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Mercredi 21 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Victor Haïm, président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

– Information relative à la Commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Victor Haïm, président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis heureux d’accueillir M. Victor Haïm, président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), afin qu’il présente le rapport d’activité de l’Autorité devant notre commission du développement durable, et évoque ses activités au cours de l’année écoulée. J’observe que c’est la deuxième fois sous la 14e législature que nous auditionnons le président de l’ACNUSA, lequel est venu le 6 novembre 2013.

Je rappelle que l’ACNUSA détient un pouvoir de contrôle, de recommandation sur la maîtrise des nuisances aériennes et de sanction à l’égard des compagnies aériennes en cas de manquement aux mesures environnementales.

M. Victor Haïm est accompagné de M. Éric Girard-Reydet, délégué général de l’ACNUSA.

M. Victor Haïm, président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Merci, monsieur le président, de m’accueillir dans cette enceinte pour présenter l’ACNUSA, notre rapport d’activité et nos perspectives de travail.

L’ACNUSA est une autorité administrative indépendante créée en 1999, d’abord pour lutter contre les nuisances sonores, en lien avec le développement de l’aéroport de Roissy. En 2010, ses compétences ont été élargies à l’ensemble des nuisances liées à l’activité aéroportuaire.

Actuellement, nos services sont équipés pour travailler sur le bruit et la pollution de l’air, mais nous n’avons pas d’effectifs pour travailler sur les autres types de pollution. Cela dit, je pense que ce sont les deux principales nuisances et pour l’instant, nous n’envisageons pas d’aller au-delà.

Quels sont les axes de travail de l’Agence ?

Puisqu’il s’agit de lutter contre les nuisances, elle peut envisager d’intervenir dans trois domaines.

Premièrement, la source des nuisances, c’est-à-dire essentiellement les avions eux-mêmes. Mais l’Agence intervient de manière secondaire dans ce domaine, très technique, les motoristes comme les constructeurs essayant par ailleurs de minimiser les nuisances liées aux avions.

Deuxièmement, les procédures, qu’il s’agisse des procédures au sol ou des trajectoires, pour éviter, par exemple, les agglomérations. L’ACNUSA émet des avis sur les procédures qui sont envisagées, sur les définitions des plans de gêne sonore (PGS) ou des plans d’exposition au bruit (PEB). En ce domaine, notre intervention est beaucoup plus positive et effective. Reste une limite, s’agissant des trajectoires et des procédures liées à l’aéronautique : le principe de sécurité.

Troisièmement, le domaine le plus ouvert pour l’Autorité : tout ce qui concerne les territoires et les populations survolés. Nous avons un pouvoir d’avis sur les PEB et les PGS, mais nous pouvons aussi travailler sur la manière de minimiser l’impact des avions sur les populations survolées.

Par-delà ces trois secteurs, on peut prendre en considération nos modes d’actions.

Premièrement : les recommandations. À l’origine, l’ACNUSA a été voulue comme une autorité morale dotée, non d’un pouvoir d’action, mais d’un simple pouvoir d’incitation.

Deuxièmement : les avis, lorsqu’un texte réglementaire est en préparation et qu’il a un rapport avec la protection des populations et de l’environnement.

Troisièmement, les sanctions. Chaque année, nous infligeons pour un peu plus de 3 millions d’amendes aux compagnies aériennes qui ne respectent pas les procédures. Cette somme devrait augmenter dans la mesure où, pour certains manquements, le montant maximal de l’amende est passé de 20 000 à 40 000 euros. Cela dit, j’ose espérer que ce sera une incitation à respecter les procédures et donc, peut-être, à réduire les manquements et le montant des amendes. L’intérêt n’est pas d’infliger des amendes, mais d’éviter les manquements aux procédures.

Notre rapport d’activité 2014 sera disponible d’ici un mois et demi à peu près, car il n’est pas totalement achevé. Nous venons de recevoir les dernières réponses de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) aux recommandations que nous avions faites. Ce rapport sera un peu comme celui de l’an dernier, en demi-teinte dans la mesure où nous avons surtout un pouvoir moral, un pouvoir de recommandation, et pas de pouvoir d’action proprement dit. Il est toujours facile de dire qu’il faut faire ceci ou cela pour protéger les gens. Mais il est difficile, ensuite, de faire passer des recommandations dans la pratique.

Je m’en tiendrai là. Je pense que sur un certain nombre de points, vos questions m’amèneront à apporter des précisions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je passe la parole aux représentants des groupes.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président Victor Haïm, je vous remercie pour votre présentation. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’extension de vos missions et de vos compétences, acquise en 2010, qu’il s’agisse du contrôle de la qualité de l’air ou de votre pouvoir de sanction ? Intervenez-vous sur les nuisances lumineuses qui ont un impact évident sur la biodiversité ? Certes, vous nous avez indiqué que l’extension de vos missions supposerait des moyens d’action supplémentaires. Mais j’aimerais avoir votre avis sur ce point particulier.

Quelle est la nature et l’état de vos relations avec les nombreuses associations luttant contre les nuisances aéroportuaires, et avec lesquelles j’imagine que vous êtes en contact permanent ?

Ensuite, le doublement du montant des amendes, qui sont passées de 20 000 à 40 000 euros, a-t-il eu un effet concret sur les vols de nuit ? Depuis leur instauration, avez-vous le sentiment que les restrictions sont davantage respectées ?

Enfin, malgré le plafonnement des recettes globales de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), quelles sont vos priorités en termes d’attribution des aides, en termes d’insonorisation et de travaux réalisés pour lutter contre les nuisances sonores ? Récemment, notre collègue Bruno Le Roux a remis un rapport sur les transports aériens en France, où il évoque, notamment, le plafonnement de cette taxe. J’aimerais connaître votre avis en la matière.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, ma première question concerne les nouvelles procédures d’approche en Île-de-France, avec le relèvement des altitudes d’interception des systèmes d’atterrissage aux instruments. Depuis trois ans que ces nouvelles procédures sont en application, de nombreuses associations de riverains et de collectivités ont demandé le retour à la situation antérieure – en raison du survol de nouvelles zones, ainsi que de l’intensification des survols sur des zones densément habitées et « sur-urbanisées », à seulement 700 ou 800 mètres d’altitude, par des appareils en provenance ou à destination du Bourget.

Dans mon rapport pour avis sur le transport aérien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, j’avais demandé que l’on engage une étude afin de remettre à plat les procédures et redéfinir complètement ces trajectoires. L’accentuation des survols du département de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne par des avions bruyants en approche et en configuration d’atterrissage à des hauteurs variant en 600 et 1 600 mètres d’altitude reste inacceptable pour la plupart des associations et des riverains. Ces zones à densité de population forte – 18 000 habitants au km2 – n’ont pas à subir l’activité aéroportuaire d’affaires qui pourrait, avec très peu d’incidences sur les temps de vol, contourner Paris et la petite couronne par l’extrême nord ou l’extrême sud de la région parisienne. Je m’étonne d’ailleurs auprès de l’ACNUSA qu’aucune enquête publique n’ait été engagée avec les élus et les populations du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis sur les conditions de survol de ces territoires. J’aimerais connaître votre position sur cette question, d’autant plus que nous sommes aujourd’hui en PVPA – plan Vigipirate attentats. Des avions passent à 700 mètres d’altitude au-dessus de la tour Eiffel et je m’étonne que la DGAC n’ait pas pris des dispositions à ce propos.

Ma deuxième question concerne le règlement européen tendant à augmenter le nombre de mouvements fixés par la réglementation en vigueur sur Orly – 250 000 créneaux horaires attribuables pour 200 000 mouvements, et couvre-feu. Je voudrais avoir votre position, car il est essentiel pour la plupart des associations de s’opposer fermement à ce texte et de réaffirmer avec force l’attachement au maintien de la réglementation en vigueur.

Ma troisième question concerne les difficultés rencontrées par l’ACNUSA avec les associations de riverains des aéroports français. Les tensions sont de plus en plus fortes, et d’après nos informations, ces associations boycottent de plus en plus souvent les réunions organisées par votre instance. Ces attitudes sont le signe du désespoir et de l’incompréhension de ces riverains et de leurs représentants, qui ne se sentent ni entendus, ni compris et ni défendus dans leurs revendications – alors que l’essence de votre Autorité est bien de les défendre. Ma dernière question est donc simple : que comptez-vous faire pour renouer les fils du dialogue ?

Les préconisations pourtant importantes que vous faites à la DGAC ne sont pas toujours suivies d’effet. Mais alors, à quoi sert l’ACNUSA ? Certes, la dernière de vos préconisations, le doublement des amendes infligées aux compagnies aériennes qui ne respectent pas les procédures, a été acté. Mais vous connaissez notre sentiment à cet égard : les compagnies aériennes préfèrent payer des amendes. Si ces amendes étaient infligées directement aux pilotes, les procédures seraient moins souvent déviées, que ce soit en région parisienne ou sur le reste du territoire national.

M. Bertrand Pancher. Monsieur Haïm, je voudrais saluer la qualité de votre action, ainsi que celle des membres de l’ACNUSA et de vos collaborateurs. Votre organisation fait référence dans notre pays même s’il faut en permanence s’interroger, non pas sur le maintien de la structure, mais sur le renforcement des moyens mis à sa disposition.

Dans la lettre introductive de votre dernier rapport d’activité, vous tiriez le signal d’alarme en raison des entraves mises à votre action. S’agissant des recommandations relatives aux vols de nuit, vous précisiez que : « Pour les uns, elles sont insignifiantes et sans intérêt ; pour les autres, elles menacent le secteur aérien d’une quasi-faillite généralisée. » Comment retrouver un juste milieu et faire en sorte que vous soyez efficacement écouté ? Qu’est-ce qui entrave l’action de l’ACNUSA et que préconisez-vous pour y remédier ?

Ensuite, pourriez-vous détailler les conclusions du groupe de travail que vous avez mis en place sur la qualité de l’air, lequel devait rendre ses conclusions fin 2014 ? Vous dénonciez notamment, dans votre rapport, l’absence de traceur spécifique permettant d’identifier l’impact du transport aérien sur la qualité de l’air. Quelles sont donc les perspectives ?

Vous déplorez depuis plusieurs années un manque de retour de la part de la DGAC qui se refuse à répondre favorablement à plusieurs de vos préconisations, par exemple en matière de transmissions de données sur les vols de nuit, ou de définition des volumes de protection environnementale. Pouvez-vous nous indiquer pourquoi ? J’imagine que vous vous entretenez en permanence avec la DGAC. Avez-vous pu avancer ?

Enfin, sur un plan plus général, après plusieurs années à la tête de cet organisme, vous semble-t-il nécessaire de renforcer le pouvoir de l’ACNUSA ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je passe la parole aux parlementaires qui le souhaitent.

Mme Geneviève Gaillard. Monsieur le président Victor Haïm, vous avez dit qu’il y avait eu 3 millions d’euros d’amendes. À quoi ont servi ces 3 millions ?

Par ailleurs, on a tendance à passer sous silence certaines nuisances aéroportuaires. Par exemple, les transports aériens, en particulier les longs courriers, importent sur notre territoire un certain nombre d’espèces animales ou végétales qui sont sources de problèmes. Sans doute n’est-ce pas dans vos attributions, mais pensez-vous qu’il serait possible de faire l’inventaire de ces espèces animales ou végétales qui sont importées dans notre pays ?

M. Jacques Kossowski. Le 22 décembre dernier, la DGAC a publié son rapport annuel sur les émissions gazeuses liées au transport aérien en France. Ce document montre que les émissions de CO2 et de polluants atmosphériques du transport aérien ont sensiblement augmenté en France entre 1990 et 2012, en particulier sous l’effet de la hausse du trafic. Parmi les hôtes pointés du doigt figure l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. En effet, à propos des émissions LTO, c’est-à-dire liées aux opérations de sol, sur la période allant de 1990 à 2012, la DGAC met en lumière un doublement des émissions d’oxyde d’azote et une augmentation de 80 % des émissions de particules. Cette situation paraît préoccupante pour l’environnement sanitaire des riverains de l’aéroport. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette question. Quelle recommandation pouvez-vous faire ?

Par ailleurs, vous avez parlé de 3 millions d’euros de sanctions. Mais que faites-vous pour les compagnies qui ne paient pas ?

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, l’avenir du système d’indemnisation des riverains, situés dans les plans de gêne sonore « acnusés », suscite beaucoup d’inquiétude. L’augmentation importante du nombre de dossiers d’aide montre combien le reste à charge est encore trop élevé pour les riverains situés dans ces zones défavorisées lorsqu’il s’élève à 20 % du plafond pris en compte par l’administration.

En outre, certaines plates-formes risquent de se trouver à très court terme dans une situation critique compte tenu des engagements déjà pris et du nombre de logements restant à insonoriser. C’est particulièrement vrai pour Nice, mais surtout pour les trois aéroports parisiens. Or les taux de la TNSA sur Nice, Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly ont été réduits par arrêté ministériel en mars 2013, diminuant ainsi les ressources disponibles alors que, parallèlement, les PGS de ces deux aéroports parisiens étaient révisés et élargis, accroissant donc le nombre de bénéficiaires potentiels.

Une instruction ministérielle, en date du 15 novembre dernier, prévoit de nouvelles modalités de programmation pour l’aide à l’insonorisation des locaux des riverains d’aérodromes. Qu’en pensez-vous ? Ces nouvelles modalités vont-elles permettre de traiter favorablement les dossiers accumulés ?

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, vous avez évoqué les missions de votre organisme en précisant qu’il y avait toute une partie de prévention et de suivi dans les différents aéroports. Mais pour que le système puisse fonctionner, il faut une partie de répression pour ceux qui, malheureusement, ne se conforment pas aux textes en vigueur. Pourrait-on connaître précisément, compagnie par compagnie, le niveau des amendes infligées, et éventuellement le montant de celles qui n’ont pas été réglées ?

M. Gilles Savary. Pouvez-vous nous donner une idée des volumes « d’affaires » de l’ACNUSA ? Comment se répartissent-ils, entre les plates-formes parisiennes et les plates-formes provinciales ? Quelles plates-formes sont les plus préoccupantes ?

Par ailleurs, suivez-vous ou participez-vous à des travaux européens sur le sujet ? Il se trouve, par exemple, que depuis plusieurs années, des travaux sont menés au niveau de la Commission européenne sur l’amélioration de l’insonorisation des aéronefs, sur la réduction du bruit ou sur les trajectoires. Il existe un partenariat européen Clean Sky. Avez-vous un peu d’influence en ce domaine et savez-vous ce qui se fait ailleurs en Europe ?

M. Stéphane Demilly. L’étude pour une optimisation de l’insonorisation des locaux au voisinage des aéroports, commandée en février 2014 par notre collègue, alors ministre, Frédéric Cuvillier, a été rendue publique. Cette étude recommande, entre autres, une baisse du taux et du montant du plafond d’aide à l’insonorisation pour les logements individuels. Considérant que les personnes concernées subissent les gênes sonores en tant que riverains d’un aéroport, ne pensez-vous qu’augmenter le montant restant à leur charge pour des travaux d’insonorisation pourrait s’apparenter à une forme de double peine, non seulement sonore, mais également financière ?

Ensuite, les villes proches de l’aéroport se trouvent confrontées à la limitation des constructions à usage d’habitation imposée par le code de l’urbanisme. Il est tout à fait normal de limiter le nombre d’habitants exposés aux nuisances sonores. Cependant, cette exigence compromet la réalisation d’opérations de renouvellement urbain, pourtant indispensables à la rénovation des quartiers et à la construction de nouveaux logements. Vous avez récemment participé à une table ronde à ce sujet. Pouvez-vous me dire si les propositions concrètes ont été formulées à cette occasion ?

Enfin, selon l’article L. 147-5 du code de l’urbanisme, il est prévu qu’un contrat de location d’immeuble à usage d’habitation situé dans l’une des zones de bruit définies par un PEB doit comporter une clause claire et lisible précisant la zone de bruit où se trouve localisé ledit bien. En revanche, dans le cadre de l’achat d’un bien, il n’est fait aucune mention de cette obligation dans les textes. N’est-ce pas surprenant, voire aberrant ?

M. Guillaume Chevrollier. Le rôle de l’ACNUSA a été étendu, et nous nous en réjouissons. Reste que les recommandations que fait votre organisation, qui sont souvent justes, mériteraient d’être suivies d’effet. Par exemple, dans son rapport 2013, l’ACNUSA a mis en avant le retard pris par les aéroports français en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, et elle a abordé la question des vols nocturnes, qui reste l’une des plus sensibles, sinon la plus délicate à traiter. Elle a fait un certain nombre de recommandations qui devaient permettre d’améliorer la situation des riverains sans pour autant mettre en péril l’équilibre économique des aéroports ou des compagnies aériennes. Parmi celles-ci, la principale était l’instauration d’une plage de repos la nuit de samedi à dimanche, de 23 heures à six heures sur l’ensemble des plates-formes. En 2014, il semble que cette recommandation, qui répond à une attente réelle des riverains, ait été peu prise en compte. Peut-on espérer une amélioration en 2015 ?

M. Charles Ange Ginesy. Monsieur le président, je souhaite moi aussi vous interroger sur le Fonds d’indemnisation à l’insonorisation des logements à proximité de l’aéroport, qui préoccupe nos citoyens.

Par exemple, l’aéroport de Nice-côte d’Azur, le deuxième de France, reçoit 11,5 millions de passagers par an. Ce flux important et continu crée de nombreuses nuisances. Une aide à l’insonorisation des logements située à proximité des aéroports, intégralement financée par les compagnies aériennes à partir d’une taxe prélevée sur chaque décollage, a été mise en place. Mais il se trouve qu’autour de l’aéroport de Nice, 4 200 riverains sont concernés, et qu’à peine la moitié d’entre eux a été indemnisée.

Enfin, le décret du mois de mars 2014 prend fin au 31 décembre 2014. Je m’interroge et, mes concitoyens avec moi, sur la poursuite des travaux dans ces conditions. Pouvez-vous nous donner des informations sur ce sujet ?

M. Martial Saddier. Monsieur le président, le Conseil national de l’air a souligné à plusieurs reprises l’impact du trafic aéroportuaire sur la qualité de l’air, et nous avons tous entendu parler des concentrations de NOX et de PM10 sur le tarmac. Sont donc concernés non seulement les riverains, mais aussi le personnel qui travaille pendant plusieurs heures dans un contexte de qualité de l’air dégradée. Un groupe de travail devait préciser le diagnostic et faire des propositions concrètes fin 2014. Où en est-on et quelles sont vos propositions en la matière ?

Mme Sophie Rohfritsch. L’activité aéroportuaire est souvent exclusivement envisagée sous sa dimension d’activité polluante : sonore, aérienne, etc. Or vous avez publié sur votre site le très intéressant rapport de notre collègue Bruno Le Roux sur la participation de l’activité aérienne à la croissance et à la dynamique de notre pays. Il en ressort que l’économie aéroportuaire participe à plus de 2 % au PIB de notre pays. Reste que le pavillon français ne profite absolument pas de la croissance mondiale du trafic aérien, qui est pourtant avérée.

Comptez-vous vous saisir de ce rapport ? Comptez-vous faire des propositions pour que le pavillon français puisse lui aussi profiter de la croissance mondiale du trafic aérien ? Pouvez-vous vous autosaisir de ce type de problématique, importante pour notre pays ?

M. Laurent Furst. Monsieur le président, notre pays, qui souffre de « théodulisme », a créé un nombre incroyable d’organismes. Si nous devions en auditionner les présidents, il nous faudrait des mois et des mois ! Cela ne signifie pas que votre mission ne soit pas particulièrement importante, et je vous remercie pour votre présentation.

J’observe toutefois que sur votre site, vous ne présentez ni votre budget, ni les moyens humains qui sont les vôtres. Ne pensez-vous pas que l’ACNUSA, ainsi que tous les organismes de notre pays, devraient systématiquement le faire ?

M. Christophe Priou. Monsieur le président, un rapport commandé par le ministère des transports a préconisé l’augmentation de la taxe sur les nuisances sonores aériennes payées par les compagnies aériennes. Au même moment, on entend parler de baisser le plafond de prise en charge des travaux d’insonorisation. Et cette baisse ne serait pas neutre puisque, pour la pièce principale d’un logement, la prise en charge passerait de 3 500 à 2 000 euros.

Ce fonds d’indemnisation des logements à proximité de l’aéroport est-il menacé ? Que prévoit-on pour 2015 ? Avez-vous des propositions du ministère pour entamer une véritable concertation ?

M. Victor Haïm. Je commencerai par les missions de l’ACNUSA.

Comme je vous l’ai dit, à l’origine, l’ACNUSA avait pour mission de lutter contre les nuisances sonores. On y a ajouté la pollution de l’air. Bien que la loi – comme en témoignent les débats parlementaires – ait prévu d’étendre les missions de l’Agence à l’ensemble des pollutions, et donc aussi à la pollution lumineuse, à la pollution des sols et à celle de l’eau, actuellement je n’ai pas les moyens de m’y conformer. Je n’ai d’ailleurs pas de personnel pour cela.

Nous avons passé un marché avec un bureau d’études pour faire le point sur la pollution des sols et de l’eau dans les aéroports ou liée aux aéroports. Nous verrons alors, compte tenu de qui est fait par ailleurs et des niveaux de pollution, s’il peut être utile de demander la création d’un poste pour agir dans ces secteurs. Mais tant que je n’ai pas les résultats de l’étude, je ne saurais l’envisager. Voilà pourquoi, pour l’instant, nous nous contentons de travailler sur les deux pollutions majeures que sont le bruit et la pollution de l’air.

S’agissant de cette dernière, vous m’avez posé plusieurs questions.

Lorsque j’ai pris mes fonctions, en 2012, j’ai demandé la création d’un groupe de travail sur la pollution de l’air. Celui-ci est présidé par un membre du collège de l’ACNUSA, lui-même spécialiste de ce type de pollution. Ce groupe de travail rendra ses conclusions vers la fin du premier semestre 2015. Pour l’instant, il fait le point sur les différents types de pollution de l’air, sur les moyens de les mesurer et sur les polluants qu’il conviendra de retenir – les plus significatifs. Je ne peux pas vous dire quelles seront ses conclusions, dans la mesure où ce groupe de travail a encore besoin de se réunir un certain nombre de fois.

L’un de vous a abordé la question de la pollution sur le tarmac, essentiellement par le NOX. Il est exact que la pollution sur l’aéroport est liée en partie à l’activité des avions, et notamment aux moteurs auxiliaires qui sont utilisés en permanence. Voilà pourquoi nous recommandons systématiquement d’installer, dans la mesure du possible, des prises de 400 Hz qui permettent d’alimenter les avions au sol. Cela s’est fait sur les plus grands aéroports. À Nice, le parking des avions d’affaires, qui est très important, est équipé non seulement de prises de 400 Hz, mais aussi d’air conditionné. Je m’y suis rendu assez récemment et j’ai constaté que c’était très efficace. Cela dit, l’air conditionné n’est pas forcément nécessaire pour tous les aéroports ; il est surtout utile pour les longs courriers.

Je voudrais toutefois relativiser l’importance de cette pollution. J’en veux pour preuve le rapport 2014 sur l’environnement en France, qui est sorti tout récemment et qui ne fait pas apparaître la part des avions dans la production de NOX. La pollution de l’air par les avions n’est quasiment pas envisagée parce qu’elle ne représente presque rien.

C’est un peu la même chose pour les gaz à effet de serre. Il apparaîtrait en effet – et on l’a revérifié – que l’effet de serre du méthane produit par les vaches est supérieur à celui des avions en France. Mais bien sûr, ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas très polluant qu’il ne faut rien faire.

Ensuite, l’ACNUSA peut-elle intervenir dans l’intérêt du pavillon français, et donc dans le domaine économique ? Ce n’est pas dans son rôle. Elle est là pour faire des recommandations tendant à la protection de l’environnement, au regard des nécessités du développement de l’aviation. Nous prenons acte du développement de l’aviation, qui est indépendant de notre action – et qui est aussi largement indépendant des pouvoirs publics.

Lorsqu’un phénomène tel qu’un accroissement de trafic se produit, nous essayons de voir si les conséquences sur les riverains sont contrôlées et si elles peuvent être minimisées dans la mesure du possible. Mais nous n’avons pas vocation à proposer des mesures qui permettraient d’encourager le développement du pavillon français. Je peux le regretter, mais cela ne fait pas partie de nos missions.

Après les missions, je vous parlerai des relations avec les personnes concernées par l’aviation : associations de riverains, DGAC et aéroports.

Je souhaite vous livrer trois anecdotes, trois expériences que j’ai vécues au moment de ma prise de fonctions.

Les premières associations que j’ai rencontrées sont des associations d’Orly. Ces dernières, après les politesses d’usage, m’ont demandé de faire fermer l’aéroport d’Orly et de le transférer ailleurs ! La première association de Roissy, quant à elle, l’Association de défense contre les nuisances aériennes, l’ADVOCNAR, m’a demandé d’interdire les vols de nuit et de faire partir FedEx, entreprise qui compte 3 000 salariés, sur Vatry, un village de 120 habitants. Cela aurait provoqué une noria de camions toutes les nuits pour arriver à six heures sur Paris. Enfin, lors de ma première visite à Toulouse, alors que je mettais en avant le fait que l’aviation était un bon moyen de lutter contre le chômage dans la région, une des personnes présentes, très proche de la présidente actuelle de l’Union française contre les nuisances des aéronefs, l’UFNA, m’a dit : « nous, les chômeurs, on s’en fout ! ». (Murmures divers)

Devant ce type de réactions, il n’y a pas beaucoup de possibilités de dialogue. En revanche, je peux vous dire qu’avec l’ensemble des autres associations, nous faisons du bon travail.

Avec la DGAC, les choses sont plus difficiles. Pourtant, de mon point de vue, on ne peut pas en dire du mal. C’est une administration extrêmement compétente, qui fait son travail remarquablement bien. En outre, j’ai de très bonnes relations avec le directeur général et les directeurs, que j’apprécie personnellement. Le problème tient à la politique de la DGAC : cette politique consiste à dire qu’il faut tout faire pour protéger la sécurité des avions – là, je suis totalement d’accord ; elle consiste aussi à dire qu’il ne faut pas négliger les enjeux économiques, et donc ne pas pénaliser le secteur économique lié à l’aviation – je ne peux pas être contre ; mais elle s’arrête là, et je ne suis plus d’accord.

Lorsque je demande des mesures pour minimiser les nuisances sonores, on me répond – quasiment officiellement – qu’on attend que des propositions remontent des plates-formes, et qu’on les fera appliquer dans la plate-forme concernée. Mais quelle plate-forme demanderait qu’on applique chez elle des mesures de restriction – interdiction des vols de nuit, interdiction d’avions plus bruyants, fermeture dominicale, etc. – alors qu’elle sait que, si cela se faisait, les avions partiraient sur la plate-forme d’à-côté ?

Je regrette donc que la DGAC, qui doit assumer son rôle de « direction », ne fasse pas son travail jusqu’au bout et ne prenne pas en compte cette dimension écologique et de protection des habitants. Car il est possible de prendre certaines mesures sans ruiner pour autant les compagnies.

Encore une fois, pour le reste, nous proposons des modifications de trajectoires, nous donnons des avis, et je pense que sur tous ces terrains-là, nous sommes suivis. Malheureusement, cette attitude « en retrait » qu’adopte la DGAC interdit d’avancer et de prendre en considération un certain nombre de nos revendications.

Par exemple, nous avons recommandé d’interdire la nuit les avions de moins de 13 EPNdB – amélioration du bruit perçu, selon une certification internationale valable pour tous les avions. Actuellement, il y a peu d’avions de ce type. On pourrait donc facilement faire un planning sur trois, quatre ou cinq ans en interdisant que ces avions bruyants ne volent la nuit. Ils pourraient voler le jour, ils pourraient aller ailleurs, mais pas voler la nuit au-dessus des populations. Or cela ne passe pas, pour la raison que j’ai rappelée tout à l’heure. J’estime vraiment que l’on pourrait faire un effort sur ce point-là.

Je me souviens aussi que nous avions fait une recommandation concernant le repos dominical autour de Roissy. J’ai alors reçu exactement cent lettres – d’ailleurs toutes sur le même modèle, puisqu’elles venaient de la même association – d’adhérents écrivant qu’il était inadmissible de proposer un repos dominical parce qu’ils voulaient dormir toutes les nuits et ne voulaient pas d’avions du tout ! Il n’est évidemment pas possible de fermer Roissy toutes les nuits sur l’ensemble des semaines.

Le repos dominical est déjà appliqué sur d’autres plates-formes. Selon le rapport de l’OMS de 2009, ce peut être le moyen de minimiser l’impact sur la santé lié à l’insuffisance de sommeil les autres jours de la semaine. Ce n’est pas la panacée, mais il permet de récupérer un peu lorsqu’on ne peut pas dormir beaucoup. En outre, la nuit de samedi à dimanche, il n’y a ni la Postale, ni le fret express, juste quelques charters. Je pense que l’on peut prendre en considération les populations survolées lorsque l’aéroport est proche d’une agglomération importante. Là encore, cette recommandation n’est pas passée, et je ne suis pas sûr que cela puisse se faire.

Toute recommandation conduisant à protéger l’environnement et les personnes a nécessairement un impact sur l’économie. Mon sentiment est qu’il faut faire des recommandations raisonnables par rapport à l’impact qu'elles produisent, et que c’est mieux que de ne rien faire du tout. C’est un point sur lequel je suis un peu en désaccord avec la DGAC. Cela figure dans le rapport de l'an dernier, et cela figurera dans le rapport de cette année.

Ensuite, je crois avoir d’assez bonnes relations avec les aéroports et les compagnies aériennes.

Il y a cependant un aéroport avec lequel je ne suis pas sûr de pouvoir garder longtemps ces bonnes relations, c’est celui d’Orly. La raison en est simple. On considère qu’au-dessus de 65 décibels en Lden, il y a des risques objectifs pour la santé. Cela a été indiqué dans plusieurs rapports de l’OMS, et mesuré à Heathrow ou ailleurs. Par ailleurs, les vols de nuit sont très perturbants. Or, dans notre rapport de cette année, qui va bientôt sortir, nous recommandons le rachat des immeubles d’habitation en zone 1 du PGS parce que le niveau de bruit dépasse 70 Lden, ce qui est extrêmement élevé. Bien sûr, les riverains qui voudraient rester resteraient. Près de Toulouse, dix-huit bâtiments seraient concernés, ce qui ne devrait pas poser d’énormes problèmes financiers. Mais près d’Orly, il y en a environ 230, ce qui représenterait une somme plus significative à investir. Malgré tout, je pense qu’il faut que les personnes qui subissent un niveau très élevé de bruit et qui souhaitent partir aient la possibilité de le faire.

J’en viens aux compagnies aériennes, à la question de la TNSA et au rapport de
M. Bruno Le Roux que plusieurs d’entre vous ont abordés.

Il est exact que le rapport Le Roux évoque la question de la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires (TNSA). Mais vous aurez noté qu’il y consacre moins de 20 lignes et qu’il n’y a rien contre cette taxe. On n’y demande pas qu’elle disparaisse, ni même qu’elle soit réduite.

Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) – rapport récent, sur lequel le collège n’a pas encore pris position, et sur lequel je ne saurais m’exprimer de façon officielle – ne propose pas non plus sa suppression. Mais il recommande de passer, dans un certain nombre d’hypothèses, à une prise en charge de 80 % du plafond retenu.

L’ACNUSA avait développé l’année dernière – et elle maintient cette année – la thèse suivante : selon les textes, la TNSA n’est pas une taxe affectée au sens juridique du terme, mais une somme mise à la charge des compagnies aériennes pour financer l’insonorisation des immeubles bénéficiant d’une antériorité par rapport au PEB, et impactés par le survol des avions. Elle répond au principe pollueur-payeur ; c’est un droit à l’indemnisation des nuisances que l’on subit du fait du trafic des avions. Pour moi, lorsque quelqu’un est victime d’un fait quelconque, en l’occurrence des nuisances causées par des avions, l’auteur du dommage doit le réparer. La TNSA est une réparation forfaitaire du dommage par le financement de l’insonorisation.

Aujourd’hui, le montant de la TNSA est plafonné, ce qui signifie que quelqu’un en récupère une partie au passage. Comme je l’ai dit devant le secrétaire d’État lorsque je l’ai rencontré, il s’agit ni plus ni moins « d’un détournement des fonds » destinés à financer l’insonorisation !

J’ajoute que la constitutionnalité de la mesure me paraît délicate car si la TNSA récoltée est supérieure au plafond, le surplus va au budget de l’État. Cela signifie que les compagnies aériennes, quand on leur demande de payer pour financer l’insonorisation, voient une partie de l’argent qu’elles donnent rentrer dans le budget de l’État, à l’instar de l’impôt sur les sociétés. En fait, c’est un complément plus ou moins occulte de l’impôt sur les sociétés mis à la charge des compagnies aériennes. Juridiquement parlant, cela ne me semble pas pouvoir tenir la route.

Ensuite, si l’on ramène la TNSA à 80 %, les victimes des nuisances sonores vont devoir supporter les 20 % qui restent à leur charge. L’ACNUSA a pris position contre, et je crois qu’on ne pouvait pas faire autrement. Dans le rapport, on propose de maintenir les 100 %, mais éventuellement de poser une limite de temps, pour donner de la lisibilité aux compagnies aériennes. Dans la situation actuelle, ce pourrait être sans fin.

Si l’on descend à 80 %, certaines personnes ne pourront plus payer, si le reliquat qui reste à leur charge est trop important pour elles. On propose donc de maintenir les 100 %, la demande devant intervenir dans les cinq ans. Le financement pourrait intervenir de façon plus échelonnée, en fonction des moyens disponibles, mais on limiterait dans le temps la possibilité de se manifester pour demander l’aide à l’insonorisation. Cette solution me semble convenable.

Par ailleurs, il faudrait peut-être prendre des mesures complémentaires d’accompagnement. Il semble que ce soit surtout des immeubles collectifs qui soient à la traîne. Les syndics devraient être amenés à faire le nécessaire pour bien informer les personnes de l’intérêt de ces travaux. De la même façon, les propriétaires qui n’occupent pas le logement devraient être encouragés à les faire réaliser. En effet, le reliquat est à leur charge et ils ne peuvent pas le répercuter sur le locataire, puisqu’il ne s’agit pas d’une charge locative. Ainsi, certains locataires vivent dans des immeubles qui ne sont pas insonorisés parce que le propriétaire n’en voit pas l’intérêt. Je pense qu’une petite incitation, une petite « pression » de votre part – mais c’est votre travail, ce n’est pas le mien – serait la bienvenue.

Je précise qu’en moyenne, la TNSA représente 30 centimes d’euro par passager – sauf la nuit où elle monte à 1,20 euro. Elle ne pèse pas sur les compagnies aériennes, et ne joue pas sur la demande de transport.

En bref, je ne demande pas que l’on augmente cette taxe, mais qu’on maintienne les 100 % et qu’elle continue, dans sa totalité, à financer des travaux d’insonorisation, ce pourquoi elle a été faite. Cela me semble incontournable.

Passons aux procédures.

Vous m’avez posé quelques questions concernant les vols de nuit, le relèvement ILS et le plafonnement sur Orly.

Concernant les vols de nuit, je vous ai parlé tout à l’heure des demandes que nous avions faites à ce sujet, et qui n’avaient pas été prises en considération.

Concernant le relèvement d’ILS, je ne suis pas totalement en phase avec l’analyse que vous avez faite. Nous avons fait procéder à des mesures et nous y avons procédé nous-mêmes : il apparaît qu’il y a peut-être un peu plus de populations impactées depuis le relèvement d’ILS, mais qu’elles le sont à des niveaux de bruit beaucoup moins élevés. Le relèvement d’ILS oblige à faire des trajectoires plus longues pour revenir. L’avion va tourner plus loin, il y a donc davantage de populations survolées. Mais ces populations sont survolées de plus haut, ce qui limite les nuisances sonores qu’elles subissent.

Quant au survol de la tour Eiffel à 700 mètres, je n’en ai pas connaissance. Normalement, les avions sont interdits à moins de 2 000 mètres au-dessus de Paris.

M. Jacques Alain Bénisti. Des avions passent actuellement à 800 mètres …

M. Victor Haïm. Je vais voir ce qu’il en est. Mais cela relève plutôt de la sécurité.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur le sort et le montant des amendes. Ce n’est pas en 2010 que leur montant a été doublé, mais en 2012, après que j’ai pris mes fonctions. Et s’il n’est passé qu’à 40 000 euros, c’est de votre fait, et pas du mien – car j’avais proposé 80 000 euros. Cela dit, 40 000 euros représentent déjà, pour des courts et moyens courriers, largement plus que le bénéfice retiré d’un, voire de plusieurs vols. Un tel niveau d’amende devrait être déjà dissuasif. Néanmoins, s’agissant des vols de nuit, l’ACNUSA a demandé l’interdiction de vols des avions qui n’ont pas de créneau, notamment pour Roissy. Actuellement, les compagnies paient l’amende, et les avions peuvent s’envoler : il serait tout de même beaucoup plus simple, sauf circonstances exceptionnelles – retards justifiés ou autres – qu’ils n’aient pas du tout le droit de s’envoler.

Quant à l’usage qui est fait de ces deniers, il faut le demander au secrétaire d’État au budget. Ils rentrent en effet dans le pot commun et je n’ai aucune information sur le sujet.

Je n’ai pas encore abordé la question des autorités administratives indépendantes. Même si elles ne sont qu’une pression morale (et je n’ai moi-même pas beaucoup de pouvoir sur la DGAC), je pense qu’elles ont leur place. Le rapport Davies pour Heathrow préconise d’ailleurs la création d’une structure équivalente à l’ACNUSA. Et Sir Davies m’a demandé d’aller à Londres pour présenter notre agence.

Un règlement récent concernant le bruit des avions préconise également la mise en place d’une autorité administrative indépendante, ce qui en prouve l’utilité. Je sais que la DGAC considère que c’est elle qui est indépendante. L’ACNUSA n’en est pas moins très utile, malgré un pouvoir limité.

Notre budget est d’environ 1,5 million d’euros – personnels, études, déplacements, etc. Mais nous rapportons plus de 3 millions à l’État. Nous coûtons donc moins cher que ce que nous rapportons. Si l’ACNUSA n’était pas là pour fixer et collecter les amendes, il faudrait passer devant une formation de tribunal, avec trois magistrats, un greffier, un rapporteur public, etc. et cela reviendrait sensiblement plus cher. Il faudrait par ailleurs faire appel à des experts, qu’on peut trouver au sein de l’ACNUSA. Je ne sais pas ce qu’il en est des autres autorités indépendantes, mais je crois pouvoir dire que l’ACNUSA, coûte peu, rapporte beaucoup et qu’elle est très utile. C’est mon point de vue.

M. Laurent Furst. Pourquoi ne pas parler du budget et du nombre de personnes ?

M. Victor Haïm. Nous sommes une toute petite autorité administrative, qui emploie 11 personnes. Ce n’est pas un secret, et si cela ne figure pas dans notre rapport d’activité, il sera facile d’y remédier.

M. Jacques Kossowski. Est-ce que tout le monde paie ces amendes ?

M. Victor Haïm. Non. J’ai un petit problème avec les compagnies basées à l’étranger, pour lesquelles on n’a pas la possibilité de poursuivre.

Quand la prescription était trentenaire, le fait de ne pas payer leur interdisait de revenir en France. Maintenant que cette prescription a été ramenée à cinq ans, les compagnies attendent un peu, et puis reviennent. Mais le phénomène est très marginal, puisqu’il ne concerne qu’environ 15 % des compagnies.

On m’a également interrogé sur la répartition des compagnies condamnées à payer des amendes, entre celles de Paris et celles de province. Je peux difficilement répondre à une telle question. Air France et Easy Jet sont de grandes compagnies, et à côté d’elles, il y a de nombreuses compagnies beaucoup moins importantes. Quantitativement, compte tenu de son poids dans le ciel français, Air France paie davantage d’amendes que toutes les autres compagnies réunies. Mais ce n’est pas significatif d’un nombre de manquements proportionnellement plus élevé. Toutes les compagnies sont plus ou moins concernées de la même façon. Dans le rapport, il y a peut-être des éléments plus précis que ce que je suis en train de vous dire. Si vous le souhaitez, on pourra procéder à une analyse plus précise.

Une question portait sur les difficultés rencontrées selon les aéroports. J’ai tendance à dire qu’il y a des difficultés localement, avant qu’il y en ait avec l’ACNUSA – laquelle se déplace pour voir ce que l’on peut faire au niveau local. Quand il y a de bonnes relations entre les autorités aéroportuaires, les associations de riverains et les compagnies aériennes, tout va très bien. Parfois, la situation est plus conflictuelle et difficile. Mais dans l’ensemble, sauf sur Orly et Roissy, les relations sont relativement bonnes.

Par exemple, à Toulouse, à la demande d’associations de riverains, je suis allé voir si l’on pouvait envisager de proposer des déviations de trajectoires à la DGAC pour éviter un petit village.

De la même façon, nous avons été sollicités pour intervenir à Bron où il y avait des problèmes de développement de l’aéroport. Les riverains souhaitant avoir l’avis de l’ACNUSA, je suis allé les voir et leur ai suggéré de préparer une charte. Ils m’ont donné des éléments et je vais essayer de finaliser une proposition de charte. Il faut pouvoir mettre les choses à plat, de manière à avoir de bonnes relations, comme c’est le cas à Cannes ou sur d’autres plates-formes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Gilles Savary avait évoqué la dimension européenne. Qu’en est-il ? Ensuite, combien représente le budget de la TNSA ?

M. Victor Haïm. L’an dernier, son budget était largement inférieur au plafond, qui était de 49 millions. Pour cette année, je ne sais pas.

Je répondrai à M. Savary que je vais la semaine prochaine à Bruxelles pour rencontrer les responsables de ces questions et voir la représentation française à Bruxelles. Nous avons par ailleurs des relations très suivies avec l’Association des régions riveraines d’aéroports (ARC, « Airport Régions Conference », en anglais). De manière générale, chaque fois que des enquêtes sont menées avant de mettre en place une réglementation, l’ACNUSA participe et communique sa position.

Un autre déplacement est prévu à Copenhague à l’Agence de l’environnement de l’Union européenne. C’est là que cela se passe. Par exemple, l’interdiction des vols de nuit ne pourra pas être envisagée tant tout le monde ne sera pas à l’unisson. Il n’y a qu’au niveau européen que l’on peut obtenir ce genre de choses.

Je voudrais vous livrer une anecdote. L’aéroport de Maastricht faisait du fret express la nuit. Les riverains ont obtenu l’interdiction des vols de nuit. L’aéroport, qui était géré par une société privée, s’est trouvé quasiment en faillite. Il est maintenant en gestion publique, et ce sont les riverains qui paient les impôts pour maintenir l’aéroport, comme cela se passe parfois. Mais les avions vont atterrir sur un aéroport voisin, en Belgique, et continuent donc à passer au-dessus de leurs têtes la nuit. En pratique, ils ont interdit les avions la nuit mais ils n’ont rien gagné et tout perdu : cela leur coûte plus cher, et ils ont toujours du bruit.

M. Bertrand Pancher. Vous n’avez pas répondu à ma question sur le renforcement de vos missions et des moyens à votre disposition.

M. Victor Haïm. Hier, j’avais un rendez-vous au cabinet de Mme Ségolène Royal, avec M. Marc Borel, et je m’y suis rendu avec cinq propositions de textes législatifs – que je vous transmettrai par écrit.

La première ne vise qu’à une modification de forme – des références au code de l’aviation civile, au lieu de références au code des transports.

La deuxième vise à donner au président de l’ACNUSA l’autorisation d’ester en justice, à l’instar de ce qui se passe pour toutes les autres autorités.

La troisième vise à rendre obligatoire l’information des riverains lorsqu’il y a une demande d’achat, voire une demande de construction puisque des contrats de développement territoriaux permettent d’ouvrir à l’urbanisation la zone C du PEB. Ce n’est pas encore obligatoire, comme c’est le cas pour les locations. Or je trouve catastrophique que l’on puisse laisser des personnes se mettre sans le savoir sous le bruit des avions. Il faut les informer pour éviter ce genre de situation.

La quatrième proposition porte sur le rachat dont je vous parlais tout à l’heure.

Et la cinquième vise à maintenir l’intégralité de la TNSA à l’insonorisation, à hauteur de 100 %, avec une limitation de cinq ans. Je ne sais pas quelle suite lui sera donnée.

M. Jacques Kossowski. Quand on envisage de construire un aéroport, ne pourrait-on pas définir un périmètre à l’intérieur duquel les constructions seraient interdites ? Aujourd’hui, dès que l’on construit un aéroport, les gens se précipitent parce cela crée de l’emploi.

M. Victor Haïm. Mais c’est déjà le cas, avec le PEB et le PGS. L’un interdit la construction, et l’autre permet l’indemnisation pour ceux qui étaient déjà là. Faut-il éventuellement revoir le plan d’exposition au bruit ? Faut-il maintenir la notion de zone C telle qu’elle est actuellement, alors qu’on ouvre à l’urbanisation ? C’est une question qui relève davantage de considérations politiques que de ma compétence.

Ailleurs, je ne crois pas qu’il y ait le même seuil, ni le même niveau d’interdiction lorsque l’on est autour de 55 décibels. Dans la pièce où je vous parle en ce moment, on est au-dessus ! À l’endroit où se trouvent mes bureaux, boulevard Saint-Germain, nous avons mesuré plus de 70 décibels, comme en zone 1 du PGS ! Et pourtant, nombreux sont ceux qui souhaitent habiter le quartier, dont l’air est par ailleurs très pollué. (Sourires)

Il y a donc de nombreux facteurs à prendre en considération. Je compte d’ailleurs aller voir des élus près de Roissy, d’Orly, de Marseille – et peut-être d’autres, plus tard – pour réfléchir sur une proposition. Il s’agirait d’aider les collectivités qui sont sous le passage des avions, et qui en subissent tous les inconvénients sans n’en tirer aucun avantage. Je crois que l’on peut modifier le tir, et je voudrais savoir ce que les élus en pensent, avant de faire des propositions.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, je vous signale que depuis que vous avez commencé à nous répondre, cinq avions ont survolé Paris : deux volaient à 1 500 mètres, et l’un d’eux, venant du Caire, a survolé l’Élysée. Les survols de Paris existent donc.

D’où viennent ces avions ? Ils décollent et du Bourget et de Roissy. En effet, quand on décolle de Roissy, au lieu de faire un virage sur la gauche pour éviter de passer sur Paris et sa banlieue, on fait un virage à droite et on revient sur Paris, sur la banlieue, à des altitudes très basses. De l’aéroport de Toussus-le-Noble on survole toutes les banlieues entre 700 et 800 mètres d’altitude.

Notre commission a fait un rapport, dont j’ai été le rapporteur ; y figurent un certain nombre de préconisations que je vous invite à lire. Nous travaillons actuellement avec des contrôleurs aériens et des pilotes pour faire des propositions à la DGAC, parce qu’il est possible de ne plus survoler les zones très urbanisées sans mettre en cause la sécurité des avions. Nous aimerions que vous nous aidiez à faire passer ces propositions auprès de la DGAC.

M. Victor Haïm. Ce serait avec plaisir.

Dans vos propos, j’ai relevé trois sujets : le survol de Paris à moins de 2 000 mètres ; le problème des trajectoires ; l’impact éventuel sur les populations survolées.

Premièrement, l’impact sur les populations survolées, il y a tellement de bruit à Paris qu’un avion qui le survole à une altitude de 1 500 mètres ne gêne pas les habitants. (Murmures divers)

Deuxièmement, le fait de passer à moins de 2 000 mètres – alors que la règle est au moins de 2 000 mètres – est un problème de sécurité, qui concerne la DGAC ou l’armée de l’air, mais pas l’ACNUSA. Ce n’est pas un problème d’environnement. Troisièmement, s’agissant des déviations de trajectoires, si vous avez des propositions concrètes pour éviter justement de survoler certaines populations, nous serions évidemment preneurs.

Ainsi, dans vos propos, un seul des points abordés nous concerne directement, même si les deux autres ne sont pas sans importance. D’ailleurs, franchement, cela m’étonne et m’inquiète.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci beaucoup, monsieur le président, pour votre intervention et pour les documents que vous avez bien voulu nous transmettre.

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* *

Information relative à la Commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai souhaité que notre commission se saisisse pour avis du projet de loi, actuellement en discussion au Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République. Compte tenu du calendrier d’examen de ce texte à l’Assemblée nationale - le projet de loi sera examiné par la commission des lois, saisie au fond, du 3 au 5 février prochain, ce qui nous conduira à un examen dans notre commission dès le 3 février en soirée, il nous revient de désigner dès maintenant un rapporteur pour avis.

Le Sénat n’a pas terminé d’examiner ce texte, aussi les indications sur le périmètre de notre saisine sont donnés à titre indicatif à ce stade. La saisine portera sur les articles relatifs à la gestion des déchets (5 et 5 bis), sur les dispositions relatives à l’aménagement du territoire (notamment l’article 6 sur le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, les articles 6 bis A sur les chartes régionales d’aménagement, 6 bis, 7, 14, 15 bis, 17 bis, 21 bis, 23, 25, 26, 27), et celles relatives aux transports (articles 8, 9, 10 et 11).

J’ai reçu la candidature de : M. Florent Boudié (groupe SRC).

La commission a nommé M. Florent Boudié rapporteur pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 21 janvier 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Christian Jacob, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Pierre Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Noguès, M. Lionel Tardy