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Mercredi 8 juillet 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 60

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de M. Frédéric Saint-Geours, candidat à la présidence du conseil de surveillance de la SNCF ; audition de M. Guillaume Pepy, candidat à la présidence du directoire de la SNCF ; audition de M. Jacques Rapoport, candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF

Votes sur les nominations

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Frédéric Saint-Geours, candidat à la présidence du conseil de surveillance de la SNCF ; M. Guillaume Pepy, candidat à la présidence du directoire de la SNCF ; M. Jacques Rapoport, candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui est un peu particulière car il nous appartient, en application de l’article 13 de la Constitution, d’auditionner trois candidats dont les nominations sont envisagées par le Président de la République : M. Frédéric Saint-Geours, à la présidence du conseil de surveillance de la SNCF, M.  Guillaume Pepy, à la présidence du directoire de la SNCF, et M. Jacques Rapoport, à la présidence déléguée du directoire de la SNCF.

J’ai écrit aux responsables des groupes politiques pour leur présenter les modalités de déroulement de notre réunion.

Si, compte tenu de la logique d’ensemble liée à la réforme ferroviaire, nous auditionnons les trois candidats au cours d’une même réunion, toutefois, afin de répondre aux exigences constitutionnelles, il s’agira de trois exercices afin de dissiper toute ambiguïté. Au cours de trois séquences successives, chaque candidat fera un exposé liminaire de dix minutes à l’issue duquel s’ouvrira une série de questions brèves auxquelles il répondra avant que ne s’ouvre la séquence suivante.

Afin de ne pas multiplier les interventions des groupes politiques, leurs responsables n’interviendront que deux minutes au maximum à la suite de chaque exposé liminaire.

Je vous demanderai de réserver à chaque candidat les questions qui relèvent de sa compétence et, en conséquence, de ne pas poser toutes les questions lors de la première partie de la réunion.

Nous pourrions réserver la fin de celle-ci aux réponses des candidats aux questions transversales auxquelles plusieurs d’entre eux souhaiteraient répondre.

Je rappelle que la loi organique du 23 juillet 2010 a dressé la liste des cinquante et un emplois pourvus par le Président de la République et que, parmi ceux-ci, seize doivent faire l’objet d’un avis préalable de notre commission. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Les auditions successives de ce matin seront donc suivies de trois votes à scrutin secret, pour lesquels aucune délégation de vote n’est possible et qui seront effectués par appel nominal.

La Commission du développement durable du Sénat auditionnant les candidats demain, le dépouillement aura lieu ultérieurement.

J’appelle chacun des parlementaires à la discipline.

M. Frédéric Saint-Geours, candidat à la présidence du conseil de surveillance de la SNCF. Comme c’est la première fois que je me présente devant vous, je vous rappellerai succinctement mon parcours professionnel.

Après quinze années dans la fonction publique, passées successivement au ministère des finances, au cabinet du ministre de l’équipement et des transports, au cabinet du Président de l’Assemblée nationale et comme directeur du cabinet du secrétaire d’État au budget, je suis entré au sein du groupe PSA Peugeot-Citroën, où j’ai exercé notamment les fonctions de directeur financier, de directeur général de Peugeot et de membre du directoire.

J’ai également été élu président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) fin 2007, où j’ai remis tout à plat en termes de gouvernance, de processus de décision et de transparence financière pour en faire une organisation professionnelle moderne et ouverte au dialogue social.

Les problématiques industrielles, commerciales, financières et sociales ont donc été mon lot et j’ai vécu pendant plus de dix ans une gouvernance « conseil de surveillance-directoire », il est vrai du côté du directoire.

Je tiens à souligner dans mon propos liminaire les ambitions du système ferroviaire, le rôle, à mes yeux, du conseil de surveillance, et les enjeux de moyen terme pour le groupe public ferroviaire.

De mon point de vue, la loi du 4 août 2014 et les textes qui s’en sont suivis créent les conditions d’une évolution favorable du système ferroviaire français, pour trois raisons principales.

La nouvelle organisation du groupe public ferroviaire est tout d’abord synonyme de simplification et d’efficacité. Par exemple, là où les relations entre le gestionnaire d’infrastructure et la SNCF créaient des situations contre-productives et handicapantes, y compris pour les parties prenantes locales, la constitution de SNCF Réseau en gestionnaire d’infrastructure unique et intégré, la gestion immobilière désormais unifiée et la constitution de centres de services partagés permettent, dans ces domaines, une action rationnelle, efficace parce qu’intégrée, et simple.

La deuxième raison principale de l’amélioration du système ferroviaire est la visibilité à moyen terme offerte par les contrats décennaux entre l’État et le groupe public ferroviaire : cette visibilité est favorable à la performance industrielle et à la constitution d’un véritable écosystème ferroviaire en France. En effet, seule une visibilité sur cinq à dix ans permet la transformation en profondeur des process de production, que ce soit pour les infrastructures ou pour les services rendus au client. Il en est de même pour l’adaptation des compétences et des savoir-faire à ces nouveaux process et aux nouvelles technologies. Cette visibilité à moyen terme permettra également de développer dans la durée des partenariats entre le groupe public ferroviaire et les autres entreprises de la filière ferroviaire ainsi qu’entre entreprises de la filière. C’est vrai aussi bien pour le marketing que pour les matériels et pour les travaux. Cette constitution progressive d’un écosystème innovant et performant est un atout supplémentaire pour une projection du ferroviaire français à l’international.

Enfin, cette performance retrouvée sera au service de toutes les parties prenantes grâce à l’amélioration de la disponibilité des infrastructures à la fois en coût et en qualité. Les clients, les chargeurs, les autorités organisatrices et la collectivité publique dans son ensemble bénéficieront d’une meilleure sécurité et d’une disponibilité de sillons optimisée et plus sûre dans le cadre de la maîtrise financière du groupe public ferroviaire.

S’agissant des rôles que le conseil de surveillance doit jouer pour contribuer à la réalisation de telles ambitions pour le système ferroviaire, je tiens tout d’abord à souligner ce qu’il n’est pas. Le conseil de surveillance n’est pas un organe extérieur au groupe public ferroviaire : il fait partie de la gouvernance interne du groupe SNCF. Il n’est pas non plus un organe de management opérationnel : celui-ci relève exclusivement du directoire. Ces précisions sont importantes pour apprécier les rôles que le conseil de surveillance doit jouer. J’en identifie trois principaux.

Le premier est celui que vous lui avez donné dans la loi : le conseil de surveillance décide des grandes orientations stratégiques, économiques, sociales et techniques du groupe public ferroviaire et, bien sûr, assure le contrôle de leur mise en œuvre.

Son deuxième rôle est d’être l’interlocuteur interactif entre les pouvoirs publics et le groupe SNCF. Le conseil est porteur, à la fois, des messages des pouvoirs publics, notamment de l’État vers le groupe SNCF, et des messages du groupe vers les pouvoirs publics. Dans la phase d’élaboration des contrats décennaux, ce rôle est évidemment essentiel.

Il joue, enfin, tout simplement un rôle de conseiller du directoire en étant à la disposition de celui-ci pour l’aider dans sa réflexion sur les grandes options du groupe. Il est là comme force de proposition pour aider au développement du groupe public ferroviaire.

Si vous regardez la composition du conseil de surveillance et les personnalités qui ont été choisies par vous comme par les autres parties prenantes, la cohérence avec ces trois rôles est assurée.

Les enjeux de moyen terme pour le groupe public ferroviaire sont également au nombre de trois.

Le premier est la sécurité – la sécurité d’abord et avant tout, serais-je tenté de dire. L’atteinte et le maintien du plus haut niveau de sécurité pour nos clients et nos collaborateurs est la première des priorités, ce qui implique une action déterminée et coordonnée de la part de SNCF Réseau et SNCF Mobilités, qui restent les seuls détenteurs des titres de sécurité attachés à leur activité. La sécurité ferroviaire n’est jamais un acquis. La vigilance et la culture de l’amélioration permanente sont de rigueur en ce domaine : les principes de management doivent être au service de cette rigueur. Pour être à la hauteur d’un tel enjeu, nous tirons les leçons des accidents passés en toute transparence et avons déjà engagé des actions fortes. Je suis sûr que MM. Guillaume Pepy et Jacques Rapoport y reviendront, tant nous partageons tous cette haute préoccupation.

Le deuxième enjeu est la maîtrise de la trajectoire économique et financière. Un des buts que vous avez assignés à la réforme ferroviaire est en effet le redressement de la trajectoire financière du groupe SNCF. Le groupe public ferroviaire bâtit à l’heure actuelle un plan de performance ambitieux visant à stabiliser à terme sa dette. SNCF Réseau et SNCF Mobilités sont en première ligne pour accomplir les gains de productivité et d’efficacité nécessaires. L’ÉPIC de tête n’est toutefois pas en reste car un de ses objectifs prioritaires est d’accroître la performance des fonctions mutualisées qu’il assure, tant en qualité qu’en coût.

Le troisième enjeu est l’amélioration de la qualité du service rendu à l’ensemble des parties prenantes. Comme je l’ai souligné, un des défis majeurs du groupe public ferroviaire sera d’assurer la remise en qualité du réseau en en minimisant les conséquences sur les circulations des passagers et des marchandises. Relever ce défi permettra de réaliser un saut significatif en termes de capacité, de fiabilité et de régularité, en particulier dans les zones urbaines et périurbaines et sur les principaux axes structurants. Cette qualité de service sera également améliorée grâce à l’efficacité, permise par la réforme, du dialogue nourri entre le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur SNCF Mobilités : elle devrait donc se traduire par une progression de l’optimisation de la gestion opérationnelle des circulations.

Enfin, SNCF Mobilités déploiera, notamment grâce à la digitalisation de son offre, les nouveaux outils d’une relation avec ses clients plus diversifiée et plus profonde.

Je tiens à vous rappeler que le classement 2015 du Boston Consulting Group place la France dans la catégorie des pays européens les plus performants en matière ferroviaire. Notre ambition commune est l’amélioration de notre rang, qu’il s’agisse de la sécurité ou de l’intensité du transport voyageurs ou du fret, la qualité du service devant être mesurée objectivement en termes de ponctualité, de prix et de rapidité.

M. Philippe Duron. Le Président de la République vous a nommé à la tête du conseil de surveillance du nouveau groupe ferroviaire unifié qui résulte de la loi du 4 août 2014. Celle-ci a innové en instituant trois ÉPIC – établissements publics industriels et commerciaux. La séparation étanche entre le gestionnaire unique d’infrastructure (GUI) SNCF Réseau et l’opérateur de transport SNCF Mobilités répond aux exigences européennes. Un ÉPIC de tête parachève la construction de la nouvelle SNCF. Le choix d’une gouvernance articulée entre un directoire, chargé de l’exécutif, et un conseil de surveillance, s’il a pu surprendre dans une société publique, n’est pas de nature à vous poser problème car, vous l’avez rappelé, vous avez fait une large partie de votre carrière au sein du groupe PSA qui a choisi ce mode d’organisation.

Cette nouvelle instance, qui comprend notamment des représentants de l’État, des parlementaires et des représentants des régions, doit être comprise comme une instance stratégique, une instance garante de la cohérence du groupe et une instance de dialogue et de contrôle. Vous êtes, au sein de cet organe, le représentant de l’État actionnaire. La presse vous a présenté facilement comme l’arbitre entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités : sans doute serez-vous plus que cela.

Vous avez largement et clairement précisé le rôle du conseil de surveillance. Pensez-vous pouvoir le façonner à l’image de celui d’un grand groupe industriel ou la nature de groupe public vous amènera-t-elle à innover ?

Le système ferroviaire français est paradoxal. Si, avec les TGV, il incarne l’excellence technique, il peut aussi perdre pied comme il l’a montré avec le déclin du fret ou, aujourd’hui, avec la dégradation des résultats des trains d’équilibre du territoire (TET). Comment vous paraît-il possible d’articuler les obligations de service public auxquelles les Français sont attachés et les exigences de résultat d’une entreprise ? Plus généralement, quel regard portez-vous sur la situation de l’entreprise ferroviaire six mois après votre arrivée ?

En réintégrant Réseau ferré de France (RFF) dans la nouvelle SNCF, on réintègre aussi une dette très dynamique que la réforme de 1997 avait cantonnée à l’extérieur de l’entreprise. Pensez-vous que cette situation soit durable sans poser de problème à l’entreprise ferroviaire ?

La SNCF, ce sont également 250 000 cheminots fiers de leur métier, attachés à leur histoire. Vous paraît-il possible de mobiliser cette culture professionnelle pour engager l’entreprise dans une démarche de modernisation, d’efficacité et de progrès ?

Les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen considèrent que votre grande expérience doit vous permettre d’inaugurer avec succès cette nouvelle fonction. Ils vous apporteront leur soutien.

M. Martial Saddier. Monsieur Frédéric Saint-Geours, mes propos, au nom du groupe Les Républicains, ne vous visent pas personnellement : ils sont conformes au vote de notre groupe sur la réforme, à laquelle, vous le savez, nous nous sommes opposés. Notre position n’a pas changé un an après la mise en œuvre de celle-ci.

Nous souhaitons que le système ferroviaire français préserve le rôle de ses acteurs respectifs, notamment en redonnant à l’État son rôle de stratège. Nous souhaitons que les régions connaissent les coûts et choisissent les dessertes ainsi que leurs opérateurs. Nous souhaitons que réforme soit également eurocompatible. Nous souhaitons enfin que les conditions d’impartialité et de neutralité, notamment dans l’attribution des sillons, soient préservées et renforcées. Or nous pensons que tel ne sera pas le cas.

Nous n’avons eu de cesse de mettre en garde la majorité, que ce soit en commission ou au cours des débats dans l’hémicycle, sur les conséquences de l’adoption de la réforme. La holding SNCF est, à nos yeux, anticoncurrentielle et antieuropéenne, avec des risques sérieux d’inconstitutionnalité, puisqu’elle aboutit à une tutelle évidente de la SNCF sur le gestionnaire de réseau. Enfin, nous ne croyons pas aux économies affichées : comment est-il possible d’en réaliser quand on passe de deux à trois structures ?

La réforme interdit la séparation des fonctions, qui aurait permis de clarifier le rôle des trois acteurs et de les responsabiliser – les pouvoirs publics, l’État et les collectivités locales définissant les politiques des transports ferroviaires.

Pour toutes ces raisons, la majorité des parlementaires de notre groupe s’abstiendra sur les trois nominations.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’intervention de M. Martial Saddier conduira, je suppose, les trois candidats à intervenir à la fin de nos débats.

M. Bertrand Pancher. Monsieur Frédéric Saint-Geours, vous avez une très belle expérience professionnelle et personne ne doute que votre arrivée à la présidence du conseil de surveillance de la SNCF permette au groupe de prendre de bonnes orientations.

Outre vos responsabilités à PSA et à l’UIMM, vous êtes président d’honneur du Groupe des fédérations industrielles (GFI) et administrateur de BPI France Participations et France Investissement. Votre expérience industrielle est indéniable et vous connaissez le monde de la concurrence dans le cadre de l’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence.

La SNCF se heurtera à une concurrence de plus en plus grande, notamment du transport en autocar, le seuil des 100 kilomètres ayant été finalement retenu dans le cadre du projet de loi Macron. À compter du 1er octobre, tous les opérateurs souhaitant ouvrir une liaison par autocar entre villes pour une distance supérieure à 100 kilomètres n’auront pas besoin de demander une autorisation. Si elle est inférieure à ce seuil, ils devront faire une déclaration à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Comment vous préparez-vous à faire face à cette nouvelle donne précise et, plus généralement, à l’ouverture à la concurrence ?

M. Guillaume Chevrollier. La qualité des curriculum vitae des candidats et le fait qu’ils soient sortis tous les trois de l’École nationale d’administration (ENA) ne peuvent que rassurer la représentation nationale et nos concitoyens… (Sourires)

La nouvelle organisation – le fait, notamment, de passer de deux à trois établissements – me laisse sceptique : trois structures permettront-elles au groupe de réaliser des économies, compte tenu de la dette de 37 milliards d’euros ?

M. Gilles Savary. Une des priorités de la réforme est la réduction de la dette, notamment la réduction à zéro de l’impasse actuelle de 1,5 milliard d’euros.

À quel niveau exact se situe la dette du groupe, à savoir des deux entités ? Alors que vous subissez parfois des injonctions contradictoires de votre tutelle, comment est-il possible de la réduire dans le cadre d’une confirmation des programmes LGV, qui sont en crise de modèle économique ? Cet héritage ancien alimente mécaniquement une impasse.

Pouvez-vous, par ailleurs, nous dresser un état des lieux des négociations syndicales sur la nouvelle convention collective – c’est un enjeu essentiel pour l’avenir de notre système ferroviaire ? Pensez-vous qu’il sera possible de signer un accord avant la date butoir de juillet 2016 ? Après juillet 2016, le groupe entrera en effet dans un autre monde.

M. Laurent Furst. Ceci n’est pas une attaque personnelle : toutefois, la nouvelle responsable de la RATP est une énarque et les trois candidats ici présents sont énarques. L’ENA est-elle une école de gestion ou une école administrative ? Les Français n’ont-ils pas parfois le sentiment d’être dirigés par une caste ? (Murmures sur divers bancs)

Nous nous sommes opposés à la réforme non pas parce que tous ses éléments sont mauvais – loin de là –, mais parce que la modification de l’organisation administrative n’entraîne pas une modification des fondamentaux de la gestion. L’argent public représente les deux tiers des recettes du groupe ferroviaire contre un tiers pour la billetterie : la maîtrise des coûts de gestion – ceux de votre filiale britannique vous permettent de faire des comparaisons – et le fait de produire un service de qualité moins cher constituent-ils pour vous une priorité absolue ?

M. Philippe Bies. La réforme offre au groupe une visibilité à moyen terme, qui lui permet de se projeter à l’international. Quelle est votre stratégie de répartition entre le national et l’international ? La stratégie qui vise à dégrader une partie de l’offre non rentable relève-t-elle du conseil de surveillance ou d’une décision opérationnelle – je pense aux TET ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai été surpris par les propos de M. Laurent Furst.

Malheureusement, les politiques n’assument pas toujours leurs responsabilités. Je tenais à le préciser. Il convient de trouver un équilibre. Pour avoir un État stratège, encore faut-il que ceux qui sont à sa tête et exercent les responsabilités politiques prennent les décisions qui s’imposent. (Approbations diverses)

Monsieur Frédéric Saint-Geours, quelles sont les possibilités les plus sûres de développement à l’international ? Ma question concerne également M. Guillaume Pepy.

M. Frédéric Saint-Geours. Oui, nous avons fait des écoles : toutefois, notre parcours prouve que nous avons également travaillé dans des entreprises. Je vous remercie d’en tenir compte.

Les trois ÉPIC permettront de réaliser des économies de coûts de gestion, du fait que l’ÉPIC de tête, loin de coûter plus cher, regroupera des services partagés. Il sera, de plus, un facteur de simplification des processus. Les partenaires locaux auront affaire non pas à deux, mais à une seule personne, ce qui permettra d’améliorer l’efficacité du travail et de réaliser, je le répète, des économies en termes de temps et de coûts. Le regroupement des fonctions support au sein de l’ÉPIC de tête est un autre facteur de simplification et d’économie.

S’agissant de la problématique générale des coûts de gestion et de structure, il est évident que nous ne pouvons pas prendre l’engagement de maîtriser la dette et de la stabiliser le plus rapidement possible sans nous attaquer de façon très dynamique à l’ensemble de nos coûts. Nos plans de productivité et d’efficacité doivent s’attaquer à l’ensemble des coûts du groupe, notamment des coûts de gestion.

Monsieur Philippe Duron, la particularité du conseil de surveillance de la SNCF, à savoir le fait d’être composé pour moitié de représentants de l’État, ne lui interdira pas de remplir intégralement son rôle. Il ne saurait être une simple chambre d’enregistrement. Les personnalités qui ont été nommées sont d’un calibre suffisant pour être de vrais interlocuteurs du directoire et prendre des positions personnelles sans se contenter d’être les représentants de la direction du ministère. Le conseil de surveillance accomplira, collectivement, un travail constructif, permettant d’aider le directoire et la collectivité publique à obtenir le plus rapidement possible les avantages de la réforme.

Pour résoudre la contradiction entre l’hypermodernité du réseau LGV et l’état du reste du réseau, nous devrons consacrer les moyens suffisants à la régénération efficace du réseau, et faire des progrès importants en termes de performance industrielle. Ces deux éléments se complètent. Plus nous régénérerons le réseau, plus les progrès en matière de process industriel seront aisés. La régénération est en effet une activité moins atomisée que la simple maintenance. L’amélioration des process industriels évitera une perturbation maximale du trafic tout en réduisant le coût du kilomètre traité. M. Jacques Rapoport, j’en suis certain, évoquera ses plans d’action ambitieux sur l’efficacité du process industriel.

Le secteur maintenance et travaux du groupe ferroviaire est tendu en raison de la quantité énorme de travaux nouveaux liés aux quatre LGV à construire. Il sera possible, après cet épisode, de travailler plus sereinement sur les process industriels.

Les six derniers mois me convainquent qu’il convient d’améliorer le benchmark interne et le benchmark externe. Pour améliorer sa productivité, il faut généraliser notamment les bonnes pratiques internes. Or le groupe a encore des progrès à réaliser en la matière. Mon expérience m’a conduit à observer qu’il est plus facile de généraliser de bonnes pratiques internes que d’aller chercher, à l’extérieur, des pratiques qui risquent d’être rejetées. C’est un gisement de productivité et d’efficacité rapidement disponible.

La loi nous a fixé pour objectif de stabiliser la dette à un niveau, certes, élevé – 60 milliards d’euros. Nous préparons actuellement les plans indispensables à cette fin. Diriger un ÉPIC qui, dès le 1er janvier, a déjà 1,5 milliard à 2 milliards d’euros de frais financiers, n’est pas très aisé pour améliorer son efficacité. J’attends le rapport sur la dette ferroviaire qui devra être rendu avant août 2016. Nous présenterons des plans de performance ambitieux et robustes permettant de stabiliser la dette si, effectivement, nous nous en tenons aux éléments prévus, ce qui suppose, monsieur Gilles Savary, de ne pas engager de nouveaux développements qui ne soient pas financés. Chacun doit, à cette fin, assumer sa part du travail. Le contrat décennal avec l’État, que j’ai évoqué, devra bien spécifier l’environnement dans lequel SNCF Réseau, SNCF Mobilités ou l’ÉPIC de tête se situeront.

La culture professionnelle des cheminots est un atout considérable. Leur attachement à leur activité et leur capacité de mobilisation sont exceptionnels, bien supérieurs encore au groupe dont je viens. Il faut travailler avec l’ensemble des cheminots à dessiner la trajectoire de l’organisation de la production ainsi que celle des compétences et des savoir-faire, dont l’évolution est un des enjeux fondamentaux auxquels nous devrons répondre. Les métiers sont en effet destinés à changer, en raison notamment des progrès de la digitalisation, qui bouleverseront le domaine de la production et celui de la relation avec les clients. Les mobilités entre ÉPIC seront un élément clé pour traiter l’évolution des compétences et des savoir-faire.

Contrairement à ce que M. Martial Saddier a affirmé, je tiens à souligner que l’ÉPIC de tête n’est pas et ne peut pas être une holding, tout simplement parce que SNCF Réseau ne peut pas être une filiale. SNCF Réseau est indépendant lorsqu’il s’agit de traiter les fonctions essentielles d’accès au ferroviaire.

C’est vrai, nous aurions souhaité un seuil supérieur à 100 kilomètres pour l’ouverture d’une ligne d’autocar, car un tel seuil présente le risque d’un détricotage de lignes de TER ou de TET. Le groupe SNCF ne peut pas ne pas répondre à ce défi : il devra notamment prendre sa part de l’activité autocar pour répartir les risques en matière de trafic.

Pour signer une convention collective, il faut, en premier lieu, que chaque interlocuteur ait adopté une position. Nous devons nous mettre d’accord sur le mandat des représentants des entreprises, ce qui n’est pas le plus facile. Nous en avons toutefois déjà défini le périmètre. Nous aurons à travailler sur ce que nous attendons de la convention collective en termes d’organisation. Les délais ne sont pas très longs, c’est vrai.

Si l’établissement d’une position patronale est de notre responsabilité première, encore faut-il que nous ayons une idée du décret socle et que nous ayons le temps de signer des accords d’entreprise. Nous ne pourrons pas bâtir un vrai écosystème ferroviaire sans la signature de cette convention collective.

La SNCF souhaite réaliser 50 % de son chiffre d’affaires à l’international en 2025, un objectif qui ne sera pas atteint au détriment de son engagement au plan national. Je le répète : notre efficacité au plan national suppose la réalisation d’un écosystème via des partenariats avec les autres entreprises de la filière. La projection à l’international sera d’autant plus efficace que l’écosystème national sera fort. Nous avons intérêt à nous projeter ensemble, nos interlocuteurs internationaux ayant besoin de tous les métiers. Il n’y a donc aucune contradiction entre le national et l’international.

*

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous auditionnons maintenant M. Guillaume Pepy, candidat à la présidence du directoire de la SNCF.

M. Guillaume Pepy, candidat à la présidence du directoire de la SNCF. Je m’exprimerai à la fois comme président-directeur général de SNCF Mobilités et président du directoire.

Sous le contrôle du conseil de surveillance et de l’État stratège, SNCF Mobilités a entrepris trois chantiers. Le premier vise à mettre les transports de la vie quotidienne – les TER, les Transilien et les Intercités –, au niveau de qualité des TGV. Je tiens à rappeler que les transports de la vie quotidienne transportent 3 millions de voyageurs par jour contre 350 000 pour le TGV. Des travaux sans précédent ont été engagés sur le réseau, qui dureront encore plusieurs années. La régularité des RER a également été redressée : les lignes A, B, C et D étaient les plus en retard de France. Nous sommes à mi-pente : il reste, là encore, quelques années de travail à fournir. S’agissant enfin des TER, la facture des régions est stabilisée mais elles nous demandent de la baisser.

Nous devons également rendre la lutte contre la fraude efficace – ceux qui paient n’en peuvent plus –, permettre l’utilisation des nouvelles technologies non seulement dans le TGV mais également dans le TER et le Transilien pour faciliter les transports de la vie quotidienne – la France n’est pas en avance en la matière – et améliorer la productivité pour baisser la facture des régions.

C’est sur les transports de la vie quotidienne que la SNCF est la plus attendue et doit être la plus proche des Français, des élus et des territoires.

Notre deuxième priorité est de faire bénéficier les Français du train pour tous et du porte-à-porte. Les Français trouvent le train trop cher. La seule solution pour faire baisser les prix est de diminuer les coûts. Nous avons lancé différents produits, dont Ouigo, qui a réussi à diminuer de 40 % les coûts sans créer de filiale ni supprimer le statut des cheminots mais en remettant à plat l’organisation du travail et de la production. Nous allons doubler le nombre de Ouigo en quelques mois, sans perdre d’argent.

Le porte-à-porte répond à l’attente des clients qui se déplacent non pas de gare à gare mais d’adresse à adresse. La division logistique du fret de la SNCF transporte d’ailleurs les biens d’adresse à adresse. Notre métier s’étend, notamment aux modes doux. La SNCF est le deuxième acteur du vélo en libre-service derrière le groupe Decaux. Elle participe aussi pleinement à la mobilité partagée, qui représente 15 % des déplacements en France – le chiffre doublera sans doute d’ici à dix ans. La SNCF est le deuxième acteur du marché du covoiturage et de la location de voitures entre particuliers et parmi les premiers du marché en matière de location de voitures électriques. Nous avons également pris l’engagement qu’à la fin de 2016 il sera possible de téléphoner et de faire de la transmission de données dans tous les trains – 17 000 par jour. Nous signerons à cette fin un accord avec Orange et SFR dans les prochaines semaines.

Un support unique est nécessaire pour combiner tous ces types de transports : iDPass permettra de disposer, sur une carte ou sur son téléphone mobile, de tous ses billets, de toutes ses réservations et du moteur de recherche pour se rendre d’un point à un autre.

Notre troisième priorité est de renforcer la place de la SNCF comme champion français à l’échelle internationale. La SNCF est un vrai groupe français d’envergure internationale, ce que les Français ne savent pas suffisamment alors qu’elle réalise 30 % de son chiffre d’affaires, à savoir 30 milliards d’euros, hors de France. De plus, 40 000 salariés travaillent pour l’export. La France est dans le « top 3 » des champions internationaux du transport collectif. Cette présence à l’international remporte trois points de croissance par an dans nos métiers et procure des emplois en France. De plus, autant l’image de la SNCF est contrastée en France, autant elle est forte et belle à l’étranger.

La RATP et la SNCF ont une entreprise commune d’ingénierie, Systra, qui est deuxième au plan mondial et peut devenir première. Il convient également d’améliorer la logistique. Nous regrettons le départ aux États-Unis de Norbert Dentressangle et la fermeture de Mory et de Sernam. Il faut aider Geodis, qui reste le premier groupe de transport de marchandises de France, et conforter notre présence aux États-Unis. Notre objectif est de réaliser 50 % de notre activité en France – il faut une base solide –, 25 % en Europe et 25 % dans le reste du monde.

La consolidation a déjà commencé : le marché est appelé à se structurer autour de deux ou trois très grands groupes – la Deutsche Bahn, Mass Transit Railway Corporation (MTR), qui est un groupe chinois, et la SNCF.

Nos trois objectifs s’appuient sur la sécurité, la qualité de service et la performance – le socle quotidien rappelé par M. Frédéric Saint-Geours.

Nous devons évidemment améliorer la qualité du service en dépit des travaux, redévelopper le fret, qui est redressé aux quatre cinquièmes – nous croyons au développement du fret ferroviaire –, et convaincre que le pire service à rendre à la SNCF serait de la laisser face à la bascule de l’arrivée de la concurrence, qu’elle se produise en 2019 ou en 2022, sans l’avoir régulée et sans avoir élaboré les règles sociales nécessaires pour rassurer les personnels.

S’agissant de la fonction de président du directoire, la loi du 4 août 2014 est déjà largement mise en œuvre puisque les personnels ont été affectés le 1er juillet 2015 dans les trois établissements publics et que les actifs ont été transférés.

Nous avons beaucoup insisté sur les valeurs de l’entreprise publique française, qui est à la fois une entreprise de service public pour la moitié de ses activités et une entreprise de marché pour l’autre moitié. Cette nouvelle loi n’est pas un retour à l’avant-1997, à une SNCF sûre d’elle, dominatrice et fermée : la SNCF est une entreprise qui doit s’ouvrir plus que jamais à l’Europe, à ses clients, aux élus et aux territoires. C’est une nouvelle page de son histoire qui s’ouvre.

La loi prévoit que les accords sociaux, y compris les accords sur les 35 heures, qui ont quinze ans, tombent le 1er juillet 2016. Il est donc indispensable de renégocier avec les cheminots le pacte social pour défendre le rail par rapport à la route et à l’aérien ainsi que par rapport à ses concurrents privés.

Il nous reste à construire une fusée à trois étages : un décret socle qui dépend de l’État, une convention collective qui dépend de la branche et un accord d’entreprise qui concerne la SNCF. Étant entré dans l’entreprise en 1988, je sais que c’est, pour la SNCF et ses emplois sur le long terme, l’heure de vérité. Les vraies raisons du nouveau pacte social, ce sont l’entreprise publique, le service public, la qualité du service et celle de la production. Il convient de renégocier le périmètre, trop rigide, des métiers, l’organisation de la durée du travail et les organisations de production sur le terrain pour gagner des points d’efficacité.

Les exemples d’Air France, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ou du transport maritime nous incitent à faire preuve de volontarisme, à obtenir le soutien de l’ensemble des élus et à mener une concertation exemplaire si nous voulons réaliser nos objectifs d’ici à dix-huit mois.

M. Philippe Duron. Le Président de la République a pris la décision de vous nommer président du directoire de la SNCF. On pourrait penser qu’il s’agit d’un nouveau mandat qui vient confirmer dans ses fonctions un dirigeant, dont la carrière s’identifie désormais avec l’opérateur historique de transports ferroviaire qu’est la SNCF. C’est en fait autre chose et plus que cela. En effet, la loi du 4 août 2014, que vous appeliez de vos vœux et dont l’architecture vous doit beaucoup, a unifié le système ferroviaire, l’a organisé en trois ÉPIC et a réintégré le gestionnaire d’infrastructure RFF qui avait été détaché de la SNCF en 1997.

À la tête du directoire de l’EPIC de tête, votre rôle changera nécessairement : vos responsabilités seront différentes et plus stratégiques. Ma première question portera sur votre conception de votre nouvelle fonction et sur la manière dont vous entendez l’assumer. Le Guillaume Pepy des cinq années à venir sera-t-il différent de celui que nous connaissons ? (Sourires)

Depuis votre arrivée à la présidence, vous avez entamé des changements importants. Vous avez ouvert la vieille maison sur le monde en appelant auprès de vous une nouvelle génération de dirigeants venus d’autres horizons, en changeant l’identité et l’image de la société nationale, en réussissant l’internationalisation du groupe au point de réaliser 30 % du chiffre d’affaires à l’étranger et en diversifiant les activités pour transformer l’entreprise ferroviaire en entreprise de mobilité à la manière de ce qu’ont fait les énergéticiens dans la dernière décennie. Vous avez fait évoluer le marketing, au point que les initiatives de la compagnie donnent parfois le tournis. Les gares changent et deviennent des lieux de chalandise agréables qui apportent des ressources nouvelles à la SNCF.

Les changements que vous avez impulsés pourraient laisser penser que tout va bien à la SNCF : du reste, le dernier palmarès du Boston Consulting Group vous classe parmi les meilleures compagnies ferroviaires du monde. Pourtant, un certain nombre d’indicateurs sont médiocres, voire mauvais : les résultats du fret restent modestes même si les pertes financières ont été maîtrisées, les pertes des TET ne cessent de se creuser et ont dépassé les 300 millions d’euros en 2014. Enfin, les coûts de production des trains seraient plus élevés que chez votre concurrent allemand.

Ne pensez-vous pas que l’urgence – votre nouveau défi – est de moderniser les organisations de travail, d’améliorer la productivité et de revoir la maintenance des matériels pour en assurer une meilleure mobilisation et vous préparer à l’ouverture à la concurrence, dont le secrétaire d’État aux transports Alain Vidalies dit qu’elle n’est plus une option mais un horizon ?

Les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen ont la conviction que vous pourrez relever les défis qui se posent encore à la SNCF : c’est pourquoi ils vous renouvelleront leur confiance.

M. Jacques Kossowski. La SNCF a investi plusieurs millions d’euros dans la location de voitures entre particuliers en prenant une part majoritaire dans la société OuiCar – vous n’avez pas évoqué ce point. Il s’agirait de compléter votre offre de service en matière de transport. Cette initiative me conduit toutefois à m’interroger sur la stratégie que vous souhaitez adopter. N’existe-t-il pas un risque de voir une partie de la clientèle de la SNCF – en particulier les jeunes – se détourner définitivement du train au profit du covoiturage qui sera encore moins cher compte tenu de la concurrence active dans le secteur ? La SNCF a-t-elle l’ambition de dégager à terme d’importants produits financiers de cette acquisition ? Est-ce le rôle de la SNCF que de s’élargir à d’autres activités de transport plutôt que de se concentrer sur son cœur de métier : le ferroviaire ?

Quelle garantie de neutralité offre le fait que vous soyez à la fois le président du directoire et celui de SNCF Mobilités ?

M. Bertrand Pancher. Le nouveau groupe ferroviaire a été constitué et unifié le 1er juillet 2015. La dette de la SNCF a plus que doublé en dix-sept ans. La dette de RFF atteint 44 milliards d’euros. Vous êtes venu devant les groupes politiques pour les convaincre que la réforme ferroviaire est utile. L’Union des démocrates et indépendants, parti d’opposition, l’a votée. Elle vous a fait confiance.

En 2014, la règle d’or a été adoptée pour freiner la dérive de l’endettement du futur gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau, en contraignant l’État et les collectivités locales à financer les nouvelles lignes qu’ils souhaitent développer. La dette financière nette a atteint plus de 37 milliards d’euros en 2014 pour SNCF Réseau, ce qui représente une hausse de 3 milliards par rapport à 2012. Il n’est désormais plus possible de s’endetter pour financer de nouvelles lignes et des travaux, hors maintenance du réseau, si les investissements dépassent certains ratios financiers. Le projet de loi Macron prévoit de ne retenir qu’un seul ratio : le rapport entre la dette nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau, avec un plafond fixé par la loi et des modalités définies par décret.

Le grand enjeu pour tous les Français demeure l’enrayement de la dette : comment comptez-vous procéder pour faire pression sur le Gouvernement afin qu’il publie rapidement le décret permettant à la règle d’or de s’appliquer ?

L’ouverture de la concurrence ferroviaire approche à grands pas. Comment comptez-vous armer la SNCF pour affronter ce changement de taille ? Est-il vrai qu’elle fait pression pour ralentir l’ouverture à la concurrence ? Je pense que ce n’est pas le cas.

Depuis la catastrophe de Brétigny-sur-Orge, il y a deux ans, la sécurité est devenue un autre de vos grands chantiers : comment continuerez-vous d’œuvrer en la matière ?

Nous soutiendrons évidemment votre candidature, comme celles de MM. Frédéric Saint-Geours et Jacques Rapoport.

M. François-Michel Lambert. La loi a créé trois ÉPIC qui répondent aux exigences formulées par l’Europe tout en permettant d’entrer dans une efficience du système ferroviaire.

Nous avons soutenu la réforme face aux défis qui vont s’accélérant : la catastrophe de Brétigny-sur-Orge, qui a soulevé de légitimes interrogations sur la sécurité du réseau ferroviaire, les exigences en matière de qualité de service et de performance, les attentes fortes en matière d’offres de déplacement à coût maîtrisé, la rénovation de milliers de kilomètres ou la modernisation du matériel – le Gouvernement s’est engagé sur dix ans sur les TET – et des gares. Il convient d’intégrer de nouveaux enjeux : l’arrivée des autocars, de la concurrence et de la révolution numérique. Une semaine ne se passe pas sans qu’un nouvel « Uber » vienne percuter les offres de déplacement.

La révolution numérique touche d’abord le transport de voyageurs et de marchandises. Elle doit permettre de créer de la productivité et de l’efficience des infrastructures et des moyens déjà disponibles : il est devenu nécessaire non plus de créer de grandes infrastructures ou de travailler sur des matériels de plus en plus puissants mais de réussir à les remplir. C’est ainsi que vous avez lancé une application novatrice, TGVPop : le train ne partira que si un tiers des sièges au moins est rempli. Nous entrons dans une ère de la mobilité dont le bouleversement ressemble à celui qu’a représenté l’arrivée du chemin de fer au XIXsiècle, puis celle des autres moyens motorisés de déplacement.

SNCF Mobilités ne devrait-elle pas à terme changer de nom, puisqu’elle devient de plus en plus un organisateur de mobilité de voyageurs et de transport de marchandises, et s’affirme non plus comme un mode – le transport – mais comme une partie de la réponse en termes de mobilités et de transport ? Ce serait symbolique.

Le groupe Écologiste donnera sa confiance à M. Guillaume Pepy.

M. Jacques Krabal. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste souhaitait cette réforme ferroviaire : c’est pourquoi il appuiera les nominations du Président de la République.

Un des enjeux de la réforme est le transport du quotidien. La pente est raide (Sourires) et la SNCF part de très bas. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas hésité à approuver le changement de modèle permettant le rapprochement entre RFF et l’exploitant. Nous approuvons l’ambition d’un service public désireux d’améliorer le transport au quotidien. L’affirmation de cette ambition doit toutefois tenir compte de la réalité du terrain : comment la concrétiserez-vous quand, s’agissant des TER traversant la vallée de la Marne, il nous est annoncé que les arrêts dans les petites villes seront supprimés pour réaliser 4 000 euros d’économies ? Qu’en est-il exactement ? Si les chiffres ne sont pas excellents en matière de fret, attention à ne pas mettre en péril des entreprises. Vous connaissez bien l’entreprise d’aiguillages Vossloh-Cogifer : elle emploie 150 personnes sur son site de Fère-en-Tardenois. Or vous parlez de fermer la ligne menant de Reims à cette commune. Enfin, s’agissant de l’électrification de la ligne Meaux-Lizy-sur-Ourcq, quid de la jonction avec La Ferté-Milon ? Que va devenir cette ligne ?

N’est-il pas contradictoire de supprimer les offres dites non rentables tout en affirmant vouloir améliorer les services publics ?

M. Gilles Savary. Je suppose que les priorités que vous avez affichées seront inscrites dans le contrat de performance en cours de négociation avec l’État. Ces contrats, dont les parlementaires devront connaître la teneur, sont une nouveauté importante puisqu’ils sont le lieu du dialogue entre l’État stratège et le groupe et permettent de fixer des objectifs précis. Ils rendront impossible le double langage qui est parfois la règle dans le secteur ferroviaire.

Considérez-vous que les investissements de remise à niveau du réseau du quotidien sont suffisants par rapport à vos objectifs et aux attentes des usagers ? C’est sans doute sur les trains du quotidien entre le domicile et le travail que se joue l’avenir du ferroviaire, dans les agglomérations et en périphérie. Il est nécessaire d’optimiser les capacités du réseau existant. En Île-de-France, notamment, les saturations sont importantes et les dégradations de service très sensibles.

Vous connaissez les difficultés et les inquiétudes des industriels français du ferroviaire, dues au manque de débouchés. Il est vrai que, longtemps, vous avez été leur seul débouché, souvent à votre détriment, la SNCF s’étant suréquipée. Il paraît que celle-ci dispose de 400 rames de TGV qui ne sont utilisées que cinq heures par jour en moyenne. Les difficultés de vente de matériels ferroviaires d’Alstom sont connues et ne sont pas à négliger. Toutefois, on vous enjoint de vous équiper de matériels dont vous n’auriez pas complètement besoin : comment surmonter cette contradiction ? Quelle sera la politique d’équipement de la SNCF en matière de matériels ferroviaires dans les années à venir ?

M. Christophe Priou. Le 6 septembre 1989, l’arrivée du TGV dans les Pays de la Loire a été une véritable révolution. Or ces trains mettent aujourd’hui quinze minutes de plus qu’il y a vingt-cinq ans pour relier Nantes et Paris, les retards sont fréquents – quarante minutes hier –, les tarifs plus élevés, les rames défraîchies, si bien qu’on a l’impression d’un recul. En outre, il est impossible d’augmenter les cadences entre Paris et Nantes du fait de l’existence d’un seul tronçon entre Nantes et Angers. Il faut ajouter, pour notre région qui est l’une des seules à ne pas avoir changé de périmètre (Sourires), la concurrence des LGV à venir entre Paris et Rennes et entre Paris et Bordeaux. Toujours au titre de l’aménagement du territoire, un accord a été passé entre l’État et les grandes sociétés publiques puisque la LGV devait arriver à Rennes et qu’un aéroport devait être construit près de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes – le 17 juillet, d’importantes décisions de justice seront prises et il reviendra aux politiques de déterminer la faisabilité de cet aéroport international.

Je sais que vous êtes attentif aux détails, monsieur le président Guillaume Pepy – et le diable s’y niche souvent – ; il se trouve que je prends souvent le TGV avec quelques milliers de voyageurs à la gare de Saint-Nazaire, la deuxième du département. Voilà des années que les escaliers mécaniques sont en panne et, à l’un de mes courriers, la direction régionale a répondu qu’on ne pouvait pas remplacer des escaliers mécaniques au XXIe siècle, et qu’il faut donc les remplacer par des escaliers traditionnels. Aussi la modernisation d’un certain nombre de gares est-elle à mon sens une ardente obligation.

M. Yannick Favennec. J’évoquerai pour ma part la desserte de la gare de Laval avec la mise en service de la future LGV Bretagne-Pays de la Loire. Je me réjouis, comme de nombreux élus de la Mayenne, du maintien des dessertes Laval-Paris à raison de huit trajets quotidiens dans chaque sens et dont l’amplitude horaire me satisfait. Je souhaite par conséquent obtenir de votre part, monsieur Guillaume Pepy, la garantie que ce cadencement est pérenne, y compris pendant les périodes estivales.

Des discussions sont en cours concernant les points d’amélioration – et il y en a – à apporter à la qualité des temps de parcours initialement envisagés, afin d’obtenir, sur les huit trajets, une seconde desserte directe aller et retour entre Paris et Laval avec un gain de temps d’environ vingt minutes. Cette seconde desserte est fondamentale car nombreux sont les chefs d’entreprise et leurs collaborateurs à se déplacer quotidiennement depuis Paris pour exercer leurs activités à Laval.

Par ailleurs, la suppression des dessertes directes de Strasbourg et de Marseille aura des conséquences préjudiciables pour la communauté entrepreneuriale et l’ensemble des Mayennais qui se voient ainsi refuser l’accès à des interconnexions essentielles pour relier des centres de décision européens.

Pouvez-vous donc, monsieur le président Guillaume Pepy, nous donner votre point de vue sur l’ensemble de ce dossier essentiel pour l’attractivité de la Mayenne ? En effet, la nouvelle ligne LGV Bretagne-Pays de la Loire constitue bien une chance pour le développement du département au regard du lourd tribut payé par les Mayennais pour le passage de la ligne sur leur territoire, au nom de l’intérêt général mais aussi par solidarité avec nos amis bretons.

M. Olivier Falorni. Le Parlement européen et le Conseil européen ont trouvé un accord sur le volet technique du quatrième paquet ferroviaire. Les trois textes européens qui portent sur la sécurité et sur l’interopérabilité vont permettre de simplifier et de réduire les coûts de procédure administrative d’accès au réseau européen pour les matériels roulants. Plus délicat, en revanche, le volet gouvernance est encore en discussion et achoppe, notamment, sur la question de l’ouverture à la concurrence programmée entre 2018 et 2022. Théoriquement, tout se tient : le volet politique doit être validé pour que le volet technique soit mis en œuvre. Or, le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche estime qu’il est désormais temps d’appliquer ces textes au plus tôt, sans attendre la fin des négociations concernant les autres propositions du quatrième paquet ferroviaire. Comment comptez-vous procéder ?

Ensuite, en ce qui concerne plus spécifiquement la gare de La Rochelle, des TGV dits bolides empruntant la LGV Sud Europe Atlantique (SEA), vous avez nommé un « facilitateur », M. Jean Auroux, chargé d’apaiser les tensions économiques, sociales et politiques entre la SNCF et les acteurs locaux. M. Auroux a récemment annoncé que la SNCF ne prévoirait qu’un seul aller et retour quotidien direct entre Paris et La Rochelle. C’est se moquer totalement des préoccupations de notre territoire, de nos entreprises et de nos habitants. Certes une clause de revoyure est prévue, dix-huit mois après le premier passage du TGV pour décider d’éventuellement augmenter le nombre de trains. Plutôt que de vous poser une question sur ce point, je vous ferai une proposition : mettez à notre disposition quatre allers et retours quotidiens et nous remplirons les trains de chefs d’entreprise, de cadres, de congressistes et de touristes, et revoyons-nous dans vingt-quatre mois au plus tard : alors nous accepterons la diminution du nombre de trains si la fréquentation est moindre qu’escomptée.

Mme Suzanne Tallard. Nous avons besoin de visibilité à moyen et long terme en matière de politique tarifaire. Que pouvez-vous faire dans ce domaine où, il faut bien l’admettre, nous sommes quelque peu perdus ?

Pouvez-vous, ensuite, nous éclairer sur le rythme de renouvellement des trains d’équilibre du territoire (TET), lequel affectera l’attractivité du rail pour un meilleur confort des voyageurs en même temps qu’il participera à la préservation de notre savoir-faire industriel ?

Enfin, en matière d’entretien des voies, de nombreuses erreurs et un grand laisser-faire ont abouti à la situation que nous savons : la vitesse du matériel roulant est limitée par le mauvais état des voies – j’en veux pour preuve l’exemple caricatural de la ligne Nantes-Bordeaux. Au-delà des mesures urgentes, quelle politique d’entretien des voies comptez-vous appliquer sur le long terme, afin de préserver les dessertes secondaires si importantes pour notre territoire ?

Mme Sophie Rohfritsch. Vous apparaissez indéniablement, monsieur Guillaume Pepy, comme l’homme fort de cette réorganisation. La renégociation du pacte social est en cours, aussi ne reviendrai-je pas dessus. En ce qui concerne votre stratégie relative à la nouvelle offre de mobilité, vous allez vous diversifier, ce qui est très intéressant pour le consommateur. Reste que la part ferroviaire des collectivités territoriales – en particulier des régions – va probablement diminuer ou être réorganisée sans qu’elles n’aient rien à dire. Et ce n’est pas le siège offert à M. Jacques Auxiette au conseil de surveillance de la SNCF qui suffira à compenser, dans les territoires, l’absence de négociations sur cette réorganisation qui va toucher directement les collectivités.

M. Yannick Favennec. Ça, c’est vrai !

M. Bertrand Pancher. Je confirme !

Mme Sophie Rohfritsch. J’en viens à votre programme de communication. En 2013, la Cour des comptes a épinglé une façon de procéder – certes intéressante en ce qu’elle permettait à tous les publics de connaître la SNCF sous tous ses aspects. Vous proposez une nouvelle organisation – une direction de l’information et une direction de la communication au niveau de l’EPIC de tête, des directions opérationnelles dans chacun des autres EPIC – qui paraît bien compliquée. Comment va-t-elle être pilotée et combien va-t-elle coûter étant donné que vous allez faire des efforts sur les fonctions support ?

Enfin, où en est le fameux parlement ferroviaire dont nous n’entendons plus parler ?

M. Rémi Pauvros. L’examen de vos nominations est important puisqu’il survient quasiment un an après l’adoption de la loi à l’élaboration de laquelle nous avons beaucoup travaillé. Je souhaite vous entendre plus avant, monsieur Guillaume Pepy, sur l’application, précisément, de ce texte, ne serait-ce que pour convaincre les députés du groupe Les Républicains qu’il s’agit d’une bonne loi, ne serait-ce qu’à en juger par ses conséquences sur le fonctionnement du groupe SNCF. Par ailleurs, le ministre Alain Vidalies a annoncé hier les suites qu’il donnerait au rapport Duron concernant les TET : qu’en retirez-vous ?

M. Yves Albarello. M. Guillaume Pepy est un excellent communicant. Je ne lui poserai pas moins quelques questions.

Dans le cadre du rapport remis par notre excellent collègue Philippe Duron et de l’audit que vous avez commandé début 2015, vous envisagez, monsieur Guillaume Pepy, la fermeture de nombreuses lignes de province ou de diminuer leur rotation. Toutes ces lignes seront-elles remplacées par des trajets en car ? Est-il normal de financer à perte une activité qui concurrence votre propre métier, ce dernier perdant même des clients à cause du covoiturage, alors qu’il y a deux ans, vous-même déclariez : « À nous de vous faire aimer le train » ? N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Ensuite, d’une manière générale, les usagers sont mécontents des retards et des incidents qui surviennent régulièrement. Une association a même l’intention de lancer une action de groupe afin de permettre à ces mêmes usagers de percevoir une indemnisation au titre du préjudice subi lors des incessantes perturbations du trafic – qu’en pensez-vous ?

Toujours début 2015, vous affirmiez votre volonté de mettre l’entreprise au régime afin de diminuer le prix du train. De quel régime s’agit-il ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour stabiliser les tarifs et revenir à une gestion plus profitable en évitant d’augmenter trop souvent les prix ou de ponctionner les régions en demandant davantage de subventions ? Ne faut-il pas envisager le plus rapidement possible des réformes structurelles visant à diminuer les coûts de production ? Enfin, ne pensez-vous pas que l’ambitieux projet « Excellence 2020 », qui entend faire de la SNCF la référence mondiale du transport durable par l’excellence du service rendu, ne soit qu’un slogan et ne deviendra jamais réalité ?

M. Thomas Thévenoud. En ce qui concerne le développement de plateformes d’applications qui font directement concurrence à la SNCF, quelle est votre stratégie et pouvez-vous nous la préciser ? Des évolutions législatives sont-elles nécessaires ? Je pense précisément à la notion de covoiturage.

Ensuite, ne faudrait-il pas améliorer les services à bord des TGV, des TER, à l’instar de ce que font d’autres compagnies ferroviaires dans le monde ? Un certain nombre de services ont en effet disparu.

M. Arnaud Leroy. Je vous encourage à continuer dans la voie de la diversification. Les bus et les trains m’apparaissent en effet complémentaires, notamment pour les villes où il n’y aura jamais de trains ou plus de trains du tout. Or j’étendrai la politique de diversification au domaine maritime. Où en êtes-vous de votre stratégie concernant la desserte des ports – je pense en particulier au fret ? Êtes-vous prêts à participer à un éventuel tour de table sur l’avenir de l’« entreprise ferries » en France ? Comment appréhendez-vous l’effort de certains ports pour survivre – question primordiale, pour les prochaines décennies, pour l’avenir industriel de l’État ? Ainsi, de nombreuses discussions sont actuellement menées à propos de la desserte du Havre – quid, dans cette perspective, du canal Seine-Nord ? Je suis de ceux qui plaident en faveur d’un débat sur la stratégie portuaire nationale afin que nous participions au grand débat logistique qui s’ouvre en Europe. Nous devons être actifs et non pas seulement spectateurs et la SNCF, de par ses ramifications, son histoire – avec la SNCM ou SeaFrance – a peut-être une carte à jouer en la matière.

M. Laurent Furst. Le train fonctionne et la sécurité de nos concitoyens y est assurée – voilà des atouts considérables. En outre, la création d’une dimension internationale est indéniablement un succès. Est-elle désormais source de revenus, pour la maison mère, ou bien lui coûte-t-elle encore de l’argent ? Avez-vous établi le bilan de l’internationalisation du groupe ? Pour la réussir, les coûts doivent être maîtrisés, notamment au Royaume-Uni où vous assurez des lignes dans la banlieue de Londres. Y a-t-il une réelle différence des coûts de production des services entre là-bas et ici ?

Je souhaite que vous nous confirmiez que le système ferroviaire génère un chiffre d’affaires de 23 milliards d’euros avec 14 milliards d’euros d’argent public. J’aimerais également que vous nous indiquiez quelle est l’évolution de la contribution publique : doit-elle augmenter ou baisser ?

Un collègue d’une autre assemblée m’a affirmé que la carrière d’un conducteur de train français durait un tiers de moins que celle de son homologue allemand, d’abord parce que l’âge de départ à la retraite est très différent dans les deux pays, ensuite parce que la durée hebdomadaire du travail n’est pas la même, enfin parce que les missions exigées varient. Est-ce exact ? Ainsi s’expliqueraient les très importants coûts de structure pour notre système ferroviaire et qui ne sauront être exclusivement compensés par une réorganisation institutionnelle.

M. Guillaume Chevrollier. Vos orientations, monsieur le président Guillaume Pepy, me semblent intéressantes et je salue votre engagement personnel. N’oubliez toutefois pas les zones rurales : les ruraux ont eux aussi besoin de la mobilité. En ce qui concerne votre volonté de développer le fret, elle est déconnectée de la réalité et je tiens à vous faire part de l’incompréhension de nombreux industriels. Votre souhait d’adapter votre groupe aux exigences de compétitivité sera difficile à réaliser, certes, mais nécessaire : les Français réclament cette adaptation au nom de l’équité sociale. Dans cette perspective, quelle est la situation du climat social dans votre entreprise ? Sentez-vous vos collaborateurs prêts au changement maintenant ?

M. Jean-Pierre Vigier. Je vous remercie, président Guillaume Pepy, pour la qualité renouvelée de votre intervention. Au moment où il est question d’aménagement du territoire et surtout de solidarité territoriale, au moment où l’on parle du maintien des services en milieu rural, notamment dans le contexte des assises de la ruralité, le rapport de notre collègue Philippe Duron recommande, dans certains cas, soit de supprimer purement et simplement les TET, soit leur transformation en TER afin qu’ils relèvent désormais des régions. C’est clairement un désengagement de l’État en milieu rural. Aussi ma question est-elle simple : comment voyez-vous l’évolution des lignes ferroviaires en milieu rural ?

M. Gérard Menuel. Dans l’Est, de nombreux silos céréaliers ne seront plus desservis par voie ferrée dite capillaire, à moins d’importants aménagements. Par ailleurs, monsieur Guillaume Pepy, vous avez évoqué la lutte contre la fraude. On a avancé le chiffre de 350 millions d’euros par an – le confirmez-vous ? Cette fraude est en tout cas visible de tous les usagers dans les trains sans réservation. Rendre obligatoire la présentation d’une pièce d’identité est-il une bonne solution ? Enfin je souhaite que vous nous confirmiez votre engagement sur les grands dossiers locaux comme la ligne Paris-Troyes, le technicentre de Romilly et le pôle de la gare de Troyes.

Mme Catherine Quéré. Après le remarquable travail de notre collègue Philippe Duron, quelle est votre appréciation sur la feuille de route du Gouvernement concernant les TET – feuille de route officialisée hier ?

Ensuite, au sujet de la maintenance des TET, celle, plus précisément des trains Corail est réalisée au technicentre de Saintes. Quid de l’avenir lorsque les Corail vont disparaître ? Vous imaginez sans peine l’inquiétude des salariés et des élus sur l’avenir de ce technicentre.

Enfin, la ligne Saintes-Nantes, que j’emprunte assez souvent, a été conservée mais, le samedi, aucun train n’y circule, ce qui n’est pas le cas le dimanche… Je suis assez choquée par cette situation que je ne comprends pas.

M. Guillaume Pepy. Je sollicite votre indulgence car j’ai compté quatorze intervenants qui ont posé chacun, en moyenne, trois questions, soit, en comptant celles des représentants des groupes, quelque soixante questions… J’en regrouperai donc certaines.

Je commencerai par les TET. Le Parlement a unanimement considéré qu’il fallait un État stratège. Dans cette perspective, la mission du conseil de surveillance est de surveiller le directoire et de fixer les stratégies – ce n’est donc pas la tâche du directoire. En tant que responsable de l’opérateur des transports, je n’ai par conséquent aucune opinion sur le rapport de M. Philippe Duron, pas plus que sur les annonces faites hier par le secrétaire d’État chargé des transports. Ce n’est en effet pas la SNCF qui détermine les orientations politiques concernant les TET mais bien, donc, le Parlement, le Gouvernement et le conseil de surveillance. Je me bornerai à remarquer que, quelles que soient vos décisions relatives à l’augmentation ou à la diminution du nombre de TET, la seule question qui vaille pour moi est celle du financement.

Or chacun sait que le mode de financement est une vaste lessiveuse puisqu’il s’agit d’une délégation de service public financée par l’opérateur lui-même. C’est exactement comme si l’on demandait à l’opérateur de l’eau de financer lui-même le service qu’il fournit. Cette économie circulaire, dans le secteur qui nous intéresse, ne fonctionne pas et elle ne résistera ni à l’ouverture à la concurrence ni au fait que Bruxelles et le Parlement européen ont décidé qu’une délégation de service public devait être financée. Vos choix politiques doivent donc prévoir un mode de financement pérenne.

Le métier de président de la SNCF va-t-il changer, se sont demandés MM. Philippe Duron et Jacques Kossowski ? Oui car, à travers la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, vous nous demandez, à M. Jacques Rapoport et à moi-même, d’appréhender les questions de façon globale et aux bornes du groupe ferroviaire, sous la responsabilité du conseil de surveillance – cela, à une exception près : le directoire n’a pas le droit de connaître des questions qui relèvent de M. Jacques Rapoport seul : l’allocation des capacités et la tarification de l’infrastructure. Sur tout le reste, nous dialoguons pour essayer de trouver des solutions globales allant dans le sens de l’intérêt général.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Philippe Duron, pour considérer que l’organisation du travail, la productivité et la maintenance constituent l’urgence.

Ceci me permet d’aborder l’ouverture à la concurrence, évoquée par trois intervenants. Le débat vient des Assises du ferroviaire qui se sont tenues sous l’autorité de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, repris par les états généraux du ferroviaire sous l’égide de M. Jacques Auxiette, et poursuivi par un rapport Bianco, entre autres épisodes. La SNCF a toujours considéré, depuis six ou sept ans, que l’ouverture à la concurrence était un choix politique et qu’il ne lui appartenait donc pas de prendre parti – il faudrait, sinon, modifier la loi d’orientation des transports intérieurs (dite loi LOTI) de 1982. Je n’en ai pas moins répété devant vous à plusieurs reprises que le pire cadeau à nous faire consistait à ne rien faire jusqu’à la date couperet décidée par les autorités européennes. On a en effet pu voir ce que cela avait donné pour le fret : jusqu’au 31 décembre, tout va bien et, le 1er janvier, tout va mal parce que la concurrence n’est pas préparée, organisée, régulée ni socialement calée. C’est pourquoi, avec humilité, nous vous demandons de débattre de cette question et de trouver une solution d’ici à 2019 ou, sans doute, 2022, permettant à la SNCF de « résister » à la concurrence.

Pourquoi, demande M. Jacques Kossowski, investissons-nous dans OuiCar ? Notons au passage que le numéro un du marché s’appelle Drivy et que son actionnaire majoritaire est la Banque publique d’investissement (BPI). Nous aurons donc manqué d’originalité… Si nous pensons que la colonne vertébrale de la SNCF est le ferroviaire, les jeunes, notamment, ont besoin de trouver des moyens de transport pour aller dans les gares, faute de quoi ils utilisent le covoiturage de bout en bout. Or la possibilité de louer des véhicules entre particuliers pour quelques jours, dans des conditions économiques très favorables, sert le train plutôt qu’elle ne le dessert : nous allons pouvoir combiner le train et la location de voiture dans les gares.

Je laisserai, monsieur Bertrand Pancher, M. Jacques Rapoport vous répondre éventuellement sur la règle d’or. Quant à la dette, celle de SNCF Mobilités est de 7,5 milliards d’euros et celle de SNCF Réseau de 37 milliards d’euros, dette que le législateur n’a pas consolidée.

En ce qui concerne la limite des 100 kilomètres entre les arrêts, M. Frédéric Saint-Geours s’est exprimé. Nous avons regretté – même si c’est désormais du passé – que la différence entre 100 et 200 kilomètres ait concerné essentiellement les TER et les Intercités – le TGV n’a pas d’arrêts tous les 100 kilomètres. Nous avons considéré que si l’on en venait immédiatement à rendre les bus possibles au-delà d’une limite de 100 kilomètres, un transfert des voyageurs des TER et des Intercités vers les bus nous semblait inévitable ; or, étant donné que les TER sont financés à 70 % par les régions, nous avons pensé qu’un tel dispositif pourrait engendrer un surcroît de dépenses pour les régions.

M. François-Michel Lambert nous a demandé notre position sur la révolution numérique. En une phrase : si la SNCF ne s’emploie pas à avoir le meilleur site français des mobilités, c’est Google qui le concevra et, une fois que Google l’aura mis en place, il sera trop tard. Nous souhaitons par conséquent que voyages-sncf.com devienne mobilites.com avec nos partenaires de Transdev, nos partenaires des villes, la RATP. Il faut qu’il y ait au moins un site français agrégateur des services de mobilité. Quant à TGV Pop, il s’agit d’un produit destiné essentiellement à la génération geek qui réalise la majorité de ses achats sur la Toile et qui souhaite y disposer d’une offre de transports ferroviaires directement accessible.

En ce qui concerne la desserte de Château-Thierry, monsieur Jacques Krabal, les TET sont, je le répète, des trains d’État, autorité organisatrice qui décide des dessertes, des arrêts et des matériels.

J’en viens à l’intervention de M. Gilles Savary. Nous pensons, M. Jacques Rapoport et moi-même, qu’il manque de l’ordre d’un milliard d’euros pour la modernisation du réseau existant et nous proposons de « prendre » ce milliard sur les projets de développement afin de ne pas alourdir les finances publiques. Les collectivités territoriales ont fourni un immense effort : les régions ont en effet dépensé plus de 8 milliards d’euros pour acheter du matériel ferroviaire neuf. Les besoins en TER sont par conséquent résiduels, alors qu’ils peuvent être évalués, selon le secrétaire d’État, à quelque 1,5 milliard d’euros pour les trains Intercités – la mobilisation d’une telle somme donnerait à l’industrie ferroviaire le bol d’air qui lui fait défaut. Reste enfin, en région parisienne, à remplacer les matériels des RER C et D ; un appel d’offres est en cours et, là aussi, le potentiel est de 1 à 2 milliards d’euros.

M. Christophe Priou a raison quant aux défaillances de la desserte d’Angers et de Nantes : le nombre excessif de retards tient à ce que nous en sommes à la phase finale de raccordement de la ligne existante à la nouvelle ligne.

Pour ce qui est de la desserte de Laval, monsieur Yannick Favennec, un protocole a été signé, il y a six ou sept ans, par M. François Fillon, alors Premier ministre, et que nous entendons respecter à la lettre. Reste la question, que vous avez raison de soulever, de la seconde desserte directe. Il s’agit de respecter le fameux équilibre entre les trains qui passent au Mans et ceux qui vont directement à Laval. Nous sommes en cours de négociation sur ce point et je vous propose d’avoir un contact direct avec vous afin de ne pas prendre de retard.

La question de M. Olivier Falorni est du même ordre et montre les limites du système ferroviaire qui ne sait pas s’arrêter puis aller très vite. Il faut choisir. Si, par exemple, on va très vite à La Rochelle en quatre allers et retours directs, évidemment le train ne devra s’arrêter ni à Poitiers, ni à Saint-Maixent, ni à Surgères, ni à Niort. Or si les élus de ces villes étaient parmi nous, ils nous diraient qu’il n’est pas question que les trains ne s’y arrêtent pas. Je constate avec vous, monsieur Olivier Falorni, que nous n’avons pas encore trouvé le point d’équilibre. Nous allons donc continuer à discuter avec les autorités de La Rochelle.

Le renouvellement du matériel des vieux trains Corail, madame Suzanne Tallard, est une question majeure : le Corail est en fin de vie – il lui reste trois à cinq ans d’activité – et il est temps que la décision politique d’acheter de nouveaux matériels soit prise et qu’un financement soit trouvé puisqu’il s’agit, j’y insiste, de trains d’État. Les trains Intercités ont été pendant quarante ans sous l’autorité de la SNCF que tout le monde a considérée comme un très mauvais gestionnaire. Il y a six ans, la décision a été prise de transférer ces trains à l’autorité organisatrice État qui décide du remplacement des trains et de son financement. Nous sommes, dans ce contexte, très attentifs au sort du technicentre de Saintes : la SNCF y est le premier employeur. Nous prendrons, à moyen terme, nos responsabilités d’entreprise publique pour ne pas « quitter » Saintes.

Madame Sophie Rohfritsch, se diversifier, comme vous l’avez suggéré, n’implique pas un rétrécissement du secteur ferroviaire mais la définition de solutions pour ce qu’on appelle le dernier kilomètre. Plus on travaille sur ce dernier kilomètre et plus les voyageurs considèrent que le train est le bon mode de transport. En ce qui concerne la politique de communication, la Cour des comptes, il y a près de trois ans, a publié un rapport des plus sévères assorti de recommandations très fermes – pilotage des dépenses, appels d’offres systématiques, politique présentée au conseil d’administration, rapport annuel sur les dépenses… Nous appliquons ces recommandations scrupuleusement. Le directeur de la communication du groupe, que vous avez mentionné, est chargé d’unifier l’ensemble de la communication du groupe public. Sous son autorité, on trouve le directeur de l’information, chargé de la presse et des situations de crise – lourde responsabilité à la SNCF.

M. Jacques Rapoport pourra répondre aux questions posées par MM. Rémi Pauvros et Yves Albarello sur les TET. Je préciserai toutefois que les tarifs SNCF ont baissé, l’année dernière, de 1,5 %. La TVA, en effet, en 2014, a augmenté de 3 points, hausse que nous n’avons pas pu répercuter ; aussi avons-nous « mangé » la moitié de cette augmentation. En 2015, il est probable que l’augmentation faciale des tarifs soit entièrement absorbée par les bas tarifs, les tarifs promotionnels, et que nous parvenions à une stabilité des tarifs SNCF.

M. Thomas Thévenoud s’est interrogé sur le fait de savoir s’il fallait légiférer en matière de covoiturage. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait tant de litiges, d’insatisfaction. Pour ce qui est de la location de voitures entre particuliers – métier nouveau –, ni Drivy ni OuiCar n’ont aujourd’hui de contentieux. Nous restons quoi qu’il en soit attentifs à l’évolution de cette activité. La restauration à bord des trains, quant à elle, s’est améliorée ; cependant, son coût atteint 100 millions d’euros de subventions chaque année, payés par les autres voyageurs. Les tarifs pourtant élevés n’équilibrent pas, en effet, cette dépense. Il faut savoir que ce qui coûte cher dans la restauration à bord, c’est la manutention et les coûts des personnels, ces derniers devant être éventuellement hébergés une fois arrivés au terminus.

Je répondrai à M. Arnaud Leroy que nous ne sommes pas satisfaits de notre politique portuaire. Nous en avons discuté avec M. Alain Picard, directeur général de SNCF Logistique : nous ne sommes pas à la hauteur de la situation et nous devons reprendre ce chantier dans sa globalité. Je m’engage à traiter le sujet dans les prochains mois. Vous me demandez ensuite si la SNCF est prête à intervenir de nouveau dans le secteur du transport maritime. Ma réponse sera franche : à l’époque de SeaFrance, les organisations syndicales, les personnels nous ont expliqué que nous étions les patrons les plus nuls de France, totalement incapables d’exploiter cette compagnie. Aussi nous ont-ils vus partir avec une grande satisfaction. Le moment ne me paraît donc pas opportun d’y revenir. Je dirai avec la même franchise que les trois bateaux que la SNCF avait achetés en son temps 100 millions d’euros ont été ensuite revendus à un prix très inférieur ; il semble qu’ils aient retrouvé de la valeur à la faveur d’un accord entre Eurotunnel et la société DFDS.

Le cœur de notre métier, monsieur Laurent Furst, c’est le train en France et cela ne changera pas car c’est, d’une certaine manière, notre ADN, notre raison d’être. Ce n’est pas pour autant qu’il faille s’interdire toute activité ferroviaire à l’étranger, débordant même éventuellement le seul secteur du train. Pour ce qui concerne les écarts de coûts, vous avez parfaitement raison : l’âge de la retraite au Royaume-Uni et en Allemagne est, pour les cheminots, bien plus élevé qu’en France. Certains conducteurs de trains Eurostar, certains conducteurs de train en Allemagne ont beaucoup plus que soixante ans, mais ils sont généralement beaucoup mieux payés que les conducteurs français. En outre, la durée du travail est moindre en France mais le salaire aussi.

M. Guillaume Chevrollier regrette que la SNCF ne soit pas capable de répondre à des demandes industrielles. Heureusement, 18 entreprises ferroviaires en France sont nos concurrents et représentent 36 % du marché du fret. Aussi, si nous ne pouvons faire une offre sans perdre d’argent, je suis sûr que d’autres entreprises ferroviaires en seront capables, comme la filiale de la Deutsche Bahn ou la filiale d’Eurotunnel. Vous vous êtes ensuite interrogé sur le climat social : les personnels sont-ils prêts pour le changement ? Il est difficile de vous répondre. Les gens ont fortement conscience d’être mal orientés, à long terme, si subsiste un double cadre social, avec un cadre public beaucoup plus favorable que le cadre privé. En effet, dans cette perspective, la SNCF tendra à se réduire au profit du secteur privé. À court terme, les efforts à fournir sur le périmètre des métiers, sur l’organisation du temps de travail et sur l’organisation du travail, personne ne s’y livre, dans la société française, de gaîté de cœur. Nous devrons donc réaliser un travail de pédagogie et de persuasion pour montrer que le nouveau cadre social défini par le Parlement est l’avenir de la SNCF et de ses emplois. Je terminerai par Romilly : j’ai pris des engagements vis-à-vis de vous, monsieur le député, nous les tiendrons et nous nous reverrons pour en parler.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Peut-être pourrez-vous, monsieur le président, nous en dire un peu plus tout à l’heure sur la ligne LISEA puisque j’ai lu dans la presse que le déficit serait de l’ordre de 150 à 180 millions d’euros pour la SNCF.

M. Guillaume Pepy. C’était la question de M. Olivier Falorni à laquelle, en effet, je n’ai pas répondu.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En ce qui concerne SeaFrance, nous auditionnerons demain matin le PDG d’Eurotunnel, M. Jacques Gounon.

Vous pourrez par ailleurs, peut-être, nous donner des précisions concernant le financement du déficit des TET. Vous avez évoqué l’économie circulaire mais tout le monde ne sait pas comment ce déficit de quelque 330 millions d’euros est financé.

*

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous auditionnons maintenant M. Jacques Rapoport, candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF.

M. Jacques Rapoport, candidat à la présidence déléguée du directoire de la SNCF. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je reviendrai brièvement sur ma candidature à la présidence déléguée du directoire de la SNCF, aux termes de la loi du 4 août 2014 – avec la création, notamment, de l’EPIC de tête –, puis sur ma candidature à la présidence de SNCF Réseau – avec un point sur l’état technique du réseau, ses perspectives et l’évolution de la dette.

Dès le début de l’année 2013, nous sommes entrés dans une nouvelle forme de coopération entre la SNCF et RFF. La situation n’était pas simple, les deux structures n’ayant pas du tout la même organisation, la même logique, les mêmes missions, les mêmes références culturelles ; et l’on sait que les fusions d’entreprises échouent souvent à cause d’une incompatibilité culturelle. Or, deux ans après, nous pouvons très sereinement affirmer que cette fusion est un succès. La mise en place du groupe public intégré s’effectue dans de bonnes conditions. Cette opération implique bien sûr des délais, des procédures, de nombreux changements mais, si les parlementaires n’en perçoivent pas encore les résultats, et c’est bien naturel, la dynamique est bonne, la compréhension des motifs de la fusion assurée et les obstacles innombrables sont levés les uns après les autres.

Je mentionnerai quelques fruits de cette intégration réalisée le 1er juillet. En matière de sécurité – notre priorité – nous avons des programmes intégrés entre la roue et le rail, comme il est d’usage de dire, sous le contrôle de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). En ce qui concerne les ressources humaines, des accords d’intéressement viennent d’être signés, ce qui aurait été impensable dans le cadre de l’ancien système. Pour ce qui touche à la mutualisation, nous disposons désormais d’un domaine immobilier intégré. Nous avons par ailleurs, désormais, une capacité à nous projeter dans l’avenir en matière d’achats. Sur les sujets difficiles comme SEA, nous entretenons un dialogue grâce auquel nous pouvons identifier l’intérêt global du système ferroviaire. La mutualisation est créatrice de valeur.

En outre, l’autonomie, l’indépendance, même, de décision de SNCF Réseau quant à la tarification et à l’accès aux sillons, est totale. Il n’y a donc aucun changement par rapport à avant sur ce point et je dirai même que cela va nettement mieux puisque SNCF Réseau maîtrise la politique de maintenance et de travaux alors qu’il s’agit d’éléments de perturbation de la production des sillons. La chaîne est désormais intégrée dans le parfait respect de l’autonomie contrôlée par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) dont les pouvoirs ont été considérablement renforcés par la loi, Autorité à laquelle j’ai rendu compte de ces questions pas plus tard qu’hier dans le cadre de la procédure qui nous réunit aujourd’hui. J’insiste donc sur le fait que les responsabilités propres de SNCF Réseau sont parfaitement respectées et que l’EPIC de tête, bien loin d’être un frein à l’exercice de ces responsabilités, y contribue au contraire.

J’en viens à mon second point : quel est l’état et quelles sont les perspectives du réseau ferré national ? Depuis le premier rapport de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2005, la masse des rapports, des enquêtes et des audits est considérable, si bien que tout le monde connaît la situation dans laquelle nous nous trouvons : notre réseau vieillit, comme partout en Europe, mais de façon plus marquée en France. En effet, parallèlement au ralentissement de l’investissement dans le réseau ferré national, s’est développé le TGV qui répondait à des ambitions beaucoup plus fortes que ce qui se faisait dans le même temps à l’étranger.

Je citerai quelques chiffres. La partie la plus circulée du réseau – 15 % du réseau structurant – est classée « hors d’âge », ce qui ne signifie toutefois pas qu’elle soit nécessairement dangereuse ; mais, suivant les normes de maintenance, elle doit être remplacée ; or nous avons pris du retard. En Île-de-France, où nous rencontrons des problèmes importants, 40 % des aiguillages ont plus de vingt-cinq ans – chiffre ici aussi excessif. De ce fait, les coûts de maintenance augmentent puisque plus un équipement est ancien et plus il est coûteux à entretenir et, d’autre part, on note une certaine tension sur la qualité du service, qui se traduit par une augmentation, en quatre ans, de plus de 30 % des kilomètres sous ralentissement et une hausse de 40 % des minutes perdues à cause d’incidents liés à l’infrastructure. Depuis la fin des années 2000, le renouvellement s’est sensiblement accru et a d’abord porté sur le réseau secondaire, celui qui se trouvait dans le plus mauvais état ; il concerne davantage aujourd’hui le réseau structurant.

M. Frédéric Saint-Geours a d’autant plus raison, par ailleurs, d’insister sur la nécessité du benchmarking que, la partie réseau étant un monopole naturel, établir des comparaisons n’est pas facile en France ; il faut donc nous comparer avec l’étranger. Ainsi, la moyenne d’âge des voies et des aiguillages en Allemagne est de vingt ans et elle est de trente-trois ans en France. Les Allemands investissent en renouvellement quelque 4 milliards d’euros contre 2,5 milliards pour la France – alors que le réseau de nos voisins est plus jeune. Une comparaison avec le Royaume-Uni donnerait des résultats du même ordre. Enfin, le volume global des investissements ferroviaires est plus élevé en France qu’en Allemagne ; cet apparent paradoxe s’explique par la construction en France de 700 kilomètres de LGV et par la réouverture de lignes fermées depuis quelques décennies.

Ce volume très important de travaux engendre les difficultés que vous connaissez : notre appareil de production étant saturé, nous devons reporter un certain nombre d’opérations quitte à susciter le mécontentement conséquent des élus concernés. Nous avons donc un problème de capacité de production pour accélérer la réalisation de ces travaux autant qu’il le faudrait. Je tiens à le souligner : les voies du redressement sont là. La création du groupe public ferroviaire nous donne les moyens de résoudre les problèmes, certes pas en six mois ou un an : nous sommes engagés dans une action à long terme. La priorité donnée au renouvellement sur le développement est comprise par l’ensemble des acteurs. Nous disposons d’une réelle capacité d’industrialisation de nos travaux grâce à la fusion entre RFF et SNCF Infra. Nous parvenons progressivement à augmenter le recours à des entreprises externes. Enfin nous avons de grandes ambitions – mais raisonnables – en matière d’innovation, notamment dans le secteur numérique ; or nous sommes plutôt en retard dans l’utilisation des nouvelles technologies. L’objectif est d’atteindre, pour les transports quotidiens, le même niveau d’excellence que celui qui vaut pour la grande vitesse.

En ce qui concerne les lignes secondaires, appelées capillaires, les unes destinées au transport de voyageurs, comme la ligne Nantes-Bordeaux, et les autres essentiellement destinées à la desserte des céréaliers et des carrières, il est exact qu’elles sont en mauvais état et qu’elles ont donc besoin d’être renouvelées. Il convient par conséquent d’établir un tour de table de financement. Le Gouvernement vient d’annoncer que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) va engager 30 millions d’euros à cet effet. Les contrats de plan État-région (CPER) prévoient en outre un certain nombre d’investissements destinés à ce réseau.

Pour ce qui est de la situation financière, la dette de SNCF Réseau est aujourd’hui de 37 milliards d’euros et augmente, grosso modo, de 2,5 à 3 milliards d’euros par an, rythme amené à ralentir à partir des années 2017-2018 pour une augmentation annuelle de 1 à 1,5 milliard d’euros. Cette dette gonfle pour une raison très simple : les investissements ne sont pas financés, ni par des recettes commerciales ni par des subventions – ou du moins à un niveau très insuffisant.

Comment interrompre la croissance de la dette, comme le prévoit la loi, pour l’année 2025 ? La première solution est la règle d’or. Il ne s’agit pas d’arrêter le développement – comme l’a bien rappelé M. Guillaume Pepy : la politique ferroviaire relève des pouvoirs publics et non d’un opérateur – mais de cesser de mettre la SNCF à contribution pour le financement des opérations de développement – soit l’équivalent de la moitié de la croissance de la dette. La deuxième solution, vous l’avez tous souligné, revient à réaliser 500 millions d’euros de gains de productivité par tranche quinquennale. Pour la première tranche, 2015-2020, les 500 millions d’euros proviendront des effets de la fusion, d’une politique d’achats, d’une politique industrielle, d’une politique d’externalisation, qui étaient totalement impensables dans le contexte de la fracture SNCF-RFF.

À partir de 2020, pour la seconde tranche quinquennale, la remise à niveau du réseau nécessitera 1 milliard d’euros supplémentaire par an et devra permettre de diminuer les coûts de maintenance. En effet, nous dépensons plus en maintenance courante, à hauteur de 2 milliards d’euros par an, que les Allemands, pour 1,7 milliard d’euros, alors qu’ils investissent beaucoup plus que nous en renouvellement. Troisième point : nous supportons le poids des frais financiers. On estime à 2 milliards d’euros l’autofinancement pour les investissements, somme insuffisante et qui, si elle peut paraître néanmoins significative, doit être amputée de 1,5 milliard d’euros de frais financiers.

Avec ces trois éléments de réponse à la croissance de la dette, nous serons capables d’avoir un système équilibré dans la durée.

M. Philippe Duron. En vertu de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, le Président de la République, monsieur Jacques Rapoport, vous a nommé président de SNCF Réseau et donc vice-président du directoire de la SNCF. Cette fonction n’est pas nouvelle pour vous qui avez fait une longue et brillante carrière dans les entreprises publiques, présidé RFF depuis 2012, et qui assumez la préfiguration, vous venez de le rappeler, du gestionnaire unique d’infrastructure (GUI). Voilà la nouveauté et la difficulté puisque la nouvelle entité regroupe les personnels de RFF, ceux de la direction des circulations ferroviaires et ceux de SNCF Infra – soit un peu plus de 50 000 cheminots. Où en est-on de cette intégration qui commence cette année ?

SNCF Réseau a la responsabilité d’un important réseau de plus de 30 000 kilomètres. Si les LGV sont récentes, vous l’avez rappelé, et offrent des performances techniques remarquables, il n’en va pas de même pour la plus grande partie du réseau, comme l’ont mis en évidence les deux rapports de l’EPFL, ainsi que les deux graves accidents de Brétigny-sur-Orge et de Denguin. Un effort sans précédent a été engagé par RFF à la demande du Gouvernement – il s’agit du grand plan de modernisation du réseau (GPMR) qui apporte 2,5 milliards d’euros par an en investissements de régénération. Le secrétaire d’État chargé des transports, lors de son déplacement à Amiens, en septembre dernier, a fait de la sécurité la priorité du système ferroviaire – et vous avez largement repris, les uns et les autres, cet impératif. Je souhaite savoir si, selon vous, cet effort est suffisant – vous venez de préciser qu’en Allemagne et au Royaume-Uni on faisait davantage : entre 4,6 et 6 milliards d’euros par an. En outre, disposez-vous des moyens humains nécessaires pour l’indispensable remise à niveau – à savoir 15 500 chantiers en 2015 ? Les retards pris en Loire Atlantique relèvent-ils d’un fâcheux dysfonctionnement ou bien sont-ils le symptôme de difficultés que vous rencontrez sur de nombreux chantiers pour faire face à ces travaux urgents ? Pensez-vous que les efforts entrepris pour la désaturation des grands nœuds ferroviaires, comme ceux de Lyon, sont suffisants pour éviter demain des congestions graves sur le trafic ?

Ma dernière question portera sur la dette et les péages. Pour tenter de ralentir la croissance d’une dette dynamique et dangereuse pour le système ferroviaire, la loi a institué la règle d’or qui proportionne les investissements aux montants des péages susceptibles de revenir au gestionnaire de réseau. Cependant, l’augmentation des péages, notamment sur la circulation des LGV a amené l’opérateur de transport, aujourd’hui SNCF Mobilités, à réduire les circulations et donc vos recettes. N’y a-t-il pas là une source de conflits à venir au sein du groupe ferroviaire ? D’autre part, le montant des péages n’est-il pas de nature à fragiliser l’opérateur de transport face aux nouvelles formes de mobilités qui n’assument pas les mêmes charges que le secteur ferroviaire ?

Les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen vous connaissent et apprécient votre lucidité, votre courage et votre capacité à relever des défis difficiles ; aussi vous apporteront-ils leurs suffrages et leur soutien.

M. Bertrand Pancher. Je vous remercie, monsieur Jacques Rapoport, pour la clarté de vos propos et surtout pour la qualité de votre engagement – je pense au tandem que vous avez formé avec M. Guillaume Pepy dans le cadre de la réforme ferroviaire. Il n’était pas évident pour le dirigeant d’une grande entreprise publique comme la vôtre de faire en sorte que la transition se passe en douceur.

Je reviens sur la règle d’or puisque SNCF Réseau continuera de financer la maintenance du réseau, mais, pour les lignes nouvelles, on n’exigera pas de financement de la part de SNCF Réseau qui ne serait pas susceptible de lui être remboursé. Dans ce cas, les projets d’investissement et de développement seront en effet financés par l’État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. Une fois que la règle d’or entrera en vigueur, vous allez être confrontés à de nombreux arbitrages. Vous avez cité le chiffre qui m’a frappé de 15 % de lignes hors d’âge. Vous avez évoqué la fermeture de lignes secondaires de transport de marchandises alors qu’il existe une demande – un de nos collègues évoquait la coopérative VIVESCIA dans le grand Est, désormais obligée de transporter ses produits par camion. De multiples pressions visent au maintien des investissements nécessaires et des accords avec les collectivités restent sans doute à trouver. Un grand groupe peut avoir intérêt à maintenir des lignes. Comment envisagez-vous ces arbitrages ?

M. Gilles Savary. Je vous adresse mes félicitations pour avoir porté la taille de votre entreprise à 90 000 personnes en souplesse.

Je suis surpris que, dans vos considérations sur l’allégement de la dette, vous n’ayez jamais mentionné le fait qu’une partie de la dette ferroviaire française avait été requalifiée en dette souveraine. On pourrait donc envisager que l’État en fasse son affaire. Ce serait d’autant moins aberrant si l’on songe aux injonctions contradictoires de ce même État qui vous demande de mettre en œuvre des projets qui ne sont pas rentables et qui renforcent l’endettement du système ferroviaire. Aussi, j’y insiste, une partie de cette dette devrait-elle être reprise par l’État, puisque d’origine politique. La dette découle en effet directement des décisions issues du Grenelle de l’environnement et du « tout TGV ».

Ensuite, je ne passerai pas sous silence un récent audit de l’EPSF qui révèle un certain nombre de difficultés. Il ne faut pas cacher en effet les dangers éventuels qui menacent le système ferroviaire : nous ne disposerions pas de toutes les compétences nécessaires pour assurer le haut niveau d’exigence des travaux de maintenance, notamment en matière de sécurité. J’ai lu à cet égard dans la presse que vous entendiez investir de façon très importante dans la culture de la sécurité. Que pensez-vous de cet audit qui constitue une sorte d’alerte ?

M. Yannick Favennec. Je souhaite vous interroger sur votre politique de réouverture de petites lignes comme celle qui relie Nantes à Châteaubriant. Avez-vous d’autres perspectives en la matière ? Je prendrai l’exemple, dans mon département, de la ligne Laval-Mayenne. Mayenne est la seule sous-préfecture des Pays de la Loire à n’être desservie par aucun TER. Des études ont été commandées par la région et personne n’a vraiment eu connaissance de leurs résultats. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’aurai une dernière question : à quelques mois de la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), peut-on d’ores et déjà mesurer les conséquences du réchauffement climatique sur vos activités et réfléchissez-vous à un plan d’adaptation au changement climatique ? Dans l’affirmative, quelles en seraient les orientations principales ?

M. Jacques Rapoport. L’intégration de RFF, de SNCF Infra et de la direction des circulations ferroviaires n’était pas simple compte tenu, je l’ai évoqué, des différences culturelles et, affirmons-le clairement, du fait que, pendant dix-huit ans, RFF et SNCF Infra étaient les meilleurs ennemis du monde. J’affirme aujourd’hui très sereinement à la représentation nationale que ces difficultés ont été surmontées les unes après les autres et que l’intérêt d’avoir un gestionnaire d’infrastructure unifié GIU est reconnu par tous. Nous restons attentifs évidemment à ce que les apports méthodologiques de RFF soient non seulement préservés mais encore diffusés au sein du corps social issu de l’infrastructure SNCF qui a une connaissance du réseau et de ses enjeux inégalée. Je rappelle que la difficulté de maintenir le réseau est liée à la diversité des technologies implantées : plus d’un siècle de strates technologiques se sont accumulées. Nous avons donc besoin d’un personnel apte à entretenir et à dépanner des technologies qui, depuis l’électromécanique jusqu’à l’informatique, n’ont rien à voir les unes avec les autres. Je tiens en tout cas, concernant l’intégration, à exprimer ma satisfaction et mon optimisme.

Pour ce qui est de la sécurité, l’accident de Brétigny-sur-Orge nous a éclairés sur bien des points, pour partie repris dans le rapport de l’EPSF : avec la montée en charge des travaux depuis la fin des années 2000, une sorte d’inversion psychologique s’est opérée et d’inversion de l’allocation des moyens qui étaient davantage orientés vers les travaux, cela pendant une période où les effectifs ont très sensiblement baissé – entre 2000 et 2010 –, puis modérément augmenté – depuis 2011. L’accident de Brétigny a conduit à mettre un terme à cette évolution et le secrétaire d’État lui-même y est très attentif. Aujourd’hui, plus aucun moyen n’est détourné de la maintenance vers les travaux qui, de ce fait, peuvent prendre du retard – ainsi sur la ligne Nantes-Pornic-Saint-Gilles. Trois solutions existent : industrialisation – à travers la massification des travaux –, externalisation – par le biais du recours à des prestataires qui vont nous aider et qui porteront la parole de la France dans le monde entier – et innovation – avec l’introduction du numérique qui doit considérablement améliorer nos performances.

En matière de renouvellement, 2,5 milliards d’euros seront-ils suffisants ? Tout le monde admet en Europe et tous les experts le soulignent : un bon système de maintenance, c’est un tiers d’entretien et deux tiers de renouvellement. Il y a cinq ans nous en étions bien à cette proportion mais en sens inverse… alors qu’aujourd’hui la répartition est à parts égales. Nous avons donc beaucoup progressé depuis 2007, date de l’inversion de la dynamique dans le bon sens, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines : nous devons accroître la part du renouvellement pour atteindre l’équilibre mentionné et qui permettra à l’avenir de faire diminuer les dépenses de maintenance, ce qui ne peut s’effectuer que dans le cadre d’un budget d’investissement en baisse, dans un contexte contraint pour les finances publiques dont nous sommes parfaitement conscients. Nous avons atteint, de 2012 à 2014, le niveau sans précédent, depuis le XIXe siècle, de 7 milliards d’euros d’investissements par an et nous en sommes aujourd’hui à 6 milliards d’euros – montant qui nous permet d’assurer l’ensemble de nos besoins dès lors que le curseur de l’équilibre développement-renouvellement se déplace vers ce dernier.

Les conflits concernant les péages entre le secteur mobilités et le secteur réseau sont réels : SNCF Mobilités a intérêt à ce qu’ils soient les moins élevés alors que SNCF Réseau a intérêt à ce qu’ils soient le plus élevés. Vous connaissez la guerre de tranchées qui, à l’époque, sur cette question, a opposé RFF et la SNCF et qui devait systématiquement faire l’objet d’un arbitrage ministériel. Or, fait nouveau, nous nous parlons. Nous savons, par exemple, que nous avons un problème sur les péages fret, compte tenu de la baisse de la compensation d’État ; eh bien, nous discutons de la meilleure solution pour l’intérêt public et non pas pour l’une ou l’autre entité. En outre, les péages sont une facilité essentielle et la décision relève in fine de SNCF Réseau – décision prise en fait au niveau interministériel – sous le contrôle du régulateur. Ce dialogue, l’échange de nos analyses respectives constituent un progrès par rapport à la période antérieure. Le meilleur exemple en est SEA, cas pour lequel nous sommes parvenus, à partir d’une divergence considérable, à une vision partagée.

Pour ce qui est du maintien des petites lignes – il est préférable de parler de lignes à trafic réduit – ou de leur réouverture, la stratégie relève des autorités publiques, soit à travers les CPER, soit à travers les dotations de l’AFITF – qui concourent d’ailleurs aux CPER. Nous avons participé, M. Guillaume Pepy et moi-même, il y a quelques semaines, à l’inauguration de la réouverture de la ligne Sorgues-Carprentras. Nous travaillons, dans le cadre du CPER, à la réouverture de la ligne Belfort-Delle… Nous sommes l’expert qui analyse le projet et donne des éléments quant à ses coûts et à ses perspectives commerciales et, une fois la décision prise par les pouvoirs publics compétents – à savoir, pour les réseaux secondaires, les CPER –, nous les mettons en œuvre. Il s’agit bien de décisions politiques au sens noble du terme. Nous sommes les experts au service des décideurs publics.

Je suis favorable, bien sûr – faute de quoi vous considéreriez que je ne suis pas à ma place –, à la requalification de la dette et à sa reprise par l’État. Il faut se montrer raisonnable et efficace en poursuivant parallèlement le désendettement et l’amélioration de la productivité.

La question des conséquences du réchauffement climatique sur notre activité rejoint celle du vieillissement du réseau : au cours des dix derniers jours de canicule, aucun problème n’a été relevé sur les LGV ni sur le réseau de banlieue RATP, au contraire des installations vieillissantes. Une accélération du renouvellement et de la mise à niveau du réseau contribuera à réduire les conséquences des conditions climatiques extrêmes, aussi bien en été qu’en hiver.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant de procéder au vote, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie tous les trois très sincèrement et très chaleureusement pour ce long échange, important et de qualité. Sous réserve d’un vote favorable, je vous souhaite plein succès dans vos nouvelles fonctions. J’ai confiance en vous pour la mise en place de ce nouveau groupe public ferroviaire.

*

Après le départ des candidats, il est procédé aux votes sur les nominations par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d’âge étant Guillaume Chevrollier et Yann Capet.

Les résultats du scrutin concernant M. Frédéric Saint-Geours sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

*

Les résultats du scrutin concernant M. Guillaume Pepy sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

*

Les résultats du scrutin concernant M. Jacques Rapoport sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 8 juillet 2015 à 9 h 30

Présents. – Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Yves Nicolin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville