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Mardi 29 octobre 2013

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Gallois, Commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, sur les investissements en matière de développement durable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous avons le plaisir de recevoir M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement.

Monsieur Gallois, vous étiez déjà venu devant notre Commission le 22 mai dernier pour nous présenter l’état d’exécution du « Grand emprunt », c’est-à-dire le premier programme d’investissements d’avenir. Entre-temps, le Premier ministre a annoncé en juillet le lancement d’un deuxième programme, portant sur 12 milliards d’euros, et le Président de la République a présenté, le 12 septembre, trente-quatre plans de reconquête industrielle, qui concernent des secteurs aussi importants que la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables, les réseaux électriques intelligents, les projets « Chimie verte et biocarburants » et « Qualité de l’eau et gestion de la rareté », et les transports écologiques : « voiture pour tous », TGV du futur, nouvelle génération d’aéronefs, navires écologiques, véhicules à pilotage automatique.

D’autre part, la Commission « Innovation 2030 », présidée par Mme Anne Lauvergeon et dont l’objet était de promouvoir des innovations dites « de rupture », a rendu son rapport le 11 octobre dernier ; elle a identifié sept défis écologiques déterminants, dont certains concernent directement notre commission : le stockage de l’énergie, le recyclage des matières – et plus particulièrement celui des métaux rares –, la valorisation des richesses marines – métaux et dessalement de l’eau de mer –, les protéines végétales et la chimie du végétal.

Pourriez-vous clarifier l’articulation de cet ensemble de programmes ?

M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement. Je suis accompagné de M. Thierry Francq, qui remplace M. Philippe Bouyoux comme commissaire général adjoint à l’investissement, de M. Ivan Faucheux, directeur du programme « Énergie, économie circulaire », et de M. Jean-Régis Catta, chef de cabinet.

Je commencerai par dresser l’état du premier programme d’investissements d’avenir.

Pour l’heure, près de 29 milliards d’euros ont été engagés et 5,7 milliards décaissés ; à la fin de l’année, le seuil des 30 milliards d’engagements et des 6 milliards de décaissements devrait avoir été atteint – ou presque.

S’agissant des engagements, nous n’avons pas été aussi vite que nous l’aurions souhaité.

En premier lieu, le développement des réseaux à très haut débit – qui représente un volume considérable – a été retardé par l’attente de la nouvelle feuille de route et des nouvelles conventions.

Ensuite, les opérations les plus importantes sont désormais derrière nous. Ce qu’il reste à lancer, c’est un grand nombre de petites opérations, qui requièrent autant de temps, mais concernent des montants plus faibles.

Enfin, le Premier ministre ayant procédé à une réorientation de l’enveloppe en janvier 2013, nous avons dû lancer de nouveaux appels à projet.

Cela étant, la situation n’est pas préoccupante, puisque la contractualisation, quoiqu’elle progresse à bon rythme, ne porte que sur 22 milliards ; or c’est elle qui déclenche les paiements : il reste encore de la marge. Quoi qu’il en soit, nous devrions bientôt prendre un rythme qui devrait nous conduire à consommer l’enveloppe plus rapidement qu’en 2013 : j’ai d’ailleurs donné des instructions pour qu’on simplifie et qu’on accélère les choses partout où c’était possible.

J’en viens aux investissements plus particulièrement consacrés au développement durable.

Tout d’abord, nous avons décidé de changer de terminologie et de remplacer l’appellation « instituts d’excellence en matière d’énergies décarbonées » (IEED), que personne ne comprenait, par celle d’« instituts pour la transition énergétique » (ITE) ; toutefois, pour être en conformité avec la loi, qui pour moi est sacrée (Sourires), nous préciserons, entre parenthèses, qu’il s’agit bien des IEED – peut-être pourra-t-on un jour supprimer cette mention… (Rires sur divers bancs)

En mai, en raison de la longueur des procédures à Bruxelles, aucun projet n’avait encore fait l’objet d’une contractualisation. Depuis, deux conventions de financement ont été signées, l’une avec « Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques » (PIVERT), projet relatif à la chimie du végétal, l’autre avec l’Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées (IDEEL), qui vise à inventer l’usine du futur. Quatre autres ITE ont signé leur convention aujourd’hui même : Paris-Saclay Efficacité Énergétique (PSEE) ; Efficacity, spécialisé en logistique des villes ; l’Institut photovoltaïque d’Ile-de-France (IPVF), qui souhaite orienter l’industrie française vers une nouvelle génération de dispositifs photovoltaïques, bénéficiant de cellules plus performantes, de manière à ne plus être en concurrence avec les fabricants chinois ; enfin, l’Institut national d’excellence facteur 4 (INEF4), qui s’inscrit dans le cadre de l’objectif de division par quatre des émissions de CO2 de la France d’ici à 2050.

Il reste quatre projets à contractualiser. L’Institut national de l’énergie solaire 2 (INES2), établissement du CEA qui fédère des entreprises et des centres de recherche, est sur le point de l’être. L’Institut français des matériaux agrosourcés (IFMAS) et Supergrid, qui s’occupera des réseaux intelligents, sont en cours de notification communautaire depuis la fin juillet. Des rendez-vous ont été pris avec la direction générale de la concurrence à Bruxelles pour examiner le cas de Vedecom, institut consacré à la filière automobile. Enfin, France Énergies Marines s’étant heurté à des obstacles communautaires, nous avons fait une nouvelle proposition de financement, que ses partenaires viennent d’accepter : le processus est donc relancé.

En revanche, nous avons proposé d’annuler le projet Geodenergies à Orléans, parce que le plan d’affaires n’est pas viable et que la pérennité de la structure n’est pas assurée, certains industriels s’étant retirés du projet. Il faut savoir arrêter les opérations mal nées, quitte à ce que les parties prenantes relancent par la suite un nouveau projet, mieux conçu.

Le 1er octobre, à Cherbourg, le Président de la République a annoncé le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour les fermes pilotes hydroliennes. Un autre avait été lancé cet été pour le recyclage et la valorisation des déchets – il s’agissait du deuxième sur ce thème. Il reste à en lancer un en novembre pour le stockage de l’énergie.

S’agissant des sept innovations « de rupture » proposées par la Commission Lauvergeon, un appel à projets sera lancé d’ici à la fin de l’année en vue d’obtenir des ébauches. Nous apporterons alors un premier financement, de l’ordre d’une centaine de milliers d’euros, afin de permettre la maturation des projets au cours de l’année 2014, puis nous lancerons à la fin de l’année un deuxième appel à projet, qui débouchera sur un financement plus conséquent. Nous disposons d’une enveloppe de 300 millions d’euros pour mener à bien l’ensemble du processus.

Seize des trente-quatre plans de reconquête industrielle concernent la transition énergétique et écologique. Nous avons déjà engagé le financement de plusieurs opérations, et nous soutiendrons d’autres à travers nos appels à projets.

S’agissant de la rénovation thermique, une prime forfaitaire exceptionnelle de 1 350 euros a été créée afin de financer des opérations de ce type, jusqu’à un certain niveau de revenus. Une première campagne d’information a été lancée à la mi-septembre, une deuxième à la mi-octobre : il s’agit de créer, par des interventions à la télévision, à la radio et dans la presse, un effet de masse. Nous souhaitons en effet accélérer la consommation de crédits jusqu’à présent peu utilisés car trop contraignants : d’une part, le plafond de revenus permettant d’en bénéficier était trop bas, d’autre part une part trop importante était laissée à la charge des propriétaires. Tout cela a été corrigé.

J’en viens au deuxième programme d’investissements d’avenir, le PIA 2, dont l’objectif est de renforcer à la fois notre compétitivité et le caractère durable de notre développement économique. Ce nouveau plan comporte trois caractéristiques majeures.

Premièrement, une forte intervention en fonds propres, à hauteur de 1,75 milliard d’euros, mais uniquement dans des opérations permettant un retour sur investissement : il nous faut apparaître comme des investisseurs avisés, pour que les financements n’aient pas un caractère maastrichtien. Nous travaillons actuellement, avec les opérateurs, sur les projets susceptibles d’être développés dans ce cadre.

Deuxièmement, la défense fait son apparition dans les investissements d’avenir : 1,5 milliard d’euros seront versés dès 2014 dans le cadre des ressources exceptionnelles prévues par la loi de programmation militaire. Tout comme dans les autres secteurs, nous financerons des opérations en matière de recherche et développement (R & D) et d’innovation. Même si nous ne sommes pas pressés, puisque l’objectif du deuxième PIA est de prendre le relais du premier, le chantier est mené à un bon rythme. Nous travaillons actuellement à la mise en place de conventions avec les opérateurs, qui devraient être conclues au premier semestre 2014 ; au deuxième semestre 2014 seront lancés les appels à projet, de manière à ce que nous disposions des dossiers pour engagement avant la fin 2014 ; les premiers versements seront effectués en 2015, et étalés jusqu’en 2016.

Troisièmement, le nouveau PIA traite des questions d’écologie et d’énergie sous deux aspects.

D’une part, une enveloppe de 2,3 milliards a été ouverte afin de permettre des investissements directs en faveur de la transition énergétique et écologique : 800 millions d’euros pour le développement de démonstrateurs – l’opérateur sera l’ADEME ; 300 millions pour le soutien aux transports du futur, afin de financer une mobilité durable ; 410 millions pour la diffusion des technologies éco-efficientes, via la mise en place de prêts verts ; 400 millions pour accompagner l’émergence des projets industriels de filières en faveur de la transition énergétique et écologique – certains de ces projets rentrant dans le cadre des plans industriels de M. Montebourg.

En outre, en raison de la nécessaire prise en compte du développement durable dans les problématiques de renouvellement et d’aménagement urbains, seront ouverts 335 millions d’euros pour le financement de projets de renouvellement urbain durable particulièrement innovants – nous cherchons, non pas à couvrir la totalité du territoire, mais à sélectionner des opérations susceptibles de servir de référence pour de futures politiques – et enfin 75 millions en soutien de la transition énergétique des territoires, opération qui reste à préciser.

D’autre part, le nouveau programme fera l’objet d’une éco-conditionnalité : 50 à 60 % des investissements seront soumis à des clauses soit d’exclusion – s’agissant de projets qui s’attaqueraient de manière trop virulente à l’environnement –, soit de sélection – entre deux projets, celui qui aura les meilleures conséquences énergétiques et écologiques sera choisi –, soit de bonification – les projets qui répondront à un certain nombre de critères bénéficieront d’un financement plus important.

