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Commission des affaires économiques

Mercredi 11 mars 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 39

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition conjointe de M. Patrick Kron, président-directeur général du groupe Alstom, et de M. Jérôme Pécresse, président d’Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d’Alstom 

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Patrick Kron, président-directeur général du groupe Alstom, et M. Jérôme Pécresse, président d’Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d’Alstom.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous informe en préambule que M. Razzy Hammadi ayant quitté la commission des affaires économiques pour la commission des finances, je lui ai demandé de démissionner de ses fonctions au sein de la Commission d’examen des pratiques commerciales, de manière à conserver ses prérogatives à la commission des affaires économiques en lui permettant de garder la main sur la désignation du député membre de la CEPC. Je propose donc de nommer à sa place Mme Annick Le Loch.

Je salue à présent M. Patrick Kron, président-directeur général du groupe Alstom, et M. Jérôme Pécresse, président d’Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d’Alstom. Leur audition est la première d’une séquence au cours de laquelle nous auditionnerons également Mme Clara Gaymard, M. Emmanuel Macron ainsi que les représentants syndicaux. Pour certains d’entre vous ces auditions ne sont pas suffisantes, et il en aurait fallu bien davantage pour avoir un éclairage complet sur le sujet. Je n’y suis pas opposé sur le principe, c’est davantage une question d’agenda.

Monsieur Kron, nous vous avions déjà auditionné en mai dernier, au cœur de la tourmente suscitée par le rachat d’Alstom. Considérez-vous aujourd’hui que vous avez fait le bon choix et que la stratégie que vous portez depuis le début est la bonne ?

M. Patrick Kron, président-directeur général du groupe Alstom. Je suis ce matin accompagné de Jérôme Pécresse, qui dirige nos activités liées aux énergies renouvelables et est également en charge du dossier de l’intégration : c’est l’homologue de notre côté de Mark Hutchinson, que vous auditionnerez cet après-midi et qui supervise l’intégration pour General Electric (GE). Je suis également accompagné de Denis Cochet, président d’Alstom France, et de Christine Rahard, notre directrice de la communication.

Je m’efforcerai de faire devant vous le point sur l’alliance conclue entre Alstom et General Electric dans le domaine de l’énergie. Lors de ma précédente audition par votre commission, il y a dix mois, j’affirmais que le projet proposé par GE me semblait une bonne réponse aux enjeux stratégiques auxquels nous étions confrontés, en termes de taille critique et de consolidation de nos activités. Depuis cette date, aucun élément n’est intervenu, au contraire, qui pourrait m’inciter à penser le contraire. Je rappelle ici que ce rapprochement résulte d’un processus parfaitement transparent et ouvert, puisque, à la suite de GE, Siemens, d’abord seul, puis associé à Mitsubishi, a à son tour formulé des propositions, lesquelles ont été rejetées par le conseil d’administration, qui a considéré, d’une part, qu’elles étaient impraticables et, d’autre part, qu’elles ne nous permettaient pas d’affronter les défis stratégiques auxquels nous étions confrontés.

Dans le même temps General Electric a mené avec l’État des discussions concernant les domaines dans lesquels les pouvoirs publics ont des intérêts primordiaux, à savoir les turbines nucléaires et, dans le cadre de la transition énergétique, les énergies renouvelables et les réseaux, et il a été décidé qu’Alstom et General Electric créeraient trois coentreprises dans les domaines du nucléaire, des réseaux et de l’énergie renouvelable. Dans ces trois secteurs, le partenariat entre nos deux sociétés repose, je tiens à le dire, sur des droits de gouvernance équilibrés et une large participation des cadres d’Alstom à la direction de ces futures coentreprises.

En ce qui concerne la joint venture nucléaire, elle sera en charge des activités relatives aux îlots conventionnels, ou îlots turbines, des centrales nucléaires dans le monde et des activités vapeur en France, ce qui correspond aux activités qui sont aujourd’hui celles d’Alstom dans ce secteur.

Afin de préserver les intérêts de la France dans ces domaines, l’État a négocié des droits de gouvernance particulier dans la joint venture, selon un processus spécifique, extrêmement précis et contraignant qui permettra de sécuriser la technologie Arabelle dans le domaine des turbines nucléaires, ce qui concerne à la fois la maintenance et la modernisation de notre parc nucléaire et l’exportation de la filière nucléaire française. Je confirme également qu’Alstom dispose de droits qui lui permettent, s’il le souhaite, de céder à GE sa participation dans les joint ventures, dans des conditions qui nous protègent contre les pertes en capital.

General Electric a enfin pris un certain nombre d’engagements, notamment concernant l’implantation en France de centres de décision mondiaux et la création d’emplois sur notre territoire. GE s’est également engagé à nous céder ses activités liées à la signalisation ferroviaire, ce qui permettra à Alstom de renforcer ses positions dans le domaine des infrastructures ferroviaires.

L’ensemble de ces éléments ont permis au conseil d’administration d’Alstom d’approuver à l’unanimité, le 20 juin dernier, l’offre de General Electric, telle qu’amendée dans les domaines que je viens de rappeler. Suite à cette approbation par le conseil, un accord tripartite a été signé le 21 juin entre l’État, General Electric et Alstom.

Nous travaillons depuis à la mise en œuvre de cet accord, ce qui a d’abord impliqué l’information et la consultation des partenaires sociaux. Onze réunions ont eu lieu avec le comité européen d’entreprise, qui a rendu fin octobre 2014, après une consultation réalisée dans soixante-huit pays, un avis favorable par 15 voix pour, 7 voix contre et 12 abstentions, ce que je qualifie d’excellent résultat pour une opération de cette ampleur, par nature anxiogène.

Le 4 novembre, nous avons en conséquence signé avec General Electric l’ensemble des accords, soit l’accord principal, les accords liés aux coentreprises et les accords spécifiques avec Areva et EDF dans le domaine du nucléaire. La totalité de ces documents, qui reprennent scrupuleusement les termes de l’accord tripartite, dépasse les mile cinq cents pages, ce qui vous donne une idée de leur degré de précision.

Début novembre, l’État, saisi par General Electric au titre du décret publié en mai dernier concernant les investissements étrangers en France dans certains secteurs jugés stratégiques, a donné son accord, et nous avons convoqué une assemblée générale des actionnaires. J’ai en effet souhaité qu’une opération de cette importance ne relève pas de la seule décision du conseil d’administration, comme la loi l’autorise, mais soit soumis à aux actionnaires : le 19 décembre l’assemblée générale l’a ainsi approuvée par 99,2 % des voix, confirmant que les parties prenantes directement concernées par ce projet, en particulier nos actionnaires et nos salariés, le soutiennent, ce que corroborent les sondages internes effectués auprès de nos cadres, chez qui le taux d’adhésion est de l’ordre de 95 %.

Aujourd’hui, des instructions sont en cours dans une vingtaine de pays, à la suite de la saisine des autorités réglementaires et de la concurrence. C’est notamment le cas à Bruxelles, où la Commission européenne vient d’annoncer l’ouverture d’une « phase II », soit une enquête approfondie, qui va, hélas, rallonger la durée de l’instruction mais n’a rien de surprenant compte tenu de l’ampleur du projet. Celui-ci est donc pour l’heure suspendu à l’approbation de ces autorités, que j’espère la plus prompte possible, car l’incertitude de cette période transitoire pèse naturellement sur l’activité commerciale de l’entreprise et donc sur ses emplois.

Je terminerai par un mot sur les transports. Nous avons annoncé une perspective de retour de cash aux actionnaires comprise entre 3,5 et 4 milliards d’euros, sur les 12,35 milliards payés par GE, dont il faut défalquer 1,9 milliard d’euros de trésorerie apporté à GE dans le cadre du rachat. C’est donc un tiers du produit de la cession qui ira aux actionnaires, les deux tiers restants servant à renforcer la structure financière d’Alstom, à permettre son développement et à financer ses acquisitions.

Recentré sur le transport, Alstom pourra se prévaloir de l’un des bilans les plus solides de l’industrie. Dotée de fonds propres élevés, et totalement désendettée après réinvestissement dans les joint ventures et rachat de la signalisation, l’entreprise disposera d’une liquidité importante. Je rappelle qu’Alstom Transport fait partie des trois leaders mondiaux dans le domaine. Son carnet de commandes est plein pour les quatre à cinq prochaines années, pour un montant de 27 milliards d’euros. Elle dispose en outre d’une bonne gamme de produits que viennent renforcer les solutions qui doivent lui être cédées par GE dans le domaine de la signalisation ainsi qu’un accord de coopération ferroviaire. Elle a donc aujourd’hui tous les moyens de poursuivre son développement et sa croissance, en s’appuyant notamment sur une stratégie d’acquisitions.

M. Daniel Fasquelle. Je regrette que la demande de commission d’enquête formulée par une cinquantaine de députés n’ait pas été acceptée. C’est dommage car les personnes auditionnées dans le cadre d’une commission d’enquête prêtent serment.

M. le président François Brottes. Chaque groupe dispose, chaque année, d’un droit de tirage lui permettant de demander la création d’une commission d’enquête. L’UMP peut en faire usage si elle le souhaite.

M. Daniel Fasquelle. Vous pourriez, si vous considérez que le sujet en vaut la peine, soutenir cette demande, ce que vous n’avez pas fait, préférant nous proposer une série d’auditions qui m’évoquent le proverbe populaire : « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. » Je souhaiterais pour ma part qu’on entende les personnes qui ont travaillé sur ce dossier et pourraient y apporter un éclairage différent de celui de M. Kron, de M. Macron et des autres personnes que nous allons auditionner. Je pense notamment à des journalistes qui ont enquêté sur le sujet ou aux auteurs d’un rapport très fourni, publié en décembre dernier par le Centre français de recherche sur le renseignement.

M. le président François Brottes. J’auditionne ceux qui agissent, les acteurs économiques plutôt que les commentateurs.

M. Daniel Fasquelle. Ce qu’ont à dire les personnes ayant enquêté est tout aussi intéressant. À n’écouter que la parole officielle nous allons tourner en rond et notre travail sera inutile ! Craignez-vous que les journalistes disent des choses dérangeantes ? Ils ont enquêté sur la cession d’un fleuron de notre industrie à un groupe américain, et ils méritent d’être entendus si nous voulons aller au fond des choses. C’est notre rôle de parlementaires dans une affaire aussi stratégique.

Monsieur Kron, pourquoi une vente aussi précipitée, secrète et sans enchères, à General Electric ? Pourquoi ne pas avoir cherché une solution française ? La situation financière d’Alstom – un carnet de commande de 51 milliards d’euros, soit deux ans et demi d’activité, un chiffre d’affaire de 20 milliards d’euros, une marge opérationnelle de 7% tirée par les activités de la branche énergie, un résultat net de 556 millions d’euros – ne justifiait nullement une telle hâte.

Je veux bien entendre qu’il y ait un problème de taille critique, mais on aurait pu imaginer un rapprochement avec Safran, Schneider Electric, Thales ou DCNS. Areva qui est aujourd’hui en difficulté cherche une solution française : pourquoi n’a-t-on pas fait de même pour Alstom ?

On nous a argué de la complémentarité entre Alstom et General Electric, mais la phase II engagée aujourd’hui par Bruxelles pourrait démentir ces affirmations, la Commission européenne estimant que ce rapprochement pose des problèmes de concurrence. Cette procédure est certes handicapante pour le groupe, mais elle aurait sans doute pu être évitée si on avait agi avec moins de précipitation.

Qu’en est-il ensuite des pressions exercées par la justice américaine sur Alstom ? D’après le Wall Street Journal, qui cite votre avocat, General Electric a participé à toutes les étapes de la négociation entre Alstom et la justice américaine, et l’on ne peut s’empêcher de rapprocher cette affaire du rachat, dans le passé, par GE d’autres entreprises sous le coup d’enquêtes judiciaires aux États-Unis : n’y aurait-il pas là un mode opératoire permettant au géant américain de s’emparer d’entreprises fragilisées par des procédures judiciaires ? Aux dires mêmes de la justice américaine, Alstom n’a commencé à coopérer qu’après l’inculpation de ses cadres, ce qui pourrait expliquer la hâte avec laquelle le groupe a voulu se débarrasser de sa branche énergie. Le fait que, dès le lendemain du vote de l’assemblée générale validant la vente à General Electric, le département de la justice américain ait annoncé la conclusion d’un accord à l’amiable mettant fin aux poursuites pénales me semble corroborer cette hypothèse. C’est une question d’autant plus importante qu’elle ne concerne pas seulement Alstom mais d’autres entreprises françaises ayant, elles aussi, maille à partir avec la justice américaine.

Mme Clotilde Valter. Monsieur Fasquelle, lorsqu’il s’agit d’un fleuron industriel comme Alstom, qui abrite des intérêts essentiels pour la nation, on ne vend pas une entreprise aux enchères.

Je souhaiterais, cela étant dit, obtenir des précisions sur le dispositif opérationnel mis en place. Que recouvre concrètement la gouvernance équilibrée dont vous avez parlé ?

J’aimerais également des précisions sur le droit d’Alstom à céder ses participations, car il n’est pas question que ce type d’opérations, dans un domaine aussi sensible que les turbines nucléaires, échappe au contrôle du Parlement.

Qu’en est-il des centres de décision ? Vous avez rappelé les engagements de General Electric en termes de création d’emplois, mais que pouvez-vous nous dire de la préservation des sites industriels ?

Mme Jeanine Dubié. Vous nous avez parlé de vos actionnaires et évoqué le renforcement de la structure financière d’Alstom Transport mais vous n’avez rien dit de la situation de vos sous-traitants.

Lors de votre audition du 20 mai 2014, nous vous avions fait part de notre inquiétude au sujet de la vente de l’un des fleurons de notre industrie nationale, et nous vous avions notamment interrogé sur les conséquences sociales de l’alliance envisagée. Vous nous aviez alors expliqué qu’Alstom serait recentré sur son activité transport, qu’Alstom Transport était un leader mondial, doté de la taille critique, intervenant sur un marché dynamique. Vous aviez fait état du contrat de 4 milliards d’euros signé avec l’opérateur sud-africain PRASA, auquel est venu s’ajouter, fin janvier, un contrat de 2 milliards d’euros pour la fourniture de 217 trains destiné au réseau du Grand Paris Express, qui devrait permettre, dans les dix années à venir, de sécuriser deux mille emplois sur les sites d’Alstom, notamment à Tarbes.

Or, la semaine dernière, j’ai appris que le groupe Alstom faisait pression sur ses sous-traitants pour qu’ils baissent leurs prix, les incitant à délocaliser leurs emplois dans des pays à bas coût de production. Ainsi, dans ma circonscription des Hautes-Pyrénées, ce sont pas moins de soixante-quinze salariés des sociétés tarbaises Cegelec et Eiffage, sous-traitants historiques du groupe Alstom, qui sont menacés par un plan social. Je souhaiterais donc connaître votre position sur la situation des sous-traitants d’Alstom en France, sur le maintien de leurs emplois et de leur savoir-faire sur notre territoire. Ne pensez-vous pas que le groupe Alstom, qui vient de signer l’un des plus gros contrats de son histoire et qui a bénéficié d’un sérieux coup de pouce de l’État en 2003, devrait faire preuve de responsabilité sociale et économique ? Quelle est donc la véritable situation financière de votre groupe ?

En ce qui concerne la branche énergie, Bruxelles craint que le rapprochement entre Alstom et General Electric entraîne une hausse des prix et réduise le choix des consommateurs en matière de turbines à gaz. Que répondez-vous ?

M. Denis Baupin. Je me réjouis d’autant plus du plaidoyer de M. Fasquelle en faveur d’une expertise indépendante que j’ai le souvenir de M. Accoyer s’opposant vivement à l’audition des représentants des ONG par la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, au motif qu’il ne s’agissait pas d’experts.

Cela étant, quel impact aura la situation d’Areva sur la filière nucléaire ? Au-delà des erreurs majeures qui ont été commises sans qu’aucun système d’alerte des autorités de tutelle n’ait fonctionné, la filière nucléaire connaît incontestablement un problème de business model : ses coûts ne cessent de grimper, qu’il s’agisse du grand carénage, de la construction de nouveaux réacteurs, de leur démantèlement ou du traitement des déchets. La part du nucléaire dans l’électricité mondiale est passée en quinze ans de 18 à 11 %, selon une courbe significativement décroissante, particulièrement en Europe. Quelles sont donc, selon vous, les perspectives de cette énergie très coûteuse, notamment en ce qui concerne les turbines ?

Vous avez évoqué les turbines à destination du parc français et celles destinées aux réacteurs que nous exportons ; certes, mais lesquels ? les deux réacteurs d’Hinkley Point ? Compte tenu de l’importance des recours déposés contre le projet, on ne sait s’il aboutira un jour. La dizaine de réacteurs envisagés à l’horizon 2016 relèvent aujourd’hui du fantasme, même si l’on tente aujourd’hui d’en vendre à l’Arabie saoudite, dont chacun sait les problèmes qu’elle peut avoir pour se fournir en énergie et dont on peut s’interroger sur les véritables raisons qu’elle a de vouloir s’équiper d’un réacteur nucléaire – à des fins civiles ou militaires ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas le sentiment que le nombre de réacteurs nucléaires vendus par la France à l’étranger puisse vous procurer une activité suffisante. Vendez-vous donc des turbines à d’autres fournisseurs ?

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, je suis resté sur ma faim. Quelles sont vos perspectives dans ce secteur ? En tant qu’investisseur dans l’éolien terrestre, pensez-vous qu’il soit pertinent d’imposer, comme vient de le voter le Sénat, une distance de mille mètres entre les habitations et les éoliennes, ce qui reviendrait à devoir renoncer à 90 % des projets en cours ? Ces contraintes sont-elles le meilleur moyen de développer l’emploi dans le domaine de l’énergie ?

M. André Chassaigne. Nous sommes face à une affaire grave, qui n’est rien moins que le dépeçage d’un de nos fleurons industriels. Refusant de dévoiler le dessous des cartes du rachat du pôle énergie Alstom par General Electric, vous niez que les menaces de poursuites judiciaires pour corruption aient pu jouer un quelconque rôle dans cette vente. Pourtant, plusieurs éléments sérieusement étayés permettent d’affirmer que cette transaction participe de la mise en œuvre de la stratégie américaine de domination économique, d’une extrême gravité pour la souveraineté et l’indépendance de notre pays, car elle porte bien au-delà d’Alstom.

Vous dites par ailleurs que l’assemblée générale des actionnaires a approuvé le projet : certes, les actionnaires n’ont pas forcément la même conception que nous de l’intérêt général et il se sont, de surcroît, réparti 4 milliards de dividendes, cependant que vous empochiez vous-même quatre millions d’euros – ceci dit sans mise en cause personnelle. Quant aux sondages selon lesquels 95 % des salariés soutiendraient le rachat, j’en doute au vu des opinions exprimées par les différentes organisations syndicales, qui s’interrogent sur les perspectives de développement, d’investissement, d’emploi et de recherche.

Pouvez-vous par ailleurs nous apporter des éclaircissements sur le contenu de l’accord passé entre l’État, Alstom et l’actionnaire Bouygues ?

En ce qui concerne l’activité ferroviaire, le carnet de commandes d’Alstom est certes plein, du fait des projets initiés par les régions, dont plusieurs se sont regroupées entre elles, mais on sait que ces projets se heurtent aux résistances de la SNCF, pour des questions d’orientation de notre politique du rail, ce qui risque de peser sur la réalisation de ce carnet de commandes.

Enfin, en tant que président du groupe d’amitié France-Cuba, je m’inquiète des conséquences du rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric. En effet, Alstom assure la maintenance des centrales thermiques de Cuba et leur fournit pièces de rechange et ingénierie. Cela concerne la quasi-totalité de l’électricité de La Havane et près d’un tiers de la production énergétique de l’île. Or, le blocus américain n’étant pas encore levé, l’intégration d’Alstom à GE entraînera mécaniquement la suspension de ce partenariat, avec deux conséquences dommageables pour notre pays : d’une part, une conséquence financière, puisqu’en cas de défaillance d’Alstom, la garantie de la COFACE sera mise en jeu ; d’autre part, une conséquence commerciale, les échanges commerciaux étant interrompus dans un moment où il importe au contraire d’intensifier les relations économiques entre la France et Cuba avant que les entreprises américaines envahissent cette île dont certains d’entre nous saluent la révolution.

M. le président François Brottes. Vous aurez noté, monsieur Kron, que les députés sont désireux d’obtenir toute la transparence sur ce dossier. Si vos réponses ne nous satisfaisaient pas, nous serions conduits à poursuivre nos investigations.

En ce qui concerne par ailleurs la position européenne en matière de fusions, je constate qu’elle n’est pas toujours parfaitement anticipée par les acteurs : c’est le cas pour Alstom, comme ça l’a été pour les cimentiers ou encore pour Schneider et Legrand.

M. Patrick Kron. Je regrette de ne pouvoir prêter serment, mais cela ne change rien à la sincérité et à la transparence de mes réponses.

Je considère que le projet d’union entre Alstom et General Electric est bon pour Alstom, bon pour l’emploi et bon la France. Vous pouvez ne pas être d’accord mais il doit être clair que l’ensemble des éléments qui m’ont conduit à en faire la promotion sont sur la table, et aucun fait caché, qui concernerait notamment le rôle de la justice américaine, n’a pesé dans ma décision.

Monsieur Fasquelle, cette opération n’a nullement été réalisée de manière précipitée, hors de toute procédure de mise en concurrence. C’est exactement l’inverse. Je m’inquiète depuis longtemps du fait qu’Alstom puisse se retrouver dans la situation où se trouvent aujourd’hui d’autres entreprises du monde énergétique en France. Mon métier étant d’anticiper, lorsque j’ai constaté que nous rencontrions, dans certains de nos métiers un problème de taille critique, j’ai, dans un premier temps, tenté de nous donner la plus grande marge de manœuvre opérationnelle possible, en réduisant les coûts et en améliorant les rentrées de cash. Nous évoluons depuis quatre ou cinq ans sur un marché beaucoup plus difficile, marqué par le durcissement de la concurrence. Depuis notre annonce, le mouvement de concentrations s’est d’ailleurs accéléré puisque Siemens a racheté l’activité de turbines à gaz de Rolls-Royce, Mitsubishi celle de Pratt & Whitney et qu’Ansaldo a vu les Chinois entrer à son capital. Face à des clients de moins en moins solvables, nous avons par ailleurs besoin de trésorerie et d’un bilan solide, et ce d’autant plus que les marchés de l’énergie se déplacent vers les pays émergents : sur les neuf premiers mois de l’exercice en cours, nous n’avons réalisé en Europe que 20 % de nos ventes d’énergie, contre 65 % pour le secteur des transports.

Au-delà de ces réponses conjoncturelles, je cherche depuis des années des solutions structurelles permettant à Alstom d’échapper à ses difficultés. Pensez-vous que je n’ai pas d’abord envisagé des solutions françaises, nous permettant de nous maintenir sur le siège du conducteur ? Je n’en ai pas trouvé et c’est la raison pour laquelle j’ai pris l’initiative d’entrer en contact avec des groupes comme General Electric ou Siemens. Il s’agit d’une démarche réfléchie et, s’il elle n’a pas été rendue publique dès le premier jour, c’est que, dans nos métiers, le moindre soupçon de difficultés financières peut déstabiliser nos clients. Quoi qu’il en soit, la solution offerte par General Electric s’avérait complémentaire et assez peu redondante, sinon dans des domaines où Alstom n’a pas la taille critique et n’occupe pas de position pérenne, comme le gaz ou l’éolien terrestre.

Pour ce qui est de la mise en concurrence, le processus de négociations a toujours été ouvert, et l’accord signé avec General Electric donnait à n’importe quelle entreprise la possibilité de nous faire une offre, ainsi que l’a fait Siemens. Je précise par ailleurs que, si une clause de cette accord prévoyait le versement d’une indemnité de rupture à General Electric dans le cas où notre conseil d’administration aurait rejeté son offre, une autre clause stipulait qu’en cas de rejet du projet par les partenaires sociaux, Alstom pouvait se retirer de la vente sans verser cette indemnité. Je tenais en effet à ce que les partenaires sociaux n’aient pas à se prononcer sous la pression de cette contrainte financière.

Quant aux théories plus ou moins conspirationnistes sur l’influence qu’aurait eu sur cette vente le Department of Justice américain, si une enquête pour faits de corruption a bien été diligentée contre Alstom par la justice américaine, elle est antérieure à nos conversations avec General Electric, et les autorités américaines n’ont été informées du projet de fusion qu’au même moment que vous, c’est-à-dire le 23 avril, lorsque Bloomberg a fait fuiter l’information. Il est donc insultant de penser qu’il ait pu y avoir une quelconque collusion, et c’est contraire aux faits. J’ajoute pour vous rassurer que les accords passés avec la justice américaine n’interdisent en rien l’inculpation de tel ou tel cadre d’Alstom qui serait impliqué dans des opérations délictueuses.

Vous m’avez interrogé, madame Valter, sur la gouvernance des coentreprises. Elles sont structurées de manière paritaire, General Electric détenant 50 % plus une action, Alstom 50 % moins une action, sauf dans l’entité nucléaire où General Electric détient 80 % des actions et Alstom 20 %, mais où la gouvernance reste équilibrée puisque le conseil d’administration sera composé pour moitié d’administrateurs nommés par GE, pour moitié moins une personne d’administrateurs nommés par Alstom, le dernier membre étant un représentant désigné par l’État.

Toute une série de dispositions organisent par ailleurs la nationalité des administrateurs, qui seront en majorité français, et prévoient que les sièges des trois joint ventures seront basés en France. L’État disposera d’une golden share, ou droit de veto, son accord étant requis pour certaines décisions clefs, liées notamment à la réorganisation juridique de ces sociétés, à la pérennité et à l’intégrité de l’approvisionnement des îlots conventionnels du parc nucléaire français, à la localisation des sièges sociaux, des quartiers généraux et des centres de décision, à d’éventuels mouvements d’actifs ou de personnes, ou encore aux droits de licence.

La coentreprise nucléaire disposera de la technologie lui permettant d’assurer la maintenance des centrales nucléaires françaises et le développement de notre filière à l’exportation. General Electric s’est par ailleurs engagé à poursuivre la coopération avec EDF pour la maintenance et la rénovation du parc, ainsi qu’avec EDF et Areva pour la construction de nouvelles centrales nucléaires en France et à l’étranger. Dans l’hypothèse – théorique – où General Electric refuserait de coopérer avec EDF pour la maintenance de son parc nucléaire ou si, pour une raison ou une autre, il était conduit à se retirer d’un projet nucléaire à l’étranger, l’État a obtenu que licence soit donnée à une société constituée pour 100 % de capitaux publics français, afin que cette société de droit public délègue, le cas échéant, la technologie Arabelle à un tiers.

J’ajoute, pour être complet, que le président de cette joint venture sera désigné par Alstom en concertation avec nos partenaires, et qu’il existe pour les autres joint ventures des dispositions du même ordre.

Alstom a en effet la possibilité de céder sa participation dans ces joint ventures, mais pas avant cinq ans dans la branche nucléaire. Je précise que ces mouvements actionnariaux ne remettraient, le cas échéant, nullement en cause le statut et les droits de l’État dans la gouvernance.

En ce qui concerne les emplois, ce projet va nous donner les moyens financiers de lutter, dans le domaine de l’énergie contre des concurrents redoutables contre lesquels nous n’avions plus les moyens de nous battre et qui nous avaient poussés à envisager, avant le rapprochement avec GE, de lourdes restructurations pour compenser la perte de nos parts de marché. General Electric a, au contraire, pris des engagements concernant les emplois et les centres de décision. Il ne me revient guère néanmoins d’annoncer en lieu et place de ses représentants, que vous allez auditionner, la nature précise de ces engagements, mais j’ai le sentiment que non seulement ils seront tenus mais qu’ils seront dépassés.

Madame Dubié, vous m’avez interrogé sur Alstom Transport. Il s’agit d’un groupe international présent dans une cinquantaine de pays et qui peut appuyer son développement sur des phénomènes comme la croissance démographique, le développement économique et la concentration dans les villes. La conjugaison de ces trois facteurs nous permet d’afficher un carnet de commandes d’un montant record de 27 milliards d’euros.

Cela ne signifie pas pour autant que certains de nos sites n’aient pas des problèmes de charge. C’est hélas le cas sur le marché français, qui représente 20 % de nos ventes totales – même si 40 % de nos salariés français travaillent à nos exportations – et où nous souffrons d’un manque de visibilité.

Des projets sont en cours, notamment le projet de métro pour lequel un premier contrat de 500 millions a été signé, qui donne une charge significative à notre usine de Valenciennes et à d’autres sites associés. Nous travaillons également sur trois contrats importants non seulement pour résoudre nos problèmes de charge, mais parce qu’ils pourraient constituer des vitrines de nos activités pour l’exportation : il s’agit du TGV du futur, que nombre de pays étrangers nous envient et qu’il faut donc continuer à développer, en améliorant son coût comme ses performances ; il s’agit encore des RER de nouvelle génération ; il s’agit enfin des trains d’équilibre du territoire (TET) sur lesquels la mission Duron doit rendre prochainement ses conclusions mais dont le développement est tributaire des fortes contraintes budgétaires que connaissent un certain nombre de régions françaises. Si Alstom Transport ne se résume pas à Alstom Transport France, cette dernière entité est une composante importante de notre dispositif industriel.

Pour ce qui concerne plus précisément nos sous-traitants, ils sont près de cinq mille en France et, pour formuler les choses en termes d’emplois, un emploi chez Alstom Transport France – qui en compte neuf mille – signifie trois emplois chez nos sous-traitants. Notre entretenons donc une relation très forte, non seulement sur le marché domestique mais à l’exportation où nous soutenons un certain nombre de PMI.

Quant aux entreprises de Midi-Pyrénées que vous avez évoquées, elles appartiennent à des grands groupes – Vinci et Eiffage –, auxquels il appartient de trouver des solutions, en répartissant leurs risques entre les différents clients. En l’occurrence, ces entreprises n’ont pas été retenues par Alstom à l’issue d’un appel d’offre, remporté par une autre entreprise locale.

Vous m’avez également interrogé sur les turbines à gaz. Comme l’a dit M. Fasquelle, la Commission européenne a procédé à une enquête approfondie sur ce sujet. Nous avons donné des éléments d’information. Le dossier que nous avons déposé à la Commission comprend environ 50 000 pages. Nous avons répondu à 350 questions et nous sommes prêts à répondre à d’autres encore. Je suis convaincu que nous démontrerons que le marché des turbines à gaz reste très largement concurrentiel après l’opération de rapprochement avec General Electric. Au cours des cinq dernières années, Alstom a vendu en Europe trois turbines à gaz. Aussi, je ne crois pas que cette opération se traduira par une perturbation du marché, le marché européen étant totalement mort puisqu’en 2014 une seule turbine à gaz a été vendue en Europe sur un marché mondial de 200 à 250 unités.

Monsieur Baupin, vous me permettrez de ne pas répondre à votre question sur Areva et les perspectives nucléaires. Compte tenu des critiques que suscite ma stratégie, il ne m’appartient pas de m’ériger en professeur de vertu, contrairement à ce que certains essaient de faire après avoir échoué dans leur vie professionnelle. En tant que dirigeant d’une activité dans le domaine des équipements énergétiques, je me dois de proposer des équipements qui répondent au mieux aux besoins en termes de compétitivité, de fiabilité et de sécurité et non de faire des conférences sur ce que doit être le mix énergétique dans un pays.

Vous dites que nous avons peu de projets. Vous avez mentionné le projet anglais Hinkley Point qui porte sur deux turbines ; j’espère qu’il y en aura encore deux autres par la suite. Je citerai aussi la Pologne, l’Arabie saoudite, la Chine, l’Inde et l’Afrique du sud. Plus généralement, nous travaillons avec l’ensemble des fournisseurs d’îlots nucléaires. Nous travaillons de manière préférentielle avec Areva et EDF lorsqu’il s’agit d’un projet clés en main, mais aussi avec l’ensemble des autres fournisseurs d’équipements d’îlots nucléaires, qu’il s’agisse des Chinois, des Russes, des Américains ou des Japonais.

M. Denis Baupin. Qu’en est-il d’Atmea ?

M. Patrick Kron. Il y a un projet pour lequel le choix a été fait avec Mitsubishi, notre concurrent dans le domaine nucléaire.

J’ai eu l’occasion de donner les éléments de sécurité dont s’est doté l’État français en ce qui concerne son indépendance en matière nucléaire. Vous le savez, 5 % du chiffre d’affaires total de l’activité d’Alstom Énergie est réalisé avec la France. Sur cette somme, il n’y a pas un seul euro pour lequel nous n’avons pas été mis en concurrence avec le monde entier – ce fut le cas pour Hinkley Point –, dont Siemens et Mitsubishi.

M. Jérôme Pécresse, président d’Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d’Alstom. S’agissant des énergies renouvelables, Alstom aide ses clients à développer un mix énergétique équilibré partout dans le monde. Alstom fait du thermique, du nucléaire et des équipements pour les énergies renouvelables et il accompagne, partout dans le monde, y compris en France, l’évolution vers plus d’énergies décarbonées, plus d’énergies renouvelables. Grâce à nos technologies, nous contribuons à un phénomène qui est maintenant évident qui permet aux énergies renouvelables – et je pense à l’éolien terrestre – de ne pas être plus chères que les énergies fossiles. Dans nombre de pays où nous opérons, l’éolien terrestre est en effet une source d’énergie parfaitement compétitive et souvent même moins chère que les énergies fossiles. Vous le savez, dans le domaine des énergies renouvelables, Alstom est un acteur assez global. Nous sommes le leader mondial de l’hydroélectricité. Si nos activités sont très diversifiées dans le monde, elles restent fortement ancrées en France, notamment à Grenoble et Belfort. Nous sommes un acteur un peu sous-critique mais néanmoins présent dans l’éolien terrestre et nous nous sommes développés depuis plusieurs années dans l’éolien marin puisque nous avons accompagné les projets d’EDF et que nous équipons le territoire français d’usines destinées à fournir les premiers champs français qui seront installés à l’horizon 2017-2018. Demain, nous serons un acteur de l’énergie hydrolienne. Toutes ces filières d’énergie marine renouvelable sont importantes pour nous et créatrices d’emplois sur le territoire.

Monsieur Baupin, nous sommes très attachés au développement de ces sources d’énergies renouvelables sur le territoire. Il est triste de voir que si les vents passent d’abord sur le territoire français avant d’arriver sur le territoire allemand, l’énergie éolienne est beaucoup plus développée en Allemagne qu’en France et que les créations d’emplois dans le secteur de l’éolien terrestre ont lieu en Allemagne et non en France. La règle des 1 000 mètres qui a été votée au Sénat est une très mauvaise idée. Si cette disposition était confirmée à l’Assemblée nationale, elle tuerait environ 90 % des projets éoliens en France.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas le sujet !

M. Jérôme Pécresse. Je constate que cette règle n’a pas d’équivalent aujourd’hui dans aucun grand pays européen.

M. François Sauvadet. Venez sur le terrain : vous verrez ce qui se passe !

M. Jérôme Pécresse. Les activités d’énergies renouvelables d’Alstom seront fusionnées avec les activités correspondantes chez General Electric pour constituer un groupe qui sera le leader mondial dans la production d’équipements d’énergies renouvelables, avec un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros, dont 2,5 milliards pour Alstom et 5,5 milliards pour General Electric. Je laisse aux dirigeants de General Electric le soin de vous annoncer, cet après-midi, leurs intentions et décisions en termes de localisation de ces activités globales d’énergies renouvelables. Vous verrez qu’elles vont vraiment au-delà des engagements qu’ils avaient pris au mois de novembre dernier vis-à-vis de l’État français.

M. Patrick Kron. Certains ont parlé de la théorie du complot des Américains. Je me permets de préciser que, lors des assemblées générales, ce sont les actionnaires qui décident et qu’ils ont approuvé ce projet à 99,2 % – hors Bouygues à 98,5 %.

Nous ne sommes pas partie prenante de l’accord entre l’État et Bouygues. Cet accord prévoit une option d’achat – ce n’est pas un engagement d’achat – consentie par Bouygues à l’État à un prix de 35 euros, c’est-à-dire aujourd’hui sensiblement au-dessus du prix du marché mais qui sera ramené à la réalité du marché dans quelques années, ce qui permettra à l’État de prendre cette participation s’il le souhaite. Il faut savoir qu’une association de défense des actionnaires minoritaires conteste devant les tribunaux le contrat de prêt de titres.

Entre 2004 et 2006, l’État détenait 20 % du capital d’Alstom. Il l’a revendu avec une plus-value de 150 % par rapport à son niveau d’investissement initial, ce qui veut dire que le contribuable s’y est retrouvé. Je n’ai aucun problème, bien au contraire, à voir un actionnaire de long terme comme l’État présent au capital d’Alstom Transport avec des droits de gouvernance associés à cette participation. Mais si vous voulez tout savoir, je suis moins enthousiasmé par la composante prêt de titres qui donne des droits de gouvernance significatifs à une entité, en l’occurrence l’État, qui n’est pas actionnaire de l’entreprise. C’est un sujet philosophique…

S’agissant des trains régionaux, un accord-cadre portant sur 1 000 trains a été négocié via la SNCF et l’ensemble des régions françaises. Dans notre usine de Reichshoffen, une plate-forme de sept trains différents est en cours de développement afin de répondre aux besoins des régions. Pour le moment, les commandes fermes sont au nombre de 218. Il en manque donc encore quelques-unes, mais je ne désespère pas. Les trains d’équilibre du territoire sont importants car ils sont basés sur le même type de technologie et de plate-forme.

En ce qui concerne Cuba, nous sommes en contact étroit avec le client et nous espérons trouver une solution dans les semaines qui viennent, à la fois pour assurer les pièces de rechange de la centrale de Matanzas et pour trouver une réponse à un deuxième domaine, celui du contrôle-commande de la centrale.

M. Dino Cinieri. Quels sont les contrats passés et en cours d’Alstom avec le ministère de la défense, sachant que, par le passé, l’industriel français Thermodyn avait été racheté par General Electric ? Il n’y aura plus de fournisseur français pour les turbines des sous-marins et navires de la marine nationale, ce qui posera des problèmes en termes de souveraineté nationale.

Vous mettez en avant le vote positif à 99 % des actionnaires lors de l’assemblée générale du mois de décembre dernier. Mais pouvaient-ils voter autrement étant donné l’avenir sombre que vous leur décriviez si Alstom Énergie continuait en solo ? Quelques jours auparavant, une nouvelle fois via l’agence américaine Bloomberg, ils ont même appris qu’ils devraient et non General Electric payer une amende américaine record de 630 millions d’euros, ce qui correspond à un an de bénéfices.

Mme Delphine Batho. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé cette audition.

Les conditions du rapprochement d’Alstom et de General Electric paraissent sensiblement différentes de ce que l’on nous avait expliqué ici même au mois de mai dernier.

Vous avez parlé de la théorie du complot pour balayer d’un revers de main la question de la corruption. C’est un peu facile ! Il faut d’abord analyser ce qui explique le retard français par rapport à ces procédures. Qu’est-ce qui explique, selon vous, la récurrence et la vulnérabilité de cette question pour Alstom, avec y compris une nouvelle procédure au Brésil ? Qu’en est-il du passif de ces procédures ? Dans un premier temps, l’amende américaine de 772 millions de dollars devait être prise en charge par General Electric. Mais ce n’est plus le cas.

On nous avait expliqué qu’il y aurait des coentreprises à 50-50. Or le journal Les Échos fait état de coentreprises à 51-49 et Le Monde indique que General Electric détiendrait 80 % du capital dans la troisième coentreprise dans le nucléaire, ce qui veut que la turbine Arabelle passe sous contrôle américain. Il est donc normal que l’on se pose des questions par rapport à ce qui nous avait été vendu comme une alliance d’égal à égal alors que l’on est plutôt dans une logique d’absorption.

Qu’en est-il de l’avenir d’Alstom Satellite, secteur important en matière de défense ?

Ma dernière question concerne l’intéressement au démantèlement d’un fleuron national. André Chassaigne a parlé des actionnaires. La rémunération des membres du conseil d’administration d’Alstom a augmenté, je crois, de 300 000 euros au 1er juillet dernier. Enfin, contrairement à ce qui nous avait été dit au mois de mai dernier il est question pour vous d’une rémunération exceptionnelle.

M. Philippe Armand Martin. Ma question porte sur la réalité des trois coentreprises et sur leur avenir. Le terme de « coentreprise » a pour simple but, avec l’aide d’une campagne de presse massive, de détourner les Français de la vérité.

La gestion opérationnelle des coentreprises sera pleinement du ressort de General Electric et les droits de vote seront détenus en majorité par cette entreprise, sans parler de la présence d’Alstom dans son ancienne activité nucléaire qui est à hauteur de 20 %.

Dans votre accord avec General Electric, pour ces trois participations minoritaires il est précisé qu’Alstom dispose d’options de vente à exercer en 2018. Ces options de vente sont automatiques en cas de changement de contrôle d’Alstom Transport. Pouvez-vous indiquer ce que cela signifie, sachant que les interrogations concernant l’avenir d’Alstom Transport sont fortes ? Le président d’Alstom Transport a indiqué à plusieurs reprises qu’il souhaitait l’entrée de nouveaux investisseurs dans le capital d’Alstom Transport, comme le fabricant ferroviaire russe Transmashholding. Bouygues vous a-t-il assuré qu’il resterait actionnaire sur le long terme, sachant que la vente de 20 % à l’État n’est plus d’actualité ?

Le financement des coentreprises est assuré à 100 % par General Electric jusqu’à l’échéance de 2018. Si Alstom ne vend pas ses participations à General Electric, il doit donc financer à hauteur de sa participation, soit 50 %, soit 20 %. Alstom Transport aura-t-il la capacité de financer ces coentreprises ? Ces questions sont essentielles, car un doute légitime réside dans la véritable teneur de l’accord de vente. Tout ceci n’est-il pas un montage pour une vente certaine en deux temps de toutes les activités énergie d’Alstom à General Electric ?

Vous avez parlé tout à l’heure de démarche construite pour la vente. Quelle a été la part du Gouvernement français sur ce sujet ? Avez-vous été soutenus ?

Mme Monique Rabin. J’ai cru comprendre que ma question, qui porte sur la localisation des activités énergies marines renouvelables, était hors sujet puisque M. Kron puis M. Pécresse nous ont indiqué qu’il valait mieux interroger cet après-midi les dirigeants de General Electric. Mais vous comprendrez qu’en tant qu’élue de Loire-Atlantique, département dont l’identité industrielle est étroitement liée à Alstom, je sois en forte attente. M. Pécresse le sait qui a rencontré à plusieurs reprises Christophe Clergeau. En région, nous avons investi sur les plans humain, politique et de formation pour accueillir cette activité énergies marines renouvelables. Pourquoi ne pas réserver ce matin à la représentation nationale le scoop que nous attendons et qui a été annoncé à diverses reprises dans la presse ?

M. Jean-Claude Mathis. À en croire la presse, vous êtes apparu très distant, voire assez réservé, pour ne pas dire plus, avec les dirigeants de Siemens. Quelles sont les raisons de ce malaise avec Siemens ? Certes, c’est un concurrent d’Alstom, mais comme chacun sait c’est aussi une entreprise européenne. Quand Airbus est né, il a fallu dépasser ces clivages franco-germaniques pour mettre en musique une vision qui aujourd’hui est l’un des plus grands succès européens, et ce dans l’intérêt de tous, salariés, fournisseurs, clients.

Que répondez-vous à la proposition une nouvelle fois annoncée la semaine dernière par le PDG de Siemens de construire un « Airbus du rail » pour faire face à la montée en puissance de la concurrence chinoise et japonaise ? Chacun sait que les deux concurrents chinois ont fusionné et qu’Hitachi a racheté le constructeur italien et qu’il construit actuellement une base industrielle au Royaume-Uni.

M. Éric Straumann. Quelle est la proportion de votre carnet de commandes avec l’État français, le ministère de la défense, les collectivités publiques françaises ou les entreprises publiques françaises comme EDF, GDF, la SNCF et la RATP ?

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir pris l’initiative d’organiser ces auditions qui nous permettent de faire le point sur un dossier majeur. Pour ma part, j’en avais émis le souhait depuis que j’avais interrogé le ministre Emmanuel Macron lors des questions au Gouvernement.

C’est un dossier majeur que celui d’Alstom qui a fait l’objet d’un accord tripartite qualifié d’équilibré lorsqu’il nous a été présenté au mois de juin 2014 pour éviter l’absorption. Je parle bien d’un accord équilibré et non d’une alliance.

En tant que député du mouvement républicain et citoyen, je souscris à l’idée d’une commission d’enquête parlementaire sur l’ensemble de ce dossier.

S’agissant des coentreprises, l’équilibre ne correspond pas à ce qui a été dit devant la représentation nationale l’année dernière. Vos propos le confirment, ces trois coentreprises sont dominées par General Electric. Comme vous l’avez déclaré avec une certaine satisfaction que j’ai notée dans le journal L’Express : « nous sommes le consolidé et non le consolidateur ». Votre engagement et celui d’Alstom dans les coentreprises est-il durable ? Tout cela ne présage-t-il pas un désengagement total d’Alstom et la revente de ces actions dans un horizon assez court ?

Monsieur le président Kron, vous vous vantez d’avoir recueilli l’assentiment du comité central d’entreprise au niveau européen, d’avoir consulté – management, salariés, syndicats. Finalement, seuls les affreux politiques que nous sommes vous ont donné quelques difficultés à cause de la fuite de Bloomberg ! Versez-vous un dividende exceptionnel à vos actionnaires pour l’accompagner ? Vous-même, vous vous préparez à toucher un bonus de 4 millions d’euros. Vous le justifiez par un chimérique marché international où l’offre rencontrerait la demande.

Beaucoup de choses ont évolué depuis le mois de juin. Au regard des distributions de dividendes aux actionnaires, quel sera le montant du produit de la cession opérée qui sera réinvesti dans Alstom Transport ?

Comme je le disais, les choses ont évolué. Je pense à l’ardoise judiciaire aux États-Unis, à la valorisation de la marque Alstom. Toutefois, la dimension financière n’a pas évolué. Tout est négociable, à l’exception de la part des actionnaires et de la voracité intéressée du haut management. Est-ce, selon vous, un bon résumé de l’état du capitalisme financiarisé ?

Vous aimez dire que vous avez fait le boulot. Mais ne pensez-vous pas qu’une réforme de la gouvernance d’entreprise aiderait à avoir une vision plus large de l’entreprise, de l’intérêt de l’entreprise en rapprochant par exemple shareholders et stakeholders ?

Nous avons un point commun : nous sommes des amis de l’atome. À l’occasion des difficultés d’Areva, beaucoup ont utilisé l’expression « équipe de France du nucléaire ». Il faut savoir ne pas abuser de cette expression parce que la métaphore sportive peut renvoyer à de bonnes et mauvaises périodes, à 1998 ou à 2010. N’avez-vous pas le sentiment que « l’équipe de France du nucléaire » avant même sa réformation vient de céder au mercato un de ses meilleurs joueurs ?

Vous êtes un ami de l’atome, mais nous divergeons assez vite puisque vous semblez considérer le nucléaire comme un business comme les autres, un marché avec des acteurs privés et un État régulateur. Vous êtes patron d’Alstom depuis 2003. N’est-ce pas une vision un peu naïve d’un secteur où se croisent des intérêts d’État – et non de complot – puissants, que ce soit dans le nucléaire civil, le nucléaire que je qualifierai de religieux, des rapports de force diplomatiques et géopolitiques propres aux questions énergétiques ?

Au fond, ce que j’aime dans la métaphore « équipe de France du nucléaire », c’est l’idée qu’au-dessus des joueurs il y a un intérêt supérieur souverain, celui de la France. L’opération de 2014 semble conduite par un principe contraire : tout pour l’actionnaire. Pensez-vous qu’Alstom fasse encore partie d’une « équipe de France du nucléaire » et puisse encore en faire partie dans le très court terme ?

Mme Virginie Duby-Muller. Pouvez-vous nous redire de façon très précise où seront situés les trois sièges fiscaux des trois coentreprises créées avec General Electric ? La technologie, propriété intellectuelle relative à leurs activités, sera-t-elle détenue par les trois coentreprises ou par General Electric ?

Vous nous avez dit avoir prévu d’informer en temps et en heure le Gouvernement s’il n’y avait pas eu cette fuite avec l’agence Bloomberg. Mais, sans cette fuite, l’auriez-vous réellement informé après l’accord de vente ? En aucun cas vous n’aviez prévu que le Gouvernement puisse avoir son mot à dire. Il aurait juste été informé par vous et non par la presse. Votre conseil d’administration et votre comité exécutif étaient-ils informés des négociations avant que le conseil d’administration de General Electric ne donne son accord ? Cela ne pose-t-il pas un problème de gouvernance ?

Au fond, la fuite de Bloomberg visait-elle à mettre votre conseil d’administration devant le fait accompli ? Était-ce une fuite organisée ?

M. François Sauvadet. Franchement, je ne comprends pas qu’un grand patron français n’ait pas exploré toutes les pistes pour créer un géant dans des domaines hautement stratégiques, puisque chacun sait que l’énergie fera partie demain des grands enjeux de la planète. Je vous le dis en tant que républicain, député de la nation : je pense que vous portez une lourde responsabilité dans ce qui s’est passé.

En fait, il s’agit de la vente d’un des plus beaux fleurons de la nation dans un domaine d’excellence. C’est carrément une cession, en tout cas on s’y achemine. Les trois coentreprises devaient être à 50-50, mais c’est fini et vous l’avez dit vous-même. Nous sommes dans une situation incompréhensible. Les députés, quel que soit le banc sur lequel ils siègent, ont exprimé les mêmes réserves, les mêmes critiques.

On remet Arabelle, dont la notoriété était reconnue en matière de sécurité, entre les mains de General Electric.

Monsieur Pécresse, je suis prêt à vous accueillir dans ma circonscription. La Côte-d’Or, c’est très beau, on y respire bien, et ça vous changera de Paris !

M. Jérôme Pécresse. Je vous remercie. Je passe déjà beaucoup de temps en dehors de Paris mais je viendrai volontiers dans votre circonscription !

M. François Sauvadet. Je veux revenir sur la règle des 1 000 mètres. Je suis un fervent partisan de l’énergie éolienne mais il faut prendre des précautions en matière d’installation des éoliennes eu égard aux populations concernées. On peut comprendre que le législateur se saisisse de cette question lorsque les éoliennes sont implantées à moins de 500 mètres de groupements de maisons et alors que la pale est à une hauteur de 120 mètres pour une circonférence de 100 mètres. Il ne s’agit en aucun cas d’une remise en cause par le législateur de l’énergie éolienne.

M. Michel Sordi. J’ai bien aimé tout à l’heure la métaphore de M. Laurent. En équipe de France, il faut éviter de tirer contre son camp car Fessenheim n’est pas la meilleure image que l’on donne aujourd’hui.

Beaucoup de choses ont été dites. Lorsque les activités énergie d’Alstom seront intégrées à General Electric, seront-elles soumises aux règles imposées par la diplomatie américaine ? C’est vrai pour Cuba, mais aussi pour le Soudan, la Libye, l’Iran. Quel est l’avenir dans ces pays en ce qui concerne les opérations de maintenance ?

M. Alain Suguenot. Je veux revenir sur la saisine de l’AMF. Je vous rappelle les effets de cours surprenants qui ont eu lieu avant l’annonce de la vente. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas un examen plus approfondi, l’avertissement des résultats financiers à l’origine de la chute soudaine des cours ayant introduit bien évidemment peut-être des doutes sur les informations qui ont été données aux actionnaires ? Les marchés financiers ont réagi, ce qui a constitué l’un des moments cruciaux pour l’entreprise et qui explique sans doute beaucoup de choses qui ne sont pas encore clarifiées aujourd’hui.

M. le président François Brottes. Monsieur Kron, nous ne sommes pas dans une commission d'enquête et mes collègues ne sont pas des journalistes d’investigation, mais vous aurez noté que nombre d’entre eux vous ont posé des questions extrêmement précises. Il me serait donc agréable que nous ayons de votre part le maximum de réponses.

M. Patrick Kron. C’est ce que je vais essayer de faire, monsieur le président.

Des discussions ont eu lieu entre General Electric et la DGA afin de traiter toutes les questions liées à la défense nationale. C’est le cas d’un contrat de maintenance sur un porte-avions, de la branche satellite dont j’ai découvert l’existence à l’occasion d’une question qui a été posée. Cette activité emploie six personnes à Grenoble sur les 65 000 concernées par l’opération en question. Nous avons apporté des réponses satisfaisantes aux autorités militaires puisque l’accord entre General Electric et l’État inclut une composante sur ce point. De même, les sous-marins nucléaires français sont maintenus par une filiale de General Electric sans que cela ne pose des problèmes majeurs aux autorités compétentes en matière d’indépendance militaire française.

Je veux revenir sur l’amende infligée par les autorités américaines. Je n’entrerai pas dans un débat sur l’extraterritorialité des Américains. Vous comprendrez qu’il ne m’appartient pas de prendre position sur ce point surtout que j’ai signé des accords avec les autorités judiciaires américaines pour ne pas commenter cette question.

Je le répète, le dossier relatif au Department of justice est totalement indépendant de la décision prise de céder l’activité énergie à Siemens, à Mitsubishi, à General Electric, etc. qui avaient d’ailleurs accepté les mêmes conditions, c’est-à-dire de reprendre à leur charge les passifs liés à l’énergie parce que l’activité de transport ne peut pas porter sur des passifs liés à cent ans d’activité dans l’énergie. Il se trouve que les autorités judiciaires ont proposé une transaction que j’ai acceptée dans l’intérêt de la société pour ne pas prendre le risque de se voir interdire le marché public du transport dans un certain nombre d’endroits. Cela m’a conduit à renoncer à une clause d’indemnisation qui fait porter la charge de cette amende à Alstom et non plus à General Electric. Il y a donc eu de fait détérioration de la transaction pour un montant de 600 millions. Dans le même temps, nous avons négocié des aménagements à ces accords avec General Electric : d’un côté, nous avons moins 600 millions et, de l’autre, plus 400 millions. Comme je l’ai dit lors de l’assemblée générale des actionnaires, l’effet est de l’ordre de 200 millions, soit un peu moins de 2 % du montant global de la transaction. L’accord signé avec General Electric prévoyait que l’amende était à sa charge. Mais il se trouve que la transaction proposée par les autorités américaines ne rendait pas possible cette indemnisation. J’ai donc accepté cette transaction, considérant que c’était l’intérêt bien compris des parties prenantes en question. À l’arrivée, il faut donc retrancher 200 millions aux 12,35 milliards.

Au mois de mai dernier, j’ai dit que je n’avais aucun intérêt personnel dans cette opération avec General Electric et que General Electric n’a pris envers moi aucun engagement que ce soit. Le contraire me mettrait dans une situation embarrassante et probablement juridiquement assez catastrophique. Par contre, le conseil d’administration a effectivement considéré, au mois de novembre dernier, que cet accord méritait une prime. Les conseils d’administration savent qu’ils sont sous surveillance sur des sujets qui paraissent sensibles. Aussi, la décision qu’il a prise a-t-elle été mûrement réfléchie. Je rappelle qu’elle a été prise à l’unanimité et qu’il a tenu compte de l’avis du Haut conseil de la gouvernance qui a été mis en place pour l’application du code Afep-Medef.

Vous posez cette question parce que nous n’avons pas encore réussi à vous convaincre que c’est un bon projet.

M. Daniel Fasquelle. Non, ce n’est pas un bon projet !

M. Patrick Kron. C’est un bon projet pour Alstom, pour ses salariés et pour la France. Vous me demandez pourquoi je n’ai pas cherché à créer un grand groupe. À cela je vous réponds que nous avons créé un grand groupe qui s’appuiera sur la puissance financière de General Electric qui nous manquait.

Siemens est un grand groupe que je respecte. Les propos qui ont été publiés dans la presse par le président de Siemens intègrent un certain nombre de jugements que je considère comme inacceptables et j’ai demandé à mes conseils d’étudier les suites judiciaires qu’il convient de donner. Ces propos donnent le sentiment que des considérations personnelles, qu’une espèce de racisme anti-allemand m’auraient conduit à écarter l’offre de Siemens. D’ailleurs, c’est aux 8 000 salariés d’Alstom en Allemagne qu’il faut demander s’ils estiment que les propos de M. Kaeser sont indignes, ce que je pense. Cette espèce de racisme anti-allemand semble contagieux puisque mon conseil d’administration a considéré, à l’unanimité, que ce n’était pas un bon projet.

En ce qui concerne la proposition du président de Siemens de construire un « Airbus du rail », au-delà de son insistance pour essayer de marier à tout prix son activité de transport, ce qui m’interpelle, trois problèmes se posent. Le projet avec General Electric est basé sur les complémentarités avec très peu de recouvrements. Ces recouvrements sont dans des endroits où l’on ne peut pas résister seul. Dans le cas de Siemens, c’est l’inverse : il y a beaucoup de recouvrements et très peu de complémentarités ce qui a trois conséquences. Premièrement, le projet est impraticable en ce qui concerne le droit de la concurrence. Deuxièmement, il est négatif au plan économique parce qu’un plus un fait moins que deux. Troisièmement, il conduirait à un bain de sang social. Voilà trois bonnes raisons qui nous conduisent à ne pas nous précipiter sur ce qui est un mauvais projet.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, 5 % du chiffre d’affaires total de l’activité d’Alstom Énergie est réalisé avec la France. Quant à la part transport, elle représente 20 %. Pour l’ensemble du groupe, on atteint 10 %.

Plusieurs questions ont été posées sur les coentreprises. Je n’ai pas dit – mais peut-être me suis-je mal exprimé – que ces activités étaient absorbées par General Electric. Tous les éléments qui ont été négociés sont strictement en ligne avec l’accord tripartite État, General Electric et Alstom du 21 juin 2014. Il n’y a aucune novation, aucun changement par rapport à cette situation. Je vous répète que la gouvernance est équilibrée, qu’il y a un nombre équivalent d’administrateurs au sein des coentreprises et que nous disposons de la possibilité de céder les titres avec une protection contre une perte en capital. C’est une option, un put en langage financier. Vous ne pouvez pas m’accuser d’avoir obtenu pour Alstom une protection en cas de perte en capital.

Le siège de ces coentreprises sera en France. Bien évidemment, Alstom sera très largement représenté dans ces coentreprises. Quant à l’organisation générale des entités combinées, il ne s’agit pas du tout d’une « dévoration », comme l’a dit un ancien ministre. C’est Jérôme Pécresse qui dirigera l’activité énergies renouvelables, la première des sept activités de General Electric, et qui sera basée à Paris. Mais peut-être considérez-vous que c’est une mauvaise nouvelle pour la France…

Monsieur Laurent, je ne me réjouis pas qu’Alstom soit le consolidé et non le consolidateur. J’en prends acte. Si j’avais eu la possibilité de racheter l’activité énergie de General Electric, j’en aurais été ravi, mais ce n’était pas totalement réaliste. Nous vendons dix turbines à gaz par an alors que General Electric en vend 150. Dans le domaine des éoliennes terrestres, l’activité de General Electric est cinq à six fois plus importante que la nôtre.

Vous avez parlé de la voracité intéressée du haut management. Je pense que c’est une caricature.

Un tiers du montant total du produit de la cession sera effectivement distribué aux actionnaires, les deux tiers restants serviront à consolider Alstom Transport et à le désendetter. À l’issue de cette opération, après réinvestissement dans l’acquisition des activités de distribution de General Electric et investissement dans les coentreprises, Alstom sera totalement désendetté. Demain, Alstom Transport sera plus puissant qu’aujourd’hui pour affronter la concurrence internationale.

Monsieur Sauvadet, oui Alstom combiné à General Electric sera un géant en matière d’énergie.

M. François Sauvadet. Un géant américain !

M. Patrick Kron. Je pense que, dans votre circonscription comme ailleurs, les gens préféreront savoir qu’ils ont un emploi durable plutôt que la nationalité de l’entreprise.

Quant à l’AMF, elle fait les enquêtes qui conviennent. Si elle estime que certains éléments doivent être approfondis, elle le fera.

M. Jean-Luc Laurent. À quelle somme correspondent les deux tiers du produit de la cession ? À 8 milliards ?

M. Patrick Kron. General Electric nous verse 12,35 milliards auxquels il faut retrancher 1,9 milliard de cash. General Electric n’était pas vendeur de l’activité signalisation. C’est la négociation qui a conduit General Electric à accepter de vendre son activité signalisation. Le montant de la cession est prévu entre 3,5 et 4 milliards. Cela fera l’objet d’une délibération en assemblée générale. J’ai dit que la priorité était de s’assurer qu’Alstom Transport ait un bilan qui lui donne les moyens de son développement. Cela veut dire que 8 milliards serviront effectivement à des réinvestissements, à l’achat de l’activité signalisation et à la consolidation du bilan. À l’arrivée, l’entreprise sera totalement désendettée.

M. Daniel Fasquelle. Vous essayez de transformer une défaite en victoire. Je salue vos efforts, mais je ne suis pas convaincu. Je vous donne rendez-vous dans quelques années. En vérité, c’est un fleuron de l’industrie française qui passe sous contrôle américain.

M. Jean-Luc Laurent. C’est un chiffon de papier, un démantèlement !

M. Daniel Fasquelle. Tout à fait !

À un moment, l’État a fait pression. Pour sauver la face, il paraît que des concessions ont été obtenues. Mais ce ne sont pas véritablement des concessions.

Je suis surpris que vous nous disiez avoir eu des contacts avec Siemens alors que la solution de Siemens est apparue après vos contacts avec General Electric. On apprend des choses intéressantes, ce matin !

Avez-vous approché le Président de la République, le Premier ministre et les ministres compétents pour rechercher avec eux une solution française ? Si on avait vraiment voulu une solution française, on aurait pu la trouver. Or vous avez été tellement discrets que personne ne s’en est aperçu. Maintenant que l’entreprise est vendue aux Américains, peut-on connaître la réalité des efforts que vous avez déployés pour rechercher cette solution française ?

M. Patrick Kron. Monsieur le député, je ne cherche pas à transformer une défaite en victoire. Ma responsabilité consiste à ne pas mettre l’entreprise dans le mur. Or c’est ce qui se serait passé si je n’avais pas bougé. J’ai donc pris l’initiative de ces contacts. Je m’étonne que vous découvriez que j’ai pris des contacts avec Siemens. J’ai eu, bien évidemment, des contacts avec Siemens, comme avec General Electric, Mitsubishi et d’autres.

Vous avez dit qu’Alstom était un cas un peu spécifique puisque nous n’avons pas en France de concurrent dans le domaine des turbines. Il était donc difficile de trouver une solution française qui nous aurait permis de passer de dix à 150 turbines. J’ai donc regardé si, parmi les acteurs des marchés dans lesquels nous étions, je pouvais trouver des solutions. La proposition de General Electric me paraissait répondre en tous points aux besoins d’Alstom sur le long terme.

M. Daniel Fasquelle. Pourquoi ne pas avoir conclu une simple alliance avec General Electric plutôt que d’accepter qu’Alstom tombe sous sa coupe ? On peut nouer des partenariats avec des acteurs dans le monde sans aboutir nécessairement à cette solution.

M. Patrick Kron. Monsieur le député, pourquoi voulez-vous que j’aie été mu d’une espèce de mouvement diabolique visant à vendre Alstom à l’encan ? J’ai considéré que continuer tout seul plantait l’entreprise et aucun élément ne m’a fait changer d’opinion depuis. Pour parvenir à la taille critique, le lien devait être intrinsèque. Il ne s’agissait pas, comme ce fut le cas du CFM à l’époque, de démarrer un projet nouveau. Il se trouve que nous avons une position insuffisante en ce qui concerne le gaz, en ce qui concerne le charbon – j’ai essayé de passer un accord avec des Chinois, mais sans succès –, et en ce qui concerne l’éolien – nous sommes cinq fois plus petits que General Electric et en matière d’éolien offshore nous prenions de vrais risques. J’ai même lu qu’on aurait pu nationaliser Alstom. Mais je ne vois pas en quoi cela aurait amélioré notre capacité à vendre davantage de turbines sur le marché mondial. J’ai donc regardé si l’on pouvait trouver des solutions complémentaires. Mais je n’en ai pas trouvées, y compris en France.

Pensez-vous que ce projet a fait sauter au plafond de joie le ministre du redressement productif ? Croyez-vous qu’il soit timide, qu’il n’ait pas cherché à trouver une solution alternative ? S’il ne l’a pas fait, pensez-vous que c’est juste pour être gentil avec moi ? Il n’y avait pas de meilleure solution.

Il n’a pas été facile pour les partenaires sociaux de prendre position sur ce projet. C’est une vraie question anxiogène. Et ce n’est pas pour me faire plaisir qu’ils y ont été favorables, mais parce qu’ils ont compris les enjeux et les risques que nous prenions.

M. André Chassaigne. M. Fasquelle se drape de l’habit du bolchevik. Quand on flatte la main magique du marché, on ne peut pas ensuite venir se peindre. Bossuet disait que l’on ne peut pas venir pleurer sur les conséquences de choses que l’on chérit par ailleurs.

Une autre solution aurait pu être trouvée qui s’appuie sur une autre approche de l’économie que j’essaie de défendre modestement avec d’autres. Il aurait pu y avoir une participation publique plus importante, une forme de maîtrise publique. Mais cela demande du courage, une volonté politique et aurait exigé que les grands clients d’Alstom – EDF, SNCF, RATP – entrent dans un montage industriel. Mais cela n’a pas été le cas. Je sais que cette proposition a été avancée, mais elle n’a pas abouti. Y a-t-il eu des initiatives concrètes en la matière ?

M. Patrick Kron. Monsieur le député, je ne veux pas entrer dans un débat philosophique sur le capitalisme. Je sais que je n’ai aucune chance de vous convaincre.

Je le répète, 5 % du chiffre d’affaires total de l’activité d’Alstom Énergie est réalisé avec la France. Ce n’est pas EDF qui fait les fins de mois d’Alstom Énergie. Ces 5 % ont été gagnés grâce à des compétitions internationales. Nous avons été mis en concurrence avec la terre entière. Il faut accepter l’idée que le marché des équipements énergétiques est aujourd’hui à 60 % en Asie. Si vous voulez exister, il faut être capable de vous battre contre les concurrents qui vous attendent. Pour reprendre une image sportive, vous jouez en simple visiteur tandis qu’ils sont à domicile. Il faut donc des puissances de frappe comme celles de General Electric, Siemens et certains conglomérats japonais.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur Chassaigne, je suis gaulliste et je crois en un État stratège. On peut croire en l’économie de marché tout en n’étant pas naïf et défendre ses propres intérêts. Les États-Unis qui s’affichent comme étant le pays le plus libéral au monde est celui qui défend le mieux ses intérêts stratégiques. Dans cette affaire, il y a eu une faillite totale dans la mesure où l’on n’a pas su défendre nos intérêts stratégiques.

M. Jean-Luc Laurent. Il ne faut pas chercher à refaire le film qui a eu lieu il y a un an. En tant que parlementaires, il nous faut contrôler que ce qui a été annoncé, décidé et voir comment on peut réorienter le cours des choses.

Il nous avait été indiqué par l’ensemble des acteurs que l’accord tripartite était équilibré, qu’il s’agissait d’une alliance stratégique et que la France conservait sa souveraineté sur une filière majeure d’excellence et qui est, par là-même, d’un intérêt national. En quoi ce qui a été annoncé n’est-il plus vrai ? Il y a un an, j’ai approuvé cet accord. Aujourd’hui, je me sens floué.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur M. Patrick Kron., vous avez indiqué à plusieurs reprises que 5 % du chiffre d’affaires total de l’activité énergie d’Alstom était réalisé avec la France. Si l’on suit votre raisonnement, on s’aperçoit que de belles entreprises françaises risquent de passer entre les mains des étrangers. Je ne pense pas que l’industrie du luxe fasse 95 % de son chiffre d’affaires avec la France ni que l’on vend tous les Airbus en Europe.

Vous êtes d’abord un capitaine d’industrie. En tout cas c’est ainsi qu’étaient présentés les patrons du CAC 40. On n’a pas suffisamment dit que les capitaux du CAC 40 sont majoritairement étrangers depuis le mois de mai 2014, et c’est grave. Avec l’arrivée des capitaux étrangers dans nos entreprises, nous allons perdre notre savoir-faire.

M. le président François Brottes. Monsieur Kron, vous ne souhaitez pas être plus prolixe en ce qui concerne les dividendes et les rémunérations ?

M. Patrick Kron. J’ai indiqué, dès le début, que ma priorité était de m’assurer de la solidité de l’activité d’Alstom Transport qui sera une superbe entreprise dotée du bilan nécessaire pour une politique de développement ambitieux.

Monsieur Laurent, les accords qui ont été signés au mois de novembre et approuvés par l’État dans le cadre du décret du mois de mai dernier sont strictement en ligne avec l’accord tripartite.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas ce qui a été dit ici.

M. Patrick Kron. Je pense que General Electric ira au-delà des engagements pris en matière de siège social, de quartiers généraux.

Je ne crois pas mériter des leçons de patriotisme économique. Je suis un produit de la méritocratie française. J’ai eu l’occasion de dire que mes parents ont immigré, que j’ai eu des responsabilités non pas parce que je dirigeais des entreprises familiales, mais parce qu’on a cru pouvoir me donner, en fonction de prétendues qualités, des responsabilités correspondantes. Je suis fier d’avoir embauché en France près de 15 000 personnes depuis que je suis arrivé chez Alstom. Chacun contribue à l’emploi en France ; pour ma part, j’essaie d’apporter ma modeste contribution.

Je le répète, je suis fier de cette opération. Je pense qu’elle traite un problème stratégique majeur qui aurait mis Alstom, probablement après moi, dans une situation très difficile. Je souhaitais éviter cela, car je me souviens encore du passage de 110 000 emplois à 55 000 emplois avec 20 000 restructurations et des ventes d’actifs qui portaient sur 40 % du périmètre. Ce fut pour moi la plus difficile période de mes vingt-cinq années de vie professionnelle dans l’industrie.

Vous pouvez consulter tous les journalistes de la planète, faire faire toutes les études que vous voudrez par toutes les officines, il n’y a pas un seul élément qui est entré dans la décision de promouvoir ce projet qui n’est pas dans le domaine public. Tout le reste est insultant à mon égard, calomnieux et simplement inexact. Voilà ce que je voulais vous dire, sans avoir prêté serment mais en vous regardant dans les yeux.

M. le président François Brottes. Monsieur Kron, je vous remercie.

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Informations relatives à la commission

Suite à la démission de M. Razzy Hammadi, la Commission des affaires économiques a proposé de nommer Mme Annick Le Loch, membre de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 mars 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - Mme Virginie Duby-Muller, M. Mathieu Hanotin, M. Dominique Potier, Mme Monique Rabin