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Mercredi 19 février 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 45

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président et de M. François Brottes Président de la Commission des affaires économiques

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la Commission des affaires économiques, de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la Commission des affaires économiques, ont entendu M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance.

M. le président François Brottes. Pour cette audition commune entre la commission des affaires économiques et la commission du développement durable, dont je salue le Président, M. Jean-Paul Chanteguet, nous accueillons M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, qui était déjà venu lors du lancement de la Banque publique d’investissement (BPI), et qui nous avait promis de revenir faire un point d’étape régulier sur le fonctionnement de la BPI.

Les débuts de Bpifrance ont été rapides, malgré quelques polémiques sur la mise en œuvre du dispositif logistique. On est vite passé aux interventions concrètes auprès des entreprises, notamment en région. Notre commission a eu l’occasion de constater à plusieurs reprises, auprès d’entrepreneurs, que vous étiez relativement réactif, et que vous ne disiez pas non à tout, ce qui était souhaité. Aujourd’hui, vous avez largement affiné votre dispositif. Nous voudrions que vous nous disiez quel est l’état des finances de cette banque, la manière dont les entreprises ont su trouver le chemin de vos guichets - désormais uniques - en région, et comment les banques privées se situent par rapport à Bpifrance, à savoir si elles restent à la remorque, ou bien si elles sont également offensives.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’aurai l’occasion de poser quelques questions à M. Dufourcq dans le cadre du débat.

M. Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. Je vais vous donner des indications sur notre activité 2013, notre budget 2014, et vous rappeler quelques détails sur notre façon de travailler, notre organisation et nos projets. Vous avez eu un document, que je vais synthétiser : la BPI est une institution de place qui a un effet multiplicateur très important, mais elle est de taille modeste, avec 2 200 salariés. Tout est fait pour maximiser l’effet multiplicateur : nous ne faisons rien qui ne soit en collaboration avec d’autres acteurs. Nous cofinançons avec les banques de la place, nous co-investissons avec les fonds d’investissements de la place, nous accompagnons les entrepreneurs avec les structures d’accompagnement de la place, nous garantissons des crédits avec les fonds de garantie des conseils régionaux, et nous attribuons des subventions à l’innovation avec le programme des investissements d’avenir et les directions de l’innovation des conseils régionaux. Pour résumer, nous sommes une banque d’écosystème, qui met en mouvement les écosystèmes dans les régions et les territoires.

Nous sommes aussi une banque des territoires : 90% des décisions de financement étaient déjà prises en région, et - j’en ai pris la décision la semaine dernière - ce sera désormais le cas pour les décisions concernant les fonds propres. Toutes les décisions d’investissement inférieures à 4 millions d’euros seront désormais prises en région – ce qui représente environ 90% des décisions d’investissement.

Nous avons un rôle de plus en plus actif d’opérateur du programme d’investissements d’avenir : en 2013, nous avons distribué 750 millions d’euros de subventions ; en 2014, ce sera 1 milliard, et en 2017, 1,5 milliard d’euros - par an ! Ce sont des montants d’investissement très importants.

Nous avons six métiers :

Voilà quels sont nos métiers. S’agissant de notre stratégie, elle est contenue dans notre nom : nous ferons tout pour que l’investissement redémarre en France. Nous déployons donc de nouveaux efforts, de nouveaux produits, de nouveaux outils, de nouveaux capitaux, et une implantation régionale.

Nous avons quatre valeurs :

En termes de croissance pour les années qui viennent, les chiffres sont faciles à retenir : en 2013, nous avons accordé 9 milliards d’euros de crédits sur nos fonds propres. L’objectif est d’augmenter ce montant d’1 milliard d’euros par an pendant les quatre ans à venir, soit une croissance d’environ 10% par an pour la production annuelle de crédits. C’est ce que nous avons déjà fait en 2013, puisque notre production a crû de 10%. En parallèle, en 2013, le marché de la dette aux PME a décru de 4%. Notre action est donc extrêmement contracyclique.

En 2014, je pense que le marché va cesser de décroître aussi rapidement. Supposons qu’il se stabilise, nous restons sur une augmentation de 10%. Nous sommes donc extrêmement volontaristes.

Parmi ces 10%, sur le crédit, nous avons deux priorités. D’abord la trésorerie, notamment celle des TPE, qui est particulièrement fragile. Le préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui est rapidement devenu un produit phare, a représenté 800 millions d’euros pour Bpifrance en 2013. Nous voulons atteindre 1,2 milliard d’euros en 2014, soit une augmentation de 50%. Ensuite, tous nos autres produits de court terme : affacturage, mobilisation de créances publiques et des crédits de court terme adossés sur des fonds de garantie dotés par l’État.

En 2014, le but est d’atteindre une croissance de 5 à 6%. Si nous pouvons faire plus, nous le ferons, mais nous serons sûrement limités par la dotation des fonds de garantie. En revanche, sur la mobilisation des créances, nous accompagnerons le marché. Nous avons fait une très belle année 2013, avec 9% de croissance sur le court terme, c’est-à-dire le chiffre de croissance le plus élevé des 70 ans d’histoire de la Caisse nationale des marchés de l’État, créée dans les années 1920 et dont provient notre activité de mobilisation de créances. On n’avait jamais vu une croissance aussi rapide que celle de 2013. Nous allons essayer de la maintenir au même rythme en 2014.

La question de la trésorerie nous amène à revenir au contact des TPE en direct, ce que ne faisait pas Oséo jusqu’à fin 2012. Tout se faisait de façon indirecte, par la garantie accordée aux banques privées, qui elles-mêmes disposaient d’un réseau de relations qui permettait de bancariser les TPE. Depuis le CICE et la suppression du plancher de 25 000 euros, nous sommes revenus aux prêts directs aux TPE : nous avons fait 8 500 prêts directs aux TPE en 2013. Nous allons continuer en 2014. Cela ne veut pas dire que nous allons, avec 2 200 salariés, - à comparer aux 35 000 salariés du réseau de BPCE en région - être la banque des TPE françaises. En revanche, sur le produit de trésorerie qu’est le préfinancement du CICE, nous le sommes. Nous avons vu des TPE venir chercher chez nous 900 ou 1 500 euros. Nous l’avons fait, et nous continuerons de le faire. À cette fin, nous avons recruté des intérimaires pour traiter ces demandes.

Dans le métier du crédit, notre deuxième priorité est le crédit à l’investissement, et surtout le crédit sans garantie prise sur l’entreprise ou l’entrepreneur. Ce sont des crédits de 2 à 5 millions d’euros, donnés « en blanc » à des entreprises pour qu’elles se développent. L’entreprise peut en faire ce qu’elle veut : de l’export, de l’innovation, des recrutements, de la structuration de son fonds de roulement, etc. Ce sont les « prêts de développement », qui sont fondamentaux. Nous considérons qu’ils peuvent contribuer à décoincer l’investissement français. Ils s’ajoutent toujours à un crédit bancaire classique, sur lequel il y a une prise de sûreté. Nous ne faisons jamais de prêts sans cofinancement avec les banques de la place. Mais notre apport spécifique est de faire des prêts sans garantie.

Nous souhaitons en porter la croissance à 30% en 2014, et rester sur cette tendance dans les années qui viennent, de façon à être capables, en 2017, d’accorder, chaque année, 3 milliards d’euros en nouvelle production de crédits sans garantie, ce qui équivaut à la totalité de l’encours actuel. Cela a été validé par notre conseil d’administration à la présentation de notre plan stratégique. Cela suppose que nos fonds de garantie soient correctement dotés par la direction du budget, car le risque est couvert par des dotations publiques.

L’effet multiplicateur est très élevé : pour 10 millions d’euros d’argent public, on peut accorder 100 millions d’euros de crédit. Et comme les banques privées suivent à 1 pour 1, ce sont en fait 200 millions d’euros de crédits qui sont accordés aux PME françaises. Les fonds de garantie seront suffisants jusqu’au premier semestre 2015 pour assurer les garanties. Au-delà, leur volume devra être augmenté.

En tout état de cause, la position de notre conseil d’administration, composé de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de l’État, représenté par la direction du Trésor, l’Agence des participations de l’État et le ministère de l’industrie, c’est de relancer l’investissement français par les prêts de développement.

S’agissant de notre stratégie en matière de fonds propres, elle est également très ambitieuse : nous voulons augmenter nos investissements en fonds propres d’environ 30% dès 2014, et rester sur le même rythme de croissance dans les années suivantes. Sur les fonds propres, nous sommes également dans une logique de l’offre : pour convaincre un entrepreneur d’ouvrir son capital, il faut aller le voir et avoir avec lui un dialogue intime, où même les logiques généalogiques de succession sont abordées.

