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Mercredi 17 décembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Christophe Bouillon Vice-Président

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport d’information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur).

M. Christophe Bouillon, président. Avant de commencer nos travaux, je souhaite la bienvenue à M. Gérard Menuel, élu député dimanche dernier, qui rejoint notre commission.

Lors de sa réunion du 21 mai 2014, le bureau de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a décidé de créer une mission d'information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport. À la suite des travaux de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence, un déséquilibre financier est en effet apparu dans l'exploitation de la majeure partie du réseau français concédé, tant au détriment de l'État que des usagers.

Lors de sa réunion constitutive, le mercredi 18 juin 2014, cette mission d’information a désigné son bureau composé de son président, M. Bertrand Pancher, et de son rapporteur, M. Jean-Paul Chanteguet.

Aux termes des travaux de la mission d’information, M. Pancher et M. Chanteguet nous présentent aujourd'hui leurs analyses des conséquences de la privatisation de 2006 et nous exposent leurs propositions pour une meilleure prise en compte de l'intérêt général.

M. Bertrand Pancher, président de la mission d’information. J’ai éprouvé le plus vif intérêt à présider une mission d’information dont les travaux se sont déroulés jusqu’à hier encore dans le meilleur esprit.

En 2013, la Cour des comptes s'est interrogée sur l’exceptionnelle profitabilité du régime des concessions autoroutières. Nous avons entendu ce constat et, dans le prolongement de la mission d'information créée par la Conférence des présidents, le 19 novembre 2013, sur l'écotaxe poids lourds, la Commission du développement durable a décidé, le 21 mai 2014, de créer une mission d'information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport. Vous noterez que cette décision est antérieure à l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence en septembre dernier.

Cette mission d'information a entendu tous les acteurs du secteur : dirigeants des sociétés concessionnaires d'autoroutes, responsables administratifs des ministères compétents, responsables de différentes autorités comme l'Autorité de la concurrence. Elle s'est réunie au total quatorze fois et elle a procédé à l’audition de vingt-sept personnes, ce qui lui a permis de faire un tour d'horizon exhaustif de la question dont elle était saisie.

Ce sujet est aujourd’hui au premier plan du débat politique, et vous me permettrez de penser que les travaux de la mission d'information ne sont pas pour rien dans ce regain d'intérêt. Le rapport de M. Jean-Paul Chanteguet a été cité avant même qu'il ne soit achevé et adopté par notre commission : c’est dire l'attente qu'il provoque. Qu'il me soit permis de saluer l’engagement personnel du rapporteur de notre mission.

Grâce à ce rapport d’information, le Parlement, se réapproprie un sujet dont il avait pendant trop longtemps été tenu à l'écart. Hier soir, les membres de la mission ont longuement débattu des conclusions à rendre. Sur le fond, une quasi-unanimité s'est dégagée pour constater que l'esprit du système de concession, largement développé, en son temps, par notre pays, n'était pas remis en cause. Tout en déplorant les privatisations, M. Yves Crozet, économiste des transports, que nous avons auditionné, s'est d'ailleurs plu à démontrer qu'un État désargenté n'avait pas d'autres recours que celui de développer des modes de gestion délégués. Je crois rendre fidèlement compte de nos échanges au sein de la mission en estimant que ni la gauche ni la droite ne souhaitent prendre le risque de mettre en difficulté de grands groupes français se refinançant en permanence à l'international.

Sans doute en raison d’une insuffisance de nos moyens d'expertise, plus que par manque de culture économique, nous n’avons pas réussi à faire la part des choses, entre bénéfice des sociétés d'autoroute et rentabilité du capital investi. Cette question est pourtant centrale, puisque, à un moment, ces grands groupes ont fait de très « gros chèques » à l'État sur la base d'une grande rentabilité des concessions. J’éprouve une frustration sur ce sujet qui m’engage à poursuivre mes propres réflexions.

Malgré tout, il est clairement apparu indispensable aux parlementaires concernés de se poser aujourd'hui la question du rééquilibrage des contrats passés entre l’État et les sociétés concessionnaires.

Pour sa part, le Gouvernement souhaite allonger les durées de concession des sociétés d'autoroute de deux à quatre ans en contrepartie d'un plan d'investissement, contrats déjà prolongés d'une année sous la précédente mandature.

Les précédents rapports, notamment ceux de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence, faisaient apparaître la nécessité de renforcer les contreparties en direction de la puissance publique – renforcement de la Commission nationale de contrôle des marchés, des services de l'État en charge de planifier les investissements lors de contrats de plan, encadrement de l'optimisation fiscale, clause de revoyure à mi-parcours... Ils mettaient également en avant les besoins de contreparties en direction des usagers avec notamment la modification des calculs d'évolution des tarifs des péages jusqu'à présent très bien indexés.

Le rééquilibrage des contrats de concession doit-il se faire par la voie de la négociation – dans ce cas, que pouvons-nous obtenir en contrepartie des allongements de contrats – ou par celle de la dénonciation contractuelle ? La réponse à cette question est d'autant plus importante si l'on considère qu'à l'avenir ce type de mode de gestion se développera.

Ce débat a naturellement sa place à l'Assemblée nationale. D'ores et déjà les lignes ont bougé. Je pense à l’introduction d'une Haute Autorité de surveillance et de contrôle des concessions d'autoroutes grâce à l'élargissement de pouvoirs de l'ARAF, dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l’activité. Selon moi, il s’agit d’un dispositif essentiel car nous avons besoin d'une expertise permanente et indépendante sur ces questions ainsi que de propositions pour améliorer en permanence les mécanismes en vigueur. Sur ce sujet, quand on connaît l'activisme de l'ARAF dans le domaine des transports ferroviaires, on peut être rassuré. Je pense aussi aux discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier, lors de l'examen de la loi de finances rectificative, avec l'adoption de l'amendement de notre collègue Olivier Faure, cosigné par Jean-Paul Chanteguet.

Au final, je me félicite qu'un consensus ait été trouvé autour de l’enjeu majeur que constitue la redistribution plus équitable de la manne autoroutière au bénéfice des investissements et des citoyens.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d’information. La question de la situation des grands concessionnaires privés d'autoroutes étant posée devant l'opinion, il était naturel que le Parlement s’en saisisse et puisse en débattre. C’était l'objet de la mission d'information créée au sein de la commission du développement durable, et force est de constater que notre initiative a d'ores et déjà suscité des commentaires et des réactions.

La mission d’information sur l’écotaxe poids lourds créée en novembre 2013 nous avait déjà amenés à réfléchir sur la situation des concessions autoroutières. En effet, selon des études officielles, l'entrée en vigueur de l'écotaxe devait entraîner un report de trafic vers les autoroutes qui aurait généré pour les concessionnaires privés un supplément de recettes de 200 voire de 300 millions d'euros. Rapporteur de cette mission d’information, j’avais proposé, avec l’accord des membres de cette dernière, de partager équitablement cette manne. Il s'agissait d'en affecter au moins la moitié au financement des infrastructures de transports.

Les problématiques de l'écotaxe et de la gestion du réseau autoroutier présentent d'évidentes parentés : elles ont, en tout état de cause, révélé la situation de « disette budgétaire » dont l'État subit les conséquences au travers de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

L'absence des recettes attendues de l'écotaxe ou encore de l'hypothétique péage de transit poids lourds, jamais clairement défini, a mis à mal les perspectives de financement de projets portant urgents de travaux routiers, mais aussi de nombreux projets alternatifs d'infrastructures publiques.

Cette situation est insupportable au regard de la prospérité financière des trois pôles résultant de la privatisation des autoroutes, à savoir ASF/ESCOTA contrôlé par Vinci, APRR/AREA codétenu par Eiffage et le fonds financier australien Macquarie, et SANEF/SAPN dont le groupe espagnol Abertis est l'actionnaire majoritaire. Ces trois pôles génèrent un résultat net global supérieur à 2 milliards d'euros par an. Ils ont servi à leurs actionnaires 15 milliards d'euros sur la période 2006-2013.

Je rappelle que les six concessionnaires dits « historiques » contrôlent, si l’on tient compte de Cofiroute qui a toujours été une société privée depuis sa création en 1970, plus de 95 % des péages collectés sur le réseau autoroutier concédé qui porte, au total, sur 9 000 kilomètres. À titre de comparaison, la partie des autoroutes toujours directement gérée par l'État compte 2 600 kilomètres.

La Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont clairement mis en évidence le déséquilibre financier de l'exploitation de la majeure partie du réseau français. Cette situation joue manifestement en défaveur de l'État et des usagers. La privatisation de 2006 s'est, en effet, révélée lourde de conséquences. Certaines voix avaient, dès l'origine, opportunément dénoncé l'architecture et les mécanismes d’un système qui allait conférer aux concessionnaires des avantages exorbitants du droit commun sur des durées particulièrement longues. Force est de constater que la réalité a confirmé ces craintes.

Il est aujourd'hui possible de souligner l'existence d'une véritable rente autoroutière dans le cadre de monopoles privés constitués sur des bases géographiques. Le vice initial de la privatisation de 2006 réside dans le fait que les cessions se sont fondées sur des contrats de concession et des cahiers des charges insuffisamment réajustés. Ils sont donc demeurés quasiment analogues à ce qu'ils étaient à l'époque où l'État était encore très majoritairement « partie prenante » au système. Sur une telle base, toute aspiration à une nouvelle régulation du secteur s'avérerait illusoire faute de réels changements dans l'architecture de son mode de gestion. Votre rapporteur a d'ailleurs fait le constat de la faiblesse des pouvoirs d'intervention de la tutelle sur l'exécution des contrats de concession. Le verrouillage de ces contrats et de leurs cahiers des charges en est la cause.

Il a résulté du vice initial de la privatisation un effet d'aubaine pour les grands groupes ayant ainsi accédé au contrôle des sociétés concessionnaires. Leur rentabilité exceptionnelle résulte d'abord des mécanismes tarifaires relatifs aux péages qui leur accordent une protection bien supérieure à l'inflation. Mais il convient aussi de souligner l'effet des « surcompensations » et des autres avantages dont bénéficient les concessionnaires lorsque l'État souhaite obtenir la réalisation d'investissements nouveaux. Cette situation privilégiée s'avère « hors normes ». Elle ne correspond d'ailleurs pas à celle d'autres concessionnaires postérieurement chargés de l'exploitation de parties plus limitées du réseau – des liaisons moins matures qui enregistrent de plus faibles trafics. Une plus grande équité entre ces « petits » concessionnaires et les « grands historiques » constituerait aussi un des objectifs louables d'une réforme que nous appelons de nos vœux.

Les actuels titulaires des concessions font généralement valoir qu'ils supportent le « risque trafic » et, qu'en plus, ils ont repris de l'État une dette de quelque 18 milliards d'euros au moment de la privatisation. Le « risque trafic » existe effectivement. Il est plus ou moins sensible selon les liaisons ou portions de liaison. Les autoroutes n'ont en fait connu qu'une seule année de baisse globale du trafic, au plus fort de la crise économique de 2008-2009. La situation s'est rapidement rétablie, et les prévisions les plus prudentes estiment que le trafic autoroutier continuera à croître entre 0,7 % et 1 % par année jusqu'à 2030.

Concernant la dette globale des concessionnaires, une approche objective démontre qu'elle a pu être gérée à bon compte. Les sociétés concessionnaires sont des véhicules d'emprunt appréciés des prêteurs car elles présentent la caractéristique de percevoir de façon récurrente des recettes abondantes et en croissance, au rythme des péages. Cette donnée a été propice à une gestion dynamique de leur endettement par les concessionnaires qui ont pu emprunter aux meilleures conditions pour faire remonter à destination des maisons mères des dividendes exceptionnels à hauteur de 5 milliards d'euros, afin de faire face aux coûts d'acquisition qu'ils avaient à supporter au titre de la privatisation. En fait, à ce jour, la dette globale des six concessionnaires « historiques » ne dépasse pas 18 milliards d'euros, alors qu'ils laissent fréquemment penser que son montant s'établirait bien au-delà. De plus, 6,5 milliards d'euros de dette, toujours gérés par la Caisse nationale des autoroutes, arriveront à échéance au 31 décembre 2018.

Par ailleurs, un flou entretenu à dessein par les concessionnaires ne permet pas de distinguer clairement la part « historique », c'est-à-dire ce qui reste de la dette qu'ils ont reprise de l'État lors de la privatisation, de la part souscrite pour satisfaire en partie aux besoins de leur acquisition de 2006, et de la dette dite « projet » qui correspond à des investissements et travaux réalisés.

Notre mission d'information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport se devait de réfléchir aux voies et moyens d'un rééquilibrage plus complet encore du système, sans attendre le terme des concessions en cours. Il convenait également d'explorer les possibilités de s'extraire d'une mécanique implacable, notamment en examinant les conséquences d'une dénonciation pour motif d'intérêt général, qui peut être exercée par l'État au titre des clauses existantes dans chacun des contrats de concession en cause.

Dans le cadre actuel d'exécution des concessions, les actionnaires des sociétés concessionnaires ont le sentiment que leur situation leur assure une délégation appelée à devenir quasi perpétuelle. Ce sentiment d'être ainsi en position de force se trouve conforté par le jeu des allongements de la durée des concessions qui leur sont régulièrement consentis au titre de l'enchaînement de contrats de plan quinquennaux et de programmes spécifiques d'investissements comme le Paquet vert de 2010 ou le Plan de relance autoroutier désormais programmé.

La mission d'information n'ignore pas les impacts économiques et sociaux d'un programme de travaux comme celui qui est projeté par le Plan de relance. Elle ne peut toutefois se résoudre à laisser dériver un système qui s'avérera au final extrêmement coûteux pour la collectivité. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent une décision. Faut-il admettre par fatalisme que la gestion de la plus grande partie de nos autoroutes reste régie par des dispositions défavorables à l'État et aux usagers ? Ne convient-il pas plutôt de sortir d'une situation jusqu'alors largement subie en récusant l'idée que les conditions d'exploitation du système autoroutier français puissent demeurer pour très longtemps « figées » ?

Votre rapporteur privilégie la voie de la dénonciation des contrats en cours. Il s'agit de la seule voie susceptible de concrétiser une reprise en mains de son patrimoine par l'État. Ce dernier dispose de cette possibilité en vertu de l'article 38 de chaque contrat. Pour que cette voie puisse être ouverte, il conviendrait de notifier aux concessionnaires cette dénonciation avant le 31 décembre de cette année car cette procédure est encadrée dans une durée d'une année pleine. Il faut donc agir très vite si l'on entend établir, au 1er janvier 2016, un nouveau cadre de gestion des autoroutes concédées.

Dès les premiers jours de 2015, l'État doit être en mesure d'explorer les différentes voies qui s'offrent à lui sans exclure, éventuellement, une renégociation intégrale avec les anciens titulaires des concessions. En cas d'échec, l'indemnisation des concessionnaires sera de droit au terme du premier semestre 2015.

L’État pourra remettre en concurrence les concessions sur la base de cahiers des charges refondus donc rééquilibrés. II pourra aussi faire porter le réseau par un établissement public industriel et commercial (EPIC), qu'il reste à créer, et confier l'exploitation à des opérateurs choisis par lui en tant que titulaires de contrats d'opération donnant lieu à une rémunération préétablie, une sorte de régie intéressée. Cette dernière formule est fondamentalement distincte du système de la concession. Le rapport détaille ainsi le panel des options possibles.

Le rachat des concessions aura nécessairement un coût pour l'État. Mais la dette d'acquisition qu'il supportera ne sera pas « maastrichtienne ». Les revenus qu'il percevra des péages et le résultat net d'exploitation lui permettront, à la fois, de s'acquitter des annuités de remboursement et d'engranger des ressources pour financer des infrastructures. L'État peut en effet accéder à de meilleures conditions de marché que celles consenties aux autres emprunteurs, notamment pour des emprunts sur quinze ou vingt ans.

M. Christophe Bouillon, président. Avant que nous n’entendions les nombreux orateurs inscrits, je donne la parole aux représentants des groupes politiques.

M. Michel Lesage. Il était essentiel que le Parlement s’approprie un sujet auquel l’opinion publique est sensible, et qu’il joue son rôle en la matière – ce qui n’a pas nécessairement été le cas jusqu’à aujourd’hui notamment lors de la privatisation de 2006, concernant le contenu des contrats de concessions, ou, plus récemment encore, lors de la mise en place du Plan de relance autoroutier.

Les enjeux économiques, sociaux, financiers, environnementaux, techniques et juridiques sont considérables. La régulation et ses modalités sont également en question. L’écosystème autoroutier français tel qu’il se présente aujourd’hui ne peut pas perdurer ; votre rapport d’information a le mérite de le souligner.

Après les travaux de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence, on peut désormais considérer que les constats sont partagés. La privatisation de 2006 s’est déroulée de manière « dérogatoire » dans des conditions fortement discutables – ce dernier terme est faible si l’on considère que tant les contrats que les cahiers des charges sont défavorables à l’intérêt public. Il en est résulté un niveau de profitabilité « hors norme » qu’illustrent les 2 milliards d’euros de bénéfices nets enregistrés annuellement. Ce montant colossal et d’autant moins acceptable que les moyens budgétaires disponibles pour l’entretien et la modernisation du réseau de routes et d’autoroutes – 2 600 kilomètres d’autoroutes restent aujourd’hui à la charge de l’État – ou de nos transports publics sont faibles. L’abandon de l’écotaxe poids lourds n’a évidemment rien arrangé en la matière.

Le constat concerne aussi les tarifs de péages qui augmentent plus rapidement que l’inflation.

Le moment semble venu de revoir et de rééquilibrer le système autoroutier français. Le rapport d’information fait en la matière des propositions pertinentes concernant le renforcement des contreparties et de la régulation de la puissance publique en faveur de l’intérêt général. Il propose aussi d’assurer les moyens de financement nécessaires aux investissements en matière d’infrastructure routière et de transport public. Je rappelle que le Plan de relance autoroutier mobilise plus de 3 milliards d’euros.

Même si les lignes bougent déjà, il faut aller plus loin. Deux solutions principales sont donc évoquées dans le rapport d’information : la renégociation des contrats ou leur dénonciation pour motif d’intérêt général. Il me semble que la renégociation aurait de nombreux inconvénients alors qu’il serait logique de dénoncer les contrats. Une décision doit être prise avant le 31 décembre, comme cela nous a été indiqué, afin que l’on puisse avancer durant l’année 2015 et mener les expertises et les analyses prospectives nécessaires.

M. Yves Nicolin. Je crains que le ton de mon intervention ne soit différent de celui de mes prédécesseurs. Le groupe UMP estime en effet que nous prenons le problème par le petit bout de la lorgnette et que ses enjeux sont surtout financiers et médiatiques. Nous sommes en fait confrontés à un double problème : celui des tarifs des péages et celui des bénéfices des sociétés concessionnaires, qui sont tous deux considérés comme trop élevés. S’il était utile qu’une mission d’information de notre commission travaille sur ce sujet, ses conclusions sont loin d’avoir abouti à un consensus car le rapport d’information qui nous est présenté est à charge. (Murmures sur les bancs SRC)

Si vous me permettez l’expression, il est sans concession à l’égard des sociétés d’autoroutes. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas valider un tel travail.

De la même façon que la Cour des comptes a publié un rapport pour expliquer que les TGV n’étaient pas assez rentables et qu’il fallait agir, elle en publie un autre pour expliquer que les sociétés d’autoroutes sont trop rentables et qu’il faut agir. J’y vois une certaine contradiction, et je me demande surtout s’il nous faut remettre en cause les structures économiques du pays à chaque fois que la Cour des comptes sort un rapport : la stabilité juridique, indispensable aux entreprises, risque d’en prendre un sacré coup.

Notez bien que les tarifs des péages autoroutiers sont loin d’être les seuls à augmenter plus vite que l’inflation. Est-ce pour autant que l’on déploie une telle débauche de moyens dès lors que cela se produit ? Nos primes d’assurance habitation obligatoire augmentent tous les ans de 6 à 10 %. Avons-nous pour cela créé une mission d’information au Parlement ? Avons-nous mis en cause les compagnies d’assurance et critiqué le système d’assurance de notre pays ? Si nous devions instruire à charge le dossier de chacun des secteurs concernés nous risquerions surtout de voir des pans entiers de l’économie frappés d’un immense découragement. (Murmures sur les bancs SRC)

Je parle d’un travail à charge car il faut rappeler que si notre pays bénéficie aujourd’hui d’un réseau moderne d’autoroutes concédées, c’est grâce aux sociétés qui l’entretiennent et qui investissent. La France est certainement le pays qui dispose du réseau autoroutier le mieux entretenu et le plus performant d’Europe. Certes, il n’a pas été créé par les sociétés d’autoroutes, cependant, depuis dix ans, elles en ont la charge, pour sa plus grande partie. Or ces éléments positifs en faveur des sociétés concessionnaires ne sont pas cités dans le rapport d’information. Au contraire, dès les premières lignes de son introduction, une conclusion est déjà tirée : « Le niveau de profitabilité “hors normes” de ces sociétés, jamais démenti depuis la privatisation des concessions en 2005-2006, ne peut être accepté […] » Tout le rapport est inscrit par anticipation dans cette phrase : une seule approche sera retenue qui vise à critiquer les profits des sociétés d’autoroutes.

J’ajoute que l’application des conclusions du rapport risquerait de tuer la poule aux œufs d’or. Peut-être les tarifs sont-ils trop élevés, mais sans les 2 milliards d’euros de bénéfices nets des sociétés concessionnaires, dénoncés par M. Chanteguet, l’État et la collectivité ne verraient pas tomber 3,8 milliards d’euros dans leur escarcelle, par l’intermédiaire des impôts, des taxes, de la TVA, des charges, de l’impôt sur les sociétés, de la redevance domaniale, et des taxes d’aménagement touristique. Si la profitabilité des sociétés d’autoroute diminue, l’État perdra une partie de cette somme. En s’attaquant à une « trop grande profitabilité », on réduira malheureusement les recettes futures de l’État.

Pour notre part, nous nous rallierions plutôt à la proposition de M. Yves Crozet que vous avez cité. Il préconise la mise en place d’une autorité de régulation des transports terrestre qui validerait les évolutions de tarifs – comme l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) valide les tarifs d’utilisation du réseau ferré national.

Il est aussi à craindre que la solution retenue par le rapport d’information ne décourage les concessionnaires futurs. Quel message envoyons-nous aux grandes entreprises françaises au moment même où l’État privatise des infrastructures aéroportuaires en faisant appel à des investisseurs étrangers ? (Murmures sur les bancs SRC)

Il aurait été possible, comme le Gouvernement semble le préconiser, de renégocier avec les sociétés concessionnaires pour mettre en place un plan de relance de plus grande ampleur pour un secteur du BTP dans lequel il est urgent de créer des emplois.

M. François-Michel Lambert. Le travail effectué par la mission d’information justifie ses préconisations et permet d’étayer ses conclusions. Il nous autorise à prendre des positions fortes. Vous aurez compris que je m’inscris en faux contre les propos tenus par l’orateur qui m’a précédé.

Au-delà de la création d’une rente au bénéfice des sociétés d’autoroute, la privatisation de 2005-2006 a cassé un système d’équilibre entre les modes de transport. Comme cela est expliqué dans le rapport d’information, le mécanisme de l’adossement, s’il n’avait pas disparu, aurait permis de réaffecter plusieurs centaines de millions d’euros à d’autres modes de transport alors que, depuis dix ans, les bénéfices générés reviennent au seul système autoroutier et ne profitent même pas au réseau routier au sens large.

« Transports et mobilités durables » : ce point était l’un des trois thèmes de la Conférence environnementale réunie au mois de novembre dernier à Paris. Le retour à une maîtrise par le politique d’un système global bien plus complexe qu’une succession de modes de transport pris isolement est alors apparu indispensable.

À mon sens, le manque actuel de vision globale explique l’échec de l’écotaxe que la Suisse et l’Allemagne ont su mettre en place sans négliger, de leur côté, de travailler avec les transporteurs et de définir de nouvelles offres d’infrastructures notamment routières.

Je constate que le système français facilite l’extension du réseau autoroutier. Dans ma circonscription, l’autoroute reliant Aubagne à Aix, encombré seulement quatre jours par an pour les vacances d’été, va passer en deux fois trois voies, alors que nous ne disposons pas d’un seul euro pour réhabiliter la voie ferrée, mode de transport alternatif sur le même parcours. C’est la démonstration que nos systèmes fonctionnent à l’envers.

Il est indispensable que le politique reprenne rapidement la main. Nous demandons en conséquence que la dénonciation des contrats ait lieu avant le 31 décembre et qu’elle permette, dans la continuité de la Conférence environnementale, de retrouver un équilibre « transports et mobilités » en lien avec les nécessités locales. Cette démarche permettra de remettre à plat la logique actuelle du péage fondée sur le prix de revient de l’investissement, et d’entrer dans une logique de l’usage – les multiples critères que l’État pourrait définir permettraient de piloter très finement les tarifs au gré des exigences locales, ce qui pourrait aboutir à la suppression du péage comme à l’augmentation des prix, au cas par cas. L’idée de la création d’un EPIC me paraît, en conséquence, particulièrement judicieuse, à condition toutefois que l’établissement public gère de façon globale toute la mobilité sur le réseau routier national. Il pourrait, par exemple, porter la mise en place d’une nouvelle écotaxe et assurer une gouvernance unique pour plusieurs outils – il ne s’agit pas d’une proposition révolutionnaire puisque des EPIC comme les ports maritimes ou RFF la mettent déjà en œuvre.

M. Olivier Falorni. Depuis l'abandon de l'écotaxe, et, avec elle, des 800 millions d'euros de recette annuelle promise à l'AFITF, les acteurs du transport public réclament une solution durable pour combler le manque à gagner.

Il y a un mois, devant notre commission, le secrétaire d'État chargé des transports a confirmé que, pour compenser ce manque à gagner, les transporteurs routiers seraient assujettis à la taxe carbone et à la compensation du péage de transit poids lourds, et qu’ils paieraient ainsi les 4 centimes d'augmentation du gazole comme tout le monde à partir du 1er janvier 2015. Les sommes en jeux sont loin d'être neutres : elles rapporteront plus d'un milliard d'euros et permettront de maintenir les recettes de l'AFITF à leur niveau actuel l'année prochaine.

Le lendemain de son audition par notre commission, M. Alain Vidalies affirmait l'engagement du Gouvernement à assurer un financement des opérations de l'AFITF à hauteur de 1,9 milliard d'euros pour les années 2015, 2016, et 2017. L’engagement de l'État est ferme, mais les modalités pour l'honorer demeurent incertaines. Si la piste principale consiste à faire davantage participer les transporteurs via une nouvelle vignette, celles qui nous intéressent ce matin font l'objet de ce rapport.

Au cœur de votre réflexion, il y a le Plan de relance autoroutier qui prévoit le prolongement de la durée des concessions des sociétés autoroutières durant une à quatre années en contrepartie d'un investissement d'environ 3 milliards d'euros sur le réseau.

Mais alors que l'équilibre du financement public des infrastructures se dégrade, ne pensez-vous pas que le risque est grand de voir le périmètre du réseau concédé augmenter sans cesse et ne pas répondre à la problématique de financement ?

Les profits très importants des sociétés autoroutières, mis en lumière tour à tour par la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence, qui évoquent une rentabilité de plus de 20 %, ne plaident-ils pas en la faveur d'un rééquilibrage du contrôle de ces sociétés par l'État ?

L’article 38 des contrats de concession permet à l'État de les résilier moyennant une indemnisation des concessionnaires en place. Contrairement à ce qui a pu être dit, la résiliation des contrats en cours ne constitue aucunement une nationalisation des autoroutes ; elle relève seulement de l'application d'une disposition d’un contrat que les concessionnaires ont signé. Il s'agirait d'un moyen de se réapproprier une rente qui bénéficie actuellement aux actionnaires des sociétés d'autoroutes, sans préjuger du mode d'exploitation futur, car les autoroutes n'ont pas vocation à être exploités par la puissance publique leur gestion peut donc rester privée.

Si cette hypothèse était retenue, l'État pourrait lancer des appels d'offres pour de nouveaux contrats, ce qui lui permettrait, selon les calculs d'un cabinet de conseil en économie, de gagner plus de 10 milliards d'euros, compte tenu de la valorisation des sociétés d'autoroute.

Une autre possibilité consisterait pour l'État à ne déléguer aux opérateurs privés que l'exploitation des autoroutes et la réalisation des travaux, et à rattacher le financement des concessions à une haute autorité indépendante de régulation.

Compte tenu du montant de l'indemnisation des sociétés concernées, de l'ordre de 40 milliards d'euros…

M. Laurent Furst. Ce sera beaucoup plus !

M. Olivier Falorni. … – ce chiffre est remis en cause par la ministre de l’écologie -, pourriez-vous me dire laquelle des deux options retient votre préférence ?

Enfin, les sociétés d'autoroute ont proposé au Gouvernement plusieurs pistes détaillées pour limiter les hausses de péages. Elles proposent, par exemple, de répercuter le coût des travaux sur une très longue période alors que jusqu'ici ces derniers se traduisaient par une augmentation des péages dans les cinq ans suivant les chantiers. Cette mesure éviterait des hausses tarifaires trop brutales. Les opérateurs d'autoroute plaident aussi pour la mise en place de tarifs préférentiels pour les voitures électriques ou le covoiturage. Quel accueil réservez-vous à ces propositions ?

M. Philippe Plisson. J’ai eu l’occasion de rencontrer cette semaine des responsables d’une grande société nationale d’autoroute pour un problème de gestion locale : ils ont rendu hommage à la compétence et à l’honnêteté du rapporteur, M. Jean-Paul Chanteguet, même s’ils ne sont évidemment pas d’accord avec toutes les propositions qu’il a avancées. (Rires sur divers bancs) Sur un sujet aussi sensible et dans un climat aussi délétère, il est réconfortant de constater qu’un travail parlementaire est reconnu.

L’opposition qui, en son temps, avait bradé les « bijoux de famille » n’est pas dans ce registre ; je le regrette car nous aurions pu espérer qu’un consensus se dégage à partir d’un rapport de la Cour des comptes constatant les profits abusifs des sociétés concessionnaires d’autoroute.

À ce stade, il est impératif de prendre des décisions fortes. Monsieur le rapporteur, pouvons-nous espérer que les contrats avec ces sociétés seront dénoncés avant le 31 décembre comme vous le préconisez ? Que peut faire la majorité de cette commission qui vous soutient pour vous aider à faire avancer cette solution ?

M. Jacques Kossowski. Nous ne pouvons en effet que féliciter le rapporteur et le président de la mission d’information : ils défendent tous les deux leurs idées. Il semble toutefois que la guerre entre le privé et le public n’a pas totalement disparu.

Si l’on entend dire que l’État doit être « garant et non gérant », c’est parce qu’il ne sait pas gérer certains types d’activités. (Murmures sur les bancs SRC et du groupe écologiste)

Imaginons que tous les profits générés par les sociétés d’autoroutes tombent dans les caisses de l’État : dans le contexte actuel, pensez-vous vraiment que cet argent ne serait pas détourné ? Nous pouvons sans doute rediscuter de leurs contrats avec les sociétés concessionnaires, mais laissons surtout le privé gérer cette affaire : il le fait beaucoup mieux que nous.

M. Yannick Favennec. L’abandon de l’écotaxe qui devait renflouer les caisses de l’AFITF a mis le Gouvernement, en particulier la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, face à ses responsabilités à l’égard du secteur autoroutier.

La hausse de la taxe sur le gazole ou la redevance payée par les camions étrangers ne permettront pas de maintenir les recettes de l’AFITF au-delà de l’année 2015. Selon plusieurs rapports, dont celui de l’Autorité de la concurrence et celui de Terra Nova, les concessions sont devenues des rentes pour les sociétés autoroutières.

Si la piste de la résiliation anticipée des contrats est envisagée, le problème de son coût se posera, comme ce fut le cas avec la société Ecomouv’ lors de l’abandon de l’écotaxe. Pouvez-vous nous indiquer comment cette solution peut être envisagée, et combien elle coûtera ? Comment seront payées les indemnités nécessairement dues aux sociétés d’autoroutes ?

Mme Geneviève Gaillard. À mon sens, la politique de transport et de déplacement ne devrait pas échapper au secteur public. Il est donc légitime que le Parlement s’intéresse à la manière dont les autoroutes ont été privatisées il y a quelques années, de même qu’il est logique que nous nous demandions comment faire en sorte que l’État redevienne un véritable acteur des politiques publiques de ce secteur.

Monsieur le rapporteur vous avez évoqué la nécessité de « s’extraire d'une mécanique implacable » dont les effets risquent de s’amplifier au fil du temps, si nous voulons répondre aux besoins des usagers et restaurer la place de l’État. Disposez-vous d’informations précises concernant le coût de la résiliation que vous appelez de vos vœux ? Le chiffre de 20 milliards d’euros vous paraît-il réaliste ?

M. Jean-Marie Sermier. Indispensable dans notre pays, l’autoroute apporte de nombreux bienfaits en termes d’aménagement du territoire. L’opposer au chemin de fer n’est donc pas la bonne solution. Il suffit d’ailleurs de se rendre en Allemagne ou en Suisse pour s’apercevoir de la grande qualité de notre système autoroutier actuel.

Ce que l’on reproche aux sociétés concessionnaires, ce n’est ni leur gestion, ni un manque de rentabilité, ni un mauvais entretien du réseau mais la manière dont elles distribuent leurs dividendes. Nous devrions donc peut-être proposer à ces sociétés de réduire les tarifs autoroutiers ou bien de réaliser des investissements supplémentaires mais en aucun cas de revenir à un système à la fois coûteux et dérisoire.

Mme Martine Lignières-Cassou. Par-delà la nécessité de dégager des moyens financiers au profit de l’AFITF à la suite de l’abandon de l’écotaxe poids lourds, la question est de savoir si nous sommes capables de faire prévaloir l’intérêt général dans notre pays. Et le problème n’est pas tant que les sociétés concessionnaires d’autoroute réalisent des profits mais que ces derniers soient éhontés au regard des intérêts de la nation.

Je trouve d’ailleurs bien naïfs ceux de nos collègues qui prônent une renégociation des tarifs autoroutiers. Car nous n’y parviendrons pas sans créer un rapport de force. Et c’est bien ce type de rapport que le président et le rapporteur de cette mission nous suggèrent d’instaurer en proposant non pas une renationalisation mais bien une résiliation par anticipation des contrats de concession. Leur proposition tendant à créer un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) allégé et géré par le secteur privé permettrait à l’État de maintenir son rôle stratégique tout en déléguant la gestion des autoroutes à des sociétés privées. Je remercie donc les auteurs de ce rapport pour leur excellent travail.

M. Guillaume Chevrollier. Après le feuilleton de l’écotaxe, le Gouvernement nous fait subir celui des autoroutes. Dans un rapport publié en septembre dernier, l’Autorité de la concurrence a estimé que ces sociétés bénéficiaient d’une rentabilité exceptionnelle assimilable à une rente. Elle a donc préconisé une révision de la formule tarifaire des autoroutes de sorte qu’elle ne soit plus indexée sur l’inflation mais qu’elle varie en fonction des coûts et du trafic. Cela permettrait de limiter l’augmentation des tarifs de péage voire de les faire baisser, ce qui serait une bonne nouvelle pour les usagers qui subissent la contraction de leur pouvoir d’achat.

Cependant, le Gouvernement s’est saisi de ce dossier et les menaces les plus diverses et variées fusent depuis quelques mois. Dernier épisode en date : la ministre de l’écologie a refusé la hausse des péages au 1er février prochain en dépit des augmentations annuelles prévues par les contrats de concession et les lois tarifaires. Joli coup médiatique ! Parmi les menaces gouvernementales figurent le gel des tarifs, l’obligation pour les concessionnaires de réaliser un effort de un milliard d’euros, la renationalisation des autoroutes, la redéfinition voire la dénonciation ou la résiliation partielle ou totale des contrats – florilège qui sera complété par le projet de loi Macron.

Quelle image ce Gouvernement donne-t-il en formulant des propositions aussi nombreuses et qui n’ont, de surcroît, fait l’objet d’aucune étude d’impact ? Ne serait-ce qu’en ce qui concerne la résiliation des contrats de concession, les chiffres qui circulent s’échelonnent entre 20 et 50 milliards d’euros. La marge est donc considérable. L’État ayant engagé sa parole en concluant ces contrats, mieux vaudrait stabiliser le système et accroître le contrôle du Parlement sur celui-ci.

M. Gilles Savary. Je félicite non seulement Bertrand Pancher et Jean-Paul Chanteguet pour leurs travaux qui honorent l’Assemblée nationale mais aussi les autorités de contrôle indépendantes. Car, s’il n’avait été question que de la transparence de l’État et des sociétés d’autoroute, les choses seraient restées opaques. Ce travail utile aura permis d’éclairer l’économie des autoroutes. Il convient d’éviter la double opposition caricaturale entre gauche et droit, public et privé. Il s’agit simplement de restaurer la souveraineté de l’État sur son propre domaine public. Comment accepter aujourd’hui que des sociétés d’autoroute pratiquent des tarifs gageant la totalité du coût des travaux qu’elles réalisent mais qu’elles empruntent pour payer des dividendes à leurs actionnaires – dividendes qui représentent parfois plus de 100 % de leurs fonds propres ?

Cette économie déséquilibrée, qui a été qualifiée de rente par l’Autorité de la concurrence, s’auto-reproduit puisque, face à un État en difficulté budgétaire, les sociétés d’autoroute tentent de négocier une augmentation de la durée de leurs concessions en échange de quoi elles s’engagent à financer 3,2 milliards d’euros de travaux. Or l’augmentation de la durée des concessions génèrerait 14,7 milliards de revenus supplémentaires pour ces sociétés. On ne peut l’accepter. C’est donc tout à l’honneur de notre Assemblée que de demander au Gouvernement de rebattre les cartes.

M. Jean-Pierre Vigier. Les autoroutes sont au cœur de l’actualité, avec raison compte tenu du rôle qu’elles jouent dans la desserte de notre territoire. Toutefois, il est des territoires ruraux qui ne sont pas tant concernés par cet enjeu que par celui des routes nationales, indispensables à leur desserte et à leur développement économique. Dans votre rapport, avez-vous pu analyser la place qu’occupent les routes nationales aux côtés de celle des autoroutes ? D’autre part, l’État n’ayant plus les moyens d’entretenir ni de développer ces routes nationales, pensez-vous qu’une partie des recettes liées aux autoroutes pourrait, grâce à une péréquation, financer ces routes nationales ?

M. Laurent Furst. Je commencerai par rappeler à M. Philippe Plisson que l’ouverture du capital des autoroutes a été effectuée sous le gouvernement de Lionel Jospin de gré à gré et que la privatisation a été effectuée par appel d’offres. À titre personnel, j’étais contre la privatisation. (Applaudissements et sourires sur divers bancs)

Ne confondons pas l’acquisition par des groupes de dimension mondiale, effectuée sur le fondement d’un appel d’offres, avec la gestion des sociétés autoroutières. Ainsi ne me paraît-il nullement scandaleux que la durée de retour sur investissement de la société ASF soit de 11 ans. Cessons de vendre de fausses idées à nos concitoyens !

S’agissant de la gestion proprement dite de ces sociétés, rappelons qu’elles ont une dette à rembourser et qu’au terme de la concession, leur valeur économique sera nulle. Si nous devons être créatifs aujourd’hui, ce n’est pas en dénonçant les concessions ni en rallongeant la durée mais en menant une réflexion sur la finition du réseau autoroutier et sur la manière de sortir du système de concession afin que, comme nous l’avons initialement promis aux Français, les autoroutes, une fois payées, leur soient rendues et qu’elles soient gratuites.

M. Alexis Bachelay. Les autoroutes appartiennent au patrimoine des Français qui ne comprennent pas qu’en 2006, l’État ait pu à ce point se dépouiller de ses prérogatives de puissance publique dans un secteur aussi sensible que celui des transports. Le rapport que vous nous présentez ce matin pointe la faible capacité d’intervention de l’État et son impuissance à réguler ce secteur. Alors que nos collègues de l’opposition nous proposent de ne rien faire, le rapport de cette mission d’information fait au contraire la démonstration que rien de sérieux ne peut être entrepris dans le cadre juridique actuel. Il démontre l’impérieuse nécessité de dénoncer les concessions en cours faute de quoi le cercle vicieux de la prolongation contre investissements sera perpétué ad vitam aeternam au détriment de l’intérêt de l’État et des usagers. Certains soulignent qu’il n’existe pas un seul et unique mode de gestion qu’il faudrait sanctuariser : de fait, en Allemagne, par exemple, les autoroutes sont gratuites pour les véhicules des particuliers. Ce n’est pas ce que nous proposons dans ce rapport. Néanmoins, un rééquilibrage s’impose.

M. Yves Albarello. Je félicite Bertrand Pancher et Jean-Paul Chanteguet pour leur rapport, bien que je n’en partage pas la finalité. Je suis en effet opposé à la dénonciation des contrats de concession qui, une fois de plus, remettrait en cause la crédibilité de la parole publique. Cela n’est plus acceptable : lorsqu’on signe un contrat, on le respecte. (Exclamations sur les bancs SRC)

Un contrat peut toujours se négocier, monsieur Gilles Savary. Pourquoi ne pas le faire dès lors que les sociétés d’autoroute y sont favorables ? Il est tout à fait possible de renégocier le partage des bénéfices en fonction du taux de retour sur investissement des concessionnaires.

D’autre part, lorsque l’on sort du réseau autoroutier concédé et que l’on arrive sur les autoroutes de l’État, on s’aperçoit de leur état lamentable. Pourquoi ne pas imposer aux sociétés concessionnaires d’autoroutes de reprendre à leur charge l’entretien du réseau non concédé ? (Rires) Alors que l’on veut recevoir des touristes du monde entier, l’autoroute A1, par exemple, est complètement dégradée.

M. Jean-Christophe Fromantin. Le présent rapport ouvre une réflexion intéressante qui mériterait d’être élargie à la question des partenariats public-privé dont nous n’avons pas eu jusqu’à présent de bilan économique. Il est paradoxal de voter, comme nous venons de le faire en loi de finances, un budget en déficit et qui accroît la dette publique, et, dans le même temps, de mettre des bâtons dans les roues à des contrats de partenariat public-privé qui constituent aujourd’hui le seul moyen pour l’État et les collectivités de financer de tels investissements. Veillons à ne pas envoyer de signal négatif à nos partenaires sans nous demander si l’État sera capable de financer lui-même demain, sur son budget, de tels investissements.

Je regrette en tout cas que ce rapport ne soit pas assorti d’un autre rapport faisant état de la dette hors bilan que constituent les partenariats public-privé en France et qu’avant d’envisager la dénonciation des contrats de concession, on ne se soit pas vraiment interrogé quant à l’apport de ces entreprises qui assurent elles-mêmes une forme de péréquation interne. Bref, je suis inquiet de ce traitement partiel et partial de ce sujet.

M. Rémi Pauvros. Ayant été amené, en tant que rapporteur pour avis sur le budget des transports, à rencontrer régulièrement les dirigeants des sociétés d’autoroute, j’ai été frappé qu’ils n’aient pas daigné faire le moindre geste, malgré nos demandes répétées, nos propositions et l’écoute que nous leur avons accordée. Ce n’est pas à des partenaires que nous avons eu affaire mais à des acteurs forts de leur bon droit, refusant d’écouter la parole publique.

On ne saurait nous reprocher de mettre en cause la parole de l’État sans mettre en cause la représentation nationale. Étant donné la saturation de nos réseaux – hier, des centaines de milliers d’automobilistes étaient coincés à Paris et à Lille –, ces dirigeants se doivent de contribuer à un aménagement qui favorise la multimodalité, le transfert et l’organisation des métropoles.

Mme Valérie Lacroute. Je regrette que ce rapport d’information soit orienté et qu’il ne fasse nullement état du volet économique de ce sujet fort complexe. Je ne suis pas favorable à la dénonciation des contrats qui supposerait d’indemniser les concessionnaires et qui nous ferait passer plus de temps à discuter du montant de cette indemnisation que si nous renégociions ces contrats – ce qui me paraîtrait la meilleure voie.

Les contrats actuels sont-ils vraiment contrôlés dans le détail ? En discutons-nous de façon précise avec les sociétés concessionnaires ? Sommes-nous en mesure de vérifier que tous leurs termes sont exécutés et respectés ? Cela nous permettrait de négocier avec les sociétés de concession et d’éviter tout comportement attentiste de leur part.

M. Michel Heinrich. Ce rapport, certes digne d’intérêt, est trop à charge. Ses auteurs auraient pu mettre en exergue la qualité du réseau autoroutier français que tous les pays européens nous envient. Si personne ne disconvient de la nécessité de renégocier ces contrats, leur résiliation, après l’affaire Écomouv’, risque en revanche de remettre en cause la fiabilité de la parole de l’État. Si l’on créait un EPIC comme vous le préconisez, combien la résiliation des contrats en cours coûterait-elle ?

M. Martial Saddier. Si le Parlement fait son travail aujourd’hui, le Gouvernement, lui, n’a pas fait le sien. Alors que nous sommes déjà le 17 décembre, on nous parle de l’envoi hypothétique d’une lettre avant le 31 décembre. Or la ministre de tutelle ne s’est adressée aux sociétés autoroutières que par article de presse interposé. Et nous ne connaissons pas la position du Premier ministre sur ce dossier, encore moins celle du Président de la République.

Le Gouvernement prend une nouvelle fois des risques inconsidérés sur les plans juridique et financier alors que nous subissons déjà les conséquences déplorables de l’affaire de l’écotaxe poids lourds. À quelques jours de la fin de l’année, une telle prise de position constitue un manque de respect envers les personnes qui travaillent directement ou indirectement pour ces sociétés d’autoroutes. Alors que notre pays se trouve déjà en grande difficulté économique et que nous n’avons nul besoin de signes économiques négatifs supplémentaires aussi bien au niveau interne qu’à l’étranger, la position du Gouvernement est inconséquente, proche du vide sidéral. (Murmures)

M. Philippe Duron. Cette mission d’information était nécessaire pour éclairer le Parlement et la Nation sur le bilan de la gestion des sociétés anonymes d’autoroutes près de dix ans après la privatisation du réseau. C’est cette privatisation « à la hussarde » par M. de Villepin qui est à la source des problèmes que l’on connaît aujourd’hui. Dans l’opinion publique, elle reste d’ailleurs frappée d’illégitimité. (Approbations sur les bancs SRC et du groupe écologiste)

La situation est aujourd’hui difficile : si les rémunérations des actionnaires sont très supérieures à ce que l’on aurait pu imaginer, cela s’explique sans doute par la manière dont les contrats de concession d’autoroutes ont été rédigés. L’État peut-il rester inerte face à de tels excès ?

J’entends nos collègues de l’opposition affirmer que la négociation serait préférable au conflit. Cela est certes toujours préférable ! Des avances ont d’ailleurs été faites aux sociétés d’autoroute pour qu’elles formulent des propositions compatibles avec l’intérêt public. Et la dénonciation anticipée de ces contrats, préconisée à juste titre par les auteurs de ce rapport d’information, constitue effectivement une solution radicale présentant l’inconvénient de fragiliser le droit des contrats et le système concessif. Mais compte tenu de la mauvaise volonté de ces sociétés, c’est là la seule solution qui reste à l’État : elle permettra de rétablir un juste équilibre dans le financement de la mobilité dans notre pays.

M. Laurent Furst. Et l’image de la France, qu’en faites-vous ?

M. Gérald Darmanin. Outre la question de la rentabilité se pose celle de l’emploi. Je suis agacé que, en raison de l’absence de concurrence, l’automatisation de la quasi-totalité des péages autoroutiers par les concessionnaires entraîne la suppression d’emplois non qualifiés sur des territoires en difficulté. Compte tenu de la rentabilité des autoroutes, l’État pourrait exiger de ces sociétés qu’elles offrent des emplois non qualifiés, surtout sur certains territoires comme dans le Nord-Pas-de-Calais.

Mme Sophie Rohfritsch. J’aurais souhaité savoir à quoi servira ce rapport, compte tenu de l’actualité, et notamment des divergences d’opinion régnant au sein du Gouvernement.

M. Bertrand Pancher, président de la mission d’information. À la suite des appels d’offres lancés par l’État, les sociétés d’autoroute lui ont remis un « gros chèque » en contrepartie des bénéfices importants qu’elles allaient réaliser. L’État en ayant alors été très heureux, il ne peut aujourd’hui réclamer le beurre et l’argent du beurre en remettant en cause ces contrats. Cela dit, on ne peut pas non plus se satisfaire de la prolongation, année après année, de la durée des concessions d’autoroutes. On relève en effet des déséquilibres importants dans l’exécution de ces contrats, notamment une évolution de certains tarifs de péage supérieure au taux d’inflation. Il est donc normal que le Parlement s’interroge à ce sujet, d’autant que, loin d’inventer l’eau tiède, nous avons repris les nombreux rapports qui ont été publiés sur ce thème, ayant jugé utile, au moment où l’on s’apprête à prolonger la durée de ces concessions, de formuler des préconisations. L’une d’entre elles, essentielle, a d’ailleurs été reprise dans le projet de loi présenté par Emmanuel Macron : elle vise à la création d’une autorité de régulation.

Hier soir, les membres de notre mission d’information ont longuement débattu de la question de savoir s’il était préférable de négocier avec les concessionnaires d’autoroute ou plutôt de résilier leurs contrats. Nous ne sommes pas des « bisounours », nous savons pertinemment que nous manquerons notre cible si nous négocions avec des pistolets à eau. Mais nous savons aussi que l’arme de la résiliation des contrats est difficile à manier. C’est là que le rapporteur et moi-même divergeons. Pour ma part, je préférerais que l’État commence par négocier et que ce ne soit qu’en cas d’échec qu’il remette complètement à plat le dossier. Le rapporteur préconise au contraire que l’on engage directement la procédure de résiliation des concessions.

Quoi qu’il en soit, personne au sein de notre mission d’information ne remet en cause la nécessité de rétablir un équilibre. À défaut, mieux vaudrait ne pas augmenter ces durées de concession.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d’information. Le Parlement assume ses responsabilités en se saisissant de ce sujet. Dans le cadre de la mission d’information sur l’écotaxe poids lourds que j’ai évoquée dans mon propos liminaire et à laquelle j’ai participé, nous avons régulièrement abordé la privatisation des autoroutes et les bénéfices réalisés par les sociétés concessionnaires autoroutières. Lorsque nous avons décidé de créer cette mission d’information, nous avions connaissance du rapport publié par la Cour des comptes en 2013 mais pas encore de celui de l’Autorité de la concurrence. Or, aujourd’hui, ce dernier fait date pour tout le monde.

Dans mon rapport sur l’écotaxe, j’avais formulé des propositions assez fortes, notamment dans le but d’appeler l’attention de l’exécutif sur la question des autoroutes. En effet, on constate que l’augmentation des tarifs des péages est souvent nettement supérieure au taux de l’inflation, conformément à la loi tarifaire qui figure dans ces contrats de concession. De plus, nous nous trouvons dans l’incapacité de financer nos infrastructures de transport. Le budget de l’AFITF pour 2015 se situe à plus de 1,9 milliard d’euros …

M. Philippe Duron. À 2,135 milliards en crédits d’engagement. (Sourires)

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d’information. … sachant que pour mettre en application les propositions de la commission Mobilité 21, sont nécessaires chaque année entre 2,2 et 2,5 milliards d’euros. En outre, l’abandon de l’écotaxe puis du péage de transit poids lourds, nous conduit à nous interroger sur la gestion du service public autoroutier par des entreprises privées – que l’on ne saurait comparer avec des sociétés d’assurance. Pour nous, la question est aujourd’hui de savoir si l’État souhaite retrouver sa pleine souveraineté sur la gestion de ce service public. L’intérêt de l’État consiste à dégager des moyens pour financer les infrastructures de transport routier et aussi de transport alternatif à la route. Si l’AFITF dispose demain de moyens financiers supplémentaires, elle aura la possibilité de mieux entretenir le patrimoine de la Nation. Dans le cadre des contrats de projet État-régions, l’AFITF finance normalement à hauteur de 950 millions d’euros les infrastructures nationales. (M. Philippe Duron approuve)

Le réseau autoroutier tel que nous le connaissons aujourd’hui a été construit par des sociétés d’économie mixte (SEM) et non par des sociétés privées, la privatisation totale du réseau n’étant intervenue qu’en 2006, pour 14,8 milliards d’euros. Trois ans avant, avait eu lieu un débat au Parlement : le ministre des transports de l’époque, M. Gilles de Robien, s’était alors opposé à cette privatisation, considérant que les moyens financiers dégagés par les SEM apportaient des ressources pérennes à l’AFITF.

M. Alain Gest. Et il avait alors raison !

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur de la mission d’information. La dénonciation des contrats de concession est peut-être une « bombe atomique ». Il reste que ces contrats sont aujourd’hui déséquilibrés.

Lorsque Frédéric Cuvillier est arrivé aux responsabilités, considérant que les autoroutes devaient apporter un retour financier à l’État et aux infrastructures de transport, il a décidé d’augmenter la redevance domaniale. Aujourd’hui, les sociétés autoroutières versent globalement à l’État 3,8 milliards d’euros, d’abord au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés, de la taxe d’aménagement du territoire – à hauteur de 530 millions d’euros – et enfin, de la redevance domaniale – à hauteur de 300 millions d’euros au lieu de 200 millions auparavant. Les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont alors déposé un recours devant le Conseil d’État, qu’elles ont perdu. Or, on découvre aujourd’hui qu’un protocole d’accord a été signé entre l’État et les sociétés concessionnaires et qu’en contrepartie de cette augmentation de 100 millions d’euros de la redevance domaniale, les tarifs d’autoroute allaient connaître une augmentation supplémentaire de 1,5 % entre 2015 et 2018, en plus de celle prévue par les contrats de concession. À cela s’ajoute le Plan de relance autoroutier. J’avais entendu parler de cet accord mais on ne nous a communiqué aucun document à ce sujet dans le cadre de cette mission d’information. Je découvre comme vous l’article publié ce matin même dans Les Échos. (Murmures sur divers bancs)

La précédente majorité avait déjà engagé un Plan de relance autoroutier afin de lancer des investissements permettant de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux. En contrepartie, les contrats de concession autoroutière ont été prolongés d’un an, avec l’accord du Parlement de sorte que si, demain, un nouveau plan de ce type était décidé, il devrait lui aussi être acté par nos deux assemblées.

Ce plan de relance était doté au départ de 3,6 milliards d’euros. Après examen par la Commission européenne, ce montant a été ramené à 3,2 milliards pour les sept sociétés concessionnaires, Cofiroute inclus. Ce plan sera mis en application sur onze ans. En contrepartie, les contrats de concession seront prolongés d’une durée allant de deux ans à quatre ans et deux mois. Pour certaines concessions, cela représente une augmentation de plus de 30 % de la durée de concession restante. Plus d’un tiers des investissements prévus par ce plan concerne des sections d’autoroute ou des ouvrages qui n’étaient pas concédés jusqu’ici et qui le seront demain. On assiste ainsi à une double manipulation – allongement de la durée et élargissement du champ des concessions – et l’on se retrouve ainsi face à des concessions perpétuelles. (Sourires)

Demain, au lieu de disposer d’un réseau concédé de 9 000 km, ce réseau sera de 11 600 km. Je ne puis accepter un tel choix. Le moment est venu de prendre des décisions fortes.

Depuis quelques temps déjà, je préconise la dénonciation des contrats de concession et la création d’un EPIC. Le rachat des concessions suppose forcément le versement d’une indemnité pour le préjudice subi. Cette indemnité est prévue à l’article 38 des contrats de concession ; elle vise à prendre en compte, sur la durée restante de la concession, les cash-flows disponibles, déduction faite des impôts. Partant de cette définition, on estime le coût de l’opération à 20 milliards d’euros – à ne pas confondre avec les moyens financiers que l’EPIC devra mobiliser pour mener cette opération. Cela s’explique par le fait que ces sociétés d’autoroute sont endettées. Cet endettement existait d’ailleurs déjà au moment où elles ont été privatisées. Pour les six sociétés principales, au moment de la privatisation, le niveau d’endettement s’élevait de 17 à 18 milliards d’euros. Il reste aujourd’hui à peu près à ce niveau, sachant qu’en 2006-2007, deux sociétés autoroutières ont emprunté 5 milliards d’euros pour verser aux actionnaires 5 milliards de dividendes exceptionnels.

Enfin, il ressort des informations en notre possession que le retour financier va s’accroître rapidement, en particulier parce que la dette de la Caisse nationale des autoroutes, de 6,5 milliards d’euros, sera complètement amortie à la fin de l’année 2018. D’autre part, l’article 35 des contrats de concession oblige les sociétés concessionnaires autoroutières à remettre tous les ans à l’État un plan prévisionnel, jusqu’à la fin des concessions portant sur l’endettement, les fonds propres, la trésorerie et la rentabilité de celles-ci. J’ai demandé communication de ces rapports – ce qui m’a été refusé par le Secrétariat général du Gouvernement. Nous savons cependant qu’il ressort de ces rapports que tous les indicateurs financiers vont s’améliorer d’ici à la fin des durées de concession.

J’ai conscience de ne pas avoir répondu à toutes vos questions. Vous m’en excuserez.

*

La Commission procède ensuite au vote de la publication du rapport d’information.

M. Christophe Bouillon, président. Mes chers collègues, je remercie une nouvelle fois le président et le rapporteur de cette mission pour leurs travaux.

Il me revient de vous demander si vous approuvez, non pas les conclusions du rapport d’information, mais sa publication.

M. Yves Nicolin. Le groupe UMP préfère ne pas prendre part au vote sur la publication, considérant que ce rapport n’est pas équilibré mais à charge.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je m’abstiendrai de voter en faveur de cette publication dans la mesure où certaines informations – comme celles fournies aux Échos – nous parviennent par voie de presse alors qu’une mission d’information vient d’être menée. Je m’interroge donc sur la portée stratégique des informations figurant dans ce rapport.

La Commission autorise la publication du rapport d’information.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 17 décembre 2014 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Gérald Darmanin, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Claude de Ganay, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Autres députés (non membres) : M. Philippe Noguès, M. François Vannson