Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 11 février 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Yvin, candidat à la présidence du directoire de la Société du Grand Paris

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, M. Philippe Yvin, candidat à la présidence du directoire de la Société du Grand Paris.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous auditionnons aujourd'hui M. Philippe Yvin, conseiller en charge des collectivités territoriales et de la décentralisation auprès du Premier ministre, qui est candidat à la présidence du directoire de l’établissement public Société du Grand Paris (SGP), en remplacement de M. Étienne Guyot, appelé à de nouvelles fonctions comme délégué interministériel à la prévention routière.

En effet, l'article 8 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 qui a créé la Société du Grand Paris prévoit l'audition des candidats à ce poste par « les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ».

Cette audition n'entrant pas dans le cadre de l'article 13 de la Constitution, elle ne sera pas suivie d'un vote.

Je rappelle que le conseil de surveillance a donné un avis favorable à cette nomination le 21 janvier dernier et que notre commission a désigné MM. Yves Albarello et Alexis Bachelay co-rapporteurs de la mission de contrôle sur la mise en application de la loi relative au Grand Paris et qu'ils ont déjà présenté un rapport d'étape le 3 juillet 2013.

Comme il est de coutume pour de telles auditions, je demanderai à M. Philippe Yvin de se présenter, d'expliquer pourquoi il est candidat à ce poste et comment il voit sa nouvelle mission.

M. Philippe Yvin, candidat à la présidence du directoire de la Société du Grand Paris. Je vous remercie de votre accueil.

Avant d'évoquer le contexte dans lequel se situe la feuille de route du Gouvernement pour la SGP, je rappellerai en quelques mots mon parcours professionnel.

Celui-ci a été partagé à parts égales, deux fois seize ans, entre le service de l'État et celui des collectivités locales. J'ai travaillé pour une région, une ville, deux départements comme directeur général des services, et pour l'État, six ans dans le corps préfectoral, en administration de mission et en cabinet ministériel. J'ai eu l'occasion de servir dans trois départements de la région Île-de-France : les Yvelines, l'Essonne et la Seine-Saint-Denis. Au cours de mes quatre années passées comme directeur général des services de la Seine-Saint-Denis, j'ai souvent abordé le dossier des transports collectifs pour élaborer la contribution du département au projet du réseau de transport du Grand Paris, mais aussi à un niveau opérationnel, puisque ce département est directement engagé dans plusieurs infrastructures de transports collectifs – 5 projets de tramways notamment –, où il a eu en charge soit l'aménagement urbain, soit la fonction de maître d'ouvrage délégué pour l'ensemble d'un projet, le tramway T8, entre Saint-Denis et Épinay-sur-Seine et Villetaneuse.

Je vais d'abord rappeler le cadre fixé par le Gouvernement, indiquer ensuite les réalisations de la société en 2013 et ses projets pour 2014, puis vous préciser les orientations prioritaires que le Premier ministre souhaite que je mette en œuvre dans les mois à venir.

Le Premier ministre a présenté voici presque un an, le 6 mars 2013, le nouveau Grand Paris. Dans la poursuite du protocole qui était intervenu entre l'État et la région Île-de-France le 26 janvier 2011, le nouveau Grand Paris prévoit une étroite articulation entre l'amélioration des transports du quotidien et la création du nouveau métro automatique de 200 kilomètres.

Ce nouveau métro, le Grand Paris Express, poursuit quatre objectifs : la désaturation de la zone centrale, le rééquilibrage entre l'ouest et l'est de la région, le désenclavement et la lutte contre la fracture territoriale, le développement économique et le renouvellement urbain. Le nouveau Grand Paris sécurise le financement de ces projets en fixant à 26,575 milliards d’euros les coûts et les capacités de financement de la SGP d'ici à 2030. 22,625 milliards sont prévus pour les quatre lignes nouvelles et le prolongement de la ligne 14, en intégrant une optimisation des coûts à hauteur de 3 milliards par rapport au projet initial. Pour le court terme, 6 milliards d'euros sont à engager d'ici 2017 pour les opérations d'amélioration des transports du quotidien, dont 2 milliards d'apport de la SGP. Ce plan comprend des opérations significatives, comme le prolongement de la ligne 14 de la gare Saint-Lazare à la mairie de Saint-Ouen ou la modernisation des RER – le schéma directeur du RER B Nord a déjà été mis en œuvre, celui du B Sud est à l’étude et les trois autres, A, C et D, suivront. Sont prévus également le prolongement de la ligne E à l'ouest vers Mantes-la-Jolie ou le prolongement de la ligne 11 des Lilas à Rosny-sous-Bois. Cette articulation entre les travaux d'amélioration des transports du quotidien et le projet de métro du Grand Paris s'est traduite par la signature d'un protocole d'accord entre l'État et la région Île-de-France le 19 juillet 2013.

La feuille de route du Gouvernement a par ailleurs été complétée par les orientations arrêtées à la suite du rapport de la commission Mobilité 21, d'une part, et celles relatives au Charles-de-Gaulle (CDG) Express, d'autre part. Le 9 juillet 2013, le Premier ministre a présenté le plan « Investir pour la France ». À cette occasion, il a indiqué qu'il retenait comme référence le scénario 2 du rapport Duron, prévoyant notamment l'amélioration des réseaux existants avec la modernisation du réseau ferroviaire, le renouveau des trains Intercités et le soutien au transport combiné maritime et terrestre avec les autoroutes ferroviaires. Le ministre des transports a par ailleurs lancé le 7 mai 2013 un appel à projets pour promouvoir les transports en commun et la mobilité durable. La discussion des prochains contrats de plan État-régions sera l'occasion de donner une première traduction à ces orientations.

Parmi celles les plus directement liées au nouveau Grand Paris, peuvent être mentionnées, s'agissant des liaisons ferroviaires, la liaison Roissy-Picardie, la liaison Paris-Normandie, l'interconnexion Sud Île-de-France des TGV avec la création d'une gare à Orly, mais aussi pour le fret, la liaison Gisors-Serqueux ou encore la mise à grand gabarit de celle de la Seine Amont entre Bray et Nogent. S'agissant des axes routiers, on peut citer la liaison A28-A13.

La réalisation du métro du Grand Paris s'insère ainsi dans le cadre plus large de la politique nationale d'aménagement du territoire. Cette articulation se traduira également par un volet interrégional des contrats de plan consacré à la vallée de la Seine.

Enfin, le ministre des transports a récemment confirmé la relance des travaux d'études du CDG Express, liaison qui permettrait de renforcer la qualité de l'accès à l'aéroport Charles de Gaulle. Aéroports de Paris (ADP) et RFF devraient ainsi créer une société de projet afin de poursuivre les études préalables à la réalisation d'une liaison directe entre la gare de l'Est et cet aéroport sans participation publique, ainsi que le précise l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, et sans qu’il y ait d’impact sur le fonctionnement du RER B, qui vient d'être modernisé à la satisfaction des usagers.

Cette feuille de route a fait l'objet d'avancées significatives en 2013 grâce à la mobilisation des équipes de la SGP sous la direction d'Étienne Guyot : elles doivent être poursuivies en 2014. En 2013, a ainsi été approuvée la première opération d'investissement de 5,3 milliards d'euros portant sur l'engagement de la ligne 15 Sud entre le Pont de Sèvres et Noisy Champs, soit une section de 33 kilomètres comportant 16 gares, dont la mise en service est prévue pour 2020. La commission d'enquête a rendu un avis favorable le 3 février 2014, permettant ainsi de préparer la déclaration d'utilité publique de cette première ligne. D'ores et déjà, des marchés d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre pour un montant de 300 millions d'euros ont été engagés. Le dossier d'enquête publique pour la ligne 16, Noisy Champs-Pleyel, est en cours de finalisation.

De nombreux contrats et conventions ont été également conclus en 2013 pour lancer le projet d'ensemble, parmi lesquels une convention sur la sécurité du réseau avec le préfet de police, la conclusion d'une charte relative à l'architecture des gares, une convention sur la transition énergétique, un appel à contributions sur la dimension numérique du réseau, une convention sur l'évacuation des déblais avec le port autonome de Paris. S’ajoute à cela la préparation de la convention avec le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) sur les caractéristiques du matériel roulant. Deux observatoires ont été mis en place, l'un sur le prix du foncier, l'autre sur les quartiers de gare. Ce dernier instrument est issu des travaux du comité stratégique de la SGP présidé par Jean-Yves le Bouillonnec. Ce comité réunit l'ensemble des élus concernés et associe les acteurs socio-économiques. Il accompagnera la SGP sur l'ensemble du projet et a défini comme axes de travail prioritaires la qualité du service dans le réseau, les gares et leur environnement.

En 2014, la société du Grand Paris devra achever la première phase des études d'avant-projet pour la partie sud de la ligne 15, afin notamment de définir le parti architectural des gares, de finaliser les interconnexions et de fixer le tracé définitif du tunnel. Devront être également organisées des concertations approfondies sur d'autres tronçons, avec une trentaine de réunions publiques, et la société devra préparer en priorité les dossiers d'enquête publique de la ligne 16 et du prolongement de la ligne 14 à Pleyel. Je rappelle que le Premier ministre a demandé que l'ensemble des enquêtes publiques soit achevé fin 2015. En 2014, doivent être aussi approuvées de nouvelles opérations d'investissement pour les lignes 16 et 14, ainsi que pour l'acquisition des matériels roulants de la ligne 15, soit environ 5,7 milliards d'euros. Pour mener à bien l'ensemble de ces opérations, un budget adapté a été approuvé par le conseil de surveillance le 29 novembre 2013 à hauteur de 512 millions d'euros, les recettes fiscales attendues se montant à 527 millions d'euros. Les effectifs de la société comprendront en 2014 128 collaborateurs, mais 500 personnes sont d'ores et déjà mobilisées sur les projets dans les équipes d'ingénieurs et d'architectes mandatées.

Quand les projets seront en cours de réalisation, ce sont des milliers d'emplois qui seront générés en permanence d'ici 2030 – l'estimation basse se situant à 10 000 emplois. Il convient de s'y préparer. C'est pourquoi la société devra travailler en étroite coordination avec les services de l'État et le conseil régional pour développer l'offre de formation adéquate et organiser avec les filières professionnelles, le bâtiment et les travaux publics ainsi que les industries ferroviaires, le développement de clauses d'insertion, afin de maximiser l'impact de ces chantiers en termes d'emplois.

Le Gouvernement a souhaité que la poursuite de cette entreprise soit marquée par une attention soutenue dans trois directions : une coordination plus étroite avec l'autorité organisatrice, les services de l'État et les opérateurs, tout en poursuivant la concertation bien engagée avec les collectivités locales ; un approfondissement de la dimension environnementale du projet ; et un lien renforcé avec la politique d'aménagement qui sera mise en œuvre sur le territoire francilien dans les prochaines années.

S'agissant des relations avec l'autorité organisatrice, la loi du 27 janvier 2014 a prévu que la Société du Grand Paris aura avec le STIF des relations semblables à celles des autres opérateurs, comme la SNCF et la RATP, et que le STIF sera associé à la réalisation des dossiers d'enquête publique et des dossiers d'investissements. Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2014 a habilité le Gouvernement à simplifier et à sécuriser par ordonnances la vie des entreprises. À ce titre, seront adoptées les mesures permettant à la SGP de financer les projets d'infrastructures publiques de transport en correspondance avec le métro du Grand Paris, comme Eole ou les RER, et de se voir déléguer par le STIF la maîtrise d'ouvrage de la liaison Pleyel-Champigny.

Cette meilleure coordination devra permettre de prendre en compte de façon optimale les questions relatives à l'interopérabilité des lignes – notamment à Champigny et Pleyel –, à l'interconnexion – notamment le lien avec les gares des RER – et à l'intermodalité, en particulier la desserte des nouvelles gares par les réseaux de bus.

Le second enjeu prioritaire réside dans une meilleure prise en compte de la dimension environnementale. Il s'agit tout d'abord d'approfondir la question du traitement des 20 millions de mètres cubes de déblais. Les conventions relatives à leur évacuation par voie fluviale, ferroviaire et routière devront être précisées ainsi que celles relatives à leur destination finale. Il s'agit ensuite de la prise en compte des recommandations des concertations et des enquêtes publiques. Celles de la première enquête relative à la ligne 15 ont ainsi suscité des demandes particulières relatives à la prévention des vibrations, à l'implantation urbaine des ouvrages annexes et à l'information des riverains tout au long des chantiers – autant de préconisations que la société devra intégrer.

Le troisième enjeu concerne l'impact du projet et le rôle de la société dans l'aménagement du territoire francilien. Comme le prévoit la loi, la SGP est associée par le préfet de région à la négociation des contrats de développement territoriaux (CDT). Ces contrats ont pour but de fixer la stratégie de développement entre l'État et les collectivités locales, notamment de prévoir les objectifs en termes de réalisation de logements. Ils doivent contribuer à faire passer le rythme actuel de réalisation de 31 000 à 70 000 logements, comme le prévoient tant la loi du 3 juin 2010 que le nouveau schéma directeur de la région Île-de-France. Sur la vingtaine de projets identifiés, une douzaine de CDT est d'ores et déjà approuvée et une demi-douzaine signée. Ce mouvement se poursuivra après les élections municipales. La réalisation des gares et des quartiers de gare du Grand Paris Express doit ainsi être l'occasion d'apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs des CDT en termes de construction de logements comme de locaux d'activité. C'est pourquoi la SGP devra renforcer ses relations avec les sociétés d'aménagement des collectivités locales, les établissements publics de l'État et l'Établissement public foncier d'Île-de-France, dont le rôle est désormais élargi à l'ensemble de la région.

La ministre de l'égalité des territoires et du logement, en charge du Grand Paris, a réaffirmé l'importance de ces enjeux lors d'une récente communication en Conseil des ministres sur le thème du « Grand Paris de l'aménagement et du logement ».

Il s'agit de se donner les moyens de réaliser 1,2 million de logements d'ici 2030, en développant le foncier disponible, en engageant de nouvelles opérations d'aménagement, en lançant des programmes spécifiques de logement intermédiaire, en mettant en place le nouveau programme de renouvellement urbain annoncé par le ministre délégué à la ville et en accélérant les opérations de résorption de l'habitat indigne.

Cette ambition, indispensable pour les Franciliens, sera ensuite confortée par la création de la métropole du Grand Paris, la mise en place d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement et la création en grande couronne d'agglomérations plus fortes, toutes dispositions prévues par la loi d'affirmation des métropoles et de modernisation de l'action publique territoriale adoptée par votre assemblée. Elle constitue un premier aboutissement institutionnel pour cette ambition largement partagée que constitue la création d'un Grand Paris moteur du dynamisme économique national comme de l'amélioration de la vie quotidienne des habitants de l'Île-de-France.

M. Alexis Bachelay. Je me réjouis que la loi créant le Grand Paris prévoie cette audition : elle permet ainsi aux députés d'exercer pleinement leur mission de contrôle.

Cette audition est importante car la SGP est le pivot de la loi du 3 juin 2010 et l'outil majeur de la création d’un nouveau réseau de transport avec un métro automatique autour de Paris.

D’ailleurs, dès 2009, notre collègue Gilles Carrez avait préconisé la création d'une entité spécifique en charge des travaux et la coordination étroite de cette nouvelle entité avec le STIF, alors en charge de la compétence transport en Île-de-France.

Cette audition est ainsi l’occasion de faire un nouveau point d'étape sur l'avancée du projet, que nous sommes chargés de suivre avec Yves Albarello.

Il s’agit d’un projet hors normes, de moyen terme, mais déjà très proche de la phase opérationnelle, puisque le chantier devrait démarrer en 2015, et tendant à répondre aux attentes du quotidien. Nous espérons que la première ligne du nouveau métro entrera en service à l’horizon 2020.

Des milliers d’hommes et de femmes ont travaillé ou travailleront probablement de près ou de loin à ce projet pour aboutir à sa réalisation concrète. Je tiens en particulier à saluer le travail d'Étienne Guyot et de son équipe. Je suis certain que vous prendrez le relais de façon rapide et efficace, car le rythme doit être maintenu, voire accéléré.

La feuille de route pour un nouveau Grand Paris présentée par le Premier ministre le 6 mars 2013 assure un financement dans la durée. Le projet est ainsi garanti et les acteurs économiques sont rassurés sur ses perspectives. Cette feuille de route vous permet de travailler sur un dossier validé, avec un tracé conforté.

Il est nécessaire, en plein accord avec la région Île-de-France, de rattraper le retard d'investissement qui pénalise chaque jour des centaines de milliers de nos concitoyens franciliens. En tant que président du directoire, vous aurez à mettre en œuvre cette feuille de route dans le cadre d’une enveloppe budgétaire de près de 30 milliards d’euros. Au-delà de l'enjeu des interconnexions et de l'interopérabilité entre le futur réseau et l'actuel, vous devrez anticiper les difficultés juridiques et financières afin de tenir le calendrier détaillé prévu.

La capacité à gérer les déchets produits et à les intégrer dans une économie circulaire nécessite de développer des déchetteries et des centres de tri pour les mettre en décharge et les recycler.

La question de l'approvisionnement en matériaux de construction est également préoccupante : l'ampleur du projet appelle des solutions nouvelles.

Par ailleurs, le problème des nuisances, vibratoires et sonores notamment, fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics et des élus. Vous pourriez revenir à cet égard sur les points soulevés par le commissaire enquêteur dans son rapport.

Enfin, vous aurez à assurer la conduite du projet à moyen terme, quelles que soient les alternances. Pourriez-vous préciser les recettes déjà affectées à la SGP et celles qui le seront demain afin de mener ce projet à son terme ?

M. Yves Albarello. Je tiens à rendre hommage, Monsieur Yvin, à votre prédécesseur, Étienne Guyot, qui a su fédérer une équipe de qualité et motivée, ainsi qu’à Marc Veron, qui a joué un rôle de préfigurateur de la SGP. Mais nous avons besoin de stabilité : une entreprise qui a connu trois managers en trois ans a du mal à s’y retrouver.

De la même manière qu’en 1900, on a eu l’Exposition universelle et la naissance du métro parisien, ce serait très bien qu’on ait en 2025 l’Exposition universelle et la mise en route d’une partie du nouveau Grand Paris.

J’ai envie de vous aider dans votre future mission, car la route sera longue et la pente sera raide. (Sourires) J’ai été en effet de ceux qui ont participé à l’émergence d’un consensus sur le sujet.

La commission d’enquête publique a rendu son avis le 4 février, assorti de plusieurs recommandations, la première relative aux vibrations, la deuxième à la traversée des tunneliers dans les zones gypsifères. Pour éviter d’éventuels effondrements de terrain, il nous faudra consolider les ouvrages, ce qui entraînera des surcoûts, qu’il conviendra de chiffrer.

Par ailleurs, il nous faudra stocker 60 millions de tonnes de déblais, ce qui n’est pas aisé. Deux départements, la Seine-et-Marne et le Val-d’Oise, sont réticents à accueillir ces déblais. En outre, vous allez être confronté à des terres polluées sulfatées, qu’il faudra traiter à un prix pouvant aller jusqu'à 130 euros la tonne, sachant que les chiffrages n’ont, là non plus, pas été réalisés.

De plus, il faudra que les opérateurs fassent preuve de perspicacité pour que la puissance publique recoure aux filières de recyclage, qui permettent d’obtenir un coût de 30 % moins cher pour une résistance mécanique des matériaux aussi importante. Or la RATP et SNCF travaillent chacun dans leur coin et chaque fois qu’il y a un nouveau cahier des charges, on emploie toujours des matériaux nobles – jamais des matériaux recyclés.

En outre, dans les gares retenues pour le réseau de Paris, quasiment tous les sites sont pollués, dans la mesure où il s’agit en général d’anciennes usines. Il nous faudra donc dépolluer les terres et mettre en place des normes pour les stocker. Il conviendra de vérifier notamment ce qui pourra être répandu sur les terrains agricoles à hauteur de deux mètres – en dessous, on n’est pas assujetti aux mêmes contraintes réglementaires. Certains pourront en effet, de façon inopportune, prendre les terres, les déposer à un niveau inférieur à deux mètres et couvrir ainsi des terrains agricoles. Nous devrons donc veiller à la législation applicable en pareil cas.

Enfin, si l’ambition de 70 000 logements est noble, vous serez confronté à maintes difficultés car en zone contrainte, il y a peu de disponibilités en matière foncière, et en grande couronne, il y a beaucoup de terres agricoles ou impactées par les plans d’exposition au bruit (PEB). Ce point justifiera des études très poussées.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur Yvin, votre candidature est d’autant plus pertinente que vous venez aussi de la fonction publique territoriale.

Je souhaiterais vous poser quatre questions.

La première concerne le calendrier du projet. Allez-vous maintenir le cap d'une mise en service de la ligne rouge 15 Sud en 2020 et du réseau entier en 2030 ? Nos concitoyens ont compris l'idée de séquencer les travaux de réalisation du métro mais ils n'accepteront pas qu'ils soient stoppés en cours de route ou bien réalisés partiellement.

Ma deuxième question porte sur le financement du projet. Pouvez-vous nous assurer que vous allez défendre les crédits exceptionnels alloués au métro du Grand Paris face aux ponctions d'autres autorités, comme la région, qui ont en charge elles aussi des projets de transports importants, laissés à l'abandon depuis des décennies ? La Société du Grand Paris n'a pas été conçue, ne s'est jamais contentée d'être et ne doit pas devenir la « poire pour la soif » visant à financer des idées ressorties opportunément des tiroirs !

Ma troisième question touche à la méthode de travail de la SGP. Depuis la genèse du projet, les maîtres mots concernant la ligne de conduite des études et travaux de la société ont été concertation et participation. Ni la population, ni les élus n'ont jamais été écartés des décisions qui concernent leur territoire. Allez-vous donner le même sens à votre action ? Cette méthode de travail, unanimement saluée par les élus de tous bords politiques ne doit pas être remise en question : la complexité et l'ambition de la mission de la SGP ne pourraient le supporter.

Enfin, ma dernière question concerne l'avenir de cette société dans le nouveau dessin de la métropole du Grand Paris. La SGP a pour mission principale la construction d'un métro et de ses gares ; l'aménagement de projets connexes aux gares doit participer à la valorisation financière du métro sans dépasser les limites de 400 mètres autour de celles-ci ou d'un projet de territoire acté dans un contrat de développement territorial. Mon inquiétude est réelle : allez-vous concentrer l'effort, les compétences et les savoir-faire de la SGP sur sa mission principale sans la laisser devenir le bras armé des compétences globales d'aménagement de la future métropole du Grand Paris ?

M. Jean-Christophe Fromantin. On peut s’interroger sur les ruptures de charge qui pourraient apparaître dans le management de ce grand projet industriel, dont la gouvernance ne saurait souffrir de changements trop fréquents.

Mes questions portent sur la méthode avec laquelle vous allez aborder le projet. Quelle est votre doctrine en termes d’organisation générale, de compétences intégrées ou d’assistance en ingénierie ou de maîtrise d’ouvrage ? Quelles missions souhaitez-vous déléguer et selon quelles modalités ?

Par ailleurs, quels instruments retiendrez-vous pour maîtriser les coûts ? Quelle sera votre méthode pour suivre le respect des délais et alerter le cas échéant les organismes de tutelle ?

La coordination de l’ensemble des acteurs sera complexe : vous serez au cœur d’un dispositif qui articule le STIF, la SNCF, la RATP, la région Île-de-France, la nouvelle métropole du Grand Paris ou les CDT – qui seront peut-être demain en contradiction avec les objectifs de celle-ci. Comment entendez-vous conduire cette coordination ?

Enfin, le projet du Grand Paris pourrait s’inscrire dans le cadre de la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 et conduire à une nouvelle conception des gares, la plupart des grandes gares parisiennes ayant été construites pour de telles expositions. Avez-vous une idée de ce que pourrait être la gare du XXIe siècle ?

M. Jacques Krabal. Comment comptez-vous mettre en œuvre le projet de désenclavement au profit des territoires périphériques défavorisés ? Les liaisons Roissy-Picardie et gare de l’Est-Roissy se mettent-elles en œuvre au travers d’un partenariat avec la région Picardie ou les territoires limitrophes ?

S’agissant de la ligne 16, les lignes de chemins de fer existantes aboutissant à la gare du Nord et à la gare de l’Est sont-elles prises en compte ?

J’espère que rien n’empêchera ce projet d’arriver à destination...

M. Guillaume Chevrollier. De sérieux doutes pèsent sur la crédibilité des prévisions de recettes puisque le financement du projet reposerait majoritairement sur la redevance sur les créations de bureaux (RCB), qu’il est prévu d’augmenter progressivement. Le montant de ce prélèvement dépasserait 10 % de la valeur immobilière des biens en 2020 dans une quarantaine de villes. Alors que nous sommes dans un contexte de pénurie de la demande avec un taux de vacances des bureaux en Île-de-France de 7 %, cette réforme fiscale semble inopportune et les prévisions de recettes irréalistes. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Bertrand Pancher. Je n’ai rien à dire, monsieur Yvin, sur vos qualités et vos compétences. Mais la Fédération nationale des travaux publics peut être rassurée après les précisions que vous venez de nous apporter sur le calendrier de mise en œuvre des actions décidées.

Votre arrivée va-t-elle entraîner une modification opérationnelle des équipes de la SGP, qui travaillent sur ce projet depuis plus de trois ans ?

Par ailleurs, votre prédécesseur a été salué pour la méthode efficace et démocratique de consultation de la population et des élus qu’il avait mise en place : continuerez-vous à privilégier cet esprit de concertation et, si oui, de quelle manière ?

Enfin, quelle est votre approche sur l’évolution des compétences des collectivités locales ? Beaucoup d’entre nous ont été frappés par le succès, en matière de transports collectifs, du Grand Madrid, qui enregistre 50 % de transport en commun, contre 30 % chez nous. Cela s’explique par la présence d’une seule et même entité compétente pour les autoroutes, les chemins de fer, les métros et les gares. Quel est votre avis à cet égard ?

M. Laurent Furst. J’observe, monsieur Yvin, que vous changez souvent de fonctions : vous engagez-vous sur le très long terme, à l’image du projet ? Resterez-vous en poste au moins jusqu’en 2017 ? Je rappelle à cet égard que les grands projets d’infrastructure ne sont ni de gauche ni de droite. (Approbations sur divers bancs)

Les frais de fonctionnement du système de transport seront considérables et le taux de couverture des recettes propres à l’exploitation relativement faible, ce qui nécessitera des apports complémentaires par des prélèvements sociaux ou fiscaux. Comment voyez-vous le financement de l’exploitation dans les années à venir, dans un contexte marqué par une certaine désindustrialisation ?

Enfin, pour l’exploitation du système, les projections reposent-elles sur le niveau de productivité actuelle des systèmes de transport public ou sur un niveau plus performant – tenant compte des nouvelles installations que l’on crée –, sachant que cela pose aussi une question sociale ?

M. Philippe Yvin. J’ai rappelé que l’approfondissement de la dimension environnementale constitue un des trois axes de la feuille de route gouvernementale. La ministre, Mme Cécile Duflot, a d’ailleurs demandé que l’on veille particulièrement à cet aspect.

Je rappelle que la commission d’enquête a formulé deux réserves et douze recommandations. Or la SGP a publié récemment un communiqué de presse pour indiquer qu’elle devrait pouvoir répondre assez aisément à ces deux réserves et prendre en compte ces recommandations, certaines d’entre elles étant intégrées dès le dossier d’enquête de la ligne 16.

Le recyclage est en effet un sujet important, peu abordé jusqu’à présent et qui méritera des travaux complémentaires pour répondre aux observations que vous avez formulées.

S’agissant des recettes, il y a eu une mauvaise interprétation dans la presse de la semaine dernière du rapport de l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise sur le site Internet d’un quotidien du soir, où l’on a confondu la redevance sur les bureaux et la taxe sur les bureaux, qui seule finance la SGP. Il est vrai que le barème fixé pour la redevance suscite des interrogations, notamment au regard de l’impact sur l’équilibre économique des opérations qui peuvent être montées en grande couronne. Ce rapport montre qu’en période de crise économique, on a constaté une concentration des opérations neuves sur la zone la plus dense, que ce soit à Paris, dans les zones en développement comme Seine Amont ou les quatre villes nouvelles – ce qui est plutôt positif. Mais il y a, au-delà, des difficultés sur la construction de bureaux en grande couronne et une étude complémentaire doit être menée sur l’impact de la montée en charge de la redevance sur ces programmes.

Pour 2014, les trois recettes affectées par la loi à la SGP sont prévues à hauteur de 60 millions d’euros au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, de 350 millions pour la taxe locale sur les bureaux et de 117 millions pour la taxe spéciale d’équipement.

On ne connaît pas encore exactement le moment où la SGP devra emprunter, ce qui dépendra des décaissements à venir. Son fonds de roulement se situera cette année à environ 800 millions d’euros. Par ailleurs, des accords ont déjà été passés avec la Caisse des dépôts et consignations pour que la société puisse avoir accès à l’enveloppe de 20 milliards d’euros à très long terme, à des conditions avantageuses pour les collectivités locales, annoncée l’an dernier au Congrès des maires par le Président de la République. De même, des contacts ont été pris avec la Banque européenne d’investissement (BEI) de façon à ce que la société soit également éligible aux fonds de cet établissement. Il y aura donc déjà deux sources de financement de très long terme avant de mettre en place des emprunts obligataires.

Concernant la politique du logement, j’ai observé, en faisant le tour des gares, qu’il y avait déjà des projets engagés à l’initiative des collectivités locales, avec lesquelles il sera important que la SGP travaille de façon très étroite. Plus généralement, la méthode de concertation étroite de ces collectivités et de leurs outils d’aménagement employée par M. Étienne Guyot pour le réseau de transport et les opérations d’aménagement sera confirmée. Il en sera de même s’agissant de la participation du public.

En matière de calendrier, je ne peux que confirmer les engagements indiqués par le Premier ministre l’an dernier, prévoyant notamment une mise en service de la ligne 15 Sud en 2020.

Je rappelle que la SGP a vocation à intervenir dans le périmètre des gares, et non dans d’autres opérations d’Île-de-France. À cet égard, la ministre en charge du Grand Paris a indiqué qu’elle souhaitait réorganiser les outils de l’État.

Le modèle d’organisation générale actuel doit être conservé, avec des effectifs en interne assez limités – les plafonds d’emploi devant être strictement respectés. Les années 2013 et 2014 ont été regroupées pour permettre de passer de 103 à 128 collaborateurs, sachant qu’une dizaine de plus sont prévus dans les deux années à venir. D’où un facteur d’un à cinq entre le nombre de personnes travaillant à l’intérieur de la société et celles œuvrant à l’extérieur, sur mandat. En tout état de cause, le maître d’ouvrage doit avoir les moyens de contrôler ceux qui travaillent pour lui. D’ailleurs, les 25 emplois supplémentaires sont essentiellement dédiés aux équipes opérationnelles de projet.

On peut citer à cet égard la mise en place des comités des prescripteurs surveillant les opérations sur le plan financier et des délais, avec une implication plus forte des services de l’État, conformément à une recommandation que le Gouvernement souhaitait voir mise en œuvre. Le ministre des transports et la ministre en charge du Grand Paris ont confié au commissaire du Gouvernement, le préfet de la région Île-de-France, M. Daubigny, le soin de mettre en place ces comités de suivi, de façon à ce qu’il y ait un regard extérieur vis-à-vis des travaux de la société.

En outre, la SGP a missionné M. Jacques Ferrier pour travailler sur le concept des gares du futur afin que les architectes qui auront à les réaliser disposent d’un modèle de base. Un appel à projets numériques a par ailleurs été lancé dans la mesure où ces gares devront être connectées et équipées de tous les matériels nécessaires pour l’information du public, mais aussi la sécurité. Elles sont conçues comme des morceaux de ville, avec l’ensemble des services pouvant être développés pour faciliter la vie quotidienne des Franciliens.

S’agissant du désenclavement, je suis très sensible au sujet de la Picardie, ayant travaillé pendant quatre ans dans le département de l’Oise. Le projet de liaison Roissy-Picardie est en effet important pour les habitants de cette région, d’autant que 20 % des emplois de la zone de Roissy sont occupés par des habitants de l’Oise.

Le désenclavement interne à l’Île-de-France fait l’objet de certaines lignes du réseau, notamment pour des communes dont les quartiers connaissent un fort renouvellement urbain – je pense notamment à la ligne 16, qui desservira des villes comme Clichy et Montfermeil, ou les grands quartiers d’Aulnay ou de Sevran. On sait que la mobilité est dans cette région un facteur d’intégration considérable.

Il faudra à cet égard travailler de façon précise sur les interconnexions avec les gares RER. Une réserve a d’ailleurs été intégrée dans les capacités de financement du projet pour pouvoir financer les interconnexions. Selon les estimations de la direction régionale de l’équipement, les sommes prévues pour la ligne 15 sont conformes à l’ensemble du projet, puisqu’environ 200 millions d’euros seraient mobilisés sur cette réserve d’1,5 milliard d’euros.

Il n’y aura pas de modification opérationnelle dans les équipes. Le système mis en place d’équipes dédiées par projet – que j’ai utilisé en Seine-Saint-Denis pour les projets de tramway – est très efficace lorsqu’il est lié à des comités de pilotage spécifiques suivant ces équipes.

Enfin, il est très difficile de déterminer aujourd’hui ce que seront les coûts de fonctionnement, qui d’ailleurs ne sont pas du ressort de la SGP, puisque c’est le STIF qui aura en charge le fonctionnement du système et de désigner les gestionnaires des infrastructures. Il faut rester à ce stade très prudent. Dans le protocole d’accord initial entre l’État et la région, seul un chiffre indicatif sur la redevance versée pour l’utilisation du réseau avait été fixé.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie.

Je me réjouis de l’unanimité autour de ce grand projet, qui a aussi une dimension nationale, voire mondiale. À cet égard, la mise en place de la mission d’information présidée par Jean-Christophe Fromantin est bienvenue : si Paris pouvait accueillir l’Exposition universelle au moment où serait mis en service un des premiers tronçons du nouveau Grand Paris, ce serait une formidable opportunité pour la capitale comme pour notre pays.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 11 février 2014 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Jacques Alain Bénisti, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Jacques Krabal, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Bertrand Pancher, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Christian Jacob, M. François-Michel Lambert, M. Arnaud Leroy, M. Jean-Luc Moudenc, M. Napole Polutélé, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - Mme Annick Lepetit