Ce travail de banquier de terrain est fondamental. Nous avons donné comme objectif à nos 1 000 chargés d’affaires en région de faire ce travail-là, qu’ils ne faisaient pas jusqu’à présent. Précédemment, les fonds n’étaient situés qu’à Paris, à la Caisse des dépôts et consignations. Il n’existait pas de banquiers territoriaux chargés de ce dialogue, sur les questions de structuration du capital, sur la manière d’aider l’entreprise à doubler de taille à l’horizon de cinq ans. Ce travail-là concerne donc les chargés d’affaires « Fonds propres », mais également les directeurs des BPI régionales comme les chargés d’affaires « Innovation », dans les secteurs d’avenir (eco-tech, med-tech, internet).

C’est un travail nouveau mais fondamental. Il existe aujourd’hui des places, comme celle de Grenoble, où nombre de start-ups, par ailleurs bénéficiaires de subventions, refusent d’ouvrir leur capital. Nous pensons que ce n’est pas sain : s’il est bon de recevoir des subventions, il faut absolument ouvrir le capital, pour ouvrir la gouvernance, se confronter aux clients, à des écosystèmes différents, car c’est la clé du succès d’une entreprise.

Cette politique d’« évangélisation » des entrepreneurs français, dans laquelle nous sommes très actifs, consiste à dire : ouvrir son capital, prendre de la dette, ce ne sont pas des gros mots. Nous aspirons à être cette banque convaincante, qui démarche, qui véhicule des messages forts.

L’activité 2013 montre que toutes nos lignes de produits sont en croissance, à l’exception, précisément, de celle des fonds propres. La mélancolie française de l’hiver 2012-2013 a été coûteuse pour l’activité économique, en points de PIB. De nombreux entrepreneurs refusaient d’ouvrir leur capital, et même d’engager le dialogue. L’activité « fonds propres PME » a ainsi décru, en nombre de tickets, de 30% en 2013. Au sein de la BPI, la baisse n’a été que de 22%, grâce à une logique contracyclique de résistance à cette baisse. Le premier trimestre 2013 a donc été faible, mais l’activité est repartie dès le second trimestre, avec une tendance intéressante pour 2014.

L’investissement a, quant à lui, décru pendant huit trimestres. La dernière fois qu’une croissance séquentielle, sur deux trimestres, a pu être observée, date du quatrième semestre 2011. C’est insupportable. Si la macroéconomie est cyclique, l’investissement doit repartir. Notre propos est donc de dire que si l’offre que nous présentons est insuffisante, il faut faire plus, rencontrer de nouveau les actionnaires que sont l’État et la Caisse des dépôts et consignations, et ce tant qu’une reprise de l’investissement n’est pas assurée. C’est d’ailleurs toute la logique du pacte de responsabilité.

La bonne nouvelle est que le quatrième trimestre de 2013 montre une croissance de l’investissement de 0,9% par rapport au troisième trimestre. On l’observe au mois de décembre 2013, qui a été particulièrement actif en France et se situe bien au-delà de nos perspectives. Le mois de janvier 2014, comme celui de février, semble être sur la même tendance, avec beaucoup de dossiers d’investissement et de crédit sur la table. Il se passe quelque chose en France en ce moment, et il faut renforcer ce mouvement, pour le rendre durable. Il faut agir sur les produits, sur la présence sur le terrain, sur l’accompagnement des entrepreneurs, et, particulièrement, sur la psychologie, paramètre clé – bien qu’encore fragile.

Elle n’est pas identique dans tous les territoires et dans tous les secteurs. Si les secteurs d’avenir (biotechnologies, transition écologique, internet) sont en effervescence, d’autres secteurs plus matures sont davantage dans une recherche de visibilité sur leur carnet de commandes à l’horizon du quatrième trimestre 2014. Si cette prudence est compréhensible, notre rôle est de dépasser cette peur d’investir, de les convaincre que le monde d’aujourd’hui ne permet plus une telle visibilité à quatre trimestres, et qu’une absence d’investissements aujourd’hui sera, et c’est une certitude, source de graves difficultés en 2016 ou en 2017.

Les entreprises ne devraient ainsi pas oublier que les taux d’intérêt réels actuels, à hauteur de 3%, sont les plus faibles jamais connus dans la période d’après-guerre, et doivent encourager la prise de dette avant que ces taux ne remontent, inévitablement. Notre discours consiste à dire : « Vos entreprises sont belles, investissez maintenant », ce qui n’est pas un discours courant dans le secteur bancaire. C’est notre fonction d’entraînement, que nous voulons tenir.

Nos partenaires bancaires commencent d’ailleurs à nous remercier de créer un tel entraînement de l’activité économique, qui leur apporte du volume : dans la règle du « 1 pour 1 », que j’évoquais précédemment, 10% de croissance de la BPI en 2013 et en 2014 permet de tirer vers le haut une partie du marché bancaire, dans une logique vertueuse.

Je pense que notre budget 2014 sera tenu, bien que je ne puisse vous le promettre, car je pense que l’investissement va repartir en 2014. L’économie, elle, repart, c’est certain. Nous observons, dans les séminaires, les déjeuners ou les dîners que nous tenons avec les entrepreneurs, que les choses sont en train de changer dans la bonne direction.

Les statistiques de l’INSEE sont d’ailleurs rassurantes : pour la première fois depuis 2 ans, les entrepreneurs déclarent vouloir investir de nouveau en 2014, avec un taux de croissance de 3%. En octobre 2013, ce taux de croissance déclaré de l’investissement était encore de -3%. Cela dénote un changement de psychologie majeur, mais encore fragile : il suffirait d’une cacophonie, d’événements imprévus, pour raidir de nouveau les entrepreneurs, et reporter de trois ou quatre mois la reprise de l’investissement. Il faut donc tenir sur ce sentier clé de la psychologie positive.

Mme Frédérique Massat. Un plan pour lancer la « nouvelle France industrielle » a été annoncé par le Président de la République et par son ministre, M. Montebourg. Trois grands axes y ont été ciblés : la transition écologique, l’économie du vivant et les nouvelles technologies.

La BPI, qui doit participer au financement de ce plan, a-t-elle d’ores et déjà mis en œuvre des lignes d’action et, en termes de financement, à quelle hauteur, à court comme à moyen terme ? Des entreprises ont-elles déjà fait appel à vous ?

Par ailleurs, est-il possible de connaître le bilan des BPI régionales, au-delà du bilan global de l’activité de Bpifrance ? Ce bilan peut-il comporter une approche qualitative, selon les domaines d’intervention, en plus de l’approche quantitative ?

Mme Anne Grommerch. Vous avez un discours optimiste sur la psychologie positive, mais, sur le terrain, nos entreprises sont toujours en difficulté, et nous le disent. La situation financière des TPE et des PME s’est encore fragilisée l’an dernier, et si la BPI a accordé 8 500 prêts directs aux TPE, cela ne concerne que 0,003% de celles-ci.

Vos moyens sont-ils suffisants, au vu des besoins de nos entreprises ? On observe ainsi une diminution de 77% des investissements directs à l’étranger en France. D’autres pays voisins, dans l’Union européenne, connaissent une hausse de 37,7% de ces IDE. On ne vient plus investir dans notre pays. La BPI peut-elle compenser ce manque de plusieurs milliards d’euros ?

Par ailleurs, comment comptez-vous sélectionner les 75 000 entreprises que vous comptez visiter, et quelle est la nature de votre cohabitation avec le réseau bancaire traditionnel ?

M. Bertrand Pancher. Vous nous dites que vous êtes prêts à faire plus pour aider la reprise de l’investissement. Quelles actions envisagez-vous de mener, à cette fin, auprès des entreprises ?

En outre, si, sur le plan économique, l’inscription dans un cycle mondial explique la difficulté pour la BPI de favoriser la reprise, nous comprenons difficilement pourquoi les investissements en matière de rénovation thermique et d’énergies renouvelables s’écroulent, de manière inédite depuis les engagements internationaux de notre pays. Jamais nous n’avons observé si peu de rénovations de logements, si peu d’éoliennes et d’équipement photovoltaïques mis en chantier.

Comment expliquer cette situation, pour des investissements qui sont à notre portée ? Les taux d’intérêts ne sont-ils pas suffisamment faibles ou bien la responsabilité est-elle portée par les autres acteurs ?

