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Mercredi 26 novembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Le Roux sur le rapport du groupe de travail « Compétitivité du transport aérien français »

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Bruno Le Roux, président du groupe SRC, sur le rapport du groupe de travail « Compétitivité du transport aérien français ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission auditionne aujourd’hui M. Bruno Le Roux, président du groupe SRC, qui a remis au Premier ministre, le 3 novembre dernier, un rapport sur la compétitivité du transport aérien français, à la suite des travaux du groupe de travail qu’il a animé de juin à octobre. Ce groupe de travail regroupait des organisations syndicales de salariés, des représentants des transporteurs aériens et des exploitants d’aéroports ainsi que les administrations concernées, au premier rang desquelles la DGAC.

Monsieur le président, votre constat, confirmé et partagé par les membres du groupe de travail, est en effet préoccupant, et vous proposez une série de mesures pour améliorer la compétitivité de nos compagnies. De manière générale, vous constatez un décalage entre les très faibles marges, dans un contexte de concurrence accrue, d’un transport aérien en cours de restructuration et la rentabilité des aéroports.

Nous aimerions donc que vous présentiez les évolutions de la fiscalité appliquée aux compagnies aériennes et à leurs passagers. Vous proposez notamment d’affecter l’ensemble du produit de la taxe de l’aviation civile (TAC) au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) et d’exonérer, à partir du 1er janvier 2016, les passagers en correspondance du paiement de la TAC.

M. Bruno Le Roux. Je vous remercie. C’est avec grand plaisir que je viens aujourd’hui devant votre commission présenter le travail mené par notre groupe de travail.

J’aimerais d’abord rappeler le cadre qui a conduit à sa mise en place. Il a été lancé en juin dernier pour répondre aux pressions exercées depuis longtemps par le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) qui souhaitait qu’une réflexion soit engagée sur la compétitivité du transport aérien français. Il devait déboucher sur une série de propositions de mesures à mettre en œuvre.

La mission, qui m’a été confiée par Frédéric Cuvillier et le Premier ministre, s’est déroulée dans des délais contraints puisque l’objectif était que les premières mesures puissent être adoptées dans le projet de loi de finances initiale pour 2015. J’ai présidé un groupe de travail dont la composition avait d’ores et déjà été arrêtée. Il était constitué des compagnies aériennes représentées au sein des deux principaux syndicats – la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) et le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA) –, des représentants du personnel, de l’Union des aéroports français (UAF) avec un représentant d’Aéroports de Paris et de diverses administrations de l’État. Le secrétariat administratif du groupe de travail a été assuré par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Le parti pris a été celui de tenir les délais impartis. Nous nous sommes également efforcés de respecter la lettre de mission et donc, de faire des propositions pour améliorer la compétitivité du secteur. Le rapport a été remis dans les temps.

Le diagnostic que nous avons établi est synthétique et très alarmiste ; il rejoint les conclusions d’autres rapports comme celui rendu par M. Claude Abraham1 et qui avait établi plusieurs scénarii : je pense que, dans le contexte actuel, celui qui prédit la disparition des compagnies aériennes françaises dans un horizon proche est le plus susceptible de se réaliser si n’était pas prise en compte leur situation. Je suis conscient qu’aucune action de l’État ne permettra de restaurer la situation financière et la compétitivité des compagnies aériennes. Mais je crois que nous avons un rôle à jouer en matière d’incitation à la mise en place de réformes profondes.

Je ne vais pas m’appesantir sur le diagnostic, connu de tous, mais simplement revenir sur quelques chiffres clés. L’image que nous avons du secteur aérien ne reflète pas sa contribution réelle à l’économie française. Il représente plus de 2 % du produit intérieur brut (PIB) français et emploie 78 000 personnes, 150 000 même si on inclut dans le périmètre les fournisseurs de premier rang.

Bien que les compagnies soient majoritairement privées, le transport aérien a une incidence sur la souveraineté d’un pays. La disparition d’une compagnie nationale se traduit par une perte d’attractivité et de souveraineté. En effet, un pays n’est pas desservi de la même façon s’il dispose d’une compagnie nationale ancrée sur son territoire, avec une identité forte et ménageant des circuits de décision permettant de tenir compte des intérêts nationaux ou s’il dépend entièrement du secteur marchand. Dans cette dernière situation, la dimension d’attachement disparaît et, petit à petit, la capacité à fournir le meilleur service au pays se délite.

Il faut donc être vigilant. Il est certain que le nom d’Air France ne disparaîtra jamais. En revanche, une modification dans la répartition du capital pourrait avoir des incidences fortes sur la stratégie de la compagnie. Aujourd’hui, Air France est sous-capitalisé et éprouve de ce fait des difficultés à envisager l’avenir et à effectuer des investissements. Si la composition actuelle du capital venait à être modifiée, le hub de Charles de Gaulle, l’aéroport d’Orly ou la présence dans les régions pourraient être remis en cause.

Le pavillon français, en plus de représenter un élément de souveraineté, est indispensable à l’excellence et au dynamisme de la France. Nous avons constaté, au cours de nos travaux, qu’il profite peu de la croissance globale du trafic aérien de ces dernières années. En effet, la part du transport assuré par les compagnies françaises se rétracte particulièrement depuis 2008. Parallèlement, le fret, autrefois générateur de profit, diminue, ce qui met les transporteurs en difficulté.

Nous sommes un pays où il y a peu de création de nouvelles compagnies aériennes. J’ai discuté avec l’une d’entre elles, « La Compagnie », spécialisée dans les trajets de point à point en classe affaire entre Paris et New York, qui reprend l’activité de L’Avion, une compagnie désormais intégrée à OpenSkies. La création d’une nouvelle entreprise est un événement en France alors que d’autres pays européens connaissent, en ce domaine, une grande vivacité. Ils disposent généralement de deux ou trois acteurs de taille majeure alors qu’il n’en existe qu’un seul en France, Air France, et que nos autres compagnies sont plus petites.

La chaîne de valeurs est aujourd’hui déséquilibrée. Dans le rapport, nous nous interrogeons sur la coexistence entre, d’une part, des aéroports qui, dans l’ensemble, se portent bien, et, d’autre part, des compagnies aériennes en grande difficulté. Cette question nous a invités à travailler avec Aéroports de Paris. À cette occasion, j’ai découvert, non sans surprise, le système, d’ailleurs tout à fait légal, de la « double caisse ». Une première caisse concerne le périmètre régulé et sert de base au calcul de la redevance demandée aux compagnies dans le cadre de contrats de régulation. Une seconde caisse, bénéficiaire mais exclue du périmètre de calcul des redevances, regroupe l’ensemble des services marchands. Je crois nécessaire d’organiser, à terme, une porosité entre ces deux caisses, car il y a un lien évident entre les services marchands et les clients apportés par les compagnies aériennes.

Alors que compagnies aériennes françaises perdent des emplois, font face à des charges importantes et connaissent une baisse des recettes, certaines compagnies concurrentes, notamment les compagnies issues des pays du Golfe, sont soutenues par leurs États d’origine. Il y a là, je le dis, une concurrence peu loyale. Quand les compagnies françaises ont, permettez-moi l’expression, « les fers aux pieds », leurs concurrentes bénéficient d’un appui important de leurs gouvernements pour devenir des acteurs majeurs et développer des infrastructures. Le but est de profiter des atouts géographiques évidents de la région pour faire naître des hubs, appelés à devenir des points de passage obligés, afin que l’industrie du tourisme se substitue progressivement à la rente pétrolière. La chaîne de valeurs des compagnies est donc, dans ces pays, parfaitement calibrée (pétrole à prix préférentiel, taxes allégées etc). Certains résultats sont déjà visibles : il est rare qu’un moteur de recherche ne propose pas un trajet avec une escale à l’aéroport de Dubaï.

La deuxième partie du rapport, très intéressante, reflète les propositions faites au sein du groupe de travail par chacun des acteurs différents qui y étaient représentés. Elles y figurent toutes et ne sont pas hiérarchisées. C’est pourquoi un certain nombre d’entre elles n’ont pas été retenues dans la troisième partie, consacrée à un catalogue de propositions très précises.

La première proposition consiste à simplifier les procédures. Une séance de travail est prévue avec M. Thierry Mandon, secrétaire d'État à la Réforme de l'État et à la simplification, et Gilles Savary, président du Conseil supérieur de l’aviation civile qui y a engagé le même travail. Nous souhaitons que l’ensemble des administrations de l’État concernées soient mises autour de la table afin d’avancer rapidement sur ce sujet de la simplification. Il nous incombe également de veiller à ce que la demande de simplification soit assumée par tout le monde. Lorsque l’on s’intéresse, par exemple, à la transposition des directives européennes, on s’aperçoit qu’il existe des différences importantes entre pays. La France, soucieuse d’assurer une sécurité juridique maximale, aboutit parfois à des textes lourds, avec un rapport qui peut aller du simple au centuple entre notre pays et le Royaume Uni.

La deuxième proposition porte sur la taxe de l’aviation civile. Les transporteurs aériens font observer qu’une part croissante du montant de la TAC abonde le budget général de l’État, alors que des besoins importants en matière de compétitivité demeurent insatisfaits. Le constat n’est pas inexact et il me semble que se joue là une question de crédibilité pour l’État : on ne peut en effet demander aux compagnies de se réformer et de se moderniser et d’affronter la concurrence, d’une part, et les priver d’une partie des moyens destinés à les y aider, d’autre part. Au cours de la discussion sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015, j’ai présenté avec nos collègues Gilles Savary et Jean-Claude Fruteau un amendement destiné à restituer l’intégralité du montant de la taxe au secteur aérien ; la mesure a été votée, contre l’avis du ministère des finances, et je compte proposer une mesure similaire, d’application immédiate, à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Une telle mesure doit permettre à chacun des acteurs d’assumer ses responsabilités, notamment à la DGAC de se désendetter et d’engager une série d’actions en attente. La plus grande partie des 60 millions d’euros réaffectés au budget annexe pourrait surtout permettre de financer l’exonération de taxe pour les passagers en correspondance. La situation actuelle crée en effet un profond déséquilibre, y compris entre hubs européens, qui est préjudiciable aux infrastructures aéroportuaires françaises.

