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Commission des affaires économiques

Mercredi 8 octobre 2014

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. François Brottes Président
et de
M. Patrick Bloche Président de la commission des affaires culturelles

– Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la Commission des affaires culturelles, de M. Jean-Noël Tronc, président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM)

La commission a auditionné M. Jean-Noël Tronc, président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM).

M. le président François Brottes. Nous avons le plaisir d’accueillir, pour une audition commune avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). La musique, le cinéma et plus généralement la création artistique – domaines qui relèvent de l’exception culturelle – représentent un secteur économique important dont M. Tronc évoquera la mutation vers le numérique. En promettant un grand plan numérique à l’école, le Président de la République a relancé le débat sur cet enjeu dont Corinne Erhel et Laure de La Raudière avaient souligné l’importance dans leur rapport rédigé dans le cadre d’une mission d’information de la commission des affaires économiques. Comme le montrent les controverses passées sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), le sujet s’avère particulièrement clivant et les problèmes ne manquent pas ; ainsi l’arrivée sur le marché de chaînes payantes de cinéma déstabilise-t-elle nos acteurs économiques culturels. L’histoire de notre pays en fait une puissance artistique de premier plan ; qu’advient-il à la création dans le contexte de la révolution numérique et d’avènement de nouveaux modèles économiques ? Comment la SACEM affronte-t-elle cette mutation ?

M. le président Patrick Bloche. Je tiens à remercier le président François Brottes et la commission des affaires économiques pour cette initiative qui permet à nos deux commissions de combiner leurs approches au service du rayonnement et de la compétitivité de notre pays. M. Jean-Noël Tronc, directeur général de SACEM – que nous sommes honorés de recevoir – nous présentera le « Premier panorama des industries culturelles et créatives ». Une étude sur l’apport de la culture à l’économie française, réalisée par l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l’Inspection générale des finances (IGF), avait révélé le poids économique de ce secteur, tant en matière de PIB qu’en termes de création d’emplois et de dynamisme. Le Panorama montre la même chose : la culture, souvent associée aux dépenses et aux subventions publiques, représente un potentiel extraordinaire de créativité, mais aussi de chiffre d’affaires, d’emplois et de croissance. C’est toute l’architecture précieuse des circuits de financement de la création – souvent adossés à des dispositifs vertueux qui ne font pas appel au budget de l’État – qu’il nous faut préserver au nom de l’exception culturelle. Les enjeux de la propriété littéraire et artistique, le droit d’auteur et les droits voisins méritent également notre attention.

Les circonstances actuelles donnent à ces questions une acuité particulière. Alors que la Commission européenne est en plein renouvellement, nous ne devons pas nous limiter à la situation en France mais élargir notre vision au contexte communautaire. Dans le cadre des discussions sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), la France s’est beaucoup mobilisée pour convaincre une majorité des pays de l’UE d’exclure la culture et l’audiovisuel du mandat de négociation de la Commission européenne. Enfin, la récente arrivée en France de Netflix montre l’évolution des usages dans le domaine de la consommation audiovisuelle ; ces bouleversements – appelés à s’intensifier encore – doivent nous amener à veiller, plus que jamais, à la préservation des dispositifs de financement de la création dans notre pays.

M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la SACEM. Merci messieurs les présidents. Si je m’occupe aujourd’hui de la culture, j’ai commencé ma carrière dans une entreprise américaine d’informatique – Accenture –, puis j’ai travaillé, entre 1995 et 1997, sur les questions de régulation de l’Internet au Commissariat général du plan. De 1997 à 2002, j’ai été le conseiller du Premier ministre en matière de développement de l’Internet et des nouvelles technologies en France. J’ai ensuite passé cinq ans dans les télécommunications, occupant les fonctions de directeur général d’Orange France, qui vendait alors 5 millions de téléphones portables par an. Enfin, durant les trois années qui ont précédé mon arrivée à la tête de la SACEM – qui est également la société des poètes et des auteurs de doublage et de sous-titrage –, j’ai dirigé les activités de Canal+ à l’international. Ayant lancé Canal+ au Vietnam, l’ayant dirigé en Pologne et en ayant développé les activités en Afrique – qui compte plus d’un million d’abonnés à un bouquet de chaînes françaises, francophones et internationales –, j’ai pu constater le décalage entre le discours décliniste tenu en Europe sur la question de l’exception culturelle et la situation dans le reste du monde – en Chine, au Quatar, au Nigeria – où des pouvoirs publics volontaristes et protectionnistes s’appuient sur leurs industries culturelles pour en faire un moyen de conquête et de développement, et pas seulement économique.

Je voudrais me concentrer sur trois messages principaux qui concernent les rapports entre industries culturelles et industries numériques, la question des modèles économiques et celle du financement et de la régulation.

Nous nous trouvons aujourd’hui à la croisée des chemins : à peine constituée, la nouvelle Commission européenne – où le droit d’auteur et le numérique sont confiés, pour la première fois de façon conjointe, au commissaire allemand Günther Oettinger – a annoncé qu’elle souhaitait « remettre à plat » et « moderniser » le droit d’auteur. Je m’associe pleinement au coup de colère poussé à cette occasion par notre grand cinéaste Bertrand Tavernier. Immatériel, le droit d’auteur représente à la fois une notion moderne qui n’a cessé de s’adapter et la clé de voûte de tout un secteur économique. En pilotant l’avenir les yeux fixés sur le rétroviseur, l’UE fait preuve d’aveuglement : non seulement ce ne sont pas les barrières du droit d’auteur qui, comme le suggère le président Juncker, empêchent l’apparition d’un Google ou d’un Samsung européen, mais le passé récent montre que c’est par défaut de normes, de standards et de politique industrielle que l’Europe a laissé démolir, brique par brique, ses industries des télécommunications, de l’informatique et de l’électronique. Ainsi l’industrie des télécommunications a-t-elle été tuée par la surenchère des licences 3G : ne s’étant pas donné la peine de mener une politique industrielle dans ce domaine, Bruxelles a accepté que les Chinois imposent leurs propres standards de téléphonie mobile, signant l’arrêt de mort d’Alcatel. Plus récemment, lorsque j’ai négocié la licence SACEM avec Netflix, comme j’ai négocié auparavant avec YouTube, j’ai constaté l’extraordinaire disproportion dans le rapport des forces mais également le peu de soutien dont nous bénéficions de ce côté-ci de l’Atlantique.

Plusieurs exemples illustrent ce constat. Ainsi dans la bataille entre Amazon et Hachette – qui mobilise des écrivains –, Amazon cherche-t-il à abuser de sa position économique dominante et de son pouvoir de marché pour imposer ses propres conditions.

La « Google Lex » – la loi la plus intelligente votée en Europe depuis plusieurs années, qu’Angela Merkel a fait adopter à la majorité des deux-tiers de la grande coalition – visait à résoudre la contradiction entre deux directives européennes de 2001 : celle sur le droit d’auteur, qui reconnaît pleinement que celui-ci, ainsi que les droits voisins, s’appliquent à l’Internet, et celle sur le commerce électronique qui met certains acteurs – dits intermédiaires techniques de l’Internet – à l’abri de toute forme de responsabilité, y compris économique. Or cette loi n’est aujourd’hui pas appliquée en Allemagne parce que Google – qui détient 96 % de parts de marché et a par conséquent « droit de vie et de mort » sur n’importe quel acteur économique – a menacé de dé-référencer les éditeurs qui exigeraient de voir leurs droits honorés. À ce propos, en tant que directeur général de la SACEM, j’ai signé dans Les Échos une tribune commune avec Roland Héguy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), qui fait face au même problème : alors que les sites américains de réservation hôtelière tels que TripAdvisor détournent entre 15 et 20 % de la marge, un hôtelier qui ose protester se voit menacer de dé-référencement – qui équivaut aujourd’hui à la mort économique. Il est donc temps que les Européens instaurent une régulation qui, sans être ringarde ou protectionniste, se montre au moins aussi franche et ambitieuse que celle qu’ont mise en place les Américains, les Chinois ou les Coréens.

Enfin, j’ai négocié avec YouTube sur l’utilisation du répertoire de la SACEM et de celui de l’éditeur de musique Universal. Aux termes de l’accord conclu, lorsqu’un consommateur clique sur une vidéo de notre répertoire – et à condition que YouTube nous en informe correctement, ce qui est rarement le cas –, nos outils informatiques nous permettent de verser à nos membres 4,8 % du chiffre d’affaires publicitaire de YouTube – un taux proche de celui que paient des grands médias. C’est un bon taux, même s’il est peu rémunérateur. Cette négociation – que nous avons menée dans le cadre du marché international du disque et de l’édition musicale (MIDEM) à Cannes, en 2013 – a elle aussi pris la forme d’une épreuve de force. Mécontent du cours des discussions, YouTube a menacé d’arrêter la diffusion de publicité sur les vidéos musicales, cherchant à dresser les maisons de disques contre les auteurs, compositeurs et éditeurs que je représente. Cette tentative n’a pas abouti et l’accord a finalement été signé. L’incident montre pourtant la permanence du rapport de forces ; si le législateur européen ne prend pas garde, nous serons balayés sous l’effet conjugué de la puissance des acteurs économiques qui nous font face et d’une régulation qui nous handicape.