Mme Brigitte Allain. Vous avez très peu parlé du milieu rural. Disposez-vous de modalités spécifiques pour vous y faire connaître, des petites comme des grandes entreprises ? Par ailleurs, le projet de loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire (coopératives, associations, rénovation énergétique) affiche son ambition de créer des outils financiers nouveaux dans ce secteur. Quelle y est la place de la BPI ?

En outre, la constitution de dossiers auprès de la BPI semble s’avérer très lourde, et loin du choc de simplification : des cautions hypothécaires de deuxième rang sont parfois réclamées aux entreprises pour obtenir un financement, malgré leur coût.

Enfin, comment choisissez-vous vos moyens humains pour répondre aux nombreux besoins sur le terrain des PME et des TPE : emplois intérimaires ou emplois durables ? Les avances remboursables du CICE dont vous parlez n’ont pas de sens pour les TPE, et ces dernières manquent malheureusement souvent de référents pour leur apporter des réponses.

Mme Jeanine Dubié. À quel type d’entreprises, et dans quels secteurs, a bénéficié le préfinancement du CICE par la BPI, qui a dépassé vos objectifs en termes de dossiers déposés et de financements accordés aux entreprises ?

Sur le terrain, de nombreuses PME disent en effet avoir de grandes difficultés pour profiter de ce préfinancement. Disposez-vous des mêmes retours, et avez-vous l’intention de déployer des moyens pour y remédier ?

Par ailleurs, vous annoncez consacrer un milliard d’euros aux entreprises innovantes en 2014, et raccourcir les démarches et les délais d’obtention des aides. Comment cette initiative s’articule-t-elle avec les fonds engagés dans le cadre de l’acte II du programme des investissements d’avenir ?

M. André Chassaigne. Dans votre campagne d’« évangélisation » et votre chantier de psychologie positive, parvenez-vous à influencer les banques, particulièrement frileuses pour accorder des prêts aux entreprises, notamment les plus petites, afin de les aider dans leur développement ?

À ce titre, continuez-vous à effectuer la mission du médiateur du crédit, qui connaissait des résultats intéressants dans son dialogue avec les banques ? Qui mène cette mission ?

En outre, dans l’exigence actuelle de nouveaux modes de développement, prenez-vous en compte des critères sociaux ou environnementaux, comme le font les régions, pour accorder vos aides ? Quel est votre positionnement sur cette dimension qualitative ?

Enfin, comment financez-vous vos propres activités, sans possibilité de création monétaire ? Êtes-vous accompagnés pour vous alimenter financièrement ?

Mme Sophie Rohfritsch. En Alsace, le fonds Alsace-Croissance, dont l’existence est antérieure à la création de la BPI, fonctionne de manière efficace en matière d’investissements, notamment en fonds propres, et vient d’être doublé. Pourtant, vous laissez subsister dans cette région l’ex-FSI, en concurrence directe avec ce fonds. Pourquoi ? Les banques privées y participent bien et y sont mobilisées, apparemment plus qu’ailleurs.

Ensuite, quel est le coût, pour une entreprise, d’une intervention de la BPI ? On entend dire que c’est assez cher.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous vous définissez comme une banque de porte-à-porte, et non une banque traditionnelle de guichet, votre objectif étant d’aller à la rencontre de 75 000 entreprises. Comment les ciblez-vous ?

Comment atteindre davantage les plus petites entreprises, qui connaissent mal les services de la BPI ? Quel est le pourcentage des très petites entreprises qui ont pu bénéficier des aides déployées en 2013 ?

Comment allez-vous concrètement agir en direction d’une simplification des démarches afin de raccourcir les délais ? Enfin, la BPI envisage-t-elle d’accompagner le développement et l’investissement des sociétés d’économie mixte ?

M. Philippe Armand Martin. Vous êtes d’un optimisme débordant puisque vous envisagez d’augmenter de 30% par an la participation au financement des fonds propres des entreprises. Cette ambition est conditionnée au fait que les entreprises reprennent confiance et décident d’ouvrir leur capital pour renforcer leurs fonds propres et relancer leurs investissements. Quels moyens mettez-vous en œuvre pour restaurer cette confiance ? Cela ne peut pas se limiter au fait de rencontrer 75 000 entreprises qui dépriment en ce moment, comme vous le savez, car les charges sont énormes et elles sont très souvent endettées.

Votre doctrine d’investissement qui a été validée par le Parlement en 2013 précise bien que votre mission n’est pas d’investir dans les entreprises structurellement en difficulté. Qu’allez-vous mettre en œuvre pour soutenir les entreprises innovantes et quels sont les critères pour soutenir ou non une entreprise de ce type ?

Mme Catherine Quéré. J’accompagne depuis plusieurs mois une jeune société novatrice dans le domaine du numérique qui cherche à s’installer sur le territoire de ma circonscription avec une perspective de 25 salariés au démarrage pouvant rapidement doubler. Leur capital de départ est de 40 000 euros. Nous avons été très bien reçus par la BPI à Paris, mais l’aide s’est limitée à des conseils sans proposition de crédit d’amorçage. La société a trouvé depuis lors un investisseur disposé à intervenir à hauteur de 250 000 euros à la condition que soit parallèlement trouvé un financement égal auprès des établissements bancaires ou de la BPI. Pouvez-vous nous éclairer sur le montant du financement que cette société peut obtenir ? Est-ce du crédit pour l’investissement sans garanties et à quel taux ?

M. Jacques Krabal. La trésorerie est aujourd’hui la question principale pour les artisans et les commerçants, les banques traditionnelles ne jouant pas leur rôle. Quel rôle la BPI occupe-t-elle sur ce sujet ?

En ce qui concerne les entreprises du bâtiment, le sujet des délais de paiement est fondamental surtout pour les entreprises participant à une chaîne de sous-traitance. Concernant la banque territoriale, les comités d’orientation régionaux constituent une très bonne idée, mais ne faudrait-il pas descendre d’un cran au niveau du département ou du territoire, voire du bassin d’emploi ? Ne pourrait-on pas envisager une mise en commun des garanties de la BPI et des collectivités locales sur des projets spécifiques ?

La BPI peut-elle s’associer aux initiatives de monnaies complémentaires et y apporter son expertise ?

Je crains enfin que les appels d’offre dans le cadre du plan de déploiement du numérique à très haut débit ne retiennent pas suffisamment de petites entreprises et ne concernent donc pas le milieu rural.

Mme Michèle Bonneton. La vocation de la BPI est-elle d’aider les entreprises qui se portent bien, ou celles qui rencontrent des difficultés, ou bien les deux ? Et dans quelle proportion ?

La BPI investit-elle dans les ETI et les PME ?

Quels sont les critères retenus pour choisir les entreprises aidées ?

Quelle place est-elle réservée à la transition écologique, à la transition énergétique et à l’économie circulaire et à l’économie sociale et solidaire, et donc à l’innovation, dans ces domaines ?

Nos entreprises souffrent d’un manque d’automatisation, de robotisation, quelles sont les orientations de Bpifrance dans ce domaine ?

J’entends dire dans ma circonscription que les interlocuteurs de Bpifrance ont des difficultés à appréhender les réalités du terrain, et qu’ils ne comprennent pas les demandes de l’entreprise. Par exemple, que la garantie demandée ampute de 10% la somme prêtée ou que le taux d’intérêt proposé est près de deux fois supérieur à celui de leur banque traditionnelle qui, elle, connaît l’entreprise. Ce ne sont probablement que des défauts de jeunesse, je souhaiterais savoir ce qui est prévu pour les corriger.

M. Yannick Favennec. Vous avez lancé un fonds pour l’excellence, destiné à assurer la pérennité et le développement des entreprises artisanales et industrielles qui disposent d’un savoir-faire rare, emblématique du « fabriqué en France », et qui sont labellisées entreprises du patrimoine vivant. Pouvez-vous nous indiquer les modalités de choix et d’accompagnement de ces entreprises ?

Lors de votre précédente audition, je vous avais remis le dossier d’une entreprise de ma circonscription qui fabrique des meubles et qui pouvait bénéficier du concours éventuel de la BPI. Je n’ai malheureusement jamais obtenu de réponse de votre part à ce sujet et la situation de cette entreprise s’est depuis lors considérablement dégradée.

Mme Catherine Troallic. Ma question découle d’un cas précis rencontré dans ma circonscription, celui de l’entreprise Isoplas Pro qui a vécu des moments difficiles avant de connaître une issue heureuse grâce à l’action commune de la BPI et de la région Haute-Normandie. En effet, avant cette issue, l’entreprise a été placée en redressement judiciaire et ne pouvait alors prétendre à aucune aide alors qu’elle disposait d’un carnet de commandes et de clients, mais non d’une trésorerie suffisante pour acheter de la matière première. Aucune banque privée n’a souhaité lui prêter de l’argent alors qu’elle disposait de créances en germe.

Dans une telle situation l’entreprise est paralysée, elle perd des clients, se fragilise et le climat social se tend peu à peu. N’existe-t-il pas de dispositifs adaptés à cette période cruciale pour l’entreprise car cette situation risque également de dissuader un repreneur potentiel ?

M. Guillaume Chevrollier. L’aide aux entreprises a été largement évoquée lors du déplacement du Président de la République aux États-Unis et un point important a été souligné : les États-Unis savent soutenir l’innovation, ils sont moins frappés par les lourdeurs administratives. Dans ce pays les chefs d’entreprise « en devenir » reçoivent une subvention dès qu’ils ont une idée de création d’entreprise alors qu’en France cette subvention n’est accordée qu’après avoir dû fournir de nombreux documents. Cette différence de délai et de méthode serait à l’origine de la disparition de nombreux projets dans notre pays et de l’exil des entrepreneurs. Quelle est votre position sur cette problématique ?

Je tiens en outre à souligner les difficultés de trésorerie que rencontrent les petites entreprises, particulièrement en milieu rural.

Mme Marie-Hélène Fabre. Nous sommes conscients de l’utilité et de la nécessité de la BPI. Nous avons en tant qu’élus à relayer votre action et notamment la psychologie positive dont vous faites état. Il existe pour autant un certain nombre de difficultés à l’égard des TPE et de leurs relations avec les banques. Il est nécessaire que nous disposions d’informations plus affinées par bassin d’emploi pour pouvoir mieux relayer votre action.

M. Yves Albarello. Je souhaite tout d’abord rappeler qu’une entreprise ne fonctionne que si elle dispose d’un carnet de commandes et d’une certaine lisibilité. L’entreprise n’investit que si elle sait qu’elle pourra, à terme, développer des produits. En revanche, si elle n’a pas de commandes, elle a beaucoup de difficultés à investir.

J’ajoute qu’une entreprise a besoin de stabilité et de lisibilité fiscale. Or depuis dix-huit mois on constate une cacophonie exemplaire du Gouvernement qui a déstabilisé les entreprises.

Je voudrais savoir si une société placée en redressement judiciaire est éligible aux prêts sans garanties de restructuration.

M. le président François Brottes. Cela peut être l’occasion d’évoquer le fonds de retournement qui n’est pas directement de votre ressort mais qui participe de cette problématique.

M. Thierry Benoit. J’ai apprécié votre volontarisme et la psychologie positive que vous prônez et que nous relayons sur le terrain. Au terme d’un an d’exercice de la BPI, qu’elle est la plus-value concrète pour les dirigeants d’entreprise par rapport au dispositif antérieur d’Oséo et de la Caisse des dépôts ?

Les entrepreneurs se tournent vers vous lorsqu’ils n’ont pas trouvé de réponse satisfaisante auprès des banques classiques. Qu’est-ce qui différencie la BPI des autres banques en termes de prise de risques ?

La BPI sera-t-elle partie prenante en 2014 de la constitution de pools bancaires souhaités par les entrepreneurs sur le territoire ?

Enfin je vous ai soumis deux dossiers au mois de mai dernier qui n’ont depuis lors pas reçu de réponse de votre part.

M. Hervé Pellois. Est-il possible de créer des prêts à l’embauche pour les nouveaux entrepreneurs ayant peu de trésorerie mais souhaitant embaucher un cadre commercial ou technique pour développer leurs activités ?

Est-il possible d’adapter au cas par cas les outils participant au besoin en fonds de roulement pour financer les besoins en trésorerie des entreprises qui se développent très vite ?

Les entrepreneurs connaissent de grosses difficultés pour les levées de fonds à partir de 250 000 euros, car il est très difficile de trouver des investisseurs.

M. Jean-Marie Sermier. Je souhaite évoquer la filière bois qui est en grande difficulté dans notre pays, tant dans l’exploitation que dans les première et deuxième transformations. Dans ma circonscription se trouve une forêt domaniale de 22 000 hectares qui est gérée par l’Office national des forêts, la forêt de Chaux. Aujourd’hui, 50% des grumes partent en Chine et reviennent transformés ce qui est inadmissible. Que pouvez-vous faire pour soutenir cette filière bois en termes de financement mais aussi en matière de propositions ? Pensez-vous que la BPI, au-delà de cette filière, est en capacité de faire des propositions pour améliorer la compétitivité de nos entreprises ?

M. Arnaud Leroy. Tout d’abord sur la méthode, je souhaiterais que l’on dispose d’un temps plus important pour un sujet comme celui-ci à l’avenir. Je vais parler d’un secteur un peu délaissé par la BPI, le secteur maritime. Je vous ai écrit à ce sujet et j’ai moi-même été chargé par le Premier ministre d’une mission sur la compétitivité de ce secteur. Je souligne dans le rapport que nous connaissons en France un problème de sous-financement de cette filière, le mot filière étant d’ailleurs sans doute un peu fort. J’aurai voulu savoir si vous étiez réceptif à l’idée de monter une task force pour structurer cette filière car nous en avons besoin, et nous avons un ensemble de marins à défendre ! Ce secteur revêt un aspect stratégique pour notre économie, il fait aussi référence à la place de la France dans la mondialisation et il faut que nous puissions assumer nos ambitions.

M. Jean-Luc Moudenc. Vous avez indiqué vouloir faire un milliard d’investissements dans une opération majeure qui s’intégrait dans l’enveloppe d’un à deux milliards que Bpifrance dit pouvoir injecter en fonds propre dans l’économie française chaque année. Avez-vous une cible en tête actuellement ? Ne vaudrait-il pas mieux investir pareille somme dans le tissu des PME ? Envisagez-vous d’utiliser vos fonds propres pour financer des start-ups étrangères à hauteur de 25 000 euros comme cela a été évoqué par le Président de la République dans le cadre du conseil stratégique pour l’attractivité ?

M. Philippe Plisson. En milieu rural aussi les intercommunalités ont des services de développement économique pour aider les PME de leur territoire pour les problèmes ponctuels de trésorerie. Ne pourraient-elles avoir des relations directes avec la BPI plutôt que de passer par le sous-préfet et le commissaire au redressement productif, ce qui est très lourd ?

Dans le cadre de la transmission parfois difficile des entreprises, la BPI peut-elle intervenir dans l’accompagnement du repreneur ?

Mme Valérie Lacroute. Deux choses sont certaines, ce sont les PME et les ETI qui créent le plus d’emplois. Dans cette bataille de la croissance, de l’emploi et de l’export, l’argent est le nerf de la guerre comme vous le savez, d’où mes deux questions :

Envisagez-vous de mettre en place un outil pour aider les entrepreneurs à remplir un dossier unique servant de matrice à plusieurs demandes simultanées d’aides publiques, qu’elles soient régionales, nationales ou européennes, rattachées à la BPI mais aussi à la base nationale des aides publiques ?

Vous avez mentionné une aide directe aux entreprises. Concerne-t-elle également les projets d’innovation ?

Mme Pascale Got. Vous avez remis un rapport au ministre chargé de l’économie sociale et solidaire (ESS), M. Benoit Hamon, sur la création de nouveaux outils pour le développement de l’ESS. Où en est-on de la mise en place concrète de ces outils et de leur application ? La BPI a-t-elle déjà subventionné d’une manière conséquente les entreprises de l’ESS ? Quel est votre avis sur le projet de loi sur ce sujet ? Permettra-t-il de monter en puissance sur le développement de ce secteur ?

M. David Douillet. Une entreprise de ma circonscription qui est sous-traitante dans le secteur aéronautique a son carnet de commande rempli, emploie six salariés, mais sera contrainte de mettre la clef sous la porte si elle ne trouve pas avant la fin de l’année un accord avec les banques classiques. Le problème est réel, les banques ne font pas leur travail et préfèrent spéculer sur les marchés et obtenir des gains à court terme plutôt que de faire leur véritable métier qui est de financer l’économie.

Des entrepreneurs ne parviennent pas à créer leur entreprise car les banques leur demandent beaucoup trop de garanties. Les banques sont trop exigeantes et les entrepreneurs ne peuvent obtenir le carburant pour démarrer une activité. Selon moi la BPI ne doit pas se substituer aux banques dont la mission est d’accompagner les entreprises. J’aimerais avoir votre avis sur cette question, notamment sur le rôle que doivent jouer les banques pour soutenir notre tissu économique, qu’elles n’auraient jamais dû abandonner, et sur le fait que la qualité et la compétence de la BPI risquent d’accentuer ce désengagement.

M. Éric Straumann. Vous l’avez évoqué tout à l’heure, Bpifrance, à travers l’ancien Fonds stratégique d’investissement, est actionnaire de Constellium. Cette entreprise a aujourd’hui un projet d’investissement de 200 millions d’euros et hésite entre le site français de Biesheim et un autre situé en Allemagne pour le réaliser. Quelle est votre influence en tant qu’actionnaire dans ce choix d’investissement ?

M. Jean-Pierre Vigier. L’émission obligataire de 500 millions d’euros lancée il y a quelque temps s’avère être un succès et a reçu un accueil favorable auprès des investisseurs internationaux. Quels objectifs prioritaires seront fixés aux fonds récoltés ? La croissance des PME, soutenues par Bpifrance dans les régions, est-elle aujourd’hui réellement palpable ?

M. Olivier Falorni. Faute de temps je n’évoquerai qu’un seul sujet, l’accession aux prêts étudiants garantis par l’État. Ce prêt offre de nombreux avantages puisqu’il n’est pas exigé de caution ou de conditions de ressources. L’État vous confie la gestion du fonds de garantie dont vous prenez en charge une partie du risque de défaillance encouru par les banques partenaires. Or à ce jour les organismes bancaires n’ont toujours pas signé la convention annuelle de délégation d’instruction et de décision avec Bpifrance et ne peuvent proposer leurs offres aux étudiants. Au-delà de la question de l’accessibilité au prêt, ce constat montre la limite de l’autonomie des guichets uniques dans les régions. Ma question est très simple : ne serait–il pas plus opportun de laisser le soin à Bpifrance, dans les régions, de gérer les enveloppes budgétaires dans le cadre d’une véritable décentralisation ?

M. Alain Suguenot. Bpifrance Investissement et FSI Régions viennent d’annoncer leur fusion avec l’objectif de réorganiser le pôle d’investissement et de regrouper les équipes et les moyens dans Bpifrance investissement. Quelles en seront les conséquences pour les agences régionales de Bpifrance et seront-elles éventuellement amenées à disparaître ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Différents secteurs d’avenir ont été identifiés, qu’il s’agisse de la transition énergétique, de la santé, de l’économie du vivant, des transports et du numérique. Lorsque l’on regarde la répartition, parmi ces secteurs, des programmes d’innovation soutenus par Bpifrance, on constate que la transition énergétique ne représente que 5% de vos interventions contre 9% pour les transports, 15% pour la santé et l’économie du vivant et 70% pour le numérique. Je suis surpris par le poids particulièrement faible de la transition énergétique dans vos programmes d’innovation et souhaite vous interroger sur ce point.

M. le président François Brottes. Je remercie nos collègues d’avoir respecté le temps qui leur était imparti, ce qui va permettre à Monsieur le Directeur général de disposer du temps nécessaire pour répondre.

M. Nicolas Dufourcq. Je répondrai séquentiellement à chacun des députés. S’agissant des 34 plans de reconquête industrielle, nous en sommes les banquiers et participons à la rédaction des 34 feuilles de route avec nos représentants dans chacune des 34 plateformes. Le rôle de ces plans est de faire émerger des PME et des ETI, qui elles-mêmes pourront consolider des petites PME voire des TPE technologiques. Le rôle de Bpifrance est bien de financer cette politique industrielle.

Vous m’avez interrogé sur le bilan par région de Bpifrance. Vous allez tous recevoir un coffret dans lequel vous trouverez un ouvrage retraçant précisément notre bilan dans les 22 régions métropolitaines ainsi que dans les départements d’outre-mer. Vous pourrez y consulter également l’atlas de Bpifrance en région, une étude détaillée sur le capital investissement c’est-à-dire les 270 fonds que nous finançons dont 90 fonds régionaux mais aussi notre dernière enquête PME. Cette dernière montre que lorsqu’une entreprise ayant plus de 20 salariés innove et exporte, elle prévoit de croître rapidement en 2014. L’équation est très claire : exportation et innovation entraînent, pratiquement automatiquement, la croissance. Le coffret contient également une enquête sur les ETI françaises qui pointe les faiblesses sur lesquelles nous travaillons. L’une de ces faiblesses est que le chiffre d’affaires moyen des ETI françaises à l’export représente seulement 20% de leur chiffre d’affaires total. C’est beaucoup trop faible et l’objectif est bien de monter à 50%. Vous trouverez également dans le coffret le plan stratégique 2014-2017 détaillé, notamment sur les sujets de transition écologique et d’économie sociale et solidaire, le rapport d’activité 2013 et enfin un volume consacré à 19 entrepreneurs soutenus par Bpifrance.

Il est clair, pour nous, que la vie quotidienne des TPE françaises est difficile. Cependant, face à ces millions de TPE, une banque publique d’investissement avec seulement 2 200 salariés ne peut pas tout faire. Les réseaux de bancarisation des TPE sont les réseaux bancaires privés et mutualistes. Les différents fonds de Bpifrance doivent encourager les réseaux bancaires à attribuer des crédits aux TPE françaises en garantissant ces dernières. Notre système de garantie est simple : toutes les demandes de garanties portant sur des crédits de moins de 200 000 euros sont acceptées automatiquement par voie informatique. Les banques ne nous appellent même plus ! Ce système permet d’attribuer chaque année 15 000 prêts. Il est arrivé, de façon exceptionnelle et parce que les réseaux bancaires faisaient défaut, que nous intervenions directement en matière de préfinancement du CICE. La logique d’intervention de Bpifrance, qui va perdurer, est bien de combler les failles du marché. En revanche, il n’est pas certain que nous puissions faire plus en raison de nos faibles moyens humains : l’agence d’Annecy par exemple compte 6 personnes et celle de Paris-centre seulement 60. Avec ces effectifs, il nous est impossible de traiter tout le tissu capillaire des TPE françaises. C’est pourquoi nous travaillons de manière indirecte en garantissant les réseaux bancaires traditionnels. Ce constat n’enlève malheureusement rien au stress de trésorerie majeur que subissent les TPE françaises. Les statistiques de la Banque de France montrent que le niveau de trésorerie des TPE et des PME a chuté de 4% en 2013, voire même de 10% pour les seules TPE. J’ai d’ailleurs évoqué ce problème récemment avec la nouvelle présidente de la fédération bancaire française qui partageait cette inquiétude.

En matière de transition écologique, je vous informe que Bpifrance a accordé 400 millions d’euros de crédits et qu’elle est le premier financeur français du photovoltaïque et de la biomasse. Par ailleurs, nos premiers clients en termes d’encours sont des entreprises investies dans la transition écologique. Nous avons en effet financé de nombreuses petites entreprises qui ont ensuite été rachetées par Suez ou Veolia. Ces deux sociétés sont ainsi désormais dans les premières lignes de notre fichier clients. D’ici à 2017, nous souhaitons doubler le volume annuel de crédits pour atteindre 800 millions d’euros par an pour la transition écologique. En 2014, nous espérons franchir une première étape en passant de 400 à 600 millions d’euros de crédits. Ces derniers s’ajoutent à nos fonds d’investissements spécialisés dans les ecotechs, qui sont eux-mêmes dotés par les programmes d’investissements d’avenir.

Pour répondre à la question relative au milieu rural, je vous confirme que nous ne finançons pas les coopératives agricoles à l’exception des grosses structures. Nous avons à ce titre pris une participation dans Limagrain. L’entreprise agricole française de base est cependant hors du périmètre de Bpifrance car elle passe par d’autres circuits bancaires au premier rang desquels le réseau du Crédit Agricole. Je vous concède que nous connaissons mal le monde rural, comme c’était d’ailleurs le cas pour les organismes que Bpifrance a remplacé comme Oséo, la BDPME (Banque de développement des petites et moyennes entreprises) ou encore le CEPME (Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises). En revanche, nous accordons bien des crédits aux structures importantes de production agricole, et non d’exploitation. Nous pouvons même intervenir au niveau de leur capital selon des modalités particulières du fait de la faiblesse des liquidités dans le secteur des coopératives agricoles.