Des discussions sont en cours avec le ministère de l’environnement, mais nous souhaitons que les critères retenus soient simples, lisibles – il faut que l’État, les opérateurs et les experts puissent analyser facilement et objectivement les projets –, et qu’ils permettent l’évaluation ex post des opérations.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les moyens financiers supplémentaires accordés dans le cadre du PIA ne se traduisent pas toujours par l’attribution de subventions : les crédits peuvent aussi servir à des dotations en capital, à des avances remboursables ou à des prêts. Pourriez-vous nous préciser la répartition entre ces différents modes de financement ?

M. Louis Gallois. Ce qui est certain, c’est que sur les 29 milliards engagés, 15 relèvent de dotations non consommables destinées aux initiatives d’excellence (IDEX) et aux laboratoires d’excellence (LABEX). Pour les IDEX, qui représentent la plus grande part, un examen de contrôle sera effectué en 2016 ; ceux qui continueront de répondre aux critères du PIA se verront attribuer à titre définitif les intérêts annuels de ces placements.

Je vous enverrai ultérieurement la répartition exacte des dotations pour les deux programmes. S’agissant du PIA 2, qui correspond à la phase aval, il s’agit essentiellement – hors les subventions versées au ministère de la défense – de prêts et d’interventions en fonds propres.

M. Jean-Yves Caullet. Je salue l’effort considérable que représentent ces deux programmes d’investissements d’avenir : il n’est pas si courant de mettre à la disposition de l’innovation des montants aussi considérables dans un contexte budgétaire aussi serré. Cela étant, je ne doute pas de la capacité du système à consommer les enveloppes !

Compte tenu du nombre d’avances remboursables et de prêts, quel est le taux de « recyclabilité » de l’enveloppe, c’est-à-dire de dotations susceptibles de venir ensuite soutenir d’autres innovations ?

Quelles seront les suites de ces investissements si ambitieux et si techniques ? Comment s’y prendra-t-on pour les évaluer ? Quel sera leur rayonnement ?

La technique de l’appel à projet et les sommes considérables en jeu risquent de conduire à une sorte de sélection naturelle : les structures susceptibles de concourir seront les mieux organisées et les plus proches de l’innovation. Comment faire pour atteindre les autres, dont le potentiel de développement peut être considérable ? Même si l’on comprend que les investissements d’avenir concernent d’abord des opérateurs bien organisés et des entreprises bien implantées, comment mobiliser autour d’eux un réseau d’entreprises de taille plus modeste de manière à ce que l’innovation n’ait pas à choisir son camp ?

Comment quantifier la part de risque admis – c’est-à-dire le droit à l’erreur ? Je pense qu’il faut se donner des marges : si l’on veut réussir à tous coups, on négligera des opportunités !

M. Yves Nicolin. Beaucoup d’annonces ont été faites ; malheureusement, dans de nombreux domaines, les annonces ne sont pas suivies d’effets. Quelle garantie pouvez-vous apporter à la représentation nationale que celles-ci se concrétiseront ? Suivant quel calendrier ?

Il est prévu que l’État consacre 1 milliard d’euros aux instituts de recherche technologique (IRT), et que les collectivités territoriales doublent la mise sur dix ans. Nous avons en France des grands groupes puissants et dynamiques, mais on peut considérer qu’ils disposent de moyens suffisants pour mener à bien leurs activités de R &D ; en revanche, les entreprises de taille intermédiaire sont en nombre très insuffisant, et le réseau de PME et TPE n’a jamais accès à ce type de recherches. Comment faire en sorte que les travaux des IRT bénéficient aussi à ces dernières, et non aux seuls grands groupes ?

M. Bertrand Pancher. Trois questions.

Quel est le montant net consacré aux investissements d’avenir ? Jean-Yves Caullet prétend que les moyens sont considérables, mais les programmes recyclent un grand nombre de chantiers déjà engagés. Ainsi, l’ADEME a annoncé le 20 juin dernier avoir engagé 840 millions d’euros pour financer 115 projets pour l’innovation verte, au titre des programmes d’investissement d’avenir, mais son président note que cela n’est pas sans conséquences sur le budget recherche de l’agence, lequel a considérablement diminué. Il serait bon qu’on ne soit pas uniquement dans l’affichage !

Les programmes d’investissements d’avenir doivent encourager les projets industriels ayant pour objectif de faciliter la transition énergétique. Le Premier ministre a précisé que chaque projet serait soumis à un critère d’éco-conditionnalité ; selon Matthieu Orphelin, de France Nature Environnement, tout dépendra du niveau d’exigence retenu : « Ira-t-on jusqu’à des critères très ambitieux, par exemple sur les aspects énergétiques de la rénovation des campus ? Si c’est très volontariste, c’est un point positif, mais il faut plus de détails là-dessus », a-t-il notamment déclaré. Lors de votre audition par la Commission des finances, en juillet dernier, vous aviez dit que vous étiez en train de définir ces critères. Où en êtes-vous ?

Pourriez-vous faire le point sur la rénovation thermique des bâtiments et des infrastructures de transport ? Vous annoncez que le plafond de ressources va être augmenté et la participation financière des propriétaires réduite ; le problème, c’est que les règles changent en permanence, qu’il n’y a aucune lisibilité, et que les investisseurs comme les particuliers ont du mal à obtenir des conseils de bon niveau. Ceux-ci doivent-ils être prodigués par un État centralisé disposant d’antennes locales ou par des structures décentralisées ? Chez nos voisins, notamment en Allemagne et en Autriche, le succès des politiques de logement repose sur la constance des moyens, l’absence de yo-yo fiscal et sur un système très décentralisé permettant d’être au plus proche des interlocuteurs. C’est loin d’être le cas en France !

M. Denis Baupin. Je me réjouis que l’on montre que l’économie verte et la transition énergétique, loin de se limiter à des taxes, peuvent être favorables à l’industrie, à l’emploi et à l’économie !

Je voudrais revenir sur le risque d’effet d’annonce et sur l’écart entre théorie et réalité. Certains projets qui, sur le papier, paraissent extrêmement intéressants, ont du mal à trouver une traduction industrielle. Par exemple, nous disposons avec l’INES d’un outil de pointe pour le solaire, et pourtant notre pays a été aux abonnés absents lorsqu’il s’est agi de passer au stade industriel ! Pourquoi ? Comment y remédier ?

S’agissant des instituts de la transition énergétique, je me félicite du choix de cette nouvelle dénomination, car on ne savait pas très bien ce que pouvait recouvrer le terme « d’énergies décarbonées » : certaines énergies du XXe siècle, que d’aucuns essaient de faire perdurer éternellement, sont présentées comme telles !

Quant à l’éco-conditionnalité, je dois reconnaître que je suis assez sceptique : on peut craindre qu’il ne s’agisse que d’une opération de « greenwashing », visant à mettre à la sauce écologique des investissements qui ne le sont que très partiellement. Par exemple, si l’on peut penser que l’enveloppe de 2,3 milliards d’euros en faveur de la transition énergétique sera bien consacrée à des projets de cette nature, je ne vois pas en quoi des opérations relevant de la défense pourraient être concernées par l’éco-conditionnalité.

M. Louis Gallois. Elles ne le sont pas.

M. Denis Baupin. C’est une bonne nouvelle : j’avais du mal à imaginer des bombes écologiquement responsables ! (Sourires)

Au-delà, sur quoi ces critères porteront-ils : sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la consommation énergétique, sur les polluants chimiques ? On peut être bon dans un domaine, et mauvais dans un autre. Vous dites que cela sera simple, mais, pour l’instant, c’est le flou artistique !

M. Jacques Krabal. L’organisation que vous dirigez a la charge de mettre en œuvre le programme d’investissements d’avenir. Vous avez rappelé que, pour le financer, l’État a prévu une enveloppe de 35 milliards sur dix ans. Nous sommes tous convaincus que le renforcement de nos capacités d’innovation et de productivité est la condition indispensable à l’accroissement de la compétitivité de nos entreprises : nous souhaitons donc que ces crédits puissent être consommés.

Dans le Pacte pour la compétitivité de l’industrie française que vous avez remis au Premier ministre, vous proposez, entre autres choses, que toute nouvelle disposition législative ou réglementaire significative soit prise en fonction d’une étude d’impact sur la compétitivité industrielle. Pourquoi ne pas prévoir également une étude d’impact environnemental ? De même, il faudrait quantifier le coût « écolonomique » de l’énergie nucléaire et du gaz et de l’huile de schiste.

La filière papier-graphique est absente des trente-quatre « plans de reconquête pour dessiner la France industrielle », comme des « innovations de rupture » retenues par la commission Lauvergeon. Elle est certes en pleine crise ; cependant, le papier est une des matières premières phares de l’économie circulaire et, grâce au centre technique du papier INP-Pagora à Grenoble, notre pays est l’un des leaders mondiaux en matière de papiers intelligents et de documents communicants, marché dont les débouchés se trouvent en grande partie à l’étranger. Les acteurs de cette filière pourront-ils répondre aux appels à projet du programme d’investissements d’avenir ?

M. Olivier Falorni. Le premier programme d’investissements d’avenir commence à se dessiner très clairement et nous ne pouvons que nous féliciter de la qualité des projets qui ont déjà vu le jour dans le domaine du numérique, du développement durable et des biotechnologies. Le relais sera pris par le deuxième programme lancé le 9 juillet dernier par le Premier ministre ; doté d’une enveloppe de 12 milliards d’euros, il sera axé sur le secteur industriel et, plus précisément, sur trois priorités : le numérique, la santé et l’économie du vivant, la transition énergétique. En la matière, il faut saluer la volonté de l’État de prendre ses responsabilités en incitant les ménages à consommer mieux et les entreprises à utiliser des technologies plus respectueuses de l’environnement.

Vous nous avez indiqué ce qu’allaient financer ces 12 milliards d’euros supplémentaires. Le Premier ministre avait annoncé que la moitié du plan serait consacré directement ou indirectement à la transition écologique ; nous savons maintenant que seuls 23 % des investissements seront directs et qu’une grande part des projets feront l’objet d’une éco-conditionnalité. C’est une véritable nouveauté, qui marque une rupture avec le précédent programme, et dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Quels seront les critères utilisés par le Commissariat général à l’investissement pour sélectionner les projets ? Êtes-vous prêts à refuser un projet dont l’impact serait trop négatif pour l’environnement et, à l’inverse, à retenir, à qualité équivalente, celui qui présentera la plus grande éco-compatibilité ?

M. Stéphane Demilly. Monsieur le commissaire général, permettez à « l’Airbusien » de cœur que je suis de vous adresser le salut amical des salariés d’Albert-Méaulte !

L’une des priorités du programme des investissements d’avenir porte sur la transition énergétique, notamment les énergies renouvelables et décarbonées, ainsi que la chimie verte. L’institut PIVERT, situé à Compiègne, dans l’Oise, figure parmi les projets d’ores et déjà retenus. Ce projet pilote de raffinerie végétale vise à la valorisation de la biomasse oléagineuse et compte de nombreux débouchés, parmi lesquels les biocarburants de deuxième génération, fondés sur la valorisation complète de la plante, à travers notamment la plateforme « BioTfueL », soutenue par le groupe Sofiproteol. Les biocarburants sont aujourd’hui malmenés par le Gouvernement, qui a revu à la baisse les objectifs d’incorporation dans les carburants de référence. Comment expliquer que, d’un côté, le Gouvernement reconnaisse, à travers le projet PIVERT, que les carburants issus de la biomasse sont des énergies renouvelables et décarbonées, mais que, d’un autre côté, le projet de loi de finances pour 2014 soumette les biocarburants et les biocombustibles à la contribution climat-énergie censée taxer les émissions de carbone ? N’y aurait-il pas là une contradiction, voire une incohérence ?

Existe-t-il d’autres projets liés aux biocarburants dans les programmes d’investissements d’avenir ?

M. Franck Montaugé. Penser la ville de demain dans le cadre du développement durable est une nécessité, et c’est d’ailleurs une priorité du Gouvernement : le récent lancement de l’Institut pour la transition énergétique Efficacity l’atteste.

Les travaux d’Efficacity visent à développer des outils permettant d’améliorer l’efficacité énergétique et l’empreinte carbone aux différentes échelles urbaines : bâtiment, quartier, ville. En soutenant des projets innovants et en favorisant le développement des infrastructures, les investissements d’avenir en matière d’urbanisme et de logement accompagnent le développement du secteur français du bâtiment. On ne peut donc que se réjouir que l’aménagement des villes soit un des chantiers prioritaires du programme – tout en regrettant que cette démarche n’ait pas été lancée plus tôt.

La première phase d’Efficacity comprend six projets de recherche : la conception d’un Pôle Gare intermodale au plan du transport, de l’énergie et des services constituant un hub urbain exemplaire ; la conception d’une nouvelle morphologie du bâti collectif urbain ; la définition de scenarii de couplages des flux énergétiques entre différents sites de production et de consommation ; une étude des synergies entre technologies de production et de stockage énergétique ; la mise au point d’un outil d’analyse de cycle de vie des composants urbains enrichis ; enfin, l’analyse des dysfonctionnements urbains et de l’impact socio-économique des différentes technologies introduites en ville.

Rien dans tout cela ne semble concerner la transformation et la requalification durables de la ville existante. Ne serait-il pas judicieux d’adopter une telle approche pour la nouvelle politique de la ville et, en particulier, pour le nouveau programme national de renouvellement urbain ? L’élaboration des nouveaux contrats de ville pour 2015-2020 pourrait le permettre ; les collectivités concernées y seraient pleinement associées et le Commissariat général y trouverait, au plan méthodologique, un intérêt. Il me semble qu’il y a dans la politique des quartiers matière à penser la ville durable de demain.

Je précise que cette réflexion découle d’une expérience personnelle, consistant à concevoir une méthode de requalification durable d’un grand quartier d’habitat social.

Mme Sophie Rohfritsch. En vous écoutant, monsieur le commissaire général, je me demandais s’il ne serait pas temps, pour les institutions chargées de développer l’innovation dans notre pays, de jouer la complémentarité. Le dessein originel du programme d’investissements d’avenir était d’encourager les secteurs ou les filières industrielles en devenir au moyen d’un financement public ; il était basé sur l’excellence, et un jury international était chargé de sélectionner les projets. On a l’impression qu’aujourd’hui, il s’agit de concrétiser à l’échelon territorial des projets dont la philosophie n’est plus l’excellence, et qui répondent à d’autres critères de sélection.

Je rappelle que le PIA s’appelait initialement le « Grand emprunt » – ce qui avait le mérite d’être clair ! La dette, il faut l’utiliser avec parcimonie, et uniquement pour des projets susceptibles de déboucher sur des ruptures technologiques, de grandes innovations et des marchés de croissance : il ne s’agit pas simplement de favoriser la R & D et la recherche fondamentale.

Peut-être faudrait-il remettre de l’ordre dans le dispositif, rendre aux pôles de compétitivité leur place, qui est de mobiliser les PME et PMI sur des projets plus modestes, et réserver les deux PIA à quelques grands chantiers phare. Cela serait en outre cohérent avec la nouvelle stratégie européenne, la S3, qui repose sur la mobilisation des grandes entreprises en faveur de projets porteurs d’importantes ruptures technologiques.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis surpris d’apprendre qu’une partie des moyens du premier PIA sont utilisés pour verser à des familles modestes une subvention leur permettant de financer la rénovation énergétique de leur logement !

Le premier PIA est aujourd’hui presque terminé. On peut avoir le sentiment que l’identification, la sélection et la mise en œuvre des projets prennent beaucoup de temps. Avez-vous constaté l’existence de freins ?

Le deuxième PIA concerne moins la recherche et davantage le soutien à l’activité et à l’emploi. Un tel objectif pourra-t-il être atteint ?

On affiche à nouveau la volonté de procéder à 500 000 rénovations de logement par an. Va-t-on utiliser une partie des 12 milliards d’euros du PIA 2 pour atteindre cet objectif particulièrement ambitieux ?

M. David Douillet. Développement durable et industrie me semblent indissociables ; il convient d’apprécier dans leur globalité les investissements consentis.

Sur l’ensemble des 35 milliards, quelle est la part consacrée au développement durable dans l’industrie ? À combien de projets cela correspond-il ? Quelle sera l’enveloppe consacrée au développement durable dans les trente-quatre plans industriels retenus par le ministre du redressement productif ? Selon vous, le secteur industriel joue-t-il le jeu du développement durable ?

M. Yannick Favennec. Vous avez indiqué qu’une grande part des investissements d’avenir ferait l’objet d’une éco-conditionnalité. Pourriez-vous apporter des précisions sur les critères qui seront retenus ?

Je souhaiterais également évoquer la question du très haut débit, bien qu’elle ne concerne pas directement le développement durable. Ce programme est en effet une des priorités des investissements d’avenir. Le très haut débit représente le seul avenir possible pour certains territoires ruraux, dont l’attractivité repose sur leur capacité à donner aux acteurs économiques des outils leur permettant de communiquer et de se développer.

Le programme des investissements d’avenir financera ainsi des projets dans des domaines aussi variés que l’enseignement, avec l’Université numérique, ou la santé, avec le projet Icare. Il s’agit d’une véritable chance pour un département comme la Mayenne – mais comment pourra-t-il en bénéficier sans le très haut débit ?

M. Louis Gallois. Monsieur Jean-Yves Caullet, vous avez raison : le programme des investissements d’avenir met en jeu des montants considérables. Ces dépenses sont-elles utiles ? Soyez assurés que nous portons une attention particulière au suivi des opérations. Je vous ai indiqué que nous avions décidé de mettre un terme à l’une d’entre elles. Il faut que les opérateurs et les entreprises bénéficiaires sachent que, s’ils ne se conforment pas au cahier des charges sur lequel nous nous sommes entendus, nous essaierons dans un premier temps de réorienter l’opération, mais, si cela s’avère impossible, nous l’arrêterons.

Un premier bilan du programme est en cours ; il est nécessairement pointilliste, mais les résultats sont plutôt encourageants : nous avons réussi à faire bouger un certain nombre de choses. C’est en particulier le cas dans l’université, grâce aux initiatives d’excellence. Dans les laboratoires labellisés, le nombre de brevets déposés a doublé ; inversement, ceux qui n’ont pas été retenus attirent moins de scientifiques étrangers que les autres, ce qui signifie que le label LABEX devient internationalement reconnu.

Nous avons versé 15 milliards d’euros de dotations non consommables, qui produisent déjà des intérêts, et près de 6 milliards ont été décaissés : il nous revient de démontrer que ces dépenses sont utiles. Je suis prêt, si vous le désirez, à revenir devant vous pour présenter ce premier bilan.

Nous commençons à enregistrer des retours financiers. Malheureusement, l’argent ne nous revient pas : il va dans les caisses de l’État ! (Sourires) mais nous serions prêts à le recevoir. (Rires) Il s’agit d’une procédure budgétaire classique : nous ne pouvons donc pas « recycler » ces sommes.

Associer les PME aux projets est pour nous une préoccupation permanente. Sachant que 80 % de la recherche industrielle est réalisée par les grands groupes, il paraît logique que ceux-ci soient les premiers à répondre aux appels à projets. C’est pourquoi nous leur demandons d’être accompagnés par des PME. On note une forte mobilisation de celles-ci : 38 % des dossiers relatifs à la transition énergétique les concernent – ce qui n’est qu’un exemple parmi d’autres : dans tous les domaines, leur participation est supérieure à leur poids économique. Mais je suis persuadé que l’on peut encore mieux faire.

Ayant dirigé plusieurs grands groupes – dont certains comptent parmi les bénéficiaires des investissements d’avenir –, je suis mal placé pour en dire du mal ! Nous avons besoin d’eux – mais vous avez raison : ils ont d’autres moyens pour financer leurs investissements. S’ils participent au programme, il faut qu’ils jouent leur rôle de locomotive : nous finançons très peu d’opérations qui n’associeraient pas des PME.

Des risques, nous en prenons ; ainsi, nous finançons l’appel à projets sur les fermes hydroliennes, alors qu’on n’en a encore jamais fait. Nous soutenons des technologies très avancées, et il faut se préparer à des échecs. C’est pourquoi j’ai créé au sein du Commissariat une structure chargée d’effectuer des analyses de risques – non pour les éviter, mais pour mieux les connaître.

Monsieur Yves Nicolin, il arrive en effet que l’on ait l’impression que les annonces ne sont pas suivies d’effet ; mais, en l’occurrence, les opérations ont été lancées et les crédits versés. J’ai réuni les instituts de recherche technologique (IRT), il y a une quinzaine de jours, à Rennes : j’ai pu vérifier que cela avait pris. À preuve : aucun industriel ne s’est encore retiré ! Certains sont particulièrement dynamiques ; allez voir Picom à Rennes, Jules-Verne à Nantes ou Saint-Exupéry qui me tient particulièrement à cœur à Toulouse : autant de projets ambitieux sur lesquels travaillent ensemble laboratoires de recherche, grands groupes et PME ! Quant au PIA 2, il ne s’agit pas d’un effet d’annonce : je vous ai indiqué le fléchage des enveloppes.

Monsieur Bertrand Pancher, l’ADEME a certes perdu 20 millions d’euros en crédits de recherche mais, en échange, nous lui avons apporté 1 milliard : le bilan me semble plutôt positif ! (Sourires)

L’éco-conditionnalité est un véritable défi : d’un côté, il faut que les règles soient applicables, donc simples ; de l’autre, on ne peut pas appliquer les mêmes critères à tous les appels à projets. Par exemple, le calcul intensif, qui produit et consomme énormément d’énergie, peut avoir des effets négatifs sur l’environnement ; néanmoins, nous avons besoin de tels équipements, d’autant plus que la France est un des trois pays dans le monde, avec les États-Unis et le Japon, à détenir une compétence dans ce domaine : on ne peut donc pas juger les projets uniquement sur le critère de la consommation d’énergie. Le ministre, M. Philippe Martin, nous a soumis tout à l’heure une quinzaine de critères, particulièrement ambitieux ; je dois reconnaître qu’il m’a un peu effrayé, car je suis pour ma part plutôt du côté du pragmatisme et du réalisme. Mais je pense que nous arriverons à un bon compromis.

Nous avons décidé de changer les règles en matière de rénovation thermique, car l’enveloppe n’était pas consommée – 30 millions d’euros décaissés sur un total de 500 millions. Le diagnostic était bon : il y a un véritable problème d’isolation thermique chez des personnes très pauvres ; le problème, c’est que celles-ci n’ont pas les moyens d’assurer le complément de financement. En outre, il s’agit souvent de personnes âgées, extrêmement méfiantes, même vis-à-vis des agences ; la seule personne qu’elles écoutent, c’est le maire : lui seul peut les convaincre d’engager des travaux – dès lors que les conditions financières sont acceptables.

Quant à l’objectif de 500 000 logements rénovés, nous ne sommes pas chargés de l’atteindre tout seuls ! Nous ne faisons que participer à un programme à visée sociale. Il est vrai qu’il s’agit pour nous d’une opération particulière, qui ne répond pas à nos critères habituels, mais, personnellement, en tant que président de la fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, je ne considère pas que ce soit aberrant.

L’INES est un formidable atout pour notre pays, qu’INES 2 permettra de valoriser. L’INES travaille désormais beaucoup avec les PME. Il reste que nous avons en France des réglementations qui contrarient le développement du photovoltaïque.

Plusieurs députés. Très bien !

M. Louis Gallois. Pensez que si les panneaux constituent le toit, on bénéficie d’un certain tarif de l’énergie, mais que si les panneaux sont posés sur le toit, le tarif est moins avantageux ! Il faudrait y remédier.

Néanmoins, le photovoltaïque ne sera jamais une partie de plaisir, parce que les Chinois sont engagés non seulement dans la production des panneaux solaires, mais aussi dans toutes les technologies du secteur. Nous les aurons toujours en face de nous. Il faut donc que nous soyons à la pointe de la technologie pour que nous puissions nous faire une place sur ce marché très concurrentiel. Nous devons aussi créer en France l’écosystème qui permettra à nos entreprises de trouver un marché domestique avant de partir à l’exportation.

Monsieur Jacques Krabal, un des plans de reconquête industrielle concerne la filière bois, un autre l’économie circulaire – soit les deux sources de papier. Cela étant, rien dans les programmes des investissements d’avenir ne concerne la filière papier proprement dite. Toutefois, cela ne doit pas empêcher les industriels et les centres techniques du papier de répondre à nos appels à projets ; nous finançons bien le tissu intelligent : pourquoi pas le papier intelligent ?

Plusieurs programmes, dont BioTfueL, concernent les biocarburants ; il existe aussi d’autres projets, que nous ne finançons pas directement, mais que nous suivons de près. Vendredi dernier, j’ai visité à côté de Reims Futurol, une usine pilote de fabrication de biocarburants de deuxième génération extrêmement intéressante. Toutefois, il ne s’agit pas d’une énergie décarbonée : il n’est donc pas aberrant qu’ils soient soumis aux réglementations et à la fiscalité des énergies émettant du carbone !

Efficacity s’adresse aux villes existantes. Nous n’intervenons pas sur les projets de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui relèvent du programme national de rénovation urbaine ; en revanche, ces projets peuvent très bien s’inspirer des opérations pilotes que nous menons. L’ANRU est d’ailleurs l’opérateur de plusieurs de nos programmes – mais nous ne travaillons pas à la même échelle.

Faut-il vraiment mettre de l’ordre dans l’innovation, madame Sophie Rohfritsch ? Je crains qu’il ne s’agisse d’un oxymore… Je ne suis toutefois pas loin de partager votre avis : il serait bon que les entreprises y voient un peu plus clair dans les nombreux soutiens à l’innovation dont elles disposent. Une meilleure visibilité de l’offre serait appréciable ; certains organismes, comme la BPI, pourraient servir de point d’entrée unique, les entreprises étant ensuite aiguillées vers le type de financement adéquat.

La doctrine des investissements d’avenir n’a pas subi de modification : nous visons toujours l’excellence et la rupture technologique ; quant à la procédure, elle repose toujours sur des appels à projets tranchés par des jurys. Ce qui change, c’est que nous nous dirigeons progressivement vers l’aval : la force de frappe du premier programme a suscité un flux d’innovations, qu’il nous faut maintenant diriger vers l’appareil industriel et la production. Par exemple, dans les pôles de compétitivité, alors que nous financions jusqu’à présent des projets de recherche structurants, nous allons maintenant soutenir des projets d’industrialisation. C’est pourquoi le deuxième programme comprendra plus de fonds propres.

D’aucuns souhaiteraient que nous dépensions rapidement les crédits de manière à avoir un impact macroéconomique sur la conjoncture économique. Je ne suis pas complètement insensible à cet argument, mais nous devons prendre garde à ne pas soumettre nos engagements financiers aux aléas conjoncturels. Nous sommes là pour soutenir des projets, non de court terme, mais de long terme : nous finançons l’avenir. Il ne s’agit pas pour autant de traîner, mais nous devons nous conformer à la doctrine des investissements d’avenir.

Monsieur David Douillet, s’agissant du premier programme des investissements d’avenir, et si l’on ne tient pas compte des 15 milliards destinés à l’Université, sur les 20 milliards d’euros restants, 4,6 sont consacrés au développement durable et à la transition énergétique et, sur cette somme, 2,6 milliards ont été engagés. J’ai bien conscience que cela ne répond qu’imparfaitement à votre question, mais je n’ai pas de chiffres plus précis à ma disposition ; j’essaierai de vous en transmettre ultérieurement.

Quant aux industriels, oui, ils jouent le jeu, et nous n’avons aucun problème avec eux. Les entreprises sont soumises à de telles contraintes en matière de développement durable – à commencer par les exigences de leurs actionnaires – qu’elles sont désormais obligées de s’investir en la matière. Le rapport de responsabilité sociale et environnementale en est un bon exemple : il s’agissait au début essentiellement d’un outil de communication, avec un beau papier et de belles photos, mais sous la pression des analystes financiers, qui ont besoin d’informations extrêmement précises sur la réduction des émissions, l’utilisation de produits toxiques ou les accidents du travail afin de constituer des compartiments « développement durable » pour leurs clients, il tend à se transformer en un document de travail pointu et exigeant.

En matière de très haut débit, les choses se sont accélérées depuis mai. Un nouveau cahier des charges a été publié pour les appels à projets et la mission « Très haut débit » est à la disposition des collectivités territoriales. Le comité de concertation « France très haut débit » a déjà examiné les projets de onze collectivités. Des prêts à long terme mobilisant les fonds d’épargne réglementée ont été ouverts, un modèle de convention entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs a été élaboré et la technologie VDSL2, qui permet au cuivre de délivrer du haut débit à proximité d’un nœud de raccordement en fibre optique – ce qui évite d’aller jusque chez le particulier – a été autorisée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Plus précisément, conformément à l’ancien cahier des charges, nous avons donné un accord de principe aux projets de la Manche, de la Haute-Marne, du Vaucluse, du Loiret, de la Seine-et-Marne, de la Bretagne, de la Haute-Savoie, des Yvelines et de la Vendée, et une décision finale a été prise au bénéfice du Calvados. Nous avons également donné notre accord de principe, suivant les critères du nouveau cahier des charges cette fois, aux projets de l’Auvergne, de la Saône, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de l’Oise, de l’Eure-et-Loir, du Doubs et de la Mayenne. Les dossiers de la Loire, de la Haute-Saône, du Gers, du Cher, de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de l’Alsace et de la Seine-Maritime sont en cours d’instruction, consécutivement à leur examen par le comité de concertation.

Le rythme s’accélère donc – à tel point que les ressources nécessaires vont devoir être mobilisées et qu’il faudrait que l’État procède à la vente de bandes de fréquence afin d’assurer le financement ultérieur.

Je crois avoir répondu à toutes vos questions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Quid de la répartition des 35 milliards entre subventions, dotations, prêts, avances remboursables ?

M. Louis Gallois. Pour l’heure, je ne peux vous communiquer que les données relatives au deuxième programme : 3,9 milliards d’euros de subventions, dont 1,5 milliard pour la défense ; 2,1 milliards d’avances remboursables ; 1,8 milliard d’investissements en fonds propres – dans l’attente d’un retour sur investissement ; 1 milliard de soutien aux prêts, soit directement, soit indirectement, via le financement des garanties ; à cela s’ajoutent 3 milliards de dotations non consommables destinées aux universités dans le cadre des IDEX.

Je ferai parvenir à vos services la répartition exacte des dotations pour le premier programme.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le commissaire général à l’investissement, nous vous remercions.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 29 octobre 2013 à 17 h 15

Présents. - M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Claude de Ganay, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Krabal, M. Michel Lesage, M. Franck Montaugé, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. Philippe Duron, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Assistait également à la réunion. – Mme Christine Pires Beaune