Une des erreurs des acteurs de la culture – publics ou privés, à but lucratif ou non, qui participent tous à la création de valeur et d’emplois – a été de ne pas se compter. La SACEM est quant à elle une société coopérative, de droit privé donc, mais à but non lucratif. C’est pourquoi, en partenariat avec plusieurs organismes, nous avons décidé de mesurer ce que pèse l’ensemble des industries culturelles et créatives dans notre pays, en suivant les méthodes de calcul de la Commission européenne. En effet, l’étude réalisée par les deux inspections générales que le président Bloche a évoquée se fonde sur les chiffres de la valeur ajoutée ; quel que soit l’intérêt de cette technique, la bataille devant être menée à Bruxelles, mieux vaut adopter l’approche bruxelloise par le chiffre d’affaires. Si l’on se limite aux activités centrales de la filière, les dix secteurs concernés – arts graphiques et plastiques, cinéma, jeu vidéo, livre, musique, presse et magazine, radio, spectacle vivant, publicité et télévision – pèsent 61 milliards d’euros, soit plus que l’industrie automobile, le luxe ou la défense. En y ajoutant les activités indirectes, on en arrive à 75 milliards d’euros et 1,2 million d’emplois en France. Contrairement au secteur hôtelier, au BTP ou à l’agriculture, les industries culturelles attirent massivement les jeunes ; tous ne veulent pas être artistes, mais les juristes ou les diplômés des écoles de commerce acceptent des salaires un peu moindres pour bénéficier du surcroît de sens qu’apporte le travail dans ce secteur – choix que j’ai effectué moi-même. La plupart de ces emplois sont largement non-délocalisables ; ainsi, lors d’une tournée, pour deux ou trois artistes sur scène, cinquante à cent personnes s’occupent de la sécurité, de l’éclairage, du son ou des repas. Enfin, ces secteurs gardent un potentiel de recrutement et d’emplois.

Les chiffres mis en lumière par ce panorama nous ont fortement surpris, tant le secteur de la culture sous-estimait son poids. Critiqué et soupçonné de vivre de subventions, notre secteur est pourtant moins aidé que certains autres ; en tant que conseiller du Premier ministre, j’ai ainsi constaté que l’on pouvait aménager très coûteusement les infrastructures publiques pour permettre à une grande entreprise de fabriquer en France plutôt qu’ailleurs un équipement aéronautique. Ces pratiques me semblent normales et souhaitables – nos voisins non européens n’hésitent pas à soutenir leurs champions –, mais les industries culturelles n’ont pas à rougir des politiques de soutien dont elles bénéficient. Si certains dispositifs doivent être aménagés, d’autres – tels que la TVA à taux réduit pour le livre ou le spectacle vivant, le soutien indirect au cinéma à travers le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les obligations de production ou de diffusion et même la régulation de l’offre – ont fait leurs preuves, et c’est à l’aune de cette efficacité qu’il faut les juger. Ainsi, sans remettre en question la diversité des musiques qui passent sur nos ondes, les quotas radio – qui visent les œuvres francophones et promeuvent 50 % de nouveaux talents – font de la France le seul pays d’Europe où la plus grande part de la musique produite et diffusée est nationale. Notre dispositif général de régulation se montre donc efficace et pertinent, d’autant que du point de vue économique, la culture représente une industrie de l’offre : en matière de musique, on écoute ce que l’on entend, et si l’on n’entend plus certains genres de musique, on ne les écoutera plus. Ne nous étonnons pas, alors que la place accordée par certaines chaînes de France Télévisions aux émissions de musique a été divisée par deux en dix ans, que le secteur ait du mal à promouvoir ses artistes et à faire découvrir des jeunes talents.

Le panorama des industries culturelles et créatives sera réalisé tous les deux ans – le prochain interviendra donc en 2015 – et en collaboration avec des partenaires publics tels que l’Institut national de l’audiovisuel (INA), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le CNC, afin de ne réaliser qu’une seule enquête. Par ailleurs, au mois de novembre prochain, sera publiée une étude européenne. Menée par les mêmes familles d’acteurs, elle couvrira les mêmes secteurs et montrera que les industries culturelles et créatives en Europe représentent un peu plus de 4 % du PIB et 7 millions d’emplois, se situant juste après le BTP et au même niveau que l’hôtellerie et restauration. Dans tous les secteurs culturels, l’Europe compte des leaders mondiaux : Bertelsmann en Allemagne, Mondadori en Italie, Prisa en Espagne, Electronic Arts au Royaume-Uni, etc. Il n’y a donc pas d’exception française.

Le déclin que l’Europe a subi – et pour une part produit – en matière d’industries informatiques et de télécommunication m’apparaît irréversible. Où sont aujourd’hui les grandes marques d’il y a dix, vingt ou trente ans, telles qu’Alcatel ou Sagem ? À mon arrivée chez Orange, en 2002, alors que nous vendions 5 millions de téléphones portables par an, une seule des dix marques les plus vendues, Motorola – rachetée à la casse par Google il y a un an et demi –, n’était pas européenne. Quand j’ai quitté Orange en 2007, nous ne vendions plus qu’une seule marque européenne : Nokia, rachetée par Microsoft il y a un an. Avant même l’arrivée d’Apple, le marché était dominé par LG, Samsung et BlackBerry. Dans l’électronique, Thomson, Goupil, Ericsson, Nokia, Amstrad, Sinclair, Philips peuplent aujourd’hui le cimetière des marques industrielles européennes. Dans le match entre le numérique et la culture, l’heure est grave. Côté entreprises, les acteurs dominants sont planétaires et extra-européens : l’UE ne compte aucun fabricant de tablettes, de téléphones portables ou d’ordinateurs. Côté usages, on s’attaque aux dispositifs de régulation les plus évidents, qui permettent de compenser le déséquilibre industriel, tels que la rémunération pour copie privée. Cette invention allemande vise à tenir compte de l’exception au droit d’auteur qui permet aux consommateurs de copier les œuvres et aux industriels qui vendent des appareils de copie de s’enrichir ; en échange, une portion modique du produit de ces ventes rémunère les ayants droit dont les créations sont ainsi copiées sans leur autorisation. Il y a trois ans, nos voisins espagnols ont supprimé ce système au terme d’une tentative infructueuse de le remplacer par un impôt. Le préjudice pour les auteurs a été évalué à 5 millions d’euros. Les importateurs espagnols de matériel avaient promis que sa disparition générerait de l’emploi et une baisse des prix des matériels. Depuis, pas une usine n’a été créée en Espagne ; quant aux prix, en recevant le Premier ministre à la SACEM au mois de juillet dernier, je lui ai montré que les tarifs de vente du dernier Samsung S5 et de l’iPhone en Espagne étaient 8 % plus chers qu’en France.

L’exemple espagnol montre que même des outils comme la copie privée – qui cherche à corriger une petite partie du transfert de la valeur – font en Europe l’objet de doutes existentiels. Plutôt que d’affaiblir et de remettre en cause le droit d’auteur, nous devrions renforcer les dispositifs qui se montrent efficaces pour soutenir des secteurs, publics et privés, capables de répondre à la triple problématique de la quête de sens de nos concitoyens, de l’emploi des jeunes et du rayonnement de la France et de l’Europe, y compris en matière d’exportations.

M. le président François Brottes. On ne fabrique en France ni de tablettes ni de téléphones, mais on y fabrique encore des pièces qui entrent dans leur composition. Il reste donc de l’espoir !

M. Yves Blein. Au nom du groupe SRC, je tiens à saluer le caractère coopératif de la SACEM, qui la range parmi les entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Les députés membres de la commission des affaires économiques sont conscients du poids des industries culturelles, tant en matière de chiffre d’affaires et d’activité des entreprises françaises qu’en termes de rayonnement de la France à l’étranger. La culture reste indubitablement un des vecteurs qui rendent le produit France compétitif et qui le font vendre.

Vous animez un secteur à l’intersection des grandes politiques publiques, de l’investissement public et privé, des enjeux planétaires, nationaux et locaux ; pouvez-vous mesurer l’impact de l’action des collectivités territoriales en faveur de la culture ? Anticipent-elles et maîtrisent-elles l’effet que l’évolution de leur budget produit sur l’activité des industries de la création et de la distribution ? Comment ces dernières utilisent-elles le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ? Dans quels domaines investissent-elles aujourd’hui ?

Les industries culturelles et créatives ont-elles eu leur mot à dire dans le cadre des trente-quatre plans industriels ? Comment se situent-elles par rapport aux enjeux du numérique ?

Fort de 1,2 million de salariés, le secteur est souvent perçu comme une niche à emploi précaire – en témoigne la question récurrente des intermittents du spectacle. Disposons-nous de données précises sur les salaires, la pyramide des âges, les formations professionnelles et leur adéquation à l’offre d’emploi ?

Mme Annie Genevard. Dans le panorama des industries culturelles et créatives de France, le directeur de la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) note que malgré un meilleur environnement social et réglementaire, la classe moyenne des artistes est victime de paupérisation. Ce paradoxe s’explique par le partage déséquilibré de la valeur, l’arrivée du numérique ayant bouleversé les modes de consommation de la musique. Or l’artiste représente le cœur du système ; sans créateur correctement rémunéré, il n’est ni création ni industrie culturelle. Après avoir assisté à la disparition des disquaires, on constate aujourd’hui l’extrême fragilisation des libraires ; la baisse des dotations aux collectivités annonce pour demain la limitation des programmations culturelles. Si, demain, la révolution numérique compromet la rémunération des auteurs, on franchira une nouvelle étape dans la gravité de la situation. Cette question est au cœur de votre action, monsieur le directeur général ; l’accord que vous avez conclu avec Netflix est-il porteur d’espoir en cette matière ?

Que pensez-vous de l’article paru dans un journal économique qui remet fortement en cause la méthodologie de ce panorama qui inclurait indûment les biens intermédiaires, additionnerait emplois permanents et temporaires, et surestimerait les industries culturelles en y incluant toute sorte d’autres activités ? Le groupe UMP souhaite comprendre si la culture française va réellement aussi bien que le suggère cette étude.

M. Rudy Salles. Nous souhaitons tous défendre la culture – vecteur d’émancipation personnelle et collective, pilier de notre cohésion sociale et ouverture sur le monde. Les œuvres – produits de la création et porteuses d’émotion – ne pourront jamais constituer une marchandise comme les autres ; pour autant, comment ignorer les imbrications entre économie, tourisme, rayonnement de notre pays et culture ? L’industrie culturelle – qui représente 3 % de notre PIB – est un secteur d’excellence vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi, ainsi que pour l’attractivité et le dynamisme de notre territoire. Le groupe UDI salue la qualité de ce premier panorama, outil précieux pour valoriser les atouts de cette filière et en préparer l’avenir.

La SACEM vient d’annoncer, le 15 septembre dernier, la signature de son accord avec Netflix qui vient de lancer son service de vidéo à la demande par abonnement en France. Cet accord démontre votre volonté d’anticiper les bouleversements et les évolutions technologiques et numériques susceptibles d’affecter le droit d’auteur. L’augmentation croissante de l’offre légale de contenus culturels en ligne portée par les services comme Netflix peut-elle constituer un relais de croissance et de rayonnement pour l’industrie culturelle française ?

Pour améliorer le financement de la culture, vous préconisez l’augmentation d’un point de la copie privée et son extension aux ordinateurs ; pouvez-vous préciser les contours de cette proposition et ses éventuelles conséquences pour les consommateurs et les contribuables ? En l’absence d’harmonisation des barèmes dans l’UE, cette proposition ne conduira-t-elle pas à creuser de manière trop significative l’écart entre les niveaux de ce prélèvement en France et à l’étranger ?

Trop élevé, le montant de la redevance versée à la SACEM pour la diffusion des œuvres pénalise durement certaines associations qui contribuent à l’animation et au lien social dans les communes rurales. Comment mieux concilier protection du droit d’auteur et dynamisme culturel de nos territoires ?

Mme Gilda Hobert. Au nom du groupe RRDP, je tiens à vous remercier, monsieur Tronc, de votre présentation circonstanciée.

Le champ de la création ne cesse de s’étendre ; aussi la SACEM a-t-elle vu ses fonctions s’élargir au fil du temps pour suivre les nouvelles pratiques. Vous disiez dans une interview que le modèle de protection qu’elle propose – qui passe par la simplification des relations économiques et l’instauration d’un rapport de forces face à des hyperpuissances comme YouTube ou iTunes – est le mieux adapté à l’apparition du numérique. Certains auteurs et compositeurs dénoncent pourtant la situation de monopole dont bénéficie la SACEM, arguant que plutôt que d’y déposer ses droits d’auteur, il serait plus judicieux de s’adresser à soi-même une lettre recommandée accompagnée d’un CD ou d’une copie de l’œuvre – preuve de sa paternité – et ainsi de s’en assurer ses propres droits. Que pensez-vous de ce procédé ?

Déposer une seule œuvre à la SACEM prive son auteur du droit de disposer librement de la totalité de ses créations ; sans autorisation spéciale, il doit s’acquitter de droits à votre société s’il souhaite diffuser sa propre musique sur son site Internet. Ne s’agit-il pas là d’une dépossession de l’artiste ?

En dépit de ces critiques, la SACEM remplit une série de fonctions vertueuses. Elle constitue notamment, par ses recensements minutieux auprès des programmateurs et diffuseurs divers, un rempart contre la tentation du plagiat et de l’utilisation intempestive et gratuite des créations musicales.

Dans certains cas, la SACEM peut accorder des tarifs réduits sur les redevances, notamment par convention avec une association agréée d’éducation populaire. En tant qu’élue, j’ai obtenu l’exonération totale du règlement des droits d’auteur à l’occasion d’un concert à but humanitaire – geste que j’ai apprécié autant que les responsables du Conservatoire à rayonnement régional de Lyon. Le plafond des dépenses permettant d’obtenir une autorisation gratuite – 305 euros hors taxes pour les communes et les centres communaux d’action sociale (CCAS) et 260 euros pour les commissions des fêtes – paraît cependant trop bas dans la mesure où il englobe le budget artistique, les frais techniques et de publicité et prend en compte les dépenses plutôt que les recettes. Cette limitation peut empêcher les petites communes ou associations d’organiser ou de renouveler des manifestations ; peut-on envisager des aménagements pour encourager leurs actions dont nous connaissons l’importance sur nos territoires ?

M. le président François Brottes. Les artistes que j’ai rencontrés lorsque j’étais producteur animateur d’émissions de radio m’ont souvent remercié d’avoir diffusé leurs œuvres, cela leur permettant de gagner un peu d’argent.

Mme Isabelle Attard. Fervent opposant à ce que vous qualifiez de piratage, vous affirmez, monsieur Tronc : « notre industrie a souffert la première, historiquement, du piratage sur Internet ». Dirigeant la SACEM – créée en 1851 –, vous ne pouvez ignorer qu’il s’agit là de la répétition d’une pièce qui s’est jouée à plusieurs reprises durant le vingtième siècle. À chaque fois qu’ont évolué les supports technologiques des activités régulées par le droit d’auteur – la copie, la transmission et la représentation de la musique –, la législation a dû s’adapter, mais cet ajustement ne s’est jamais effectué dans la paix et l’harmonie. Lorsque les pianos mécaniques sont apparus à la fin du dix-neuvième siècle, les compositeurs ont protesté ; c’est l’instauration d’une licence obligatoire qui a rendu ce produit légal, donnant naissance à l’industrie de la musique enregistrée. À l’apparition de la radio – dont les stations ont eu l’audace de diffuser la musique par les ondes ! –, l’industrie musicale a tenté de nouveau, sans succès, de faire interdire la radiodiffusion sans accord préalable des artistes ; l’instauration d’une licence obligatoire et d’une répartition entre les ayants droit a pacifié le débat. L’apparition de la télévision l’a pourtant relancé, entre annonces de mort de l’industrie de la musique et exigences de législations d’exception pour en permettre la survie. Plus récemment, c’est le walkman, accompagné de ses cassettes enregistrables, qui faisait figure d’ennemi à abattre, rapidement suivi par les CD-ROM enregistrables puis les clés USB ; c’est à nouveau une licence – la rémunération pour copie privée – qui a réglé le problème. Le schéma que nous montre l’histoire est simple : l’industrie culturelle s’oppose farouchement aux innovations technologiques, puis réalise qu’il est bien plus profitable de trouver une solution pour rémunérer les auteurs. Bien que certains prétendent le contraire, les citoyens de 2014 sont tout aussi prêts – sinon plus – à financer les créateurs que ceux de 1984 ou de 1944 ; le groupe écologiste souhaite connaître votre avis sur l’idée d’une licence globale construite sur le partage qui financerait la création sans pour autant constituer la réparation d’un quelconque préjudice. En effet, qui oserait aujourd’hui parler d’un préjudice à propos de la diffusion des œuvres d’un compositeur à la radio ?

Vous avez également demandé, en cas de contrefaçon, de remplacer la riposte graduée par un système d’amende systématique. Mais les lois contre la contrefaçon n’ont pas été conçues pour la situation actuelle : lorsque la copie de musique nécessitait un équipement industriel lourd, il était normal de punir fortement ceux qui la pratiquaient à grande échelle sans autorisation ; mais l’on n’a jamais envisagé d’appliquer ces sanctions au grand public. En effet, le cadre juridique qu’il est nécessaire de définir pour qu’une entreprise puisse négocier l’usage d’une chanson pour une publicité ou un film est inopérant lorsqu’un adolescent poste une reprise de la chanson « Canal Saint-Martin » du groupe Fatals Picards sur le site Dailymotion. Ce fan ne peut pas se permettre d’engager un avocat pour le représenter auprès de la maison de disques qui détient les droits sur la chanson ; de son côté, la maison de disques ne trouverait aucun intérêt à négocier individuellement avec chaque fan qui veut faire un usage transformatif d’une œuvre. Devenue facile, la copie individuelle ne peut pas être contrôlée, à moins de développer la surveillance de tous les ordinateurs de la planète – résultat ni technologiquement possible ni souhaitable. Il ne faut pas en déduire que le droit d’auteur n’existe plus, ni qu’il devrait être supprimé ; mais il convient de l’utiliser pour des enjeux de taille. Ainsi, le fait que l’argent de poche de nos enfants ne soit soumis à aucun contrôle ni à aucune taxe ne remet pas en cause l’importance de la régulation financière. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de mettre fin à vos attaques contre vos propres clients ? Il faudrait pour cela supprimer la HADOPI – au lieu de l’étrangler financièrement comme certains de vos collègues le réclament – et instaurer une licence globale, source de revenus complémentaires pour les créateurs.

M. Dino Cinieri. Monsieur le directeur général, pouvez-vous nous expliquer le mécanisme de contrôle de votre société ?

Mme Martine Martinel. En matière de financement de la création, la rémunération pour copie privée constitue-t-elle un système d’avenir ? La taxe sur les terminaux connectés préconisée notamment par le rapport Lescure vous semble-t-elle une bonne mesure ? Comment faire contribuer les grandes plateformes utilisatrices de contenus culturels comme Google ?

Les contrôles auxquels sont soumis la SACEM et d’autres sociétés d’auteurs paraissent souvent opaques ; pourriez-vous nous en dire plus ?

Mme Dominique Nachury. Le panorama que vous avez présenté – qui montre bien que la culture est aussi un secteur économique – détaille notamment, page 20, les dépenses des Français pour la culture et les loisirs, domaine par domaine. Or depuis 2011 – année dont cette étude utilise les chiffres –, nos concitoyens ont dû faire face à des difficultés économiques et financières ; où en est aujourd’hui le montant que les ménages consacrent aux biens et services culturels, et sa répartition par secteurs ?

M. Alain Suguenot. J’ai apprécié l’intervention sur la licence globale.

L’arrivée de Netflix en France génère des inquiétudes quant à l’avenir des services de vidéo à la demande tels que CanalPlay, qui risquent d’apparaître moins avantageux. Le droit d’auteur et la gestion collective restent-ils capables d’accompagner efficacement l’expansion de l’offre légale de contenus culturels en ligne ?

M. Christophe Premat. Votre propos s’insère bien dans l’actualité du travail législatif. À l’occasion de la constitution de la nouvelle version de l’Assemblée des Français de l’étranger – conformément à la réforme de Mme Hélène Conway-Mouret –, nous avons organisé une table ronde sur la francophonie numérique en présence de Mmes Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique et Annick Girardin, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Des représentants du monde de la musique y commentaient notamment les propositions du rapport que Jacques Attali a remis au Président de la République le 26 août dernier, qui pointait la nécessité de créer des opérateurs numériques francophones.

Le panorama souligne le potentiel économique des industries culturelles et créatives ; celles-ci se trouvent également au cœur de la stratégie de la Commission européenne pour les années 2014 à 2022, la culture numérique étant considérée comme un secteur prioritaire.

Enfin, les supports numériques doivent nous aider à dénicher les nouveaux talents francophones et à les accompagner dans le cadre d’une promotion durable. Le développement des industries culturelles innovantes – notamment dans le domaine de la radio – en favoriserait la diversité.

M. Patrick Hetzel. Un constat émerge du panorama : les nouvelles technologies du numérique ont contribué à transformer tant la création que les moyens d’accès aux œuvres. Elles instaurent de nouvelles pratiques culturelles tout en contribuant à développer un nouveau patrimoine immatériel.

Que devraient faire aujourd’hui la France et l’Europe pour devenir économiquement plus performantes en matière d’industries culturelles et créatives ? Faut-il engager des mesures législatives ou gouvernementales, et le cas échéant lesquelles ?

M. William Dumas. Votre présentation, monsieur le directeur général, met en lumière l’apport des industries culturelles et créatives à l’économie de notre pays. J’ai ainsi découvert que ce secteur générait 1,2 million d’emplois – majoritairement impossibles à délocaliser et répartis sur tout notre territoire – et un chiffre d’affaires de 75 milliards d’euros, se hissant devant l’industrie automobile ou celle du luxe dont on nous parle si souvent. Grâce à ses nombreux succès à l’étranger, il contribue aussi au rayonnement international de la France.

Les industries culturelles et créatives restent pourtant mal considérées ; en tant qu’élu local, j’ai maintes fois dû expliquer, devant les critiques des subventions accordées, que les financements de la culture représentaient une chance – et non un problème – pour nos territoires car ils apportaient des retombées économiques importantes. Comment permettre à ces industries d’affirmer leur rôle dans le développement et le rayonnement de nos territoires ?

Vous avez évoqué la nécessité d’envisager un changement de cap européen : quels moyens faut-il mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ?

M. Paul Salen. Les nouveaux acteurs apparus dans le cadre de la révolution numérique engrangent des revenus importants qu’ils ne partagent pas avec les titulaires de droits. Face à ce problème, votre panorama préconise quelques solutions ; quelle chance ont-elles de se révéler efficaces et dans quel délai pourraient-elles être mises en place ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le directeur général, lors d’une récente réunion du club parlementaire de l’audiovisuel, vous avez demandé une réforme de la copie privée, évoquant une hausse d’un point des barèmes et un assujettissement des ordinateurs aux taxes en vigueur, ces mesures devant dégager plus de 100 millions d’euros pour financer les industries culturelles. Le Président de la République a également évoqué l’idée de taxer les ordinateurs en clôture d’un récent séminaire du CSA. L’augmentation d’un point de la copie privée et l’extension du prélèvement aux ordinateurs n’empêcheraient pas, selon vous, le secteur des hautes technologies de fonctionner et n’auraient pas d’impact sur l’emploi. Or les distributeurs ne partagent pas cette analyse, pointant l’absence d’harmonisation des barèmes en Europe. Où en est votre réflexion à ce sujet ?

M. Jacques Cresta. Dans son rapport d’avril dernier intitulé « Pour un renouveau des politiques publiques de la culture », le Conseil économique, social et environnemental (CESE) propose de réformer le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) pour lui confier une mission d’accompagnement de l’ensemble de la filière musicale et une fonction d’observatoire. Ce nouveau CNV devrait être alimenté par une taxe sur les appareils connectés et la taxe sur les services de télévision-distributeurs, ce fonds de soutien permettant aux entreprises de toute taille de bénéficier des retombées économiques qu’elles génèrent. Ses moyens contribueraient à garantir la diversité culturelle et répondraient aux tendances à la concentration, défendant ainsi la création et la diffusion. Pour permettre à ce nouveau fonds de remplir pleinement les missions qui lui seraient confiées, le CESE préconise enfin de déplafonner la taxe sur les spectacles – seule ressource actuellement affectée au CNV. En tant que directeur général de la SACEM, quel regard portez-vous sur cette proposition ?

M. Lionel Tardy. L’étude d’Ernst & Young (EY) reposant sur des choix méthodologiques particuliers, n’aurait-il pas fallu permettre à nos Commissions de profiter d’autres points de vue ? Prévoit-on, messieurs les présidents, d’autres auditions de ce type, nous exposant par exemple une approche qualitative des industries culturelles ? Le panorama présenté aujourd’hui n’en reste pas moins intéressant et il sera utile de suivre l’évolution des chiffres, année après année.

À chaque fois que l’on évalue la redevance pour copie privée, on omet de comptabiliser les supports connectés – smartphones et tablettes ; s’agit-il d’un souci de méthode ? J’ai cru comprendre, monsieur Tronc, que vous militiez pour une extension de ce prélèvement à travers une hausse des barèmes et une application aux disques durs internes. Le mécanisme semble pourtant trop imparfait pour l’étendre en l’état ; surtout, une telle mesure
– tout comme la hausse de la redevance audiovisuelle prévue dans le budget 2015 – ne risque-t-elle pas de produire un effet négatif sur l’image des industries culturelles ?

M. Stéphane Travert. Le rang que les industries culturelles et créatives tiennent dans notre économie reste méconnu. Le panorama dressé par le cabinet EY souligne que notre pays est le berceau de leaders mondiaux créateurs de richesses et d’emplois tels qu’Universal, Deezer ou Dailymotion. Faisant écho au rapport de l’IGAC sur l’apport de la culture à l’économie française, il dessine les contours d’un PIB culturel au très fort potentiel de développement. Le redressement économique de notre pays peut donc passer par l’épanouissement de ce secteur porteur de croissance.

Le panorama montre notamment la capacité des industries culturelles à inventer de nouveaux modèles économiques. L’analyse thématique du secteur musical révèle ainsi que l’écosystème de ce marché est transformé par le numérique, les modes de distribution de la musique étant aujourd’hui très diversifiés : vente physique en direct ou à distance, distribution dématérialisée via iTunes – qui concentre l’essentiel des parts de ce marché en ligne – ou streaming. Comment votre société a-t-elle pris ce tournant du numérique afin de continuer à percevoir des droits des artistes ? Avez-vous observé une diminution des droits récoltés en raison d’une mauvaise coordination avec les plateformes telles qu’iTunes ou en raison du téléchargement illégal ?

M. Jean-Claude Mathis. Sans remettre en cause la protection de la propriété intellectuelle, il apparaît plus que nécessaire de simplifier les formalités d’autorisation de diffusion et de facturation pour les petites associations et d’adapter le régime de taxation des manifestations musicales qu’elles organisent. En effet, ces associations – qui contribuent à l’animation de nos villes et de nos villages – ont du mal à assumer tant la lourdeur des démarches administratives que les frais relatifs à la redevance réclamée par la SACEM. Menez-vous une réflexion en ce sens ?

Mme Frédérique Massat. Mme Corinne Erhel et moi-même sommes coauteures du rapport sur le développement du numérique. Longtemps perçu comme un outil du téléchargement illégal, celui-ci a bouleversé le secteur de la création musicale. Comment la SACEM a-t-elle répondu à cette révolution contre laquelle il est inutile d’ériger des digues de sable ? Comment utiliser le numérique et Internet comme un levier de notoriété générant un surplus de rentabilité ? N’y a-t-il pas de la place pour une offre plus qualitative que les formats très compressés diffusés aujourd’hui, y compris dans les catalogues payants ? La musique a été l’un des premiers secteurs en France à utiliser le financement participatif ; cette tendance s’est-elle confirmée et quel avenir lui prédisez-vous dans un cadre juridique aujourd’hui sécurisé par la loi ?

M. Éric Straumann. Quelle part de vos recettes permet de rémunérer des ayants droit résidant à l’étranger ?

Mme Sophie Dessus. Monsieur Tronc, je vous remercie d’avoir exposé les problèmes auxquels est confronté le monde de la culture. Vous évoquez la baisse du soutien public aux industries culturelles ; quel est l’impact du CICE et du pacte de responsabilité dans ce domaine ? Vous affirmez que la langue porte notre essor ; pour dynamiser les exportations, ne serait-il pas intéressant, à moyens constants, de modifier les critères d’attribution du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique pour le redéployer vers les nouveaux talents francophones ? Quelle position la France doit-elle tenir dans la négociation en cours sur le TTIP pour que le libre échange n’affecte pas les économies culturelles ? Enfin, comment communiquer pour faire savoir que la culture – qui représente l’image de la France – crée également de la richesse et des emplois, afin de sortir une fois pour toutes des idées reçues dans ce domaine ?

M. Hervé Pellois. Le code de la propriété intellectuelle reconnaît aux créateurs un droit d’auteur, dont le respect garantit la pérennité de la création en donnant aux artistes la possibilité de vivre du produit de leur activité. En conséquence, les associations qui diffusent de la musique dans un lieu public doivent payer à la SACEM un pourcentage prélevé sur les recettes des événements qu’elles organisent. Malgré l’application de tarifs préférentiels, certaines associations locales restent insatisfaites de ces aménagements. Alors que nous appelons tous de nos vœux la simplification administrative, où en est la SACEM dans cette réflexion ? Une exonération partielle, voire totale, pourrait-elle être mise en œuvre au bénéfice des petites associations qui utilisent la musique dans le cadre de leurs activités ?

M. Hervé Féron. Monsieur le directeur général, vous déclarez dans une interview au site lefigaro.fr que parmi les dispositifs de régulation désormais remis en cause figure le taux réduit de TVA applicable à la billetterie des spectacles, qui joue pourtant un rôle essentiel de soutien à la création artistique. En France, un taux particulier de 2,1 % s’applique aux recettes réalisées sur les billets d’entrée des 140 premières représentations d’œuvres artistiques nouvellement créées ou d’œuvres classiques faisant l’objet d’une nouvelle mise en scène. Ce taux est abaissé à 0,9 % en Corse et à 1,05 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion pour y soutenir encore davantage la scène et la création. À partir de la cent quarante et unième représentation – ou s’il ne s’agit pas d’une nouvelle création ou mise en scène –, la taxe est exigible au taux réduit de 5,5 %. Enfin, le taux de 5,5 % ou celui de 20 % s’appliquent pour les salles de spectacle où sont servies des consommations, en fonction du caractère facultatif ou non de ce service. En cas de présence d’une buvette, ne suffirait-il pas que la taxe à 5,5 % s’applique à la vente des produits consommés sur place et non au prix du billet de vente, qui resterait soumis au taux de 2,1 % ? En outre, ne serait-il pas possible de simplifier le cadre réglementaire actuel pour que les acteurs du secteur anticipent mieux le taux de TVA applicable et donc les recettes prévisionnelles ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Dans le cadre de la stratégie de développement de l’économie numérique de l’UE, le président de la Commission européenne estime qu’il faut « briser les barrières nationales en matière de réglementation du droit d’auteur ». Au-delà du caractère abrupt de la formule – que M. Jean-Claude Juncker utilise dans sa lettre de mission au commissaire européen en charge du numérique, M. Günther Oettinger –, quelle position la SACEM tient-elle par rapport à l’idée d’une réglementation européenne en cette matière ?

Mme Audrey Linkenheld. Si le panorama souligne à juste titre le poids économique des industries culturelles, il omet de rappeler que certaines d’entre elles s’autofinancent, voire génèrent des bénéfices, alors que d’autres, structurellement déficitaires, ont besoin de l’aide publique. Pourtant même ces dernières profitent à nos territoires à travers leurs retombées économiques.

Les frais de gestion de la SACEM, en progression, dépassent désormais ses perceptions. Comment pouvez-vous mieux redistribuer les droits que vous percevez ?

M. Yves Daniel. Si la culture arrive aujourd’hui au plus profond de nos campagnes, c’est grâce à l’implication et à la prise de risque des associations locales. La redevance versée à la SACEM étant proportionnelle aux recettes réalisées, quelles solutions peut-on envisager lorsque la manifestation génère un déficit et que l’association, en difficulté pour payer, se voit contrainte d’abandonner le développement culturel de nos territoires ruraux ?

M. Christian Paul. L’exception culturelle renvoie à une série d’obligations de soutien à la création. Quelle obligation souhaiteriez-vous imposer aux grandes plateformes qui dominent désormais les réseaux numériques en termes de parts de marché ?

Les débats récents – entre autres dans le cadre du rapport Lescure – ont mis en évidence la nécessité de distinguer la contrefaçon à but lucratif des pratiques qui prennent place dans un espace de partage non marchand, permettant des formes nouvelles de circulation des œuvres musicales et cinématographiques. À quelques mois d’un travail législatif sur cette question et dans une perspective de modernisation du droit d’auteur, la SACEM et ses coopérateurs sont-ils favorables à l’introduction de cette distinction dans le droit français ?

M. le président Patrick Bloche. Nous avons été nombreux à évoquer la rémunération pour copie privée ; il y a un peu moins de trois ans, nous avions légiféré sur ce dispositif de financement de la création, vieux de presque trois décennies, anticipant la nécessité de le réformer pour lui assurer un avenir. La taxation évoquée dans le rapport Lescure a parfois été perçue comme un substitut à la copie privée dont le principe est actuellement remis en cause par certains commissaires européens. Quelle est l’actualité de ce système ? Doit-il perdurer ou se réformer ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la proposition d’instaurer une rémunération compensatoire qui serait acquittée par certains intermédiaires techniques et soumise obligatoirement à la gestion collective ?

M. Jean-Noël Tronc. Les nombreuses questions qui m’ont été posées concernent trois thèmes : l’étude que je vous ai présentée, la gestion collective dans le cadre du modèle très méconnu de la société de perception et de répartition des droits (SPRD) – que j’ai moi-même découvert en arrivant à la tête de la SACEM – et enfin la politique publique. Sans prétendre à une approche programmatique, mais croyant aux vertus de la coopération entre acteurs publics et privés, j’essaierai de formuler quelques suggestions dans ce dernier domaine, en me concentrant sur la question centrale du transfert de la valeur qui aboutit à la captation croissante d’une partie des richesses par certains secteurs industriels. Il est en effet frappant de constater à quel point la consommation des ménages s’est déformée depuis une trentaine d’années : on considère désormais que 8 ou 9 euros par mois pour un accès illimité à des offres massives de musique ou de vidéo à la demande représentent un montant élevé, mais personne ne s’étonne du prix des iPhones, tablettes et consoles de jeu, qui valent plusieurs centaines d’euros…

Madame Genevard, les partenaires de France Créative ont décidé de faire mener l’étude par une entreprise externe, choisie au terme d’un appel d’offres – garantie de son objectivité –, le cabinet EY s’engageant sur les chiffres qu’il publie. L’article que vous avez évoqué critiquait l’approche par la valeur ajoutée qui nous avait justement parue trop large ; celle par le chiffre d’affaires – qu’utilise EY – nous semble plus stricte et moins contestable. Mais toute étude est susceptible d’amélioration.

Pour l’étude de 2015, nous avons souhaité approfondir deux thèmes, et avant tout celui de l’emploi qui, vous l’avez souligné, est souvent précaire dans notre secteur. Si certaines affirmations d’une note vieille d’une vingtaine d’années sur « la préférence française pour le chômage » restent hélas pertinentes aujourd’hui, les industries culturelles comptent dans leurs rangs des personnes qui veulent absolument créer, y compris au prix d’une extrême précarité. Celle-ci est inhérente à certains métiers artistiques, mais l’on doit trouver un moyen de la pallier par un minimum de protection sociale. Un auteur compositeur ne bénéficie d’aucun salaire ; n’ayant pas accès à l’intermittence – incarnation de la flexi-sécurité dont on nous vante les mérites dans le modèle scandinave –, il perçoit des revenus éminemment variables. Lorsqu’on s’apprête à éditer un album avec de grands chanteurs, on sollicite des auteurs et compositeurs pour écrire et composer, et on les met en concurrence. Tous ceux dont la musique ou les paroles de chanson ne seront pas retenues ne recevront rien ; les autres ne toucheront un revenu que si leur création a du succès et qu’elle est diffusée.

La SACEM comptait 153 000 membres au 31 décembre 2013 et enregistre 4 000 nouveaux membres par an – preuve s’il en est de l’extraordinaire modernité de ce modèle – et répartit chaque année des droits à quelque 50 000 de ses membres. Les frais de gestion de la SACEM tournent autour de 15 % de ses perceptions : sur 100 euros que nous collectons, nous arrivons à en répartir 85. On peut toujours faire mieux, et nous nous battons pour essayer de diminuer les frais, mais nous faisons face à des enjeux de modernisation et à des nécessités d’investissement informatique considérables. En effet, le modèle dépend en partie de l’existence d’un réseau qui permet de collecter les droits d’auteur.

La prochaine étude se concentrera également sur les territoires. L’un des atouts du secteur culturel – comme de celui de l’hôtellerie et de la restauration – est d’être implanté localement. La France célèbre ses grands ingénieurs, ses grandes industries, ses grandes entreprises publiques ou privées, mais la PME, la TPE et l’entrepreneur individuel restent souvent négligés. Or notre domaine se caractérise par une immense fragmentation. Depuis sa fondation sous la Deuxième République, le 28 février 1851, la SACEM compte deux tiers d’auteurs et compositeurs (qui sont parfois aussi des interprètes, comme Alain Chamfort) et un tiers d’éditeurs de musique – chefs d’entreprise qui dirigent le plus souvent des TPE. L’étude à venir me paraît donc très utile et je me réjouis de notre convergence sur ce sujet avec le ministère de la culture et nos partenaires publics.

L’étude européenne devrait également contribuer à changer le regard sur ce secteur. Elle montrera que les industries culturelles en Europe emploient entre 7 et 7,5 millions de personnes, le secteur suivant parmi les technologies de l’information – les télécommunications – se plaçant très loin derrière ; quant à Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA) dont on parle si souvent, ils n’apparaissent même pas dans la statistique tellement ils créent peu d’emplois.

S’agissant de la gestion collective, la journée portes ouvertes du 20 juin 2014 nous a donné l’occasion de livrer un véritable effort de pédagogie et de lever beaucoup de malentendus sur notre rôle. Je me suis moi-même rendu en Mayenne, à l’invitation du député Yannick Favennec – souvent critique à l’égard de la SACEM – pour m’exprimer devant une centaine de responsables de petites associations. Pour commencer, « société de perception et de répartition de droits » (SPRD) étant un terme abstrait et technique, nous avons expliqué ce qu’était une société d’auteurs : ni lobby, ni simple association, ni maison des auteurs, c’est une entreprise privée exerçant un métier particulier, une coopérative au sens de l’économie sociale et solidaire – ce que l’alliance coopérative internationale définit fort justement comme « une association autonome de personnes volontairement réunies (…) au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ».

Parmi les trois fonctions d’une coopérative, la première est le pouvoir de négociation économique. La SACEM a été créée parce qu’un auteur et deux compositeurs ont refusé de régler leurs consommations au café-concert Les Ambassadeurs, sur les Champs-Élysées, où l’artiste sur scène chantait leur musique ; au patron qui les a rattrapés, l’un d’entre eux a dit : « Monsieur, vous ne payez pas pour ma musique ; je ne paie pas pour ma consommation ». Au bout de trois ans de procès, devant l’ampleur des frais, ils se sont tournés vers l’éditeur Jules Colombier qui a réglé la facture. Les juges ont fini par reconnaître les droits des auteurs à leur rémunération ; depuis lors – et aujourd’hui plus que jamais –, le droit d’auteur renvoie à un modèle économique simple où l’utilisation à son bénéfice d’une création, fût-elle immatérielle, implique de rémunérer le créateur, celui-ci pouvant également s’opposer à la copie de ses œuvres. La SACEM – que ses créateurs ont d’abord envisagé d’appeler Syndicat des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – négocie avec l’Association des maires de France (AMF), les syndicats des discothèques et d’autres partenaires, signant des protocoles porteurs d’obligations réciproques. Notre obligation consiste à simplifier la vie des utilisateurs du répertoire de nos membres : je vous indique notamment que, pour faciliter l’action du secteur associatif, nous allons diviser le nombre de nos barèmes par trois et étendre la forfaitisation aux associations qui portent la vie culturelle dans les petites communes.

Une coopérative assure également la mise en commun des moyens et une économie d’échelle. Même le groupe Daft Punk – le plus grand succès mondial de la musique en 2013 et membre de la SACEM depuis 2002 – a du mal à négocier efficacement avec une partie des utilisateurs de son œuvre. La sécurité juridique et sociale fait également partie des services que nous rendons à nos membres. Enfin, le financement collectif permet de nous équiper en matériel très coûteux, en particulier une informatique d’une extrême puissance qui gère des milliards d’information. Plus de 80 % des sommes réparties à nos membres le sont sur la base de l’œuvre réelle – ce qui a été réellement joué ou diffusé à la télévision ou à la radio.

Enfin, de même qu’une coopérative agricole assure la collecte locale de la production et permet aux agriculteurs individuels d’exporter, la SACEM collecte les droits pour ses membres et en réalise l’intégration dans un réseau de distribution. Nous collectons également pour d’autres, via des accords de représentation. Ainsi, lorsque Rihanna fait une tournée en France, ce sont nos équipes qui collectent des droits ; ceux de Rihanna étant gérés par la société américaine BMI, nous y envoyons les sommes récoltées pour qu’elles lui soient versées. La réciproque s’applique lorsqu’un de nos membres fait une tournée hors de France ; aussi environ 10 % des droits que nous collectons pour nos membres viennent-ils de l’étranger.

J’en viens à la question de notre contrôle. Ayant dirigé des entreprises privées et travaillé quelques années pour l’État, je peux affirmer qu’aucune entreprise ni aucun organisme public en France ne sont autant contrôlés qu’une société d’auteurs. En tant que société privée, nous sommes soumis au contrôle d’un commissaire aux comptes qui, chaque année, devant notre assemblée générale, rend son avis indépendant sur la sincérité de nos comptes. Nous sommes également contrôlés chaque année par la commission de contrôle des SPRD de la Cour des comptes ; peu d’organismes publics font l’objet d’une telle attention ! Lorsque nous voulons modifier nos statuts, nous sommes tenus de soumettre les changements au ministère de la culture. Depuis 2011, toutes nos aides à l’action culturelle – ligne par ligne, bénéficiaire par bénéficiaire, montant par montant – sont transmises à l’Assemblée nationale et au Sénat ; elles figurent également sur notre site Internet. Nous avons même créé il y a trois ans un site spécial – monprojetmusique.fr – qui répertorie tous les programmes d’aide du secteur, y compris ceux des collectivités locales partenaires de cette opération. Comme tout organisme privé, nous faisons évidemment l’objet de contrôles ponctuels des URSSAF et des administrations fiscales ; nous menons enfin un contrôle interne. En assemblée générale, chaque année, les membres de la SACEM – qui ont tous un droit de vote – élisent une commission des comptes composée d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs, qui se réunit toutes les semaines pour éplucher les factures et qui n’a de comptes à rendre ni au conseil d’administration ni au directeur général. Par ailleurs, les salaires des cadres – le mien et celui des membres de mon comité de direction – sont fixés par un comité des rémunérations indépendant qui comprend des personnalités extérieures. Nous avons également créé une direction d’audit et de contrôle interne. La SACEM est donc réellement une coopérative autogérée. Ce fait reste trop peu connu ; à nous de l’expliquer de manière plus systématique.

La SACEM ne bénéficie d’aucun monopole. Aujourd’hui, lorsqu’on compose une musique, rien n’oblige à faire payer pour son utilisation, un créateur pouvant diffuser gratuitement son œuvre sur Internet. Ayant, en tant que conseiller du Premier ministre, bataillé pour la diffusion des données publiques libres de droits telles que le Journal officiel, je salue la formidable libération de l’obstacle à la diffusion que représente la promotion de la culture sur Internet. Je voudrais donc, madame Attard, contredire l’idée selon laquelle les industries culturelles seraient par nature opposées aux technologies : deux siècles d’histoire nous montrent au contraire que les créateurs ont été les premiers à prendre en charge l’innovation. Jean-Michel Jarre utilisait des ordinateurs quand les geeks n’étaient même pas nés. Dans une conférence récemment donnée à Bruxelles, Wally Badarou – un de nos administrateurs – a énuméré toutes les générations de l’informatique avec lesquelles il a travaillé. Une bonne partie des créateurs sont par nature à l’avant-garde de la modernité.

En prenant les rênes de la SACEM, je fus d’ailleurs surpris de découvrir que la première licence que la société a signée en matière d’Internet – avec le premier site de diffusion légale de musique, mp3france.com – datait de 1999. Depuis l’apparition d’iTunes, puis de Deezer et de Spotify, nous avons signé des licences paneuropéennes pour l’utilisation de notre répertoire sur plus de cent territoires, bien au-delà de l’UE. Aujourd’hui, plus de 250 licences numériques couvrent la totalité de l’offre légale. Celle-ci – j’en conviens – ne s’est développée que progressivement mais aujourd’hui, plusieurs études montrent que la grande majorité de la consommation musicale sur Internet passe par des sites légaux.

Ainsi YouTube – pourtant un site de streaming – constitue-t-il la première source de téléchargement légal de la musique, grâce aux petits logiciels gratuits permettant de télécharger le son à partir d’une vidéo. La source étant licite, cette pratique relève d’un acte de copie privé – ce qui n’est le cas ni des copies illicites ni de celles à usage professionnel –, même si la licence que la SACEM signe avec YouTube porte uniquement sur l’écoute en streaming. Ainsi, contrairement à ce que suggère le rapport Lescure, loin de faire disparaître la copie privée, le streaming en élargit le champ, y faisant tomber 80 % de la musique téléchargée sur Internet de manière légale.

Un créateur peut choisir de diffuser gratuitement ses œuvres sur Internet ou de passer par la gestion collective, de même qu’un agriculteur, devant la difficulté à vendre directement son lait à un grand distributeur, peut faire appel à une coopérative. En vertu des dispositions introduites par la Commission européenne dans les années 1970, un artiste qui adhère à une société d’auteurs peut choisir de n’y apporter que certaines catégories de ses œuvres. Certains sociétaires nous confient ainsi leurs droits pour la France, mais pas pour le monde ; pour l’exploitation dans les cafés, hôtels, restaurants, coiffeurs et petites associations, mais pas pour les concerts. Le développement systématique de ce phénomène d’écrémage dans lequel les droits les plus rentables sont prélevés directement, le reste étant confié à la SACEM, menace d’ailleurs le modèle de la société d’auteurs.

Jusqu’à aujourd’hui, le cadre légal européen a toujours cherché à garder un équilibre entre la liberté du créateur et l’efficacité du système de la société coopérative. Dans quelque temps pourtant, vous devrez vous prononcer sur la transposition d’une directive de 2014 qui a créé un nouveau cadre de régulation commun à toutes les SPRD d’Europe – un texte qui me paraît dément. En dix ans, le Parlement européen aura créé deux systèmes de régulation dédiés : un pour les banques – responsables de la perte de quelques centaines de milliards d’euros pour le contribuable – et un autre pour les sociétés d’auteurs – groupements de gestion collective à but non lucratif qui visent l’équité. Tous les membres de la SACEM – de la plus puissante des sociétés mondiales de la musique au plus humble compositeur dont quelques œuvres sont jouées localement – bénéficient des mêmes avantages et devoirs et des mêmes barèmes de rémunération. En proposant des mesures aberrantes et difficiles à mettre en œuvre, la régulation imposée par Bruxelles remet ce système en cause.

Un auteur qui souhaite bénéficier du système de gestion collective s’inscrit à la coopérative de son choix. La SACEM compte ainsi 17 000 membres étrangers ; à l’inverse, certains de nos grands membres français font également partie de sociétés d’auteurs d’autres pays. Pierre Boulez par exemple est adhérent de la Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte (GEMA) en Allemagne ; l’éditeur Wagram utilise, pour certains droits, la Société d’Auteurs Belge – Belgische Auteurs Maatschappij (SABAM). Nous sommes donc soumis à une forte concurrence. En ce moment, on voit fleurir des offres dont les publicités cherchent à associer la SACEM au fisc, mettent en avant notre prétendue opacité et notre cherté, et annoncent répartir 50 % des sommes récoltées aux compositeurs adhérents ; la SACEM – qui en répartit 85 % – doit donc travailler sur son image.

Les membres d’une société d’auteurs possèdent chacun une voix et participent à la gouvernance de l’organisme. Il y a quelques années, pour empêcher la professionnalisation des administrateurs permanents, le conseil d’administration de la SACEM a limité le mandat à trois ans suivis d’un an d’inéligibilité. Je vous invite à découvrir ce modèle de gouvernance que nous devons impérativement mieux faire connaître. À l’occasion de la journée portes ouvertes que nous avons organisée l’an dernier, plus de 5 000 personnes se sont inscrites aux stages où un auteur, un compositeur et un éditeur expliquaient leur métier, et nos salariés exposaient le processus de perception et de répartition des droits. La moitié des personnes présentes associaient la SACEM à une annexe du fisc, alors que le droit d’auteur n’a rien à voir avec un impôt.

En matière de politiques publiques, il faut aujourd’hui privilégier les moyens de financement non budgétaires – l’un des mérites de la copie privée. Sur ce sujet, lors du débat organisé à l’Assemblée nationale par le club de l’audiovisuel auquel ont participé plusieurs représentants de la filière – dont le directeur général de l’ADAMI, le PDG d’Universal et moi-même –, je n’ai formulé aucune revendication, me contentant d’un constat : celui de l’efficacité du système de commission paritaire qui gère le dispositif. Présidée par un fonctionnaire nommé par l’État, cette commission réunit douze représentants des bénéficiaires de l’exception au droit d’auteur – consommateurs, fabricants et importateurs d’appareils permettant la copie – et douze représentants des producteurs des biens culturels. Aucune des deux parties ne peut donc imposer ses vues à l’autre, surtout depuis la réforme de 2009 qui permet au président de demander une nouvelle délibération à la majorité des deux tiers. Depuis presque deux ans, cette commission se trouve pourtant paralysée par la démission de cinq de ses vingt-quatre membres. Lors du débat, nous avons simplement déploré que cette commission soit prise en otage par quelques membres qui refusent le système alors que le débat a lieu et que des études d’usage sont effectuées régulièrement, y compris pour calculer la nature et les montants du préjudice.

S’agissant des disques durs d’ordinateurs, nous avons simplement remarqué qu’en Allemagne comme en Italie, la neutralité technologique a voulu que l’ensemble des supports permettant la copie – y compris les ordinateurs – soient concernés par la rémunération pour copie privée. Dans l’immédiat, je ne revendique rien d’autre que la reprise du travail de la commission pour la copie privée et la sensibilisation du législateur à l’actualité de ce dispositif en Europe. Au printemps dernier, le Parlement européen a ainsi adopté – à une écrasante majorité – un rapport extrêmement favorable à la copie privée, mettant en échec le rapport plus réservé commandé par la Commission européenne. Se prononçant sur une affaire dans laquelle Amazon attaquait l’Autriche – pays où les SPRD doivent conserver 50 % des sommes prélevées au titre de la copie privée, et non 25 % comme en France –, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a entièrement validé ce système que les décisions de justice viennent régulièrement conforter. À ce propos, le Royaume-Uni vient de violer ouvertement les règles communautaires : alors que jusqu’en 2014, l’absence de cette exception au droit d’auteur y rendait illégale la copie de tout produit culturel, le gouvernement de David Cameron a enfin décidé de mettre la loi en adéquation avec le comportement des consommateurs, mais sans créer aucun système de compensation du préjudice fait aux créateurs. À l’inverse, en Italie, la ministre de la culture et le Premier ministre ont validé le doublement des barèmes pour les téléphones portables et les tablettes. En Allemagne enfin, comme je l’ai dit, un accord est intervenu en matière d’ordinateurs.

La copie privée existe dans plus d’une cinquantaine de pays du monde et la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) – présidée par le compositeur Jean-Michel Jarre et vice-présidée par la grande compositrice franco-béninoise Angélique Kidjo, tous deux membres de la SACEM – a fait de son extension une priorité. Dans les pays en développement tels que l’Algérie ou le Burkina Faso – où la précarité des médias et le niveau de vie de la population rendent difficile de négocier les droits d’auteur alors que la vente des produits physiques (CD, DVD) n’enrichit que le marché des œuvres piratées –, ce dispositif constituera la seule source de financement possible pour la culture et les missions d’intérêt général, d’autant que les appareils importés y coûtent plus cher qu’en France. Ainsi, en Algérie – où les douaniers ne laissent entrer un container avec des tablettes ou des téléphones portables qu’après avoir vérifié que les droits d’auteur et les droits voisins ont bien été payés –, 67 % des revenus des artistes interprètes, musiciens, compositeurs, cinéastes, auteurs, éditeurs et producteurs viennent aujourd’hui de la rémunération pour copie privée. J’attire donc votre attention sur l’extrême actualité et la pertinence de ce système.

Un iPhone 6 – appareil doté d’une faible autonomie, fragile et moyennement ergonomique qui, il y a dix ans, se serait vendu à 50 euros maximum – coûte aujourd’hui 1 000 euros. Dans le cas d’Apple, la création de valeur ne vient donc pas d’iTunes – qui reverse plus de 75 % de l’argent payé par les consommateurs aux titulaires des droits d’auteur et des droits voisins –, mais de la vente de ses appareils. Quand Apple propose de supprimer la copie privée, il vise simplement à augmenter ses marges.

Monsieur Salles, n’étant pas un impôt, la copie privée n’alourdit en rien les charges du contribuable – grande vertu dans le contexte actuel. Qu’en est-il du consommateur ? En Espagne, où ce dispositif a été supprimé il y a trois ans – entraînant la disparition de nombreux événements culturels et programmes d’aide aux artistes –, les prix des tablettes et des téléphones portables ont pourtant continué d’augmenter. Il y a dix jours, nos collègues italiens ont profité d’une conférence de presse pour offrir vingt-cinq iPhones à des étudiants et révéler qu’ils les avaient achetés en France – censé être le pays le plus cher d’Europe pour la copie privée – où ils coûtaient 47 euros de moins. Il n’y a donc aucune corrélation entre le niveau des prix des appareils et le taux de la rémunération pour copie privée. Avec le lancement de l’iPhone 6, le prix de l’iPhone 5 a d’ailleurs fortement baissé, sans que la redevance pour copie privée n’intervienne.

En examinant la question du transfert de la valeur, le régulateur – dans le domaine de l’exécutif comme du législatif, à l’échelle européenne mais surtout nationale – doit avant tout s’interroger sur ses bénéficiaires. Aujourd’hui, c’est la vente des matériels qui assure les meilleures recettes, comme l’illustrent les chiffres de la Fédération française des télécoms (FFT). En 2012, sur les 49 milliards de chiffre d’affaires que pèsent les industries des technologies de l’information en France, les réseaux – opérateurs de télécommunications ou du câble – engrangeaient 33 milliards d’euros ; les fabricants d’appareils – téléphones portables, tablettes, ordinateurs –, 13 milliards ; l’Internet enfin, tous services confondus, 4 milliards d’euros seulement. Nous concentrons donc beaucoup d’attention et d’énergie sur un domaine qui ne représente que 10 % des sommes totales.

Comment ces différents secteurs contribuent-ils au financement de la création ? En comptant les droits d’auteur sur les films et les versements permettant, depuis la suppression de la publicité sur France 2, de financer le CNC, les câblo-opérateurs s’acquittent au total d’un peu plus de 600 millions d’euros. Pour leurs appareils aujourd’hui assujettis à la copie privée, les fabricants paient 200 millions d’euros. Quant à l’Internet, la contribution globale apparaît difficile à estimer car il faut additionner les chiffres des différentes licences. En matière de réseaux, le système français assure donc un vrai financement de la culture ; en matière d’appareils, il doit sa pertinence à la rémunération pour la copie privée. Il faut tâcher de remettre en marche la commission paritaire pour que ce dispositif ne soit pas victime d’un accident judiciaire. C’est là ma principale demande. Aujourd’hui, si les 50 millions d’euros produits par les 25 % réservés à la copie privée viennent à disparaître, ce manque à gagner, ajouté aux baisses du budget de l’État et des collectivités locales, pourra produire des effets catastrophiques sur le secteur de la création.

La question de la licence globale méritait d’être débattue il y a dix ou quinze ans ; aujourd’hui, alors que l’offre légale est surabondante –y compris en matière audiovisuelle, malgré la règle de la chronologie des médias –, mettre en place un système de contribution unique en contrepartie d’une autorisation générale de copier les œuvres sur Internet apparaît doublement problématique. D’abord, cela reviendrait à faire payer tous les foyers, y compris ceux qui ne téléchargent rien sur Internet, ni légalement ni illégalement. Les chiffres du premier trimestre 2014 montrent que 67 % du chiffre d’affaires de l’industrie de la musique enregistrée viennent encore des ventes physiques. Comment forcer les consommateurs à payer pour un usage dont ils ne veulent pas ? Surtout, si l’on crée une licence globale, Deezer
– champion français – et Spotify – champion européen – disparaîtront immédiatement. L’idée est dépassée par l’actualité qui voit fleurir les licences dans tous les domaines, y compris sur l’Internet. Nous avons ainsi signé des accords avec Netflix, YouTube, Deezer et Spotify.

Désireux d’alimenter le débat européen sur ces questions, le Groupement européen des sociétés d’auteurs et compositeurs (GESAC) met le doigt sur le véritable problème : une partie des services très lucratifs ne paient rien ni en droit d’auteur ni en droits voisins. Si nous avons réussi, au terme d’une négociation difficile, à nous mettre d’accord avec YouTube sur un taux avantageux, Google ou SoundCloud – un réseau social de partage de musique – refusent de négocier les contreparties de l’utilisation de notre répertoire, arguant que la directive européenne de 2001 sur le commerce électronique a créé une exonération totale de responsabilité pour les intermédiaires techniques de l’Internet. En 2012, alors que le chiffre d’affaires de YouTube en France était estimé à quelque 50 ou 70 millions d’euros, celui de Google dépassait un milliard ; mais nous n’avons pas la possibilité légale de négocier avec cette entreprise.

La SACEM est là pour autoriser – et non pour interdire – l’utilisation du répertoire de ses membres ; ceux-ci veulent vivre de leur création et ne souhaitent donc rien tant que la diffusion de leur musique – à condition qu’ils en soient rémunérés. Malheureusement, contrairement à ce que l’on croit, le piratage n’a pas disparu : le site Dilandau, démantelé au printemps dernier, contenait encore plus de 2 000 fichiers MP3 téléchargeables illégalement.

J’espère que le débat sur la HADOPI est derrière nous. Vous avez tronqué mes propos de 2012, madame Attard : si je me prononçais en faveur d’une amende systématique, j’affirmais également mon hostilité au principe de suspension de l’accès Internet du foyer coupable – disposition qui a depuis été retirée et c’est une bonne chose. La vertu pédagogique des sanctions reste avérée : contrairement au passé, ce ne sont plus seulement les groupes vendant des centaines de milliers d’albums qui font aujourd’hui l’objet de piratage ; certains de mes sociétaires qui espèrent vendre 2 000 à 3 000 CD retrouvent leur musique sur le site Dilandau deux jours après la sortie du disque. Ces artistes sont bien plus victimes de cette pratique que les stars qui arrivent malgré tout à vendre beaucoup d’albums, à bien diffuser leur musique dans les médias et à faire beaucoup de concerts. Non, le problème du piratage n’est pas derrière nous : il est même paroxystique pour l’industrie audiovisuelle française et il faut y être très attentif.

Le plus important reste vraiment de faire évoluer la législation européenne. Le GESAC envisage un éventail d’actions de nature contentieuse – intenter des procès –, pédagogique – recenser mieux l’offre légale – ou législative. Hélas, la Commission européenne ne semble pas du tout disposée à réviser la directive sur le commerce électronique qui crée de graves problèmes, notamment en matière de protection de la vie privée. Le GESAC propose – scénario discuté par beaucoup de sociétés d’auteurs – de s’inspirer de la « Google Lex » allemande qui vise à créer un droit à rémunération ne relevant pas d’une exception au droit d’auteur. En effet, on a ici affaire non à des particuliers – nul ne songe à contrôler ce que copient les individus ! –, mais à des entreprises qu’il s’agit de rendre responsables économiquement et d’amener à négocier.

Face à l’annonce choquante de la Commission européenne qui trouve urgent de moderniser et de remettre à plat le droit d’auteur, nous souhaitons soumettre au législateur européen des propositions qui vont dans le sens de nos besoins. Depuis quinze ans que le numérique et la culture se développent de front, chaque fois que l’on envisage une réforme, on nous propose l’alternative entre le statu quo et l’affaiblissement de notre système de régulation. Je déclare solennellement que cela doit changer : sur beaucoup de dossiers – les quotas radio, la régulation de l’offre sur Internet, les financements via le CNC ou le CNV, les dispositifs fiscaux tels que les TVA à taux réduit –, il est essentiel, dans ce moment difficile pour notre pays et pour l’Europe, de renforcer les dispositifs qui servent le développement des secteurs culturels plutôt que de continuer, comme Bruxelles semble s’y être décidé, à les affaiblir.

M. le président François Brottes. Monsieur le directeur général, je vous remercie. Vous avez ouvert les chantiers de l’avenir dont le président Bloche et la commission des affaires culturelles ne manqueront pas de se saisir.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 8 octobre 2014 à 10 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. André Chassaigne, Mme Jeanine Dubié, Mme Pascale Got, M. Serge Letchimy, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistait également à la réunion. - M. François Vannson