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Mercredi 24 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 57

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Table ronde sur la gouvernance de l’Eau, avec la participation de M. Michel Lesage, député, auteur du rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France ; M. Bernard Rousseau, responsable des politiques eau de France Nature Environnement (FNE) ; M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et M. Nicolas Chantepy, directeur général adjoint de l’Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur la gouvernance de l’Eau, avec la participation de M. Michel Lesage, député, auteur du rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France ; M. Bernard Rousseau, responsable des politiques eau de France Nature Environnement (FNE) ; M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et M. Nicolas Chantepy, directeur général adjoint de l'Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La présente table ronde s’inscrit dans la suite des travaux que notre commission a menés depuis le début de la législature sur les questions relatives à l’approvisionnement et à la gouvernance de l’eau. Le 22 octobre 2013, nous avons auditionné notre collègue Michel Lesage, auteur du rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France, intitulé Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service public de l’eau et atteindre nos objectifs de qualité, et nous l’avons nommé rapporteur des deux propositions de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement (n° 1375 et n° 2715 rectifié). Avec Jean Launay, il a représenté notre assemblée au 7e forum mondial de l’eau qui s’est tenu en Corée du Sud du 12 au 17 avril 2015.

M. Michel Lesage. L’Assemblée nationale, comme le Sénat, n’a guère l’occasion de s’intéresser à la gouvernance de l’eau : elle débat, tous les six ans, des grandes orientations liées aux agences de l’eau, notamment des redevances, mais rarement des multiples sujets qui concernent la politique de l’eau. Celle-ci comporte pourtant des enjeux majeurs. L’eau n’est pas un bien comme les autres : indispensable à la vie, nécessaire à la quasi-totalité des usages économiques, c’est un bien commun qui doit pouvoir être utilisé par tous. Bien économique en raison de sa qualité, de sa rareté, de sa mise à disposition pour de multiples usages, elle représente une ressource qui doit être gérée sur le long terme. Il s’agit donc d’un véritable objet politique. Ce sont ces observations qui inspirent notre conception de l’intervention de la puissance publique dans ce domaine.

Si la ressource est unique, ses usages sont multiples. Les enjeux financiers liés à l’eau sont considérables : on parle d’environ 23 milliards d’euros de flux annuels, 17 milliards pour le petit cycle de l’eau, et 6 pour le grand cycle de l’eau. Par ailleurs, la valeur à neuf des réseaux se situe entre 330 et 340 milliards d’euros – une moitié pour l’eau potable, l’autre moitié pour l’assainissement.

Il est donc d’autant plus nécessaire de s’intéresser à la gouvernance de l’eau que la politique en ce domaine est aujourd’hui confrontée à de multiples enjeux : enjeux qualitatifs, de pollution diffuse, de pollution émergente, en particulier les micropolluants ; conflits d’usage ; enjeux quantitatifs ; enjeux liés au réchauffement climatique, comme les inondations, les sécheresses, etc. Le temps de l’eau facile est désormais révolu. L’eau est devenue fragile.

Notre politique de l’eau, inaugurée par la loi de 1964, a plus d’un demi-siècle. Ses points forts ressortent de nos évaluations et des rapports de la Cour des comptes ou du Conseil d’État : une gestion par bassin hydrographique ; une gouvernance décentralisée, participative, du niveau national avec le Comité national de l’eau (CNE), présidé par notre collègue Jean Launay, jusqu’au niveau local avec les commissions locales de l’eau (CLE) ; une planification des objectifs et des programmes d’action, schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) ; la forte implication des collectivités locales, en particulier sur le petit cycle de l’eau, et la participation des usagers sous différentes formes ; des financements spécifiques par le biais des agences de l’eau et des redevances, et une ressource affectée définie dans un cadre pluriannuel ; des résultats positifs sur le petit cycle de l’eau, notamment l’alimentation en eau potable (99 % de la population est raccordée au réseau), sur la pollution ponctuelle, sur la connaissance des milieux, etc.

Mais cette politique a des points faibles : la multiplicité des acteurs, des responsabilités et des compétences ; le paysage administratif et organisationnel très morcelé (fonctionnement en silos, décloisonnement, pertes en ligne qui nuisent à l’efficacité de notre politique publique) ; la faible lisibilité du rôle de l’État et du Parlement (plusieurs ministères sont concernés par la politique de l’eau, qu’il s’agisse de l’économie, de l’agriculture, du tourisme, de la santé, de l’aménagement du territoire, etc.). Enfin, les résultats sont insuffisants s’agissant de la qualité de l’eau – eaux pluviales, assainissement non collectif, réseaux séparatifs et l’application des principes pollueur-payeur et de récupération des coûts est perfectible, comme le souligne un rapport récent du Conseil d’État sur les agences de l’eau.

Comment faire évoluer le système ? Il me semble que nous devons nous fixer une première orientation forte : c’est l’État qui doit être le véritable pilote de la politique de l’eau. Cela implique qu’il remplisse sa mission d’anticipation, qu’il organise le débat démocratique, qu’il fixe les objectifs et mette en œuvre les moyens de les atteindre, assure ses missions régaliennes de police de l’eau, et donne à la puissance publique les moyens de la connaissance, de la recherche et de l’expertise.

S’agissant de la police de l’eau, la situation a évolué. On ne comptait pas moins de vingt-cinq polices de l’eau dans le domaine environnemental. Une circulaire de 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, a permis son harmonisation.

La connaissance des milieux est par ailleurs fondamentale. La production, le traitement et la fiabilité des données sont importants pour le rapportage européen dans la mesure où le droit de l’eau est communautaire à 80 % – directives européennes, directive-cadre sur l’eau (DCE), directive inondations, etc. Malheureusement, le système d’information de l’eau géré par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) connaît de nombreuses défaillances, soulignées dans les rapports du Conseil d’État et de la Cour des comptes. Je précise que l’ONEMA va intégrer l’Agence française pour la biodiversité.

Un État qui pilote, c’est un État qui s’organise et se structure – police, recherche, innovation – et qui, en même temps, simplifie un paysage jusqu’à présent très morcelé. Sur ce plan, on peut dire que la situation a évolué : loi biodiversité ; loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) de juin 2014, qui a créé la compétence GEMAPI (gestion de l’eau et des milieux aquatiques et prévention des inondations) pour le bloc intercommunal ; loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) qui prévoit la prise de compétences obligatoire par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière d’eau et d’assainissement. Ce sont des avancées importantes, et selon moi nécessaires, pour appréhender la politique de l’eau dans sa globalité, dans sa transversalité, de l’amont à l’aval, qu’il s’agisse du petit cycle ou du grand cycle. De fait, l’eau est affectée par toutes les autres politiques publiques - développement économique, transports, énergie, aménagement de l’espace, habitat –, lesquelles sont prises en charge par les collectivités territoriales et, en particulier, par les EPCI.

Deuxième orientation forte : la mobilisation des territoires, qui relève également de l’État. Le fait que l’on engage un nouvel acte de décentralisation donnant encore plus de responsabilités aux collectivités territoriales dans le domaine de l’eau va dans ce sens. Qu’il s’agisse de transition écologique, énergétique, de l’eau ou de bien d’autres domaines, les territoires sont l’échelon pertinent. Ils assurent la cohérence, la lisibilité, la réactivité, la proximité et l’appropriation, par tous les acteurs, des différents enjeux, et donc des différentes solutions.

L’ensemble de notre territoire repose sur un triptyque : la structuration autour des EPCI ; l’association de tous les acteurs au sein des CLE ; les SAGE, avec une programmation pluriannuelle des investissements. Je précise que la Bretagne est couverte à 100 %, et la France à 50 %, par ces outils.

Mais il y a d’autres enjeux importants à souligner. En ce qui concerne, d’abord, la démocratie de l’eau, Bernard Rousseau vous parlera sans doute de la création d’un quatrième collège au sein des comités de bassin : les usagers non professionnels doivent être davantage représentés et soutenus. Quant au financement, il faut reconnaître que, au plan national, les ressources diminuent, de même que la consommation, alors que les charges et les besoins financiers restent importants : il s’ensuit un considérable effet de ciseaux, qui affectera le court et le long terme. Nous devrons travailler sur le rapport entre les tarifs et la fiscalité. Actuellement, le financement de l’eau provient en totalité de la facture d’eau, et donc des usagers, par l’intermédiaire des factures et des mètres cubes consommés.

M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Le ministère de l’écologie pourrait reprendre à son compte à peu près tout ce qu’a dit Michel Lesage. Je reviendrai cependant sur certains des points qu’il a évoqués et qui m’ont paru particulièrement importants.

L’objectif de la ministre de l’écologie est, notamment dans la loi biodiversité, de renforcer ce qui marche et d’améliorer ce qui ne marche pas parfaitement. Cela s’applique à la gouvernance de l’eau. Le système existant, même s’il peut être amélioré, a bien des aspects positifs. Nous souhaitons qu’il reste stable, efficace, et bien implanté dans les territoires, avec une gouvernance participative. De la même façon, et malgré quelques à-coups, la ressource financière reste et doit rester stable. C’est le moyen de garantir des investissements économiques dans la durée. J’observe que cette stabilité financière est une particularité du système, qu’on retrouve rarement dans les autres politiques publiques.

Nous reconnaissons toutefois que nous avons des progrès à faire dans certains domaines : la pollution diffuse et la gestion quantitative ; la gouvernance stricto sensu et la déontologie, sujets clairement évoqués dans un récent rapport de la Cour des comptes.

En complétant le projet de loi relatif à la biodiversité, l’Assemblée nationale a amélioré le système. Il est souhaitable que nous allions dans la même direction. Nous allons devoir discuter de la façon d’accroître la transparence, de préciser les règles de déontologie et de faire évoluer la gouvernance pour que les parties prenantes aient le sentiment d’être entendues. Mais, avant même le dépôt du projet de loi relatif à la biodiversité, nous n’étions pas restés les bras ballants. Ainsi une réforme de 2014 a-t-elle prévu que le collège des usagers des comités de bassin se répartirait en trois blocs : le premier pour les usagers non économiques, les associations et les fédérations de pêche ; le deuxième pour les usagers agricoles ; le troisième pour les usagers industriels. Cette répartition permet d’ores et déjà aux usagers de chacun de ces blocs de s’exprimer librement, sans se sentir « noyés » dans un grand ensemble, comme c’était le cas antérieurement – notamment pour les usagers non économiques.

M. Michel Lesage a déploré un certain cloisonnement. Or la politique relative à la qualité des milieux marins, celle relative à la qualité des milieux naturels terrestres et celle relative aux milieux aquatiques, aux zones humides et à l’eau sont en permanence connectées les unes aux autres. De fait, l’un des objectifs du Gouvernement est d’assurer le décloisonnement de ces trois politiques qui, reconnaissons-le, ont des cadres européens séparés : sur l’eau, le cadre qui a été rappelé par Michel Lesage ; sur la biodiversité terrestre, deux directives européennes ; et, sur le milieu marin, la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ».

M. Michel Lesage a par ailleurs insisté sur l’importance de la politique de connaissance et sur la police de l’eau. La situation a bien progressé. Des efforts de simplification ont été faits, qui concernent l’ensemble de la police de l’environnement. On peut même dire qu’un très grand ménage a été fait !

Nous travaillons actuellement au projet de création d’une Agence française pour la biodiversité, qui regroupera les trois secteurs que j’évoquais précédemment – l’eau et le milieu aquatique, le milieu marin et la biodiversité terrestre. Cette entité, dont il est impératif de préserver l’efficacité et la capacité d’action sur le terrain, concentrera l’essentiel des forces de la police de l’eau.

On note également une évolution très substantielle du positionnement des collectivités. Celles-ci sont maintenant compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Nous souhaitons que cette compétence soit transmise automatiquement aux EPCI à fiscalité propre. Même si une partie du droit antérieur subsiste, avec la responsabilité des riverains sur les cours d’eau domaniaux et la responsabilité de l’État dans un certain nombre de domaines, le changement est radical. Cette évolution va dans le sens souhaité par tous, et surtout dans le sens de l’efficacité – car c’est le niveau pertinent.

Enfin, comme l’a indiqué M. Michel Lesage, l’État doit rester le pilote de la politique de l’eau, et il faudra sans doute en tirer quelques conséquences en matière de gouvernance. Mais, si l’État souhaite jouer un rôle actif, il sait parfaitement que la concrétisation et les effets de sa politique sur le terrain seront le fait de tous les partenaires, au premier rang desquels figurent les collectivités territoriales.

M. Bernard Rousseau, responsable des politiques « eau » de France Nature Environnement (FNE). Membre du comité de bassin Loire-Bretagne, administrateur de l’Agence France Nature Environnement, je suis aussi administrateur de l’ONEMA – mais le conseil d’administration ne se réunit plus, du moins pour l’instant, avec les membres non nommés. Je souhaite, pour ma part, aborder certains aspects de la gouvernance de l’eau au niveau des comités de bassin, éventuellement au niveau des SAGE, et poser une question qui n’avait pas été débattue à l’occasion de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006 : quel est le rôle du monde associatif dans les comités de bassins ?

On y rencontre différents acteurs : des élus – le système de représentation n’est pas parfait, mais la situation est en passe de s’améliorer du fait de l’organisation des nouvelles structures, EPCI à fiscalité propre et autres –, des représentants du monde économique et quelques représentants de la société civile. Or leurs intérêts ne sont pas du tout les mêmes. Les représentants de la société civile sont les « bénévoles » du système. Que faut-il attendre d’eux ? Sont-ils là pour dire ce que les autres acteurs n’ont pas envie de dire ? Doivent-ils faire des propositions ? Sont-ils condamnés à être toujours minoritaires quand il y a vote ?

La question est fondamentale pour les institutions de bassin. On pourrait en effet considérer que le rôle des associatifs – consommateurs, environnementalistes, pêcheurs, ceux qui s’occupent de sports d’eau vive – est de sensibiliser les autres acteurs à la protection de l’eau et de l’environnement. Mais la technique du tour de table, où tout le monde se dit tout, aboutit toujours à un vote. Voilà pourquoi, avant la conférence environnementale de 2013, nous avions rédigé une note dans laquelle nous nous interrogions sur l’intérêt de mélanger le collège des usagers économiques avec celui de la représentation civile, et nous proposions la création d’un quatrième collège.

Cette proposition, qui nécessitait de passer par la loi, n’a pas été retenue. On a préféré créer, au sein du collège des usagers, trois sous-collèges : celui des acteurs économiques industriels, celui des agriculteurs et celui des acteurs de la société civile. Malheureusement, les vice-présidents étaient toujours désignés par le collège réuni des élus et des acteurs économiques. Dans un tel système, les représentants de la société civile, minoritaires, ne peuvent être désignés, sauf s’ils possèdent quelque influence par ailleurs. On l’a vu dans certains bassins.

Cela nous amène à nous interroger sur la nature de la mission des représentants des associations, dont certains ont des doubles ou des triples appartenances. Pour défendre la société civile, pour être plus intéressants, plus productifs, et peut-être moins conformistes, ils doivent tenir un discours neutre, et non le discours d’intérêt économique que tiennent, très légitimement d’ailleurs, les représentants de l’activité économique.

Grâce aux « amendements Batho », la loi sur la biodiversité a permis certaines avancées, dont la création d’un quatrième collège dans les comités de bassins. Pour notre part, nous aimerions que la mesure soit étendue au conseil d’administration des agences de l’eau. En effet, tout ce qui concerne les interventions, les financements ou les retenues sera plutôt traité au conseil d’administration et dans les différentes commissions, alors que tout ce qui concerne les zones vulnérables ou les SDAGE sera plutôt traité au niveau du comité de bassin.

Le poids de l’État est-il suffisant ? Plusieurs rapports considèrent qu’il n’est pas assez représenté. On ne peut dissocier cette question de celle de la désignation des membres dans le comité de bassin ni de celle la représentation du monde associatif dans le conseil d’administration. Va-t-on modifier les règles ? Cela suppose une analyse et un débat général, prenant en compte les avantages et les inconvénients de chaque solution.

La gouvernance des comités de bassin est donc une question importante, eu égard à l’importance des sommes en jeu – et tant que l’État n’en prélève pas trop chaque année. Mais il faut également se pencher sur la politique de l’eau à l’échelle locale. Certes, 85 % de la surface du bassin Loire-Bretagne est couverte par des SAGE, mais les résultats sont-ils vraiment si différents entre les endroits où il y a des SAGE et ceux où il n’y en a pas ? Voilà pourquoi, tout en étant favorable aux SAGE, je milite pour une évolution de la gouvernance.

M. Nicolas Chantepy, directeur général adjoint de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse. L’introduction des trois sous-collèges a apporté une véritable amélioration dans l’expression et dans l’identification des positions. Jusqu’à présent, les agriculteurs et les industriels, dont les intérêts ne coïncidaient pas forcément, devaient parler d’une même voix, tandis que les représentants des associations étaient quelque peu inaudibles.

Les agences de bassin et les comités de bassin sont un peu des cordes de rappel, face aux risques de dérive technocratique. La politique de l’eau est en grande partie régentée par les directives de l’Union européenne, et le domaine est assez technique. Or il doit aussi rester politique. Je le constate au niveau des services de l’agence ou des services de l’État, avec lesquels nous travaillons main dans la main. Cet ancrage territorial nous est utile et nous permet d’être audibles lorsque nous devons répondre à Bruxelles au niveau du rapportage.

Certes, le système n’est pas parfait. Il suppose de trouver un équilibre entre les intérêts des différents usagers et l’État, les agences de l’eau étant, en quelque sorte, le bras armé financier de sa politique. Lorsque l’équilibre est atteint, on parvient à une véritable subsidiarité, mais il arrive que des ajustements soient nécessaires. En rendant constitutionnel le dispositif d’encadrement des redevances, la loi sur l’eau de 2006 a permis de créer des points d’irréversibilité, offert une marge de manœuvre pour de nouvelles avancées et encouragé l’émulation. L’effet de double cliquet du système joue dans de nombreux cas : au niveau local, sur certains points durs, on peut s’appuyer sur un niveau national avec un plafond, pour passer le cap et essayer de progresser ensuite là où c’est possible.

En matière de politique agricole, on déplore souvent un certain manque de succès dans la lutte contre la pollution diffuse. Il est évidemment plus difficile d’agir auprès de nombreux acteurs pour qu’ils modifient leurs pratiques de travail, que de faire réaliser des investissements qui n’induisent pas des changements de pratiques – c’est le cas, par exemple, en matière de dépollution industrielle. En outre, les problèmes agricoles ne se posent pas de la même façon dans le bassin Rhône-Méditerranée que dans l’Ouest de la France : nous n’avons pas de problèmes de nitrates, mais de pesticides ou de gestion quantitative. La profession a souvent tendance à dire que la politique agricole doit être bien cadrée au niveau national. Mais plus on va vers l’uniformisation, plus il devient difficile de s’adapter aux spécificités.

Au fil des années, les agences de l’eau, avec leur conseil d’administration, étaient devenues très fortes, et le comité de bassin, qui ne s’occupait que des redevances, n’avait plus qu’un rôle subsidiaire. Depuis la loi de 1992 et plus encore aujourd’hui, le poids du comité de bassin dans l’animation de la politique s’est accru, avec la préparation des SDAGE et l’animation au niveau des SAGE. C’est un point qu’il convenait de souligner.

Enfin, même si le système fonctionne par consensus, on ne peut pas le taxer de conservatisme. Il suffit de voir comment les membres du comité de bassin se saisissent de sujets comme la GEMAPI. Pour réagir au changement climatique, très important sur le bassin méditerranéen, le comité a adopté un plan de bassin d’adaptation au changement climatique. Cet exemple le prouve : ce sont des instances qui osent et qui avancent.

Mme Martine Lignières-Cassou. Messieurs, vous avez souligné à quel point l’eau était une ressource cruciale, au cœur de toute civilisation. L’importance de cette ressource a conduit à reconnaître une responsabilité essentielle à la puissance publique. La France a été pionnière en la matière, avec la loi de 1964 qui a renforcé le pilotage de l’État dans la gestion de l’eau et créé les comités de bassin à l’échelle des bassins-versants – longtemps considérés comme l’échelon territorial le plus approprié pour la gouvernance de l’eau.

Vous avez fait référence à une autre loi, tout aussi fondamentale, celle de 2006, qui a rénové l’organisation territoriale française, créé l’ONEMA, conforté le rôle des comités de bassin et celui du Parlement, lequel définit l’assiette des redevances ainsi que les priorités des programmes des agences.

En France, nous sommes arrivés, conformément aux souhaits du Partenariat mondial de l’eau, à coordonner les différents acteurs que sont le Gouvernement, le Parlement, les agences de l’eau, les collectivités, les comités de bassin et la société civile. Mais le système est extrêmement complexe.

Reste que la conférence environnementale de 2013 a mis sur la table de nouveaux enjeux, dont le dérèglement climatique, les risques émergents pour la santé, les inondations, etc.

Vous avez été nombreux à dire que le modèle français avait atteint une certaine limite, dans la mesure où il n’avait pas permis d’empêcher la dégradation de la qualité de l’eau ou les conflits d’usage. Vous avez laissé entendre que le système de financement était à bout de souffle, et vous avez fait allusion à la complexité du dispositif sur le terrain. Et vous avez tous affirmé que l’État devait rester le pilote de la politique de l’eau, même si 80 % des programmes sont d’origine communautaire.

En matière de gouvernance, la situation évolue, notamment grâce aux différentes lois qui ont été votées : la loi MAPTAM accorde une place importante aux EPCI ; la loi NOTRe, grâce à un amendement de Michel Lesage adopté en commission, prévoit de renforcer le rôle des régions en matière de gestion de l’eau lorsque l’état des eaux présente des enjeux sanitaires et environnementaux importants. Quant au projet de loi relatif à la biodiversité, il prévoit de renforcer la représentation des usagers dans les conseils d’administration des agences de bassin. D’ici à 2016, la directive européenne de 2013 sur le médiateur de l’eau doit être transposée dans notre droit : tout le monde pourra saisir le médiateur.

Différentes critiques ont visé cette gouvernance complexe. Pour ma part, j’aurais plusieurs questions et plusieurs remarques à formuler. Comment articuler le rôle de l’État
– qui, selon vous, doit être pilote – et celui des collectivités locales ?

Vous avez dit que le financement était stable. Mais les ressources, qui reposent à 80 % sur les usagers domestiques, régressent. Comment faire évoluer le système ?

Enfin, on voit bien, sur le terrain, que plusieurs syndicats ne disposent pas de l’ingénierie suffisante pour traiter des questions liées à la qualité de l’eau, aux inondations ou à la biodiversité. Comment faire ?

M. Martial Saddier. Le bilan de la politique de l’eau en France est globalement positif, même si, comme tout dispositif qui a une cinquantaine d’années, il doit évoluer. La dernière grande loi, qui date de 2006, a d’ailleurs été portée par notre majorité de l’époque. Ce dispositif a d’abord permis d’assurer à la République une source de financement pour mener la politique de l’eau, et de flécher l’argent de l’eau vers l’eau. Il n’est pas rare que, au gré des déficits budgétaires, les financements mis en place pour mener une politique particulière soient utilisés à tout autre chose. Cela n’a pas été le cas pour l’eau.

Le dispositif a été encadré par une planification nécessaire et complété par un système de péréquation territoriale. Les zones qui ont et qui protègent la ressource sont souvent différentes des zones urbaines qui la consomment. Il est indispensable de maintenir ce système, qui assure la solidarité entre les territoires.

Tout au long de ces cinquante années, le prix de l’eau a été maîtrisé, ce qui est très important pour nos concitoyens.

D’autre part, la France n’est pas de ces pays où éclatent tous les jours des scandales sanitaires liés à l’eau. La qualité de l’eau au robinet est extrêmement satisfaisante.

Nous souhaitons également souligner le rôle majeur qu’a joué le bloc communal, voire le bloc intercommunal, et le fait que le système a permis de respecter la grande diversité de notre pays. Aujourd’hui, certains secteurs se concentrent sur les problématiques du réchauffement climatique, des crues, des laves torrentielles et des phénomènes cévenols, alors que d’autres s’intéressent aux problématiques de pollution chronique liées à certaines activités professionnelles. Même s’il doit évoluer, il est impérieux que le système respecte cette diversité.

Par ailleurs, et sans vouloir polémiquer, on peut regretter qu’il n’y ait pas de vision globale de l’eau. Le Parlement en parle dans le cadre de la loi biodiversité. Le projet de loi de finances pour 2015 a prévu une ponction de 175 millions d’euros sur les agences de l’eau, laquelle se traduira inévitablement par une baisse du soutien à la politique de l’eau. Enfin, la loi NOTRe – qui avance à marche forcée – prévoit la création de la GEMAPI. Cette dernière est nécessaire, mais elle s’accompagne de transferts de compétences. Nous aurions souhaité que l’on traite de l’eau de manière à la fois plus globale et plus transversale. Le sujet le méritait.

Enfin, nous souhaitons réaffirmer l’importance du rôle des collectivités territoriales, qui ne doit pas être affaibli. Celui de l’État est essentiel, mais la réussite de la politique de l’eau passe par les collectivités territoriales.

Mme Laurence Abeille. Tout en payant plus de 80 % de la redevance, les usagers domestiques ne sont pas représentés à la hauteur de leur contribution dans la gouvernance de l’eau. L’amendement adopté en mars dernier dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité nous paraît donc à cet égard tout à fait opportun.

Le Gouvernement a fait adopter un amendement au même projet de loi qui donne aux agences de l’eau un rôle de protection et de préservation de la biodiversité. Dès lors, une modification de la composition des agences semble indispensable : il faudra que les associations de protection de l’environnement y aient toute leur place.

Sur ce point, il conviendra d’être vigilant. Il ne faudrait pas que les agences de l’eau assument des missions de préservation de la biodiversité en lieu et place de l’Agence française pour la biodiversité. Les fonds qui sont alloués à la préservation de la biodiversité doivent être avant tout attribués à l’Agence. Mais au-delà de la gouvernance, c’est bien le financement de la politique de l’eau qu’il conviendrait de revoir en mettant réellement en place le principe pollueur-payeur. J’aimerais avoir votre avis sur le sujet, et j’espère que nous parviendrons à mettre en place ces contributions.

Dans le cadre des dernières lois de finances, un prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau a été opéré. J’ai fait adopter avec mon groupe un amendement qui prévoyait que ce prélèvement ne se ferait pas au détriment des programmes de préservation et de reconquête de la biodiversité, et de l’objectif d’atteindre le bon état des masses d’eau. En effet, on peut craindre qu’un prélèvement sur le budget des agences de l’eau ne les incite à se recentrer sur les missions qui constituent leur cœur de métier – l’assainissement, la distribution et l’épuration –, au détriment de leurs missions sur le grand cycle de l’eau, comme la protection des points de captage ou la préservation des écosystèmes. Ainsi, l’agence de l’eau Seine-Normandie a lancé un intéressant programme de protection de la ressource qui consiste à acheter des terrains agricoles pour les convertir à l’agriculture biologique. On peut craindre que de telles actions ne soient les premières à subir cette baisse de financement. Pourtant, on sait bien que, au lieu de traiter les pollutions une fois qu’elles ont eu lieu, il est plus efficace et moins coûteux d’agir sur leur prévention. Savez-vous si les missions de préservation de la ressource en eau et de protection de la biodiversité ont été affectées par ce prélèvement sur le fonds de roulement des agences ?

Enfin, nous savons que l’objectif fixé par la directive-cadre sur l’eau – atteindre un bon état des masses d’eau d’ici à 2015 – ne sera pas respecté. Quelle serait la meilleure manière d’y parvenir ? Doit-on plutôt modifier la gouvernance ou la façon de financer la politique de l’eau, et par exemple taxer les pollutions ?

M. Bertrand Pancher. Avec la question de la fertilité des sols, la lutte contre le réchauffement climatique et la défense de la biodiversité, la politique de l’eau est l’un des quatre grands enjeux environnementaux pour notre pays et pour l’humanité tout entière. La question du cycle de l’eau se pose à nous tous et se posera avec encore plus d’acuité dans l’avenir. Nos concitoyens le mesurent en permanence lorsqu’ils paient leur facture d’eau.

Le système est-il vertueux ? Je suis convaincu du contraire : la complexité de la réglementation en vigueur est un instrument de « crétinisation » des acteurs. Ainsi, la qualité de l’eau n’est pas la priorité des collectivités, qui préfèrent lutter contre les fuites d’eau, faute de quoi elles seront sanctionnées financièrement par l’État, plutôt que d’engager des stratégies d’amélioration de l’assainissement. Sur mon territoire, très rural, le prix de l’eau augmente de 10 % par an parce qu’il faut traiter les fuites, alors que la problématique des fuites d’eau y est bien moins importante que celle de l’assainissement.

Je ne dialogue pas, comme dans ma collectivité, avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment avec les agriculteurs et les industriels, puisque ce dialogue a lieu à un échelon supérieur. Et je ne contractualise pas avec les financeurs, l’agence de l’eau, le département ou les autres organismes. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les acteurs soient vertueux et aient envie de travailler ensemble ? Quand je me rends à une assemblée générale d’agriculteurs, je ne m’étonne pas que ceux-ci soient contre tout ce que l’on fait, dans la mesure où personne n’est impliqué dans cette politique de l’eau.

La réglementation européenne gère pratiquement 95 % de la politique de l’eau. De son côté, l’État passe son temps à vouloir tout réglementer. Les agences de l’eau mettent en place ces politiques et, en bout de course, les collectivités territoriales, les syndicats intercommunaux et les communes essaient de faire pour le mieux. N’y a-t-il pas là une case de trop – l’État, qui veut tout faire et ne fait pas confiance aux acteurs. Comment faire en sorte qu’il laisse les acteurs tranquilles pour qu’ils puissent travailler ensemble ?

M. Jacques Krabal. Ce débat paraît très utile, à un moment où il ne s’agit pas seulement de retracer cinquante ans d’histoire de la politique de l’eau ou d’engager une réflexion sur la loi NOTRe, mais de répondre au défi que constituent les multiples pressions pesant sur la ressource en eau et qu’accentuent les effets du changement climatique.

On dit que l’eau, c’est la vie. Mais l’eau est également indispensable à toute activité économique, dans l’industrie comme dans l’agriculture. Nous sommes tous dépendants de sa qualité et de sa quantité. Le temps de la ressource en eau facile est révolu. Nous allons devoir nous habituer à la partager, pour éviter la compétition entre les multiples usagers, les territoires et les pays. C’est pourquoi il est important d’engager le dialogue au sein des comités de bassin, au niveau national et sur les territoires.

On a pointé du doigt une spécificité française, l’émiettement de l’organisation territoriale. Notre pays compte 14 000 services d’eau potable, 17 000 services d’assainissement collectif et 4 000 services d’assainissement non collectifs, soit 35 000 services pour les 36 000 communes. Peut-on continuer dans cette voie ?

Au Cercle français de l’eau, on pense que, s’il faut avoir des objectifs, il ne faut pas avoir de contraintes. Cela m’amène à vous parler de ma commune de Château-Thierry, qui compte 15 000 habitants. Nous y avions un petit syndicat des eaux, et nous avons accepté de regrouper, sans que ce soit obligatoire, l’ensemble des 100 000 habitants des environs en une seule Union des syndicats d’eau, avec un prix unique de l’eau, des objectifs de quantité, de qualité et de partage de l’eau pour tous. Cela s’est fait de manière tout à fait sereine. La régulation au niveau local est donc possible, sans avoir à y mettre de contraintes.

Comment concilier ces transferts de compétences avec des usages de plus en plus complexes et un prix de l’eau qui va devenir un facteur d’attractivité ? Il n’y a pas de prix unique de l’eau, et je sais que cela freine de nombreux acteurs.

Comment rendre la politique de l’eau plus transparente ? Nous avons mis en place – ce qui n’est pas non plus obligatoire – des comités d’usagers ouverts non seulement aux associations environnementales, mais encore à l’ensemble des usagers.

Par ailleurs, Jean Launay, à qui j’ai succédé à la tête du Cercle français de l’eau, dira certainement que les usagers de l’eau sont doublement taxés : ils contribuent par leurs redevances au financement des agences de l’eau et sont indirectement pénalisés par la ponction de 175 millions d’euros opérée par l’État. Pour ma part, je voudrais savoir comment on pourra financer toutes les actions et tous les investissements qui ont été lancés.

Enfin, le rapport de la Cour des comptes a dénoncé l’hétérogénéité des modalités d’aides entre bassins. On peut comprendre qu’il y ait des différences. Mais, quand il y a de fortes disparités, entre des bassins voisins, dans les taux et la nature des aides, on est en droit de s’interroger.

M. Florent Boudié. Ma question s’adresse à M. Michel Lesage. Dans votre rapport d’évaluation remis au Premier ministre il y a deux ans, vous dressiez un état des lieux inquiétant des défis à relever pour adapter le modèle français de gestion de l’eau et atteindre l’objectif de reconquête de la qualité des eaux – une reconquête qui sera longue, complexe et coûteuse. Pour ce qui est de l’adaptation de notre modèle, vous êtes à l’origine de l’article de la loi NOTRe confiant à la région, lorsque l’état des eaux de surface ou des eaux souterraines le justifie sur le plan sanitaire ou environnemental, une mission de coordination dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Une autre disposition, à laquelle le Sénat reste opposé pour le moment, consiste à transférer la gestion des eaux et de l’assainissement aux intercommunalités. Quelle est votre position sur ce point très important ?

Par ailleurs, il me semble que vous n’avez pas abordé la question du financement. La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) vient de lancer une alerte portant sur le sous-investissement en France dans le domaine du renouvellement des réseaux d’eau potable et d’assainissement, dont les raisons sont multiples – qu’il s’agisse de la priorité donnée par les collectivités à la baisse du tarif plutôt qu’aux investissements, ou du fait que ce type de travaux sur les réseaux, engendrant des désagréments pour les usagers, ne soit pas très porteur sur le plan politique. Partagez-vous les inquiétudes de la FP2E et, le cas échéant, comment pensez-vous que l’on puisse donner un coup d’accélérateur à ces investissements ?

M. Jean-Marie Sermier. Sans perdre de vue leur mission principale – la production –, les agriculteurs ont contribué à assurer l’amélioration de la qualité de l’eau. Ils sont pourtant assez peu représentés au sein des différentes structures relatives à la gouvernance de l’eau : très minoritaires dans les agences de bassin, ils sont complètement oubliés des syndicats.

Je ne trouve pas scandaleux qu’il existe 35 000 services d’eau et d’assainissement : ce constat est surtout l’occasion de rappeler qu’un grand nombre d’élus ruraux effectuent un immense travail pour distribuer une eau d’une qualité irréprochable à un prix raisonnable, dans des conditions souvent exemplaires. On oppose souvent les régies aux délégations de service public (DSP) ; une loi de juillet 2014, votée à une quasi-unanimité, a abouti à la création de la société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), qui permet de gérer l’eau potable – cela va notamment être le cas à Dole. Estimez-vous que ce type de gouvernance, associant de manière plus étroite élus et entreprises, soit de bon augure pour ce qui est de la prise en compte de nos concitoyens dans le débat sur l’eau ?

M. Yannick Favennec. Comment percevez-vous l’évolution de la politique publique de la gestion des cours d’eau ?

La répartition des compétences dans le domaine de la gestion de l’eau vous paraît-elle suffisamment lisible ?

Selon le Commissariat général au développement durable, 90 % des cours d’eau français se caractérisent par la présence généralisée de pesticides. Quelle réponse efficace et durable peut-on apporter à cette pollution ?

Mme Geneviève Gaillard. Les principes constitutionnels contenus dans la Charte de l’environnement, en particulier le principe « pollueur-payeur », ne semblent pas faire l’objet d’une application stricte. Comment pourrait-on fonder une politique de l’eau intégrant le paiement au juste prix de l’eau ?

La biodiversité, nécessaire à la vie sur terre, étant un bien commun au même titre que l’eau elle-même – chacun sait l’importance qu’ont les zones humides dans la politique qualitative et quantitative de l’eau, et celle des zones enherbées dans la préservation de la biodiversité –, il ne me paraîtrait pas incongru que les agences de l’eau soient mises à contribution pour financer une partie des actions relatives à la biodiversité : en tout état de cause, cela serait sans doute bien plus utile que d’effectuer des prélèvements sur le fonds de roulement pour alimenter on ne sait quelle politique de l’État. Que pensez-vous de cette idée ?

Enfin, en matière de gouvernance, je n’ai pas l’impression que le quatrième collège enthousiasme grand monde – sa création a d’ailleurs suscité une certaine opposition. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, et comment nous pourrions améliorer les choses ?

M. Guillaume Chevrollier. Je veux souligner la grande disparité des solutions d’assainissement des eaux proposées par les services publics d’assainissement non collectif (SPANC) aux propriétaires de maisons d’habitation individuelles non raccordées au réseau public de collecte des eaux usées – environ 10 % de la population française, localisée essentiellement en milieu rural. D’une commune à l’autre, les solutions techniques disponibles divergent beaucoup, de même que leurs conséquences en termes d’efficacité, et surtout de coût, pour les propriétaires. La loi NOTRe, en cours de discussion, propose le transfert de compétences pour l’eau et l’assainissement des communes aux EPCI à partir du 31 décembre 2017, mais je ne pense pas que cela suffise à résoudre le problème. Les propriétaires de maisons individuelles ne sont donc pas égaux devant les charges qu’on leur impose en matière d’assainissement.

M. Stéphane Demilly. Le rapport qu’a publié la Direction générale de la santé publique à la fin d’année dernière, en conclusion d’une étude menée tout au long de l’année 2012, révèle que 96,7 % des Français sont alimentés par une eau respectueuse des normes microbiologiques, contre 91,2 % en 2000. Si cette évolution est positive, elle est précaire, comme le soulignent plusieurs études récentes, ainsi que le rapport de notre collègue Michel Lesage, où l’on peut lire que, en raison des nombreux défis à relever, le financement de l’investissement va atteindre des sommes considérables et s’étaler sur plusieurs décennies. Êtes-vous en mesure de nous communiquer un chiffrage plus précis de ces investissements ?

Par ailleurs, je m’étonne du peu de place accordé à l’eau dans le débat préparatoire à la COP21 qui doit se tenir à Paris à la fin de l’année. Pourtant, lors du dernier Forum mondial de l’eau, qui a eu lieu en Corée du Sud en avril dernier, les États ont souligné dans leur déclaration commune que l’eau était l’une des questions majeures dans la lutte contre le réchauffement climatique, et qu’ils s’engageaient à travailler ensemble pour que l’importance de ce sujet soit reconnue lors de la COP21. Le directeur général de l’Office international de l’eau, Jean-François Donzier, a précisé pour sa part que, « au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous avons besoin d’un volet, lors de la COP21, sur la gestion des ressources en eau, qui passe par des crédits du Fonds vert pour aider à la mise en place de mesures d’adaptation ». Vous qui avez représenté la France lors du Forum mondial de l’eau, pouvez-vous nous éclairer sur les discussions qui s’y sont tenues et nous préciser la place de l’eau dans les négociations en cours dans le cadre de la COP21 ?

Mme Françoise Dubois. La grande complexité de la politique de l’eau s’explique principalement par les nombreuses implications, directes et indirectes, dans d’autres politiques publiques, ainsi que par la multitude d’acteurs concernés. Il est nécessaire d’établir des règles de partage en attendant que nous atteignions les objectifs, encore très lointains, que nous nous sommes fixés en matière de lutte contre les pollutions et de restauration de l’hydromorphologie des cours d’eau.

Co-rapporteurs d’une mission sur les continuités écologiques aquatiques, mon collègue Jean-Pierre Vigier et moi-même avons abordé les questions relatives à la qualité de l’eau et à la restauration des habitats, ainsi qu’à la mise en œuvre de la législation et des divers plans et schémas, en évoquant systématiquement les moyens accompagnant ces politiques. Les différents acteurs que nous avons auditionnés font le même constat, celui d’un problème de gouvernance. Plusieurs structures coexistent à des échelles différentes, chacune avec ses compétences propres, et les différents textes, s’échelonnant du niveau européen au niveau local, conduisent à des décisions contradictoires. Partagez-vous ce constat et quels seraient, selon vous, les contours d’une gouvernance rénovée de la politique de l’eau en général, et des continuités écologiques en particulier – notamment dans l’optique de la création de la future Agence française pour la biodiversité ?

Mme Sophie Rohfritsch. Les présentations d’une grande richesse qui nous ont été faites au début de cette table ronde ont toutefois entretenu, d’une certaine manière, la confusion qui semble caractériser la question de la gouvernance de l’eau. Tout en constatant que la politique menée jusqu’à présent par notre pays a été efficace, on souhaite qu’il soit fait davantage, et on s’interroge sur l’insuffisance en matière d’investissement sur le plan local.

On peut se demander s’il faut rendre obligatoire le transfert de la compétence GEMAPI aux intercommunalités. Au moment où celles-ci sont soumises à de considérables pressions financières, justifiées par l’objectif de réduction du déficit public, nous connaissons tous des exemples locaux – j’en connais dans le Bas-Rhin – de syndicats à vocation unique ayant su faire preuve d’efficacité, en investissant pour fournir aux consommateurs une eau de qualité à un prix défiant toute concurrence. Moyennant un encadrement, des évaluations régulières et une obligation d’investir, pourrait-on suivre la voie médiane, très raisonnable, tracée par le Sénat ?

Mme Catherine Beaubatie. Depuis des années, la Commission européenne épingle la France à propos de sa production de nitrates. Le traitement de cette pollution coûte entre 1 et 1,5 milliard d’euros par an – un coût se répercutant sur la facture des ménages, qu’il augmente de 10 % environ. À cela, nous réagissons constamment en nous efforçant d’adapter les directives européennes plutôt que notre modèle productiviste. Certains estiment qu’en matière de réduction des pollutions aux nitrates, la méthanisation agricole permet un transfert plus optimal de la charge azotée des zones vulnérables vers les exploitations céréalières, sous forme d’engrais organiques, tandis que d’autres considèrent que la charge azotée reste la même à la sortie du méthaniseur et qu’elle peut même être plus volatile.

Selon vous, la méthanisation constitue-t-elle un vrai remède ? Les acteurs publics de la politique de l’eau doivent-ils se saisir de cette opportunité ?

M. Alain Leboeuf. Pour ce qui est de l’eau potable, la Vendée a, depuis une cinquantaine d’années et à l’instar d’autres départements, opté pour la solidarité départementale, en confiant la distribution à un syndicat départemental. Grâce à la péréquation, toutes les communes peuvent être approvisionnées en eau à un prix unique, ce qui permet à des communes sans ressources naturelles de bénéficier d’un prix égal à celui payé par les communes les mieux dotées en réserves d’eau potable.

En Vendée, la commune chef-lieu de département est restée autonome, et je m’interroge sur la viabilité des syndicats d’eau, qui regroupent une grande partie de nos territoires. La loi NOTRe, qui vise à transférer ce type de compétences vers les EPCI, risque de mettre à mal ces dispositions. Dans ce contexte, que vont devenir les solidarités qui existent actuellement, et permettent l’application d’un prix péréqué ?

M. Christophe Bouillon. Depuis plusieurs années, les acteurs des matériaux de construction et des industries de carrière font des efforts afin de réduire l’impact de leur activité sur les eaux. Ces professions ont cependant l’impression que leurs efforts ne sont pas reconnus à leur juste valeur par les pouvoirs publics et les associations de consommateurs. L’amélioration des connaissances a permis d’identifier les risques, mais a également rendu possibles certaines contributions pour l’environnement, notamment par la création de zones humides.

Pouvez-vous nous préciser quel est l’impact réel des activités évoquées sur l’environnement et si des améliorations ont été constatées au cours des dernières années ? En matière de gouvernance, les industries concernées s’inquiètent de la modification de leur représentativité, notamment au sein des comités de bassin : en effet, les usagers économiques vont perdre des sièges au profit des usagers non économiques, ce qui risque d’engendrer des blocages de projets. Comment pouvez-vous rassurer ces professionnels, qui subissent de plein fouet la crise du bâtiment depuis 2008, et quelle place estimez-vous pouvoir leur réserver dans la nouvelle gouvernance de l’eau ?

M. Jean-Pierre Vigier. La continuité écologique aquatique, objet de la mission qui a été confiée à ma collègue Françoise Dubois et à moi-même, n’est pas une fin en soi : elle a pour but l’amélioration de la qualité de l’eau ainsi que la restauration du milieu et de l’habitat. Si des programmes ambitieux ont été mis en place au cours des dernières années, j’ai l’impression que nous sommes restés au milieu du gué par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés.

D’après vous, quels sont les freins en la matière ? Comment rendre la gouvernance plus efficace et plus opérationnelle ?

M. Philippe Plisson. La gestion de l’eau, devenue un bien rare et précieux, nécessite un encadrement et des règles. En tant que président du SAGE de l’estuaire de la Gironde et des milieux associés, je mesure l’étendue du chemin restant à parcourir pour convaincre ou contraindre les porte-parole du modèle économique productiviste, dans les domaines agricole et industriel, de la nécessité d’adapter les pratiques à l’état de la ressource.

Ayant par ailleurs la responsabilité d’un document d’objectifs (DOCOB) du réseau Natura 2000 et de la gestion d’un bassin-versant, je constate qu’il existe aujourd’hui une faille dans la législation au sujet de l’encadrement des pratiques. Les Associations syndicales autorisées (ASA) sont des associations de propriétaires constituant des groupes d’intérêts – le plus souvent l’agriculture intensive ou la pratique de la chasse et de la pêche – et représentant des citadelles imprenables qui échappent, du fait de leur statut particulier lié à la propriété, à toutes les réformes, notamment à celles ayant récemment eu pour objet de transférer certaines compétences des syndicats aux intercommunalités. Cela garantit à ces structures une totale impunité et un pouvoir sans partage sur leur territoire. Ainsi voit-on, en Gironde, une ASA gérer 3 500 hectares de marais au mépris de toutes les règles démocratiques, puisque les sept propriétaires cooptent directement leurs remplaçants quand l’un d’eux disparaît. Ne pensez-vous pas que la législation devrait faire évoluer le statut anachronique et abusif des ASA ?

M. Jacques Kossowski. Bien que l’hydroélectricité soit la première source d’énergie renouvelable en France, avec une puissance cumulée de 7 térawatts, plus de 80 % des 2 000 unités réparties sur 25 000 kilomètres de rivière sont des sites de petite puissance – moins de 10 mégawatts –, et les pouvoirs publics ont lancé des appels d’offres afin de créer de nouvelles petites unités. Or certaines associations de défense de l’environnement critiquent une telle démarche au motif que ces infrastructures empêcheraient la migration des poissons, bloqueraient le flux des sédiments et dégraderaient le biosystème des rivières, et souhaitent que priorité soit donnée à la modernisation des stations déjà en place.

De leur côté, les petits producteurs d’hydroélectricité font valoir que l’énergie produite répond aux besoins locaux, ne pose pas de problèmes de stockage et ne produit pas de gaz à effet de serre. Enfin, ils soulignent que l’hydroélectricité est à l’origine d’emplois et de revenus non négligeables pour de nombreuses petites communes. Quel est votre point de vue sur cette question ?

M. Jean Launay. Bien que je ne fasse pas partie de la commission du développement durable, je suis heureux de participer à ce débat sur la politique de l’eau. Le 7 juillet prochain, le Comité national de l’eau, à la tête duquel j’ai été nommé par décision de Mme Delphine Batho, va être renouvelé, ce qui sera l’occasion de revoir sa composition et sa gouvernance. Si le souci d’améliorer la gouvernance est bien légitime, nous ne devons pas perdre de vue l’essentiel et conserver notre modèle décentralisé de gestion par bassin-versant, qui anticipe la directive-cadre sur l’eau.

Les prélèvements sur les fonds de roulement des agences de l’eau effectués par les différents gouvernements ont pour effet d’affaiblir le principe selon lequel « l’eau paie l’eau ». Pour ma part, dès la préparation du projet de loi de finances pour 2014, j’avais plaidé en faveur de l’élargissement des sujets finançables par les agences de l’eau : la GEMAPI, la prévention des inondations et la préservation de la biodiversité aquatique. La poursuite des prélèvements financiers par l’État et la volonté constatée, dans certains corps de l’État, de rebudgétiser les fonds de la politique de l’eau constituent à mes yeux autant de menaces graves qui, si elles se réalisaient, feraient disparaître la question de la gouvernance. Comme Bertrand Pancher, je considère que l’État doit cesser de se méfier de lui-même s’il veut améliorer la gouvernance de l’eau et, plus largement, le bon état des milieux aquatiques. Nous devons donc lutter contre les tentations recentralisatrices et jacobines, afin de continuer à travailler efficacement.

M. Jacques Alain Bénisti. L’eau est sans nul doute le domaine de la vie publique où l’on constate le plus d’inégalités de traitement et d’injustices à l’égard des usagers. Ainsi, d’une région, d’un département ou d’une commune à l’autre, on peut passer de 2 à 8 euros le mètre cube d’eau en fonction d’un nombre trop important de critères de traitement de l’eau, et c’est toujours le consommateur qui est pris pour une « vache à lait ». Pensez-vous qu’une gouvernance nationale régulerait plus efficacement la diversité des situations au sein des territoires, ou que les nouvelles régions sont au contraire les plus à même d’uniformiser les coûts grâce à un système de solidarité territoriale ?

Mme Delphine Batho. Je commencerai par un bref rappel historique. Au début de l’actuel quinquennat, en 2012, a été engagé un processus de révision générale de la politique de l’eau dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Le Gouvernement avait aussi décidé d’augmenter les financements du nouveau programme des agences de l’eau, dans la perspective de la directive-cadre de 2015. Plusieurs rapports avaient été commandés, qu’il s’agisse de rapports d’inspection ou du rapport confié à Michel Lesage, et le Gouvernement avait annoncé au Conseil national de l’eau, en mai 2013, l’application prochaine d’une réforme de la gouvernance, comprenant la création d’un quatrième collège – l’ensemble de ces décisions devant aboutir à la prise de décisions lors de la conférence environnementale de 2013. Or, c’est durant l’été 2013 qu’ont été effectuées les premières coupes budgétaires que vient d’évoquer Jean Launay et, en septembre de la même année, la principale décision de la conférence environnementale a consisté à lever le moratoire sur les retenues de substitution - avec les conséquences que l’on connaît, notamment sur le site du barrage de Sivens.

En février dernier, la Cour des comptes a publié un rapport qui doit, à mon sens, constituer le point de départ de notre débat sur la gouvernance de l’eau. Tel a été le sentiment des parlementaires de la majorité qui, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, ont adopté des amendements tirant enseignement des constats implacables de la Cour des comptes au sujet des inégalités de traitement, notamment celui-ci : « La gouvernance de ces instances, dans lesquelles l’État est minoritaire, ne permet pas de garantir l’adéquation des programmes d’intervention des agences aux objectifs de la politique nationale de l’eau. Les contrats d’objectifs signés entre les agences et leur tutelle, s’ils constituent un outil utile pour faire converger leurs pratiques, n’ont pas d’influence réelle sur leurs choix stratégiques. »

L’un des premiers progrès démocratiques que nous ayons décidé de mettre en œuvre a consisté en la création du quatrième collège au sein des comités de bassin, mais aussi des conseils d’administration des agences – c’est l’amendement n° 1207. Nous avons également voté la création obligatoire de commissions des aides, ainsi que la mise en place d’un régime de prévention des conflits d’intérêts. Je souhaite que cette réforme soit menée à son terme et j’insiste sur la différence de nature qui existe entre les usagers économiques, qui ont toute leur place et doivent continuer à prendre part à la politique de l’eau, et les usagers non économiques.

M. Laurent Furst. Nous avons appris, au cours de travaux de notre Commission relatifs à la biodiversité dans les territoires d’outre-mer, que 1 700 personnes environ, employés par une multitude d’organismes publics, travaillent sur le sujet – ce qui nous a donné l’impression d’un immense bric-à-brac institutionnel. Élu local depuis de nombreuses années, je considère que l’organisation par bassin-versant est tout à fait justifiée et qu’il convient de la décliner sur les territoires. Cependant, je me demande si nous avons atteint le niveau optimal en matière d’organisation et de conduite des politiques publiques – en d’autres termes, si nous utilisons au mieux l’argent public prélevé. C’est une question qu’il faut avoir constamment à l’esprit dans un pays ayant 2 000 milliards d’euros de dettes et où l’augmentation des taux d’intérêt de un point pourrait poser des difficultés immenses.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ajouterai cette dernière question, relative à la redevance pour pollutions diffuses : est-il envisageable d’élargir prochainement le calcul de cette redevance à l’azote ?

M. Michel Lesage. Plusieurs des questions posées avaient trait au petit cycle de l’eau, sur lequel des avancées considérables ont été accomplies : 99 % des Français sont raccordés à une eau potable de qualité, et la situation s’améliore constamment en ce qui concerne le réseau des stations d’épuration et le traitement des eaux résiduaires urbaines. Il convient de veiller au maintien en bon fonctionnement et au renouvellement des infrastructures et des réseaux. Je rappelle que 20 % en moyenne de l’eau potable – parfois bien plus – est gaspillée en raison de fuites sur les canalisations, ce qui représente une perte annuelle de 1,3 milliard de mètres cubes d’eau, soit environ 5 milliards d’euros.

Bien qu’elle n’ait pas été évoquée, la gestion des eaux pluviales constitue également un enjeu essentiel en termes de qualité de l’eau et de financement. Enfin, en matière d’assainissement collectif, de gros enjeux sont liés à l’absence de réseau séparatif dans nombre de villes.

Pour ce qui est du financement, notre modèle économique est menacé. Les recettes sont en régression, puisque la consommation d’eau diminue en moyenne de 2 % par an depuis vingt ans. Les coûts étant fixes, et les besoins de financement considérables, le modèle fondé sur des recettes provenant uniquement de la consommation d’eau n’est plus tenable : il faut donc que le Parlement se saisisse de la question du financement et détermine si un mode de financement mixte – associant d’une part la fiscalité, donc la solidarité, d’autre part le prix payé par les usagers sur la base du tarif voté par les collectivités locales – ne pourrait pas être retenu.

Dans nombre de pays, le financement de l’eau est assuré au moyen de la fiscalité, le montant de la redevance étant déterminé en fonction de la valeur locative de l’habitation – ce qui constitue d’ailleurs un moyen de traiter la question sociale que l’on peut juger plus avisé que celui consistant à se référer uniquement à la quantité d’eau consommée. Je précise que la fiscalité a, à mon sens, vocation à s’appliquer sur le grand cycle de l’eau, car il n’y a pas de raison que les problèmes de pollution ou d’inondations soient systématiquement mis à la charge des usagers concernés, alors que les causes de ces problèmes se situent souvent en amont des bassins-versants.

Lorsque j’ai rendu mon rapport, certains m’ont fait le reproche – entendu aujourd’hui encore – de faire preuve d’un certain jacobinisme, ce qui n’est en rien justifié. Lorsque j’étais président de la communauté d’agglomération de Saint-Brieuc, nous avons mis trois ans pour prendre la compétence « eau et assainissement » dans sa globalité, petit et grand cycles, et de l’amont à l’aval – y compris la replantation des haies de bocage et le traitement des algues vertes en baie de Saint-Brieuc. Par ailleurs, je rappelle que mon rapport était intitulé « Mobiliser les territoires pour reconquérir la qualité de l’eau » : il ne faut pas s’en tenir aux seules logiques descendantes – des institutions européennes aux citoyens consommateurs –, mais tenter d’instaurer également des logiques ascendantes. En ce sens, mobiliser les territoires est une condition essentielle à la réussite des politiques de l’eau.

Cela dit, on ne peut affirmer, comme l’ont fait certains, que l’État doit laisser les territoires se débrouiller seuls : en réalité, l’État a un rôle fondamental à jouer en matière de politique de l’eau, vis-à-vis de l’Europe, mais aussi dans le domaine de la police de l’eau, de la recherche ou de l’ingénierie publique – et, de ce point de vue, le rôle de l’État déconcentré au niveau des territoires est tout aussi fondamental, notamment en matière d’ingénierie publique. Je le répète, c’est à la fois la puissance publique de l’État et celle des collectivités territoriales qui doivent être mises en œuvre.

Pour ce qui est des compétences, je suis tout à fait favorable à la compétence obligatoire affectée au bloc communal, donc aux EPCI à fiscalité propre. D’une part, nous avons déjà adopté ce principe dans le cadre de la loi MAPTAM, au profit des métropoles et des communautés urbaines ; d’autre part, cela permettra de rationaliser le dispositif, décrit tout à l’heure comme composé de 35 000 services publics de l’eau et de l’assainissement, de mutualiser et de développer de l’ingénierie locale, d’optimiser et de créer des synergies. Une telle démarche est fondamentale, tant la politique de l’eau est affectée par les autres politiques que nous menons transversalement, par le biais des EPCI, en matière d’aménagement du territoire, de développement économique et de logement.

Certains affirment que confier cette compétence aux EPCI équivaut à tirer un trait sur les cinquante années de politique de l’eau pratiquée par bassin-versant. En réalité, il n’en est rien : à partir des EPCI, on se structure en syndicats mixtes sur des bassins-versants pertinents qui vont porter des programmes d’action. Ainsi l’agglomération de Saint-Brieuc s’est-elle regroupée avec deux autres communautés de communes afin d’aborder la politique de l’eau à cette échelle pertinente qu’est le bassin-versant, déclinée ensuite sous différentes formes, notamment celle du SAGE. Je suis donc tout à fait favorable à l’idée de recourir aux EPCI, qui me paraît très cohérente.

L’année 2015 est une année exceptionnelle pour l’eau : après le Forum mondial de l’eau qui s’est tenu à Séoul, l’Assemblée générale des Nations unies déterminera, en septembre prochain, l’agenda et fixera des objectifs stratégiques dans le domaine du développement durable pour les quinze prochaines années. Présents lors du Forum mondial de l’eau, Jean Launay et moi-même avons émis des propositions afin que l’eau se trouve au cœur des objectifs que les Nations unies vont fixer prochainement et au centre du programme de la COP21 qui doit se tenir à Paris en fin d’année.

Six principes nous semblent devoir être retenus : permettre un accès universel et équitable de l’eau potable à un coût abordable pour les ménages sur le plan international ; assurer l’accès de tous dans des conditions équitables à des services d’assainissement et d’hygiène adéquats – ce qui est loin d’être acquis dans certaines régions du monde, notamment en Afrique ; améliorer la qualité de l’eau en réduisant la pollution, en diminuant de moitié la proportion d’eaux usées non traitées et en augmentant la proportion de recyclage et de réutilisation des eaux dans un contexte approprié ; accroître la productivité de l’eau – c’est-à-dire faire en sorte qu’une quantité d’eau donnée permette un usage plus important, notamment pour les besoins alimentaires ; mettre en œuvre une gestion intégrée des ressources en eau à tous les niveaux ; enfin, protéger et restaurer les écosystèmes aquatiques, y compris les montagnes, les zones humides et les forêts. Il est important que ces grandes orientations, mises en œuvre en France depuis longtemps et qui peuvent nous paraître banales, soient reprises dans les régions de la planète présentant un retard en la matière – et, de ce point de vue, notre pays doit donner l’exemple.

M. Paul Delduc. Deux mouvements, en apparence contradictoires, sont actuellement perçus. D’un côté, on voudrait que la politique de l’eau soit mieux adaptée au contexte local ; de l’autre, on souhaiterait la simplifier. Pour sa part, le Gouvernement poursuit l’objectif fixé à la fois par la loi MAPTAM et par la loi NOTRe, consistant à affecter clairement aux EPCI les responsabilités relatives à la gestion et à la protection des milieux aquatiques, mais aussi au service public d’eau et d’assainissement, ces responsabilités pouvant ensuite faire l’objet de certains regroupements au moyen des instruments que sont les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) pour la compétence GEMAPI, mais aussi des syndicats mixtes, qui peuvent constituer des solutions transitoires.

En l’état actuel, la diminution du nombre d’acteurs reste une cible fondamentale, notamment pour des raisons d’ingénierie, car ce qui concerne l’eau et sa gestion demande une grande compétence technique. Sur ce point, l’État peut apporter un certain soutien, mais l’ingénierie publique n’est plus ce qu’elle a été dans les années 1960 ; pour mettre en œuvre une ingénierie de qualité, il faut donc que les collectivités puissent disposer de leurs propres capacités.

Pour ce qui est des coûts, les agences de l’eau constituent un système de mutualisation relativement proche du principe « pollueur-payeur », destiné à encourager les investissements nouveaux et les changements de cap. Ce système n’est pas censé durer indéfiniment : il a simplement vocation à faire franchir certaines étapes constituées par la mise en place d’équipements lourds, avant de céder la place au système plus classique de financement par le prix de l’eau, qui doit permettre le fonctionnement courant et le renouvellement des équipements – j’en profite pour souligner l’importance qu’il y a à entretenir le réseau afin de limiter les fuites d’eau traitée, qui coûtent très cher.

Nos concitoyens sont particulièrement sensibles à la question du prix de l’eau. Une mission a été confiée aux services d’inspection afin de mieux comprendre à quoi sont dus les écarts de prix – les réseaux, les modes de gestion, la qualité de la ressource – et de procéder à une analyse fine des modalités de formation des prix, d’où pourront être tirées des solutions. À ce sujet, je rappelle que l’expérimentation en cours sur la tarification sociale regroupe désormais cinquante collectivités.

En ce qui concerne la lutte contre les pesticides, l’assiette de la redevance pour les pollutions diffuses, portant sur la commercialisation des pesticides, a été étendue de façon à renforcer le soutien au programme Écophyto. Le plan Écophyto 2, en cours de consultation publique, vise à favoriser l’évolution des pratiques. L’une des grandes innovations de ce plan réside dans les certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) : créés sur le modèle des certificats d’économies d’énergie (CEE), ils seront décernés aux entreprises qui proposeront des services et de conseils permettant aux agriculteurs de réduire leurs achats de produits phytosanitaires.

S’il est évident que la méthanisation des nitrates présente un intérêt en matière de recherche d’énergies nouvelles – sous certaines conditions, le digestat peut être plus facilement exportable –, elle n’a pas vocation à résoudre à elle seule la question des nitrates.

Pour ce qui est des inquiétudes exprimées par les industriels au sujet de l’évolution de la gouvernance des comités de bassin et des agences de l’eau, je rappelle que la Fédération nationale des travaux publics dispose d’un siège au sein du CNE nouveau : sa représentation y est donc assurée.

M. Bernard Rousseau. La plupart des questions posées portaient sur le petit cycle de l’eau. Il ne faut pourtant pas oublier que nous avons des obligations européennes, résultant notamment de la directive-cadre sur l’eau, qui fixe un objectif de bon état des eaux pour 2015, puis d’autres objectifs pour les années 2016 à 2021.

La première des causes nous empêchant d’atteindre l’objectif de bon état se trouve dans les atteintes à la continuité des cours d’eau, qui se répercute sur la vie des espèces aquatiques et la continuité sédimentaire. Cette cause résulte de ce que nous avons fait par le passé : il existe actuellement environ 70 000 ouvrages de toute nature sur les cours d’eau, qui constituent autant de solutions de continuité, donc d’obstacles potentiels pour les espèces migratrices, et peuvent contribuer à dégrader la qualité des eaux – comme on le sait, les eaux stagnantes se défendent moins bien contre les polluants.

La deuxième grande cause réside dans les pollutions diffuses, qui proviennent essentiellement des nitrates et des produits phytosanitaires – issus de l’industrie chimique, elle-même soumise à des règles pour le rejet de ses propres effluents, et ayant à s’acquitter de redevances auprès des agences de l’eau – et qui sont à l’origine d’une contamination chimique extrêmement importante.

Pour ce qui est des problèmes de continuité, on se heurte à des résistances d’ordre culturel – le poids du passé – ainsi qu’à la difficulté de trouver des maîtres d’ouvrage capables d’agir. Quant à la pollution diffuse, elle est le résultat d’une politique agricole pratiquée de longue date. La politique de l’eau ne saurait donc, à elle seule, résoudre ce problème : certes, elle comporte quelques mesures agroenvironnementales visant à réduire la pollution aux nitrates ou aux produits phytosanitaires, mais ces mesures sont très limitées et ne remettent absolument pas en cause notre modèle de production agricole.

Comme l’a dit Jean Launay, les prélèvements effectués par l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau constituent un véritable détournement du principe selon lequel « l’eau paie l’eau ». Si quelqu’un est d’accord pour payer une redevance à une agence de l’eau, c’est parce qu’il admet que son activité a pour effet de dégrader la qualité de l’eau ; dès lors, utiliser son argent pour tout autre chose que la préservation de l’eau n’a aucune justification au regard du principe « pollueur-payeur » – et le détournement va encore plus loin quand le Conseil des prélèvements obligatoires commence à s’intéresser aux redevances affectées.

La véritable signification du principe « pollueur-payeur », c’est que l’acteur paie en fonction de la dégradation dont il est responsable. Chaque industriel, chaque agriculteur paie en fonction de son activité, tandis qu’une tarification distincte s’applique aux usages domestiques et assimilés. Il n’est donc pas exact de dire que les usagers domestiques s’acquittent de 80 % du montant des redevances : en fait, cette proportion varie en fonction des bassins – ainsi, elle s’élève à 90 % dans le bassin Seine-Normandie, alors que l’on connaît le poids de l’industrie dans cette région. Cela soulève d’autres questions – notamment celle de l’impact des comités de bassin sur les décisions relatives à la redevance, ou encore celle des aides –, qui rejoignent les thématiques liées à la gouvernance.

Bien que je sois un militant associatif très attaché à la biodiversité sous toutes ses formes, je me pose quelques questions quand je vois inscrire dans la loi que les agences de l’eau vont pouvoir financer autre chose que l’eau : tant qu’il s’agit de préserver la biodiversité des milieux aquatiques ou humides, cela ne me pose pas de problème – ni même pour ce qui est de milieux marins, tant ils sont liés aux eaux douces qui s’y déversent –, mais, pour ce qui est de la biodiversité terrestre, je suis dubitatif. Au demeurant, le système des agences de l’eau fonctionne sur la base de redevances affectées, et la logique voudrait donc que l’on soit capable d’inventer des redevances affectées sur la biodiversité terrestre – si ce n’est que le Conseil des prélèvements obligatoires a un mot d’ordre, l’écrêtement des redevances, dont l’application se traduit par une réduction des moyens.

Je conclurai en soulignant un paradoxe : alors que l’on milite pour l’augmentation des moyens alloués aux agences de l’eau, la diminution des moyens de leurs partenaires – notamment les collectivités, les structures et les industriels – pourrait avoir pour conséquence l’impossibilité de mettre à profit les moyens supplémentaires des agences, à moins d’augmenter les taux des aides, par exemple. Comme on le voit, tout ce qui touche à la gouvernance de l’eau est très compliqué, et il est difficile de définir une solution définitive. J’ai chez moi des bibliothèques entières de rapports, dont certains remontent à un demi-siècle : on y disait déjà ce que l’on continue à dire aujourd’hui, ce qui est rien moins qu’inquiétant quant à notre capacité à obtenir des résultats dans ce domaine.

Ne perdons jamais de vue que l’eau potable dont nous disposons ne résulte pas du traitement de l’eau brute provenant des milieux naturels, mais du système de dépollution curatif très performant que nous avons mis en place, et qui coûte très cher. Pour vous répondre, monsieur le président, il serait effectivement logique d’instaurer une redevance sur les nitrates, compte tenu du fait que la France est située dans une zone vulnérable de ce point de vue – mais la question est posée depuis 2006 sans que l’on y ait apporté pour le moment de réponse satisfaisante.

M. Nicolas Chantepy. Depuis leur création, les agences de l’eau s’inspirent du principe « pollueur-payeur » pour la fixation des redevances, mais celles-ci permettent également de financer des programmes d’intervention : tout en continuant de se référer au principe ayant présidé à leur création, les agences ont donc su s’adapter de façon pragmatique.

Parmi les problèmes que suscite leur mode actuel de fonctionnement, je relève le fait qu’elles ne financent pas le renouvellement des réseaux d’eau potable ou d’assainissement, n’ayant pas vocation à se substituer aux collectivités dans l’exercice des responsabilités qui leur incombent.

M. Bertrand Pancher a évoqué l’obligation consistant à investir pour réduire les fuites sur les réseaux d’eau potable, et l’impossibilité de contractualiser à cette fin avec les agriculteurs ou les industriels. Pour ma part, j’insiste sur le fait que, en matière de captage prioritaire, les agences de l’eau ont un objectif essentiel, celui de remettre la collectivité au centre de la discussion sur les objectifs, plutôt que de favoriser un système où des aides des agences ou de l’Union européenne en viennent à exonérer la collectivité de se préoccuper de la qualité de l’eau. Ce mode de fonctionnement présente deux inconvénients : d’une part, plus la taille de la collectivité est réduite, plus il lui est difficile de peser dans la discussion ; d’autre part, en matière de captage, les élus ont parfois un peu de peine à distinguer ce qui relève du code de la santé de ce qui relève du code de l’environnement.

Les projets de méthanisation ont tendance à se multiplier en ce moment, surtout en raison de leur intérêt en matière énergétique. Les agences se rapprochent de l’ADEME pour déterminer ce qui peut être fait dans ce domaine : certes, on ne va pas régler d’un coup le problème de l’azote, mais une meilleure gestion des produits issus du processus de méthanisation peut aussi résoudre certains problèmes relatifs à l’eau – je ne pense pas seulement aux effluents agricoles, mais aussi à ceux des collectivités.

Enfin, la question de l’hydroélectricité a fait l’objet de nombreux débats pour le bassin Rhône-Méditerranée, compte tenu de son fort potentiel hydroélectrique. Des analyses de potentiel hydroélectrique ont été effectuées, dont il ressort que, si l’on équipait tous les cours d’eau du bassin Rhône-Méditerranée, on produirait l’équivalent d’une tranche nucléaire, ce qui est relativement peu au regard des économies d’énergie qui peuvent encore être faites. En fait, le plus efficace consiste à optimiser les installations existantes – en rehaussant les barrages ou en installant des turbines plus performantes, par exemple. Pour ce qui est de l’exploitation de nouvelles ressources, les cours d’eau ont fait l’objet d’un classement permettant de distinguer ceux présentant un grand intérêt environnemental de ceux pouvant donner lieu à la mise en place d’installations hydroélectriques. Aujourd’hui, j’ai tendance à penser que le débat, qui a été âpre, est désormais plutôt derrière nous grâce au classement.

Mme Geneviève Gaillard. Ce n’est pas sûr !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Effectivement, il n’est pas certain que les classements règlent tous les problèmes – c’est d’ailleurs pour débattre de ceux qui subsistent, et tenter de les résoudre, que nous avons élargi à la continuité écologique la mission d’information confiée à Françoise Dubois et Jean-Pierre Vigier. Mon expérience d’élu local m’a appris que les choses pouvaient se révéler extrêmement compliquées, notamment quand on essaie de mettre en place un contrat territorial avec le soutien de l’agence de l’eau : je peux vous assurer que les réunions sur ce thème sont souvent très animées, pour ne pas dire plus.

Je vous remercie, messieurs, d’être venus vous exprimer devant notre commission, et je me félicite de la qualité de nos échanges. Je remercie également les députés présents pour l’implication dont ils font preuve, alors que la session ordinaire touche à sa fin.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 24 juin 2015 à 9 h 45

Présents. – Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Alexis Bachelay, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. David Douillet, M. Christian Jacob, M. Philippe Martin, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan

Assistaient également à la réunion. – Mme Delphine Batho, M. Jean-Pierre Blazy, M. Jean Launay