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Commission des affaires économiques

Mercredi 11 mars 2015

Séance de 18 heures 15

Compte rendu n° 41

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition conjointe de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, de M. Régis Turrini, directeur général de l’Agence des participations de l’État, et de M. Pascal Faure, directeur général des entreprises au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique sur le rachat du pôle énergie d’Alstom par General Electric

La commission a auditionné M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, M. Régis Turrini, directeur général de l’Agence des participations de l’État, et M. Pascal Faure, directeur général des entreprises au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique sur le rachat du pôle énergie d’Alstom par General Electric.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre, d’avoir répondu à notre invitation pour évoquer un dossier qui, pour le coup, revêt un caractère particulier ; il fut d’ailleurs ouvert pendant le mandat de votre prédécesseur. L’État y joue un rôle important ; aussi avions-nous suivi les choses de près, y compris en auditionnant, par exemple, des industriels japonais et allemands. Nous restons en effet très vigilants sur la préservation des intérêts du pays, qu’il s’agisse de l’économie, des emplois ou des impôts, chers à M. Fasquelle…

Après des échanges, sinon musclés, du moins intenses et directs, ce matin, avec M. Kron, nous avons entendu cet après-midi les responsables de General Electric ; plusieurs annonces ont été faites en matière d’emploi et de gestion.

Si certains collègues concèdent que le partenariat était inévitable, c’est aussitôt pour ajouter qu’il s’apparente en fait à une absorption ; d’autres se demandent pourquoi le groupe ne s’en est pas sorti seul mais, dans la mesure où il évolue au sein d’un marché mondial, la question ne me semble plus se poser. Restent, sur un secteur aussi stratégique, les questions de souveraineté.

Vous êtes, monsieur le ministre, garant des promesses faites sur ce dossier, y compris par votre prédécesseur, notamment quant à l’implication de l’État. On peut aussi se demander si le groupe Bouygues acceptera d’acheter les actions qu’on lui propose. En tout état de cause, des autorités, dans le monde entier, s’intéressent à cette alliance, dont la concrétisation est par conséquent conditionnée par des décisions à venir.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je reviendrai sur l’enchaînement des événements avant d’aborder quelques points précis.

La société Alstom emploie aujourd’hui, dans les secteurs de l’énergie et du ferroviaire, 18 000 salariés en France et General Electric, 11 000. La transparence vis-à-vis de la représentation nationale est une évidence pour les services de Bercy ; elle avait d’ailleurs conduit mon prédécesseur, Arnaud Montebourg, à s’exprimer par deux fois devant votre commission.

Le 5 novembre dernier, mes services m’ont confirmé que l’ensemble des accords signés par General Electric, Alstom, EDF, Areva et l’État étaient conformes à ce que prévoyait l’accord tripartite du 21 juin 2014 ; c’est pourquoi j’ai décidé d’autoriser General Electric à investir en France, conformément au décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Ce décret était requis par le constat que les activités liées à l’approvisionnement en énergie, qui concourent à l’intégrité, à la sécurité et à la continuité d’exploitation des infrastructures d’importance vitale, n’étaient pas couvertes par les dispositions relatives aux investissements étrangers. C’était le cas, par exemple, de la fourniture et de la maintenance, par Alstom, des turbines à vapeur qui équipent les cinquante-huit réacteurs nucléaires exploités par EDF en France et qui mettent en jeu des intérêts nationaux : il y va, naturellement, de la continuité et de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la France. Aussi nous est-il apparu nécessaire de modifier le périmètre des dispositions du décret de 2005 : cela a permis, à l’initiative de mon prédécesseur, de réarmer la puissance publique en lui donnant les moyens juridiques de protéger les intérêts stratégiques du pays. Soit dit au passage, l’intérêt porté à Alstom par General Electric, mais aussi par Siemens et Mitsubishi montre l’attractivité de la France et de son industrie ; reste qu’il convient de replacer les choses dans leur contexte.

Les objectifs du Gouvernement étaient clairs : protéger les intérêts stratégiques du pays, en particulier de sa filière nucléaire, et s’assurer que l’opération était porteuse de développement économique pour la France, c’est-à-dire d’activité et d’emploi, pour les activités touchant à l’énergie comme au ferroviaire ; d’où le décret du 14 mai 2014.

Je développerai quatre points : le contexte de l’accord conclu entre Alstom et General Electric ; les conditions dans lesquelles j’ai délivré l’autorisation d’investissement sollicitée par General Electric en novembre dernier ; la création des trois co-entreprises ; l’avenir d’Alstom Transport, enfin, et des co-entreprises telles que nous les concevons.

Je résumerai le contexte de l’accord de manière simple : le Gouvernement a été mis devant le fait accompli mais, à l’analyse, le statu quo est apparu comme une solution qui n’était pas viable ; c’est la conclusion à laquelle le ministre de l’économie de l’époque et moi-même, alors conseiller à l’Élysée, étions parvenus après un examen approfondi.

Le projet de rachat des activités énergétiques d’Alstom par General Electric a été révélé le mercredi 24 avril 2014, alors que les entreprises discutaient depuis plusieurs mois dans le plus grand secret. Les fragilités d’Alstom étaient connues des pouvoirs publics, puisque mon prédécesseur avait commandé un travail sur le sujet ; cependant l’entreprise, sans en informer personne, sinon ses seuls actionnaires, avait engagé des négociations avec General Electric, lui donnant même une option.

Le Gouvernement s’est donc trouvé face à un projet totalement ficelé de rachat de l’ensemble des activités d’Alstom dans le domaine de l’énergie ; en l’espèce, une option était octroyée à General Electric pendant une durée déterminée : ne manquait, pour finaliser l’opération, que l’aval du conseil d’administration, appelé à émettre une position de principe dès le week-end suivant, soit le 27 avril.

Ce projet de cession de l’ensemble des activités d’Alstom dans le secteur de l’énergie apparaissait susceptible d’affecter les intérêts nationaux en matière de sécurité énergétique au regard, non seulement du rôle d’Alstom, fournisseur critique du parc nucléaire français, mais aussi de l’empreinte industrielle, donc de la souveraineté. Le Gouvernement s’est aussitôt mobilisé avec force pour renverser la situation et arrêter le processus, dans l’optique de trouver une solution qui garantisse la préservation des intérêts fondamentaux de la nation en matière de continuité d’approvisionnement en énergie et pour préserver l’emploi ainsi que les centres de compétences sur notre territoire. Il a travaillé dans deux directions, d’une part pour examiner les possibilités de partenariats alternatifs, de l’autre pour négocier avec General Electric et Alstom un schéma alternatif et des garanties. C’est la tension entre ces deux directions qui a permis d’avancer.

Peu d’observateurs pensaient qu’une telle démarche permettrait de faire évoluer un dossier qui, de l’avis général, était bouclé. J’ajoute que, une fois l’opération révélée, elle interdisait à Alstom, par l’incertitude qu’elle faisait peser, de prétendre au moindre contrat à l’étranger : c’est peut-être à mes yeux la principale faute de ses dirigeants. De tels contrats supposent en effet, de la part des gouvernements étrangers qui les signent, un engagement de plusieurs années avec l’entreprise. Bref, la montre tournait : chercher à réécrire l’histoire en faisant comme si nous avions tout le temps était illusoire, compte tenu de l’intérêt social d’Alstom, de la responsabilité des administrateurs et des réalités opérationnelles.

Néanmoins, afin d’examiner les différentes options et de faire progresser l’offre, le Gouvernement a obtenu, dès le 27 avril, un délai d’un mois, puis de deux mois. Il a également obtenu la mise en place d’une procédure garantissant l’équité entre les différents partenaires potentiels, avec un groupe d’administrateurs et une personnalité qualifiée chargée de veiller au respect des règles de gouvernance ; enfin, nous nous sommes donné les moyens juridiques de nos ambitions avec le décret du 14 mai 2014.

Le statu quo, disais-je, n’était pas une solution viable sur le plan industriel, d’abord parce qu’Alstom ne possédait pas la taille critique sur un marché de plus en plus concurrentiel et dont la croissance est tirée par les pays émergents, qui voient se renforcer leur offre industrielle : les études que nous avions diligentées l’avaient confirmé ; c’est pourquoi les services de l’État avaient cherché, au cours des mois précédents, à ouvrir un dialogue stratégique avec la direction d’Alstom, qui l’avait décliné.

La marge de manœuvre d’Alstom était également réduite par sa structure actionnariale car son actionnaire de référence, le groupe Bouygues, n’ayant pas vocation à l’être sur le long terme, il n’avait ni la volonté ni les moyens d’accompagner des opérations majeures pour la croissance de l’entreprise. Il faut enfin rappeler que l’opération est intervenue dans un contexte d’effondrement du marché des turbines en Europe, en raison de l’émergence du gaz de schiste aux États-Unis et des choix énergétiques de l’Allemagne. La dynamique industrielle s’est ainsi déplacée vers l’Asie, où dominent les acteurs chinois.

Deux pistes ont été suivies. En premier lieu, face au projet de General Electric, nous avons sollicité des partenaires potentiels, français, européens et internationaux. La solution française a été avancée par les pouvoirs publics, l’Agence des participations de l’État et la Direction générale des entreprises ayant établi des contacts avec des groupes tels qu’Areva et DCNS ; mais aucun d’eux ne s’est montré intéressé. Au reste, on peut sérieusement douter, au regard de la situation des groupes que je viens de citer, qu’il eût été pertinent de les impliquer dans une opération de cette ampleur. Le groupe Safran a également été sollicité mais, lié à General Electric par un partenariat structurant, il n’a pas donné suite non plus.

S’agissant des acteurs européens, nous avons suivi, aussi loin que possible, la piste d’un rapprochement avec Siemens, sollicité par nos soins. Cette entreprise s’est rapprochée de Mitsubishi dans l’optique de conclure un partenariat ; mais force est de constater que Siemens n’a jamais été en mesure, à notre grand regret, de présenter une offre engageante. Les options, tant financières qu’industrielles, qu’elle a proposées, d’abord seule puis avec Mitsubishi, étaient moins attractives que celles de General Electric. Si, in fine, aucune solution industrielle alternative n’a émergé, la tension concurrentielle créée par les pouvoirs publics a permis des progrès sur la seconde piste, l’amélioration du schéma de l’alliance avec General Electric.

Le schéma initial, en effet, prévoyait l’absorption complète des activités énergétiques d’Alstom par General Electric ; lui ont été substitués la création de sociétés communes et l’octroi de garanties pour l’État.

Par ailleurs, l’État a obtenu des pouvoirs spécifiques au sein de la société commune exerçant des activités relatives à l’îlot conventionnel des centrales nucléaires ; des accords de pérennité ont été conclus avec AREVA et EDF et la disponibilité des droits de propriété intellectuelle et du savoir-faire a été sécurisée.

En outre, General Electric a pris des engagements relatifs au maintien en France – qui n’était pas acquis – des centres de décisions et de compétences relatifs aux activités touchant au nucléaire, aux énergies renouvelables et aux réseaux, ainsi que la localisation en France, à Belfort, du centre de compétences européen pour les turbines à gaz, alors même que les activités correspondantes d’Alstom étaient basées en Suisse. Enfin, General Electric a stoppé sa restructuration en cours au sein de la division santé, et s’est engagé à créer 1 000 emplois nets après l’opération, une fois les accords, au second semestre de cette année.

Par ailleurs, concurrencé par l’offre de Siemens, General Electric a accepté d’apporter à Alstom son activité de signalisation ferroviaire et de conclure un accord industriel global dans les activités ferroviaires. Ces deux éléments étaient essentiels pour consolider Alstom Transport, qui en avait bien besoin. Le nouveau dispositif a fait l’objet d’un protocole d’accord le 21 juin 2014, qui décline l’ensemble des principes énoncés. C’est en respectant scrupuleusement les dispositions de ce protocole que les documents détaillés relatifs à ces partenariats ont été établis, ce qui a permis d’accorder l’autorisation d’investissement étranger à General Electric le 5 novembre dernier.

J’ai autorisé cet investissement, car les garanties demandées par le Gouvernement en juin 2014 ont été respectées. Elles portent, notamment, sur la constitution d’une co-entreprise entre General Electric et Alstom regroupant les activités nucléaire et vapeur et bénéficiant d’une clause d’exclusivité pour conduire les activités du groupe General Electric sur le développement et la fourniture des turbines à vapeur et des produits dérivés pour îlots conventionnels de centrales nucléaires, de manière à garantir la pérennité des activités stratégiques en France et la présence sur notre sol des quartiers généraux correspondants. La deuxième garantie concerne la finalisation des statuts de cette co-entreprise, ainsi que le pacte d’actionnaires qui, liant General Electric, Alstom et l’État, confère à ce dernier des droits de veto étendus sur l’activité et les décisions stratégiques de l’entité. Troisième garantie : la finalisation des contrats de pérennité entre cette co-entreprise d’une part et EDF et Areva de l’autre, afin d’assurer à long terme, non seulement la maintenance du parc de centrales nucléaires d’EDF, mais aussi la fourniture des groupes turbo-alternateurs Arabelle dans des conditions compétitives pour EDF et Areva ; l’autre volet de cette garantie porte sur la définition d’un cadre protecteur de la propriété intellectuelle relative aux groupes turbo-alternateurs Arabelle, qui équipent les centrales françaises, de sorte que l’État garde une complète maîtrise de cette technologie.

Au cours des deux mois de discussion, nous nous sommes efforcés de trouver une solution pour isoler les activités relatives aux turbines nucléaires, mais la chose est impossible sur le plan opérationnel car cette production est intimement liée à celle des turbines à vapeur ; d’où les accords que je viens d’évoquer, qui garantissent un isolement de ces activités sur le plan contractuel et, partant, la pérennité de notre filière nucléaire.

S’agissant de la constitution des co-entreprises, toutes les dispositions que je vais vous présenter figuraient dans l’accord de juin : aucune concession n’a été faite depuis. Le but du Gouvernement était que les structures aient un sens industriel aussi prononcé que possible ; la première d’entre elles est la co-entreprise formée dans le secteur des réseaux de transport d’électricité ; elle réunit des activités d’Alstom – représentant 15 % de ses emplois en France – très performantes sur le segment de très haute tension et des activités de General Electric, concentrées sur la distribution ; en regroupant ces activités au sein d’une co-entreprise, Alstom et General Electric vont ainsi passer de la troisième et de la cinquième position mondiale qu’ils occupaient respectivement à la deuxième, derrière le groupe helvético-suédois ABB. L’activité d’Alstom bénéficiera aussi de son adossement à General Electric, car les équipements de haute tension qu’il développe pourront être intégrés dans les offres globales de General Electric et les commandes seront mécaniquement tirées par le volume d’activité de ce groupe : c’est d’ailleurs l’un des bénéfices du contrat, y compris sur le volet transports. Les quartiers généraux de cette co-entreprise seront installés en France : nous vérifierons le respect de cette garantie comme des autres. General Electric et Alstom ont d’ailleurs annoncé récemment que le dirigeant actuel d’Alstom Grid, M. Poux-Guillaume, sera amené à diriger le nouvel ensemble une fois l’opération menée à bien.

La deuxième co-entreprise, formée dans le secteur des énergies renouvelables – qui représente 7 % de l’emploi d’Alstom en France – a, elle aussi, un sens industriel : elle rassemble des activités matures, comme l’hydroélectricité, et des activités en développement, comme l’éolien offshore ou l’énergie hydrolienne ; elle disposera ainsi d’un profil équilibré pour alimenter en ressources technologiques, humaines et financières le développement des activités nouvelles, et pourra s’appuyer sur la force commerciale et financière de General Electric pour développer son activité à l’export. Les quartiers généraux des activités relatives à l’hydraulique et à l’éolien offshore seront implantés en France, confortant notamment le pôle grenoblois ; General Electric et Alstom ont d’ailleurs annoncé récemment que le dirigeant actuel d’Alstom Renewable Power, M. Jérôme Pécresse, dirigerait l’ensemble des activités renouvelables de General Electric, en France et dans le monde, sous l’autorité directe de M. Immelt.

Enfin, la co-entreprise dédiée au nucléaire et aux activités françaises touchant à la vapeur, qui représentent 24 % des emplois d’Alstom en France, a été constituée pour sanctuariser le domaine d’activité le plus stratégique, sans pour autant demeurer isolée du groupe : il importe en effet de ne pas briser le lien industriel et économique entre les activités gaz et vapeur, qui doivent être développées ensemble, notamment pour les offres de centrales à cycle combiné gaz-vapeur. Le siège de cette structure sera établi en France et son dirigeant sera français. Le quartier général de l’ensemble de l’activité turbine à vapeur sera également installé en France, à Belfort, ainsi que le prévoyaient les accords de juin.

D’autres activités ont été vendues en totalité car elles ne sont pas implantées en France – non plus que leurs emplois, par conséquent – et ne relèvent pas de secteurs stratégiques ; c’est le cas par exemple, des turbines à gaz – développées en Suisse – et de l’éolien terrestre.

Ces trois co-entreprises représentent 2,6 milliards d’euros de valeur au bilan d’Alstom, et ont à ce titre un intérêt capitalistique pour lui. Elles permettront donc au groupe de conserver une taille de bilan significative et, ainsi, de ne pas devenir une cible boursière ; elles constituent une réserve de valeur significative pour le développement futur d’Alstom, en particulier dans les transports ; enfin, si ces actifs avaient été immédiatement cédés, comme cela était initialement envisagé, le dividende exceptionnel annoncé aux actionnaires aurait sans doute été encore bien plus élevé encore puisque cette valeur n’aurait pas été conservée par l’entreprise mais redistribuée, au moins en partie. Au-delà de ses intérêts en termes de souveraineté, l’opération a donc été créatrice de valeur pour Alstom.

Enfin, je veux revenir sur certaines questions soulevées par de nombreux commentateurs au sujet de la structuration des co-entreprises, s’agissant en premier lieu des poids respectifs de General Electric et d’Alstom au sein de leur capital. General Electric détient, comme cela était prévu dès les accords de juin, 50 % du capital plus une action dans les co-entreprises dédiées aux énergies renouvelables et aux réseaux de transport d’électricité, et 80 % du capital, pour 50 % des droits de vote, dans la co-entreprise dédiée au nucléaire et à la vapeur. Arnaud Montebourg avait d’ailleurs fait état de cette structure lors de son audition du 24 juin dernier en précisant qu’« Alstom n’a que 20 % des droits économiques sur [la co-entreprise nucléaire] même s’il a 50 % du pouvoir ».

Toutefois, ces structures ne doivent pas être regardées indépendamment des droits concédés à Alstom et à l’État, comme les droits de veto ou la protection de la propriété intellectuelle. Les conseils d’administration des trois co-entreprises seront composés à parité de représentants de General Electric et d’Alstom – ou de l’État, dans le cas de la co-entreprise nucléaire.

Les mécanismes de sortie prévus entre Alstom et General Electric sur les trois co-entreprises sont, eux aussi, conformes aux accords de juin. Alstom peut vendre à General Electric ses parts dans les co-entreprises réseaux et renouvelables – respectivement en septembre 2018 et en septembre 2019 – et dans la co-entreprise vapeur-nucléaire après cinq ans seulement ; rappelons toutefois qu’il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Alstom peut également acheter les parts de General Electric dans la co-entreprise renouvelables – à raison d’une fenêtre par an jusqu’en 2019 –, comme l’avait précisé Arnaud Montebourg lors de son audition en juin dernier.

Ces clauses sont tout à fait usuelles ; elles ne préjugent en rien des décisions qui pourront être prises le moment venu par Alstom, où l’État sera représenté au conseil d’administration. Enfin, ces mécanismes sont sans incidence sur la sauvegarde des intérêts nationaux, dont Alstom n’est pas dépositaire : même s’il devait, à terme, sortir du capital des co-entreprises, les droits de l’État sur la co-entreprise vapeur-nucléaire resteraient intacts puisqu’ils sont indépendants de l’actionnariat.

J’en viens aux enjeux d’avenir. Nous serons bien entendu très vigilants sur le respect de l’ensemble des engagements pris par General Electric ; à cet égard, un dispositif complet a été mis en place sur l’accord-cadre en matière d’emploi et de localisation des quartiers généraux des diverses co-entreprises. General Electric s’est engagé à créer 1 000 emplois industriels en trois ans et à payer une pénalité de 50 000 euros par emploi non créé : la surveillance sera donc assortie, s’il y a lieu, d’une sanction, sur la base du contrat qui a été signé.

De plus, General Electric remettra chaque année, au mois de février, un rapport sur la mise en œuvre de ses engagements ; enfin, un comité de pilotage associant le groupe et les services de l’État assurera le suivi, l’État disposant de surcroît d’un droit d’auditer les informations fournies par General Electric, avec le concours du cabinet Vigeo.

S’agissant de la sauvegarde des intérêts nationaux en matière nucléaire, l’État disposera d’un représentant au conseil d’administration de la co-entreprise regroupant les activités « nucléaire » et « vapeur », avec des droits d’information étendus et des droits de veto ; le dispositif de maîtrise de la propriété intellectuelle est également en place avec la création, par l’État, d’une société ad hoc, SPVPI, qui a signé les accords de licence conclus avec General Electric sur la propriété intellectuelle de la technologie Arabelle. L’État pourra donc à tout moment, en cas de manquement aux dispositions relatives à la propriété intellectuelle, protéger les intérêts d’EDF et d’Areva, avec lesquels ont été conclus des accords de pérennité de fourniture.

Ces dispositifs offrent des garanties sans précédent en matière protection des intérêts de la France : jusqu’alors, l’État, EDF et Areva n’avaient aucun droit sur le groupe Alstom. Ils seront effectifs une fois conclues les opérations entre General Electric et Alstom, c’est-à-dire à l’issue de la procédure de validation par les autorités de la concurrence, probablement au second semestre.

Le Gouvernement est aussi très attentif à l’évolution d’Alstom et aux choix stratégiques qu’il sera amené à faire sur les métiers touchant au transport. Assurer l’avenir d’Alstom Transport, en butte à bien des incertitudes, était pour le Gouvernement le deuxième enjeu majeur de ce dossier. L’industrie ferroviaire connaît une croissance faible en Europe mais forte et durable à l’international. Dans ce contexte, Alstom peut s’appuyer sur des fondamentaux solides pour continuer à croître et affronter la concurrence en position de force ; il est, avec Siemens et Bombardier, l’un des leaders mondiaux de son secteur : important en taille, avec 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il dispose d’une présence mondiale – avec près de 30 000 employés dans soixante pays, dont 9 500 en France – et d’une offre intégrée, avec une large gamme de trains mais aussi de systèmes d’infrastructures, de services de maintenance, de gestion de flotte ou de signalisation.

Malgré la faiblesse des marchés européens, largement matures dans ce secteur, la croissance mondiale de l’industrie ferroviaire ne ralentit pas : selon les prévisions, elle s’établira à 3 % par an au cours des six prochaines années, étant soutenue par les marchés américains et le rattrapage des pays émergents ; mais ces marchés attisent cependant la convoitise de deux grands acteurs chinois, CNR et CSR qui, déjà forts d’un marché intérieur sans équivalent, se développent à l’international.

Rappelons que 54,1 % du chiffre d’affaires généré par les neuf sites industriels d’Alstom en France sont exportés. Il faut continuer à amplifier la part des exportations, qui doivent notamment compenser la faiblesse structurelle du marché en Europe et en France. Afin d’affronter la concurrence internationale dans les meilleures conditions et de saisir les opportunités à l’export, il convient de conforter la place mondiale d’Alstom, ce que permet précisément le rapprochement avec General Electric. En premier lieu, Alstom pourra disposer d’une position renforcée sur le segment de la signalisation ferroviaire grâce à l’acquisition, obtenue par la négociation, de la division dédiée à cette activité au sein de General Electric. Cette acquisition rapportera 500 millions d’euros de chiffre d’affaires à Alstom, qui deviendra ainsi le numéro deux mondial du secteur, derrière Siemens.

L’objectif est de donner à Alstom les capacités de son développement ; c’est pourquoi nous veillerons à ce que son endettement reste nul à l’issue de l’opération. Le niveau du dividende exceptionnel devra donc être adapté en conséquence. Désendetté à terme, Alstom bénéficiera d’un bilan très solide et d’une trésorerie suffisante pour investir, ce qui le placera en position de consolidateur. C’est là un élément important au regard de la montée en puissance des acteurs chinois.

Nous avons bien noté la disponibilité de Siemens pour une éventuelle consolidation, et nous sommes prêts à poursuivre le dialogue avec le groupe. De telles opérations se heurtent toutefois à des obstacles importants, s’agissant en particulier des règles européennes relatives à la concurrence et des impacts sociaux. Ce n’est donc pas l’option que nous privilégions à ce stade. Quoi qu’il en soit, ces enjeux stratégiques seront suivis de très près par le Gouvernement, notamment dans la perspective de l’entrée de l’État au capital d’Alstom. Comme vous le savez, Arnaud Montebourg avait rendu publique l’intention du Gouvernement à ce sujet. Le Gouvernement s’est donné les moyens de ce projet, non seulement par l’accord conclu avec General Electric, mais aussi par celui conclu avec Bouygues, accord dont j’ai d’ailleurs confirmé qu’il serait mis en œuvre dans les prochains mois, une fois accordée à General Electric l’autorisation d’investissement par les autorités européennes de la concurrence – de fait, cet accord ne peut entrer en vigueur avant l’achèvement de la première opération. Il présente un double intérêt : d’une part, il donne accès à un bloc de 20 % au capital d’Alstom, soit la position d’un actionnaire de référence ; de l’autre, il comporte un prêt de titres et un engagement à soutenir l’entrée de l’État au conseil d’administration du groupe, ce qui permettra à l’État de peser sur les choix stratégiques sans attendre l’acquisition effective des titres.

M. le président François Brottes. Il y a deux écoles : la première consiste à répondre aux questions après qu’elles sont posées, et la seconde à y répondre avant… (Sourires.) Je ne doute pas, cependant, que des collègues vous demanderont un certain nombre de précisions.

Mme Clotilde Valter. Merci pour cet exposé complet, qui ne nous empêchera cependant pas, monsieur le ministre, de vous pousser dans vos retranchements, comme le veut l’exercice…

Alstom, vous l’avez dit, est l’un de nos fleurons industriels ; aussi la préoccupation du Gouvernement et de l’ensemble des parlementaires, l’an dernier, était-elle de le préserver et, à travers lui, de préserver certains des intérêts essentiels de la nation. Le décret de 2014 fut effectivement un marqueur important pour l’État ; quant à la stratégie, vous avez confirmé notre refus de tout scénario d’absorption. Dès lors, la question est de savoir comment faire vivre ce qui doit rester une alliance : après les engagements et les accords, nous entrons dans la phase de mise en œuvre, en suivant de doubles fils conducteurs des intérêts nationaux et de la place de l’État dans le dispositif. Ce qui amène d’emblée à évoquer la question de la gouvernance : l’an dernier, on nous a dit que les co-entreprises feraient l’objet d’une stricte parité entre les deux groupes ; or on constate un décalage entre la répartition du capital et la participation au conseil d’administration.

Par ailleurs, comment concevez-vous le rôle de l’État au sein du conseil d’administration de la co-entreprise dédiée aux activités nucléaires ? Puisque l’État détiendra un droit de veto, pourriez-vous détailler les hypothèses dans lesquelles il pourrait être conduit à l’exercer ? Ce point, j’imagine, était l’un des éléments-clés de la négociation avec General Electric.

De même, quel rôle l’État jouera-t-il au sein du comité de pilotage réunissant EDF, Areva, Alstom et General Electric ? Y a-t-il des interférences à ce niveau ?

Les brevets seront détenus par une société à 100 % française ; c’est là un enjeu essentiel, que nous avons évoqué au sein d’une commission d’enquête et qui s’est posé dans la sidérurgie puisque Mittal, après son OPA sur Arcelor, s’est emparé de tous les brevets français. Les leçons de cette expérience ont été tirées afin de permettre à la France de maîtriser les processus de recherche : pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur ce point ?

Avec 20 % des parts, l’État, suggérez-vous, se réserve la possibilité de devenir un actionnaire de référence, donc d’influer sur la gouvernance : avez-vous d’ores et déjà défini une stratégie correspondant à ce rôle ?

Enfin, quelles seront la nature et les modalités du contrôle de l’État sur les mécanismes de sortie, par lesquels, à des échéances différentes, Alstom pourra vendre certaines de ses parts à General Electric ?

M. Daniel Fasquelle. Si j’ai bien compris votre belle démonstration, monsieur le ministre, pour sauver une entreprise française, il faut la vendre aux Américains… Vous ne m’avez pas convaincu. En fait, Alstom allait bien : le groupe avait pour 51 milliards d’euros de commandes qui lui assuraient deux ans et demi d’activité ; il affichait un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros, des marges opérationnelles de 7 %, tirées notamment par les activités énergies, et un résultat net de 556 millions d’euros.

Vous avez admis avoir été mis devant le fait accompli et contraint de vous battre dos au mur. Comment, dans ces conditions et dans des délais aussi courts, construire un partenariat solide avec d’autres groupes que General Electric ? En fait, cette annonce surprise n’avait d’autre but que d’interdire toute alternative. Comme à M. Montebourg en son temps, je vous reproche de n’avoir pas anticipé : Bouygues voulait se retirer ; Alstom n’avait pas la taille critique requise et il devenait impératif de construire des partenariats avec d’autres groupes. Sans être ministre à l’époque, vous étiez tout de même proche de François Hollande à l’Élysée. Je m’étonne que, depuis 2012, vous ne vous soyez pas attaché à trouver une solution différente. Contrairement à ce que vous affirmez, cette solution pouvait être française, mais le temps a manqué pour la construire.

D’autres sont plus malins que nous : les Américains ont su construire un conglomérat autour de General Electric qu’ils renforcent ; les Allemands ont fait de même avec Siemens, les Japonais avec Mitsubishi et Hitachi et les Coréens avec Hyundai. Nous, au lieu de construire des conglomérats du même type et de renforcer notre industrie, nous vendons nos fleurons industriels aux étrangers. Le dossier Alstom est extrêmement grave et rappelle les précédents de Pechiney, Arcelor et Alcatel. Je regrette vraiment que le Gouvernement n’ait pas bloqué l’opération pour se laisser un an, deux ans, bref, le temps de construire une autre solution…

Mme Clotilde Valter. Comme vous aviez bloqué l’accord Arcelor-Mittal…

M. Daniel Fasquelle. C’est une grave erreur tactique et stratégique de l’État.

Que l’on cesse de nous amuser avec les co-entreprises qui ne portent que sur une partie des activités d’Alstom ! On attire l’attention sur elles pour nous faire oublier que General Electric va absorber la totalité des activités d’Alstom dans l’énergie, qui sont purement et simplement vendues. En outre, Alstom ne détiendra que 20 % du capital de la co-entreprise nucléaire. Vous avez beau prétendre que c’est formidable d’avoir une minorité de blocage, nous constatons que sa participation la plus faible se situe précisément dans l’activité la plus stratégique…

Pour le reste, Clara Gaymard nous a dit qu’il n’y aurait qu’un pilote dans la voiture : General Electric. Au départ, le groupe américain va associer des cadres d’Alstom à la gouvernance, le temps d’absorber la substance de l’entreprise. Mais dans dix ans, Alstom aura totalement disparu. Il n’existe pas de partenariats à égalité, comme l’illustre la récente fusion avortée de Publicis et Omnicom. L’une des entreprises prend toujours le pas sur l’autre, et, dans le cas qui nous occupe, c’est malheureusement General Electric. Les pressions n’auront permis que de sauver la face en obtenant quelques garanties et de retarder un tant soit peu la disparition programmée d’Alstom.

Quel rôle a joué la justice américaine dans cette affaire ? On me répète depuis ce matin que j’affabule, que je donne dans la théorie du complot et que je suis totalement à côté de la plaque. Néanmoins, dans le rapport qu’elle a rendu en décembre dernier, la mission parlementaire animée par le député Urvoas et le sénateur Raffarin met l’accent sur le fait que les autorités américaines utilisent le Foreign corrupt practices act de 1977 à l’égard d’entreprises étrangères basées aux États-Unis pour des opérations qu’elles réalisent à l’extérieur. L’application de cette loi permet de déclencher des procédures à l’égard d’entreprises qui s’en trouvent fragilisées et finissent par se faire racheter par des concurrentes américaines. Ô miracle, une fois que l’entreprise est rachetée, on trouve un accord et les poursuites sont abandonnées ! C’est d’autant plus troublant que General Electric est coutumier du fait : pas moins de cinq à six entreprises ont été victimes de telles manœuvres de sa part.

À ceux qui pensent que j’affabule, je répondrais que nous sommes en guerre économique et que nous devons savoir protéger nos intérêts, ce qui n’a, hélas ! pas été le cas dans cette affaire. Nous devons nous doter d’un arsenal qui permettrait de protéger nos entreprises mais aussi leurs cadres dont certains ont été emprisonnés pendant plusieurs mois, ce qui a été extrêmement douloureux pour eux.

M. le président François Brottes. Cela nous permettrait peut-être de faire le point sur les entreprises concernées par le sujet à l’échelle mondiale. Sommes-nous moins dégourdis que d’autres ? J’avoue que la question peut se poser, mais ce n’est pas tout à fait l’objet de ce débat.

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette présentation mais je vous avoue que j’ai envie de faire une intervention politiquement incorrecte, voire vaguement provocatrice – même si ce n’est pas mon genre – sur cette légende du « nucléaire en marinière ». Combien de fois a-t-on entendu, à propos de ce dossier Alstom-General Electric, raconter que le nucléaire est garant de la souveraineté du pays !

Nous savons pourtant certaines choses : 100 % de l’uranium utilisé dans nos centrales vient de l’étranger ; la majeure partie de cet uranium est enrichie à l’étranger et non pas par Areva sur le territoire national ; nos centrales nucléaires sont sous licence Westinghouse ; le couvercle de l’EPR est fabriqué au Japon. Plus tôt dans l’après-midi, Mme Gaymard nous expliquait que les turbines qui équipent les centrales nucléaires françaises ne sont pas toutes, loin s’en faut, fabriquées par Alstom. Nous savons aussi que pour construire les réacteurs du futur, nous envisageons de travailler avec les Japonais – Mitsubishi, par exemple – ou avec les Chinois. Pour l’EPR de Grande-Bretagne, nous allons chercher des financements chinois, voire saoudiens. Tout cela m’incite à vous poser une question…

M. le président François Brottes. Dans la série, vous avez oublié de citer le MOX…

M. Denis Baupin. En effet, le MOX peut être fabriqué avec des combustibles usés japonais et nous en avons envoyé à Fukushima avant la catastrophe. La France a donc une part de responsabilité dans ce qui s’est passé à Fukushima, si c’est ce que vous voulez me faire dire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et les Japonais sont responsables des inondations de La Faute-sur-Mer, tant que vous y êtes !

M. Denis Baupin. Je ne pense pas que le sujet prête à rire. Devant cette commission des affaires économiques, dans cette salle, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire française a reconnu qu’il avait conscience que la sûreté nucléaire japonaise dysfonctionnait. Dans ces conditions, envoyer du MOX fabriqué par Areva à Fukushima pouvait poser question. On peut s’interroger sur la complicité implicite entre certaines industries du domaine nucléaire, mais ce n’était l’objet de la question que je voulais vous poser.

M. le président François Brottes. Vous faisiez l’inventaire des savoir-faire et je me suis permis de compléter votre liste !

M. Denis Baupin. En l’occurrence, je voulais vous poser cette question : fallait-il vraiment faire tout ce bruit sur l’intérêt stratégique que représente Alstom pour la France, sachant que l’État ne détiendra que 20 % de son capital alors qu’il possède la quasi-totalité d’Areva sans que cela ne nous épargne des déboires industriels considérables ? Dans cette histoire, seul le nucléaire semble avoir de l’importance. Pourquoi ne considère-t-on pas que le développement des énergies renouvelables est au moins aussi stratégique ? Pourquoi déployer autant d’effort et de moyens pour une source d’énergie qui est en pleine décroissance à travers le monde et qui devient de plus en plus coûteuse ? Malgré ses conséquences à très long terme, le nucléaire n’aura été qu’un passage dans l’histoire de l’énergie.

L’importance donnée au nucléaire n’a-t-elle pas conduit à négliger d’autres opportunités ? Certes, j’ai bien entendu les arguments sur les difficultés d’un partenariat avec Siemens mais pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion pour constituer ce que le Président de la République avait appelé « un Airbus des énergies renouvelables » ? N’a-t-on pas privilégié quelques artifices de présentation pour pouvoir dire qu’un drapeau bleu-blanc-rouge était planté partout où il y avait du nucléaire ? En réalité, les garanties obtenues sont très faibles par rapport aux mécanismes de marché. Cette histoire nous offre l’opportunité de redéfinir les priorités stratégiques du pays en nous interrogeant sur la place que doit y tenir l’atome.

Mme Jeanine Dubié. Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation exhaustive du dossier Alstom qui nous apporte des réponses à nos interrogations sur le rachat du pôle énergie et ses conséquences sur l’activité et les emplois du groupe, notamment en France.

Tout d’abord, je souhaiterais connaître votre position sur les relations entre Alstom Transport et ses sous-traitants. Comme je vous en ai informé, plusieurs sous-traitants historiques se disent victimes d’une importante pression sur les prix, dans le cadre du renouvellement des contrats commerciaux. Ce matin, le PDG d’Alstom nous assurait que le département transport de son groupe était dans une très bonne santé financière, qu’il venait de signer des contrats pour un montant de 27 milliards d’euros et que son carnet de commandes lui assurait cinq ans d’activité. Or, dans ma circonscription des Hautes-Pyrénées, soixante-quinze salariés des sociétés tarbaises Cegelec et Eiffage Industrie sont menacés par un plan social.

Le groupe Alstom, qui vient de signer l’un des plus gros contrats de son histoire et qui a bénéficié d’un sérieux coup de pouce de l’État en 2003, ne devrait-il pas faire preuve de responsabilité sociale et économique ? Pouvez-vous nous assurer que les services de l’État vont se mobiliser afin de sauvegarder ces emplois et assurer le reclassement de ces salariés ?

Je voudrais ensuite vous interroger sur la gouvernance des co-entreprises créées dans le cadre de l’alliance entre Alstom et General Electric. Votre prédécesseur, Arnaud Montebourg, nous avait expliqué qu’il avait choisi de faire entrer l’État à hauteur de 20 % dans le capital d’Alstom pour garantir cette alliance. Pouvez-vous nous préciser quel rôle jouera l’État dans la définition de la stratégie de ces trois co-entreprises ? Quelles sont les participations que l’État pourrait décider de céder à General Electric ?

M. Bruno Nestor Azerot. Tout d’abord, monsieur le ministre, je voulais vous remercier pour les réponses que vous nous apportez, et vous dire que je suis convaincu par nombre de vos arguments.

Le groupe General Electric s’est engagé à embaucher plus de 1 000 personnes dans sa branche énergie en France au cours des trois années à venir, et va ainsi demeurer en tête de ce secteur.

Mais le groupe Alstom est présent outre-mer, à Cuba, dans la Caraïbe où il a investi grâce à la garantie française de la COFACE. S’il devient américain, il sera lié par le blocus qui interdit le commerce avec Cuba. Quel seront alors les conséquences pour Alstom et les intérêts français dans ces régions ou pays ? Qu’en sera-t-il aussi de la localisation des activités d’énergies marines renouvelables, à laquelle nous tenons naturellement, dans les régions d’outre-mer de Martinique et de Guadeloupe ?

M. le président François Brottes. Dans votre brève intervention, j’ai entendu les échos de la voix de M. Chassaigne, le président du groupe France-Cuba. Je sais qu’il prépare activement son voyage à Cuba aux côtés du Président de la République.

M. Hervé Pellois. La semaine dernière, en compagnie du Premier ministre, vous avez rencontré Joe Kaeser, le PDG de Siemens. Dans un entretien accordé à un quotidien national, Joe Kaeser a tendu une nouvelle fois la main à Alstom : il se disait prêt à opérer un rapprochement entre les branches transport des deux groupes car il estime que cette alliance est vitale, nécessaire pour consolider ce secteur face à la concurrence mondiale. Pour votre part, vous estimez que ce rapprochement est difficilement envisageable. D’autres types d’alliance, comme ceux que l’on observe dans le secteur automobile, sont-ils possibles ? N’est-ce pas de cela que le PDG de Siemens voulait parler, et non de fusion ? Ne faudra-t-il pas aussi rediscuter des règles concurrentielles européennes qui semblent nous pénaliser par rapport au reste du monde, dans ce domaine comme dans celui du numérique ?

En juin 2014, votre prédécesseur assurait que l’entrée de l’État au capital d’Alstom coûterait zéro euro au contribuable français. L’État a vendu une partie du groupe Safran. D’autres cessions sont-elles envisagées ? Ces ventes sont-elles destinées à assurer la participation de Bouygues dans Alstom ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous faire le point sur l’enquête de l’Autorité des marchés financiers, initiée par votre prédécesseur, sur les variations du cours de bourse d’Alstom avant l’annonce de la vente à General Electric ? Rappelons que le cours d’Alstom avait connu une hausse accélérée quelques jours avant l’annonce de la vente, après avoir lourdement chuté deux mois auparavant à la suite d’une fausse alerte.

Quel sera le véritable effet de la golden share détenue par l’État dans la co-entreprise nucléaire lorsque l’EPR d’EDF-Areva sera face au tandem General Electric-Hitachi, soutenu par la diplomatie américaine, comme le présagent les appels d’offres en Pologne et en Arabie Saoudite ? Vous expliquez que l’État pourra toujours intervenir pour défendre la propriété intellectuelle d’Alstom, mais je doute qu’une entreprise française sous contrôle américain soit plus forte qu’Airbus ne l’a été sur le marché des avions ravitailleurs. Rappelons qu’Airbus avait décroché un contrat portant sur la livraison de 179 avions-citernes ravitailleurs aux États-Unis, mais que c’est Boeing qui a fini par emporter le marché après fait annuler le marché par la justice américaine… Et qui va s’assurer que la turbine Arabelle d’Alstom, considérée comme la meilleure au monde, sera proposée à EDF-Areva dans les mêmes conditions qu’au consortium General Electric-Hitachi ?

Il semble que le conseil d’administration et le comité exécutif d’Alstom n’aient pas été préalablement informés par le PDG des négociations portant sur la vente de plus des deux tiers de l’entreprise ? Envisagez-vous de renforcer la réglementation en matière de gouvernance des entreprises, en particulier de celles qui sont cotées ? Prévoyez-vous de modifier le régime des OPA, en abaissant de 75 % à 50 %, par exemple, le seuil nécessitant un mandat en assemblée générale pour négocier la vente d’actifs ? Enfin, la rémunération additionnelle du PDG à hauteur de 4 millions d’euros pour la vente de la majeure partie d’un groupe du CAC 40 vous apparaît-elle justifiée ? Le code signé par l’Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) vous paraît-il suffisant en matière de transparence des dirigeants d’entreprises cotées ?

Quel patron d’entreprise du CAC 40 le Président de la République pourra-t-il bien emmener dans ses voyages, dans quelques années ? Je me le demande. Il faudra bientôt que nos présidents de la République parlent couramment américain, japonais mais aussi arabe compte tenu des capitaux qui arrivent des Émirats… J’ai participé récemment à un déjeuner très intéressant sur l’endettement entre États et la pression que cela engendre, mais nous assistons aussi au pillage de notre savoir-faire. Je ne me réjouis pas de voir un groupe saoudien prendre 25 % du capital de Doux, ni d’entendre Toyota expliquer que la Yaris est la voiture la plus française qui soit.

M. le président François Brottes. Je me souviens de débats que nous avons eus sur le manque de pouvoir d’attraction de la France en matière d’investissements internationaux… Vous venez de faire la démonstration inverse.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ils achètent tout !

M. Yves Daniel. Actuellement, General Electric fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine à travers sa filiale Thermodyn du Creusot, et Alstom produit le reste, notamment les turbines du porte-avions Charles-de-Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d’engins. Après ce rachat, General Electric va donc avoir le monopole des livraisons à la marine française.

Par ailleurs, Alstom possède une filiale, certes modeste mais d’excellence, spécialisée dans le système de repérage par satellite, qui est installée dans plus de soixante-dix pays et qui équipe nos armées et des entreprises des secteurs de l’espace et de la défense. Grâce à ce rachat, General Electric récupère ce domaine éminemment stratégique car il concerne tous les échanges de données par satellite.

Au vu de tous ces éléments, le ministère de la défense a-t-il été amené à se prononcer sur ce dossier ? Comment s’assurer que nos intérêts militaires seront préservés ?

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je voulais revenir sur la méthode de votre prédécesseur, Arnaud Montebourg, qui avait choisi de publier, de façon un peu tonitruante et précipitée, ce décret du 14 mai 2014 visant à soumettre les investissements étrangers à un régime d’autorisation préalable. Ce décret a considérablement étendu le champ de protection de nos intérêts stratégiques à de nouveaux secteurs comme l’énergie, les communications électroniques, les transports, la santé publique, l’eau et plus généralement à tous les opérateurs d’importance vitale. Je fais partie des députés UMP qui ont applaudi cette initiative. Ce décret complète fort utilement celui qui avait été pris par Dominique de Villepin en 2005, et met notre législation à hauteur des standards internationaux en matière de protection des intérêts stratégiques.

Cela étant, je voulais vous poser trois questions. D’un point de vue économique et presque philosophique, vous que la presse décrit comme le tenant d’une approche plus libérale de l’économie, vous sentez-vous garant de la promesse de votre prédécesseur ? Vous sentez-vous capable d’utiliser dans d’autres affaires le pouvoir d’autorisation qui vous est donné par ce décret de mai 2014 ? Iriez-vous jusqu’à bloquer un investissement étranger qui menacerait des intérêts essentiels ?

Ma deuxième question est plus juridique. Pour définir les intérêts stratégiques dans notre droit, nous utilisons des notions un peu confuses et à chaque fois différentes. Dans le décret de 2014, il est ainsi question d’opérateurs « d’importance vitale » alors que le projet de loi qui porte votre nom fait référence aux « intérêts essentiels de la nation ». Ne pensez-vous pas qu’il serait utile d’unifier cette notion et d’en préciser le contenu une bonne fois pour toutes et ?

Enfin, comment s’élabore dans votre ministère, sur la base de ce nouveau décret de mai 2014, notre stratégie nationale de veille et de sauvegarde de nos secteurs stratégiques ? Quand on voit les difficultés rencontrées dans un domaine aussi important que l’énergie, on peut douter de notre capacité à voir venir les coups dans des secteurs jugés de moindre importance.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre, à l’évidence, il existe un décalage entre les informations que nous obtenons lors de nos auditions ou dans la presse et celles qui avaient été données en juin 2014 à notre commission, à l’occasion de la signature d’un accord qualifié d’équilibré entre Alstom et General Electric, qui prévoyait notamment la création de trois co-entreprises détenues à parité par les deux groupes. Il apparaît que la parité n’est plus de mise, ce qui pose un problème de souveraineté. Pour ma part, j’avais approuvé le choix du Gouvernement sur la base des informations données sur l’accord tripartite entre l’État, Alstom et General Electric. Comme je l’ai dit à M. Kron ce matin et aux dirigeants de General Electric cet après-midi, je me sens floué.

Cela étant dit, je voulais vous poser deux questions. La première concerne la prise de participation de d’État de 20 % dans le capital d’Alstom par le biais d’un rachat de titres au groupe Bouygues. Pourquoi avez-vous décidé de ne concrétiser cette opération qu’à l’issue de l’enquête ouverte par la Commission européenne sur les problèmes de concurrence que pourrait soulever la vente du pôle énergie d’Alstom à General Electric ? Est-ce à dire que l’Union européenne pourrait créer des difficultés ?

Deuxièmement, j’ai besoin d’être convaincu par les garanties obtenues en application de l’accord tripartite de juin dernier, d’autant plus que l’activité industrielle d’Alstom dans le domaine nucléaire, n’en déplaise à notre collègue Denis Baupin, est particulièrement importante pour l’avenir de la France et pour sa capacité à maîtriser une énergie bon marché. Je ne voudrais pas que les récents événements aboutissent à une mise en cause de notre souveraineté.

N’ayant pas la mémoire courte, je ne voudrais pas revivre ce qui s’est passé pour Péchiney en 2004 et pour Arcelor ensuite : ces entreprises, redressées au prix d’efforts consentis par la nation dans le cadre d’une nationalisation, possédaient des actifs majeurs et représentaient des atouts pour notre pays. Tous ces efforts se sont révélés vains compte tenu des décisions prises par la suite. Pour nous rassurer pleinement, le plus simple serait de rendre publics les accords conclus entre Alstom et General Electric. Pouvez-vous nous les communiquer ? Il me semble important de faire la clarté par les documents.

M. le président François Brottes. En 2004, il n’y avait pas la loi Florange sur les OPA hostiles, que vous avez contribué à élaborer, mon cher collègue. Elle aurait été très utile.

Monsieur le ministre, pouvez-vous réagir aussi aux critiques qui ont fusé à propos du dispositif de prêt de titres par Bouygues à l’État ? Nous aurons alors fait le tour des questions les plus sympathiques. M. Fasquelle avait oublié celle-là, mais je voulais lui montrer qu’une commission permanente peut mener un questionnement serré, au même titre qu’une commission d’enquête !

M. Emmanuel Macron. Madame Valter, pour vous répondre sur le rôle de l’État et la préservation des intérêts essentiels de la nation, je distinguerai deux cas : la gouvernance dans les co-entreprises qui concerne Alstom ; la partie nucléaire et la prise de participation au capital d’Alstom qui concernent l’État.

Dans toutes les co-entreprises, les conseils d’administrations seront paritaires, ce qui signifie que chaque groupe aura le même nombre d’administrateurs. S’agissant de la co-entreprise nucléaire, il y aura en plus un représentant de l’État pour surveiller et exercer les droits de vote. L’État aura en outre deux administrateurs au conseil d’Alstom grâce à l’accord avec Bouygues. Cette situation permet aux équilibres en termes de droits de vote de se traduire dans la gouvernance.

L’État pourra exercer, au sein de la co-entreprise dite GEAST, des droits spécifiques. Au titre de l’action de préférence de l’État, son représentant au conseil d’administration disposera des droits d’information et d’audit et des droits de veto sur les décisions stratégiques de la coentreprise. L’État sera donc en mesure de s’opposer à toute décision de fusion, de consolidation, de scission ou de réorganisation juridique significative de GEAST ou de l’une de ses filiales principales, hors opération intra-groupe, à toute décision qui serait de nature à mettre en péril l’intégrité et la continuité de fournitures de produits ou de services destinés aux réacteurs électronucléaires, à toute décision qui viserait à céder des actifs significatifs ou des branches d’activités, à toute décision de déplacer hors de France le centre de décision, les quartiers généraux, des activités significatives ou une partie significative du personnel, en particulier dans le domaine de la recherche et découverte (R & D), de la conception, de la fabrication, du marketing, de la vente des produits et services pour l’îlot conventionnel, à toute décision de résiliation ou de modification significative des droits de propriété intellectuelle accordés à GEAST pour la fourniture de produits et services pour les réacteurs nucléaires, ainsi qu’à toute modification de la feuille de route de R & D de GEAST.

Avec 20 %, l’État aura deux sièges au sein du conseil d’administration d’Alstom : c’est à la conclusion définitive des accords qu’il disposera des droits de vote de Bouygues. C’est la raison pour laquelle, monsieur Laurent, nous devons attendre les autorisations de Bruxelles. L’opération a été signée sous la réserve suspensive d’obtenir ces autorisations, notamment des autorités de la concurrence compétentes. Une fois ces autorisations obtenues, l’opération sera finalisée : Bouygues transférera à l’État ses droits de vote par le truchement de prêt de titres et celui-ci disposera, je le répète, de deux sièges au conseil d’administration. Le mécanisme que j’ai évoqué commencera alors à courir.

L’État pourra définir la nouvelle stratégie de transports – les investissements et les acquisitions éventuelles – et surveiller le développement de l’alliance entre General Electric et Alstom. Ses deux administrateurs seront présents dans l’entité faîtière qui aura 100 % du transport et aura la charge de représenter les intérêts d’Alstom dans toutes les coentreprises que nous avons mentionnées.

La position d’influence de l’État au conseil d’administration d’Alstom sera comparable à celle qu’il occupe aujourd’hui chez Safran ou Orange.

Le comité de pilotage nucléaire s’assure du respect des accords de pérennité signés avec EDF et Areva, du maintien des compétences et du respect du plan d’investissements en matière de R & D. Je le rappelle : l’ensemble des décisions sont prises par la co-entreprise. Nous avons de plus localisé une licence exclusive de toute la propriété intellectuelle de la partie nucléaire dans une société ad hoc, avec la possibilité, en vue de préserver les intérêts d’EDF et d’Areva, de recouvrer le plein exercice de la propriété intellectuelle si les accords n’étaient pas respectés par la co-entreprise. Ce mécanisme compliqué repose sur notre expérience, notamment les exemples que vous avez cités, monsieur Laurent et monsieur Fasquelle : il convient d’éviter que l’État ne soit floué en termes de propriété intellectuelle.

C’est la robustesse de ce dispositif que l’Agence des participations de l’État et la direction générale des entreprises ont pu certifier.

S’agissant de la sortie des trois coentreprises, des options à la main d’Alstom s’exerceront en 2018 et en 2019. Elles dépendront des décisions prises alors par l’entreprise. Notre souhait, aujourd’hui, est qu’Alstom reste au capital de ces coentreprises. L’État sera capable, une fois l’opération actuelle finalisée et dans le respect du droit boursier encadré par l’AMF, de garantir de manière pérenne sa présence au sein d’Alstom et la stabilité des structures de l’entreprise.

Monsieur Fasquelle, on peut avoir envie de refaire l’histoire. Votre commission a, ce matin, auditionné M. Kron : il vous a expliqué mieux que je ne pourrais le faire la difficulté dans laquelle se trouvait Alstom. C’est d’ailleurs parce que ce constat nous préoccupait que nous avions demandé nous-mêmes quelques mois plus tôt à Roland Berger un rapport sur la situation de l’entreprise. Notre critique porte sur le fait que, alors même que l’État avait engagé une réflexion stratégique et fait montre de sa volonté de travailler avec le dirigeant et ses actionnaires, celui-ci a mené dans le dos de l’État une opération qui n’était pas optimale en termes d’intérêts stratégiques. C’est ce qui nous a du reste conduits à modifier, monsieur Olivier Marleix, le décret de 2005, qui ne couvrait pas le champ de l’énergie. Je ne fais aucun reproche aux auteurs de ce décret : à l’époque, les échanges avec la Communauté européenne avaient conduit à exclure un grand nombre de domaines. L’analyse juridique que nous avons effectuée en mai 2014 s’est faite à la lumière de l’expérience italienne afin d’élargir au maximum le périmètre de ce décret. Si le décret de 2005 sur les investissements étrangers en France avait compris le secteur de l’énergie, il est évident qu’Alstom n’aurait pu mener une telle opération sans en référer aux pouvoirs publics. Je regrette donc à titre personnel la décision aussi bien de la direction générale que des actionnaires de ne pas informer les pouvoirs publics des négociations engagées.

Il n’est pas possible de se substituer aux dirigeants d’une entreprise, a fortiori lorsque l’État n’est pas au capital de ladite entreprise. L’expérience a du reste montré que l’État peut commettre, lui aussi, des erreurs particulièrement graves même lorsqu’il est majoritaire. Sachons raison garder. Entre mai 2012 et avril 2014, aucun professionnel n’est venu nous expliquer qu’Alstom courait à la catastrophe, même si la santé financière de l’entreprise n’était pas de nature à nous rassurer. Notre analyse, comme celle de Roland Berger, conduisait à la nécessité pour Alstom de trouver un partenariat, en raison même de l’effondrement du marché européen, dont dépend l’essentiel de son activité : elle vend dix turbines à gaz par an contre 150 pour General Electric. Il faut également compter avec le déferlement des acteurs asiatiques sur le marché. La situation d’Alstom n’était pas pérenne. La première erreur fut de faire entrer et de garder au capital Bouygues comme actionnaire de référence, alors même que cette entreprise n’était pas adaptée pour se substituer à l’État au capital d’Alstom : elle n’a jamais voulu réinvestir, ce qui nous a conduits, du reste, à demander à Roland Berger ce rapport. La seconde tient dans l’échec de la direction générale à conclure des partenariats avec de grands groupes émergents, ce qui aurait permis à Alstom de rebondir. J’ose espérer qu’elle a tenté cette voie – M. Kron me l’a affirmé –, qui aurait dû être empruntée bien avant 2012.

D’autres solutions étaient-elles envisageables ? « Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées », aimait à rappeler un grand ancien. Les solutions que vous avez présentées comme des alternatives françaises n’existaient pas, qu’il s’agisse de DCNS ou d’Areva. Au vu de leur situation actuelle, quel aurait pu être leur schéma industriel ? Aucune de ces entreprises n’était en mesure d’opérer sur l’intégralité de la branche énergie d’Alstom. Nous les avons d’ailleurs sollicitées, aux côtés d’EDF, de Safran et de Thales : aucune n’a été intéressée. La réalité opérationnelle dans laquelle évoluent ces entreprises est celle d’une concurrence internationale effrénée. Ces grands champions sont nés alors que la France développait son parc nucléaire, ce qui n’est plus le cas. Depuis cette période, de grands acteurs internationaux ont surgi, notamment chinois ou américains. Les acteurs français ont à faire face à une concurrence qui n’existait pas il y a encore seulement dix ans. Aucun d’entre eux n’était donc en situation de mettre en place un schéma industriel incluant Alstom.

Prendre davantage de temps aurait été une véritable erreur industrielle en raison à la fois de la faiblesse de l’entreprise sur le marché des turbines, qui n’offrait plus de perspectives au-delà d’un an, et de la nature même de ce marché. Nous avons interrogé l’ensemble des clients d’Alstom – Siemens et Mitsubishi vous le diront : compte tenu des incertitudes pesant sur l’entreprise, ils s’interrogeaient sur sa capacité à livrer les centrales et à en opérer les services adjacents. De telles incertitudes ont pour effet d’assécher les commandes tout en comportant des risques de dénonciation des commandes en cours. Voulions-nous tuer la branche énergie d’Alstom ? Nous avons été collectivement mis devant le fait accompli. Je le répète : compte tenu de la situation du marché, nous ne disposions pas de temps supplémentaire.

S’agissant de l’enquête de la justice américaine, j’ai posé la question de manière très directe à M. Kron. À titre personnel, en effet, j’étais moi-même persuadé du lien de cause à effet entre cette enquête et la décision de M. Kron, mais nous n’avons aucune preuve. M. Kron m’a assuré que cette procédure n’avait eu aucune influence. Je ne dirai pas que ma conviction intime ne rejoint pas la vôtre sur certaines de vos interrogations, mais, je le répète, nous n’avons aucun moyen de l’établir. Tous les pays ont des législations contre la corruption – c’est une obligation de l’OCDE : des procédures ciblant de nombreuses entreprises sont en cours dans de nombreux pays. Le consensus qui s’est forgé au sein tant des partenaires sociaux d’Alstom que du conseil d’administration m’a conduit à relativiser l’impact de cet élément. Il est indispensable que les entreprises françaises soient, à l’étranger, très vigilantes sur leurs pratiques en étant moteurs de la lutte contre la corruption. La justice française a parfois condamné des dirigeants étrangers dans des cas comparables. Les États-Unis sont un partenaire régulier de la France et nous opérons de manière régulière sur leur territoire. Il ne m’appartient pas de commenter une décision de la justice américaine. J’ignore si cette enquête a eu un poids psychologique sur la décision de M. Kron. Le respect mutuel que la France et les États-Unis se portent nous conduit à refuser de croire à une manipulation américaine par le truchement d’une décision de justice.

Il convient en revanche de mieux protéger nos entreprises, qu’il s’agisse du secret des affaires ou de leur protection légale. C’est un véritable chantier : je souhaite que nous remettions collectivement sur le métier l’ouvrage préparé par plusieurs parlementaires. C’est absolument nécessaire pour les grandes entreprises françaises.

Monsieur Baupin, s’agissant du nucléaire, les turbines installées en France ont été fabriquées par Alstom. À l’export, des turbines Siemens et Mitsubishi Heavy Industries font partie de projets Areva. De plus, Alstom n’exporte pas seulement dans le cadre de projets conduits par Areva ou EDF. L’architecture du nucléaire est donc plus ouverte et plus compliquée que celle que vous avez dessinée.

Le Gouvernement a par ailleurs conduit General Electric à relocaliser des activités et des centres de décision dans le secteur des énergies renouvelables. S’agissant plus particulièrement de l’éolien en mer, celui-ci a bénéficié de deux leviers importants : un marché national significatif et une stratégie industrielle globale avec la participation des acteurs sur toute la chaîne du marché. Nous voulons continuer en ce sens. C’est à cette fin que nous avons consolidé un des acteurs, à savoir Alstom. Areva, de son côté, souhaite également restructurer cette part de son activité. La politique du Gouvernement tend à une conservation des activités françaises dans ce secteur.

Madame Dubié, vous avez évoqué les difficultés de Eiffage Énergie, qui a perdu un contrat de sous-traitance majeur sur le site d’Alstom à Tarbes, et de deux sites, filiales de Cegelec, du groupe Vinci, menacés par le retrait d’Alstom. J’ai déjà saisi les services de l’État. Ces entreprises sont des filiales de grands groupes en bonne santé financière, qui doivent prendre leurs responsabilités. Des discussions doivent être menées entre le client Alstom et ses fournisseurs et sous-traitants pour limiter l’impact des décisions prises sur l’activité et la pérennité de ces sites. Alstom-Tarbes a d’ailleurs déclaré que ses activités sur ses sites de chaudronnerie et de câblage étaient stratégiques dans la mise au point des prototypes. Alstom suit donc de près le dossier et nous suivrons, nous aussi, scrupuleusement l’évolution des discussions pour éviter que l’opération concernant le rachat d’Alstom n’ait des conséquences injustifiées sur les sous-traitants. Les grands groupes ne doivent pas se désengager de leurs responsabilités à l’égard de leurs filiales sous-traitantes.

Je tiens par ailleurs à rappeler l’importance du marché français du ferroviaire pour Alstom Transport et ses 5 000 sous-traitants : 20 % du chiffre d’affaires ferroviaire du groupe est réalisé en France. Trois projets importants sont attendus : TGV du futur, RER NG et TER et trains d’équilibre du territoire (TET). Il faut savoir que, pour un emploi chez Alstom, il y a trois emplois chez ses sous-traitants. Nous serons assurément vigilants en termes de commandes publiques, mais notre objectif est de renforcer la compétitivité d’Alstom Transport à l’international, là où résident les vraies capacités de développement.

Monsieur Azerot, vous m’avez interrogé sur la sécurisation de l’approvisionnement électrique de Cuba. Alstom est présent à Cuba, grâce à la garantie apportée par la COFACE, depuis la construction de la centrale thermique de Matanzas en 1985, qui est la plus importante de l’île et qui peut représenter, selon les saisons, jusqu’à 20 % de la consommation électrique du pays. Des solutions sont sur le point d’être finalisées pour garantir la continuité du fonctionnement de cette centrale. La société française Devexport, qui assure depuis une quinzaine d’années la fourniture d’équipements et de matériels destinés à la centrale, devrait coordonner les activités de maintenance après le 30 juin, à la tête d’un consortium qui pourrait regrouper notamment les français CNIM Babcock Services, Jeumont Electric et Sulzer Pompes, ainsi que le roumain General Turbo. Des accords sont en voie de finalisation avec Alstom sur la propriété intellectuelle, les pièces de rechanges et les logiciels. L’objectif est de préserver la capacité de production énergétique de la centrale thermique dont la maintenance est à ce jour assurée par Alstom. Les services du ministère de l’économie sont mobilisés : ils ont reçu le 11 décembre 2014 des représentants cubains.

C’est vrai que le Gouvernement a longtemps envisagé une alliance entre Siemens et Alstom – M. Baupin a évoqué l’Airbus du renouvelable : or non seulement Siemens n’a pas été en mesure de fournir une offre engageante, mais c’est le groupe allemand lui-même qui s’est tourné vers Mitsubishi pour édifier un partenariat où le groupe japonais devenait dominant. C’est la preuve de l’incapacité de Siemens à trouver un consensus en son sein. De fait, un partenariat Alstom-Siemens ne faisait qu’additionner les difficultés – les conclusions du rapport de M. Berger allaient en ce sens – en surconcentrant les problèmes au plan européen. De plus, l’impact social d’un tel rapprochement aurait été critique avec un grand nombre de suppressions d’emploi à la clé. Enfin, les cultures d’entreprises de ces deux concurrents – cette dimension psychologique a son importance – étaient fondées sur un fort antagonisme. On ne peut pas forcer un mariage. Le rapprochement était impossible, outre qu’il n’était pas vraiment désiré par Siemens.

S’agissant de l’éolien en mer, un tel rapprochement aurait déstabilisé le schéma industriel français, du fait que Siemens possède déjà ses usines en Allemagne : les positions concurrentielles des deux partenaires auraient eu des conséquences négatives sur l’emploi.

Si je suis favorable au rapprochement franco-allemand dans le cadre de partenariats stratégiques, il ne faut pas se cacher les difficultés d’un partenariat entre deux entreprises qui se sont développées en concurrence parallèle sur chacun de leurs secteurs.

Monsieur Taugourdeau, je tiens à rappeler que l’AMF est une autorité administrative indépendante ; elle a suspendu le titre Alstom durant une journée après la fuite des informations sur le rapprochement d’Alstom et de General Electric et l’aveu de la direction générale de l’entreprise sur une offre de GE – l’impact à la hausse de cette fuite sur le cours d’Alstom avait été majeur. Cette décision de l’AMF a été prorogée plusieurs jours, avant que le titre ne soit de nouveau coté en dépit de la poursuite de la discussion. Mon prédécesseur, par souci de transparence, avait mandaté M. Prada, ancien président de l’AMF, pour surveiller, en tant que personnalité qualifiée et indépendante, l’équité du processus.

Durant les discussions entre Alstom et General Electric, notre inquiétude portait sur la pérennité de la production des turbines Arabelle et, par voie de conséquence, sur celle de la politique d’exportation d’Areva et d’EDF. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu le montage compliqué que j’ai déjà évoqué – parité des droits de vote et présence d’un représentant de l’État. Seule la coentreprise est habilitée à prendre des décisions en matière de turbines nucléaires. General Electric n’est donc pas en situation de bloquer les décisions industrielles et opérationnelles. Le groupe américain ne peut non plus exercer aucune pression en matière de propriété intellectuelle. En cas d’antijeu mené par General Electric, nous pourrions activer les accords de pérennité et donc récupérer la licence exclusive de la propriété intellectuelle au bénéfice d’Areva et d’EDF. Tel est le double pare-feu que nous avons mis en place pour prévenir toute tentation.

L’information du conseil d’administration est de la responsabilité des dirigeants. Le projet a été défendu par les actionnaires. Si l’État n’avait pas exercé une pression très forte dès les premiers jours, le conseil d’administration d’Alstom aurait émis un avis favorable à l’opération et tout aurait pu être finalisé le lundi. Si je n’ai pas la preuve que les membres du conseil d’administration ont été informés avant le Gouvernement, je crois toutefois qu’ils l’ont bien été.

Quant à la prime de 4 millions d’euros qu’a reçue M. Kron pour avoir mené cette opération, elle peut faire l’objet de prises de position morales et politiques. Faut-il légiférer ? Le code AFEP-MEDEF est-il suffisant ? Rien n’interdit à des actionnaires de récompenser un dirigeant par un bonus exceptionnel s’ils considèrent qu’il a bien travaillé. Manifestement, les actionnaires d’Alstom sont contents de cette opération, mais à titre personnel, je ne la considère pas comme une grande victoire. Nous n’avons pas été en mesure de démontrer qu’il était possible de réaliser une opération plus intelligente. M. Kron a redressé cette entreprise : c’est un fait. Il faut lui rendre ce mérite. Fort de son expérience et de sa connaissance du secteur, il affirme n’avoir pas eu d’autre option pour éviter à l’entreprise de se retrouver dans la situation de stress financier qui était la sienne il y a dix ans. Il en a manifestement convaincu son conseil d’administration : d’où le bonus qu’il a touché. Reste que, sur le plan politique et moral, nous ne saurions nous satisfaire d’un tel comportement, qui est contraire à la pédagogie que nous voulons promouvoir dans la vie des affaires et aux principes éthiques que les grandes entreprises doivent respecter, d’autant qu’il n’est ni possible ni souhaitable de légiférer sur tout.

Vous m’avez également interrogé sur le CAC40 et les investissements étrangers. Notre politique vise à renforcer notre attractivité notamment en améliorant les dispositifs fiscaux et d’installation des grands groupes. Nous travaillons sur deux axes complémentaires : attirer les grands investissements et inciter nos grandes entreprises à maintenir leurs centres de décisions en France. Le défi que notre pays a à relever est le suivant : comme nos grandes entreprises, depuis quinze ans, se sont largement développées à l’international, elles ont parallèlement réduit leur part commerciale sur le territoire français. Nous devons, via notamment des dispositions législatives adéquates, la qualité de notre environnement social, économique et financier et une forme d’éthique collective, les maintenir sur le territoire français. Cette responsabilité collective implique une grande cohérence de tous les décideurs politiques et économiques.

S’agissant des contrats signés avec le ministère de la défense relatifs aux turbines, des engagements de continuité des activités ont été pris dans le cadre de la procédure relative aux investissements étrangers en France, qui prévoient des contrats de maintenance avec DCNS pour certains équipements du Charles-de-Gaulle et des sous-marins nucléaires, bien qu’aucun n’ait été jugé critique par le ministère de la défense, ainsi que des contrats de maintenance avec Thales-Alenia Space pour les systèmes de positionnement d’antennes satellite. Le principe de continuité de ces activités a donc été consacré et l’intégralité de nos positions sur ce point protégée.

Monsieur Olivier Marleix, je partage comme vous l’esprit du décret qui a été pris par mon prédécesseur au printemps 2014 : M. Montebourg et moi-même avons travaillé de concert sur cette opération. Je ne sais si la forme de libéralisme que l’on m’attribue est un compliment ou un reproche : tout dépend, je suppose, et de la personne qui me l’attribue et du contexte. Ce que je crois, c’est qu’on crée de l’emploi et de l’investissement avec les entreprises. Attirer les investissements tant français et qu’étrangers est donc une bonne chose. Toutefois, être attractif et être compétitif ne signifie pas être ouvert à tous les vents. C’est pourquoi nous devons être capables de bloquer des opérations qui porteraient atteinte à notre souveraineté nationale ou à nos intérêts, à la fois en recourant à des dispositifs réglementaires et en donnant à l’État, via notamment la Caisse des dépôts, la possibilité de coordonner une stratégie d’influence et de présence actionnariales minimales au capital des grandes entreprises stratégiques, qui sont sensibles en termes d’emploi, de R & D et donc de souveraineté économique.

Les intérêts essentiels de la nation, tels que définis par le Conseil constitutionnel, ont été pris en considération, par voie d’un amendement déposé par Mme Valter, dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le décret de 2014 définit, quant à lui, de manière plus spécifique les secteurs dans lesquels les intérêts de souveraineté de l’État pourraient être mis en cause. Ce distinguo doit être opéré, du fait que les intérêts essentiels de la nation peuvent concerner tous les secteurs : ils visent la préservation des intérêts stratégiques patrimoniaux de l’État.

Enfin, la direction générale des entreprises, l’Agence des participations de l’État et le Trésor s’impliquent aujourd’hui fortement dans la stratégie de veille et de sauvegarde. J’ai demandé à ces trois administrations de mettre en place une force opérationnelle assurant une veille sur les entreprises stratégiques, plus large que le décret IEF. Il convient d’assurer les fonctions, d’une part, de veille stratégique économique et, d’autre part, d’intelligence économique, qui sont complémentaires – la fonction d’intelligence économique, structurée à Matignon, est en voie de renforcement. Je suis prêt à revenir devant votre commission pour débattre plus longuement de ces sujets, auxquels nous avons tous insuffisamment travaillé jusqu’à présent – peut-être parce que la tradition française nous conduisait à faire cette impasse. Il faut renforcer nos dispositifs en la matière.

M. le président François Brottes. Si un pôle d’intelligence économique a été créé à Matignon, c’est parce que la commission des affaires économiques, après avoir auditionné Mme Revel, a exercé une amicale pression en ce sens sur M. Ayrault, alors Premier ministre. Nous sommes très attachés à la nécessité d’exercer une telle vigilance.

M. le ministre. Vous avez raison de le rappeler.

Monsieur Laurent, je prends d’autant plus acte de la gravité de vos propos que nous partageons le même souci de préservation du tissu industriel français et de défense de notre souveraineté économique, notamment en matière nucléaire. Si vous vous sentez floué, je ferai tout pour vous ôter cette impression. J’ai relu les interventions de M. Montebourg : je peux vous assurer que la signature du mois de juin a été intégralement respectée. Nous n’avons accepté aucune concession. Nous avons même obtenu davantage de General Electric entre juin et septembre.

S’agissant du contenu des accords, les documents de l’assemblée générale d’Alstom ont déjà été rendus publics. Pour éviter tout malentendu et par souci de transparence, nous souhaitons répondre favorablement à votre demande, dans la mesure où elle est compatible avec les clauses de confidentialité entre parties privées contenues dans les accords. Je ne peux pas aujourd’hui rendre publique la totalité des accords qui ont été signés. Je pense pouvoir en revanche m’engager à ce que vous soit remis, à vous parlementaires, sous le sceau du secret, une synthèse détaillée de l’ensemble des accords. Les services juridiques du ministère vont étudier la question dans les prochaines heures.

M. le président François Brottes. Il est possible d’organiser une réunion spécifique au cours de laquelle les membres de la commission pourront consulter les documents sur place, sans possibilité de les copier. La commission des affaires économiques a déjà organisé de telles réunions, qui ont le double avantage de permettre la transmission de l’information tout en garantissant sa confidentialité.

M. le ministre. Mes services vont étudier la question. Il faudra garantir aux parties privées, dont il conviendra d’obtenir l’autorisation préalable, la confidentialité de la synthèse détaillée qui sera remise aux parlementaires.

Votre proposition est à étudier, monsieur le président.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous nous avez apportées.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 mars 2015 à 18 h 15

Présents. – Bruno Nestor Azerot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Grellier, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Pascale Got, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. – M. Éric Alauzet, M. Alain Marleix