Troisième proposition pour ce qui concerne les investissements à réaliser. Je renvoie à l’excellent rapport du Conseil général du développement durable sur la sûreté du transport aérien, publié il y a quelques semaines. Il faut notamment s’interroger sur le paradoxe de la situation française, où il est considéré que la sûreté relève du domaine régalien, mais où l’État ne finance rien. Or les compagnies, les aéroports et l’ensemble des acteurs du transport aérien auront à faire face, dans les années à venir, à des investissements colossaux pour se mettre au niveau des nouvelles exigences et réglementations en matière de sûreté : sur ce sujet, l’État ne peut se montrer absent, sous peine de graves difficultés.

Quant à l’évolution du périmètre régulé d’Aéroports de Paris, le sujet est effectivement en débat, mais il doit être abordé avec une extrême prudence compte tenu de ses enjeux financiers.

S’agissant, en dernier lieu, de la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », je déplore la lecture caricaturale du rapport faite par certains mouvements activistes, selon laquelle la suppression de cette taxe y serait prônée. À la lumière des débats tenus jadis devant cette Assemblée à l’occasion de l’instauration de la taxe, il ne me semble pas illégitime d’observer qu’elle n’a pas répondu aux objectifs alors fixés : seuls neuf pays ont décidé de l’instaurer et elle est donc devenue un facteur de distorsion concurrentielle, entre pays et entre compagnies. Sans revenir sur le principe même d’une telle taxe, qui porte sur environ 210 millions d’euros, ne serait-il pas possible d’en faire évoluer l’assiette – par exemple, en la faisant peser sur la consommation quotidienne qui a une assiette très large plutôt que sur un voyage occasionnel ? Si cette idée ne remplit certes pas d’enthousiasme le secteur de la grande distribution que j’ai reçu, celui-ci est néanmoins conscient des gains en termes d’image qu’il est susceptible de réaliser auprès de ses clients.

J’ai conscience de n’avoir pas eu le temps de rentrer dans le détail des propositions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Les propositions présentées par Bruno Le Roux sont intéressantes, notamment en ce qu’elles nous invitent à faire preuve de plus de cohérence et de pertinence. Alors que les besoins sont considérables, l’État se dessaisit d’une partie de ses participations dans Aéroports de Paris – opérateur dont le président n’a d’ailleurs pas caché, lors de son audition par notre commission, qu’il tient la défense des intérêts de ses actionnaires pour l’une de ses missions essentielles.

De même, certains proposent que le CICE concerne également les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. D’autres suggèrent de « cibler » certains secteurs d’activité pour le CICE : pourquoi ne pas faire bénéficier de ce dispositif le secteur aérien, par priorité ?

M. Gilles Savary. Je salue un rapport précis et argumenté, réalisé dans des délais extrêmement serrés.

Il faut avoir le courage de dire que la situation du transport aérien français, sans être désespérée, est aujourd’hui critique : s’agissant d’une activité internationale par nature, il subit les chocs frontaux de la globalisation dans toute leur brutalité. La distance n’y fait rien et la concurrence y est totale.

Un premier élément est l’augmentation du trafic. L’avenir du transport aérien est mirobolant : des masses d’individus s’éveillent à la mobilité, partent en vacances, franchissent les continents... Mais l’essentiel de cette nouvelle clientèle vit dans le sud-est asiatique : les Émirats et la Turquie tentent donc de jouer de leur position géographique pour « assécher » les hubs européens, avec un risque réel de marginalisation de nos vénérables compagnies historiques.

Par ailleurs, la libéralisation des marchés a réussi au-delà de toute espérance, en termes de démocratisation du transport aérien : les prix évoluent tendanciellement à la baisse, alors que les coûts ne se contractent pas dans la même proportion. Négligé par les compagnies conventionnelles, le low cost a fait une entrée fulgurante dans le paysage des opérateurs : il représente aujourd’hui plus de 50 % du marché européen et Ryanair occupe désormais la première place des compagnies aériennes de notre continent.

Tout se passe donc comme si nous étions désormais pris entre deux mâchoires concurrentielles, l'une représentée par le low cost sur le court-courrier – une innovation économique remarquable, un modèle plébiscité par les consommateurs, en dépit de la présence de quelques « voyous » –, l’autre représentée par les compagnies du Golfe persique sur le moyen-long courrier. Nous ne pouvons donc rester dans la béatitude de notre splendeur passée : il faut agir.

Il n’existe plus que trois groupes aujourd’hui en Europe, à savoir British Airways, Lufthansa et Air France-KLM, qui ont absorbé la plupart des autres compagnies historiques. Quant à Alitalia, il semblerait que son avenir passe par un rapprochement avec Etihad.

Air France est en difficultés financières depuis 2008, avec un résultat opérationnel déficitaire à hauteur de 500 millions d'euros environ. Inversement, le résultat opérationnel d’Aéroports de Paris avoisine le milliard d’euros – même si l’opérateur perd des positions par rapport à ses concurrents en Europe.

Face à ce constat, les réponses apportées par notre collègue sont des solutions d’évidence. L’État sera-t-il en mesure de les assumer – il faudrait injecter de l’ordre de 300 millions d'euros par an dans le système aérien ? Mais le repositionnement de la France et de l’Europe ne se résoudra pas dans un seul allégement de taxes : il faut des reploiements stratégiques rapides et d’envergure et la puissance publique, après avoir tant tardé, doit montrer sa capacité à appréhender de manière distincte les enjeux de compétitivité qui s’attachent à Aéroports de Paris et ceux qui s’attachent à Air France.

La question de la « double caisse » est totalement pertinente : il est évident qu’Aéroports de Paris se « nourrit » des clients d’Air France et que, sans Air France, il n’y aurait pas les commerces d’Aéroports de Paris. Ne serait-il donc pas légitime que cette double caisse disparaisse ? Mais ne risque-t-on pas alors de se retrouver dans un « syndrome autoroutier », puisqu’Aéroports de Paris se propose désormais de financer la liaison Charles-de-Gaulle Express ?

Pour ce qui concerne l’avenir de l’aéroport de Toulouse, faut-il continuer d’ouvrir le capital ou ne pouvons-nous pas considérer que l’infrastructure est publique, même si le marché est ouvert – comme en matière de gaz ou d’électricité ?

M. Jacques Alain Bénisti. Notre collègue Bruno Le Roux avait une mission impossible – ou désespérée : dans l’un ou l’autre cas, il s’en est plutôt bien sorti. Il faut en effet oser proposer des démarches volontaristes de simplification, dans un ensemble essentiellement composé de syndicats et d’administrations ! Mais ces propositions ne suffiront pas à relancer durablement la compétitivité d’Air France et je pense que notre collègue en est pleinement conscient.

Je ne peux qu’être d’accord avec l’allègement des taxes qu’il appelle de ses vœux, afin de demeurer concurrentiel par rapport aux autres hubs européens.

En matière de sûreté, l’État ne paie rien : pire encore, les pouvoirs publics viennent de donner leur accord à un trafic aérien passant à deux minutes de l’Elysée, de la Tour Montparnasse et de la Tour Eiffel, composé d’avions d’affaires venus du Golfe et dont on ne connaît ni la provenance, ni la destination.

Il ne faut pas « pointer du doigt » Aéroports de Paris, comme l’a fait notre président : il s’agit d’un modèle dans le monde en matière de conception aéroportuaire intégrée. Ses concepts, ses méthodes, ses savoir-faire sont uniques au monde.

Le vrai problème – auquel notre collègue Bruno Le Roux, trop bien entouré par les syndicats, ne pouvait en vérité s’attaquer – est celui de la compétitivité d’Air France, plombée par des personnels pléthoriques : 480 personnes travaillent en Corse pour la compagnie, alors que toutes les études montrent que 160 personnes suffiraient à la tâche ! Dans chacun des départements et territoires d’outre-mer, les effectifs avoisinent la centaine : pourquoi cette différence avec l’Île de Beauté ? Se pose également la question de la baisse de qualité de service d’Air France : toutes les compagnies concurrentes sont meilleures que nous et il faut espérer que les 500 millions d'euros que la compagnie se propose d’investir suffiront à réduire l’écart.

On peut reporter certaines fautes sur l’État et sur Aéroports de Paris. Mais il faudrait qu’Air France, compagnie nationale qui fait notre fierté à tous, commence par s’appliquer à elle-même une série de mesures de redressement. Pour lutter à armes égales avec les compagnies low cost, il est indispensable de développer Transavia en Europe et les concessions accordées aux pilotes de ligne constituent une erreur magistrale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je tiens à préciser que je n’ai nullement mis en cause Aéroports de Paris. Je souhaite en revanche mettre les responsables politiques devant leurs responsabilités et les inviter à plus de cohérence dans leurs décisions – ce qui n’est pas du tout la même chose.

M. Stéphane Demilly. Il y a un mois, le président de la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM), Alain Battisti, affirmait la pérennité des compagnies aériennes françaises menacée dans les cinq prochaines années. Je suis maire de la ville où sont construits les cockpits de tous les appareils de la gamme Airbus : je ne peux tout simplement pas concevoir que, d’ici cinq ans, aucun d’entre eux n’équipe plus des aéronefs sous pavillon national parce que ces derniers auraient disparu – du moins du point de vue capitalistique.

Les compagnies aériennes génèrent dans notre pays des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects. Il est donc urgent de réagir. C’est ce que propose votre rapport, que j’accueille très favorablement tant il me semble clair et pragmatique. Vous insistez sur l’importance du pavillon national, « indispensable à l’excellence et au dynamisme de la France » écrivez-vous. Je partage votre analyse d’une corrélation entre le pavillon et la souveraineté. Nous ne connaissons que trop bien l’exemple de notre pavillon maritime, qui a perdu de son attractivité faute d’adaptation à la concurrence étrangère. Vous indiquez que les compagnies aériennes françaises n’ont pas su profiter de la croissance du trafic mondial : leur part de marché a reculé de dix points entre 2003 et 2013, et même de quatorze points sur les vols métropolitains particulièrement investis par les opérateurs à bas prix.

Le poids des prélèvements obligatoires apparaît sans surprise parmi les obstacles auxquels se heurtent nos compagnies. Le coût des investissements de sûreté et une concurrence parfois peu loyale jouent également un rôle. Ces facteurs existent, mais n’absolvons pas pour autant le secteur qui s’est mal adapté à un environnement européen et mondial en rapide évolution. Air France a d’ailleurs consenti d’importants efforts récemment pour monter en gamme et rivaliser avec les meilleurs opérateurs mondiaux, ce qui me conduit à juger excessives les critiques précédemment adressées à la compagnie nationale.

En outre, les transporteurs à bas prix étrangers ont prospéré sur le marché français en raison de l’absence de concurrent domestique. Je voudrais connaître l’opinion de Bruno Le Roux sur cette question, très sensible comme l’a souligné la récente grève des pilotes, mais qui n’en est pas moins incontournable.

M. Patrice Carvalho. Je partage pleinement le sentiment précédemment exprimé par le président Jean-Paul Chanteguet ; je vois une contradiction fondamentale entre le souhait affirmé de dynamiser le pavillon français et la politique de cession de participations de l’État dans le secteur aérien et aéroportuaire. Celui qui vend sa maison perd le droit de formuler une préférence sur la couleur des volets : c’est une conséquence normale du système capitaliste qui est le nôtre, et c’est ce qui se passera dans le transport aérien.

Vous défendez un « deux poids, deux mesures », car votre volonté d’intervenir en faveur des compagnies aériennes contraste douloureusement avec votre inaction face au démantèlement de l’outil sidérurgique. Pourtant, le premier secteur n’est pas moins stratégique que le second car, si par malheur nous devions subir une agression, nous serions contraints de nous approvisionner à l’étranger pour acquérir le métal nécessaire à la défense du sol français. Je ne m’explique pas votre laxisme dans ce domaine.

Par principe, je ne suis pas opposé à une taxation des profits de la grande distribution. Mais quelle en sera la conséquence logique, sinon un report de cette charge sur les citoyens et les consommateurs les plus vulnérables ?

Plusieurs députés. C’est très juste !

M. Patrice Carvalho. Nous avons l’expérience de la surtaxe sur le gazole. Qui acquitte les quatre centimes supplémentaires ? Ceux qui achètent déjà difficilement leur carburant, pas les entreprises pétrolières ! (Approbations sur divers bancs).

Il y a dans ce pays des gens qui vivent chichement. Ne l’oublions pas ! Nos collègues écologistes ont longuement dénoncé hier la pollution automobile dans Paris ; leur absence et leur silence sont d’autant plus préjudiciables aujourd’hui car l’avion pollue bien davantage que la voiture sans subir le même opprobre.

Je rappelle que la France organisera la COP 21 en 2015, et que la commission du développement durable s’engage grandement dans la préparation de cet événement. De ce point de vue, je comprends mal le débat sur la relance des vols intérieurs. N’aurions-nous pas intérêt, tant du point de vue économique qu’environnemental, à accorder des facilités supplémentaires au transport ferroviaire pour encourager un report modal ? N’est-ce pas notre volonté et celle du Gouvernement ? Que va-t-on dire au peuple, que nous défendons le tout-avion alors même que notre capacité nucléaire permet à nos TGV de rouler pratiquement sans émission de gaz à effet de serre ?

M. Florent Boudié. Je salue un excellent rapport, qui est une véritable aide à la décision et qui n’hésite pas à identifier les sujets qui fâchent – l’augmentation du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 % par l’ancienne majorité, et de 7 % à 10 % dans l’actuelle législature, ou encore le ciblage insuffisamment précis du CICE.

Je souhaite vous interroger sur votre proposition de confier la charge de la sécurité, il est vrai compétence régalienne, à l’État. Au regard de la situation des finances publiques, est-ce bien réaliste ?

En outre, l’idée d’affecter la totalité des recettes de la TAC au BACEA ne risque-t-elle pas de contrevenir au principe d’universalité budgétaire ?

Enfin, jugez-vous l’entreprise Air France capable de se réformer de l’intérieur et d’évoluer vers un transport à bas prix qui semble désormais la norme dans le secteur aérien ? Ne craignez-vous pas que le mouvement social de septembre dernier ne condamne, déjà, certaines des recommandations issues de vos travaux ?

M. Jacques Kossowski. En 1995, Air France et Aéroports de Paris avaient lancé un immense chantier pour construire le hub de Roissy. La démarche est arrivée à son terme en 2012 ; ce sont désormais 80 millions de passagers qui transitent à Charles-de-Gaulle et ce nombre devrait croître dans les prochaines années. Augustin de Romanet a récemment déclaré que cette infrastructure avait une valeur stratégique pour l’économie française, mais qu’elle ne le restera que si sa qualité et son accessibilité sont assurées. L’État a fixé à 2023 la mise en service de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express – calendrier qui nourrit cependant ma circonspection. Pourriez-vous nous livrer votre opinion sur ce dossier, facteur essentiel de la compétitivité de notre transport aérien ?

M. Yannick Favennec. Le rapport présenté expose la thèse selon laquelle une absence d’action rapide de la part des pouvoirs publics se traduira par une douloureuse perte de compétitivité des compagnies aériennes françaises, voire par une diminution drastique de l’activité et de l’emploi du secteur. C’est un constat très préoccupant, et vous n’hésitez pas à solliciter les deniers publics malgré le contexte général que nous connaissons tous. Votre analyse est d’ailleurs assez proche du rapport Abraham précédemment évoqué. Pensez-vous que vos propositions puissent rapidement prospérer, et qu’elles suffiront à assurer l’avenir des opérateurs français ?

Mme Catherine Beaubatie. Ce rapport dresse un tableau implacable du paysage aérien français. J’aimerais revenir un instant sur la concurrence livrée par les compagnies des États du Golfe persique, dont vous avez souligné les pratiques de dumping fiscal qui ne permettent pas l’égalité des armes. Face à cette situation, la France et les autorités européennes ont engagé un dialogue avec ces opérateurs pour rétablir la transparence et restaurer une compétition loyale. Force est de constater, néanmoins, qu’elle est pour l’heure un vœu pieux.

L’un des syndicats auditionnés a suggéré de conditionner l’octroi de fréquences au respect de règles fiscales et sociales, car chaque allocation équivaut, écrivez-vous, à une perte de marge de 25 millions d’euros et de 250 emplois sur le territoire français. Cette proposition contrevient aux intérêts des exploitants d’aéroports, intéressés à une desserte du territoire aussi large que possible. De votre point de vue, à quels risques la France se confronterait-elle en adoptant une approche protectionniste du ciel, et quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?

M. Guillaume Chevrollier. Le transport aérien français se porte mal ; il attend beaucoup de l’État. Votre rapport fait écho à celui remis il y a seize mois par le commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui n’avait pas reçu de suite. Toutefois, la qualité du rapporteur au sein de la majorité actuelle laisse penser qu’il pourrait en aller différemment cette fois. (Sourires)

Des mesures s’imposent pour retrouver de la compétitivité, au premier rang desquelles une baisse de la fiscalité pesant sur le pavillon français de l’ordre d’un milliard d’euros. Une harmonisation des charges sociales est également nécessaire, car celles-ci représentent 29 % d’un salaire brut en Allemagne contre 47 % en France : ce n’est d’évidence pas durable. Quant aux coûts de sûreté aéroportuaires, ils augmentent d’année en année dans notre pays – paradoxalement pas à l’étranger – et ils sont intégralement pris en charge par le secteur – configuration unique au monde. Enfin et comme partout, une simplification administrative est réclamée. Ce n’est qu’au prix de mesures rapides et concrètes que le monde du transport aérien, si stratégique pour l’économie française, pourra se redresser.

M. Gérard Sebaoun. Il est délicat de solliciter les ressources d’un État impécunieux, même si soutenir Air France dans un environnement concurrentiel mobilise chacun d’entre nous. Je redoute que les sommes nécessaires n’excèdent les 300 millions d’euros calculés par Gilles Savary. Je déplore que la taxe sur les nuisances sonores aériennes soit bridée, avec des conséquences néfastes que je n’énumérerai pas, même si le projet de loi de finances rectificatives contient une timide ouverture.

Je ne suis pas hostile à l’idée d’alléger la redevance aéroportuaire qui frappe Air France, mais ne pourrait-on pas moduler celle-ci en fonction du bruit et de la pollution dont sont responsables les aéronefs ? Le code de l’environnement l’autorise. Il en résulterait un avantage concurrentiel pour les compagnies dotées d’une flotte moderne.

Pourquoi proposer d’exonérer les passagers en transit pour une durée aussi importante que 24 heures ? Vous avez suggéré ce quantum et j’avoue ne pas le comprendre.

M. Yves Albarello. Je suis globalement en accord avec les propositions qui ont été présentées. Le transport aérien souffre d’un manque de compétitivité. Un allègement de charges ne peut pas nuire, mais je doute qu’il suffise à redresser la situation. Air France, British Airways et Lufthansa sont les trois dernières grandes compagnies européennes. Vous êtes-vous livré à une étude comparative d’un ratio effectif par avion, de façon à mieux évaluer les performances possibles ? Si le déséquilibre est trop important, on peut craindre un échec certain.

La taxe Chirac pèse lourdement dans le budget d’Air France – à hauteur, je crois, de 65 à 70 millions d’euros – alors que les autres compagnies n’y sont pas assujetties. Je ne suis pas hostile à la recherche d’une autre assiette, mais je rejoins la critique émise par Patrice Carvalho : frapper la grande distribution revient à solliciter le consommateur. Avez-vous songé à la reporter vers le secteur bancaire, qui dégage également des profits importants ?

Enfin, quelle serait la réaction de Bercy en cas d’affectation intégrale de la TAC au BACEA ?

Mme Françoise Dubois. La piste d’une contribution des acteurs économiques présents dans les aéroports – boutiques et hôtels notamment – est intéressante. Mais qu’en sera-t-il, alors, de leur compétitivité ?

Quelles ont été les réactions des secteurs assurantiel, bancaire, de la grande distribution, à l’idée d’un report dans leur direction de la taxe Chirac ? Et quel est le sentiment du Gouvernement à ce propos ?

Dispose-t-on d’éléments de comparaison sur le financement des investissements de sécurité, en Europe et dans le monde ? Je m’interroge fortement sur la pertinence du désengagement de l’État dans ce domaine, étant entendu qu’il s’agit à mes yeux d’une compétence régalienne. La protection des passagers qui transitent dans nos aéroports n’est pas une question annexe à celle de la compétitivité de nos compagnies aériennes.

M. Christophe Priou. Je veux saluer la rare unanimité sur le rapport présenté par le président Le Roux.

M. le président Jean-Paul Chanteguet et plusieurs députés sur tous les bancs. Ce n’est pas rare dans cette commission ! (Sourires)

M. Christophe Priou. C’était en tout cas une mission délicate, comparable de ce point de vue à d’autres qui échoient également au président Le Roux ! (Sourires sur tous les bancs)

Vous avez évoqué la souveraineté aérienne et l’importance des nouvelles infrastructures. Je ne résiste pas à l’envie de vous interroger sur votre vision du projet de Notre-Dames-des-Landes…

Certains avancent que le secteur aérien français supporte des charges supérieures à ses homologues allemand et néerlandais. Confirmez-vous cette assertion ?

M. Jean-Marie Sermier. Je joins mes félicitations à celles de mes collègues quant à la qualité de ce rapport. Je voudrais commenter la décision de la Commission européenne de restreindre les aides des collectivités territoriales aux compagnies aériennes qui desservent des aéroports régionaux. Cette évolution vise les opérateurs à bas prix et non les compagnies françaises ; on pourrait donc s’en réjouir. Mais ne combat-on pas un marché naissant qui finira par s’imposer avec les années ? Ne serait-il pas pertinent d’inciter les compagnies nationales à s’adapter au mouvement ?

M. David Douillet. Le déséquilibre entre Air France et Aéroports de Paris est patent, entre une entreprise qui perd de l’argent et l’autre qui accumule les bénéfices. Si Aéroports de Paris investit dans une liaison ferroviaire susceptible de lui amener des clients, pourquoi ne pas soutenir également des lignes aériennes qui lui apportent également des clients ? C’est une réflexion que j’aimerais voir se développer.

Comment envisagez-vous la négociation du contrat de régulation entre l’État et Aéroports de Paris ? Pensez-vous qu’elle puisse contribuer à résorber cette dissymétrie que pointe votre rapport ?

M. Claude de Ganay. Chacun convient de la nécessité d’enrayer le déclin du secteur aérien français. Ce serait un comble que notre territoire continue à voir des avions le desservir sans qu’aucun ne vole sous pavillon national ! Nous attendons maintenant que le Gouvernement se saisisse des travaux du président Le Roux, et que des initiatives fortes soient annoncées.

Hélas, je doute de la capacité de l’État à prendre en charge les investissements de sûreté aéroportuaire. En 2015, ces frais représenteront des dizaines de millions d’euros. Comment trouver les financements sans ponctionner d’autres secteurs et sans solliciter davantage le contribuable ou le consommateur ?

M. Gérald Darmanin. L’essentiel du trafic français emprunte les aéroports parisiens. Pour autant, j’appelle à ne pas négliger les plateformes régionales, qui peuvent également rencontrer des enjeux concurrentiels. Ainsi, l’aéroport de Lille est confronté à l’offre rivale de celui de Bruxelles ; les passagers arbitrent fréquemment entre l’un et l’autre. Comment améliorer aussi la compétitivité des aéroports régionaux ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Après toutes ces questions, je cède la parole à Bruno Le Roux pour qu’il apporte ses réponses.

M. Bruno Le Roux. Le groupe de travail a mené ses travaux dans un contexte social délicat que beaucoup ont rappelé, mais il a procédé sans retard. Je note d’ailleurs que la publication du rapport a donné lieu à un communiqué de presse commun des organisations syndicales et patronales concernées. Je ne veux pas laisser penser que ce consensus découle de mesures non finançables. Les préconisations formulées n’ont rien de révolutionnaires : ce sont des mesures a minima et urgentes, qui ne suffisent pas à rétablir durablement le secteur, mais qui s’imposent pour sauver la situation à court terme. La solution de facilité aurait consisté à prôner, par exemple sur la question de la sûreté, une reprise intégrale de la mission par l’État ou la création d’un établissement public ad hoc… Ma mission s’inscrivait dans une courte durée, car il revient aux compagnies elles-mêmes et non à l’État de gagner en compétitivité.

L’évolution du monde impose un changement de modèle. La question de Transavia a été posée. Je considère que les pilotes ne sont pas seulement aux manettes des aéronefs : au vu de leur place au sein des compagnies, ils détiennent également un rôle de pilotage stratégique. Leur arrêt de travail équivaut à un blocage complet de l’entreprise, ce qui n’est pas très fréquent dans l’économie actuelle : leur responsabilité est donc grande. À l’aune de cette considération, ce qui s’est passé en septembre n’était pas responsable. Exiger le statu quo, voire un retour en arrière, a des effets délétères sur la situation de la compagnie aujourd’hui. Je suis heureux que ce rapport contribue, dans sa faible mesure, à restaurer l’idée d’une nécessaire adaptation aux conditions de la concurrence pour permettre à l’entreprise d’attaquer de nouveaux marchés. Il ne s’agit ni de délocaliser ni de convertir l’existant en offre à bas prix. Air France doit monter en gamme et conquérir de nouveaux segments à partir de nouveaux points d’appui. D’autres opérateurs européens l’ont fait ; ils jouissent désormais d’une avance considérable.

L’État doit adopter une stratégie incitative, soutenir les acteurs dans leur marche vers le changement. Je n’ignore pas le contexte budgétaire que beaucoup ont rappelé. J’estime la charge nette au budget de l’État à un peu moins de 100 millions d’euros, c’est-à-dire au report intégral de la TAC. Cette somme suffit à mettre en œuvre l’exonération des passagers en correspondance – la durée de 24 heures correspondant à une définition internationale.

Aéroports de Paris craignait une remise en cause de son système de « double caisse ». Je comprends que le statut conduise à adresser des signaux à destination des investisseurs. On a dit que les propositions de rééquilibrage entraîneraient une perte de valeur de 3,5 milliards d’euros. Je réponds par une question : que vaudrait Aéroports de Paris si Air France venait à disparaître ? La survie du hub de Paris suppose celle de la compagnie nationale. Un rééquilibrage de la chaîne de valeur répond à l’intérêt des deux entités. D’ailleurs, l’exonération de taxe pour les passagers en transit est plébiscitée par l’un comme par l’autre.

Je suis très prudent devant les perspectives de privatisation d’infrastructures stratégiques. Les aéroports constituent des éléments fondamentaux du développement territorial et humain. Je pense que les questions soulevées aujourd’hui sur la privatisation passée des autoroutes doivent nous inciter à la circonspection devant des hypothèses de privatisation future des aéroports. (Approbations sur divers bancs)

Air France doit poursuivre son développement sur les offres à bas prix, à partir de l’expérience et de la qualité qui est la sienne. C’est une étape essentielle de la pérennité de la compagnie.

Notre collègue Yves Blein a considéré, dans son rapport sur le CICE, que ce dispositif ne pouvait pas être ciblé au bénéfice du secteur aérien. J’en prends acte. J’admets que le droit européen s’oppose à cela. Mais je ne renonce pas à considérer que l’engagement par l’État de plusieurs dizaines de milliards d’euros en faveur de la compétitivité de notre économie devrait concerner au premier les chefs les secteurs exposés à la concurrence internationale. Quand il s’appliquera à plein, le CICE bénéficiera à la grande distribution à hauteur de 3 milliards d’euros, pour un retour au consommateur discutable en termes de pouvoir d’achat, alors que les 210 millions d’euros que je sollicite auraient un effet considérable. Si j’ai proposé un report de taxe vers la grande distribution, c’est que l’impact serait infinitésimal, inférieur à 0,1 % du chiffre d’affaires. Je ne dis pas qu’il faille absolument viser ce secteur, mais ce serait assurément plus supportable qu’assujettir des compagnies aériennes aujourd’hui en difficulté.

Je ne suis pas hostile à une modulation de taxation en fonction des performances environnementales des avions. Le sujet n’a pas été abordé dans le groupe de travail, mais nous suivons nos propositions et nous ne manquerons pas d’expertiser celle-ci. Les flottes françaises sont modernes ; il pourrait donc en découler un effet compétitif favorable.

Les aéroports régionaux souhaitent l’ouverture des droits de trafic pour répondre favorablement aux offres de desserte de compagnies étrangères. Une enquête est menée à Bruxelles sur les conditions de concurrence, notamment avec les pays du Golfe persique. Ces lignes bénéficieraient sans doute aux populations locales, mais elles affaibliraient la liaison vers Paris et, par conséquent, le pavillon français.

Je suis tenté de ne pas répondre sur Notre-Dame-des-Landes… (Murmures) mais je vais me livrer à l’exercice. Un aéroport représente un outil de développement d’un territoire. À l’évidence, les infrastructures nantaises ne sont pas suffisantes pour accompagner le dynamisme de la région. Je m’en tiendrai là, sans ignorer que d’autres dimensions existent, mais en affirmant combien celle-ci doit primer à mes yeux. (Approbations sur divers bancs)

Nous avons commencé la mise en œuvre des propositions. Dans les prochains jours, je soumettrai à l’Assemblée nationale des amendements sur le reversement intégral de la TAC. Ce sera un débat difficile avec le Gouvernement, mais je continue à juger mes préconisations urgentes et impératives, sauf à vouloir affronter sous peu un contexte toujours plus dégradé.

Les médias ont évoqué la situation à Florange au cours des derniers jours. Il est bon de vouloir protéger et perpétuer l’identité industrielle d’une région, ici la sidérurgie, même s’ils nécessitent des restructurations profondes. Il serait tout aussi bon, et même meilleur encore, de venir au chevet d’un secteur dont le grand public pense, à tort, qu’il va forcément bien et qu’il est privilégié. Compte tenu de ce qui est en jeu, nous devons nous mobiliser sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, car ce secteur est un domino : s’il chute, d’autres chuteront avec lui – aéroports, constructeurs, etc. Ce rapport est donc alarmiste, certes, mais je crois à bon escient.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cibler le CICE sur les activités soumises à la concurrence internationale me semble une idée pertinente. Le président Bruno Le Roux a raison sur ce point.

Je ne relancerai pas le débat autour de Notre-Dame-des-Landes, mais il n’existe pas de schéma national des infrastructures aéroportuaires : c’est une lacune que nous devrions peut-être combler.

Je remercie les nombreux parlementaires qui ont pris part à l’audition, et Bruno Le Roux d’avoir accepté notre invitation.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 26 novembre 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Gérald Darmanin, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Philippe Martin, M. Yves Nicolin, M. Robert Olive, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Noguès, Mme Monique Orphé, M. Gérard Sebaoun, M. Lionel Tardy

1 Claude Abraham, Les compagnies françaises sont-elles mortelles ?, La documentation française, Juillet 2013