En matière de financement de l’économie sociale et solidaire, Bpifrance met en œuvre les mesures annoncées dans le rapport que j’ai remis au ministre Benoît Hamon le 31 mai 2013. Nous avons créé un prêt participatif à l’économie sociale et solidaire de 50 000 euros qui est distribué par les réseaux Initiative France, France Active et l’ADIE (Association pour le droit à l’initiative économique). Nous mettons également en place le Fonds d’investissement social de 10 millions d’euros dont nous sommes le gestionnaire. Enfin nous avons décidé d’injecter des capitaux dans les fonds d’investissement spécialisés dans les « quartiers », avec par exemple 20 millions d’euros pour le fonds Business Angel des cités.

Pour répondre à la question sur les moyens humains, je vous informe que Bpifrance a recruté, en termes nets, 100 personnes en 2013 et prévoit 53 recrutements supplémentaires en 2014, ce qui est loin d’être négligeable pour une entreprise de 2 200 salariés. Il n’a pas été facile de convaincre le conseil d’administration d’accepter une telle augmentation de charges. Mais nous avons souligné l’ambition de notre plan de développement. Le recrutement des intérimaires s’explique, lui, par la saisonnalité du préfinancement du CICE qui se verse pour l’essentiel au cours du premier semestre de l’année.

J’en profite pour répondre à la question sur le préfinancement du CICE. Comme vous l’avez dit, nous avons reçu 12 000 dossiers de demandes dont 8 500 provenaient de TPE. Il est certes possible de signaler quelques gros dossiers émanant d’entreprises d’intérim mais nous avons surtout reçu des dossiers portant sur des petits montants. Je n’ai pas de chiffres précis à vous communiquer concernant la répartition des montants du préfinancement du CICE. En toute logique, les secteurs des services et de l’industrie sont majoritaires du fait qu’ils sont fortement employeurs de salariés rémunérés en dessous de 2,5 fois le SMIC.

La question de l’articulation entre le financement de l’innovation et la deuxième génération du programme des investissements d’avenir m’a été posée. Cette articulation est totale puisque le programme des investissements d’avenir « Saison 2 » (PIA 2) donne à Bpifrance une enveloppe de 3 milliards d’euros à gérer dans les années à venir. Dès 2014, nous allons passer de 750 millions d’euros à 1 milliard d’euros de financements pour l’innovation à gérer. Nous sommes ainsi le grand opérateur du plan d’exécution du PIA. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est également un opérateur qui compte mais de façon plus marginale.

J’en viens maintenant à la notion de psychologie positive qui a suscité des interrogations pour savoir notamment comment nous parvenons à entraîner les banques et si nous remplissons le rôle de médiateur du crédit. C’est exactement ce que nous faisons. En 2013, pendant que le marché du crédit décroissait de 4%, l’offre de crédit de Bpifrance augmentait de 10%. Or nous ne faisons jamais de crédit seul car cela entraînerait un transfert de tous les mauvais risques du marché bancaire dans notre bilan et menacerait à termes Bpifrance. Notre règle est bien celle du 1 pour 1 ou même du 1 pour 2. Lorsque Bpifrance augmente son offre de crédit de 10% pour atteindre, en 2013, 5 milliards d’euros de crédit, cela signifie que les banques privées ont accordé en face 10 milliards d’euros de crédit en plus. Sans l’intervention de Bpifrance, ces banques n’auraient pas prêté. En résumé, sur les 250 milliards d’euros de crédits accordés en 2013 aux entreprises, 25 milliards d’euros, soit 10% sont liés à notre force d’entraînement et à notre participation directe. C’est ce que l’on peut appeler la force de la psychologie positive. Concrètement, lorsqu’un entrepreneur a un projet d’investissement, deux cas de figure sont possibles : soit il contacte sa banque qui nous saisit car elle a besoin de partager son risque, soit il nous saisit directement grâce aux contacts noués avec nos antennes locales. Il peut alors lui être proposé un crédit de développement, par exemple de 3 millions d’euros, à la condition que sa banque lui propose un crédit d’un montant au minimum identique, qu’il s’agisse d’un crédit-bail, d’un crédit portant sur des investissements matériels ou immatériels ou encore d’une ligne de trésorerie. Dans ce cas, les services de Bpifrance appellent la banque pour favoriser la création d’un consortium ou d’une syndication de crédit.

Sur la question des critères en matière de responsabilité sociale des entreprises, je rappelle que Bpifrance accorde 60 000 garanties et 5 000 à 6 000 prêts directs par an. Il est impossible de fixer des critères pour chacune de ces opérations. Nous pouvons tenir un discours mais pas fixer des contreparties ou des conditions fermes. En revanche, dans l’investissement en capital, nous sommes beaucoup plus influents. Sur les tickets significatifs, c'est-à-dire supérieurs à 5 millions d’euros, nous signons avec les entreprises des lettres de progrès dans lesquelles nous leur demandons de dire comment elles progressent sur les critères comme le recrutement des jeunes, la parité, la qualité de la gouvernance, la structuration de leur conseil d’administration, la dimension de transition écologique dans leur processus… Cette pratique des lettres de progrès a été lancée l’année dernière par M. Yves Barou lorsqu’il était en charge de ces activités au sein de Bpifrance avant de prendre la présidence de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

J’en viens maintenant à la question des moyens. S’ils sont aujourd’hui suffisants, il n’est pas encore certain que ce sera le cas dans les années à venir. Nous entamons donc notre campagne de conviction auprès de la direction du budget pour alimenter nos fonds de garantie entre 2015 et 2017. Il faut, pour ce faire, prévoir absolument 250 à 300 millions d’euros par an pour conserver notre activité de prêt au développement que j’ai évoquée tout à l’heure. Pour 2014, notre budget montre que nos moyens seront employés pour l’innovation à travers nos fonds de garantie, en forte progression, et pour augmenter nos fonds propres. Mais sur les fonds propres, nous sommes limités par la demande. En 2013, nous aurions pu investir 1 milliard d’euros de plus mais il n’y a pas eu suffisamment de dossiers. Ces dossiers, nous devons les construire, les sécréter avec les entrepreneurs. Dans notre budget pour 2014, nous sommes par ailleurs en mesure de réaliser un gros investissement d’un milliard d’euros. Cela ne veut pas dire que c’est une cible, cela pourra être moins ou plus en fonction des situations. Ce chiffre permet simplement de rappeler que l’objet social de Bpifrance n’est pas exclusivement réservé aux PME-TPE mais également à la faculté de participer à un grand ticket stratégique avec une grande entreprise française. Cet investissement est donc mis au budget et pourra être ou non réalisé. Ainsi en 2013, nous n’avons pas réalisé de grand investissement contrairement à 2012 où nous avions investi dans Eramet.

Pour répondre à la question posée sur Alsace Croissance, sachez que Bpifrance finance ce fonds aux côtés du Crédit mutuel d’Alsace et du conseil régional. Cette participation ne nous empêche pas d’avoir un fond direct à côté comme nous l’avons dans toutes les régions françaises. Ce qu’il faut avoir bien en mémoire, c’est que nous n’investissons jamais seul mais nous nous inscrivons dans une stratégie de co-investissement. Il n’y a donc pas de concurrence potentielle avec Alsace Croissance.

Je réponds maintenant à l’interrogation sur les frais facturés aux entreprises pour nos crédits. Les taux d’intérêt s’élèvent, en fonction de la notation Banque de France de l’entreprise, entre 3 et 7 %. Une partie significative de notre encours bancaire total, soit 5%, se situe sur des entreprises très mal notées par la Banque de France, autrement dit sur des entreprises en difficulté ou qui sont déjà inscrites au titre du livre VI du code de commerce. S’agissant des frais de dossier, ils sont supprimés pour le préfinancement du CICE, ce qui a suscité des questions de la part de la commission européenne ou de nos concurrents bancaires. Ces derniers n’étant pas intéressés par l’opération de préfinancement du CICE, nous n’avons pas été particulièrement inquiétés.

Concernant la question du coût de la garantie proposée par Bpifrance, je vous rappelle qu’elle consiste en la garantie implicite de l’État qui nous est donnée. Cette garantie nous permet de lever des capitaux sur les marchés comme pour les 500 millions d’euros d’obligations qui ont été évoqués tout à l’heure. Bpifrance lève 5 milliards d’euros par an sur les marchés mondiaux pour pouvoir accorder des crédits. L’État fait payer cette garantie implicite qui est ensuite refacturée aux entrepreneurs en totalité au moment de l’obtention du crédit. Je conviens que le coût de cette garantie peut être élevé. Mais le fait de facturer la totalité de la garantie au début de l’opération de prêt s’avère beaucoup plus simple en matière de gestion que de la faire payer mois par mois. Notre obsession est de simplifier les procédures pour raccourcir les délais. À ce titre, la décision pour un préfinancement du CICE est rendue en moins d’une semaine, et une quinzaine de jours est nécessaire pour une décision concernant un prêt de développement. La rapidité fait partie intégrante de nos valeurs et nous souhaitons la diffuser dans le domaine des fonds propres qui est un monde plus lent. En effet, ce secteur est beaucoup plus risqué que celui du crédit car il implique presque de se marier avec l’entrepreneur. J’ai demandé aux équipes en régions de ne pas dépasser un délai de six semaines pour donner une réponse.

M. le président François Brottes. Y a-t-il une pédagogie du « non » ?

M. Nicolas Dufourcq. Oui, au même titre que pour l’attribution des crédits.

M. le président François Brottes. C’est très important : dans de nombreux cas, les refus ne sont pas assortis d’explications, ce qui génère de la frustration.

M. Nicolas Dufourcq. Nous estimons que cette pédagogie doit être réalisée en face à face, par les structures locales, le plus souvent le directeur régional.

M. le président François Brottes. Accordez-vous une deuxième chance ?

M. Nicolas Dufourcq. Toujours. Nous n’avons pas d’a priori lorsque nous examinons des dossiers. Nous avons produit des statistiques sur les raisons qui expliquent ces « non ». Dans 70% des cas, il s’avère que le projet n’est pas crédible du tout, personne dans cette salle ne miserait un euro dessus. Les refus liés à un plan de financement insuffisant, à une première année délicate à passer, sont bien plus rares et constituent la pointe de l’aiguille. Nos cas de refus les plus fréquents, ce sont les « Géo Trouvetou ».

Nous ne finançons pas les sociétés d’économie mixte.

Les sociétés innovantes sont très soutenues en France, parfois trop. Nous avons mis sur pied le plan Nova, qui vise à simplifier l’accès au financement de l’innovation, partant du constat que le système d’aides est trop peu lisible et, on peut le dire, bureaucratique. Nous constatons des délais de dix-huit mois entre le début de la démarche initiée par l’entreprise et le versement des fonds sur le compte en banque de celle-ci.

Mme Quéré, nous examinerons le cas particulier que vous soulevez.

Il existe divers moyens de financer des entreprises en perte opérationnelle. Le préfinancement du CICE, qui est en réalité une cession de créance, constitue l’un d’eux, au même titre que le Dailly – de la mobilisation de créance –, l’investissement en fonds propres et le prêt pour l’innovation – trois millions d’euros sans garanties.

M. le président François Brottes. Ces moyens existent, mais la plupart du temps, le chef d’entreprise se heurte à une brutale fin de non-recevoir, sans même que l’on examine ses perspectives de rebond. Je ne parle même pas des banquiers traditionnels.

M. Yves Albarello. Et pour les entreprises en redressement judiciaire ?

M. Nicolas Dufourcq. Nous ne pouvons pas utiliser le prêt pour l’innovation, mais nous recourons à l’investissement en fonds propre et au préfinancement du CICE. Nous comptons plusieurs sauvetages d’entreprises en redressement judiciaire grâce à ces instruments comme Clestra ou CPI, premier imprimeur européen. Lorsqu’une entreprise en redressement judiciaire annonce avoir trouvé une solution, nous la finançons immédiatement.

Les délais de paiement sont un problème majeur, auquel nous ne pouvons pas répondre autrement que par de la mobilisation de créance. C’est en réalité un sujet qui dépasse le champ de compétences de la BPI.

Dans dix-neuf régions sur vingt-deux, nous développons des outils de garantie communs à ceux des régions. Nous nous dirigeons de plus en plus vers les conseils régionaux pour leur proposer de doter des fonds de garantie.

Les entreprises en difficulté représentent 5% de nos encours totaux, ce qui représente, en volume, une somme considérable. Le cas typique du préfinancement du CICE est celui de la TPE qui vient chercher 800 euros pour résoudre ses problèmes de trésorerie. Les équipes de l’ex-FSI ont consacré, en 2013, 40 à 50% de leur temps aux entreprises en difficulté. Nous avons eu à traiter de cas extrêmement difficiles : Florange, Petroplus, Gascogne Paper, CPI, Doux,  KemOne, Clestra, etc. Tous ces dossiers sont instruits, avec l’appui de cabinets de conseil. Ils ne mènent pas tous à des actions de notre part, mais sont ensuite utilisés pour l’octroi des crédits du Fonds de développement économique et social (FDES). 

Des prêts spécifiques, garantis par un fonds doté par le programme d’investissements d’avenir, sont octroyés pour la robotisation. Un fonds « Robolution » a également été créé.

Nous examinerons le dossier que vous nous avez signalé, Monsieur le député, afin de savoir pourquoi cette entreprise d’ameublement d’une quarantaine de salariés n’a pas pu bénéficier de l’aide du Fonds pour les savoir-faire d’excellence. Ce fonds, je le rappelle, est doté d’environ quinze millions d’euros, et nous permettra de prendre des « petits tickets » dans une quinzaine d’entreprises.

Mme Troallic, Isoplas Pro n’a-t-elle pas pu bénéficier d’un préfinancement CICE ? Il faudrait vérifier ce point.

Mme Catherine Troallic. Cette entreprise était en redressement judiciaire. Que peut-on faire dans ce cas ? Elle n’a pas bénéficié d’aides.

M. Nicolas Dufourcq. C’est étonnant.

Vous m’avez également interrogé sur la plus-value de la BPI par rapport à Oséo. Elle est réelle. D’une façon générale, il est indéniable que la fusion de quatre entités a, en quelque sorte, révélé un nouvel objet, qui est doté de nouveaux produits, de nouveaux outils et de nouveaux moyens. Il y a un effet Bpifrance. Plus spécifiquement, les 1 000 personnes affectées en région ont désormais la possibilité de faire des fonds propres, ce qui constitue une nouveauté. S’agissant du soutien à l’export, notre partenariat avec UbiFrance nous permet, après avoir ciblé 1 000 entreprises, d’en accompagner 700 pendant une période de six mois.

M. Douillet, je partage votre constat sur le millefeuille hypothécaire. C’est pourquoi nous proposons des prêts sans garanties. La contrepartie de cette orientation, c’est que nous devons doter des fonds de garantie par de l’argent public.

Il nous est difficile d’offrir des produits au secteur maritime. Nous serions obligés de prendre des garanties dans des navires, ce qui n’est pas notre métier, même si nous constatons effectivement que le Crédit maritime est en phase de décroissance. En revanche, nous investissons dans des pêcheries, comme celle de Cayenne.

M. Arnaud Leroy. Il faut cependant trouver des solutions car la Lloyds Bank, l’acteur traditionnel du maritime, se retire, tout comme BNP Paribas. Je pense que les spécificités françaises – une organisation encore très familiale, un tissu d’armateurs de différentes tailles – permettraient d’élaborer un produit adapté aux acteurs du secteur.

M. Nicolas Dufourcq. En 2013, Bpifrance a fait une proposition de création d’un fonds mutualiste à la profession, mais cette dernière a refusé de participer financièrement. Il y a un problème de fond : les armateurs ne sont pas prêts à partager le risque des autres, contrairement à d’autres professionnels comme le bâtiment.

Le Fonds bois, destiné à financer les scieries, est en renouvellement. Il sera doté de 20 millions d’euros supplémentaires pour participer au développement de l’ameublement. L’objectif est de lutter contre le scandale que constitue la transformation à l’étranger, puis le rapatriement sous forme de produits finis, du bois issu de la forêt française.

Nous finançons des start-ups étrangères dès lors qu’elles créent de l’emploi en France. C’est le critère que nous suivons.

Il y a des discussions pour renouveler les modalités du prêt étudiant garanti par l’État, avec le Trésor et la Banque européenne d’investissement pour le volet Erasmus.

De façon indirecte, nous sommes les grands financeurs de la transmission car nous garantissons de 50 à 70% du montant des emprunts accordés par les banques privées à cette occasion.

Nous créons des plateformes communes avec les conseils régionaux afin de tendre vers le « guichet unique ». Mais il reste d’autres réseaux d’aides aux entreprises qui demeurent à l’écart d’une telle initiative : les chambres de commerce, les financements européens et le réseau Entreprendre.

Accordons-nous des prêts à l’embauche ? En réalité, c’est la raison d’être de nos prêts de développement, qui servent dans leur très grande majorité à recruter de nouveaux salariés.

Je ne crois pas que les levées de fonds supérieures à 250 000 euros soient les plus difficiles à mener. Il me semble plutôt que ce soit pour la tranche 50 000 - 100 000 euros que nous soyons le plus dépourvus d’outils.

Constellium est une très belle société. Nous sommes présents au conseil d’administration, où nous exerçons notre influence en proportion de notre participation – minoritaire –, et faisons valoir notre position.

M. le président François Brottes. Les responsables d’intercommunalités peuvent-ils saisir directement les directeurs régionaux de Bpifrance ?

M. Nicolas Dufourcq. Tout à fait, ils peuvent le faire sans passer par les sous-préfets ou par les commissaires au redressement productif. Nos directeurs régionaux sont précisément là pour ça.

M. le président François Brottes. C’est donc une vue de l’esprit de penser qu’une telle saisine implique celle, préalable, de toute la hiérarchie de l’État avant d’arriver jusqu’à vous. Par contre, si aucune réponse n’émane de Bpifrance, rien n’empêche, dans ce cas, de passer par diverses entités institutionnelles.

Mme Brigitte Allain. Je voudrais revenir sur la question des coopératives agricoles, dont vous avez précisé, monsieur le directeur général, que vous ne les financiez pas, pas plus que les entreprises du secteur maritime, car vous ne les connaissez pas. Cela me pose question, car les banques habituelles demandent des cofinancements, qui pourraient associer Bpifrance. Innover veut parfois dire aller vers des secteurs que l’on ne connaît pas. En milieu rural, de petites coopératives agricoles ou viticoles peuvent avoir besoin de financements, or on leur demande souvent des garanties plus importantes que celles qu’on demande à d’autres entreprises. Vous l’avez dit, au-dessus de 250 000 euros, vous répondez présent. Dans le cas de Doux, on ne s’est pas posé la question de savoir si le repreneur serait encore là dans deux ans. Sur des valeurs sûres, on est beaucoup plus frileux, car on ne connaît pas le secteur.

Mme Michèle Bonneton. Je n’ai pas complètement saisi votre réponse relative à la répartition des agents de Bpifrance sur le terrain. Leur mission nécessite une réelle connaissance du tissu d’entreprises et un travail tout en finesse qui demande du temps et de l’expérience. Y a-t-il une stratégie dans ce sens ?

M. Nicolas Dufourcq. Avec 1 000 salariés sur le terrain, qui ne sont pas tous des chargés d’affaires - vous avez des juristes, des agents produisant les dossiers -, s’engager à voir 75 000 entreprises dans l’année constitue déjà un objectif hors normes. Cela signifie que nous demandons à chacun de nos chargés d’affaires de voir 120 à 140 entreprises par an, ce qui est énorme, sur des territoires, comme les régions Midi-Pyrénées ou Rhône-Alpes, parfois très vastes. Les recrutements auxquels nous procédons en 2014 visent précisément cette même catégorie, c’est-à-dire nos banquiers nomades, soit 30 personnes sur les 50 embauchées, les autres étant des chargés d’affaires territoriaux pour les PME en investissement – fonds propres.

Mme Brigitte Allain. Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question.

M. le président François Brottes. Parfois, pas de réponse constitue une réponse… (Sourires)

M. Nicolas Dufourcq. Je pense que nous ne sommes absolument pas outillés pour financer aujourd’hui toutes les coopératives et exploitations agricoles françaises. Nous le sommes pour financer l’industrie agro-alimentaire et les pêcheries. Mais vous avez raison, madame, cela peut changer : il y a quelques années, Bpifrance n’existait pas, et peut-être que dans cinq ans nous exercerons un septième ou un huitième métier de financeur du monde coopératif français, en coopération avec le Crédit agricole. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Mme Brigitte Allain. Je reste sur une frustration, d’autant que vous avez dit avoir participé au financement de Doux, qui, sans avoir la forme d’une coopérative, appartient au monde agricole. Donc je ne comprends pas, et si nous n’obtenons pas de réponse aujourd’hui, nous essaierons de de l’obtenir dans d’autres circonstances. Peut-être nous faudra-t-il en parler avec le ministère concerné.

M. le président François Brottes. Chers collègues, je vous invite à traiter de cette question dans le cadre du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, tout à fait adapté à la spécificité des entreprises coopératives. Il s’agit d’un sujet plein et entier, qui mérite toute notre attention, et que nous devons retravailler, y compris avec la BPI.

J’ai deux remarques conclusives. La première a trait aux nouveaux modèles - la BPI en est un – et aux nouveaux modes de financement de l’économie qui sont en train de voir le jour. J’ai lu hier dans la presse qu’Airbus avait racheté une banque allemande pour financer l'activité de ses sous-traitants, ce que les autres banques ne font plus.

La seconde porte sur le soutien que porte le Gouvernement au crowdfunding, ou financement participatif. Quel regard porte la BPI sur ce type d’initiatives, qui montre que les industriels se trouvent obligés de devenir banquiers faute de réponse du secteur bancaire à leurs besoins, et que les porteurs de projets doivent faire appel aux citoyens directement car les banques non plus ne les accompagnent pas ?

M. Nicolas Dufourcq. Nous croyons beaucoup au crowdfunding. À tel point que nous avons, pour devenir un acteur fédérateur des projets et des entrepreneurs, créé une place de marché sur internet rassemblant les initiatives françaises dans ce domaine : www.tousvosprojets.fr. Extrêmement simple, elle permet notamment à tous les sites de crowdfunding de chercher chez nous une information à jour sur les offres de dons, de prêts ou d’investissements disponibles. Si vous êtes porteur d’un projet et que vous cherchez des sous, ce site vous permet de ne le décrire qu’une seule fois, dans la logique du guichet unique dont j’ai déjà parlé, et vous évite de répéter l’opération trente-six fois.

Nous pensons que ce mode de financement va, dans les années qui viennent, constituer une part significative du financement des jeunes entreprises françaises. Cette explosion du financement participatif n’a rien de spécifiquement hexagonal, puisqu’elle a lieu également, en ce moment, en Grande-Bretagne, et qu’aux États-Unis il constitue désormais un mode alternatif aux banques.

M. le président François Brottes. Y compris dans l’agriculture, ce que je dis pour Brigitte Allain. Je connais ici-même des députés qui ont grâce à cela acheté des vaches.

Mme Frédérique Massat. Effectivement, j’ai financé – mais au même titre que tous ceux qui ont fait ce geste - l’achat de bovins pour un agriculteur qui souhaitait agrandir son cheptel. Il s’agit d’un investissement sur quatre ans, avec un rendement réglé en nature.

M. le président François Brottes. Si cela continue, la BPI va se retrouver au chômage. (Sourires) Plus sérieusement, comment peut-on sécuriser les placements réalisés de cette façon par les particuliers ? Le bon cœur et la passion ne suffisent pas, il faut que le retour sur investissement soit au rendez-vous. On ne peut pas gagner à tous les coups, car tout investissement comporte un risque. Il faut donc un minimum de traçabilité et de sécurisation. Vous avez créé une plate-forme, vous avez donc obtenu l’agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ?

M. Nicolas Dufourcq. Je ne suis même pas sûr que nous ayons obtenu cet agrément, car il ne s’agit que d’une plate-forme de mise en relation. Maintenant, le crowdfunding et la microfinance restent beaucoup plus risqués : les taux de défaut sur ces crédits sont non-bancaires. Il faut que les souscripteurs soient bien informés de cela.

Par ailleurs, les banques filiales captives des grands groupes industriels ne constituent pas des nouveautés : on pense immédiatement à PSA Finance, à la structure financière de Renault ou à Altus Finance pour le groupe Thomson – pour le meilleur et pour le pire. Je ne me suis d’ailleurs pas expliqué pourquoi Airbus prenait ce virage aujourd’hui, alors qu’elle aurait pu le faire il y a trois ou quatre ans. Une possibilité : qu’ils pensent avoir de cette façon un accès au marché bancaire moins dispendieux.

M. le président François Brottes. M. Dufourcq, je vous remercie pour la qualité de vos réponses. Nous essaierons d’avoir cet échange tous les ans avec vous, car il me paraît très important, dans la mesure vous êtes au cœur de la tonalité générale de l’économie. Nos collègues, y compris dans l’opposition, auront compris le sens de la psychologie positive.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 19 février 2014 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Montaugé, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Philippe Duron, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Olivier Marleix, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville