’interconnexion transfrontalière des réseaux, de la maitrise des impacts sur l’environnement – je rappelle, pour mémoire, que le nord de la France reçoit malheureusement des quantités importantes de particules fines émises dans des pays voisins, qui ont fait des choix énergétiques différents – ou encore de la compétitivité de nos entreprises et du portefeuille de nos concitoyens.

La transition devra s’inscrire dans une logique d’aménagement du territoire, car les sites de production ne sont pas toujours les sites de consommation.

Elle doit enfin être inspirée par des principes de justice sociale, ce qui signifie le maintien de la péréquation en matière énergétique, qui est au cœur du pacte qui gouverne la distribution d’électricité depuis 1946. Je suis, à titre personnel, très favorable à la décentralisation, tout en étant conscient que cette décentralisation peut, à un moment, se heurter à la logique propre de la péréquation.

Je terminerai en faisant part de mes craintes en matière d’évolution de la fiscalité. Le contexte budgétaire extrêmement difficile, que nous connaissons en 2013 et que nous connaitrons encore en 2014, peut avoir pour conséquence qu’une partie de la fiscalité écologique soit détournée de son objet initial pour alimenter le budget général de l’État. Je pense ainsi qu’un débat sur la fiscalité du diesel se justifie pleinement, mais que les efforts consentis sur les normes Euro 5 et Euro 6 conduisent à un rééquilibrage du parc à l’horizon de 2020, voire un partage plus favorable à l’essence qu’au diesel en 2022. Si le coût du diesel venait à augmenter, il faudrait que cet effort permette d’accélérer le renouvellement du parc ancien : je crains que tel ne soit pas le chemin que le Gouvernement se dispose à emprunter.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. S’agissant d’une aide au renouvellement du parc diesel ancien, le plus polluant, je confirme qu’une proposition en ce sens sera présentée par M. Christian de Perthuis, président du Comité pour la fiscalité écologique, le 13 juin prochain. J’ai d’ailleurs joué quelque rôle pour l’appuyer et j’en suis pleinement satisfait.

Sans revenir sur le fond du débat, nous constatons tous qu’il y a des consensus et des dissensus, des orientations, des interrogations, des questionnements. L’ensemble de ces remarques figureront dans le compte-rendu de cette réunion, lui-même annexé au rapport.

Il est essentiel, comme beaucoup l’ont souligné, que notre commission assume pleinement toutes ses responsabilités. L’exercice n’est pas toujours facile, notamment du fait de la répartition des compétences entre les commissions, décidée par nos prédécesseurs dans le prolongement de la réforme constitutionnelle de 2008. Il y a des superpositions, des chevauchements, quelquefois des concurrences. Il nous appartient d’essayer de gérer au mieux, ensemble, ces difficultés.

Si nous avons la réelle volonté de faire avancer le débat, dans le respect de nos engagements respectifs, je suis convaincu que nous réussirons. Je remercie tous les parlementaires de la commission pour leur investissement dans nos travaux.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 11 juin 2013 à 16 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Suzanne Tallard.

Excusés. - M. Alexis Bachelay, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal.