Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 30 juin 2015

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 58

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition de M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, sur les actions menées par Suez Environnement en faveur du développement durable

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, sur les actions menées par Suez Environnement en faveur du développement durable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous accueillons pour la première fois M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, l’un des plus grands groupes dans le secteur de l’environnement puisqu’il a réalisé, en 2014, un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros – dont environ 35 % en France – et emploie plus de 80 000 salariés – dont 40 % en France.

Le groupe est présent dans ces grands métiers que sont la gestion de l’eau ou le recyclage et la valorisation des déchets ; à ce titre il est un interlocuteur essentiel pour de nombreuses collectivités territoriales – dont de nombreux élus siègent encore au sein de notre commission, ce qui ne sera plus le cas lorsque la loi sur le cumul des mandats entrera en application –, mais également pour le client final.

Vous êtes accompagné, Monsieur Chaussade, de Mme Frédérique Raoult, directrice du développement durable et communication, de Mme Hélène Valade, directrice du développement durable, et de Mme Anne Gourault, directrice déléguée aux relations institutionnelles.

Pour mémoire, je rappelle que nous avions auditionné M. Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia Environnement, le 9 juillet 2013.

M. Jean-Louis Chaussade étant obligé de nous quitter à dix-sept heures trente, je lui cède sans tarder la parole.

M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement. J’ai effectivement rendez-vous, Monsieur le président, avec les premiers ministres français et chinois pour signer un accord relatif à une acquisition en Chine : je vous quitterai donc pour la bonne cause, en l’occurrence celle du développement des entreprises françaises dans ce pays.

Je vous remercie, en tout cas, de me donner l’occasion de vous présenter notre groupe et les défis auxquels il doit faire face. Suez Environnement réalise en effet un peu plus de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires, celui-ci étant divisé à parts égales entre les activités de gestion de l’eau et des déchets. Notre activité se répartit à raison d’un tiers en France, un tiers en Europe et un petit tiers dans les autres pays du monde. Le groupe propose quatre grands types d’expertise : la distribution, le traitement ainsi que l’ingénierie et le conseil dans les métiers de l’eau, et le recyclage et la valorisation des déchets, activité que nous développons également en Europe et à l’international.

Suez Environnement est présent dans soixante-dix pays environ, sur tous les continents : en Australie – dans l’eau et la valorisation des déchets –, avec un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros, en Chine, où ce dernier atteint quelque 1,2 milliard, et en Inde, pour un chiffre d’affaires plus modeste, d’une centaine de millions d’euros – les choses sont en effet moins aisées dans ce pays, mais nous essayons de nous y développer, dans les domaines de l’eau comme des déchets. Le groupe est présent également au Moyen-Orient, au Maghreb et bien entendu en Europe, principalement en France, en Espagne et en Italie pour la gestion de l’eau ; s’agissant de la valorisation des déchets, il est implanté en France, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suède.

Le groupe s’est aussi développé en Amérique du Nord – avec un chiffre d’affaires de l’ordre du milliard d’euros, dans le secteur de l’eau, aux États-Unis – et du Sud, avec environ 700 millions de chiffre d’affaires, au Chili, dans la distribution d’eau.

L’actionnaire de référence du groupe est Engie – ex GDF Suez –, qui détient 34 % de son capital ; viennent ensuite, pour 13 %, les actionnaires institutionnels, au premier rang desquels la Caixa de Barcelone – présence qui se justifie par notre exposition en Espagne et dans les pays latins –, puis CNP Assurances et la Caisse des dépôts et consignations, qui possèdent à elles deux environ 3 % du capital. Pour le reste, celui-ci est détenu par des actionnaires individuels ou salariés – à hauteur, respectivement, de 6,5 % et de 3,5 %. Les cinquante autres pour cent du capital, enfin, sont détenus par des fonds internationaux. Enfin, notre résultat net se montait, l’an dernier, à un peu plus de 400 millions d’euros et notre flux de trésorerie libre – qui conditionne nos capacités d’investissements –, à 1,1 milliard.

Le groupe emploie quelque 80 000 salariés, dont 35 000 en France. Nos effectifs sont restés globalement stables pendant la crise, avant de repartir à la hausse, à hauteur d’environ 2 %, depuis deux ans.

Nous consacrons par ailleurs 74 millions d’euros par an à la recherche et développement, investissement justifié par les innovations toujours plus nombreuses dans nos domaines d’activité. Le groupe emploie, dans son centre de recherche du Pecq, environ cent cinquante chercheurs, mais il a également conclu des partenariats en France comme à l’étranger, notamment en Chine, aux États-Unis ou en Espagne. L’innovation, pour nos métiers en profonde évolution, est évidemment un élément de différenciation majeur.

Avant d’évoquer l’évolution de nos marchés depuis la crise, je veux insister sur l’activité de valorisation des déchets. Il y a seulement dix ans, Suez Environnement n’avait développé cette activité qu’au niveau local, pour la collecte et la mise en décharge ; aujourd’hui l’activité a complètement changé de nature puisque, au-delà de la collecte, nous effectuons aussi des tris, de façon à valoriser les déchets qui en sont issus sous forme, soit de matières premières ou secondaires, soit d’énergie. Suez Environnement est ainsi devenu, en Europe et ailleurs – en Chine, par exemple –, un grand producteur d’énergie.

Comme tout grand groupe international, Suez Environnement dispose d’un centre géographique et historique, en l’occurrence la France, à partir duquel il développe ses activités. Notre pays reste donc, pour le groupe, le cœur des expérimentations et de l’innovation. Reste que le marché français, en particulier, a beaucoup évolué. À l’origine notre groupe était, pour ainsi dire, un fournisseur de solutions pour des collectivités désireuses d’assurer la distribution d’eau vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cette époque est révolue depuis les années 1980 pour la distribution et depuis les années 1990 pour le traitement des eaux résiduelles. Depuis les années 2000, les notions de transparence ou de partage se sont imposées ; si bien que nous avons été conduits, en coopération avec les élus, à modifier la gouvernance de nos 2 600 délégations de service public en France. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour nous rapprocher des parties prenantes, qu’elles le soient comme donneurs d’ordre – telles les collectivités – ou comme utilisateurs. Des tarifications progressives ont ainsi été mises en place afin de répondre à la demande de certains élus ; Suez Environnement a par exemple été un précurseur en matière de tarification sociale à Dunkerque ou à Libourne.

Les sociétés d’économie mixte à opération unique, les SEMOP, constituent par ailleurs une nouvelle forme de partenariat entre le public et le privé, fondée sur la réunion de forces et d’intérêts communs. Reste que les investissements, dans le secteur de l’eau, ont sensiblement baissé depuis 2005 car nous arrivons au terme d’un cycle d’investissements de grande ampleur, consacrés par exemple au remplacement des canalisations en plomb. De mon point de vue, de nouveaux investissements seront nécessaires dans les prochaines années en raison du vieillissement des canalisations et des usines, mais aussi de l’augmentation des « pollutions émergentes », elle-même liée à une concentration urbaine croissante.

Pour faire face à ces problématiques, Suez Environnement a développé un certain nombre de laboratoires dédiés, par exemple, aux recherches sur le plastique, peu recyclé jusqu’à il y a une dizaine d’années compte tenu de la complexité de l’opération. L’économie circulaire de la gestion des plastiques suppose en effet l’étude de la nature de ces produits aux différents stades du cycle : lorsque nous les recevons, lorsque nous les transformons et lorsqu’ils sont livrés aux industriels qui souhaitent les recycler. La méthanisation est un autre grand thème de recherche ; en ce domaine, le développement de la production de biogaz suppose la poursuite des investissements.

Le renforcement de notre indépendance à l’égard d’Engie s’est traduit par les changements de nom, de GDF Suez d’abord et du nôtre ensuite, puisque le groupe s’appellera bientôt « Suez ». Au-delà de ce changement, le point important est l’émergence de la marque unique, plusieurs marques d’origine française – Sita, Lyonnaise des eaux ou Degrémont – ayant cohabité dans un marché mondial qui en comptait une quarantaine. La concurrence internationale et la nécessité d’harmoniser nos savoir-faire ont fini par imposer la marque unique, en vigueur depuis trois mois.

Le changement de nom tient aussi à un changement du paradigme de nos métiers dans les vingt ou trente prochaines années. Le réchauffement climatique, dont il sera notamment question lors de la COP21, se manifestera d’abord dans l’eau : d’ici à 2035 ou 2040, environ 40 % de la population mondiale vivront en effet dans des zones de stress hydrique. Sur ce point, les chiffres ne trompent pas. La Chine représente par exemple 22 % de la population mondiale et 7 % de la ressource en eau ; or la population est essentiellement concentrée à l’est alors que ces ressources le sont à l’ouest. Les ordres de grandeur sont similaires en Inde, qui possède 15 à 16 % de la population mondiale et 4 à 5 % de la ressource en eau. La Californie étant de son côté le grenier des États-Unis pour la production de fruits et légumes, il était prévisible qu’elle manquerait d’eau. Quant au Brésil, la ressource en eau y est abondante mais la population est en passe de devenir majoritairement urbaine – à hauteur de 65 à 70 % d’ici à 2040 –, alors qu’elle était à 50 % urbaine et à 50 % rurale dans les années 2000.

La rareté de la ressource, pour l’eau comme pour l’ensemble des matières premières d’ailleurs, est donc un enjeu majeur ; elle imposera des mutations, y compris au niveau des modes de vie : les matières premières devront être regardées comme des flux et non plus comme des stocks. La quantité disponible, sans être nulle, sera inférieure aux besoins, qu’il faut donc déconnecter de la croissance économique sous peine d’entrer dans un scénario de décroissance que nul ne souhaite.

S’il ne faut sans doute pas attendre de miracles de la COP21, ce rendez-vous permettra au moins de déterminer ce que nous sommes en mesure d’espérer, étant entendu que l’on est désormais sur une hypothèse de réchauffement climatique de 3 à 3,5 degrés – et non plus 2 – d’ici à la fin du siècle. Parmi les mesures correctives envisageables, la fixation d’un prix du carbone est bénéfique pour la régulation des énergies fossiles, mais aussi pour l’économie circulaire car les matières recyclées consomment beaucoup moins d’énergie que les matières vierges.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique traite de l’économie circulaire, réservant d’ailleurs plusieurs dispositions à la valorisation des déchets avec l’objectif, ambitieux, de réduire de 50 % les volumes mis en décharge à l’horizon 2025. Cela suppose des incitations fortes, à travers des recommandations – par exemple la présence obligatoire de 10 % de matières recyclées dans les voitures – ou la fixation d’un prix du carbone. Quant à la biométhanisation, sujet à l’intersection des déchets et de l’eau, nous avons mis en place, en région lyonnaise, une installation qui utilise à la fois les déchets de bois et le bois-déchet pour fournir de la vapeur à une quinzaine d’industriels.

L’international, qui représente un tiers de nos activités, est essentiel à notre développement même si beaucoup reste à faire en Europe : les changements de paradigme dont j’ai parlé requièrent des technologies et des compétences diverses, donc des investissements qui exigent eux-mêmes une consolidation de nos activités. Cependant un nombre croissant de régions, à travers le monde, se trouveront en situation de stress hydrique : l’économie de l’eau, la gestion des ressources et des réseaux, la récupération, le traitement et la réutilisation des eaux résiduelles ainsi que le dessalage sont autant de solutions qui se développent partout dans le monde.

Notre croissance à l’international repose aussi sur la transmission de savoir-faire, que ce soit en Chine, en Inde et dans beaucoup d’autres pays encore. De fait, le savoir-faire français en matière d’environnement est mondialement reconnu. En 2006, avant notre arrivée, 25 % seulement des habitants du grand Alger avaient accès à l’eau vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; huit ans plus tard, c’est toute la population – soit 3,5 millions d’habitants – qui bénéficie de cet accès. C’est là, bien entendu, le fruit d’une coopération entre notre groupe et les autorités algériennes, mais aussi d’un transfert de savoir-faire massif de technologies modernes, pour des investissements somme toute limités.

Suez Environnement développe également, en Europe comme à l’international, de nouveaux services intelligents, en particulier pour la gestion en temps réel de réseaux, de stations ou d’épisodes pluvieux dont on a pu constater la violence, par exemple, dans le bassin méditerranéen. Combinées aux investissements, ces technologies donnent des résultats remarquables. Ainsi la ville de Bordeaux, qui dispose de l’un des systèmes de gestion en temps réel les plus performants d’Europe, n’a plus connu d’inondations depuis quinze ans. Ce système est en passe d’être installé à Paris, où la moitié des eaux résiduelles retombent dans la Seine sans être traitées, ce qui pose bien entendu de gros problèmes de pollution. Le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a réalisé des travaux considérables pour stopper l’arrivée de ces eaux dans la Seine. Nous développons le même projet à Marseille et envisageons de le faire à Singapour et à Hong-Kong.

Les relations avec les pouvoirs publics étant évidemment essentielles dans nos métiers, je serai heureux de répondre à vos questions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci, Monsieur le directeur général. Nous allons d’abord entendre les porte-parole des groupes ; puis je donnerai la parole aux orateurs inscrits.

M. Christophe Bouillon. Suez Environnement, le président Chanteguet l’a rappelé, est un acteur majeur de l’environnement, notamment pour la gestion de l’eau et l’économie circulaire ; il joue donc un rôle essentiel dans la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique. Il est aussi, grâce à son savoir-faire reconnu par les collectivités et à l’international, au cœur des enjeux environnementaux, et est l’un des artisans français de la ville durable, y compris à l’extérieur de nos frontières, que ce soit en Chine, au Brésil ou en Afrique.

Vous avez aussi insisté, Monsieur le directeur général, sur l’innovation, qu’il s’agisse de la valorisation des matières premières et secondaires, de la production de bioplastiques, de l’extraction de biogaz des déchets industriels et agricoles ou du dessalement des eaux. Tous les ans, votre groupe publie aussi un rapport sur le développement durable et se fait auditer par des organismes tiers.

Cependant, plusieurs sondages le montrent, les Français doutent de la volonté, sinon de la bonne foi des grands groupes en matière de lutte contre le réchauffement climatique ; aussi mes questions vous permettront-elles de réduire ce fossé avec l’opinion. La feuille de route que vous avez tracée pour 2012-2016 en matière de développement durable s’articule selon trois priorités : la performance économique et environnementale ; le développement des talents de vos salariés ; la co-construction avec les clients et les territoires. Quel bilan, à ce stade, tirez-vous de cette feuille de route ? Sur quels indicateurs vous êtes-vous fondé ? Comment garantir la transparence des évaluations ?

Votre groupe, disais-je, est au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement de l’économie circulaire. Vous avez pris à cet égard des initiatives dont nous pouvons nous féliciter. Suez Environnement est ainsi un sponsor de la COP21 ; il a aussi créé un fonds, dit « Suez environnement initiatives », visant à financer, notamment, l’accès à l’eau potable dans les pays en développement. Pourriez-vous nous en dire plus sur les montants financiers, la gouvernance et le fonctionnement de ce fonds ? Avez-vous mis en place des dispositifs d’évaluation, conclu de partenariats avec des organisations non gouvernementales (ONG) et prévu un contrôle externe ?

Enfin, notre assemblée a récemment examiné une proposition de loi tendant à responsabiliser les grandes entreprises sur leurs activités, qu’il s’agisse de leur production ou de leurs sous-traitants. Ce texte exige en particulier, de la part de ces dernières, l’établissement d’un plan de vigilance opposable, incluant des éléments de responsabilité sociale et environnementale (RSE). En outre, l’entreprise devrait réparer tout dégât social ou environnemental causé par ses activités. Comment votre groupe a-t-il accueilli ce texte ? Comment anticipe-t-il la montée en puissance d’une RSE plus contraignante et juridiquement opposable ? En ce domaine, les attentes des ONG, des acteurs publics et de nos concitoyens sont fortes.

M. Gérard Menuel. Suez Environnement est un groupe important par son chiffre d’affaires comme par son rayonnement à l’international ; il est présent, vous l’avez rappelé, en Europe, en Chine, au Moyen-Orient, en Amérique et au Maghreb. Pourquoi ne l’est-il pas en Afrique noire, dont tous les pays, pour ainsi dire, connaissent des problèmes d’accès à l’eau ? Le problème tient-il à des difficultés dans les relations avec ces pays ? Ceux-ci ne s’engagent-ils pas suffisamment sur le plan financier ? La coopération Nord-Sud est-elle au point mort en ce domaine ?

M. Yannick Favennec. Vous n’avez pas parlé des océans, qui, outre qu’ils jouent un rôle majeur pour l’équilibre de notre planète, représentent une richesse indispensable pour l’homme. Malgré cela, ils sont malmenés par la pollution, la surpêche, l’acidification et le réchauffement climatique. La Journée mondiale de l’océan, organisée tous les ans le 8 juin, est une occasion unique de rappeler ce rôle, de prendre conscience des menaces et, par conséquent, de se mobiliser. Quels projets et quelles solutions, s’il en existe, votre groupe développe-t-il pour préserver la ressource océanique et lutter contre la pollution en mer comme sur le littoral ?

M. Olivier Falorni. Alors que la Commission de l’environnement du Parlement européen a récemment adopté un rapport sur l’économie circulaire qui appelle à des objectifs contraignants en matière d’efficacité énergétique et de réduction des déchets à la source, une étude estime que le potentiel de création d’emplois de ce secteur n’en est qu’à ses débuts. Les produits plus durables, réutilisables et recyclables, sont aussi ceux qui mobilisent le plus de main-d’œuvre. Selon l’Institut de l’économie circulaire, qui a mené cette étude, ce sont près de 600 000 personnes en France qui travaillent déjà dans le secteur.

L’économie circulaire constitue donc un changement de paradigme : il s’agit de passer d’une économie linéaire, qui a atteint ses limites, à une économie circulaire fondée sur la diminution de la consommation des ressources, sur la réutilisation des produits et sur le recyclage des déchets. Vous avez engagé votre entreprise dans un processus de transformation afin de l’adapter à ce nouveau modèle économique. Vous évoquiez la fin de la simple collecte des déchets et de la seule distribution de l’eau au profit de la protection et de la gestion des ressources, ainsi que de la réduction des émissions de C02.

La nouvelle unité de Faulquemont, en Moselle, marque à mon sens une étape concrète dans la transition énergétique. La valorisation des biodéchets en nouvelles ressources organiques et énergétiques permet aux agriculteurs locaux de les réutiliser comme matières fertilisantes et compost, mais aussi de réutiliser localement l’énergie produite en lieu et place d’énergies fossiles.

Par le fait, les collectivités territoriales doivent devenir des acteurs majeurs de la transition énergétique, qu’il s’agisse de l’efficacité énergétique ou de la maîtrise des consommations. Une infrastructure comme celle de Faulquemont est-elle reproductible à différentes échelles ? Cela permettrait aux communes, quelle que soit leur taille, de mettre en œuvre des solutions collectives en matière de chaleur et de climatisation, souvent plus économes en énergie et plus propices à l’usage de la biomasse.

Enfin, s’agissant encore de la méthanisation, votre entreprise envisage-t-elle d’autres valorisations du biogaz issu des bio-déchets de l’industrie, des stations d’épuration ou des restaurants scolaires, comme le biométhane ou la production de carburant ?

Selon le Conseil général de l’environnement et du développement durable, une hausse à court terme de 5 millions de tonnes des déchets recyclés créerait plus de 3 000 emplois à plein-temps, alors que l’automatisation des centres de tri, elle, pourrait en supprimer jusqu’à 5 000.

D’autre part, l’étude que j’évoquais indique qu’une réduction substantielle de notre consommation en ressources naturelles permettrait de créer de 200 000 à 400 000 emplois en plus des 600 000 actuels. Cette étude est complétée par celle de Morgan et Mitchell, publiée cette année, qui estime qu’au Royaume-Uni, un scénario dit « de transformation », sur la base d’un taux de recyclage global de 85 %, d’un taux de récupération de 50 % pour les produits électroniques et les équipements, et une extension importante du secteur du réemploi et de la réutilisation, se traduirait par la création de 517 000 emplois d’ici à 2030. Si l’on extrapole ce scénario à la France, ce sont 440 000 emplois qui seraient créés. Votre groupe s’inscrit-il dans cette perspective plutôt réjouissante au vu de la qualité des emplois visés, qui ne sont pas délocalisables ? Dans l’affirmative, quelle stratégie à long terme développeriez-vous ?

Mme Suzanne Tallard. Le ministère de l’économie n’est guère favorable au développement du tri mécano-biologique. Abandonnez-vous cette voie ou cherchez-vous à développer de nouvelles technologies ?

L’impact environnemental des pays en voie de développement est amené à augmenter fortement au cours des prochaines années. Or votre groupe cherche à intensifier sa présence au sein ces pays : quel type de partenariats envisagez-vous de conclure avec eux en faveur de l’environnement ? Consentez-vous en particulier des avantages tarifaires afin de rendre vos savoir-faire accessibles ?

Enfin, les nouvelles technologies de l’information, notamment en ce qu’elles permettent la collecte et l’utilisation de données de plus en plus nombreuses et précises, deviennent un maillon essentiel de la gestion des réseaux que vous exploitez. Quels bénéfices environnementaux peut-on en attendre ?

M. Jean-Pierre Vigier. Engie, et sans doute, j’imagine, Suez Environnement, travaillent avec France Nature Environnement sur la préservation des milieux naturels et de la biodiversité en France : il s’agit, en particulier, d’étudier vos contributions possibles aux continuités écologiques, ainsi que de développer des outils de sensibilisation à la biodiversité.

Co-rapporteur de la mission d’information parlementaire sur les continuités écologiques, j’aimerais savoir où en sont vos réflexions et quelles actions concrètes vous envisagez dans ce domaine.

M. Florent Boudié. Libourne, que vous avez citée, Monsieur le directeur général, fait partie de ma circonscription, et je suis très heureux d’avoir fait partie de ceux qui ont négocié le fameux contrat qui a mis en place une tarification progressive – les quinze premiers mètres cubes sont gratuits, ce qui permet de distinguer l’eau vitale de l’eau de confort. Les discussions ont été longues, pointilleuses, mais le résultat est bon.

La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) s’inquiète du sous-investissement dans nos réseaux d’eau, tant en ce qui concerne l’eau potable que l’assainissement. Vous avez vous aussi mentionné ce phénomène. Constatez-vous déjà des effets de ce sous-investissement ? Il faut bien reconnaître que la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales ne nous facilite pas la tâche : ne faudrait-il pas inventer de nouveaux modèles de financement réunissant financements publics et privés ?

M. Guillaume Chevrollier. Suez Environnement est au cœur de l’économie circulaire et de la transition énergétique. Le taux de recyclage des déchets est aujourd’hui de 52 %, l’objectif étant d’atteindre 60 % en 2025 : cela vous paraît-il réaliste ?

Quel regard portez-vous sur le fonctionnement des différentes filières de responsabilité élargie du producteur (REP) ?

Vous avez parlé du nécessaire développement de la méthanisation : aujourd’hui, ces projets sont difficiles à faire accepter sur le terrain. Quelles solutions préconisez-vous ?

M. Christophe Priou. À la suite de Yannick Favennec, je voudrais évoquer la question de la mer et des océans. Vous êtes, je crois, associés à quatre ONG engagées dans la protection des écosystèmes marins sur les cinq continents ; vous soutenez notamment le projet OSPAR de quantification et qualification des déchets sur les littoraux européens. Où en est ce projet ?

C’est également sous les couleurs de Suez Environnement que l’expédition Septième Continent est déjà partie pour l’Atlantique et que l’expédition MED se lancera tout prochainement dans les eaux de la Méditerranée.

Le projet « Industrie du futur » lancé par le Gouvernement comporte un volet sur la gestion plus intelligente des réseaux d’eau et d’énergie : pouvez-vous nous préciser de quoi il s’agit ?

Une grande partie de la population mondiale vit sur les littoraux : la technologie de dessalement de l’eau de mer sera donc cruciale à l’avenir. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet, nous donner peut-être un calendrier ?

M. Yves Albarello. J’ai été amené, comme maire, à me préoccuper d’assainissement. J’ai donc construit une station d’épuration peut-être encore aujourd’hui révolutionnaire, puisqu’elle rejette dans le milieu naturel une eau de qualité de baignade – vous la connaissez sans doute, même si elle a été construite par votre concurrent principal. Toutefois, si cette station remplit son office, elle est très consommatrice d’énergie : des progrès ont-ils été réalisés pour que ces stations puissent devenir moins énergivores ?

Dès lors que cette station rejette une eau de qualité de baignade, je souligne d’ailleurs que cette eau pourrait être réutilisée, et devrait même l’être en raison de la rareté de la ressource naturelle. Or, aujourd’hui, ce n’est pas légalement possible.

D’autre part, vous avez cité un système d’alerte pour les phénomènes pluviométriques intenses : je serais très curieux de savoir comment cela fonctionne.

M. Laurent Furst. Suez Environnement est un acteur très important dans le secteur de l’épuration en France. Dans notre pays, la consommation de médicaments, et notamment d’antibiotiques, est particulièrement élevée ; or ces produits ne sont pas traités par les stations d’épuration, et lorsqu’ils arrivent dans nos cours d’eau ils provoquent par exemple des migrations sexuelles de poissons. La recherche sur ce sujet avance-t-elle ? Les stations d’épuration seront-elles plus performantes demain ? C’est là un grand enjeu environnemental, trop souvent oublié.

De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, les stations d’épuration sont en général couvertes d’un dôme où l’on fait de la méthanisation ; en France, c’est beaucoup plus rare : y a-t-il là un marché potentiel ? N’y a-t-il pas là une véritable opportunité énergétique pour notre pays ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Comme Christophe Bouillon l’a déjà souligné, il existe dans notre pays – chez les décideurs comme chez les consommateurs – une forte méfiance vis-à-vis des grands groupes de distribution d’eau, qui ont fait dans le passé des profits énormes. Certaines collectivités territoriales ont d’ailleurs fini par reprendre la main. Quant aux consommateurs, ils constatent l’absence de transparence sur les prix, qui peuvent varier du simple à plus du triple. Quelles sont vos réponses à ces sentiments ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le directeur général, quelles sont les orientations principales de votre recherche ?

Certaines collectivités territoriales ont, pour la collecte et du traitement des déchets, mis en place une taxation incitative. Quel bilan peut-on en dresser ?

Vous traitez les déchets ménagers, mais aussi industriels. Envisagez-vous de vous intéresser aux déchets radioactifs et au démantèlement de centrales nucléaires ?

M. Jean-Louis Chaussade. Merci de toutes ces questions, auxquelles vous me pardonnerez de répondre de façon très synthétique, puisque je vais devoir partir assez vite.

Je commencerai ce que vous avez appelé, Madame la députée, la méfiance du public. Tout d’abord, il n’y a pas de super-profits : la marge nette de Suez Environnement dans le domaine de l’eau a varié, suivant les années, entre 4 % et 6 à 7 %. Nous avons correctement vécu, mais c’est tout.

Quant au prix de l’eau, il est en moyenne en France de 3,40 euros par mètre cube – la moyenne européenne étant de 3,50 euros. Il faut souligner que les prix chez beaucoup de nos voisins, surtout au nord, sont très largement supérieurs : en Allemagne, les prix sont plutôt de 4,5 à 6 euros par mètre cube, aux Pays-Bas plutôt de 6 euros. Les prix français sont donc relativement raisonnables ; ils sont supérieurs aux prix espagnols et italiens, mais la qualité des infrastructures et de l’eau n’est pas du tout la même ! Les Italiens, en particulier, ont devant eux d’énormes investissements dans ce domaine.

Les variations sur notre territoire s’expliquent de façon rationnelle, d’abord par la diversité des modes de financement – certains investissements ont été financés par l’impôt, d’autres par l’investissement privé, ce qui se reflète dans les prix –, mais aussi par l’état des ressources, la nécessité éventuellement de traiter l’eau, de la transporter… Enfin, dans les zones plus denses, le prix sera plutôt plus faible.

Il est plus facile pour nous, entreprise privée, je le souligne, de discuter avec de grandes agglomérations, ou en tout cas avec de grands syndicats techniquement bien armés, et à même de mutualiser les moyens et les investissements. Cela permet en outre d’homogénéiser le prix au moins pour une agglomération : il est effectivement difficile d’expliquer au consommateur de fortes variations de prix entre des communes très proches. J’ai mentionné le chiffre de 2 600 contrats, mais 80 % de notre chiffre d’affaires doit reposer sur une cinquantaine ou une soixantaine d’entre eux seulement : le reste est donc extrêmement dispersé, ce qui signifie pour nous des profits beaucoup plus faibles, voire des pertes.

Quant aux océans, nous sommes associés à la journée du 8 juin que vous avez mentionnée, Monsieur le député. Les océans constituent pour nous un sujet d’étude tout à fait essentiel. Cela commence par l’analyse des phénomènes qui s’y déroulent : nous analysons ainsi l’eau des plages, afin de pouvoir chacun matin, en quelques minutes et au pire en quelques heures, dire si les gens peuvent ou pas se baigner.

Il faut être conscient que la quasi-totalité de la pollution des océans vient de la terre : l’empêcher d’y arriver est donc la première chose à faire. Il faut ramasser, collecter, traiter, toutes tâches que nous connaissons bien. Ainsi, les plastiques que l’on trouve dans l’océan sont la plupart du temps le résultat du lessivage des côtes par des pluies intenses, qui emmènent tout sur leur passage : un plastique jeté dans la rue, s’il n’est pas arrêté par les stations d’épuration, finit le plus souvent à la mer.

Nous menons des études très intéressantes sur les fibres – sujet dont on parle beaucoup dans le cadre des discussions sur la biodiversité. Nous nous sommes aperçus que nous produisons 200 000 fibres par habitant et par jour, notamment en utilisant nos machines à laver, qui effilochent les vêtements. Ces microfibres passent dans l’eau, dans les tuyaux, et la petite partie d’entre elles qui ne sont pas arrêtées par les stations d’épuration finissent à l’eau où elles empoisonnent le monde marin. Il faut donc les étudier, les identifier, les traiter : ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons.

Vous m’interrogez, Monsieur le député, sur les systèmes que nous mettons en place pour prévenir les débordements et les inondations. C’est un sujet majeur si l’on veut éviter que les plastiques, comme toutes sortes de sources de pollution, se retrouvent dans les mers. Vous me demandez comment cela fonctionne : puisque la météo nous permet maintenant de savoir trois à quatre heures à l’avance où il va pleuvoir, nos équipes peuvent gérer en continu, et en temps réel, le réseau et les réservoirs. Ainsi, si une pluie intense est prévue, on peut vider un réservoir que l’on veut voir remplir. Des systèmes experts permettent en outre d’utiliser les expériences précédentes. Tout cela permet d’éviter au maximum les débordements, qui sont catastrophiques pour la pollution des océans.

M. Yves Albarello. Vous devriez aller voir Aéroports de Paris, qui dispose d’immenses réservoirs aux abords des pistes de Roissy : Mitry et Claye-Souilly ont connu en l’an 2000 de très importantes inondations ! Vous pourriez certainement les aider.

M. Jean-Louis Chaussade. Nous n’y manquerons pas, Monsieur le député.

Je voudrais également insister sur la méthanisation. Je crois profondément que c’est une technique d’avenir ; mais il faut avoir les idées claires sur ses enjeux. Il y a plusieurs façons de produire du méthane : d’abord, vous pouvez mettre des tuyaux sur une décharge...

M. Yves Albarello. Il faut parler de centre d’enfouissement technique, vous qui êtes du métier, vous devriez le savoir ! (Murmures)

M. Jean-Louis Chaussade. Vous avez raison, c’est le terme exact. Aujourd’hui, ces centres d’enfouissement technique sont presque tous équipés pour produire du méthane. De la même façon, les grandes stations d’épuration sont presque toutes équipées de systèmes de méthanisation, et celles qui ne le sont pas devraient l’être.

Nous disposons, pour les déchets urbains, d’une usine à Montpellier – il nous a fallu du temps pour la mettre au point, mais aujourd’hui, elle fonctionne bien. La méthanisation agricole est beaucoup plus complexe : l’agriculture est rythmée par les saisons, et les déchets varient donc énormément suivant les périodes, ce qui nous complique la tâche. En Allemagne, cela fonctionne, mais ils ont résolu le problème de façon simple : ils méthanisent du maïs. Ce n’est pas, très franchement, la recommandation que je ferais !

Que faire, ensuite, du méthane produit ? C’est la vraie question. Historiquement, on a plutôt produit de l’énergie électrique, pour réduire par exemple la consommation des stations d’épuration. Mais le rendement est très faible, et nous ferions bien mieux, à mon sens, d’alimenter le réseau de gaz naturel, c’est-à-dire d’utiliser le méthane plutôt pour produire de la chaleur. Nous travaillons sur ces sujets : ainsi, à Strasbourg, nous produisons, à partir des eaux usées, du biométhane qui est ensuite injecté dans le réseau de gaz naturel. D’autres opérations similaires se préparent.

Vous me demandez pourquoi nous ne sommes pas présents en Afrique noire. L’Afrique est indiscutablement le continent de demain, et nous ne pouvons pas la laisser de côté. Nous cherchons à nous y implanter, mais c’est relativement difficile : nos métiers demandent des investissements à long terme, donc des pays sûrs et dont la gouvernance est stable, raisonnable. De plus, nous devons être payés en monnaie locale. Mais nous étudions toutes les possibilités qui s’offrent, et nous accompagnons par exemple les grands organismes internationaux.

S’agissant du « plan de vigilance » des entreprises et de leur responsabilité, nous sommes d’habitude plutôt des apporteurs de solutions, et à ce titre peu concernés. Les entreprises que je connais sont globalement assez responsables, et il faut à notre sens éviter un surcontrôle, un excès de réglementation qui nous pénaliserait par rapport à nos concurrents.

Je veux souligner qu’en matière de santé et de sécurité au travail, les normes, comme les objectifs, sont les mêmes chez nous partout dans le monde. Toutes nos business units doivent progresser, sans quoi leurs managers sont pénalisés. Nos actions en faveur du développement durable comportent un volet sur l’égalité entre hommes et femmes : cela concerne l’ensemble de nos activités, sur toute la planète. C’est, je ne vous le cache pas, plus difficile à mettre en place au Maroc qu’en France, mais ce n’est pas forcément facile en Espagne… De même, nous menons des actions en faveur des seniors, ou encore sur le thème du handicap ou de l’insertion. Sur tous ces sujets, nous avons mis en place des indicateurs, à l’échelle du groupe et à l’échelle de chaque pays, et ces indicateurs progressent.

Pourquoi ne peut-on pas réutiliser l’eau des stations d’épuration ? Car, vous avez raison, c’est légalement impossible. La France étant un pays généralement très bien arrosé, la réutilisation des eaux résiduaires traitées pour l’irrigation ou l’agriculture n’est de toute façon pas indispensable. Mais il faut surtout comprendre que nos métiers – en France comme ailleurs en Europe – sont nés dans les années 1880, après des épidémies qui ont coûté la vie à des milliers de personnes, notamment en ville. Nous partageons donc tous l’idée que l’eau potable doit être d’une qualité extrêmement bonne, et qu’il faut absolument éviter tout contact entre l’eau potable et l’eau résiduaire. Tout ce qui pourrait compromettre la qualité de l’eau et affecter la santé est interdit, par précaution.

Nous avons en ce moment des discussions qui devraient mener à l’autorisation d’utiliser l’eau résiduaire traitée dans certains cas, par exemple l’irrigation d’arbres fruitiers – puisqu’il n’y a aucun contact entre l’eau traitée et le fruit. Nous espérons avoir l’autorisation de lancer des essais avant la fin de cette année. Mais cela reste, dans notre pays, un sujet très sensible.

Je n’ai pas l’intention, Monsieur le président, de me lancer dans la déconstruction des parties chaudes des centrales nucléaires – c’est plutôt le métier d’EDF, d’Areva, d’Engie, que le nôtre. Nous sommes intéressés par certaines tâches que je qualifierai de périphériques : la dépollution, par exemple, de sols pollués au mercure – sujet sur lequel nous travaillons déjà avec Areva et EDF. Nous participerons très certainement à la déconstruction de parties froides de certaines centrales nucléaires, qui sera quelque chose de très important.

S’agissant du sous-investissement dans les réseaux, je vous ai dit ma conviction profonde : si, après les deux grands cycles d’investissement du XXe siècle, nous cessons d’investir, alors nous allons au-devant de graves ennuis. Une question a été posée sur les médicaments et les perturbateurs endocriniens. Ces pollutions dont nous ne connaissons pas les conséquences pour la santé de nos concitoyens constituent un problème sérieux, qu’il faut prendre à bras-le-corps. Il faut commencer par absorber moins de médicaments et par en jeter moins ; il faudra aussi mettre au point des traitements – bactériologiques ou chimiques –, ce que nous nous efforçons de faire.

S’agissant enfin de nos grandes orientations en matière de recherche, je citerai quelques grands enjeux.

Le dessalement de l’eau doit devenir vraiment universel et, pour cela, il faut diminuer la consommation énergétique de la production d’eau potable à partir d’eau salée. Pour dessaler l’eau de mer par osmose inverse, il faut une pression de 80 bars environ, ce qui est extrêmement énergivore. Énormément d’efforts ont été faits au cours des vingt-cinq dernières années : nous sommes passés de 15 à 2 kilowatts par mètre cube. Une baisse supplémentaire d’un tiers de la consommation d’énergie permettrait de rendre le dessalement accessible vraiment à toute la planète ; nous y travaillons. Cela peut durer cinq, dix, quinze, vingt ans, mais il peut aussi y avoir des ruptures. J’estime qu’il faut que nous soyons présents dans ce domaine.

Un autre axe très fort concerne les plastiques. C’est un domaine dont vous n’imaginez pas la difficulté… Très facile à produire, le plastique est très difficile à recycler. Cette petite bouteille d’eau que j’ai devant moi comprend déjà trois composants : le bouchon, sans doute un PEHD, le corps de la bouteille lui-même, sans doute du PET, et du papier pour l’étiquette. Et puis il y a des couleurs différentes, toutes les bouteilles ne sont pas conçues de la même façon… et quand cela arrive chez nous, tout est mélangé ! Il faut donc trier. De plus, beaucoup de nos clients demandent du plastique blanc, alors que les plastiques sont par nature colorés : nous faisons ainsi des recherches sur le blanchiment des plastiques, afin d’arriver à une réutilisation intelligente et, surtout, qui permette de créer de la valeur.

C’est en effet par là que je voudrais terminer. Beaucoup de questions portaient sur l’économie circulaire : celle-ci ne peut pas fonctionner si les filières qui sont mises en place ne sont pas rentables, ou si les variations du prix des matières premières vierges sont telles que des installations qui demandent des investissements importants – 50, 100 millions – perdent de l’argent dès leur ouverture. Il y a un problème technologique – nous devons améliorer nos installations pour traiter et trier de mieux en mieux. Il y a aussi un problème normatif – il faut définir les usages autorisés des plastiques recyclés. Mais il faut surtout déconnecter le prix de ces matières secondaires du prix des matières premières vierges. C’est pour ces raisons qu’il faudrait, comme je le disais, donner un prix au carbone : c’est un bon moyen, parmi d’autres, d’arriver à ce résultat.

Je vous renouvelle mes excuses : je dois maintenant partir. Mais je serai tout à fait ravi de vous recevoir dans nos laboratoires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour les précisions que vous avez apportées.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 30 juin 2015 à 16 h 15

Présents. – Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Alain Leboeuf, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville