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Commission des affaires économiques

Mardi 27 janvier 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Frédérique Massat Vice-Présidente

– Audition de Mme Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, et de MM. Jean-Yves Le Déaut, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et Marcel Deneux, ancien sénateur, co-auteurs du rapport sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment

La commission a auditionné Mme Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, et MM. Jean-Yves Le Déaut, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et Marcel Deneux, ancien sénateur, co-auteurs du rapport sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment.

Mme Frédérique Massat, présidente. Mes chers collègues, M. François Brottes, président de notre commission, est retenu dans l’hémicycle en tant que président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité. Il vous prie de bien vouloir excuser son absence parmi nous.

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a déposé au mois de juillet dernier un rapport sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment : le besoin d’une thérapie de choc (n° 2113). Lors de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, nous avions décidé d’entendre les deux coauteurs de ce rapport, M. Jean-Yves Le Déaut, député, aujourd’hui président de l’Office, et M. Marcel Deneux, ancien sénateur, ainsi que Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Nous les remercions d’avoir répondu à notre invitation.

M. Jean-Yves Le Déaut, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. La saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques par le Bureau de l’Assemblée nationale pour une étude sur les performances énergétiques dans le secteur de la construction s’inscrit dans la continuité de plusieurs travaux antérieurs de l’Office relatifs à la transition énergétique. En 2001, le rapport Birraux-Le Déaut sur les perspectives techniques des énergies renouvelables comportait déjà des éléments sur l’architecture bioclimatique. En 2009, le rapport Birraux-Bataille sur la modulation de la réglementation thermique posait le problème d’un plafond d’émission de CO2. En septembre 2013, un rapport Le Déaut-Sido sur la transition énergétique comportait des analyses sur les coûts de la rénovation des bâtiments.

L’étude qui vous est présentée aujourd’hui repose sur l’audition de près de deux cents acteurs du secteur en France et à l’étranger. Nous sommes allés à Berlin pour rencontrer des responsables de la politique allemande ; dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière, pour visiter des centres de recherche ; en Suède, en Autriche et en Finlande pour rencontrer des architectes et des industriels.

Toutes ces références nous ont permis de comprendre que l’Europe est en mouvement pour conquérir les marchés immenses de la rénovation énergétique, et que la France risque de perdre la bataille de l’emploi associé si elle néglige l’innovation, en particulier dans le secteur de la physique des bâtiments.

Le marché français de la rénovation fait travailler 1,1 million de salariés et 385 000 artisans, pour un chiffre d’affaires de 126 milliards d’euros par an. Sachant qu’il est nécessaire de rénover trois milliards de mètres carrés de logements, et en admettant qu’il faut compter 300 euros du mètre carré pour une rénovation, nous parlons d’une dépense gigantesque de 900 milliards d’euros. D’ici à 2030, en imaginant d’étaler ces opérations sur quinze ans, il faudrait donc consentir un effort de 60 milliards d’euros par an. Même en atteignant seulement la moitié de cet objectif, soit 30 milliards par an, notre rapport montre que si nous nous lançons dans le marché de la rénovation, nous aurons besoin de 200 000 à 300 000 travailleurs supplémentaires. En revanche, si nous ne faisons pas un effort majeur d’innovation technologique, nous risquons de voir nos voisins européens, qui se sont déjà mis en ordre de bataille, nous ravir les marchés.

L’automne dernier, les propositions issues de notre rapport ont passé l’épreuve du feu lors de la discussion à l’Assemblée du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. L’essentiel de nos recommandations a été intégré dans le texte aujourd’hui déposé au Sénat. Les plus importantes d’entre elles me semblent être, d’une part, l’affirmation du besoin d’un nouvel élan dans notre pays en faveur de la physique du bâtiment associant architectes, artisans et ingénieurs, et, d’autre part, l’institution d’un contrôle rapproché du Parlement sur la gouvernance et l’activité du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), à l’image de ce qui est désormais en vigueur en France pour tous les grands organismes chargés d’une mission de service public.

M. Marcel Deneux. En ce qui concerne les composants de la construction, les freins réglementaires interviennent au moins à trois niveaux.

Tout d’abord, ils se manifestent au niveau des procédures évaluant la sécurité et la qualité des produits, des premiers contrôles techniques gérés par le CSTB jusqu’au repérage des sinistres survenant a posteriori, une fois le produit en place dans la construction, suivi par l’Agence qualité construction (AQC).

Ensuite, il existe des freins potentiels à l’innovation qui tiennent à ce que les prescriptions de la réglementation thermique des bâtiments, dite RT 2012, sont intégrées dans un outil de simulation appelé couramment le « moteur de calcul ». La conception de toute nouvelle construction doit en effet être soumise à un test de validation permettant de vérifier, dès sa conception, si le bâtiment pourra se conformer à la RT 2012. Pour cette intégration au « moteur de calcul », comme pour l’évaluation technique des produits, toutes les complexités et les lourdeurs de procédure jouent comme autant de freins pour l’entrée d’un produit sur le marché.

Enfin, les aides publiques peuvent produire des freins réglementaires à l’innovation. Il peut paraître paradoxal de considérer les aides comme un frein ; pourtant, leur mise en place s’accompagne de la fixation des règles définissant leurs conditions d’octroi. Or, par définition, les innovations sont rarement connues au moment où ces règles sont fixées. Les produits innovants sont donc désavantagés par rapport aux produits mûrs. De plus, les industriels fabriquant des produits mûrs font tout pour conserver leurs aides et empêcher les nouveaux venus d’en bénéficier.

M. Jean-Yves Le Déaut. M. André Chassaigne qui est à l’origine de la saisine de l’Office par le Bureau, avait appelé notre attention sur deux affaires qui sont traitées dans le premier chapitre du rapport : celle de la ouate de cellulose, et celle des couches minces.

La ouate de cellulose, isolant écologique tiré du bois, a commencé à se développer en France à partir de 2010. Peu après, les petites entreprises concernées ont été abattues en plein envol par trois alertes réglementaires qui, pour être logiques, relevaient davantage du principe de précaution que du soin à porter aux jeunes entreprises. Elles sont nombreuses à avoir finalement fait faillite. Ces alertes ont concerné l’utilisation des sels de bore comme fongicide – évoquée dans la directive dite « règlement REACH » –, le risque d’incendie en cas de proximité avec des spots lumineux encastrés, puis les conditions d’octroi des certificats d’économie d’énergie.

Ces à-coups peuvent s’expliquer, et les visites sur place que nous avons effectuées dans les instances concernées – commissions spécialisées du CSTB, commission « prévention produits » de l’AQC – nous ont donné l’impression d’un fonctionnement normal. Certains artisans et certaines sociétés restent toutefois demandeurs d’une enquête administrative sur ce qui s’est produit.

Quant à l’affaire des couches minces, elle résulte de la revendication d’un industriel concernant la performance effective de son produit. La rénovation des bâtiments anciens doit souvent s’accommoder de la géométrie imparfaite des surfaces. Dans ce cas, des films souples permettent de réaliser beaucoup plus facilement l’étanchéité qu’avec des blocs massifs d’isolants qu’il faut ajuster aux jointures. Selon cet industriel, si le produit est intrinsèquement moins performant, il est plus facile à mettre en œuvre de façon adéquate. Le conflit entre le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’entreprise en question porte sur la valeur des mesures in situ. Notre rapport montre qu’en France nous excellons pour ce qui concerne les mesures théoriques, mais que nous n’avons pas la culture de la mesure in situ, pourtant indispensable pour vérifier la performance d’un nouveau produit.

Depuis la sortie du rapport, Saint-Gobain a mené des expériences au Royaume-Uni sur ce sujet en s’appuyant sur les infrastructures techniques des universités de Salford et de Leeds. Le CSTB aurait dû emprunter la même voie. Nous lui avons adressé des reproches de deux ordres qui, grâce à vous, madame la ministre, ont été pris en compte dans le projet de loi en cours d’examen. À la fois prescripteur et prestataire, il nous a semblé que le CSTB pratiquait un peu le mélange des genres. Nous estimions aussi qu’il n’était pas assez immergé dans la recherche et qu’en matière technologique, il n’avait pas évolué assez rapidement alors que les progrès du secteur sont extrêmement rapides.

Nous avons en conséquence proposé de mettre en place un dispositif calé sur le modèle allemand qui renvoie pour les prestations à des laboratoires situés dans tout le pays. La situation a déjà évolué puisqu’à l’issue de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique à l’Assemblée, le CSTB se trouve sous la tutelle du Parlement. Nous souhaitons désormais qu’une décision administrative soit prise afin d’établir une séparation nette entre deux fonctions du CSTB actuel en distinguant la partie « prescription » de la partie « prestation ».

M. Marcel Deneux. Les aides liées à des caractéristiques techniques, c’est-à-dire 60 % des quatorze aides nationales et des trois cent quarante-sept aides locales, constituent une barrière à l’entrée pour les produits innovants. Elles présentent d’autres inconvénients car elles poussent à relever le prix du montant de l’aide, ce qui réduit l’effet d’incitation pour le consommateur final, et incite à utiliser le soutien public comme argument commercial pour des investissements pas toujours pertinents.

Nous préconisons donc plutôt des aides globales aux projets de rénovation. Il s’agit cependant d’une réforme d’envergure, hors de portée de l’initiative parlementaire en raison de l’article 40 de la Constitution, qui rendrait irrecevable tout amendement transférant des dépenses fiscales vers des aides directes. Le paragraphe VI de l’article 5 du projet de loi se contente donc d’inviter le Gouvernement à mener une réflexion sur ce sujet dans le cadre d’un rapport au Parlement.

La solution existe en Allemagne avec la constitution par la Deutsche Energie Agentur (DENA), équivalent de notre Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), d’un réseau de professionnels certifiés capables de valider la pertinence des projets de rénovation, les aides étant conditionnées à leur accord. C’est l’idée de notre label « reconnu garant de l’environnement » (RGE), qui concerne surtout les artisans et des aides tournées vers les produits, comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique, alors que le conseil en rénovation en Allemagne mobilise également des compétences d’architecte et d’ingénieur, et conditionne l’accès à des aides globales.

La globalisation des aides et du contrôle de leur octroi permettrait de mener une politique de performance énergétique plus efficace, sans remettre en cause le soutien économique au monde artisanal puisque le volume financier d’aide globalement distribué serait exactement le même.

M. Jean-Yves Le Déaut. Une levée des freins aux mécanismes de financement privé est indispensable, car jamais les aides publiques ne pourront intégralement couvrir toutes les dépenses de rénovation – on sait qu’en France une douzaine de millions de ménages propriétaires ne disposent d’aucun moyen pour s’engager dans une rénovation lourde.

À cette fin, on peut utiliser deux mécanismes. Il s’agit d’abord de la capacité de remboursement supplémentaire que pourraient dégager les économies réalisées sur les factures d’énergie en cas de travaux réussis : c’est l’idée du tiers financement, à laquelle nous souscrivons, y compris pour soutenir la levée du monopole bancaire. Ensuite, un autre mécanisme s’appuie sur l’augmentation de la valeur du bien immobilier lors de la mutation à venir, décès ou vente, en cas de travaux réussis, dont la valeur s’intègre en quelque sorte au bien. C’est le mécanisme du prêt viager hypothécaire, également mis en avant par M. François Brottes lors de la discussion du projet de loi.

Cet outil financier existe déjà : il a été créé par l’ordonnance du 23 mars 2006. Mais, jusqu’à présent, il n’a été distribué que par un seul établissement, le Crédit foncier de France, dont j’ai auditionné une responsable, et n’a bénéficié qu’à 7 000 clients dont la moyenne d’âge atteint soixante-seize ans. L’idée, transcrite dans l’article 5 bis A du projet de loi est de le rendre utilisable par une clientèle plus jeune en permettant un remboursement des intérêts au fil des ans, ce qui limite au seul capital le besoin de remboursement sur la valeur à la mutation, et diminue d’autant le risque pour la banque.

Les prêts viagers hypothécaires accordés depuis 2007 concernent des montants de 80 000 euros en moyenne, et s’appuient sur des biens d’une valeur moyenne de 330 000 euros. Ils sont donc parfaitement adaptés pour le financement d’opérations de rénovation estimées à 30 000 euros en moyenne par logement.

M. Marcel Deneux. En 2009, le rapport de M. Claude Birraux et M. Christian Bataille avait suggéré l’ajout d’un plafond d’émission de CO2 dans la réglementation thermique. À Bruxelles, les fonctionnaires de la Commission européenne nous ont confirmé que rien dans le droit européen ne s’opposait à la fixation d’un tel plafond. Après des tractations avec le Gouvernement, la loi Grenelle 2 avait prévu que ce plafond serait introduit dans la prochaine réglementation thermique de 2020. Pourtant, la maîtrise des émissions de CO2 est bien un objectif majeur et urgent de la politique énergétique de notre pays.

Lors des débats au Parlement, le président François Brottes a réussi à imposer ce plafond de CO2 à partir de 2018. Qui peut le plus, peut le moins ! Nous avions néanmoins deux autres idées de modulation de la réglementation thermique. Il s’agirait d’accorder une prime en énergie primaire aux constructions dans les zones rurales non desservies en gaz, soit les deux tiers des communes, et aux constructions optant pour l’électricité mais basculant sur un dispositif de chauffage complémentaire lors des pointes de demande.

Ces deux modulations conservent leur pertinence car elles créent des incitations à élargir la couverture du réseau de gaz et à développer des technologies de stockage d’énergie, soit au niveau individuel avec des batteries, soit au niveau du quartier, comme on l’a vu en Allemagne, avec de gigantesques châteaux d’eau chaude.

M. Jean-Yves Le Déaut. La procédure d’intégration d’un équipement dans un moteur de calcul est la partie la moins transparente du parcours d’une innovation. Elle comporte plusieurs examens successifs du dossier par la commission dite « du titre V », dont la composition restait secrète. J’avais interrogé votre prédécesseur, madame la ministre, sur cette composition, mais il m’avait été répondu qu’elle ne pouvait pas m’être communiquée. J’avais été très étonné de voir un tel refus opposé à un parlementaire. Nous avons néanmoins obtenu l’information par une voie détournée, et nous constatons que le CSTB est dominant dans cette commission à travers ses filiales de certification. À côté des représentants des bureaux d’études, on trouve surtout des personnes rattachées à des grands groupes.

Notre recommandation a consisté à substituer à cette commission secrète une instance transparente représentative des différentes parties prenantes du secteur du bâtiment. Cette instance se prononcerait in fine sur les demandes d’évolution du moteur de calcul, en toute transparence, en émettant un avis que le ministre ne pourrait contester qu’en le justifiant. Le projet de loi institue ce Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique : il s’agit d’une évolution majeure pour l’innovation dans notre pays. J’espère, madame la ministre, que vous voudrez nous dire où nous en sommes sur ce sujet.

Par ailleurs, nous avons souhaité que l’article 5 bis B prévoie que le logiciel transcrivant le « moteur de calcul » passe en mode de gestion open source pour toutes les utilisations non commerciales ce qui facilitera ses évolutions.

M. Marcel Deneux. La qualité des prestations de construction joue un rôle essentiel dans l’atteinte de la performance énergétique. Il faut bannir le moindre trou, le moindre défaut dans les raccords, et installer le système de ventilation avec soin pour conserver l’équilibre entre confort et performance. Pour obtenir cette qualité indispensable, M. Jean-Yves Le Déaut évoquera la formation, mais il faut aussi compter avec la mise en jeu de la responsabilité des prestataires. Les consommateurs s’agacent de constater que les promesses de performance énergétique portées par le discours public ne se traduisent pas toujours dans les faits.

Dans le cadre de notre rapport, nous avons retenu sur ce sujet, en lien avec les juristes de l’UFC Que choisir, une approche de nature contractuelle. C’est ainsi que l’article 5 bis A du projet de loi, adopté avec l’accord du Gouvernement, cale cette responsabilité contractuelle sur le régime de l’abus de faiblesse, en obligeant le prestataire à dire s’il s’engage, ou non, sur un résultat. Cela n’empêche en rien un effort de performance ; la mention permet seulement que la prestation s’effectue sur une base de confiance.

L’extension de la responsabilité décennale à l’efficacité énergétique doit prendre en compte le fait que la performance réglementaire est exprimée en termes conventionnels, mais aussi refuser de réduire toute dérive de consommation à un comportement aberrant des utilisateurs. Notre avis consiste à invoquer un écart manifeste de performance par rapport à celle à laquelle on aurait pu s’attendre. Il suffirait de compléter comme suit l’article 1792 du code civil : « L’ouvrage est considéré comme impropre à sa destination lorsqu’un vice de sa conception ou de sa réalisation entraîne un dépassement manifeste de la consommation énergétique conventionnelle telle qu’elle résulterait d’une utilisation conforme à celle sur la base de laquelle la réglementation thermique a été établie. »

M. Jean-Yves Le Déaut. Notre réflexion sur les freins à l’innovation nous a amenés à nous interroger sur la formation et la recherche.

La formation est essentielle pour prendre en main les solutions les plus récentes, atteindre un plus haut degré de qualité, et travailler de façon mieux coordonnée entre corps de métiers. Elle est aussi essentielle pour réaliser des bâtis bien étanches avec un minimum de ponts thermiques. Les centres de formation des apprentis et les lycées professionnels ont un rôle à jouer pour diriger des travaux pratiques, de préférence aux plateformes de tests. Voilà pourquoi nous avons tenu à ajouter une référence à la formation au nombre des axes de la politique énergétique dans le code de l’énergie.

S’agissant de la recherche, pour laquelle le bilan actuel est moins satisfaisant, il est essentiel de poursuivre le regroupement des forces, déjà engagé dans le cadre de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE) ou à travers la constitution des huit plateformes technologiques du Plan bâtiment durable. En France, environ deux cents chercheurs se consacrent à ce domaine, ce qui est sans doute insuffisant par rapport à l’Allemagne. Qui plus est, nos laboratoires sont éparpillés à travers le pays : le Centre d’énergétique et de thermique (CETHIL) se trouve à Lyon, le LASIE à l’université de La Rochelle, le Laboratoire d’énergétique et de mécanique théorique et appliquée (EMTA) à Nancy, le Centre efficacité énergétique des systèmes (CES) fait partie des centres de recherche des Mines ParisTech, le CSTB est installé à Marne-la-Vallée, l’Institut national de l’énergie solaire (INES) près de Chambéry, le centre de recherche des Renardières d’EDF se trouve en Seine-et-Marne, et celui du groupe GDF-Suez, le CRIGEN, à Saint-Denis. J’estime que ces centres de bon niveau ne travaillent pas assez ensemble. L’Agence nationale de la recherche (ANR) devrait coordonner les recherches pour qu’ils mènent des travaux communs.

Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté d’insérer une référence à la « physique des bâtiments » dans le code de l’énergie lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ; j’espère que le Sénat n’y reviendra pas. Je remercie aussi M. François Brottes d’avoir fait une exception à ses réserves concernant le mot « notamment ». Le domaine de la physique des bâtiments est crucial pour l’avenir de notre pays.

Il faut en effet se mettre en position d’anticiper les marchés futurs. Les Allemands et les Autrichiens font de la recherche en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment une réelle priorité. Ils se fondent sur un principe simple, formulé par M. Dietmar Eberle, l’un des papes du mouvement des Baukünstlers, groupe d’architectes du Vorarlberg à l’origine de la révolution de la construction passive en bois : « Récupérer toutes les formes de chaleur quand elle est gratuite, la restituer quand on en a besoin ».

Il faut aussi préserver par l’innovation les parts de marché de notre industrie face à une concurrence européenne qui ne cesse de se renforcer. Un des indices du décalage que nous laissons s’installer par rapport à nos voisins est la distance avec laquelle nous traitons le cas des labels passifs, qui sont certes privés, mais qui poussent à des efforts dans le bon sens. La région de Bruxelles a négocié avec ces labels leur intégration dans sa réglementation alors que de notre côté, nous les ignorons trop. Il faudrait faire attention à ce que notre RT 2012 ne nous amène pas à revivre la mésaventure du Minitel face à Internet.

Notre étude nous a fait découvrir un système dont les caractéristiques sont similaires à celles qui régissaient le domaine du nucléaire il y a vingt-cinq ans : manque de transparence, insuffisance de l’intervention du Parlement, mélange des genres entre recherche, évaluation, conseil, expertise et contrôle ; combinaison désordonnée entre une centralisation à outrance des instances décisionnaires et une multiplicité d’opérateurs institutionnels travaillant plus en concurrence qu’en coopération ; endogamie des acteurs décisionnels avec de gros responsables industriels.

Il faut y ajouter certaines critiques spécifiques au secteur : distance marquée entre les universités, les écoles d’architecture qui relèvent du ministère de la culture, et les centres techniques en charge des technologies du bâtiment ; place mineure réservée à la physique des bâtiments dans le monde de la recherche. Le bâtiment reste considéré comme une discipline subalterne ; il ne pourra se développer que le jour où nous lui donnerons les mêmes dimensions que les autres secteurs de l’économie.

Nous avons donc proposé de réorganiser la gouvernance du bâtiment ; vous avez largement tenu compte de nos recommandations durant la première lecture du projet de loi. L’idée essentielle de cette réorganisation, est d’appuyer la transition énergétique du secteur sur l’innovation.

Faire le pari de l’innovation, c’est rester dans le peloton de tête de la recherche pour se donner une chance de créer des emplois. La transition énergétique doit être vue comme un formidable défi scientifique et technologique.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Je suis particulièrement heureuse de pouvoir évoquer avec vous la question de la rénovation énergétique des logements. Elle est cruciale pour notre avenir, pour notre économie et pour le secteur du bâtiment. Si le Gouvernement s’est saisi de cet immense chantier et y porte une attention toute particulière, notamment à travers la mise en œuvre du Plan national de rénovation énergétique de l’habitat qui prévoit un déploiement sans précédent de mesures et de financements, c’est parce qu’il répond à trois enjeux d’avenir pour la France.

Un enjeu social tout d’abord puisque quatre millions de ménages souffrent de précarité énergétique. Pour nos concitoyens qui consacrent une trop grosse part de leur budget à ce poste de dépense, il est aujourd’hui essentiel de réduire la facture.

L’enjeu est ensuite environnemental car le secteur du bâtiment est le secteur le plus énergivore de France. Nous ne parviendrons à obtenir des résultats satisfaisants dans ce domaine que si l’ensemble de la filière s’engage dans la lutte contre le réchauffement climatique. Comme vous le savez, ce combat constitue la priorité de la France en 2015 avec l’organisation de la Conférence sur le climat de Paris qui doit être un événement diplomatique, économique et, bien sûr, écologique majeur.

L’enjeu est enfin économique, car les travaux de rénovation permettent de soutenir l’activité et l’emploi des entreprises du bâtiment et des artisans qui souffrent aujourd’hui fortement de la crise.

Pour relever ce défi, nous avons défini des axes forts, qui orientent notre action.

Je veux d’abord redonner confiance aux professionnels de la filière de la rénovation énergétique pour favoriser l’innovation. Il est indispensable qu’ils aient une réelle lisibilité des dispositifs dont ils sont bénéficiaires dans un cadre législatif et réglementaire stabilisé.

Je veux également les accompagner dans l’évolution de leurs pratiques par le renforcement de la formation et la diffusion des savoir-faire.

Je veux enfin inciter les ménages à s’approprier une vision globale des gains énergétiques du logement dans l’objectif de leur redonner du pouvoir d’achat – je pense notamment à nos concitoyens les plus modestes.

Votre rapport, messieurs, analyse les freins à l’innovation dans le secteur de la rénovation énergétique. Je salue l’impressionnant travail que vous avez mené en conduisant de très nombreuses auditions, et en vous déplaçant à l’étranger, en Allemagne, en Autriche, ou encore en Suède et en Finlande, pour y étudier les pratiques innovantes qui y sont développées. Vous avez produit des analyses d’une grande qualité.

Ce travail vous a permis de formuler vingt préconisations sur des champs plus vastes que celui du logement, dont une bonne partie, comme vous l’avez relevé, a d’ores et déjà trouvé des réponses dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale au mois d’octobre dernier.

Je souhaite cependant revenir sur les principaux champs qui me concernent directement afin de vous donner mon point de vue sur plusieurs de ces préconisations.

Vous soulignez le rôle ambivalent du CSTB, tout à la fois prescripteur d’essais techniques et prestataire potentiel de ces essais, ce qui, à vous entendre, pourrait conduire à une sorte de conflit d’intérêts. Vous jugez également les modalités d’évaluation de la qualité des produits innovants trop complexes, trop coûteuses, et trop centralisées.

Je ne partage pas complètement votre analyse, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts. La réalité du marché des essais atteste au contraire que la structuration actuelle du CSTB ne bénéficie d’aucune position de monopole. Par ailleurs, une séparation des activités du CSTB serait de nature à compromettre la capacité des pouvoirs publics à évaluer et à anticiper les dispositions relevant de la réglementation technique et les politiques d’accompagnement de l’innovation dans la construction.

Néanmoins, votre rapport a permis de mettre en avant la nécessité de transparence pour cette institution scientifique et technique reconnue afin de rétablir la confiance avec les entreprises. Comme vous le savez, une démarche de simplification des avis techniques et de diminution des coûts a été amorcée dès 2012 : les tarifs d’avis techniques ont été réduits de 30 % pour les très petites entreprises qui font leur première demande, les délais de délivrance ont été raccourcis de moitié, et un service d’accueil et d’orientation dédié aux TPE et aux PME a été mis en œuvre afin de les accompagner dans l’ensemble de leur projet industriel.

Cette démarche fait du CSTB un des organismes de certification les plus compétitifs à l’échelle européenne. Je peux d’ailleurs vous confier qu’elle suscite le vif intérêt de plusieurs de mes homologues européens.

Je me suis également appuyée sur vos analyses pour modifier la gouvernance et le mode de fonctionnement du CSTB : des parlementaires et des représentants de collectivités siégeront au conseil d’administration de l’établissement, et un comité de déontologie sera mis en place.

Je souhaite faire évoluer cet organisme à la pointe de la technique afin de répondre aux objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.

Par ailleurs, et comme je l’ai souligné, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte répond à plusieurs de vos recommandations concernant l’évolution des outils de calcul et la transparence de la réglementation thermique. Il introduit ainsi un plafond numérique d’émission de CO2 et assure que les modalités de calcul de la réglementation thermique seront mises à disposition du public en accès informatique libre dans un souci de transparence.

Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique sur lequel nous avons travaillé ensemble sera prochainement installé pour aller plus loin dans cette ambition – j’ai signé le décret hier. J’attends de cette instance un regard d’expert sur tous les textes législatifs et réglementaires qui auront trait à la construction afin d’assurer une analyse transversale et impartiale. Plus largement, ce conseil fournira un appui précieux à mon ministère dans le cadre du nécessaire travail de définition, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques publiques de la construction, dont la rénovation énergétique sera bien entendu un élément majeur.

Vous soulignez aussi la nécessité d’investir dans la formation professionnelle, et d’accompagner la montée en compétences de l’ensemble des acteurs sur tous les territoires. Je ne peux que partager ces objectifs de professionnalisation de la filière de rénovation énergétique et de plus grande articulation avec le secteur de l’enseignement et de la recherche. Concernant la filière de la construction, c’est le sens du programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique que j’ai annoncé en décembre.

Pour réussir la transition énergétique du bâti, il est indispensable d’accompagner les professionnels afin qu’ils s’approprient ses enjeux et qu’ils développent les compétences de toute la filière. La rénovation énergétique implique en effet de nouvelles pratiques et de nouveaux savoir-faire. C’est pourquoi, dans le cadre de ce plan, je développerai un ensemble d’actions opérationnelles au service des professionnels, comme l’élaboration de guides de chantier ou la rédaction d’un guide des bonnes pratiques pour l’utilisation de solutions constructives à base de matériaux biosourcés. Nous mettrons aussi en place, dans le cadre d’un partenariat avec les territoires et les acteurs de la formation, un réseau de « plateaux techniques de formation » aux gestes des compagnons, à la pose de produits et à l’utilisation de procédés innovants. Le premier groupe de travail de ce programme se réunira début février.

Votre rapport insiste également sur la nécessité de rationaliser les aides à la rénovation en les ciblant sur les projets les plus structurés, et en défendant une approche « projet » plutôt qu’une approche « produit ».

Nous aurons beau structurer la filière et favoriser l’innovation, il n’y aura pas de transition énergétique si nos concitoyens ne s’en approprient pas les enjeux et les objectifs. Là encore, je ne crois pas à la contrainte, mais plutôt à l’incitation, à la pédagogie et à l’accompagnement. Le Gouvernement s’est ainsi engagé dans un soutien financier volontariste pour renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments tout en préservant le pouvoir d’achat de nos concitoyens, dans un étroit partenariat avec les collectivités territoriales.

Avec 50 000 dossiers traités en 2014, le succès du programme « Habiter mieux » mis en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) témoigne de l’importance du soutien aux ménages et de la pédagogie.

La mise en place des points « rénovation info service » en partenariat avec l’ADEME et les collectivités permet de construire cette pratique de guichet unique. Dans le contexte actuel de crise, le Gouvernement a fait le choix de l’incitation, plutôt que celui de la contrainte, car c’est cela aussi redonner confiance aux acteurs. Introduite dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, l’obligation de réaliser des travaux apportant une amélioration énergétique lors de certaines rénovations – les travaux dits « embarqués » lors de certains ravalements de façades ou de toitures « lourds » – constitue une avancée déjà lourde de conséquences pour le budget des ménages, même si ce dispositif est garant d’un meilleur retour sur investissement à plus long terme.

Les difficultés actuelles en matière d’emploi et de pouvoir d’achat nous ont incités à reconsidérer le crédit d’impôt pour des bouquets de travaux et à revenir à une logique « élément par élément ». Dans le même temps, nous travaillons avec la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie à l’élaboration d’un dispositif volontaire, un « passeport de la rénovation énergétique » qui permette, sur la base d’un diagnostic d’ensemble, d’identifier un bouquet de travaux pertinents par rapport au mode de vie des occupants.

Concernant la commande publique, le projet de loi apporte d’ores et déjà plusieurs réponses à vos interpellations.

Il prévoit notamment une incitation des maîtres d’ouvrage publics à construire des bâtiments à énergie positive (BEPOS), et la possibilité pour les entreprises de s’engager sur la performance pour donner de la lisibilité au client concernant la qualité de leur prestation. Une nouvelle fois, l’incitation doit être privilégiée afin de convaincre plutôt que d’imposer.

Messieurs les rapporteurs, il me semble donc que la plupart de vos recommandations ont porté leurs fruits et que nous disposons à l’heure actuelle d’un cadre d’action pragmatique ; je souhaite profiter de l’occasion qui m’est donnée pour prolonger la réflexion que vous avez entamée sur l’innovation.

Les objectifs en termes de transition énergétique et écologique, la conjoncture économique difficile, l’impératif de réduction des coûts dans la production de logements, sont, de mon point de vue, des stimulants d’innovation. Ces périodes difficiles de changements sont souvent source d’inquiétude mais elles stimulent également la créativité. Elles représentent une opportunité à laquelle je souhaite donner un véritable élan : l’innovation joue un rôle majeur dans le plan de relance engagé par le Gouvernement.

J’ai notamment annoncé en décembre deux plans majeurs en matière d’innovation : le plan de transition numérique du bâtiment, et le plan de recherche et développement pour la détection et l’extraction de l’amiante.

Cette innovation doit se faire à toutes les échelles. Celle des matériaux et des bâtiments est la plus évidente, mais c’est à l’échelle des quartiers et des villes qu’il nous faut désormais travailler pour garantir le vivre ensemble et la qualité de notre cadre de vie. Des évolutions majeures peuvent avoir lieu sur la question de l’énergie, de l’eau, des déchets, et de la qualité de l’air. Il faut promouvoir et accompagner ces initiatives comme nous le faisons avec les ÉcoCités ou comme l’Institut pour la ville durable sera amené à le faire.

L’innovation constitue un levier efficace pour répondre à la crise du logement ; tous les acteurs doivent s’en saisir. Nous devons faire preuve d’intelligence collective, de détermination, mais aussi de créativité. Rien ne sera possible sans l’implication de tous et surtout sans le retour de la confiance.

Messieurs les rapporteurs, permettez-moi de vous remercier encore pour votre travail approfondi et de qualité. Votre rapport est critique, certes, mais il alimente le débat démocratique sur cette belle ambition pour l’avenir qu’est la rénovation énergétique. Pour conclure, je veux vous dire à nouveau la volonté d’agir du Gouvernement pour répondre au défi social, environnemental et économique qui est devant nous. Il s’agit d’une conviction que je porte fermement dans le cadre du tour de France de la construction que j’ai entamé la semaine dernière, car c’est avec les acteurs de terrain qu’il nous faut désormais travailler.

M. Dino Cinieri. Je tiens à remercier les deux co-rapporteurs pour ce travail très complet, qui confirme que la France est en retard de dix à vingt ans par rapport à l’Allemagne et à l’Autriche. Si les freins réglementaires existent, le poids des habitudes se fait lui aussi sentir : comment les faire évoluer selon vous, madame la ministre ?

La construction de logements neufs est tombée sous le seuil des 300 000 unités en 2014, avec seulement 297 532 logements construits l’an dernier selon les statistiques diffusées par le ministère de l’écologie. Il faut remonter à 1997 pour retrouver un niveau d’activité aussi faible dans ce secteur. Cette baisse se fait d’ailleurs sentir dans le Haut-Forez, l’Ondaine et le Pilat, dans la Loire. Si nous ne pouvons que saluer votre enthousiasme, madame la ministre, comment concilier la relance de la construction, dans un contexte financier contraint, avec l’investissement dans les technologies qui permettent de construire des logements moins énergivores ?

À partir du jeudi 10 février prochain, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Savez-vous si ce texte sera modifié par nos collègues sénateurs pour prendre en compte vos propositions ?

M. François Pupponi. Votre travail, messieurs les rapporteurs, confirme avec brio mes intuitions : non seulement nous accusons un retard mais nous sommes incapables en France d’aborder un sujet aussi important avec toute l’intelligence et la rigueur nécessaires. Nous avons du mal à créer des structures où les gens se parlent en faisant passer l’intérêt général avant leurs propres affaires.

Alors que nous sortons – je parle en tant que président de l’ANRU – d’un des plus grands plans de rénovation de notre histoire urbaine, sans doute inégalé en Europe, la dimension énergétique n’a pas été une de ses principales caractéristiques. Nous avons donc manqué un rendez-vous historique, même si des efforts ont pu être accomplis çà et là. Nous avions une occasion unique pour réaliser des expériences in situ sur des bâtiments anciens et ainsi mieux les rénover. Je ne désespère pas que dans le cadre du nouveau plan qui vient d’être lancé, on insiste davantage sur l’importance de l’enjeu environnemental en général, et de la rénovation énergétique et de l’utilisation de nouveaux matériaux en particulier – ce d’autant que sera bientôt créé l’Institut pour la ville durable. Il était temps que la France dispose d’une instance au sein de laquelle tous les acteurs du secteur pourront imaginer ensemble des solutions innovantes, comme l’ont fait les Allemands, les Anglais et les Américains.

M. Michel Piron. Messieurs les rapporteurs, je veux moi aussi vous remercier pour ce travail tout à la fois stimulant et propice aux questions. Vous avez souligné dans votre exposé la confusion régnant entre les différents rôles du CSTB, tout à la fois prescripteur et prestataire. Or, si Mme la ministre a insisté dans sa réponse sur le manque de transparence de notre organisation, n’est-ce pas la gouvernance du système ou, pour renverser l’expression, notre système de gouvernance qui pose problème dans ce pays ?

Vous avez également évoqué, messieurs, la dichotomie existant entre la théorie et son application in situ : c’est du reste une caractéristique de la culture française qui privilégie généralement le savoir théorique sur un savoir-faire souvent ignoré. Si l’on peut douter de l’efficacité de la formation des prestataires, il conviendrait également de veiller à former les usagers, comme s’y emploient nombre de bailleurs sociaux, à Rennes notamment. Installer des habitants dans des appartements à triple flux sans leur apprendre dès le départ à régler leur système de chauffage, et parfois même à ouvrir à bon escient leurs fenêtres et à les fermer convenablement, peut poser des problèmes non négligeables.

N’oublions pas enfin que c’est notre parc ancien qui est le plus énergivore. L’innovation dans la construction neuve ne saurait nous exonérer de réaliser des recherches in situ dans ce parc ancien, qui présente des caractéristiques particulières : qu’en pensez-vous ?

Mme Jeanine Dubié. Un grand merci aux deux co-rapporteurs, ainsi qu’à Mme la ministre pour les premières réponses qu’elle a apportées à leurs préconisations, qui auraient déjà pu être reprises dans les travaux du Gouvernement. Les perspectives sont sombres dans le secteur du bâtiment et les entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à nous signaler une baisse de leurs effectifs et une dégradation de leur trésorerie. En 2014, moins de 300 000 logements ont été construits ; c’est le niveau le plus bas jamais atteint depuis 1997. Madame la ministre, pourriez-vous nous présenter un premier bilan des plans de relance de la construction que vous avez initiés le 25 juin et le 29 août 2014 ? Répondent-ils au besoin de la thérapie de choc préconisée par nos rapporteurs ?

Le programme d’action pour la qualité de la construction et de la transition énergétique (PACTE), présenté le 4 décembre dernier, et auquel sont consacrés 30 millions d’euros, est très attendu par les entreprises. Quelles actions opérationnelles seront menées dans le cadre de ce plan, et à quelle échéance ?

Enfin, j’ai été interpellée à plusieurs reprises par des artisans qui se sont dits inquiets des effets du label « reconnu garant de l’environnement » sur leur capacité à répondre à certaines commandes. Comment éviter que ce dispositif ne crée des inégalités entre les artisans et comment faciliter son obtention par tous les professionnels compétents du secteur ?

Mme Béatrice Santais. Je remercie également les deux rapporteurs pour ce travail passionnant. Les contrats de performance énergétique peuvent prendre la forme juridique de contrats de conception réalisation exploitation maintenance (CREM), contrats globaux assortis d’objectifs de performance chiffrés et mesurables. Si j’ai recouru à ce type de contrats pour la réalisation de bâtiments dans ma commune, c’est qu’il permet de lier le travail de l’architecte à celui du maître d’ouvrage et de la personne chargée d’assurer la maintenance de l’installation de chauffage des bâtiments concernés : qu’en pensez-vous ?

Messieurs les rapporteurs, vous évoquez dans votre rapport la visite, dans le Bade-Wurtemberg, d’un quartier qui stocke une eau chauffée pendant l’été grâce à l’énergie solaire et dont la chaleur est restituée pendant l’hiver. Si l’Allemagne est exemplaire en matière d’exploitation de l’énergie solaire, sachez que certaines communes françaises font également du beau travail dans ce domaine. La commune de 4 000 habitants dont je suis maire a elle-même obtenu cette année le Grand prix européen de l’urbanisme pour un projet de création de 800 logements assorti d’un système de stockage intersaisonnier très performant – projet dont la Commission européenne a reconnu l’intérêt en relevant que dans la conception du quartier de demain, l’enjeu énergétique avait été placé devant l’enjeu urbanistique. Peut-être la proximité de l’Institut national de l’énergie solaire explique-t-elle la concrétisation d’un tel projet. Toujours est-il que l’on réalise aussi de beaux projets en France.

M. Jean-Claude Mathis. L’expérience de la ouate de cellulose évoquée par le président Le Déaut montre qu’une enquête parlementaire peut, dans une certaine mesure, modifier le cours des choses.

Dispose-t-on actuellement de suffisamment de techniciens compétents pour assurer le contrôle de la performance énergétique en France ?

Sachant que les énergies les moins coûteuses sont celles que l’on n’utilise pas, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est-il suffisamment ambitieux en matière d’information et de sensibilisation des usagers ? Je préside un office départemental d’HLM et il nous arrive, comme partout ailleurs, de devoir expulser des locataires. Or, à chaque fois que j’entre dans un de ces logements, je suis effaré par le nombre d’appareils branchés et de fenêtres ouvertes. Cela témoigne à l’évidence d’un manque d’éducation et de sensibilisation. Enfin, messieurs les rapporteurs, quelles mesures d’économies d’énergie regrettez-vous de ne pas voir retenues dans ce projet de loi ?

Mme Jacqueline Maquet. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, l’efficacité énergétique est au cœur de la transition énergétique. Elle permet d’économiser l’énergie, de faire baisser la facture de nos concitoyens et surtout de créer des emplois. Dans le contexte actuel, elle constitue le principal levier pour sortir de la crise et un encouragement aux filières traditionnelles du bâtiment qui font des efforts considérables de mutation et de formation professionnelle pour s’engager dans l’écoconstruction. Il existe de nombreuses aides au profit des particuliers comme des collectivités territoriales – qu’il s’agisse du crédit d’impôt, des prêts à taux zéro, du tiers financeur que les régions vont pouvoir proposer ou des aides aux collectivités publiques – une ligne spécifique de 5 milliards d’euros, financée par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, a été mise en place à cet effet. En attendant le vote définitif du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer le nombre de chantiers engagés grâce à ces différentes aides ? Comment à ce jour les particuliers ont-ils été incités à rendre leur logement moins énergivore ?

M. Éric Straumann. J’ai moi aussi apprécié ce rapport intéressant, sans langue de bois. Si les artisans français sont de bons professionnels, nos fabricants restent effectivement en retrait en matière d’innovation, s’agissant en particulier de la fabrication de matériaux, ce malgré la présence du leader français Saint-Gobain. Nous avons intérêt à soutenir la recherche en ce domaine, sachant que la moitié des matériaux que l’on utilisera dans dix ans n’existent pas encore aujourd’hui.

On a aussi trop dissuadé les consommateurs français de recourir à l’électricité comme mode de chauffage au cours de ces dernières années, pour des raisons idéologiques bien connues. Il existe pourtant aujourd’hui des systèmes de pompe à chaleur très performants qui permettent d’atteindre une très faible consommation d’énergie dans les bâtiments bien isolés, sans rejet de CO2.

Notre collègue Jean-Yves Le Déaut ayant énuméré plusieurs plateformes travaillant dans le domaine thermique, citons également la Coprotec, à Colmar, centre technique créé par les Artisans de France.

Enfin, vous avez cité l’exemple du Voralberg, que je connais bien pour avoir été maire d’une commune jumelée avec l’une des siennes. Il est vrai que cette région a une vingtaine d’années d’avance sur la France. J’ignore si cela est lié à son très faible taux de chômage, inférieur à 5 % chez les jeunes. Cela étant, le Voralberg ne compte que 374 000 habitants : il n’est donc pas besoin de constituer une très grosse région pour réussir dans le domaine de la performance énergétique et thermique.

M. Boinali Said. Madame la ministre, j’associe à ma question ma collègue Ericka Bareigts. Les outre-mer sont désormais soumis à des réglementations spécifiques dans les domaines thermique, acoustique et de l’aération. En effet, pendant trop longtemps nous avons construit à Mamoudzou et à Saint-Denis de La Réunion de la même manière qu’à Strasbourg et à Lille. C’est un enjeu capital pour la transition énergétique car un bâtiment mal conçu dans les Outre-mer représente des coûts de ventilation et de climatisation plus importants et se trouve peu adapté aux rigueurs climatiques locales et donc plus vulnérable.

Cette réglementation a néanmoins tardé à être adoptée dans les départements d’outre-mer puisqu’elle n’y est applicable que depuis 2010. De nombreux dispositifs sont prévus, notamment en matière fiscale, pour inciter à une meilleure qualité environnementale des logements, tels que le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique. Madame la ministre, ne faudrait-il pas recourir aux dépenses fiscales en outre-mer pour inciter à la conversion d’un stock de logements conçus pour d’autres climats en logements adaptés aux conditions climatiques locales ?

M. Philippe Le Ray. Je partage aussi bien le constat que les objectifs et conclusions de ce rapport. Le Gouvernement a d’ailleurs accompli des efforts importants pour favoriser la réalisation de ces objectifs dans le cadre des différents projets de loi qu’il nous a soumis. Il nous est certes parfois arrivé de les contester, mais je reconnais qu’ils comportent de nombreux aspects positifs sur le fond.

En matière d’économies d’énergie, il convient de distinguer deux cibles : la construction neuve et la rénovation. Dans le neuf, les choses avancent, qu’il s’agisse de recherche, de formation au niveau des différents clusters : le patron de Lafarge, que nous avons reçu ici il y a peu, nous a indiqué qu’il travaillait sur des matériaux réellement nouveaux. En revanche, dans l’ancien, sur tous les territoires français, 25 et 30 % de logements sont des passoires énergétiques. Or, lorsqu’on souhaite les rénover ou les réhabiliter, on se trouve freiné par la présence d’une multitude d’intervenants : chacun se renvoie la balle et les bailleurs sociaux n’ont pas toujours l’assise financière nécessaire. Surtout, il serait utile que nos concitoyens puissent avoir pour leurs démarches une maison, sinon une porte d’entrée unique, ce qui faciliterait les opérations de réhabilitation.

M. Hervé Pellois. Madame la ministre, votre prédécesseur a organisé une concertation en novembre 2013 sur le thème de l’auto-réhabilitation – c’est-à-dire de la réhabilitation des logements par leurs occupants avec l’assistance d’un accompagnateur professionnel. Le but de cette concertation était de diffuser cette méthode, principalement dédiée aux personnes cumulant des problèmes de logement et des difficultés sociales et économiques, pour en faire une pratique courante chez les particuliers et les entreprises. Or cette concertation ministérielle a échoué en décembre dernier, les professionnels du bâtiment semblant opposés à l’extension de ce dispositif. Ceux-ci craignent en effet le développement d’une concurrence déloyale du fait de l’irruption de nouveaux intermédiaires s’affranchissant de leurs obligations en matière de qualification, de garanties juridiques et de protection de la santé de leurs employés comme des particuliers participant aux travaux. Leurs craintes sont-elles fondées ? Favoriserez-vous la reprise de ces négociations ?

Mme Marie-Lou Marcel. Messieurs les rapporteurs, je veux à mon tour saluer l’excellence de votre travail. À la page 81 de votre rapport, vous formulez des préconisations en faveur de l’exemplarité de la commande publique : vous suggérez ainsi que l’État et les collectivités territoriales montrent l’exemple en soutenant l’innovation lorsqu’ils lancent des appels d’offres, ce d’autant que la commande publique représente des montants considérables.

Vous étayez vos préconisations en affirmant que « dans la construction comme ailleurs, l’enjeu est de considérer non pas le prix à l’achat, mais le coût complet tout au long du cycle de vie, y compris l’exploitation et la maintenance. C’est en effet une caractéristique de l’efficacité énergétique de faire valoir son avantage dans la durée. Or, pour des raisons de respect de la concurrence, les appels d’offres sont aveugles aux retours d’expérience. Il n’y a ni contrôle ni évaluation en aval. Les marchés sont opaques, et on peut constater quelques années plus tard que cela a coûté cher d’avoir acheté pas cher. »

Vous rappelez que « dans un moment où les sources de financement public se font rares, il est essentiel de redonner à la commande publique un rôle de levier, en l’obligeant à prendre en compte des règles qui sont plus favorables aux équipements les plus performants. »

À la page 89 du même document, vous présentez une sorte de cahier des charges visant à favoriser, dans le cadre de la commande publique, les filières industrielles les plus exemplaires du secteur du bâtiment. Vous préconisez que les appels d’offres publics d’équipements énergétiques, lancés par l’État comme par les collectivités locales, prévoient la prise en compte obligatoire non du prix d’achat mais du coût cumulé des produits sur la totalité du cycle de vie, maintenance comprise.

Madame la ministre, faites-vous vôtres ces préconisations et, si tel est le cas, comment envisagez-vous de les traduire de manière législative ou réglementaire ?

M. Yves Daniel. Ayant assisté moi-même à la construction d’un bâtiment à énergie passive, je peux confirmer que les freins rencontrés lors de cette expérience sont ceux qui ont été évoqués précédemment : difficulté à obtenir des agréments pour l’usage de matériaux biosourcés, formation insuffisante des professionnels et manque de coordination entre les différents corps de métier impliqués dans ce programme. Cela étant, le principal obstacle que nous ayons rencontré est venu des compagnies d’assurances qui, par manque de recul et d’expérience, ont refusé d’apporter leur garantie à notre projet. J’ai longuement évoqué la question avec le ministère de l’environnement. Où en est-on ? A-t-on progressé en ce domaine ? Car le jour où nous aurons un problème avec ce bâtiment, même s’il est couvert par un contrat d’assurance, serons-nous véritablement garantis ?

Mme Frédérique Massat, présidente. Messieurs les rapporteurs, vous préconisez dans votre rapport une refonte des certificats d’économie d’énergie : êtes-vous satisfaits des dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte en la matière ? Et si tel n’est pas le cas, quelles mesures proposeriez-vous d’adopter pour le compléter ? Il est suggéré dans un récent rapport sur le sujet que le commissariat général au développement durable assure un suivi global de ces certificats et que soit créé un observatoire des économies d’énergie : qu’en pensez-vous ?

D’autre part, ainsi que vous nous l’avez bien expliqué, la norme RT 2012 ne peut en l’état prendre en compte toutes les innovations technologiques. Mais concrètement, comment un système normatif peut-il fonctionner en évoluant constamment au rythme des innovations technologiques ? Comment en assurer un bon suivi dans nos territoires, sachant que ces évolutions du dispositif devront être expliquées, comprises mais également sécurisées, afin que chacun sache précisément ce qu’il doit faire pour rester dans les clous ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vous prie de m’excuser car je dois rapidement vous quitter pour répondre à l’invitation du président Claude Bartolone. Je remercie Mme la ministre de me céder la parole pour une brève réponse. Il est vrai que de nombreuses questions lui sont adressées puisqu’il appartient au Gouvernement de se prononcer sur les propositions émanant du Parlement.

Bon nombre d’interventions abondent dans le sens de notre rapport, à commencer par l’évocation de l’Institut pour la ville durable par notre collègue M. François Pupponi.

M. Michel Piron souhaite que les études in situ se substituent à la culture du calcul théorique, cher aux ingénieurs. Les ingénieurs sont excellents mais le calcul ne suffit pas, il faut aussi pouvoir mesurer les performances réelles des bâtiments. Certains pays s’y sont mis : la Suède a ainsi mis au point des abaques spécifiques pour mesurer la performance in situ. Cette question doit être mise en lien avec le contrat de performance énergétique, abordé par certains d’entre vous. Pour bienvenu qu’il soit, le contrat perd de sa pertinence si la performance réelle n’est pas mesurée. Ce n’est plus un contrat de performance…

Depuis la publication du rapport en juillet, certaines choses ont évolué. Je tiens à ce propos à remercier la ministre du logement et son équipe. Pour la première fois en vingt-huit ans de mandat parlementaire, j’ai été invité à participer aux discussions sur les décrets d’application. Je souhaite que cette pratique fasse école et j’encourage mes collègues à solliciter le Gouvernement. En travaillant sur les décrets, on peut apprécier si l’esprit et les critiques sont pris en compte.

Les discussions semblent avoir été différentes avec le secrétariat général du Gouvernement. Chaque parlementaire apporte son propre éclairage sur les problèmes de bâtiment. François Pupponi, Daniel Goldberg, ou d’autres encore connaissent le bâtiment mieux que nous ; pour ce qui nous concerne, nous l’avons abordé sous l’angle de la recherche.

Il reste un sujet important sur lequel nous devons encore évoluer, en dépit de quelques avancées : il faut privilégier les aides globales aux projets de rénovation plutôt que de l’aide au produit. L’aide au produit se traduit par une augmentation du prix de vente du produit. En comparant les prix d’un même produit vendu par la même entreprise en France, en Belgique et en Allemagne, nous avons relevé un écart qui correspond finalement au montant de l’aide versée en France ! On aide le constructeur, mais on n’aide pas l’utilisateur. Il faut donc trouver un système, vous y réfléchissez déjà, qui inclut un diagnostic thermique. Je connais les réticences des artisans à ce sujet, je me suis rendu à l’assemblée générale de la CAPEB : ils craignent de voir les travaux de rénovation leur échapper. Je maintiens tout de même qu’ils y ont intérêt. Sans diagnostic thermique, il ne peut y avoir de calendrier des travaux coordonnés sur une ou sur plusieurs habitations.

Comme la globalisation des aides, la formation de conseillers à la rénovation pour assister les usagers me paraît elle aussi très importante. Notre collègue Sabine Buis a insisté sur ce point pendant la discussion parlementaire.

Le contrat de performance énergétique, je l’ai dit, pose un certain nombre de problèmes. Si les filiales des fournisseurs d’énergie occupent légitimement une place importante, elles ne doivent pas pour autant être en position dominante. On m’a rapporté la domination de certaines filiales sur le terrain qui travaillent sur ces contrats. Il faut que tous les acteurs soient réunis. Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique que vous avez mis en place sera le lieu pour aborder ces questions.

Monsieur Eric Straumann, dans le domaine de l’électricité, nous plaidons pour une modulation des tarifs au bénéfice des zones rurales. Conformément, me semble-t-il, à une position de la commission des affaires économiques, il faut favoriser les bâtiments qui ont recours à un système alternatif en période de pointe. J’ai visité une entreprise dans la région du Bourget-du-Lac qui fait un très beau travail sur la régulation des périodes de pointe. Je vous incite, madame la ministre, à rendre visite à l’entreprise Energy Pool.

Mme Marie-Lou Marcel a évoqué l’exemplarité de la commande publique. La loi Macron aborde cette question, le ministre s’y est engagé. Il faut impérativement soutenir les filières industrielles du bâtiment.

Enfin, l’idée d’un observatoire des économies d’énergie, madame la présidente, est excellente. La RT 2012 ne doit pas être en perpétuel mouvement, mais elle ne peut pas non plus être figée. Grâce à l’open source, chacun saura ce qui a été fait. Nous vous l’avons dit : les moteurs de calcul de réglementation thermique ressemblent à des boîtes noires. Il faut que ces boîtes noires deviennent plus transparentes…

Mme la ministre. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le retard de la France par rapport à l’Allemagne ou à d’autres pays européens. Je vous concède un retard dans la formation des professionnels. En revanche, en matière de performance énergétique, la RT 2012 est particulièrement exigeante. Pour ce qui est des produits industriels, nous sommes même moteurs, en matière de base de données numérique, par exemple.

Les chiffres de la construction pour l’année 2014 qui ont été publiés ce matin le confirment : la situation du secteur de la construction est particulièrement préoccupante, au regard tant de son impact sur la croissance économique que de l’accès au logement pour de nombreux citoyens. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en place plusieurs actions très volontaristes dans le cadre des plans de relance successifs – juin, août, décembre – des secteurs de la construction et la rénovation. Vous connaissez ces dispositifs puisque vous avez eu à en débattre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. L’année 2015, madame Dubié, sera la première année de pleine application des mesures prises. Il est trop tôt pour juger de leur efficacité. En revanche, nous savons la nécessité d’agir sur tous les segments de la politique du logement pour relancer la construction et de ne pas opposer les outils ou les acteurs les uns aux autres.

Nous avons besoin d’outils pour soutenir l’accession à la propriété, pour rénover, réhabiliter, soutenir les bailleurs sociaux et produire du logement intermédiaire dans les zones tendues – avec les assouplissements que vous connaissez grâce au dispositif d’investissement locatif qui porte désormais mon nom – tout en faisant des efforts en matière de simplification des normes et des procédures. Le projet de loi actuellement en débat, porté par le ministre de l’économie, contient un certain nombre de mesures utiles pour la filière du bâtiment et de la construction, ce qui confirme la détermination du Gouvernement en la matière.

Nous avons également besoin de tous les acteurs. L’État a besoin des collectivités locales pour construire des logements sociaux. Les chiffres de production de logement social ne sont pas à la hauteur des besoins. Certes, les périodes électorales expliquent souvent le ralentissement des projets voire leur abandon. Mais chacun doit aujourd’hui prendre sa part de responsabilité. Le tour de France de la construction que j’ai entamé sera particulièrement utile pour mieux faire connaître les différents outils aux investisseurs institutionnels, aux collectivités et aux particuliers. C’est grâce à la mobilisation de chacun que nous pourrons y arriver.

M. François Pupponi a souligné l’intérêt d’une approche globale combinant rénovation, politique de la ville et mixité sociale ainsi que l’apport important que pourrait représenter l’Institut pour la ville durable. Je partage son analyse.

L’agenda HLM conclu avec le mouvement HLM prévoit un effort particulier en faveur de la rénovation du parc existant. Mme Jacqueline Maquet a évoqué la mobilisation des bailleurs sociaux : avec Myriam El Khomri et Patrick Kanner, nous y travaillons activement. Je souligne également l’apport significatif de la convention avec Action Logement pour la politique de la ville, mais aussi pour la construction de logements sociaux. Sans cette convention, notre action serait beaucoup plus limitée.

Mme Jeanine Dubié m’a interrogée sur le label RGE : l’éco-conditionnalité, mise en place avec les fédérations du bâtiment, constitue une avancée majeure pour garantir la qualité des travaux de rénovation énergétique, plusieurs d’entre vous l’ont souligné. Le nombre d’entreprises certifiées RGE s’élevait à 30 000 au 31 décembre 2014. Afin d’accélérer la certification, en accord avec la ministre de l’écologie, des améliorations ont été apportées au système de formation et d’audit. En outre, pour permettre aux entreprises compétentes en instance de certification d’avoir accès aux marchés de la rénovation, la date d’entrée en vigueur de l’éco-conditionnalité, pour ce qui touche aux seuls certificats d’énergie, a été décalée au 1er juillet 2015.

Mme Béatrice Santais a évoqué les contrats de performance énergétique ; nous manquons de retour sur ces contrats, pour l’heure très peu utilisés. Leur inscription dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte vise à clarifier leur contenu afin d’éviter la publicité mensongère. Mes services sont très intéressés par le retour d’expérience de votre commune.

Mme Marie-Lou Marcel a insisté sur l’exemplarité de la commande publique en matière de performance énergétique. Le projet de loi demande au maître d’ouvrage public de privilégier les constructions BEPOS. C’est une évolution importante dont l’impact financier est conséquent. Les pouvoirs publics mènent en la matière une action volontaire mais aussi respectueuse de l’écosystème des entreprises : il faut veiller à ne pas exclure de l’accès aux marchés publics des entreprises déjà fragilisées par la crise économique ; il faut leur donner le temps de gagner en compétence pour répondre aux nouvelles exigences.

M. Jean-Claude Mathis a évoqué la question importante de la ouate de cellulose. La dernière entreprise à ne pas disposer d’avis technique l’a obtenu en fin d’année. La responsabilité du CSTB dans la fermeture d’entreprises de la filière est à relativiser. La crise économique et la structure même de la filière, composée de petites entreprises moins robustes, sont aussi en cause. Pour ce qui est des changements de réglementation, une partie des coûts est supportée par l’État.

Plusieurs d’entre vous, dont M. Éric Straumann, sont revenus sur l’accompagnement des ménages dans la transition énergétique de leur logement. Dans le contexte de crise actuel, le soutien au pouvoir d’achat des Français est déterminant. Cela a conduit le Gouvernement à renforcer le crédit d’impôt pour la transition énergétique, en vigueur depuis le 1er septembre. Celui-ci permettra désormais de financer des travaux ponctuels sans les conditionner à un plan global de rénovation. Nous avons également relancé l’éco-prêt à taux zéro afin d’atteindre le chiffre de 100 000 prêts par an et de garantir la qualité des travaux grâce aux entreprises labellisées RGE.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit également la mise en place d’un chèque énergie pour accompagner les ménages les plus modestes. Le déploiement des compteurs intelligents Linky permettra enfin aux consommateurs de mieux suivre leur consommation électrique. Dans le même esprit, le programme « Habiter mieux » a été renforcé dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l’habitat : les aides ont été revalorisées et le champ des bénéficiaires, élargi ; l’adoption de la loi permettra de compléter ces mesures d’accompagnement par la généralisation des plateformes de la rénovation énergétique dans une logique de guichet unique dans les territoires.

Enfin, des sociétés régionales de tiers financement pourront également être créées pour permettre l’avance des fonds aux particuliers souhaitant engager des travaux. Ces sociétés joueront également le rôle d’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès des particuliers en leur permettant de mobiliser les compétences professionnelles pour conduire un projet global de rénovation. Cet accompagnement tiendra particulièrement compte des capacités financières des particuliers.

Mieux informer les ménages sur les possibilités de rénovation énergétique, c’est ce que font déjà l’ADEME, l’ANAH et l’ANIL, puisqu’elles animent un réseau important de 450 points de rénovation info service qui fournissent, selon la situation des ménages, un conseil technique mais aussi un conseil financier, indépendant et gratuit, sur les travaux afin de les accompagner dans leur projet.

J’ai déjà répondu à la question sur la rénovation énergétique des logements sociaux posée par Mme Jacqueline Maquet. Je mentionne le nouveau prêt bonifié destiné à financer les travaux liés au traitement de l’amiante, sujet très important dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Pour ce qui est de l’outre-mer, dont la spécificité a été rappelée par M. Boinali Said, l’éco-conditionnalité entrera en vigueur le 1er octobre 2015 pour les deux aides que sont l’éco-prêt à taux zéro et le crédit d’impôt pour la transition énergétique. L’éco-conditionnalité signifie que le bénéfice de ces aides pour un particulier est conditionné au recours à un professionnel répondant à des critères de qualification : c’est une garantie d’adaptation des travaux de rénovation aux enjeux propres à ces territoires.

Monsieur Hervé Pellois, mon ministère a commandé un rapport sur l’auto-réhabilitation, qui m’a été remis en juillet. Comme l’habitat participatif, ce sujet demande de préciser la valeur travail, susceptible de générer des droits sociaux. Nous menons actuellement un travail d’expertise approfondi avec le ministère du travail avant de donner des suites à ce rapport qui pose de nombreuses questions juridiques et techniques.

Monsieur Yves Daniel, vous avez raison de souligner la nécessaire exigence de qualité et de garantie de résultat des travaux réalisés. Toutefois, il convient de ne pas détourner la garantie décennale de son objet et de trouver des garanties spécifiques permettant de sécuriser à la fois les entreprises et les particuliers. Vous savez que cette question fait l’objet d’un débat dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte puisque le président François Brottes a déposé plusieurs amendements qui devront être approfondis lors de l’examen au Sénat, en concertation avec les différentes organisations professionnelles du secteur du bâtiment. Plusieurs problèmes techniques et juridiques restent en suspens.

Enfin, madame la présidente, je partage votre souci d’une plus grande transparence dans l’élaboration de la réglementation thermique ainsi que d’une meilleure intégration des innovations. Cependant, les acteurs ont mis du temps à s’approprier les évolutions régulières de la réglementation. Il est donc nécessaire de conduire la prochaine étape de l’évolution de cette réglementation dans un climat de concertation, de sérénité et d’apaisement ; c’est en tout cas ce que je m’emploie à faire. C’est la raison pour laquelle je suis très attachée à l’installation du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. J’ai également demandé à mes services de travailler à l’évolution de la réglementation thermique au sein d’un groupe de concertation dédié, en lien avec les élus et évidemment les professionnels.

Mme Frédérique Massat, présidente. Je vous remercie, madame la ministre, pour toutes ces réponses très détaillées et très précises. Monsieur Marcel Deneux, je vous remercie de nouveau pour votre rapport.

M. Marcel Deneux. Je tiens à vous soumettre une réflexion qui nous a étonnés en travaillant sur ce rapport : la France est le seul pays où existe la garantie décennale. Cela induit un problème de comportement de l’ensemble de la filière quant à sa responsabilité d’exécution. Il faut y réfléchir. En termes d’efficacité professionnelle, voire de moralisation de la filière, cela pose un problème important, surtout lorsque l’on voit la réaction du lobby des assurances.

Mme Frédérique Massat, présidente. Je vous remercie pour cette observation qui pourrait faire l’objet d’une autre séance de travail.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 27 janvier 2015 à 16 h 30

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Kléber Mesquida, M. Michel Piron, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, M. Boinali Said