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Mardi 10 septembre 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 88

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport définitif de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (dites « filières REP ») (MM. Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, rapporteurs).

– Informations relatives à la commission.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a présenté le rapport définitif de la mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (dites « filières REP ») (MM. Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, rapporteurs).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable a créé, le 20 février 2013, une mission d’information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs, dites filières REP. Les deux rapporteurs, Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, ont procédé à une cinquantaine d’auditions. Ils ont présenté l’état d’avancement de leurs travaux sous la forme d’un rapport d’étape, les 9 et 10 juillet derniers, et ont souhaité présenter leur rapport final avant la prochaine conférence environnementale des 20 et 21 septembre, dont l’une des tables rondes portera sur l’économie circulaire et les déchets.

M. Guillaume Chevrollier, co-rapporteur. La prise en charge de tout ou partie de la gestion, par les acteurs économiques dits « metteurs en marché », des déchets générés par leurs produits constitue une application du principe « pollueur-payeur ». Identifié dans le courant des années soixante-dix par l’Organisation de coopération et de développement économiques, ce principe se traduit par une responsabilité du producteur élargie à la fin de vie de ses produits. La France a longtemps fait figure de pionnière dans la mise en place de filières fondées sur ce principe. Notre rapport dresse un état des lieux des filières REP et formule un certain nombre de propositions visant à placer ces filières au cœur de l’économie circulaire : il invite ainsi à une meilleure intégration du recyclage dans la politique industrielle de notre pays, il formule des recommandations pour aider les collectivités locales à optimiser leur gestion des déchets et il propose des modifications de périmètre des filières existantes ainsi que des mesures pour renforcer le contrôle de l’État sur les éco-organismes ; enfin, il défend le rôle original et positif joué par l’économie sociale et solidaire (ESS), et en appelle aussi à une véritable régulation des éco-organismes, dans un but de simplification et de clarification du rôle et des pouvoirs de chacun dans le secteur des déchets.

Ce rapport, qui a vocation à alimenter les travaux de la Conférence environnementale des 20-21 septembre prochains, est le fruit d’une cinquantaine d’auditions réalisées en quelques semaines – ADEME, représentants des éco-organismes, syndicats d’entreprises du secteur du traitement des déchets, associations d’élus, censeurs d’État, Autorité de la concurrence, organisations de l’ESS, metteurs sur le marché, etc. – complétées par une visite de terrain, en Mayenne.

La mission s’est inscrite dans un contexte marqué par le développement continu des filières REP au cours des années récentes, de la loi de 1975 sur les déchets à la mise en œuvre des dispositions de la loi « Grenelle II ». Les montants en jeu sont aujourd’hui très importants : 926 millions d'euros d’éco-contributions perçues par les éco-organismes en 2011, 1,4 milliard d'euros prévus en 2015 ; les reversements aux collectivités locales d’un éco-organisme comme Eco-emballages atteignent actuellement 653 millions d'euros par an. Pourtant, un rapport d’avril 2012 du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie a prôné une « pause » dans l’extension des filières REP et n’envisageait une évolution du champ de la REP qu’après la mise en évidence de son opportunité. Concomitamment, un avis de l’Autorité de la concurrence a pointé le danger des situations monopolistiques et un certain défaut de transparence des éco-organismes, et chacun sait que les relations entre les collectivités locales et certains des éco-organismes sont parfois tendues.

Les filières REP se caractérisent par des modalités d’organisation et de fonctionnement hétérogènes. Au fondement du principe de la REP se trouve l’article L. 541-10 du Code de l’environnement, aux termes duquel « il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs [des] produits [mis sur le marché] ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui en proviennent. ». De ce principe découle un ensemble de caractéristiques communes à toutes les filières : l’instauration d’une éco-contribution lors de la mise sur le marché d’un produit, afin de couvrir tout ou partie des coûts de gestion du produit une fois celui-ci usagé (ou alors l’instauration d’un système individuel de gestion, pouvant notamment reposer sur la consigne) ; la modulation de l’éco-contribution en fonction de critères environnementaux relatifs à la gestion de la fin de vie des produits, afin d’inciter les producteurs à développer l’éco-conception ; l’information des détenteurs et des usagers afin de les inciter à trier correctement, en concertation avec tous les acteurs ; l’organisation d’un suivi pour vérifier si les objectifs qualitatifs et quantitatifs visés sont atteints, de contrôles et, le cas échéant, d’un système de sanctions pour les producteurs qui ne respecteraient pas la réglementation ; l’agrément, pour une durée limitée, des organisations collectives de gestion remplissant les conditions requises (éco-organismes).

En pratique, les filières REP suivent deux modalités organisationnelles principales. Dans le cadre du schéma dit « individuel », le responsable de la mise sur le marché assume lui-même la collecte et le traitement des déchets, à concurrence de sa part de marché ou au titre des seuls produits qu’il a effectivement mis sur le marché. Dans le cadre d’un schéma dit « collectif », les producteurs transfèrent leur responsabilité à un organisme collectif, dénommé « éco–organisme », auquel ils adhèrent et dont ils assurent la gouvernance. En contrepartie, l’éco–organisme perçoit une rémunération (éco–contribution) pour mettre en œuvre une organisation permettant de satisfaire la responsabilité des producteurs au regard de l’ensemble des obligations réglementaires. L’éco–organisme est agréé par les pouvoirs publics, sur la base d’un cahier des charges qui fixe l’ensemble des objectifs à atteindre, précise ses relations avec les différents acteurs (metteurs sur le marché, collectivités territoriales, opérateurs de reprise et du recyclage) et détermine les conditions de suivi et de contrôle pendant la période d’agrément – dont la durée est, en général, de six ans.

Dans le cadre d’un schéma collectif, le plus caractéristique des filières REP, deux modalités de structuration des éco–organismes sont à leur tour possibles. Dans l’hypothèse d’un éco–organisme de type « financeur », la responsabilité du producteur qu’il assume est uniquement financière. Son action consiste alors principalement à collecter les éco-contributions dues par les metteurs en marché et à verser des soutiens financiers à certains acteurs, comme les collectivités territoriales : c’est le cas, par exemple, de la filière des emballages ménagers ou de celle des papiers graphiques. Dans l’hypothèse d’un éco-organisme de type « opérationnel », la responsabilité du producteur qu’il assume porte sur la collecte et le traitement des produits usagés. Il fait alors appel à des prestataires sélectionnés sur appel d’offres comme, par exemple, pour les pneumatiques, les piles et accumulateurs ou les équipements électriques et électroniques.

De manière générale, la gouvernance des REP apparaît donc complexe, avec une multitude d’acteurs aux objectifs, responsabilités et moyens extrêmement variables – État, ADEME, collectivités locales, éco-organismes, metteurs sur le marché, prestataires de traitement, etc. – et une lisibilité et une transparence faibles.

Il existe aujourd’hui, en France, une vingtaine de filières de REP en fonctionnement. Celles-ci peuvent être regroupées en quatre catégories principales.

Un premier ensemble est composé des filières issues d’une réglementation REP européenne impérative, qui a été transposée sans modifications en droit français. Il s’agit :

– de la filière des piles et accumulateurs (P&A) ; opérationnelle depuis 2001, elle est l’une des moins structurées puisqu’elle compte deux éco-organismes pour les P&A portables (Corépile et Screlec), aucun système collectif ou individuel pour les P&A automobiles et un système individuel pour les P&A industriels ;

– de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques, dits « D3E » ; elle prend en charge 1,6 million de tonnes de déchets par an, repose largement sur les quatre éco-organismes agréés pour les D3E ménagers (Récylum, Ecologic, Eco-systèmes, ERP), et est appelée à continuer de croitre rapidement, puisque les résultats atteints se situent seulement à mi-parcours des objectifs quantitatifs fixés par l’Union européenne ;

– de la filière des véhicules hors d’usage (VHU) : récente et en cours de structuration, elle repose sur le réseau de centres VHU agréés mis en place par les constructeurs et qui reprennent gratuitement les véhicules amenés par leurs détenteurs. Elle apparaît néanmoins fragilisée par la concurrence opérée par un ensemble de centres illégaux.

Un deuxième ensemble est représenté par les filières REP reposant sur des directives européennes sectorielles, que le législateur français a choisi de transposer à travers la mise en place de telles filières. Il s’agit :

– des huiles minérales ou synthétiques usagées (lubrifiants) : « doyenne » des filières REP, créée en 1979, cette filière connaît un fonctionnement atypique, puisque les metteurs sur le marché payent au budget de l’État une TGAP et qu’ils n’ont, inversement, pas de responsabilité directe dans la gestion de la filière (réseau de « ramasseurs » agréés par les préfets) ;

– des emballages ménagers : il s’agit d’une filière centrale et emblématique des filières REP, par le volume des déchets pris en charge (gisement de 4,7 millions de tonnes en 2010) ainsi que la présence sur tout le territoire, la taille et les moyens des éco-organismes concernés (Eco-emballages et Adelphe) ;

– des fluides frigorigènes fluorés : cette petite filière organise la reprise des substances utilisées dans les systèmes de refroidissement par les metteurs sur le marché ;

– des médicaments à usage humain non utilisés : la filière est issue d’une initiative volontaire des laboratoires et des pharmaciens, dans le cadre de l’association Cyclamed, qui s’est ensuite trouvée intégrée dans un cadre européen (directive de 2004).

Un troisième ensemble regroupe les filières REP issues d’une réglementation purement française. Il s’agit :

– des pneumatiques : cette filière date de 2002 et affiche d’excellents résultats, avec près de 100 % de valorisation des flux annuels de déchets. Son organisation est, en revanche, particulièrement complexe, puisque les manufacturiers de pneumatiques ont créé la société Aliapur, un groupement d’importateurs s’appuie sur le GIE France recyclage pneumatiques, certains metteurs sur le marché agissent seuls et l’association Recyvalor a été créée pour prendre en charge le stock « historique » de pneumatiques antérieurs à 2002 ;

– des papiers graphiques : déployée autour de l’éco-organisme Ecofolio, la filière a bénéficié d’élargissements successifs de son périmètre au cours des années récentes et se trouve aujourd’hui confrontée à la question délicate de la captation du « gisement » de la presse et de l’édition (livres) ;

– des textiles, du linge de maison et des chaussures (TLC) : récente et structurée autour de l’éco-organisme Eco-TLC, cette filière s’assigne pour objectif de moyen terme la prise en charge de 50 % des TLC consommés annuellement par les ménages (350 000 tonnes environ), en privilégiant la réutilisation et le recyclage et en favorisant la création d’emplois d’insertion ;

– des déchets d’activités de soin à risque infectieux (DASRI) : c’est une toute petite filière récente, issue de la loi « Grenelle II », avec un gisement modeste (360 tonnes/an) et très dispersé. Elle vise à prendre en charge les déchets perforants générés par les patients en auto-traitement ;

– des déchets d’éléments d’ameublement (DEA) : opérationnelle depuis le printemps dernier, cette filière est appelée à devenir l’une des plus importantes, puisque le gisement est estimé à 2,7 millions de tonnes de déchets d'éléments d'ameublement ménagers et non ménagers. Elle est en cours de structuration autour des éco-organismes Ecomobilier et Valdelia, mais la mise en œuvre apparaît compliquée. Par ailleurs, l’application d’un barème contributif « au poids » suscite l’inquiétude de certains artisans et PME, metteurs sur le marché de meubles en bois massif de meilleure qualité et plus lourds que leurs équivalents en aggloméré ;

– des déchets diffus spécifiques (DDS) des ménages : jeune filière également issue des dispositions de la loi « Grenelle II » et en cours de structuration depuis le début de 2013, elle est appelée à prendre en charge les produits vendus au détail et pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement comme les peintures, les vernis, les colles, les solvants, les produits phytopharmaceutiques, etc. ;

– des bouteilles de gaz : si le principe de la création d’une telle filière remonte au Grenelle de l’environnement, le décret d’application destiné à l’organiser n’a été publié que le 30 décembre 2012 et sa structuration est en cours.

Une quatrième catégorie regroupe les filières REP purement volontaires, issues de l’action spontanée des metteurs sur le marché et concernant :

– des produits de l’agrofourniture ; la société Adivalor, créée en 2001, couvre un domaine très vaste, comme les emballages vides de produits phytopharmaceutiques, les produits phytopharmaceutiques non utilisables, les emballages, les films agricoles, etc. La filière pourrait s’étendre demain aux équipements de protection individuelle (gants, combinaisons, etc.) et à certains produits d’hygiène ;

– des cartouches d’impression bureautique : alors qu’on estime que 81 millions de cartouches d’impression bureautique sont consommées annuellement en France, un accord-cadre a été signé en 2011 entre le ministère chargé de l’écologie et les professionnels du secteur, avec l’objectif d’un taux de réutilisation et de recyclage de 70 % en 2015.

M. Jean-Jacques Cottel, co-rapporteur. Pour formuler nos propositions, nous sommes partis, du constat suivant : les objectifs fixés par les deux lois Grenelle impliquent un saut à la fois qualitatif et quantitatif dans les années qui viennent, à horizon 2020. Nous avons été convaincus, au fil de nos auditions, par la nécessité, compte tenu du nombre important de filières REP de création récente, de ne pas céder à la tentation d’en créer de nouvelles. Notre volonté a été également de ne pas passer sous silence les critiques formulées à l’encontre des éco-organismes, notamment par les collectivités locales. Dans nos choix, nous avons privilégié les mesures susceptibles de favoriser la création d’emplois dans les territoires, non délocalisables et du plus haut niveau de qualification possible. Les professionnels du secteur nous ont convaincus, enfin, de la nécessité de voir l’activité normative autour des déchets marquer une pause, et de contribuer à la simplification des contraintes pesant sur les entreprises du secteur, qui sont souvent, dans les territoires, des PME-PMI.

Je voudrais revenir sur une de nos propositions : celle qui vise à faire du recyclage l’une des priorités stratégiques de notre politique industrielle. Dans un contexte de tensions persistantes sur le marché des matières premières, le recyclage des déchets et la fabrication de matières premières secondaires constituera un enjeu économique majeur dans les années à venir. Cela permettra de desserrer l’étau de la dépendance au cours desdites matières et d’augmenter dans le même temps la productivité matérielle, c’est-à-dire le rapport du PIB sur la quantité totale de matière qui entre physiquement dans l’économie française. Cette démarche sera créatrice d’emplois – pour la plupart, non délocalisables, puisque liés à notre gisement hexagonal – et de croissance. Elle permettra aussi de diminuer l’impact sur l’environnement de la production, le recyclage ayant de ce point de vue un avantage comparatif par rapport à l’extraction de ressources naturelles, à l’incinération ou au stockage.

Afin de donner une impulsion politique forte à cette orientation à la fois nouvelle, transversale et multisectorielle, nous suggérons la création d’une fonction de délégué interministériel au recyclage et aux matières premières secondaires, afin de personnifier la lutte pour le développement d’un potentiel industriel nouveau, pour lequel notre pays dispose d’atouts forts et d’une antériorité certaine. Cette création nous permettra de disposer, au sein de l’appareil d’État, d’un relais à la fois souple et efficace, capable de suivre tous les aspects du recyclage (réglementaire, industriel, local, international), d’en maîtriser les enjeux et d’en accélérer l’essor. On peut imaginer que ce délégué interministériel soit rattaché directement au Premier ministre, afin d’asseoir, notamment, la vocation transversale et interministérielle de sa mission. Il pourrait également constituer un interlocuteur de haut niveau à la fois pour les collectivités locales et pour les industriels du recyclage et, le cas échéant, pour les éco-organismes.

Nous proposons également des mesures visant à optimiser la gestion, par les collectivités locales, de leurs obligations en matière de collecte et de tri de déchets ménagers. Lors de la présentation de notre rapport d’étape, nous avions détaillé celles relatives à la redevance dite incitative et à la TGAP s’appliquant à l’enfouissement et à l’incinération des déchets ménagers résiduels. Suite aux remarques qui nous avaient été formulées, nous avons détaillé la mise en place d’une « REOM » dans une collectivité majoritairement urbaine, celle du Grand Besançon, que notre collègue Éric Alauzet avait évoquée en détail. Bien que sa mise en place soit assez récente, cette expérience affiche des objectifs ambitieux : réduire la production de déchets de 35 % en zone pavillonnaire et de 12 % en habitat collectif. Pour assurer le respect des règles de collecte mises en place, le Grand Besançon a utilisé son pouvoir de police spéciale prévu à l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales, des agents assermentés se trouvant habilités à constater les infractions, comme les dépôts sauvages ou les feux de déchets, et à faire respecter les règles de collecte et de tri.

Nous nous sommes également intéressés à l’expérience menée dans une autre grande agglomération de 500 000 habitants, celle de Nantes, auprès des professionnels - les administrations et les entreprises - au moyen d’une redevance spéciale.

Deux autres propositions méritent que nous nous y arrêtions : l’harmonisation de la couleur de bacs de collecte et la gestion des déchetteries. S’agissant de la première, nous estimons qu’elle doit devenir une priorité pour les collectivités locales. En effet, l’efficacité de toute la chaîne de traitement des déchets pâtit du système actuel, trop hétérogène et parfois incompréhensible pour les usagers. Les messages qui leur sont transmis grâce aux campagnes nationales d’information relatives au geste de tri sont parfois brouillés par la disparité organisationnelle observée sur le terrain. Une étude menée par l’ADEME au plan européen a montré que le message transmis à l’occasion de telles campagnes est d’autant mieux perçu qu’il correspond au schéma de collecte utilisé au quotidien. Ce constat a été largement partagé lors du Grenelle de l’environnement. En effet, l’article 199 de la loi Grenelle II dispose « qu’au plus tard le 1er janvier 2011, un dispositif harmonisé de consignes de tri sur les emballages ménagers est défini pour être mis en œuvre au plus tard au 1er janvier 2015. » Cette harmonisation peut être évolutive pour les collectivités concernées : nous proposons qu’elle se fasse au fur et à mesure du remplacement des équipements, donc sans incidence sur les dépenses, un parc de bacs de collecte ayant une espérance de vie de l’ordre de 5 à 10 ans.

La seconde proposition a trait aux déchetteries : celles-ci doivent mettre en place des contrôles des dépôts effectués par les particuliers et par les professionnels, et se protéger contre les actes de vandalisme ou de vol dont elles peuvent être victimes. Dans le même temps, nous réaffirmons la nécessité d’un plan de gestion des déchets, à l’échelon territorial le plus pertinent, de façon à harmoniser l’implantation et l’utilisation des équipements de traitement, ce qui devrait permettre, dans certains cas, de réaliser des économies d’échelle.

S’agissant des filières REP elles-mêmes, nous suggérons de revoir dans certains cas leur périmètre. Dans la filière papier, l’exonération de contributeurs importants – comme la presse et les documents officiels – constitue un manque-à-gagner de 75 millions d’euros par an ! Le projet de loi de finances pour 2014 nous permettra sans doute d’examiner cette question plus en détail. La filière emballages pourrait inclure les films plastique, celle des médicaments non utilisés les médicaments vétérinaires destinés aux animaux de compagnie. Cette volonté s’accompagne du souhait de voir notre pays marquer une pause dans la création de nouvelles filières, même si nous préconisons dans le même temps une réflexion sur les 30 % de déchets ménagers non encore soumis à éco-contribution – les mouchoirs et papiers jetables, les jouets, les couches culottes –. Certaines filières doivent se réorganiser : c’est le cas des « DEEE », qui, avec Recylum, Eco-Logic, Eco-system et ERP, comptent quatre éco-organismes, ou des déchets d’éléments d’ameublement, avec Valdelia et Eco-mobilier.

La lutte contre la fraude, les sites illégaux ou les exportations « sauvages » doit devenir une priorité des pouvoirs publics. Il est vrai que des mesures énergiques ont récemment été prises dans la filière dite « VHU » (véhicules hors d’usage), et nous nous en félicitons. Il faut par ailleurs rendre les amendes administratives plus effectives et dissuasives dans les cas de non-déclaration de mise sur le marché, ce qui arrive parfois lorsque les metteurs en marché sont des « pure-players » – qui utilisent uniquement Internet comme canal de distribution – implantés en dehors de nos frontières.

Enfin, la communication autour du geste de tri doit faire l’objet d’une réflexion approfondie visant à une meilleure coordination des outils et à une harmonisation effective des messages, en associant les éco-organismes, les collectivités locales, l’État et l’ADEME. Des projets de coordination sont en gestation au sein de différents éco-organismes et devraient voir le jour avant la fin de 2013 : nous les appelons de nos vœux. Certaines campagnes fonctionnent néanmoins déjà assez bien : on peut citer Info-tri ou celle mettant en scène « M. Papillon » en 2012. Nous croyons qu’il faut évaluer les actions de communication menées par les différents acteurs du secteur, et fixer avec ceux-ci, mais sous l’autorité de l’État, des objectifs ambitieux en termes de notoriété, d’identification et d’efficacité des campagnes. Celles-ci pourraient faire l’objet d’un financement par un fonds dédié, abondé par exemple par une partie des recettes de tous les éco-organismes.

Nous allons en définitive entrer dans la logique de l’économie circulaire, qu’on peut définir en trois mots : récupérer, valoriser, produire, plutôt qu’extraire, produire, jeter. Nous faisons état dans notre rapport de plusieurs exemples allant dans ce sens, comme la fabrication par le Relais d’un isolant thermique et acoustique pour le bâtiment à partir de fibres de jeans usagés, ou la production, à partir de résidus de pneumatiques, de sols d’aires de jeux pour enfants ou de manèges pour les chevaux, ou enfin les initiatives de l’industrie papetière dans le domaine du papier recyclé.

M. Guillaume Chevrollier, co-rapporteur. En matière de déchets, comme dans beaucoup d’autres domaines, la France peut faire mieux et plus simple. Tous les acteurs aspirent à ce que le système et les différentes filières bénéficient de plus de stabilité, de simplicité et de lisibilité. De même, des progrès sont possibles en matière de transparence de certains éco-organismes.

Il convient de développer des actions volontaristes auprès des collectivités locales, afin que les couleurs des bacs de tri soient harmonisées à l’échelon national.

Nous défendons également l’idée d’une mutualisation partielle des dépenses de communication des éco-organismes, afin d’en limiter le coût tout en accroissant la portée des campagnes de sensibilisation au geste de tri. Cette éducation doit s’engager dès l’école primaire, afin que nos enfants aient conscience que les déchets, convenablement et intelligemment valorisés, constituent de véritables « mines urbaines ».

La responsabilité du politique est donc essentielle. Il lui revient d’impulser les actions qui feront évoluer les comportements et les pratiques. Il lui appartient de faire émerger une économie véritablement circulaire, afin de refaire de la France une terre de production et selon le principe que « les déchets d’aujourd’hui feront la croissance de demain ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souhaiterais rappeler que le nouveau ministre de l’Écologie, M. Philippe Martin, qui sera auditionné par la Commission, mercredi 17 septembre, a participé à un colloque sur l’économie circulaire, en Gironde, où il a privilégié trois axes pour réorienter la politique des déchets : l’écoconception, les filières REP et la durée de vie des produits.

Dans votre rapport, j’ai noté avec intérêt la nécessité de mettre en œuvre une véritable politique de communication pour l’ensemble des éco-organismes et de créer une autorité ou une structure qui supervise l’activité des éco-organismes. Cela me paraît d’autant plus souhaitable que la puissance publique a tout son mot à dire sur les orientations à arrêter.

Compte tenu du fait que l’un des premiers objectifs de la politique des déchets est la réduction de leur volume, ne pensez-vous pas que les montants des éco-contributions versées devraient aussi prendre en compte les efforts entrepris en matière d’écoconception  par les metteurs sur le marché des produits ? Un lien entre l’écoconception et l’éco-contribution serait nécessaire car seules des incitations fortes permettront le développement d’une économie circulaire.

M. Jean-Yves Caullet. La question du recyclage est une donnée stratégique au niveau macroéconomique, mais également dans certains secteurs comme celui du bois, que je connais particulièrement bien : on y retrouve des enjeux et des préconisations analogues en matière de tri ou de réutilisation, par exemple.

La modulation des éco-contributions me semble constituer un outil très important pour rééquilibrer le déficit « caché » de notre commerce extérieur – à savoir le coût du traitement des biens importés, qui pèse sur notre économie et notre compétitivité : de piètre qualité parfois et rarement conçus en fonction d’un recyclage ultérieur, ces produits induisent pour nous des coûts de collecte et de traitement substantiels. Différencier le montant de l’éco-contribution due permet de réduire le déséquilibre ainsi créé et d’inciter à l’importation de produits mieux conçus et plus vertueux au plan écologique.

La question de l’éco-conception des produits d’usage fréquent doit aussi être posée. Le mélange des matériaux d’emballage – papiers, films plastiques, bois, métal, etc. – rend matériellement presque impossible le geste civique de tri et plonge régulièrement nos concitoyens dans une insondable perplexité au pied des bacs… avant que tout ne termine en vrac dans la poubelle ménagère.

Il faut également que nous nous interrogions sur les potentialités offertes par la « logistique inverse » : collecter et concentrer, c’est l’inverse de la distribution et du circuit de vente. N’est-il pas regrettable que la réglementation applicable aux transports rende parfois compliquée l’utilisation du même véhicule pour distribuer et récupérer ? Une entreprise de recyclage de pneus, de rang international et située dans ma circonscription, se trouve ainsi interdite d’utiliser ses véhicules pour ramener également des lubrifiants usagés. Plus généralement, la réglementation propre aux déchets est distincte de celle applicable aux matières premières d’origine : la distinction se justifie pleinement dans certains cas, elle est source de difficultés dans d’autres.

En matière de déchets, les contrôles et les incitations nationaux sont certes utiles et souhaitables. Mais il faut, de surcroît, que les pouvoirs publics sachent maintenir le niveau de leur propre compétence technique, si l’on ne veut pas que se creuse un fossé entre un discours exclusivement administrativo-financier, d’une part, et les réalités techniques et environnementales qu’affrontent quotidiennement les professionnels du traitement, d’autre part.

M. Jacques Kossowski. Vous insistez sur notre savoir-faire industriel en matière de recyclage, ce qui me paraît tout à fait pertinent, car notre réseau de PME-PMI-ETI dispose en la matière d’atouts importants. Avez-vous pu évaluer le potentiel de la filière en termes de créations d’emplois, en particulier si son développement fait l’objet d’un véritable soutien à l’international ?

Vous avez mentionné l’importance de la sensibilisation au geste de tri de la jeunesse : cela revêt à mon sens une importance déterminante, les enfants se révélant non seulement très sensibles à ce type de préoccupations, mais également prescripteurs dans leur environnement familial. Quelles mesures avez-vous envisagé pour améliorer et généraliser cette sensibilisation ?

M. Bertrand Pancher. Économie circulaire : tout le monde n’a plus que ce mot à la bouche ! (Sourires) La réalité du fonctionnement de notre système de traitement des déchets ne justifie pas un tel enthousiasme : ses résultats s’avèrent médiocres. Nous devons atteindre un taux de recyclage de 50 % en 2020 – cela figurait dans les objectifs du Grenelle – alors que ce taux plafonne à 33 % aujourd’hui. Nous devons utiliser à plein les outils fiscaux que sont la TGAP et la TVA : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen du projet de loi de finances.

Le second chantier reste le fonctionnement des filières REP, marqué par un éparpillement, un fonctionnement souvent incompréhensible, un pilotage de l’État défaillant et l’absence cruellement ressentie d’une autorité de régulation.

Je donnerai quatre exemples des déconvenues rencontrées depuis le Grenelle : l’harmonisation des consignes de tri – on nous avait dit à l’époque : « ca va se faire tout seul » – , la mise en place de la filière des déchets d’ameublement depuis le 1er janvier 2013, les débuts chaotiques de la filière DASRI – dont l’origine remonte à un amendement dans la loi Grenelle II – avec des menaces de grèves des pharmaciens d’officine, et enfin la situation d’Eco-emballages, qui dispose de 150 millions d’euros de provisions mais qui ne s’acquitte pas de son obligation de couverture de 80 % des coûts de traitement. Sur ce dernier point, on en est loin.

En résumé, il y a loin de la coupe aux lèvres : créer une instance de régulation de type CRE pourrait faire avancer les choses dans le bon sens. Sans cela risque de se reposer chaque année le problème lancinant du financement du système par les collectivités locales, et celui de sa compréhension de moins en moins aisée par les usagers.

M. Patrice Carvalho. Les déchets constituent une problématique complexe pour les élus qui ont à les gérer. Les portes et fenêtres, par exemple, représentent des poids et des volumes très importants, avec un ensemble de matières comme le bois, le métal, le verre ou le plastique à recycler séparément. Il en va de même des déchets de chantiers de déconstruction, puisque si les parpaings sont aisément recyclés, il n’en va pas de même de la laine de verre ou de la laine de roche.

La baisse du volume des déchets, mise en avant par certaines collectivités, doit être regardée avec beaucoup de prudence : elle peut en effet dissimuler la renonciation pure et simple, par ces collectivités, à collecter certaines familles de déchets. Tous ces déchets se retrouvent en pleine nature ou sur les bas-côtés, sans qu’on veuille trop y prêter attention.

Il faut par ailleurs dénoncer l’anomalie de la TGAP : ceux qui se battent pour une valorisation intelligente sont soumis à une TGAP en croissance rapide, alors que ceux qui ont fait le choix de l’incinération n’y sont pratiquement pas assujettis.

M. François-Michel Lambert. Le projet de rapport montre bien la complexité d’ensemble du domaine, due à la diversité des approches et des filières. J’ai notamment apprécié le souci qui s’y exprime de rester au plus près du concret et des réalités pratiques, comme l’harmonisation des couleurs des bacs de tri, la visibilité de certaines taxes et redevances, l’homogénéisation de la communication ou encore la professionnalisation de certains éco-organismes.

Il me semble néanmoins que votre mission n’a pu couvrir qu’un pan de la problématique plus large de l’économie circulaire, qui couvre selon l’ADEME l’éco-conception, l’éco-fonctionnalité, l’écologie industrielle, le triptyque réutilisation-réparation-réemploi et, en fin de cycle, la collecte et le recyclage des déchets.

Intervenant dans le cadre d’un forum sur l’économie circulaire, qui s’est tenu le 30 août dernier à Saint-Emilion, le ministre chargé de l’écologie Philippe Martin a cité trois enjeux. En premier lieu, l’économie circulaire est un changement de nos modes de production et de consommation, qui suppose une vision globale du cycle de vie du produit, appelle le développement de l’éco-conception et s’appuie sur la modulation des éco-contributions en fonction de la qualité environnementale des produits. En second lieu, il faut tendre à la valorisation complète des déchets et à l’exploitation de nos « mines urbaines » dans le cadre de schémas industriels innovants. En troisième lieu, de telles démarches ne peuvent se concevoir qu’inscrites dans des projets de territoire.

Ne faudrait-il pas aller plus loin et envisager de véritables « États généraux de l’économie circulaire », ne faudrait-il pas mettre en place un délégué interministériel à l’économie circulaire aux compétences plus étendues encore que celui que vous proposez ?

M. Olivier Falorni. Comme mon collègue Jacques Krabal, président du groupe d’études sur le papier, je souhaite revenir sur l’extension du périmètre de la filière, à laquelle je suis comme lui tout à fait favorable. La situation actuelle s’avère injuste, 34 % du gisement – soit un manque-à-gagner de 75 millions d’euros – échappant au financement de la fin de vie des produits, qui incombe, sans qu’il en soit toujours pleinement conscient, à la collectivité, donc au contribuable. Votre suggestion de faire contribuer la presse quotidienne d’information générale sous forme de mise à disposition d’espaces publicitaires me paraît judicieuse.

De la même façon, votre suggestion d’élargir le périmètre de la filière dite « MNU » (médicaments non utilisés) aux médicaments vétérinaires pour animaux domestiques, en milieu urbain, me paraît de nature à combler un manque, ce type de déchets se retrouvant actuellement dans les ordures résiduelles. Dans le même ordre d’idée, il faudra à mon sens envisager d’étendre le périmètre de la filière emballages aux déchets des professionnels que sont les cafés, hôtels et restaurants. Qu’en pensez-vous ?

M. Christophe Bouillon. Votre suggestion de créer une fonction de délégué interministériel au recyclage et aux matières premières secondaires répond à l’enjeu de coordination de la mise en exploitation de ce que vous avez appelé à juste titre les « mines urbaines ».

Dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, dont vous reconnaissez le rôle central dans notre économie de traitement des déchets, les petites associations qui font un travail remarquable sur le terrain manquent souvent de relais logistiques pour se développer. Quelles mesures suggérez-vous afin par exemple de leur faciliter l’accès à la commande publique ?

M. Claude de Ganay. Quelles conséquences la mise en place d’une éco-contribution est-elle susceptible d’avoir sur la filière des déchets d’éléments d’ameublement (DEA), dans le cadre des marchés de travaux ? Le secteur du bâtiment, aujourd’hui durement touché par la crise, devra bientôt s’acquitter d’une telle contribution, qui sera variable selon la destination des locaux (professionnels ou ménagers) et conduit à la création de deux éco-organismes supplémentaires. La gestion des DEA soulève des difficultés réelles pour les marchés de travaux, qui sont souvent de longue durée et nécessitent fréquemment des ajustements avec les clients.

La mise en place de cette contribution aboutira à faire supporter aux entreprises du bâtiment des coûts administratifs difficilement supportables. Auriez-vous des précisions à m’apporter sur ce point et des pistes d’amélioration sont-elles envisageables ?

M. Yannick Favennec. Je m’interroge également sur les modalités de gestion des déchets d’ameublement et les conséquences de la mise en place de la filière sur les artisans et les petites entreprises. Ces modalités semblent inadaptées aux marchés de travaux, car ceux-ci s’étendent sur des périodes parfois longues ; la filière est génératrice de coûts et d’une complexité administrative démesurés pour les entreprises. La crainte s’exprime de voir ces écotaxes se multiplier à l’avenir, car tous les produits et intrants utilisés au cours de l’exécution du marché sont autant de déchets en puissance.

Les professionnels du bâtiment estiment donc que la responsabilité élargie du producteur est source de complexité, génératrice de contraintes en aval et inadaptée à la réalité de leurs métiers. Que proposez-vous pour faire évoluer la fiscalité des déchets et optimiser le fonctionnement opérationnel des éco-organismes ?

M. Philippe Plisson. L’article 46 de la loi « Grenelle I », voté à l’unanimité, portait sur le régime de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Appliquée dès 2009 avec, pour conséquence, un prélèvement supplémentaire de 100 millions d’euros sur les collectivités territoriales, cette taxe pèse lourdement sur leurs finances. La méthode de calcul employée minimise le coût réel de la gestion des déchets d’emballage : non-prise en compte de la TVA dans le calcul de ce coût de gestion (– 40 millions d'euros par an) ; non-prise en compte de la totalité de la TGAP sur ces déchets dans le coût national (- 15 millions d'euros) ; prise en compte minimale de l’actualisation des coûts (- 50 millions d'euros) ; non-prise en compte du poids des restes alimentaires (– 60 millions d'euros). Sur l’ensemble de ces sujets, peut-on espérer que les arbitrages à venir se feront au bénéfice des collectivités – plutôt qu’en faveur de la grande distribution ou des multinationales ?

M. Jean-Pierre Vigier. Nos rapporteurs présentent plusieurs propositions, notamment l’idée d’instituer un délégué interministériel au recyclage et aux matières premières secondaires ou celle de réduire l’enfouissement par une redevance « désincitative ». Il semble que le Gouvernement, après la conférence environnementale de septembre, envisage une loi-cadre pour cet automne. Deux mois après votre rapport d’étape, estimez-vous avoir été entendus par le Gouvernement ? Outre les quatre priorités identifiées dans votre rapport, quelles sont les mesures que vous estimez indispensables pour mener une politique des déchets rapide, efficace et surtout viable financièrement ?

M. Jean-Luc Moudenc. La Commission européenne prépare actuellement son plan de prévention des déchets pour la période 2014-2020. Les objectifs retenus dans ce cadre me paraissent fort ambitieux, comme celui d’atteindre un taux de valorisation des déchets organiques ou bio-déchets de 75 %, qui implique de mettre en place une collecte séparée, notamment pour les ménages. Quel est votre avis sur sa mise en place ? Le laps de temps imparti ne vous paraît-il pas trop court ?

M. Michel Heinrich. On ne peut que déplorer, en le constatant, à la fois la lenteur du démarrage des nouvelles filières REP (meubles, DASRI, DDS) et le faible poids des collectivités locales dans la gouvernance de ces filières, face aux représentants des administrations centrales et des metteurs sur le marché, qui s’avèrent souvent moins dynamiques et moins ambitieux que les élus. Les rapporteurs partagent-ils cette analyse ? Les éco-organismes ne pourraient-ils pas être plus efficaces ? Il existe par ailleurs une clause dite « de revoyure » que Mme Delphine Batho avait rejetée. Il sera intéressant de connaître la position de son successeur à ce sujet.

La création d’une autorité de régulation, dont le président Chanteguet et Bertrand Pancher ont fait état, pourrait se faire à périmètre budgétaire constant, compte tenu des moyens dont dispose les éco-organismes. Les collectivités locales pourraient, en étant associées à sa gouvernance, retrouver le rôle qui leur revient.

Les REP restent globalement inefficaces en amont, en matière de prévention et d’éco-conception. Sentez-vous une évolution dans ce domaine ?

Enfin, à terme, les REP ne doivent-elles pas être étendues à l’ensemble des déchets ménagers et assimilés, y compris ceux qui ne se recyclent pas ? Le système actuel revient en effet à faire financer la fin de vie des produits recyclables par leurs metteurs en marché, alors que les metteurs en marché de produits non recyclables échappent à cette contrainte.

M. Laurent Furst. Je me sens un peu seul …(Sourires)

M. Philippe Plisson. Je représente la gauche à moi tout seul. (Rires)

M. Laurent Furst. Si je suis sensible à la volonté des rapporteurs d’harmoniser au niveau national la couleur des bacs, je souhaite les interroger sur le coût, qui ne doit pas être anodin, d’une telle opération. J’appelle de mes vœux une harmonisation au sein de l’Union européenne, qui pourrait également s’appliquer aux panneaux indicateurs sur autoroute. Nous avons mis en place une éco-taxe poids lourds, dont on vient d’annoncer le report de la mise en service : elle n’a pas fait l’objet d’une harmonisation ni technique ni financière avec ce qui existe déjà ailleurs dans d’autres États membres voisins du nôtre. Nous agissons comme si l’Europe n’existait pas. Il faut trouver des points de synergie avec les pays limitrophes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis sensible à la remarque de Laurent Furst, mais nous avons la possibilité, dans chaque État membre, de mettre en place des politiques publiques dont l’harmonisation intervient ex post, de façon à ce que le coût supporté par les collectivités et donc les bénéficiaires du service ne soient pas trop élevés.

M. Jean-Jacques Cottel, co-rapporteur. S’agissant de l’autorité de régulation, évoquée notamment par Bertrand Pancher, Michel Heinrich et le président Jean-Paul Chanteguet, nous l’avons envisagée à périmètre budgétaire constant, grâce au regroupement des différents opérateurs de l’État oeuvrant dans le domaine : le conseil national des déchets, la Commission d’harmonisation et de médiation des filières (CHMF), les commissions centrales d’agrément, les comités opérationnels de filières, etc. Il nous a semblé que la CHMF pourrait constituer l’ossature d’un tel regroupement, mais cela reste naturellement à déterminer plus précisément, en fonction des missions et des pouvoirs qui pourraient être confiés à cette éventuelle nouvelle entité. Il saute aux yeux que dans sa configuration actuelle l’encadrement du secteur manque d’ordre et d’organisation.

Plusieurs d’entre vous ont mentionné l’impact limité des filières REP sur ce qu’il est convenu d’appeler l’amont, c’est-à-dire l’éco-conception des produits. Je m’associe évidemment à ce constat, et suis favorable aux modulations des éco-contributions qui pourraient être instaurées en fonction de critères environnementaux. Elles existent parfois déjà dans certaines filières, mais demandent à être renforcées et généralisées afin d’être rendues plus efficientes.

L’exonération d’éco-contributions de certains importateurs de produits intégrés à des filières pose un problème d’égalité : la vente sur Internet leur permet parfois encore de rester dans l’illégalité. Nous prônons donc un renforcement des contrôles sur les déclarations des metteurs en marché, ainsi qu’un système d’amendes les mettant tous au même niveau de prélèvements.

Certains d’entre vous ont évoqué les déchets professionnels : nous les avons délibérément écartés du champ de notre étude, afin de ne pas nous éparpiller, tout en étant conscients des difficultés rencontrées par les artisans et les professionnels du bâtiment dans la gestion de leurs déchets.

La dimension d’aménagement du territoire, je l’ai dit, doit être réintégrée dans notre politique des déchets, afin de rationaliser et d’harmoniser l’utilisation des infrastructures de traitement, en prenant en compte l’utilisation la plus rationnelle des axes de communication, qu’il s’agisse des voies d’eau ou du réseau routier.

Nous avons privilégié, nous l’avons dit, toutes les mesures susceptibles de créer de l’emploi – les prévisions tablent sur une augmentation potentielle de 2 % de la population active à horizon 2020 – et de la croissance. Force nous a cependant été de constater qu’il existe certains marchés que nous ne savons pas saisir. L’éco-organisme Adivalor nous a ainsi informés que, pour le retraitement des emballages appelés « big-bags », elle se voyait contrainte de faire appel à une usine en Italie, aucune unité homologue n’existant actuellement en France.

Nous posons dans notre rapport des questions relatives à la fiscalité des déchets. Nous aurons sans doute l’occasion d’y répondre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014. Certaines associations, comme Amorce, proposent que le taux de TVA sur le traitement soit porté à 5,5 %.

La TGAP applicable à l’enfouissement et, dans une moindre mesure, à l’incinération, doit faire l’objet d’un relèvement, car nous nous sommes aperçus que dans les pays européens où l’enfouissement faisait l’objet d’une fiscalité beaucoup plus dissuasive, l’industrie du recyclage a pris un réel essor. En Allemagne ou en Belgique, pour répondre à Laurent Furst sur les comparaisons européennes, le taux de mise en décharge avoisine 1 %. Bien entendu, nous préconisons qu’un tel relèvement s’accompagne en France, comme lors de la réforme en 2009, d’une augmentation corrélative des aides de l’ADEME aux collectivités locales pour créer ou moderniser des installations de recyclage. La hausse de la TGAP doit permettre de créer un choc psychologique et de changer les pratiques de traitement, tout en donnant les moyens d’accompagner les collectivités vertueuses qui s’engagent résolument dans la voie de l’économie circulaire.

Olivier Falorni s’est félicité de notre suggestion d’étendre le périmètre de la filière papier à la presse et aux documents officiels. Cette extension à la presse magazine a déjà fait l’objet d’un amendement du sénateur Gérard Miquel au projet de loi de finances pour 2013, adopté au Sénat mais rejeté par l’Assemblée nationale : peut-être que cette mesure connaitra un sort différent lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 cet automne. Le manque-à-gagner pour l’éco-organisme Eco-folio s’élève à 75 millions d’euros ! Ces sommes non négligeables pourraient être utilement employées au financement de la modernisation de notre industrie papetière.

L’économie sociale et solidaire doit voir sa place confortée dans notre système de gestion de déchets. Pour répondre à Christophe Bouillon, il faut réfléchir aux moyens permettant aux associations de petite taille d’accéder à la commande publique, en introduisant par exemple des modulations soit géographique soit techniques dans les appels d’offres.

La filière des déchets d’ameublement se met en place : vous comprendrez qu’il est délicat d’en tirer d’ores et déjà un bilan significatif.

Laurent Furst a insisté sur le coût de l’harmonisation de la couleur des bacs : dans notre rapport, nous préconisons que ce mouvement soit décidé, dans ses modalités, par les associations d’élus et qu’il se fasse au fur et à mesure du remplacement des bacs, c’est-à-dire à horizon de 10 ou 15 ans.

M. Guillaume Chevrollier, co-rapporteur. Il nous appartient aujourd’hui de donner plus de contenu à l’expression « économie circulaire », en récupérant la matière première inutilisée sur notre territoire, et de passer du slogan aux réalités.

Nous pouvons faire plus et mieux en matière de liens entre éco-conception et éco-contribution. La filière des déchets d’ameublement en constitue une parfaite illustration : notre rapport interpelle précisément les pouvoirs publics sur les difficultés de sa mise en œuvre opérationnelle, dans un contexte où les ménages souffrent de la lourdeur de la fiscalité générale et où l’éco-contribution pénalise les artisans. Il est en effet paradoxal que celui qui produit un meuble en bois massif paye plus que celui qui vend des meubles en aggloméré, alors que la durabilité et l’impact environnemental sont très différents.

Pour ce qui concerne le développement de nos entreprises à l’international et la vente de leur savoir-faire en matière de recyclage, il est impératif qu’elles puissent bénéficier d’un cadre juridique parfaitement stable – et, dans la mesure du possible, harmonisé au sein de l’espace européen.

Le rapport n’approfondit pas particulièrement la question des biodéchets. Ceux-ci font l’objet d’une collecte séparée et de nombreuses initiatives des collectivités territoriales incitent à leur compostage individuel.

Notre préconisation d’harmoniser la couleur des bacs de collecte sur l’ensemble du territoire s’inscrit naturellement dans le cadre d’une mise en œuvre progressive, au moment du renouvellement de ces bacs et afin de limiter les dépenses correspondantes.

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Je voudrais également rappeler que la TGAP alimente le budget de l’État et non celui de l’ADEME. Il serait donc intéressant, par exemple dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, que nous puissions connaître le détail des montants versés au budget de l’État et des montants réaffectés à l’ADEME pour mettre en place la politique de réduction, de valorisation et d’élimination des déchets.

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a ensuite autorisé la publication du rapport de la mission d’information sur la gestion des matières et déchets radioactifs.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable s’est saisie pour avis du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises que le Gouvernement a déposé mercredi dernier (n° 1341). En effet, plusieurs mesures traduisent les propositions des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement du 25 juin dernier (articles 13 et 14) ou concernent directement les compétences de la commission, comme l’article 8 sur le Grand Paris, l’article 9 sur la RSE ou l’article 16 sur les déchets. Nous nous saisirons également des articles 18 et 19 qui traitent des délais relatifs aux ordonnances. Nous nommerons notre rapporteur pour avis demain.

Le calendrier sera très serré puisque ce texte sera inscrit à l’ordre du jour de notre Assemblée pour la première semaine d’octobre. Nous devrons donc l’examiner en commission, mercredi 18 septembre au matin, après l’audition de M. Guillaume PEPY.

Je vous indique également que le groupe UMP a demandé l’inscription de la proposition de loi n° 809 sur la continuité du service public dans les transports maritimes à l’ordre du jour du jeudi 3 octobre, en fin de journée. Nous examinerons donc ce texte mercredi 18 septembre, dans l’après-midi, après l’audition du PDG d’Air France.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 10 septembre 2013 à 16 h 30

Présents. - M. Serge Bardy, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Luc Moudenc, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Christian Jacob, M. Arnaud Leroy, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard

Assistait également à la réunion. - M. Dominique Potier