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Commission des affaires économiques

Mardi 31 juillet 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 15

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la
pêche

La commission a auditionné M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la pêche.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation.

L’objectif de cette audition est de faire le point avec vous sur la politique agricole. L’agriculture est un secteur essentiel de notre économie et de l’activité de nos territoires. La France, encore riche de près de 500 000 exploitations, est la principale puissance agricole européenne. En associant la sylviculture, les industries agro-alimentaires et la pêche, elle représente 6,5 % des emplois dans notre pays. Néanmoins, des problèmes de plus en plus aigus se posent. Vous avez évoqué, lors des questions au gouvernement, la flambée des prix mondiaux des céréales. Dans l’industrie agroalimentaire, les difficultés rencontrées par le groupe Doux – même si d’autres entreprises font également face à un contexte compliqué – sont très préoccupantes.

Par ailleurs, l’actualité européenne est riche – d’où mon insistance à ce que le budget de votre ministère soit examiné en séance plénière. En effet, en octobre prochain, un rendez-vous très important est prévu pour la PAC. Dans cette optique, nous sommes en train de constituer, avec la Commission des affaires européennes, un groupe de travail afin de préparer des déplacements à Bruxelles pour relayer certains messages en plus de l’action du Gouvernement.

L’état de l’agriculture biologique fera sûrement l’objet de questions de la part de nos collègues. Quant à la filière bois, elle cherche un nouveau souffle car notre potentiel – pourtant énorme – est totalement sous-exploité.

Le thème de la régulation recèle nombre de sujets comme celui portant sur la solidarité. Le Président de la République, alors candidat, en avait accepté le principe mais à condition que les règles soient homogènes, notamment en ce qui concerne le salaire agricole, afin que la concurrence entre les pays soit loyale.

Le rôle des interprofessions sera abordé dans le cadre de ces discussions sur la régulation tout comme celui des labels d’identité qui est un concept arrivé à maturité en France, ce qui provoque quelques jalousies, et dont la possible remise en cause suscite notre inquiétude. Les outils de régulation classiques comme les quotas laitiers ou les droits de plantation – question sur laquelle vous avez arrêté une position très ferme, monsieur le ministre – ont tendance à disparaître.

La fonction des produits phytosanitaires sera également évoquée : un certain nombre d’engagements, pris lors du Grenelle de l’environnement, semblent ne pas être tenus à ce jour. Je voudrais vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre, pour l’interdiction du pesticide Cruiser qui était attendue à plus d’un titre – notamment pour ce qui est de la protection des abeilles.

La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a entraîné un tel déséquilibre, reconnu par nos collègues de l’opposition, entre les fournisseurs et les acheteurs qu’un nouveau texte a dû être adopté pour le corriger : le prix du lait, par exemple, avait été très affecté par les dégâts que cette loi avait créés en matière de produits transformés.

La question de la représentativité du syndicalisme agricole est récurrente et ne peut être éludée.

Enfin, nous vous interrogerons, monsieur le ministre, sur le foncier agricole et sur l’existence d’opportunités d’installation.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. J’aimerais, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, fixer le cadre dans lequel va s’inscrire notre politique agricole. La réforme de la PAC est en cours depuis plus d’un an et demi. Elle vise à modifier la distribution des aides – notamment dans le premier pilier avec un objectif, majeur, de convergence autour d’une aide de base –, à verdir les aides – c’est-à-dire à enclencher un processus de durabilité dans l’agriculture européenne – et à poser la question du maintien du couplage des aides, auquel nous sommes très attachés.

Nous serons très vigilants au sujet de l’élevage ; il s’agit d’un thème important du fait de la différence actuelle des prix relatifs entre l’élevage et les céréales, laquelle induit, chez certains agriculteurs de régions traditionnelles d’élevage, un changement de nature de production. Cette situation est porteuse de risques pour l’avenir de la polyculture dans notre pays qui est une source de valeur ajoutée et d’emploi. Dans cette négociation, la France s’est fixé un certain nombre de principes et d’objectifs à atteindre.

Le premier concerne la convergence des aides à l’échelle européenne. Un débat existe sur le rythme de la convergence à opérer entre les aides données aux anciens États membres de l’Union européenne et celles accordées aux nouveaux. Certains, au sein de l’UE, souhaiteraient accélérer ce mouvement, ce qui alourdirait le coût pour notre pays. Je serai, sur ce sujet, extrêmement ferme. La proposition de la Commission européenne fait payer cette convergence par l’Allemagne et la France : nous en resterons à cette démarche et non pas à celle qui induirait une contribution plus élevée de la France par rapport à l’Allemagne au motif que nous sommes un grand pays agricole disposant d’une vaste superficie utile.

Le deuxième point a trait au problème de convergence qui existe à l’intérieur de chaque pays et qui se pose de manière plus aiguë pour ceux qui sortent des références historiques. En France, nous gérions des droits à paiement unique, les DPU, alors que le nouveau système reposera sur une aide de base, couplée au verdissement. Ce changement est majeur car il entraîne, selon les propositions de la Commission européenne, des transferts de DPU qui peuvent être importants selon les régions et les productions. L’objectif est d’aboutir à une aide de base qui serait la même partout – y compris à l’échelle de l’Union européenne – et pour toutes les activités. Certains pays, comme l’Allemagne, ont réalisé la convergence et la régionalisation de leurs aides dès 2003. D’autres, comme le nôtre, doivent sortir du mécanisme des références historiques pour opérer cette convergence. Une discussion fondamentale doit donc avoir lieu avec nos partenaires européens car la France possède une diversité agricole – là réside sa force mais également une partie des difficultés qu’elle doit affronter – qui interdit le raisonnement fondé sur des taux moyens à appliquer à chacun. L’accepter remettrait en cause certaines productions et certains agriculteurs.

Depuis ma nomination, j’ai souvent eu l’occasion de dire à mes collègues européens que la France est constituée de quatre grands bassins agricoles : un grand Ouest de polyculture d’élevage et de production laitière ; un grand Massif central qui concentre l’activité allaitante – 45 % des vaches allaitantes en Europe vivent sur notre territoire, ce qui est un facteur de puissance mais qui constitue également une spécificité ; les grandes zones céréalières et un grand Bassin méditerranéen auquel s’ajoutent les moyennes et hautes montagnes, qui sont propres à notre pays et dont nous devons tenir compte.

Au sujet de la convergence, un arbitrage devra donc être rendu pour le territoire français. Au-delà des résultats que nous pourrons obtenir à l’issue de la négociation, ma préoccupation est de concilier l’exigence de la convergence et la redistribution des aides qu’elle induit avec le maintien de la diversité des productions, notamment celle, à laquelle je suis très attaché, de la polyculture d’élevage. Sur ce sujet, je reste particulièrement vigilant, car la proposition actuelle formulée par la Commission européenne entraînerait une diminution des aides, qui dépasserait cent euros par hectare pour la polyculture d’élevage et la production laitière.

Nous avons donc besoin d’élaborer une position qui nous permette de préserver notre diversité agricole. Si je ne suis pas opposé au principe de convergence des aides, cette dernière ne doit pas être totale. L’idée d’un taux de base unique pour les aides risquerait de conduire à une spécialisation des productions à l’échelle de l’Union européenne, qui verrait la France développer très fortement sa production céréalière au détriment des productions animales, qui pourraient disparaître. Une telle évolution reposerait sur une mauvaise orientation – et il me semble que cette opinion peut être partagée par chacun d’entre nous – car les protéines végétales sont transformées au cours des processus de production animale et cette opération constitue un fort vivier d’emploi. L’Allemagne ayant réalisé la convergence, elle ne joue pas un rôle actif dans ces débats ; sa seule préoccupation réside dans le plafonnement des aides. En revanche, un compromis doit être trouvé avec les pays qui, comme le nôtre, sortent du système des références historiques. Cet accord doit, à mon sens, reposer sur l’exclusion d’une convergence absolue en cinq ans et sur le souci de protéger l’élevage et les petites structures agricoles.

Un troisième élément de cadrage pour la négociation de la réforme de la PAC a trait au budget européen. Le Gouvernement précédent évoquait la possibilité de diminuer la contribution de la France à ce budget, tout en souhaitant maintenir le niveau des engagements en matière agricole. Soyez sûrs d’une chose, mesdames et messieurs les députés, une baisse du budget de l’Union européenne entraînerait – même les professionnels du secteur agricole en sont conscients – un tassement des deux grandes politiques publiques européennes : la PAC et la cohésion. Il faut donc se battre sur le contenu du projet européen et sur le montant du budget de l’Union européenne pour pouvoir défendre les crédits dévolus à la politique agricole.

Quatrième thème, celui du verdissement pour lequel le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs normés. En matière d’agriculture biologique, par exemple, le but était d’atteindre une part de 12 % de la surface agricole utile d’ici un à deux ans et 20 % en 2020 ; or, la proportion actuelle s’élève à 3,5 %. En ce qui concerne les phytosanitaires, un effort significatif a été consenti pour les molécules les plus dangereuses dont l’utilisation a diminué de 87 % ; en revanche, le volume global de l’usage des phytosanitaires a augmenté alors qu’il devait baisser de 50 %. La méthode employée ne fut donc pas la bonne.

Ce qui est fondamental en la matière, c’est de savoir comment on aborde la question environnementale. Soit l’on cherche à corriger les effets négatifs des modèles en place en fixant des normes, et l’on s’aperçoit à quel point il est difficile d’obtenir des résultats probants. Soit l’on réfléchit à l’élaboration de nouveaux modèles qui assureraient la conciliation des performances économiques et écologiques. Cette dernière solution a ma préférence. Une récente visite dans l’Orne m’a apporté la preuve que de tels modèles peuvent être développés.

S’agissant des rotations de culture et des couvertures de sol, des capacités immenses de production de protéines végétales peuvent être exploitées sans le moindre financement européen. La dernière exploitation laitière que nous avons visitée produit plus de 10 000 litres de lait par vache avec une autonomie de 85 % ainsi que ses propres protéines végétales, des oléagineux et des céréales, en plus du maïs et de l’herbe. Cette voie est la meilleure car la politique qui consiste à fixer des normes par exploitation a échoué et fait dorénavant l’objet de fortes réticences dans le milieu agricole du fait de sa complexité. Les groupements d’intérêts économiques et environnementaux doivent permettre de créer une dynamique plus collective. Ces choix feront l’objet d’un débat qui aura lieu au second semestre 2013 à l’occasion de la discussion d’un texte de loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, l’objectif étant de clore la négociation sur la réforme de la PAC au cours du premier semestre de l’année prochaine.

Nous devons, enfin, faire avancer la question de la régulation de la contractualisation laitière et à l’échelle de la PAC ainsi que nous pencher sur les catastrophes naturelles, comme la sécheresse aux États-Unis et en Russie, qui ont des conséquences sur le prix des végétaux et donc sur le coût des aliments utilisés pour l’élevage, ce qui nécessite une répartition de cette charge supplémentaire sur l’ensemble des maillons de la filière.

M. Antoine Herth. Au nom du groupe UMP, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous adresser nos vœux de réussite pour l’agriculture française. Je m’étonne cependant que vous soyez venu à cette audition sans le ministre chargé de l’agroalimentaire qui vous est délégué.

M. le président François Brottes. Il viendra bientôt.

M. Antoine Herth. Très bien.

La chaîne alimentaire commence, il est vrai, par la production et se poursuit notamment par la transformation. La majorité sortante possède en commun avec la nouvelle majorité l’attachement à la réussite de l’agriculture car, comme le disait M. le président Brottes, elle constitue un pilier important de notre économie, lequel dégage un excédent commercial et joue un rôle éminent dans l’aménagement du territoire.

Vous avez concentré votre propos, monsieur le ministre, sur la prospective mais comment abordez-vous la gestion de la situation conjoncturelle : en fin négociateur dans son régulier bras de fer avec Bercy ou en proche du Président de la République bénéficiant d’arbitrages favorables ?

Nous partageons également avec vous la préoccupation de voir une solution positive se mettre en place dans le dossier Doux, l’état de ce groupe menaçant l’équilibre de l’ensemble de la filière. Cette entreprise utilise les restitutions à l’exportation ; or la France est l’un des seuls pays de l’Union européenne à les pratiquer. Quelle est votre position sur ce sujet ?

L’agriculture est, parmi les secteurs économiques exposés à la concurrence internationale, celui pour lequel la nécessité de la réduction des charges salariales est la plus forte. La première mesure adoptée par la nouvelle majorité a consisté à supprimer la TVA emploi, qui avait été notamment conçue pour ce domaine d’activité. Comme une solution à ce problème doit être trouvée, quel ersatz avez-vous à proposer pour remplacer cette mesure ?

J’ai beaucoup travaillé sur le plan Ecophyto 2018, surtout à l’occasion d’un rapport remis au précédent Premier ministre sur le biocontrôle, et peux vous rassurer, monsieur le ministre, sur le fait que ce plan ne contient pas seulement des objectifs de réduction de volume mais également un ensemble de dispositions pédagogiques et préventives visant à diversifier les assolements et à revoir les méthodes de production. Je ne peux que vous inviter, monsieur le ministre, à vous pencher davantage sur ce sujet afin de constater que beaucoup de chemin a déjà été parcouru sinon tracé. Il vous suffit de suivre la route, à moins que, conformément à la pratique de la nouvelle majorité, vous souhaitiez marquer une inflexion pour le principe de revenir sur ce qui a été fait. Nous fûmes surpris lorsque Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a annoncé récemment qu’elle ne signerait pas les décrets portant sur les retenues d’eau : quelle est votre position sur cette question ?

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur le contenu de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt ? Enfin, pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles vous comptez modifier les règles pour l’élection des chambres d’agriculture ?

D’autres collègues vous interrogeront sur la PAC, mais laissez-moi dire simplement qu’une partie de la convergence a déjà été initiée sous l’impulsion de M. Michel Barnier, ce qui vous place en position favorable pour négocier la suite du processus.

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, vous héritez d’une situation difficile et dégradée. Au cours des dernières années, l’agriculture a beaucoup souffert ; la France, anciennement premier exportateur européen de ce secteur, n’occupe plus que la troisième place derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Les dix dernières années ont vu la disparition de 26 % des exploitations agricoles de notre pays. Le nombre des installations a tellement diminué que, dans certains départements, il ne s’en produit plus qu’une pour quatre départs. Enfin, 10 % des exploitants agricoles bénéficient du RSA. L’agriculture française est en effet touchée, depuis plusieurs années, par le double mouvement d’approfondissement de la libéralisation des échanges et de réduction des instruments de régulation, notamment européens : politique de soutien des prix, plans de stockage, abandon du contrôle des volumes, disparition programmée des quotas laitiers et suppression, adoptée par le précédent Gouvernement, de la réglementation sur les droits de plantation en matière viticole.

Le Président de la République s’est engagé en faveur d’une agriculture de production. Le Premier ministre a confirmé cette orientation en affirmant le souhait de soutenir non pas une mais des agricultures. Vous-même, monsieur le ministre, venez de reprendre devant nous, ce plaidoyer pour des agricultures diversifiées, durables et performantes. Une grande partie des enjeux pour l’avenir se noue à l’occasion de la réforme de la PAC. Comment comptez-vous convaincre nos partenaires européens de la nécessité d’encourager l’emploi et non les hectares ?

La proposition actuelle de la Commission européenne vise à opérer une convergence, d’abord nationale puis européenne, qui entraînerait, à terme, le versement d’un aide égale pour chaque hectare. Or, tous les hectares n’exigent pas le même travail. Selon les professionnels du secteur agricole, un hectare d’une grande culture requiert quatre à cinq heures de travail par an alors qu’un hectare utilisé pour l’élevage – qui correspond à une unité gros bétail – demande quarante à cinquante heures de travail par an et que ce temps est évalué dans une fourchette comprise entre deux cents et deux cent cinquante heures pour un hectare de vigne ou d’arboriculture. Ainsi, pour l’élevage et la polyculture, un emploi est nécessaire pour cinquante hectares, tandis que, pour la grande culture, il suffit d’un emploi pour deux cents à deux cent cinquante hectares.

Les agriculteurs doivent être incités à engager un renouvellement de leurs méthodes de travail. La convergence économique et écologique que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, se réalisera d’autant plus facilement que des moyens seront mobilisés pour encourager les professionnels du secteur agricole à suivre cette voie.

Enfin, le Président de la République a pris des engagements clairs en matière de retraite agricole : allez-vous, monsieur le ministre, commencer à les mettre en œuvre dans la loi de finances pour 2013 ?

M. François Sauvadet. Les enjeux de l’agriculture ne sont pas seulement économiques. Ils concernent aussi l’aménagement du territoire, conditionnent le niveau de l’emploi et ont une dimension écologique.

Les difficultés actuelles de l’élevage tiennent notamment au renchérissement du prix des céréales, qui soulève la question de la spéculation. Très active sur les marchés, celle-ci accélère et amplifie les évolutions naturelles. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour parvenir à une bonne régulation des prix sur les marchés internationaux, notamment dans le cadre du G 20, ainsi que l’a évoqué le Président de la République ?

Vous avez obtenu une avance du versement des aides à l’élevage, qui permet de soulager les trésoreries mais qui ne résout pas le problème de fond. Celui-ci résulte surtout de l’écart entre coût de revient et prix de vente. Que prévoyez-vous, spécialement en direction des jeunes éleveurs, pour apporter une aide aux bâtiments et aux équipements ? Ce qui permettrait aussi de favoriser les reprises d’exploitation et de rationaliser l’économie du secteur.

Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur le financement de la politique agricole commune, notamment sur le niveau de la contribution française à son budget, compte tenu des perspectives que vous entendez tracer pour les prochaines années ?

La lutte contre la tuberculose bovine vise à conserver notre pays indemne de cette maladie. Les départements concernés, dont celui de la Côte d’Or, ont déjà pris des dispositions qui leur ont fait prendre de l’avance. Grâce ainsi à l’interféron gamma, nous avons pu remplacer l’abattage de troupeaux entiers par un abattage partiel. Mais se développe aujourd’hui dans nos campagnes un sentiment d’incompréhension car l’usage de ce produit n’est pas encore reconnu par les autorités européennes parmi les méthodes de diagnostic et d’analyse. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de vous engager fortement pour obtenir cette reconnaissance – d’autant que, quand on abat la totalité du troupeau, il faut indemniser l’éleveur. Je vous demande également de ne pas ajouter de contraintes supplémentaires dans la mesure où nous avons atteint un niveau d’excellence en matière de détection de la tuberculose bovine, notamment grâce aux laboratoires départementaux pour lesquels les conseils généraux, dont le mien, ont consenti d’importants investissements et qui ont été mis à la disposition des services de l’État. Je vous ai d’ailleurs écrit à ce sujet, indépendamment de toute couleur politique, puisque c’était aussi aux noms de M. François Patriat – un de vos prédécesseurs – et M. François Rebsamen. Dans votre réponse, vous envisagiez une répartition plus juste des charges d’indemnisation entre l’État et les professionnels. Pouvez-vous préciser cette orientation ? Car demander des efforts supplémentaires à un secteur déjà largement éprouvé risque de susciter de nouvelles incompréhensions.

Enfin, il faudra clarifier le traitement de la faune sauvage : l’action de certaines associations dites environnementales pose parfois des problèmes, par exemple pour l’éradication des blaireaux.

Mme Brigitte Allain. Vous voulez, monsieur le ministre, allier l’économie et l’écologie en matière agricole. Le groupe écologiste est évidemment convaincu de cette nécessité. Mais nous souhaitons que cette volonté se traduise par une réforme profonde de nos instruments de politique agricole. C’est pourquoi nous demandons un débat en amont de la clôture des négociations de la PAC. Il faut affirmer une ambition forte et aller vers une meilleure répartition des aides, y compris par leur plafonnement, afin de les réorienter en faveur des actifs agricoles. Il faudra pour cela mobiliser des moyens réglementaires, financiers et politiques si nous voulons faire émerger une agriculture diversifiée, stable, durable et efficace, aussi bien au plan économique qu’aux plans écologique et social. Certains de ces outils pourraient être rapidement adoptés.

Le Gouvernement souhaite privilégier un certain modèle agronomique. Or nous constatons aujourd’hui une répartition inégalitaire des fonds publics et parapublics. Ainsi l’indemnisation des calamités agricoles favorise les exploitations très spécialisées, au détriment de la polyculture, pourtant plus stable sur le plan agronomique. Comment réparer cette injustice ? Il en va de même des fonds de développement agricole : les organisations de développement de l’agriculture biologique reçoivent une enveloppe bien inférieure aux objectifs du Grenelle de l’environnement, comme à la contribution effective des agriculteurs « bio » à ce fonds.

Nous devons aussi réformer le système économique. L’augmentation récente du prix du blé, qui pénalisera les éleveurs dans les prochains mois, n’est pas seulement due aux conditions climatiques observées aux États-Unis : les agro-carburants portent aussi leur part de responsabilité. Quelles mesures proposez-vous afin de lutter contre la spéculation ?

À la suite de l’adoption, il y a quelques mois, de la loi relative aux certificats d’obtention végétale, les agriculteurs se sont vus privés du droit, fondamental, de ressemer leurs propres semences. Nous proposons donc que ce texte soit abrogé.

Comment comptez-vous revaloriser les retraites agricoles, aujourd’hui inférieures, en moyenne, à 75 % du SMIC ?

Enfin, à la vue du rapport qui vous a été remis, à la mi-juillet, sur la contractualisation, et à la suite des nombreux abus déjà constatés, comment pensez-vous garantir une négociation équitable entre les agriculteurs et les industriels ?

Mme Jeanine Dubié. Les orientations que vous avez dessinées en vue de la réforme de la PAC visent, monsieur le ministre, à reconnaître la richesse tirée de la diversité de nos agricultures, elle-même reflet de la diversité de nos régions et des modèles de production. Dans le département des Hautes-Pyrénées, tous les secteurs agricoles sont représentés, qu’il s’agisse de l’industrie agro-alimentaire, des grandes cultures, de la viticulture, de l’élevage, de l’agriculture de montagne et de l’agro-pastoralisme. Chacun d’entre eux crée de la valeur ajoutée et des emplois, contribuant à faire vivre nos territoires.

Les retraités agricoles vivent, en grande partie, en dessous du seuil de pauvreté. La moitié d’entre eux perçoit un revenu mensuel inférieur à 700 euros, ce qui n’est pas acceptable. Durant sa campagne électorale, le Président de la République a pris l’engagement d’améliorer les retraites agricoles, notamment celles des conjoints, pour régler la situation d’une génération qui a commencé à travailler tôt et qui part avec de toutes petites pensions. Pouvez-nous préciser quelles mesures sont prévues pour réintroduire un peu de justice au sein de la protection sociale agricole et garantir le principe de l’égalité des droits ?

La mutualité sociale agricole (MSA) a conclu avec l’État une convention d’objectifs et de gestion pour la période 2011-2015, qui reconnaît pleinement son rôle en matière de protection sociale et d’accompagnement des crises. Or une décision ministérielle de janvier dernier, prise sans concertation, prévoit de remplacer les actuels prélèvements sur cotisations par une dotation de l’État. Les délégués de la MSA s’inquiètent de ce dispositif, qui touche aux principes de fonctionnement des caisses et à l’identité de l’organisme mutualiste, qui pourrait ainsi voir limiter ses marges de manœuvre. Le système actuel permet en effet de constituer des réserves financières, les bonnes années compensant les années difficiles. La MSA assume ainsi sa mission d’accompagnement des agriculteurs lors des crises. Des évolutions sont certes nécessaires mais elles ne doivent pas remettre en cause cette mission essentielle, qui est une mission de service public. Quels sont les projets du Gouvernement en la matière ?

M. André Chassaigne. L’exposé de M. le ministre donne du sens aux actions qu’il entend conduire, concernant notamment les nouveaux modes de production, ainsi que les performances économiques et écologiques. Car, derrière ces notions, il s’agit de la vie de nos territoires, de la qualité de notre alimentation, du niveau de l’emploi et du respect de l’environnement. Mais il ne suffit pas d’accrocher la charrue à la plus belle étoile du berger…

Notre agriculture est en difficulté, comme l’ont souligné les précédentes interventions. Ainsi, la flambée spéculative du prix de certaines denrées agricoles, en particulier des céréales, doit être corrigée autrement que par les « mesurettes » du G20 agricole tenu il y a quatorze mois. Gesticulations stériles dans le cadre européen et international, elles n’ont donné aucun résultat : la tonne de blé est passée, en quelques semaines, de 171 à 250 euros. Des milliers d’éleveurs européens vont en faire les frais, au premier rang desquels les éleveurs spécialisés et ceux qui n’ont pas d’autonomie fourragère. Le pire serait l’attentisme. Pour autant, il ne suffira pas de saisir le G20 agricole et de se contenter d’observer comment les stocks évoluent, de façon passive, sans que cela perturbe les spéculateurs. Il y a urgence !

Quelles propositions concrètes la France compte-t-elle donc défendre à l’échelle européenne et internationale afin d’engager une véritable régulation des échanges agricoles mondiaux ? Je pense à la constitution de stocks, à l’interdiction de prise de positions des fonds spéculatifs sur les denrées alimentaires via les marchés à terme, à la lutte contre la spéculation foncière sur les terres agricoles à l’échelle mondiale, à la limitation des volumes d’importation dans les accords de libre échange et, enfin, à la régulation des marchés, qui, d’ailleurs, ne concerne pas seulement les droits de plantation mais aussi les quotas laitiers et les quotas sucriers. Êtes-vous en mesure d’obtenir des avancées pour remettre en cause les décisions qui ont été prises par l’Union européenne et qui vont très rapidement trouvées leur concrétisation.

Dans quel cadre la France entend-elle s’inscrire pour changer les rapports de forces au niveau international ? Considérez-vous comme incontournables les gouvernances du G 20 et de l’organisation mondiale du commerce (OMC) ou bien pouvons-nous les élargir à d’autres forces sociales et à certains États progressistes ?

Quels sont les objectifs du Gouvernement pour la PAC, sachant que vous avez ouvert quelques pistes, notamment sur la régulation ? Et comment entendez-vous associer les parlementaires aux concertations qui président à l’évolution de la politique agricole commune ? Dans le passé, nous avions dressé un front commun en faveur de la régulation.

Comment allez-vous prendre en compte les très intéressantes propositions du comité des régions, s’agissant du seuil de dégressivité, de la mise en œuvre progressive de la convergence ou du couplage des aides ?

Vous avez plusieurs fois évoqué l’intérêt de la contractualisation. Considérez-vous qu’elle constitue la bonne réponse à un grand nombre de problèmes ? N’existe-t-il pas d’autres formules, notamment celle du coefficient multiplicateur, de façon à obtenir un encadrement des prix afin de payer correctement le producteur tout en garantissant des prix convenables aux consommateurs ? Ces formules avaient d’ailleurs fait l’objet de débats dans le cadre de l’examen de deux propositions de loi que j’avais déposées.

M. le ministre. En ce qui concerne la situation du groupe Doux, nous attendons pour demain la décision du tribunal. Dès le début, nous avons fait le choix, avec le concours de plusieurs partenaires, d’un projet industriel, et non financier, car nous devons traiter le problème de la volaille sur le marché européen. Nous avons aussi veillé à éviter une crise de trésorerie de l’entreprise. Nous continuerons d’accompagner celle-ci pour trouver une solution.

La TVA n’a jamais été un choix en faveur de l’agriculture ou du secteur agro-alimentaire. Applicable à tous, elle est donc faite pour tous. Ce qui n’empêche pas de considérer la question de la compétitivité de notre agriculture, y compris par comparaison avec l’Allemagne. Mais si on aborde le sujet par le truchement du coût du travail et du taux de TVA, on s’aperçoit que l’agriculture ne profite pas spécialement de variations qui concernent tous les secteurs de l’économie et dont certains n’ont nul besoin de se trouver avantagés. La solution ne réside donc pas là mais dans une harmonisation des régimes sociaux à l’échelle européenne. Pour reprendre le même exemple étranger, comment accepter que l’Allemagne n’ait encore aujourd’hui aucune convention collective ni aucun salaire minimum dans les branches de l’agriculture et de l’agro-alimentaire.

J’ai modifié le mode de scrutin aux élections aux chambres d’agriculture car il était inéquitable, avec une représentation insuffisante au niveau régional. Or je souhaite justement, avec la régionalisation du deuxième pilier, renforcer le niveau régional. De même, je souhaite introduire la mixité et modifier les règles au niveau départemental. Il s’agit de doter les chambres d’agriculture et les organisations professionnelles, notamment grâce à l’abaissement du seuil de représentativité de 15 à 10 %, d’un système analogue à celui en vigueur dans les grands syndicats de la conférence sociale. L’agriculture doit être regardée dans ce domaine comme les autres secteurs économiques, cela fait partie de la démocratie.

La démarche vers la convergence a été, en effet, initiée par M. Michel Barnier, notamment en transférant à l’élevage une partie des aides allouées aux céréaliers. Cela a constitué une bonne mesure, faisant application de l’article 68 de l’accord du 20 novembre 2008 sur le bilan de santé de la PAC. Je m’inscris dans la même démarche : comment redistribuer une partie de ce qui est distribuée à l’échelon européen ? Les parlementaires seront associés à la réforme. Une réunion se tiendra le 7 septembre prochain ; nous allons voir si nous pouvons vous y inviter.

La question centrale qui se pose pour le plan Ecophyto 2018 consiste à savoir comment le changement peut s’opérer en direction d’une agriculture plus durable et plus performante sur les plans économique et écologique. Il nous faut, pour cela, mener une réflexion en profondeur sur le changement de modèle de production ; c’est ainsi que nous gagnerons le pari de la durabilité en agriculture.

M. Germinal Peiro a dressé un constat que je partage : dans l’élevage il y a l’emploi, et la valeur ajoutée. C’est bien pourquoi je regarde ce secteur comme une priorité. Comment admettre que la France soit un grand exportateur de céréales brutes et un importateur de volailles ? Transformons plutôt nos céréales ! Même chose pour la forêt française : six milliards d’euros de déficit sur la balance commerciale ; la première forêt d’Europe exporte du bois et importe des meubles. Cherchons donc à inverser la tendance. C’est bien pourquoi l’élevage, élément transformateur des protéines végétales, doit devenir une ambition et un axe stratégique pour notre politique agricole.

La revalorisation des retraites agricoles fait l’objet d’un engagement du Président de la République : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comportera les premières mesures dans le sens promis. La loi de 2002 instaurant une retraite obligatoire complémentaire pour les agriculteurs, et dont M. Germinal Peiro est à l’origine, n’a pas été appliquée dans sa totalité. Il faudra donc reprendre le dossier de l’équilibre des retraites agricoles.

M. François Sauvadet m’a interrogé sur le budget de la PAC. Je me souviens d’une époque récente où l’on annonçait à la fois une diminution de la contribution de la France à ce budget et une préservation du budget de la PAC. Mais n’était-ce pas la meilleure manière de réduire les moyens alloués à la politique agricole ? En cette affaire, le sérieux s’impose : il faut se battre, de manière globale, sur le budget européen, de manière à garantir un budget de la PAC nous permettant de continuer de mener les politiques que nous souhaitons.

Je suis évidemment attentif au problème de la tuberculose bovine, soucieux que la France ne perde pas le label « indemne ». Nous travaillons donc, en liaison avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), pour que l’interféron gamma soit reconnu au niveau européen. Ce jour-là, nous pourrons l’utiliser en toute sécurité, ce qui permettra notamment de ne plus abattre des troupeaux entiers.

Mme Brigitte Allain a insisté sur les objectifs que nous devons nous fixer en matière de politique agricole pour l’avenir de l’agriculture, de la forêt et de l’agro-alimentaire. Oui, nous devons y associer la représentation nationale.

Nous préparons effectivement un plan Bio. Avec pour objectif de doubler la surface agricole correspondante dans les cinq ans. Nous en discutons actuellement avec la fédération nationale de l’agriculture biologique, et ce dans d’excellentes conditions. Ce plan vous sera présenté au cours du premier semestre de 2013. Mais on ne peut régler l’immense problème de l’agriculture et de l’alimentation dans le monde à travers le seul développement du « bio ». C’est bien pourquoi il nous faut faire évoluer aussi les autres modèles de production.

Les fonds d’indemnisation des calamités agricoles doivent, en effet, être rééquilibrés de façon à profiter à tous.

J’ai demandé un rapport sur la contractualisation simplement pour savoir où nous en étions. Il ne s’agit pas de la remettre en cause puisqu’elle seule permet aujourd’hui une relation entre producteur et transformateur. Mais comment l’améliorer ? Le rapport sera bientôt rendu public, après avoir été transmis aux organisations professionnelles. Nous devons progresser dans deux domaines : celui de l’organisation des producteurs, car la contractualisation l’a précédée, et celui des prix. Quels indices utiliser ? Les références en vigueur doivent être améliorées, d’une part, pour allonger les durées de contractualisation sur les prix, et, d’autre part, pour mutualiser les hausses et les baisses, et ce dans l’intérêt partagé des producteurs et des transformateurs, grâce à la formation de matelas de sécurité. Toutefois, il existe d’autres voies pour réguler la production laitière.

La relation entre agro-carburants et sécheresse montre que, parfois, les événements climatiques dépassent tout ce que l’on peut préparer. Ce qui s’est produit en Russie, aux États-Unis et, tout récemment, au Mexique, le prouve abondamment. Malheureusement, nous déplorons aujourd’hui une baisse de la production de 30 %. L’étiage du Mississipi serait tellement bas que les bateaux transportant du soja ne peuvent plus naviguer !

Soyons pragmatiques à l’égard des agro-carburants ! Leur incorporation dans les carburants classique, à hauteur de 7 %, a été rendue obligatoire au niveau européen. Ils ne représentent pas pour autant une alternative crédible aux énergies fossiles : les agro-carburants ne remplaceront pas le pétrole ! Ouvrons certes des perspectives mais gardons la maîtrise dans ce domaine : trop de tentations et de tentatives se sont succédé pour pousser trop loin une logique irréaliste. Les agro-carburants ont leur place mais ne constituent pas une réponse suffisante au verdissement de notre agriculture.

Mme Jeanine Dubié s’est préoccupée du sort de la MSA. J’ai récemment rencontré son président. Un travail est engagé, à la fois sur les cotisants solidaires et sur le périmètre d’intervention indispensable au bon financement de l’organisme, sachant que ce périmètre s’est réduit. Nous serons toujours vigilants sur un tel dossier, car, sans solidarité, les difficultés s’aggravent. Nous le voyons déjà en matière de retraite ; il faut y songer aussi pour la maladie. La MSA doit donc être renforcée et son avenir garanti.

Le G20 est un élément de régulation des marchés mais très léger : il sert seulement à ce que les États coordonnent leurs politiques et évitent des rétentions d’exportations de certaines denrées agricoles, comme on l’a vu pour les céréales en 2008. La spéculation n’est pas la seule responsable de la montée des prix : il faut aussi tenir compte d’une offre moindre sur le marché. Ainsi, la Russie devait proposer 26 millions de tonnes de blé, elle n’en fournira que 16 millions. Mais il est vrai que la spéculation amplifie les tensions. Autant on peut admettre que des producteurs se couvrent sur des marchés à terme, autant on ne peut accepter que la spéculation vienne embraser un marché déjà tendu. C’est pourquoi M. Michel Barnier a déjà proposé, dans le cadre européen, des mesures propres à stopper les cotations sur les marchés spéculatifs alimentaires lorsqu’ils emballent le prix des céréales et des produits alimentaires. Le Gouvernement français soutiendra fermement les moyens de maîtriser rapidement la spéculation. On ne saurait tolérer une multiplication par 10 ou par 20 du volume financier des marchés alimentaires. À terme, leur embrasement débouche sur les émeutes de la faim.

M. Jean-Marie Tétart. Tous les ans, en Île-de-France, 2 % de notre terre agricole disparaissent, grignotés par l’urbanisation. Les parcelles agricoles restantes se retrouvent enclavées dans un tissu urbain dense et coupées par de nombreuses infrastructures. Les exploitations perdent progressivement toute fonctionnalité et sont amputées d’une grande partie de leur productivité. Elles sont victimes, plus qu’ailleurs, d’incivilités : dépôt de déchets, maraudage, passage dans les cultures en 4x4 ou en quad, etc. Une telle situation diminue la visibilité des jeunes agriculteurs qui s’installent en périphérie des villes.

L’agriculture périurbaine, en particulier en Île-de-France, présente ainsi une vulnérabilité croissante, qui devrait sans doute être reconnue comme une spécificité. En juin dernier, lors de la session de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, vous avez abordé le thème de la reconnaissance d’une agriculture périurbaine. À l’occasion des discussions sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le précédent gouvernement avait envisagé la création d’une commission ad hoc entre le ministère de l’agriculture et la profession francilienne.

Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les mesures que vous comptez mettre en place pour que cette spécificité de l’agriculture périurbaine soit reconnue aux niveaux national et européen ?

M. Fabrice Verdier. Monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur la récente décision, rendue le 12 juillet par la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire « Kokopelli contre Baumaux ». La Cour vient de donner raison à la société Graines Baumaux, dans un litige qui l’oppose à Kokopelli, une association veillant à la préservation et à la distribution de semences anciennes.

Cette décision est d’autant plus surprenante que le 19 janvier dernier, l’avocat général estimait que l’enregistrement obligatoire de toutes les semences au Catalogue officiel était disproportionné et violait les principes de libre exercice de l’activité économique, de non-discrimination et de libre circulation des marchandises.

Cette décision intervient alors qu’en Europe, une réforme générale de la législation sur le commerce des semences est en cours. Il est donc, à mon sens, nécessaire que les semences anciennes et nouvelles, appartenant au domaine public et librement reproductibles, sortent du champ d’application de la législation sur le commerce des semences. Contentons-nous, comme le propose Kokopelli et d’autres associations, de mettre en place un règlement de base qui fixerait des critères minimum en termes de qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique.

Enfin, je me réjouis avec d’autres collègues, dont Patrice Prat, de votre détermination en matière de maintien des droits de plantation, enjeu majeur pour l’ensemble des régions productrices de France et, désormais, d’Europe.

M. Dino Cinieri. Monsieur le ministre, je voulais vous interroger sur les retraites de nos agriculteurs, mais vous avez déjà répondu.

Ma circonscription comptant de nombreux viticulteurs, je voulais également vous interroger sur les droits de plantation en particulier au Pilat, mais je laisserai à Jean-Claude Mathis le soin d’aborder tout à l’heure le sujet.

Je me contenterai donc d’évoquer le dispositif de soutien aux agriculteurs en difficulté ou AGRIDIFF, qui existe depuis une quinzaine d’années. Ce dispositif permet le versement de différentes aides forfaitaires pour les plans de redressement, la prise en charge des cotisations sociales et les reconversions professionnelles. Ce dispositif a été salvateur lors de la crise agricole de 2009. En raison de la gravité de la situation, nous avions alors adouci les critères d’attribution. Mais depuis, aucun crédit n’a pu être attribué dans le cadre de cette procédure.

Le problème réside dans les critères habituels d’accès à ce dispositif. Dans les faits, pour qu’un exploitant puisse percevoir cette aide, il faut que son taux d’endettement soit supérieur à 75 % des fonds propres et que sa baisse d’excédents bruts d’exploitation soit au moins de 20 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Ces critères sont cumulatifs, et quand ils sont atteints, il est déjà trop tard pour sauver l’exploitant concerné.

Dans le département de la Loire, les 70 producteurs de lait de Forez Fourme, malgré d’extrêmes difficultés, ne peuvent rien espérer d’AGRIDIFF. Comment pallier cette lacune et apporter un soutien concret à nos agriculteurs en difficulté ?

Monsieur le ministre, je vous avais adressé une invitation : il me serait agréable de vous recevoir dans mon département.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le ministre, en tant qu’écologistes, nous sommes très attachés au développement de nos territoires par l’agriculture. Comme vous avez pu le constater lors de votre récente visite dans une ferme de Normandie, une agriculture à la fois productive et respectueuse de l’environnement et de la santé est possible.

Le plan Ecophyto 2018 a été signé par toutes les parties prenantes. Vos précédents propos ne m’ont pas rassurée : pensez-vous honorer cette signature ? Par ailleurs, y a-t-il suffisamment de recherches et d’expérimentations en cours pour remplacer ce plan à moyen terme, c’est-à-dire pour substituer d’autres produits aux pesticides et aux engrais chimiques, très énergivores ?

Enfin, comment entendez-vous financer et promouvoir une agriculture à bas niveau d’intrants ? En particulier, êtes-vous prêt à mettre en place le label « haute valeur environnementale » de niveau 3, qui est moins contraignant que le label « AB », mais qui constitue malgré tout un vrai progrès par rapport à l’agriculture dite traditionnelle ?

Mme Frédérique Massat. Monsieur le ministre, la réduction générale du nombre des actifs agricoles en montagne atteignant un seuil critique, il devient encore plus nécessaire de majorer substantiellement l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), concentrée sur les 25 premiers hectares, et de cibler les autres outils de la PAC vers l’agriculture de montagne.

Comment la France entend-elle y parvenir ? En dégageant ce nécessaire complément sur l’enveloppe ICHN elle-même ? Ou en facilitant l’accès des éleveurs de montagne à la part de verdissement ou à celle de la future prime unique à l’hectare, consacrée aux aides directes à la production ? Ou encore en développant, dans le second pilier, de nouvelles mesures agroenvironnementales expressément fléchées vers les systèmes herbagers de montagne ?

Je terminerai sur le Paquet « qualité ». Cet accord introduit, entre autres, une mention réservée européenne « produit de montagne ». Comment allez-vous mettre en œuvre ce principe ? La France va-t-elle bénéficier de dérogations en la matière ?

Mme Catherine Quéré. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre prise de position sur la libéralisation des droits de plantation. Toutefois, nous restons mobilisés.

Serez-vous aussi déterminé à maintenir une politique fiscale appropriée, pour préserver l’équilibre fragile de la filière vinicole qui rapporte déjà plus d’un milliard d’euros de taxes et 6 milliards à la balance commerciale ? Des mesures fiscales, prises pour des motifs de santé publique, seraient inacceptables.

Il est par ailleurs nécessaire que l’État s’attache à préserver l’établissement public garant des signes de qualité agroalimentaire français, à savoir l’Institut national de l’origine et de la qualité – INAO. De fait, l’avenir financier de cet institut nous inquiète. Aujourd’hui comme hier, les professionnels acquittent des droits et financent ses charges de fonctionnement. Cependant, cela ne suffit pas à couvrir les coûts de personnels supplémentaires, liés au rattachement récent des agents de l’INAO au statut de la fonction publique. Êtes-vous décidé à veiller que l’État s’assure de moyens dédiés aux personnels de cet établissement public, vital pour la qualité et la traçabilité d’un pan entier de l’agroalimentaire français ?

M. Jean-Claude Mathis. Quelle que soit notre sensibilité politique, un consensus s’est dégagé autour de la question de la libéralisation des droits de plantation. La Commission européenne pourrait-elle faire une proposition tendant au maintien des droits de plantation si une majorité qualifiée d’États membres se prononçait explicitement en faveur de ce système ? Elle l’a suggéré à mots couverts. Mais il semblerait que, à l’heure actuelle, il manquerait environ 40 voix.

Par ailleurs, en janvier dernier, le commissaire Ciolos a annoncé la création d’un groupe de haut niveau sur l’avenir des droits de plantation, chargé de lui faire des propositions sur le sujet d’ici à la fin de l’année 2012. La conduite de ces réflexions est pour l’instant jugée comme très décevante par l’ensemble des acteurs présents, qui croient déceler la volonté de la Commission de fragmenter les sujets pour briser le front des partisans du maintien des droits de plantation. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ? Avez-vous l’espoir que nous aboutissions ?

M. Kléber Mesquida. Monsieur le ministre, je tenais tout d’abord à vous remercier pour votre détermination à revenir sur la suppression des droits de plantation.

Je souhaiterais maintenant évoquer la question de la fin de l’aide à l’enrichissement par le moût.

Vous connaissez les difficultés que rencontrent les viticulteurs du Sud et la crispation que suscite chez eux la fin de l’aide à l’enrichissement par le moût concentré et concentré rectifié. À défaut de pouvoir revenir sur cette suppression, quel type de soutien pourriez-vous apporter à la profession, sachant que ces professionnels travaillent, sous l’égide des services, à des solutions alternatives qui ne sauraient être de même nature ? Une des alternatives serait d’envisager des soutiens plus structurels, par exemple une aide à l’investissement.

Par ailleurs, pourriez-vous confirmer que des dispositions réglementaires seront prises pour encadrer les autorisations d’enrichissement que les préfets pourront accorder à titre exceptionnel dans les régions concernées ?

M. le ministre. Face à l’urbanisation, la préservation des terres et de l’agriculture périurbaine constitue un enjeu majeur. Voilà pourquoi l’élaboration de schémas régionaux, en particulier en Île-de-France, mérite d’être soutenue. Un texte de loi visera à mettre en place des « groupements d’intérêts économiques et environnementaux ». En zone périurbaine, dont la situation est en effet bien spécifique, il est très important d’offrir aux agriculteurs un accès global, commun et collectif aux marchés urbains. Des propositions vous seront faites en ce sens.

Il convient par ailleurs de limiter l’urbanisation et la consommation des terres qui, depuis des années, a atteint un niveau insensé. Tous les six ou sept ans, un département disparaît : ce n’est plus acceptable !

S’agissant de la question des semences, la réglementation internationale et européenne posant problème, il faut que nous trouvions des dérogations qui puissent s’appliquer au niveau national. Nos agriculteurs devraient pouvoir continuer, sous certaines conditions, à faire ce que l’on appelait le « triage à façon ».

Les règles spécifiques au dispositif AGRIDIFF doivent être appliquées. Mais il nous faudra traiter le cas particulier des 70 producteurs de lait de Forez Fourme. Ces derniers nous ont saisis, et nous vous tiendrons informés des suites qui seront données. En tout cas, s’agissant des agriculteurs en difficulté, la plus grande vigilance s’impose : si on ne les aide pas, certains risquent de disparaître. Les règles en vigueur devraient pouvoir évoluer ; nous en discuterons ultérieurement.

Il est bien évident que je vais honorer les engagements du plan Ecophyto 2018, signé à la suite du Grenelle de l’environnement. Mais je constate qu’aujourd’hui, nous sommes vraiment loin de l’objectif, qui était de réduire de 50 % l’usage des pesticides dans les dix ans. Ne nous accrochons pas aux chiffres ! Comme nous avons déjà perdu cinq ans et que nous ne pourrons pas les rattraper, il nous faudra trouver des moyens un peu différents de parvenir à cet objectif de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Et c’est possible.

En matière d’écologie, ce n’est pas simplement en fixant des chiffres et en établissant des normes qu’on règlera les problèmes. Il faut des approches systémiques. Aujourd’hui, entre ceux qui défendent les normes et ceux qui les combattent, il n’y a rien : il convient donc de créer un espace et de nouveaux modèles, et c’est comme cela qu’on y arrivera.

En ce qui concerne les « produits de montagne », il est très important d’avoir cette possibilité, en particulier pour le lait. Pour la moyenne montagne – je ne parle pas de la haute montagne, qui a déjà réglé ses problèmes avec des AOC sur un certain nombre de fromages –, il faut définir des indicateurs spécifiques qui permettent de segmenter le marché du lait, de développer des filières de qualité. De la sorte, il sera possible d’assurer un développement à des productions laitières qui, sans cela, risquent de disparaître d’un certain nombre de zones.

S’agissant des droits de plantation, vous dites qu’il nous faudrait 40 voix supplémentaires pour faire valoir notre point de vue. Mais nous n’en aurons besoin que si la Commission est contre nous. Le mieux est de la faire évoluer. N’oublions pas qu’elle a signé un « bilan de santé » en 2008 et qu’elle ne veut jamais revenir sur ce qui a été signé. J’espère que l’on ira dans le sens que vous souhaitez avec en plus, non pas du droit de plantation uniquement pour les AOC ou les IGP (indication géographique protégée), mais aussi pour les vins de table, car il faut un système global. Encore une fois, le vin n’est pas un produit banal et il serait illusoire de penser que le marché va tout régler : en 2008, certains ont imaginé qu’ils allaient inonder les nouveaux marchés du monde entier avec des vins de table, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Il convient de revenir à un peu plus de sérieux ; c’est en tout cas mon objectif.

Pour ce qui est de l’INAO, nous allons bientôt en recevoir les présidents. Étant donné les contraintes budgétaires actuelles, il me paraît difficile d’étendre les financements de l’État et du budget de l’agriculture. Cela dit, des solutions doivent être trouvées pour garantir un avenir à cet institut absolument nécessaire pour préserver les labels, les qualités, les AOC.

Les moûts sont interdits niveau européen, puisque c’était un moyen d’avoir une production déguisée. Les coopératives ont fait des efforts, et il faut continuer à les aider pour leur permettre d’investir ; ce serait une forme de substitution à l’aide aux moûts. J’ajoute que les budgets vont être transférés.

Plusieurs questions ont porté sur le deuxième pilier. La réponse à ces questions dépendra de la manière dont on pourra aborder le verdissement avec la Commission et du débat qui aura lieu à l’échelle européenne. Que peut-on intégrer dans le verdissement ? Des mesures agroenvironnementales existant aujourd’hui ?

Comment peut-on gérer le premier et le deuxième pilier ?

Il va de soi qu’il faut compenser les handicaps que supportent les productions de montagne. Sur ce point, nous sommes tous d’accord : il faut préserver les ICHN.

Enfin, s’agissant de la fiscalité des vins, aucune décision n’a encore été prise en la matière. Nous aurons donc le temps d’y revenir.

M. Éric Straumann. Monsieur le ministre, je parle au nom d’un certain nombre d’agriculteurs, en particulier ceux de la Chambre d’agriculture d’Alsace, que la transposition de la directive Nitrates inquiète. La fin des quotas laitiers déstabilisera l’économie de ce secteur et la réduction des périodes d’épandage imposera une augmentation de la capacité de stockage des exploitations d’élevage. Certaines d’entre elles risquent de cesser leur production laitière plutôt que d’investir, faute de visibilité sur le retour de cet investissement.

La production agricole demande donc à pouvoir continuer les épandages dans l’Est de la France en novembre et en décembre. En effet, le climat semi-continental de cette région s’accompagne, pendant les mois d’hiver, d’un arrêt de minéralisation qui réduit très fortement les risques de fuites sous les parcelles.

Ma question est donc la suivante : est-il possible de déroger localement à cette directive Nitrates ?

M. Paul Molac. Monsieur le ministre, je viens d’une région d’élevage comprenant des petites structures, en particulier dans le secteur laitier. Vous avez exprimé votre souci de soutenir l’élevage. De fait, en Bretagne, le revenu moyen d’un agriculteur laitier était, en 2010, de 14 000 euros par an, ce qui ne fait pas beaucoup. Un rééquilibrage s’impose donc entre les éleveurs et les producteurs de céréales, ceux-ci bénéficiant à la fois du cours très haut des céréales et de DPU très élevés. Plusieurs solutions sont envisageables. Dans notre région, nous sommes plutôt favorables aux aides aux actifs agricoles et au maintien des petites structures, c’est-à-dire au maintien des DPU jusqu’à 50 hectares.

Je tiens par ailleurs à féliciter le Gouvernement pour la sauvegarde de l’activité de la société Doux, en cessation de paiement depuis deux mois. Je sais qu’il n’a pas été simple de « payer au cul du camion », selon l’expression consacrée. Il faut à présent engager une réflexion globale sur le secteur de l’agroalimentaire car des problèmes de même nature risquent de se poser ailleurs, notamment dans la filière porcine.

Mme Clotilde Valter. Monsieur le ministre, les producteurs de lait expriment aujourd’hui plusieurs préoccupations. Ils souhaitent que le médiateur joue enfin son rôle face aux pressions des entreprises de transformation. Ils se demandent comment revenir sur le décret qui ouvre la porte aux organisations de producteurs de commercialisation et conduit à les spolier de leur droit à produire. Ils voudraient que les industriels s’engagent sur le prix payé aux producteurs et jugent nécessaire l’indexation du prix des matières premières. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le ministre, vous avez eu des mots encourageants pour l’élevage. Reste que l’administration, à la demande de la Communauté européenne, envisage d’étendre les zones vulnérables dans un certain nombre de régions françaises – notamment le Nord-Est de l’Anjou, au sud de votre département. Les conséquences en seront multiples pour les exploitations agricoles : augmentation des capacités de stockage des déjections animales de quatre à six mois ; obligation de couverture hivernale des sols ; suivi administratif supplémentaire pour tous les agriculteurs. Pourrait-on revenir sur la définition de ces nouveaux zonages ?

Je remarque par ailleurs que vous n’avez pas répondu à la question d’Antoine Herth sur les retenues collinaires, à la suite de l’abandon, par Delphine Batho, des deux décrets les concernant.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre, les Bretons s’inquiètent de l’avenir de la filière avicole – en particulier, de l’emploi chez Doux – et de la filière porcine, en raison de l’augmentation du prix des céréales – 25 % pour le blé, 125 % pour le soja. L’accord du 3 mai 2011 prévoyait des négociations entre producteurs, transformateurs et distributeurs en cas de variation des prix. Quand celles-ci vont-elles s’ouvrir ?

Le groupe Doux est en redressement judiciaire. Demain, le tribunal de Quimper rendra son jugement. Vous avez dit que l’État soutiendrait un projet industriel viable, sauvegardant un maximum d’emplois et proposant une évolution du modèle de production. Vendredi dernier, la tension au tribunal était palpable. Il est clair que le plan de continuation ne peut pas être seulement d’ordre financier, avec la banque Barclays, majoritaire à hauteur de 80 %. Il doit également offrir une bonne visibilité sur le plan industriel et social. Qu’en pensez-vous ?

M. Bernard Reynès. Monsieur le ministre, en février 2011, M. Fillon, alors Premier ministre, m’avait confié une mission sur le coût du travail permanent dans l’agriculture. J’avais engagé une étude qui avait débouché sur des propositions, dont l’une d’elles a été retenue par la loi de finances 2012, et dont le coût a été financé par la mise en place de la taxe sur les sodas entrée en vigueur en début d’année 2012. La recette de cette taxe devait être affectée à la baisse d’un euro des charges patronales des agriculteurs. Si la recette est utilisée, elle n’est cependant toujours pas affectée.

Quelle politique conduirez-vous par ailleurs dans le domaine des mines ? Je pense plus particulièrement aux mines de Châteaurenard, garantes de produits de qualité et d’origine France.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le ministre, comme vous l’avez dit, les prochains mois seront l’occasion de rendre des arbitrages sur la réforme de la PAC. Je me permets d’insister sur l’importance de prendre en compte les spécificités de l’agriculture de montagne.

Je suis rassurée par les propos que vous avez tenus sur l’indemnité compensatoire des handicaps naturels – ICHN – et sa revalorisation. Je soulignerai, de mon côté, la nécessité d’adapter le montant des aides au financement des bâtiments d’élevage, qui sont bien évidemment plus coûteux en montagne. En 2005, la modification du montant de ces aides a rendu le dispositif très peu attractif et s’est traduite par une baisse drastique des investissements de modernisation, ce qui est fort regrettable.

Je remarque par ailleurs que les agents de l’Office national des forêts – ONF – n’ont pas été épargnés par la RGPP. Leurs tâches se sont pourtant multipliées et complexifiées. L’étendue des triages, déjà trop importante, ne saurait être augmentée sans porter une nouvelle fois atteinte à la qualité du service rendu aux collectivités et à la forêt publique. La réorganisation à venir du service forestier ne doit pas se traduire par de nouvelles réductions du nombre de ses agents, au moment où il faut soutenir et développer la filière bois.

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre, trois dérégulations risquent aujourd’hui de se combiner de manière très négative en Lorraine.

La première, celle des effets spéculatifs et climatiques qui jouent sur le prix des matières premières, a été très largement évoquée. Dans une région de polyculture-élevage intermédiaire comme la Lorraine, elle se traduira à terme par un soja à plus de 500 euros, des céréales à plus de 200 euros, et par un lait qui, au dernier trimestre, pourrait descendre en dessous de 300 euros. Cela ne passe pas, même avec les meilleurs gestionnaires et les systèmes les plus innovants. À ce propos, lors de l’audition de M. Houllier, la semaine dernière, j’ai cru comprendre qu’en matière d’expertise de ces systèmes, l’INRA faisait preuve d’une certaine timidité. Une commande publique serait sans doute la bienvenue.

La deuxième dérégulation, celle qui affecte l’agroalimentaire, est également bien connue. Les accords du printemps sont extrêmement fragilisés. On le voit bien aujourd’hui dans les rapports léonins que la grande distribution continue à entretenir avec les producteurs et les transformateurs.

Je voudrais appeler votre attention sur une dernière dérégulation : celle de la politique des structures. Cette politique, qui s’était assouplie depuis deux décennies, a maintenant tendance à se déliter. Toute la politique d’installation risque d’être ruinée, sous prétexte de sociétés de capitaux. J’aimerais connaître vos intentions en la matière. Le changement va-t-il se traduire par une nouvelle régulation ?

M. le ministre. Vous avez été plusieurs à m’interroger sur les zones vulnérables et les difficultés d’application de la directive Nitrates – vous avez évoqué le cas de l’Alsace, mais je peux faire état des mêmes problèmes dans le bassin de la Sarthe. Les réponses les plus simples ne sont pas forcément les meilleures. Il faut avant tout éviter que les nitrates aillent dans l’eau. Avec le ministère de l’environnement, nous sommes en train de chercher des solutions. Le problème, c’est que la France fait déjà l’objet d’un contentieux au niveau européen pour non respect de la directive Nitrates, et qu’elle risque des sanctions financières à ce titre. Nous devrons donc examiner les voies et moyens de négocier des dérogations avec la Commission. Les préfets de bassin nous ferons d’ici à septembre des propositions en ce sens.

S’agissant de la réforme de la PAC, nous ne pouvons malheureusement pas ramener à l’actif les aides directes du premier pilier, d’autant que, dans un tel système, c’est le nombre d’agriculteurs, et non plus le nombre d’hectares qui servirait de référence, au détriment de notre pays – quand on sait que la Roumanie compte cinq millions d’agriculteurs, on mesure l’importance du transfert. Tous nos efforts et nos réflexions visent à trouver une répartition des aides qui, tout en passant par les hectares, tienne compte du nombre d’actifs – comme Germinal Peiro l’a démontré, ce sont les subventions aux premiers hectares qui sont le plus efficaces en termes de créations d’emploi.

La nouvelle organisation par bassin de la filière laitière ne doit pas remettre en cause la capacité des producteurs laitiers à négocier avec les industriels dans le cadre de la contractualisation. Cette question s’inscrit dans le débat sur la rénovation des interprofessions, qui doit permettre les conditions d’une discussion globale à l’échelle nationale. Il faut améliorer le système de contractualisation : celui-ci doit notamment assurer la prise en compte d’indices de prix, afin de concilier les intérêts des producteurs et ceux des transformateurs.

J’ai rencontré les organisations professionnelles pour débattre des conditions de l’application de l’accord signé le 3 mai 2011 avec la grande distribution. Même si celle-ci considère que ce n’est pas l’heure, nous comptons exercer les pressions nécessaires pour qu’elle applique ces accords. Nous l’avons déjà prévenue que, compte tenu de l’augmentation des coûts pesant sur l’élevage et la production laitière, elle ne pouvait pas anticiper des baisses de prix.

S’agissant de Doux, nous saurons demain quelle solution sera finalement retenue. Pour notre part, notre choix et notre combat sont en faveur d’une solution industrielle : il faut relancer la production et éviter de se concentrer sur la demande de restitutions. Le plan de continuation ne me paraît pas une solution viable : les millions d’euros qu’il prévoit n’ont fait l’objet d’aucun engagement écrit ; on ne connaît pas le niveau d’engagement des supposés investisseurs saoudiens. Tout cela me paraît très confus et difficilement défendable.

Il est incontestable que l’ONF sort très affectée de cinq ans de RGPP, mais ce problème ne pourra être traité que dans le cadre d’une réflexion qui englobe l’ensemble des questions forestières, qu’il s’agisse de plantation, de gestion, de transformation, etc. Ce sera précisément l’un des objectifs de la future loi-cadre, dont un volet sera dédié à la forêt. Il faudra notamment aborder dans ce cadre la possibilité d’affecter à la filière une part du fonds carbone.

M. le président. Une part significative.

M. le ministre. Sur ce point nous serons d’accord, monsieur le président.

Il est vrai que l’INRA a encore quelques difficultés à imaginer de nouveaux modèles de production et à envisager l’agronomie de manière globale. L’objectif de la mission sur les groupements d’intérêt économique et environnemental que nous comptons confier à deux anciens présidents de l’Institut, Bertrand Hervieu et Marion Guillou, sera, non seulement de réfléchir aux conditions juridiques et sociales de l’organisation de tels groupements, mais aussi de s’assurer de l’appui technique de l’INRA à la mise en perspective de nouveaux modèles. La lettre de mission du nouveau PDG de l’INRA ira dans le même sens.

Les aides à la modernisation des bâtiments d’élevage pour les exploitations situées en zone de montagne seront maintenues.

S’agissant des exonérations en faveur de l’emploi permanent agricole, nous attendons la réponse de l’Europe, mais nous craignons qu’elles n’entrent pas dans le cadre européen : elles présentent l’inconvénient d’être ciblées sur un secteur économique, alors que les politiques européennes d’exonération de cotisations sont transversales.

L’irrigation ne peut plus avoir pour seul objectif de maximiser la production ou de parer à tous les risques. De telles pratiques, notamment dans la culture du maïs, ont fait beaucoup de tort à cette technique, au point que désormais certains la rejettent totalement. Il faut réfléchir à des modes d’irrigation raisonnés, qui assurent la pérennité de l’activité agricole. Il faut notamment tenir compte des problèmes nés du réchauffement climatique, telles les sécheresses récurrentes qui frappent certaines régions, et cette problématique dépasse largement la question du maïs – l’herbe aussi a besoin d’eau. C’est la raison pour laquelle Delphine Batho a abandonné les deux projets de décrets relatifs aux retenues collinaires, et c’est dans cet objectif que je compte reprendre une discussion apaisée sur ce sujet.

M. William Dumas. La communauté de communes du pays viganais gère au Vigan un petit abattoir, qui offre ses services aux éleveurs des départements limitrophes, l’Aveyron, l’Hérault ou la Lozère, leur permettant d’abattre et de vendre directement leur production en circuit court. Suite à un contrôle de la chambre régionale des comptes, celle-ci demande à ce que le budget général ne finance plus l’abattoir. Or ce financement est nécessaire à l’équilibre budgétaire de l’abattoir, qui contribue à l’aménagement du territoire. Que faut-il faire pour résoudre ce cas, dont je pense qu’il n’est pas unique ?

Mme Annie Genevard. Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage répond à un vrai besoin en zone de montagne, non seulement des exploitations elles-mêmes, mais également de l’ensemble du tissu économique. Ainsi, dans ma circonscription, il a rencontré un très grand succès, au point qu’aujourd’hui, il manque 50 % de crédits au regard de la demande. Est-il envisageable d’augmenter le nombre d’exploitations éligibles à ce plan dans les secteurs où la demande est forte ?

Je voudrais également évoquer le problème de l’infestation par le campagnol terrestre, particulièrement importante sur certaines exploitations. Les solutions alternatives au traitement chimique n’ont pas enlevé au recours à la bromadiolone son utilité, et les agriculteurs s’inquiètent de la perspective d’abaissement de 50 à 30 % le taux d’infestation où il est autorisé. Quel est votre sentiment sur cette question ?

M. Serge Letchimy. Un projet de loi dédié à l’agriculture d’outre-mer est-il prévu ?

Jusqu’où êtes-vous capable d’aller en matière de régulation : serait-il possible notamment d’instaurer un régime de quotas d’importation au bénéfice de l’agriculture d’outre-mer ? Je vous rappelle qu’actuellement l’importation massive lui interdit toute diversification et tout bénéfice tiré de la transformation.

Je rappelle par ailleurs que Mme Damanaki interdit tout soutien européen au renouvellement de la flotte afin de mettre fin à la surpêche. Or nous sommes en situation de sous-pêche. Que pouvez-vous faire pour le financement de la flotte ?

M. Yves Blein. La réflexion que vous comptez engager sur l’agriculture périurbaine portera-t-elle sur la nature même de sa production et sur la définition de ses modes de distribution, notamment dans une logique de circuit court du producteur au consommateur, qui me semble aujourd’hui appréciée de nos concitoyens ?

Mme Marie-Lou Marcel. Les dernières analyses des eaux de l’Aveyron révèlent une teneur moyenne en nitrates de 13 milligrammes par litre pour les eaux superficielles et de 25 milligrammes pour les eaux souterraines, soit des taux nettement inférieurs au taux maximal autorisé, soit 50 milligrammes. Or, concernant le bassin Adour-Garonne, dont dépend l’Aveyron, la révision en cours de la carte des zones vulnérables semble vouloir perpétuer le classement de ce territoire en zone vulnérable. Cette perspective est d’autant plus mal vécue par les agriculteurs, qu’elle tend à perpétuer l’image de l’agriculteur-pollueur, au moment même où ils sont engagés dans des démarches qualité, respectueuses de l’environnement. Quelle sera la politique du Gouvernement dans ce domaine ?

M. le ministre. Dans la perspective de la réflexion sur l’agroalimentaire que nous allons mener avec Guillaume Garot, nous comptons établir une cartographie des structures d’abattage. On sait qu’il n’y a pas un modèle économique unique pour cette activité, à la rentabilité généralement faible. Cependant certains petits abattoirs sont tout à fait viables ; ils présentent surtout l’avantage non négligeable d’offrir des débouchés à des productions locales. C’est là une question à envisager dans sa globalité, si on veut trouver des solutions adaptées à chaque cas. En tout état de cause, il faut garder à l’esprit que ces abattoirs sont nécessaires au maintien de l’élevage.

Dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre, nous allons essayer de maintenir à leur niveau actuel les subventions à la modernisation des bâtiments d’élevage en zone de montagne, mais il ne serait pas raisonnable de s’engager à les augmenter.

S’agissant du traitement chimique de l’infestation aux campagnols: je ne me suis pas encore penché sur cette question techniquement très pointue ! Mais je vous promets de le faire.

Plutôt que d’une loi spécifique à l’outre-mer, je suis plutôt partisan de ce que la loi d’avenir pour l’agriculture comprenne un volet dédié à l’outre-mer. Je crois que cela va d’ailleurs dans le sens souhaité par Victorin Lurel, avec lequel j’en discuterai. L’avenir de l’agriculture dans ces territoires pose la question de l’accès aux petits marchés locaux. Quant à la possibilité d’instaurer des quotas d’importations pour les territoires d’outre-mer, une telle décision relève du niveau européen. Je pense cependant que le potentiel des marchés locaux d’outre-mer n’est pas exploité autant qu’il le devrait. Or ce problème relève bien d’une réflexion globale sur l’agriculture.

Il est vrai que les décisions prises par l’Europe pour combattre la surpêche posent des questions de fond. Il faudrait notamment que les pêcheurs participent, à côté des scientifiques, à l’évaluation des stocks halieutiques.

Pour le classement en zones vulnérable, les teneurs en nitrates sont mesurées à l’aval du bassin en cause et l’origine de la pollution est recherchée en amont. J’ai le même problème dans la Sarthe. Il faut trouver des solutions adaptées, tout en gardant à l’esprit que l’objectif est de diminuer les pollutions. Or c’est sur les agriculteurs que pèseront des investissements onéreux, puisqu’ils ne seront plus financés par les programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole. En tant que ministre de l’agriculture, je dois tenir compte de ma collègue en charge de l’environnement, et surtout de la directive Nitrates. En outre, nous sommes déjà en contentieux avec l’Europe et nous encourons des pénalités financières au cas où nous ne satisferions pas à ses demandes. Dans un tel contexte, il m’est difficile de vous proposer des solutions. Même si je ne pense pas que les bassins de stockage constituent la panacée, c’est pour l’heure la seule réponse de l’Europe. C’est pourquoi, de façon générale, qu’il s’agisse de la PAC, des mesures agroenvironnementales, du verdissement, etc., ma politique sera d’abord d’essayer d’ouvrir des brèches afin de nous permettre d’aller vers d’autres modèles de production.

La question de l’installation en agriculture doit aussi être abordée dans le cadre de cette réflexion globale. Le contrôle des structures a eu des répercussions profondes sur la politique d’installation en agriculture, mais il est temps de réformer un système qui est en place depuis cinquante ans. Le président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) est d’accord avec moi sur la nécessité de rebattre les cartes, notamment en ce qui concerne l’entrée dans le métier de l’agriculture, ou plutôt dans les métiers des agricultures. Aujourd’hui beaucoup de jeunes agriculteurs s’installent hors cadre familial : c’est le cas du président du CNJA lui-même. On ne peut plus seulement prendre en compte la surface d’installation : ne faudrait-il pas considérer plutôt la surface d’interconnexion, c’est-à-dire le réseau dans lequel s’inscrit l’agriculture ?

M. Patrick Lebreton. Je voudrais me faire l’écho des inquiétudes de la Réunion devant la perspective de la renégociation des dispositifs européens en faveur de l’agriculture outre-mer, notamment en ce qui concerne la filière canne à sucre. Je rappelle que ces dispositifs tendent à compenser les difficultés structurelles de l’agriculture outre-mer, liées à l’héritage colonial, notamment une monoculture exportatrice, qui nous amène aujourd’hui à être concurrencés par des territoires voisins à faible coût de main-d’œuvre. À cela s’ajoutent la petite taille des exploitations et notre dépendance vis-à-vis de l’importation des intrants à un coût très élevé. C’est pourquoi l’Europe a fait de nous des régions ultrapériphériques, les RUP, bénéficiaires d’aides spécifiques au titre de la PAC, telles que l’OCM sucres ou les dispositions du Poséidom reconnaissant nos handicaps structurels.

Mme Éricka Bareigts. Toutes les contraintes qui pèsent sur l’agriculture d’outre-mer ne diminuent pas notre ambition en ce domaine, qu’elle passe par la recherche-développement, l’instauration de plateformes d’excellence ou la structuration des filières. Cette ambition, elle est d’accroître la part des productions locales dans nos consommations.

Mme Corinne Erhel. La hausse du coût de l’énergie est un problème fondamental pour la production légumière, plus particulièrement pour les cultures sous serre, au point de nuire à la capacité d’installation agricole ou à la reprise d’exploitations. En Bretagne, certains producteurs utilisent le gaz naturel, d’autres la cogénération, etc., d’où des distorsions de concurrence sur un même territoire. Quelle sera votre politique en la matière ? Ne doit-on pas envisager un soutien financier, en direction à la fois des producteurs et des territoires ?

M. Joël Giraud. Il est temps que l’agriculture s’inscrive dans un développement local intégré que nous pouvons favoriser au sein des comités de massifs. Cela suppose une intervention du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, à côté du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE), dans le cadre des programmes opérationnels interrégionaux de massifs. Un lien entre la PAC et la cohésion territoriale ne favoriserait-il pas les négociations avec l’Union européenne ?

M. le ministre. Afin de coordonner nos politiques publiques et de mettre en œuvre des projets transversaux, il est nécessaire d’assurer une certaine corrélation entre les budgets des différents fonds structurels que sont le FEDER, le FSE et le FEADER. Cette idée, que j’ai longtemps promue en ce qui concerne le FEADER, figure d’ailleurs dans le projet de la Commission européenne. En outre, un important travail reste à faire pour articuler les premier et deuxième piliers de la PAC ainsi que le deuxième pilier et le fonds de cohésion. Dans le cadre des groupes d’action locale et du programme LEADER, il convient non pas de s’appuyer sur des politiques de guichet ou de fonds comme c’est le cas actuellement, mais de partir de politiques territoriales adaptées aux projets locaux – politiques auxquelles des fonds pourront alors apporter un soutien financier.

La concurrence qui affecte désormais la Réunion dans le secteur de la canne à sucre est un véritable problème. En effet, avant la réforme de l’OCM sucre, les territoires d’outre-mer bénéficiaient des accords ACP, accords préférentiels qui étaient beaucoup plus avantageux. Afin de rééquilibrer la situation, il est nécessaire de segmenter et de créer des débouchés en promouvant l’identification. Les marchés locaux ultramarins sont dotés d’un véritable potentiel auquel l’agriculture locale devrait répondre bien davantage qu’elle ne le fait actuellement. En outre, afin de protéger les productions plus internationales et de leur assurer des débouchés, il faut définir des politiques de qualité qui soient fondées sur la définition d’IGP.

La question du coût de l’énergie dans les serres légumières bretonnes n’est pas sans rappeler celle du coût élevé de raccordement aux réseaux d’électricité ou d’assainissement des maisons que l’on a laissé construire un peu partout. Afin d’éviter les problèmes de compétitivité que cela peut poser, il faut regrouper les serres de manière rationnelle et cohérente, en « grappes de serres », autour de différentes sources d’énergie – cogénération, gaz ou géothermie.

Dans le domaine de l’agriculture périurbaine, l’offre n’est pas suffisamment organisée et regroupée pour répondre à la demande. C’est pourquoi notre réflexion sur les groupements d’intérêt économique et environnemental doit également porter sur l’organisation collective, qu’il s’agisse de distribution ou d’organisation commerciale. La diversité des agricultures existe mais celle des réponses commerciales et des marchés de proximité aussi. On ne peut donc imposer une règle identique pour tous. Lorsque Jean-Michel Schaeffer présidait le CNJA, je l’avais interrogé au sujet de Strasbourg, grande communauté urbaine située dans la zone productrice de maïs qu’est la plaine de Colmar. Or, l’aire urbaine de Strasbourg est porteuse d’un potentiel considérable, à l’instar de Caen, du Mans et de Lyon, à condition que l’on organise les choses.

Des expériences sont actuellement menées sous le nom de « marchés numériques » afin de déterminer la manière de regrouper l’offre locale pour faire en sorte que la demande locale puisse y accéder. Pour l’instant, les cantines scolaires n’ont pas encore trouvé la solution. C’est une question d’organisation non pas de la production mais de la distribution et de la commercialisation. Il nous faudra donc innover en la matière afin de promouvoir toutes les agricultures et surtout de répondre à tous les débouchés.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, nous vous remercions pour la qualité de vos réponses.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 31 juillet 2012 à 16 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Joël Giraud, M. Antoine Herth, Mme Annick Le Loch, M. Serge Letchimy, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Christophe Borgel, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Thierry Lazaro, M. Michel Piron, M. François Pupponi

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Luc Bleunven, Mme Pascale Boistard, Mme Brigitte Bourguignon, M. Yves Daniel, Mme Carole Delga, M. William Dumas, Mme Sophie Errante, M. Alain Fauré, Mme Annie Genevard, Mme Edith Gueugneau, M. Guillaume Larrivé, M. Patrick Lebreton, Mme Viviane Le Dissez, M. Christophe Léonard, M. Paul Molac, Mme Sylvie Pichot, Mme Christine Pires Beaune, Mme Catherine Quéré, Mme Sylvie Tolmont