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Commission des affaires économiques

Mardi 7 avril 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 48

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange

La commission a auditionné M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer les cinq membres de notre commission qui ont été élus présidents de leur conseil départemental : MM. Damien Abad pour l’Ain, Kléber Mesquida pour l’Hérault, Germinal Peiro pour la Dordogne, François Sauvadet pour la Côte-d’Or et Éric Straumann pour le Haut-Rhin. Je les félicite chaleureusement.

Monsieur Richard, c’est la deuxième fois que vous venez devant la commission des affaires économiques sous cette législature : la première, c’était le 11 juillet 2012, à l’époque du plan offensif « Conquêtes 2015 ». Vous avez lancé un nouveau plan : « Essentiels2020. » Aurons-nous demain un plan « Fondamental 2030 » ? Depuis 2012, le secteur des télécommunications est en pleine réorganisation : certains acteurs ont été mangés, d’autres ont réussi à échapper à ce destin. Outre le déploiement de la fibre optique, dont on parle depuis des décennies et auquel Orange n’est pas le dernier opérateur à consacrer des efforts, l’actualité, c’est l’obligation qui sera bientôt faite aux opérateurs de desservir les zones blanches en téléphonie mobile : quelle sera votre politique en la matière ?

Orange est une des plus grandes et des plus belles entreprises françaises, avec 101 000 salariés en France, dont un bon nombre ont toujours le statut de fonctionnaires, et 161 000 dans le monde. Si votre chiffre d’affaires, comparable à celui de 2013, s’élève à 39,445 milliards d’euros, il est en baisse de 2,5 %, quand les investissements sont en augmentation. Quant au résultat net, il est en diminution de 908 millions d’euros par rapport à 2013. Enfin, la dette nette diminue de 4,636 milliards en 2014.

Le rapport Champsaur sur la transition vers les réseaux à très haut débit nous annonce également la fin programmée du réseau en cuivre dont vous avez le monopole : est-ce vraiment une bonne idée ? Quelles sont les perspectives de remplacement ?

Le projet de loi sur le renseignement n’est pas sans concerner les opérateurs téléphoniques : de quelle façon appréhendez-vous ce texte ?

Je regrette la fin de la Fédération française des télécoms, qui avait l’immense avantage d’être l’interlocuteur interprofessionnel des pouvoirs publics. Bouygues et Orange en sont les derniers membres, puisque les autres opérateurs l’ont quittée. Je n’ai pas manqué de dire aux représentants de ces derniers que l’existence d’une interprofession est nécessaire en raison de l’existence de problèmes d’ordre interprofessionnel. D’ailleurs, toutes les interprofessions sont organisées : il serait étrange que celle des télécommunications et du numérique au sens large ne le soit pas.

La mise sous scellés des locaux de Numericable-SFR par l’Autorité de la concurrence est un événement considérable : quel commentaire vous inspire-t-il ? Je comprendrais fort bien que vous ne souhaitiez pas vous exprimer sur le sujet. Je tiens simplement à préciser que nous avons reçu de nombreux courriers des fournisseurs de M. Drahi, le directeur de Numericable, qui se plaignaient des comportements de cette société, que ce soit à Saint-Denis de La Réunion ou à Champs-sur-Marne.

Mme Erhel et moi-même avons veillé à ce que la question de l’itinérance et de la mutualisation ne soit jamais traitée au détriment du déploiement des infrastructures. Vous êtes un acteur important à la fois du déploiement des réseaux et des accords d’itinérance.

Enfin, quid de la vente de Dailymotion ? Vous sortez d’un conseil d’administration d’Orange consacré à la question. Je rappelle que Dailymotion est une des réussites à vocation mondiale de votre groupe : je tiens à la saluer. Nous sommes naturellement très attentifs à la manière dont cette société pourra continuer de se développer à travers le monde.

M. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler d’Orange, qui est une belle entreprise française que je suis très fier de piloter depuis cinq ans. Elle est au cœur de la révolution digitale, cette lame de fond qui, via l’explosion des usages, bouleverse la vie sociale et économique. Orange entend jouer un rôle central dans cette révolution numérique qui peut être pour la France une véritable opportunité : notre pays dispose en effet d’atouts importants. Le souhait le plus cher d’Orange est d’être le fer de lance, pour les entreprises françaises, de ce mouvement vers le numérique, lequel a, assurément, de nombreux avantages, mais présente également des risques en termes de cybersécurité.

Vous avez évoqué, monsieur le président, le plan « Essentiels2020 », que j’ai lancé il y a quinze jours : ce plan exprime la vision d’Orange à l’horizon 2020 dans le contexte de la révolution numérique. En effet, comme beaucoup, nous pensons que le numérique s’imposera de plus en plus dans la vie quotidienne et l’économie : il est sur le point de gagner de larges secteurs de la vie collective. Nos compatriotes consultent déjà aujourd’hui leur smartphone quelque 150 fois par jour en y passant deux heures trente. Les foyers sont équipés en moyenne de six écrans connectés – smartphones, tablettes, ordinateurs et télévisions : ce chiffre fera plus que doubler pour atteindre treize écrans en 2020. En 2000, on prenait dans le monde 1 milliard de photographies par an : on en prend aujourd’hui 1 milliard par jour, lesquelles sont massivement partagées sur les réseaux sociaux – 250 000 sont échangées sur Facebook par minute. Cette révolution des usages est encore appelée à s’amplifier. Le plan « Essentiels2020 » nous permet de préciser le rôle que nous souhaitons jouer dans le monde numérique et d’annoncer nos priorités en la matière.

Notre objectif est, grâce à la qualité de l’expérience digitale que nous offrons à nos utilisateurs, de faire la différence non seulement avec tous les opérateurs télécoms, mais également avec tous les autres acteurs du monde numérique, notamment les grands acteurs d’internet. Rendre, dans la compétition très intense à laquelle nous devons faire face, notre expérience incomparable avec celle de tous les autres acteurs : tel est notre objectif. À cette fin, nous souhaitons faire nôtre le point de vue de l’utilisateur. Historiquement, nous avons été une entreprise qui développait ses technologies et les mettait à la disposition du public. Aujourd’hui, nous souhaitons renverser cette logique en nous mettant à la place de l’utilisateur, pour, à la fois, connaître ses attentes et comprendre sa propre perception des qualités et des défauts de notre démarche. Ce renversement de logique est la pierre angulaire de nos projets.

Notre plan comporte cinq volets.

Le premier vise à favoriser le développement de la connectivité comme condition de la révolution numérique, via un investissement de 15 milliards d’euros dans nos réseaux d’ici à 2018. En mettant l’accent sur le très haut débit, nous avons pour objectif de nous démarquer par la qualité de la connectivité que nous offrirons en tout lieu et à n’importe quel moment à tous nos utilisateurs, particuliers et entreprises. S’agissant du très haut débit mobile, la France occupe la première place en matière de 4G LTE : elle possède le plus grand nombre d’antennes et 75 % de son territoire est couvert. Nous préparons déjà la 5G. Nous avons également décidé d’investir massivement dans le développement de la fibre : elle représentera le tiers des investissements prévus d’ici à 2018. À la fin de 2014, 3,5 millions de foyers français étaient raccordables à la fibre via Orange : 12 millions le seront à la fin de 2018 et 20 millions en 2022 – l’échéance fixée par le Président de la République pour le plan France Très Haut Débit. Ces chiffres comprennent à la fois les investissements d’Orange et les co-investissements auxquels Orange participe.

Le deuxième volet concerne l’amélioration de la relation d’Orange avec sa clientèle. Il est en effet essentiel pour nous d’assurer à tous nos clients, notamment aux entreprises, un parcours cohérent et de qualité de bout en bout. C’est pourquoi nous menons une réflexion sur l’omnicanalité : le numérique prenant en effet une part de plus en plus importante dans les relations avec nos clients, nous devons nous montrer capables de leur offrir un parcours unique et cohérent quel que soit le canal emprunté : physique – les boutiques –, téléphonique ou numérique. Notre ambition est de modifier profondément la distribution de nos boutiques dans le cadre du programme Smart Store, qui vise à créer une nouvelle génération de mégastores : il s’agira de très grands points de vente de l’ordre de 1 000 mètres carrés. Le premier ouvrira à Paris dans les prochaines semaines.

Le troisième volet concerne les ressources humaines. Orange emploie quelque 100 000 salariés en France, dont 60 000 ont le statut de fonctionnaires : or la moitié d’entre eux quittera l’entreprise d’ici à 2020, compte tenu du caractère particulier de la pyramide des âges du groupe. Nous souhaitons réussir la transition des générations et renouveler les compétences, dans un cadre économique contraint du fait de la concurrence très sévère qui règne dans le secteur. Les prix de la téléphonie mobile ont baissé en France de plus de 40 % au cours des trois dernières années – c’est le seul service collectif qui a vu ses prix diminuer de manière aussi importante. Faire face aux chocs de marché tout en investissant massivement dans les réseaux est un véritable défi. C’est pourquoi nous mettrons l’accent sur la formation, notamment au numérique, de nos collaborateurs.

Le quatrième levier vise plus particulièrement le monde de l’entreprise : Orange est en effet un partenaire important tant des PME que des multinationales et entend bien le rester en accompagnant toutes les entreprises dans la transformation au numérique, qui représente pour elles un défi, quelle que soit leur activité. Est-il nécessaire de mentionner le secteur des taxis ou celui de l’hôtellerie ? Le site internet Airbnb deviendra cette année la première chaîne hôtelière du monde. Toutes les activités de grande consommation sont confrontées au défi du numérique. Notre grande expertise dans le domaine nous permet d’être pour les entreprises un partenaire de confiance. Nous mettrons l’accent sur la sécurité, Orange disposant de 1 000 experts en cybersécurité.

Le cinquième et dernier volet concerne deux relais de croissance, c’est-à-dire des activités, nouvelles pour nous, qui sont toutefois en adhérence forte avec notre cœur de métier : opérateur de connectivité. Le premier relais vise les objets connectés, qui déferleront bientôt dans notre vie quotidienne. On estime à au moins 25 milliards le nombre d’objets connectés au réseau en 2020, notamment dans les domaines de la domotique, de la santé et du bien-être ou de l’automobile. Notre ambition en la matière, outre la distribution de ces objets, est de proposer aux entreprises intéressées des plateformes d’échanges et de valoriser les données obtenues. Notre deuxième relais de croissance est le mobile banking, à savoir l’exécution d’opérations bancaires via des appareils mobiles : le groupe Orange est très présent en Afrique sur ce secteur, puisque 13 millions de personnes utilisent chaque jour Orange Money, notre service de paiement sur mobile. Nous devenons la banque de l’Afrique. Nous voulons amplifier notre succès en Afrique et aux Proche et Moyen Orients, où nous avons 100 millions de clients. Orange est une des plus importantes entreprises françaises sur le continent africain. Nos clients sont plus nombreux en Égypte qu’en France.

Nous souhaitons également développer le mobile banking en Europe, avec des partenaires issus des banques. Nous avons déjà commencé à le faire en Pologne, en lançant un service plus étoffé en termes de fonctionnalités, et nous apprêtons à en lancer un en France et en Espagne.

Orange a par ailleurs vocation à contribuer à l’innovation dans le numérique en France et à encourager le développement de jeunes pousses dans le cadre non seulement d’investissements financiers, mais également d’un accompagnement direct, ce qu’on appelle l’incubation, qui comprend l’hébergement dans nos locaux. Orange s’est fixé pour objectif d’accompagner 500 jeunes pousses en France d’ici à 2018.

M. le président François Brottes. Le groupe Orange sera-t-il candidat à l’attribution de la bande des 700 mégahertz (MHz) ?

M. Stéphane Richard. C’est une bonne nouvelle pour le secteur des télécoms que le Gouvernement ait décidé d’allouer la bande des 700 MHz à notre secteur. Il faut savoir en effet que le trafic de données sur les réseaux mobiles double en volume tous les dix-huit mois en raison de la pénétration des smartphones, de l’arrivée des tablettes et du développement des usages, que j’ai déjà évoqué. Nos infrastructures doivent être en mesure d’accompagner cette révolution. C’est la raison pour laquelle Orange sera candidat à l’acquisition de ces fréquences. Nous espérons que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) établira des règles équitables pour tous – je tiens à faire passer ce message à la représentation nationale : en effet, ce n’est pas parce que, il y a deux ou trois ans, des opérateurs ont choisi de ne pas se porter candidat à l’appel d’offres sur la bande des 800 MHz – des fréquences basses qui ont un grand intérêt – qu’il faudrait leur consentir aujourd’hui un avantage particulier. Je ne pense pas être le seul de la profession à penser cela. Pour peu que les conditions soient équitables, Orange participera aux enchères sur la bande des 700 MHz en vue d’obtenir, comme le groupe l’a toujours tenté, la plus belle partie du spectre.

M. le président François Brottes. Le ministère chargé du budget attend sans aucun doute cette enchère avec impatience.

M. Stéphane Richard. Cette impatience fait partie de nos motivations, parce que la destination des fonds est évidemment un sujet d’intérêt général.

Vous le savez, je sors à l’instant d’un conseil d’administration d’Orange qui a approuvé à une très large majorité l’offre de Vivendi visant à faire de ce groupe l’actionnaire majoritaire de Dailymotion – nous resterons à ses côtés.

Je tiens à rappeler qu’Orange est entré au capital de Dailymotion en 2011 en y prenant 49 % du capital, à un moment où cette plateforme ne suscitait l’intérêt de personne – cela a changé ! Nous y sommes entrés de nous-mêmes, en prenant la place notamment du Fonds stratégique d’investissement, devenu depuis la Banque publique d’investissement. Notre objectif – nous l’avons toujours proclamé – était d’accompagner le développement de Dailymotion et de créer des synergies entre Dailymotion et Orange : nous voulions rester un simple partenaire, sans avoir jamais eu l’ambition de devenir l’actionnaire unique de la plateforme. Il se trouve qu’en 2013 tous nos partenaires, qui étaient des fonds, ont décidé de se retirer. C’est la seule raison pour laquelle nous avons pris alors le contrôle à 100 % de Dailymotion : il fallait assurer la pérennité de la plateforme.

Nous avons toujours affirmé vouloir à la fois rester un actionnaire influent de la société et l’adosser à un partenaire susceptible de lui apporter de meilleures conditions de développement qu’Orange, qu’il s’agisse du modèle économique ou de l’implantation géographique.

En effet, le modèle économique de Dailymotion est fondé à 100 % sur la gratuité et la monétisation de l’audience, par le biais de la publicité – Dailymotion a 300 millions de visiteurs uniques chaque mois –, contrairement à celui d’Orange, dont les revenus proviennent des abonnements. De plus, Dailymotion n’est pas un producteur de contenus, mais une plateforme qui permet d’accéder à une profusion de vidéos en ligne : sa technologie lui permet de les rendre disponibles à une très grande échelle – 1 milliard de vidéos vues par mois – sur tous les types d’écrans, notamment mobiles.

Durant toute la période où nous avons été son actionnaire unique, nous lui avons donné les moyens de se développer : son chiffre d’affaires – 64 millions d’euros contre près de 40 milliards pour Orange – a été multiplié par trois en trois ans

À plusieurs reprises, nous avons cherché le bon partenaire. Cela n’a pas été facile. Nous devions en effet trouver un acteur de dimension mondiale – Dailymotion fait en France moins de 20 % de son chiffre d’affaires –, capable de garantir à la plateforme son ancrage international : son principal concurrent, YouTube, est soixante fois plus gros. L’objectif de Dailymotion est, partout où c’est possible, de se présenter comme une alternative à YouTube. Ce partenaire devait également être présent dans le monde des contenus : à l’avenir, une part des revenus de Dailymotion devra provenir d’abonnements, la plateforme se mettant à diffuser des contenus payants.

Après des discussions avec Yahoo – dont je ne regrette pas l’échec, car il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que ce n’aurait sans doute pas été la meilleure solution pour Dailymotion –, nous avons été contactés par le groupe hongkongais PCCW, un opérateur très présent dans le secteur de la télévision payante et des télécoms, qui nous a proposé de devenir actionnaire à hauteur de 49 % – nous serions donc restés majoritaires. Ce partenariat offrait toutes les garanties en termes d’emplois et de localisation des centres de décision et de la recherche et développement (R&D). Informé de cette proposition il y a trois semaines, le conseil d’administration d’Orange – notamment par la voix des représentants de l’État, ce qui est normal –, m’a demandé de consulter d’autres partenaires éventuels : deux nouvelles offres se sont alors présentées, celle de Vivendi, que nous avons acceptée, et celle du groupe allemand ProSieben, moins intéressante.

Vivendi, qui est très fort dans le domaine des contenus, est un groupe mondial, leader dans le domaine de la musique. Il faut savoir que 30 % des vidéos regardées sur Dailymotion sont musicales. Or Universal Music Group, qui appartient à Vivendi, est le premier groupe mondial de musique avec 40 % des parts de marché. Quant à Canal Plus, qui appartient également au groupe Vivendi, il souhaite utiliser la plateforme Dailymotion pour diffuser ses propres contenus. Vivendi est par ailleurs très présent aux États-Unis et, surtout, en Asie, où le groupe emploie près de 1 500 salariés. Enfin, Vivendi n’entretient plus aucun lien avec SFR. Pour toutes ces raisons, ce groupe est devenu pour nous le partenaire idéal, d’autant que son offre financière est très intéressante puisqu’elle repose sur le doublement de la valeur de Dailymotion par rapport à 2011, date à laquelle, je le rappelle, nous sommes entrés au capital de la plateforme. L’État actionnaire a donc fait une bonne opération avec Dailymotion : triplement de son chiffre d’affaires et doublement de sa valeur ! C’est une belle reconnaissance du travail que nous avons réalisé.

Orange conserve 20 % du capital et a obtenu un droit de veto dans des domaines importants, tels que l’emploi et la localisation en France de la R&D. Ce très beau projet industriel est également une belle opération pour Orange, qui lui permet de revenir à son objectif initial : être un partenaire accompagnant le développement de Dailymotion sans être son actionnaire unique.

Enfin, le produit de cette opération sera intégralement réinvesti dans le programme de soutien à la création de 500 jeunes pousses.

Vous avez également évoqué, monsieur le président, la question de l’itinérance. À mes yeux, la situation est très claire : notre contrat d’itinérance, qui prend fin en décembre 2017, n’a pas vocation à être reconduit. Ce dispositif avait pour objectif d’assurer une transition : à la date d’expiration de celui-ci, Free devra compter sur ses propres ressources et son propre réseau pour acheminer le trafic de ses abonnés. La question de l’itinérance doit être analysée dans le cadre de celle, plus générale, du partage des infrastructures de télécoms : l’accord de mutualisation de réseaux entre Bouygues et SFR n’est rien d’autre qu’une forme d’itinérance. Ce sujet concerne donc tous les opérateurs.

M. le président François Brottes. C’est la raison pour laquelle j’ai évoqué ensemble l’itinérance et la mutualisation.

M. Stéphane Richard. La mutualisation est une nécessité liée au poids des investissements indispensables pour assurer une bonne couverture et le renouvellement des technologies, tout en maintenant des prix bas, qui sont le résultat de la politique de concurrence qui a été menée en France, avec notamment l’entrée sur le marché mobile d’un quatrième opérateur. Les prix de la téléphonie mobile sont bien plus bas en France qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni, qui a été longtemps une référence en la matière et, surtout, qu’aux États-Unis, où ils sont trois fois plus élevés. Par nos actions et nos investissements, nous avons contribué à rendre le pays plus compétitif.

Je tiens à affirmer que nous ne sommes pas à l’origine de la descente de l’Autorité de la concurrence chez Numericable-SFR. D’aucuns ont pu s’étonner que de nouvelles offres soient prêtes seulement vingt-quatre heures après les annonces de l’Autorité de la concurrence : ils ont donc pensé à une possible anticipation. Je n’ai pas d’autre commentaire à faire sur le sujet.

Je tiens à vous rassurer, monsieur le président : la Fédération française des télécoms n’est pas morte : son président est à mes côtés. Nous faisons tout notre possible pour la sauver. Je trouve, comme vous, dommage que le secteur des télécoms, qui compte peu d’opérateurs, mais qui a à faire face à des problématiques d’intérêt général, ne soit pas capable de trouver les ressources nécessaires pour faire vivre cette fédération. Bouygues et Orange ont toujours rempli leurs obligations en la matière et Free a toujours pratiqué la politique de la chaise vide. Quant au nouveau propriétaire de SFR, il a considéré cette dépense comme inutile : nous essayons de le convaincre du contraire. Sachez, monsieur le président, que nous n’avons pas baissé les bras et que nous faisons, je le répète, tout notre possible pour maintenir en vie cette fédération qui soutient d’importants projets d’intérêt général.

M. le président François Brottes. Peut-être faudrait-il, pour attirer tous les opérateurs, la renommer Fédération de l’itinérance et de la mutualisation…

M. Stéphane Richard. Le nouveau propriétaire de SFR m’a confié qu’il croyait que la FFT était la Fédération France Télécom… Nous ne désespérons pas de réussir à le faire changer d’avis !

En tant qu’opérateur, nous nous sommes toujours strictement conformé aux lois françaises dans le domaine du renseignement, y compris les nouvelles dispositions que le Gouvernement a prises depuis le mois de janvier 2015. Nous avons quasiment décuplé les capacités de blocage en temps réel des sites internet faisant l’apologie du terrorisme, tels que les autorités publiques les ont identifiés.

Je tiens toutefois à rappeler que les opérateurs ne sont pas les seuls à être plongés dans le grand bain d’internet : il ne faudrait pas oublier ces acteurs énormes que sont, en amont, les réseaux sociaux et Google, ce qui pose la question des relations entre l’Europe et les acteurs américains d’internet. Un dispositif relatif au renseignement qui ne prendrait pas en considération ces acteurs serait illusoire.

Mme Corinne Erhel. Vous avez annoncé un plan d’investissements de 15 milliards d’euros sur trois ans pour développer les réseaux fixes et mobiles. Il faut saluer ce plan qui correspond aux ambitions françaises en la matière.

Que pensez-vous du plan France Très Haut Débit ? Quels en sont, à vos yeux, les points de blocage ? Vous le savez, l’attente de nos concitoyens est très forte : ils sont de plus en plus impatients. Quelles sont, dans le cadre de ce plan, vos relations avec les collectivités territoriales ? Comment jugez-vous la rapidité du déploiement et les efforts demandés à la chaîne de sous-traitance en matière de prix, notamment par un de vos concurrents ? De nombreux articles ont été publiés sur le sujet. Que pensez-vous plus généralement de l’investissement de vos concurrents en la matière ?

Les problèmes de couverture des zones blanches 2G et 3G sont de plus en plus mal vécus par nos concitoyens : quelle réponse leur apporter ?

Quelles contreparties avez-vous prévues en matière d’aménagement du territoire à l’obtention de fréquences 700 MHz ?

Enfin, quel regard portez-vous sur l’article 2 du projet de loi relatif au renseignement qui autorise le recours à des algorithmes paramétrés pour recueillir largement et de façon automatisée des données anonymes en vue de détecter une menace terroriste ? Que vous inspire ce dispositif à la fois du point de vue technique et de celui des libertés publiques ? Comment l’opérateur que vous êtes sera-t-il en mesure de concilier ces deux points de vue ?

Mme Sophie Rohfritsch. Quelles seront les parts réservées respectivement au marché national et au marché étranger dans le plan de financement de 15 milliards d’euros ?

Comment traiterez-vous vos relations avec les collectivités locales ? Compte tenu de votre situation de quasi-délégataire dans le cadre d’appels à manifestations d'intentions d'investissement, vos nouveaux investissements en fonds propres vous permettront-ils d’accélérer le calendrier du déploiement de la fibre, qui s’étend jusqu’en 2020 ?

M. André Chassaigne. Je tiens à évoquer la disparition du réseau téléphonique commuté. La fin programmée du réseau en cuivre devrait s’étendre sur une vingtaine d’années. Que fera-t-on, d’ici là, de cette technologie qui doit rester opérationnelle encore de nombreuses années, voire de très nombreuses années dans des territoires isolés ? De très gros problèmes d’accès à la téléphonie fixe existent déjà, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’accès à l’ADSL. Des hameaux et des villages restent plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans téléphone parce que le réseau vétuste n’est pas entretenu de manière préventive et que vous procédez à des interventions qu’on pourrait appeler du « curatif de récupération d’incidents ». Quel plan d’action comptez-vous mettre en œuvre pour résoudre ces problèmes qui sont d’une extrême gravité dans de nombreux départements ruraux et de montagne ?

L’ARCEP ayant fait le constat que les obligations de service universel ne sont pas satisfaites en la matière, quelles solutions juridiques proposez-vous ? Orange invoque l’obstacle que constitue la disparition, en 1996, de la servitude d’élagage : comme vous ne pouvez pas intervenir sur le domaine privé, vous prétendez ne pas pouvoir entretenir les lignes et donc ne pas pouvoir remplir vos obligations en tant que prestataire du service universel. Quel est votre plan d’action ? Serait-il possible d’envisager une mutualisation avec le réseau électrique ?

M. le président François Brottes. Je reçois à l’instant par SMS le témoignage d’un citoyen de la circonscription de M. Chassaigne m’informant qu’il n’a pas eu le téléphone durant un mois. C’est la preuve que votre audition est suivie sur le site de l’Assemblée nationale.

M. Éric Straumann. Quelles sont vos relations avec Free qui semble se comporter comme un coucou ? Cet opérateur, apparemment, ne déploie pas ses relais comme il le devrait. Le contrat d’itinérance prendra fin en 2017. À cette date, Free devra avoir déployé ses propres réseaux en 3G. Or il ne sera certainement pas prêt à disposer de la même couverture qu’aujourd’hui. Il s’agit donc d’une bombe à retardement.

Je tiens par ailleurs à évoquer la commune de Dessenheim, qui a modifié son plan local d’urbanisme (PLU) – cela lui a coûté 8 000 euros. Elle est en discussion avec Orange pour installer une antenne-relais : or, depuis la première réunion de chantier, qui a eu lieu à la fin de 2013, cette commune n’a plus aucune relation avec vous. Je suis certain que ce petit problème se résoudra sans aucune difficulté. Je vous remettrai les éléments en ma possession.

Mme Frédérique Massat. Les élus de la montagne ont mené sur les sites connectés une opération qui, grâce à Orange, a porté ses fruits, et qui est à généraliser, car trop de sites sont encore isolés.

Avant que tous les territoires ne soient irrigués par le mobile, il convient d’entretenir un réseau fixe aujourd’hui défectueux. Une enquête ouverte sur la qualité du service universel et des échanges a, selon un communiqué de l’ARCEP, conduit Orange à présenter à l’Autorité, en novembre 2014, un plan d’amélioration de la qualité des services offerts sur les réseaux fixes. Où en êtes-vous de ce plan d’action à court et moyen termes ? Quel rôle comptez-vous laisser aux collectivités territoriales dans la gestion du réseau fixe, alors qu’elles ont déjà bien investi dans le déploiement du haut débit ?

Vous avez évoqué la création de mégastores : entraînera-t-elle la diminution du nombre des boutiques dans les territoires ? Si oui, lesquels seront concernés et dans quelles proportions ?

Vous voulez jouer un rôle d’incubateur de jeunes pousses : le jouerez-vous uniquement à Paris et dans les métropoles ou l’étendrez-vous aux jeunes pousses des territoires ruraux et de montagne ?

M. le président François Brottes. Je tiens à souligner la très grande qualification de vos jeunes commerciaux, compte tenu du nombre des formules tarifaires que vous proposez. (Sourires)

M. Lionel Tardy. La réponse à la question que j’ai posée à Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, sur l’avenir des cabines téléphoniques manquait de clarté. J’y apprenais simplement que 95 % du parc installé au titre du service universel par Orange sont quasi inutilisés : 23 947 publiphones sur 39 912 ont affiché un taux d’utilisation de trente-trois secondes par jour, ce qui conduit à s’interroger sur la pertinence des conditions d’implantation des cabines sur le territoire national, fixées par l’article R. 20-30-3 du code des postes et des télécommunications électroniques, voire sur celle du maintien d’un parc de publiphones.

Connaissez-vous les choix du Gouvernement relatifs à ces cabines obsolètes ? Quelles économies leur disparition permettrait-elle de réaliser ? Quel est votre avis sur le sujet ?

M. le président François Brottes. Je suis un des derniers à défendre les quelques secondes de bonheur que peuvent offrir ces publiphones… Ne doivent-ils pas être conservés en l’absence de tout autre moyen de téléphoner ?

M. Kléber Mesquida. Je veux, à la suite de M. Chassaigne, appeler votre attention sur l’état du réseau, victime de poteaux cassés ou de fils accrochés aux arbres. Les communes déplorent l’absence d’interlocuteur ; et lorsqu’elles en trouvent un, on leur répond qu’il n’y a rien à faire… Je suppose donc que, à la suite de cette audition, vous donnerez des instructions à vos services.

Au sein du département de l’Hérault a été mise en place une délégation de service public pour l’attribution d’un réseau de 2 mégabits par seconde au minimum. Le département est également associé au plan France Très Haut Débit, avec des objectifs résolus en termes de couverture des zones rurales. Êtes-vous intéressé par ces partenariats ? Avez-vous des projets particuliers pour l’Hérault ?

Mme Clotilde Valter. Orange, me semble-t-il, envisage un déploiement sur les lignes de TGV. Qu’en est-il sur les autres lignes ferroviaires et sur les autoroutes ?

M. Hervé Pellois. Regrettez-vous toujours le choix fait par la France d’un quatrième opérateur ? La multiplicité des opérateurs en Europe vous paraît-elle être une faiblesse, pour l’avenir, au regard de la concurrence chinoise et américaine ?

Le non-respect des engagements pris en 2010, s’agissant de la couverture en 3G de nombreuses communes, pose problème aux élus que nous sommes, voués à jouer les intermédiaires entre nos concitoyens et vos services. Des assouplissements sont-ils envisageables ? Dans ma circonscription, un camping de 200 places et une meunerie employant une vingtaine des salariés ont obtenu l’autorisation de faire passer la fibre optique sur leurs terrains respectifs, mais les nœuds de raccordement ne correspondent pas, si bien qu’il leur faudra sans doute attendre les calendes grecques… Existe-t-il des solutions pour des situations de ce genre ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Les coupures du réseau fixe touchent aussi des zones touristiques, parmi lesquelles des stations du littoral méditerranéen. Le réseau mobile, d’ailleurs, n’échappe pas non plus à ces problèmes. Je m’associe donc à la question de Mme Erhel sur ce point.

Vous avez évoqué l’amélioration des relations avec vos clients, pour qui le contact avec les services après-vente s’apparente à un parcours du combattant : envisagez-vous de leur simplifier la tâche ?

Mme Ericka Bareigts. Les territoires ultramarins, souvent isolés, représentent de petits marchés, si bien que beaucoup d’entre eux restent sous-équipés. Font-ils l’objet d’une stratégie dédiée dans le cadre du plan « Essentiels2020 » ? Un effort particulier est nécessaire, au vu de la taille de ces marchés, pour trouver le juste équilibre entre les investissements et les coûts d’accès au réseau, qui doivent rester acceptables pour les usagers.

Ces territoires sont également touchés par un fort niveau de chômage et par des délocalisations de services – tels les centres d’appel vers l’île Maurice – qu’ils ressentent avec violence. Le déploiement des réseaux nous permettrait de rester connectés au monde extérieur et de créer des emplois d’avenir.

Vos initiatives s’inscrivent dans le cadre de la loi Lurel, laquelle impose des contraintes aux opérateurs, et dans un contexte de restructurations rapides au sein du secteur des télécommunications. Quelle est, dans ces conditions, votre vision pour les outre-mer ?

Mme Annick Le Loch. Le plan « Essentiels2020 » affiche une « ambition forte », pour reprendre vos termes, dans l’optique de « connecter chacun à ce qui lui est essentiel » avec, pour vos clients, « une qualité de service exemplaire dans tous les lieux qui comptent pour eux ». Même si les réseaux français sont parmi les plus étendus d’Europe, avec un taux de couverture de 99 % pour la 3G et d’environ 70 % pour la 4G, le ressenti de nos concitoyens est bien différent, ces chiffres masquant des inégalités dont pâtissent la vie locale, l’accès à des services indispensables et l’attractivité des territoires.

En matière de téléphonie mobile et d’accès à internet, le besoin de connectivité est devenu crucial pour 3 000 communes, notamment parce que les opérateurs n’ont manifestement pas tenu les engagements pris dans le cadre de l’accord commercial négocié en 2010. Mme la secrétaire d’État chargée du numérique nous a récemment adressé un courrier pour nous informer que la loi vous obligerait, vous et vos concurrents, à respecter ces engagements : quel est votre sentiment sur ce point ?

Sur les réseaux d’initiative publique (RIP), si votre nouveau plan a été salué pour son ambition – s’agissant notamment de l’accélération sans précédent du déploiement de la fibre optique dans les villes et leurs proches banlieues –, il ne dit rien des interventions du groupe en zone publique, si bien que les responsables locaux s’interrogent sur son impact dans les territoires, dont il faut rappeler que les zones publiques représentent 85 %, pour 40 % de la population. Quelles sont les intentions d’Orange dans ces zones ? Le déséquilibre entre zones privées et publiques ne risque-t-il pas de se creuser, au vu notamment de la progression des usages et des services basculés vers les réseaux de fibre optique ?

M. Fabrice Verdier. Sur les cabines téléphoniques, ma vision est légèrement différente de celle du président Brottes ; en tout état de cause, les décisions doivent être prises en concertation avec les maires : certains d’entre eux restent attachés au maintien de ces cabines ; d’autres, comme moi qui suis maire d’une petite commune rurale, estiment que le service peut évoluer sur la base d’un engagement des opérateurs à proposer une couverture mobile satisfaisante.

Au risque d’être redondant, je veux revenir sur le service universel du réseau de cuivre. J’entends bien que, à l’horizon 2022, tout le monde aura accès à la fibre optique ; mais cette transition ne se fera pas partout dans les mêmes conditions : la montée en débit, dans certaines zones, rend nécessaire le maintien du réseau de cuivre, dont la dégradation inquiète par conséquent les usagers. Vos collaborateurs régionaux comme nationaux m’ont toujours bien reçu, mais les élus locaux se plaignent de l’absence d’interlocuteurs, et nos concitoyens de l’absence de maintenance du réseau. Lorsque les élus signalent qu’un poteau est tombé et que celui-ci reste à terre pendant plusieurs mois, cela pose un problème de ressenti. Des personnes isolées restent parfois plusieurs semaines sans ligne fixe : la peine est double puisque, avec l’ADSL, ils sont alors également privés de connexion à internet. Dans certaines communes, on en est encore à attendre le déploiement du réseau 2G… Quel est le plan d’action d’Orange pour assurer, dans les meilleurs délais, le bon fonctionnement du réseau de cuivre ?

M. le président François Brottes. Soit dit en passant, des drones pourraient peut-être superviser l’état du réseau en temps réel.

M. Jean-Pierre Le Roch. Une mission sur les enjeux du basculement du réseau de cuivre a été confiée au président de l’autorité de la statistique publique ; son rapport, publié en février dernier, évoque une transition progressive permettant d’enterrer le réseau de cuivre au profit d’un déploiement exclusif de la fibre, tout en reconnaissant que ce déploiement sera difficile dans certaines zones, dont ma circonscription fait partie. Cela ne va pas sans poser des problèmes : en témoigne le cri de colère poussé récemment par certains maires contre la dématérialisation des actes administratifs. Le basculement du réseau implique des mutations, donc des coûts, pour les professionnels, qui sont nombreux à utiliser des services spécifiquement téléphoniques. Quelle est votre position à ce sujet ? Quelles solutions intermédiaires peuvent être proposées ?

M. Yves Daniel. Comme vous le voyez, nous sommes nombreux à nous interroger sur la transition entre le cuivre et la fibre optique. Qu’en est-il, de ce point de vue, des services d’alarme et de surveillance ?

Vous avez affirmé à plusieurs reprises être le garant du contrat social de l’entreprise élaboré en 2010, lequel prévoit notamment de donner leur chance aux jeunes dans les recrutements, en particulier à travers l’apprentissage. Pouvez-vous nous donner des exemples et des informations chiffrées sur ce point ?

Enfin, les raccordements à la fibre optique ont commencé dans mon village ; mais je ne sais que répondre à mes concitoyens clients de SFR, auxquels Orange répond qu’il sert d’abord ses propres clients.

M. le président François Brottes. Le mot « satellite », que nul n’a prononcé, serait-il devenu tabou ? Il pourrait être intéressant d’avoir votre sentiment sur ce mode de transmission.

M. Stéphane Richard. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’état du réseau de cuivre, qu’il s’agisse de nos capacités à l’entretenir ou de son avenir. La transition numérique semble se présenter sous de meilleurs auspices que la transition énergétique, car, même si le passage du cuivre à la fibre soulève des difficultés, les objectifs sont clairs. La fibre, au demeurant, ne sera pas la seule technologie mobilisée pour le très haut débit.

M. le président François Brottes. En somme, il existe un mix des télécommunications comme il existe un mix énergétique.

M. Stéphane Richard. Bien entendu. Selon les zones, le déploiement du très haut débit s’appuiera ou sur la téléphonie mobile, ou sur le réseau de cuivre – dont nous sommes des militants convaincus – ou, monsieur le président, sur les satellites.

Lozérien, je connais bien les problèmes que posent la faible couverture du réseau mobile et l’état dégradé du réseau fixe. Cette dégradation, dont nous avons réellement mesuré l’ampleur l’an dernier, tient d’abord à la vétusté du réseau, pour lequel les sommes investies dans la maintenance préventive restent à peu près identiques chaque année. Rappelons d’abord quelques ordres de grandeur. Le réseau de cuivre représente 1 million de kilomètres d’artères, dont la moitié sous terre – ce qui ne facilite évidemment pas les interventions –, 15 millions de poteaux et 16 000 nœuds de raccordement ; il entraîne chaque année, pour le groupe, des investissements d’environ 500 millions d’euros – montant qui ne faiblit pas, bien au contraire – et des coûts d’exploitation de 3 milliards, et il mobilise 38 000 salariés – soit plus du tiers de nos effectifs en France – sur les 250 sites répartis sur l’ensemble du territoire. Bref, si je ne nie pas les problèmes, l’état de ce réseau est pour nous une préoccupation majeure. Plusieurs causes expliquent d’ailleurs sa dégradation, parmi lesquelles une succession d’événements climatiques exceptionnels, comme les tempêtes en Bretagne.

L’an dernier, en partenariat avec l’ARCEP, nous avons lancé un plan, assorti d’objectifs quantifiés, relatif à l’amélioration de la qualité de service sur le réseau de cuivre ; à la fin de 2014, les instances de production SAV – autrement dit les règlements de dysfonctionnements – avaient ainsi diminué de 22 %. À l’appui de ce plan, le groupe a recruté, au sein des services d’intervention concernés, 2,5 fois plus de CDI en 2014 qu’en 2013, et cette part augmentera encore de 60 % en 2015. Le budget alloué à la maintenance préventive des réseaux a quant à lui été porté à 300 millions d’euros par an, en hausse de 35 % par rapport aux prévisions initiales. Enfin, en application d’un plan de maintenance dédié, ce sont 15 000 poteaux qui sont remplacés tous les mois, selon des ordres de priorité définis.

La maintenance du réseau de cuivre est donc l’une des missions fondamentales de l’entreprise, d’abord parce que ce réseau servira encore plusieurs années, comme vecteur de la transition numérique ou pour assurer le bon fonctionnement des services d’alarme. Son extinction progressive a d’ailleurs pu être expérimentée in situ à Palaiseau – dorénavant desservi à 90 % par la fibre optique –, avec les difficultés que l’on sait pour les petites entreprises, les commerçants et les services d’alarme – notamment des ascenseurs.

Je fais donc amende honorable sur l’état du réseau de cuivre. Même si le plan mis en œuvre avec l’ARCEP a déjà permis des progrès, ils restent insuffisants. Les remarques sur l’absence d’interlocuteur me paraissent en revanche un peu sévères : à ma demande, le responsable d’Orange pour la région du Languedoc, par exemple, s’est rendu à Florac pour une réunion de plus de 500 personnes, qui n’ont pas toutes été tendres avec lui… De surcroît, des progrès sensibles ont été réalisés dans cette région. Le groupe ne fuit donc pas ses responsabilités, et ses délégués régionaux, présents dans tous les départements, constituent autant d’interlocuteurs.

Quant au réseau mobile, son déploiement est l’une des priorités du plan « Essentiels2020 », lequel prévoit notamment une couverture intégrale, en 4G, des dix principaux axes ferroviaires à grande vitesse et des dix principaux axes autoroutiers d’ici à la fin de l’année prochaine ; le plan répondra ainsi à un problème clairement identifié. La couverture indoor sera également améliorée – y compris dans des lieux tels que les parkings – grâce à des équipements propres, mais aussi à la « voix sur Wi-Fi », autrement dit l’utilisation, à domicile, des téléphones mobiles connectés au Wi-Fi pour passer ou recevoir des appels.

Des actions ont été engagées pour réduire les zones blanches, mais, en dépit des chiffres – 99,9 % de couverture en 2G, 99 % en 3G et un peu plus de 74 % en 4G –, la situation ne peut être considérée comme satisfaisante. Les attentes, légitimes, montrent d’ailleurs que la réalité ne saurait se résumer à ces chiffres – et la remarque vaut aussi pour les nouveaux opérateurs. Le Gouvernement nous a écrit qu’il entendait mettre en œuvre un nouveau plan, auquel nous sommes prêts à prendre notre part – autrement dit la plus grande – une fois les perspectives clarifiées.

Le sujet n’est pas sans lien avec celui des cabines, dont le maintien, dans des zones où elles ne sont plus guère utilisées du fait de la couverture du réseau mobile, n’est pas forcément un objectif en soi : les cabines téléphoniques doivent être autre chose, tout de même, que des éléments de mobilier urbain. Le coût du service universel de publiphonie se monte à quelque 28 millions d’euros par an, et celui d’une éventuelle mise aux normes pour les personnes handicapées atteindrait 74 millions supplémentaires.

M. le président François Brottes. Le service universel des télécommunications, rappelons-le, inclut le réseau fixe et non le réseau mobile ; aussi la publiphonie répond-elle, en dépit d’un archaïsme dont chacun peut convenir, à une exigence juridique européenne.

M. Stéphane Richard. Tout à fait. Bien que, depuis 2014, notre groupe ne soit plus formellement désigné comme seul opérateur de la publiphonie, il continue d’en assumer la responsabilité, conformément aux attentes que l’on peut avoir vis-à-vis de l’ex-France Télécom.

Il n’est pas question de supprimer les cabines téléphoniques partout ; mais force est de constater que leur utilisation est devenue rare, voire quasi inexistante, dans beaucoup d’endroits : les décisions doivent donc être coordonnées avec celles qui concernent les zones blanches. Reste que nous sommes prêts à envisager avec les collectivités, au cas par cas, des partenariats public-privé (PPP).

Pour les opérateurs aussi, la couverture mobile s’apparente à un parcours du combattant, car, par une injonction contradictoire, certains élus exigent une meilleure couverture tout en nous faisant les pires difficultés dès qu’il s’agit d’installer des équipements. Entre l’installation d’un pylône et son raccordement au réseau, le délai est de deux ans en France, contre trois mois en Allemagne et deux mois au Royaume-Uni.

M. le président François Brottes. Il est de huit ans pour les éoliennes, si cela peut vous consoler. (Sourires.)

M. Stéphane Richard. Quant à nos relations avec la sous-traitance, elles font l’objet d’une charte, et nous participons à toutes les actions d’intérêt général en ce domaine. Nous nous efforçons de nouer des liens durables – c’est-à-dire pérennes et responsables au regard du développement durable – avec nos sous-traitants, tout en les associant à l’amélioration de la qualité puisque, souvent, ce sont eux qui sont à l’origine de la qualité perçue par le client. Le recours à la sous-traitance, de plus en plus fréquent dans le cadre du déploiement de la fibre, se fait plus rare, par exemple, pour les centres d’appel, qui reçoivent 10 millions d’appels de moins tous les ans, soit environ 15 % en volume : un tel reflux s’explique par le fait que nos abonnés trouvent des réponses sur internet, mais aussi, nous l’espérons, par la diminution des problèmes qu’ils rencontrent.

Sur le projet de loi relatif au renseignement, madame Erhel, il faut sans doute attendre d’en savoir davantage. Je ferai néanmoins deux considérations de principe. La première est qu’un groupe comme le nôtre est forcément réticent à l’idée d’accueillir des équipements qui lui sont étrangers et qui sont contrôlés par d’autres : cela comporte des risques pour la maintenance et pour la cohérence du réseau. Cela dit, les procédures sont soumises à des contrôles stricts, notamment de la part de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI.

Sans rouvrir le débat sur la pêche au chalut ou à la mouche, il faut également reconnaître que le sujet soulève d’épineuses difficultés techniques, car les services de renseignement doivent s’adapter à l’explosion du nombre de communications. Plus de 90 % des affaires – y compris de terrorisme – sont aujourd’hui élucidées grâce à la surveillance des communications : on conçoit les enjeux de telles pratiques pour la sécurité. La vie privée doit bien entendu faire l’objet de protections, mais celles-ci relèveront moins des techniques elles-mêmes que de l’usage qui en sera fait : certains exemples à l’étranger montrent que les équilibres, en cette matière, ne sont pas faciles à trouver.

Sur les 15 milliards d’investissements dont je parlais, 9 milliards seront réalisés en France, soit près des deux tiers.

On a aussi évoqué les RIP. Dans les zones très denses, chaque opérateur investit en fonction de sa stratégie et de ses moyens ; la présence d’Orange y est donc logiquement forte. Dans les zones dites AMII – c’est-à-dire soumises aux appels à manifestations d’intentions d’investissement –, les opérateurs procèdent souvent à des co-investissements. Orange a ainsi conclu des accords avec SFR – même si l’on peut s’interroger sur leur avenir depuis que cette entreprise est entrée dans le giron de Numericable –, Bouygues et Free, partenaire engagé et fiable dans le déploiement du très haut débit sur le réseau fixe. L’objectif de notre plan est la couverture intégrale des zones dense et AMII.

Dans les autres zones seront signés des PPP dont la teneur dépend de la taille des collectivités. Notre groupe a été longtemps réticent à ces formules, non qu’il ne soit pas soucieux de réduire la fracture numérique, mais parce que des collectivités s’affranchissaient du cadre défini par l’ARCEP, sans considération de la cohérence géographique d’ensemble. Il faut aussi s’interroger sur le devenir d’infrastructures qui, financées par des fonds publics, représenteraient le tiers du réseau fixe : à un horizon de quinze ou vingt ans, les collectivités auraient à se justifier, comme je le fais aujourd’hui devant vous, sur son entretien et sa maintenance.

Depuis deux ans, nous nous sommes résolument engagés dans les RIP, en Auvergne, à Laval, à Saclay, à Dax, à Pau, à Saint-Lô, à Cherbourg, en Seine-Saint-Denis, dans les Hauts-de-Seine et en Seine-et-Marne. Nous le faisons en privilégiant le statut de délégataire – sans quoi nous serions épinglés par l’Autorité de la concurrence –, avec l’objectif d’être associés à environ 30 ou 35 % des opérations. Une enveloppe de 600 millions d’euros a été provisionnée pour répondre aux appels d’offres.

Orange n’a par ailleurs aucune réticence de principe vis-à-vis de l’achat de lignes produites dans le cadre des RIP : ces décisions interviennent au cas par cas, et elles justifient un dialogue constant avec les collectivités. Nous devons prendre des risques dans un contexte fortement concurrentiel, auquel les collectivités n’échappent évidemment pas.

Nous sommes favorables à de nouvelles dispositions législatives sur l’élagage, qui représente un problème pour l’ensemble des opérateurs.

L’itinérance pour la 3G arrivera à son terme fin 2017 – et se poursuivra pour la 2G, conformément aux termes de la licence accordée au quatrième opérateur. Il appartient à Free d’assurer, au-delà de cette date, une stratégie de réseau. Il peut s’agir soit de déployer son propre réseau, soit de partager un réseau existant avec un autre opérateur, soit même de racheter un réseau.

Le nombre de nos boutiques diminuera, mais dans des proportions limitées – et en optimisant les implantations – afin de préserver leur complémentarité avec le numérique. Nous avons prévu d’ouvrir, dans les grandes villes, quarante nouveaux mégastores d’ici à 2018.

La France a fait le choix d’un quatrième opérateur à une époque où ses voisins faisaient des choix inverses : le nombre d’opérateurs est passé de quatre à trois en Allemagne et de cinq à trois au Royaume-Uni ; il converge vers trois en Espagne et devrait passer de quatre à trois en Italie. Il n’est plus l’heure d’exprimer des regrets : nous avançons avec nos atouts, qui ne sont pas minces. Au reste, Orange a plutôt mieux résisté que ses homologues européens : en Espagne, par exemple, Telefónica a perdu 10 % de parts de marché au cours des quatre dernières années, contre 1,5 % pour Orange, qui a pourtant dû faire face à l’arrivée d’un nouvel opérateur.

Notre groupe est fortement implanté dans les outre-mer, avec pour principe d’y réaliser tout ce qu’il réalise en métropole, moyennant une adaptation aux réalités du terrain. Il y a quelques semaines, je me suis ainsi rendu à La Réunion pour le lancement de la fibre optique à Saint-Denis et à Saint-Pierre. Orange a bien entendu des projets de déploiement similaires, sur ses fonds propres, dans d’autres territoires ultramarins ; il s’est aussi porté candidat au RIP de la Guadeloupe, et envisage d’en faire de même pour le RIP de La Réunion.

Malgré un relief accidenté, la couverture du réseau mobile est assez bonne à La Réunion, et l’est un peu moins en Guadeloupe et en Martinique. Nos antennes radio sont prêtes pour le passage à la 4G, lequel s’effectuerait en un ou deux mois sur l’ensemble de l’île ; mais nous attendons le feu vert de l’ARCEP.

Nous entendons, dans les outre-mer comme en province métropolitaine, œuvrer dans l’écosystème numérique, en particulier à travers le programme « Orange Fab », accélérateur de jeunes entreprises en région, où, d’ailleurs, le groupe est déjà présent. De fait, l’enjeu n’est évidemment pas seulement parisien.

Nous menons aussi une politique ambitieuse en matière d’apprentissage, lequel constituait d’ailleurs le thème de mon déplacement à Lyon, il y a quelques jours, au côté de M. Rebsamen. Orange accueille 6 000 apprentis en alternance en France, soit 7 % de ses effectifs – taux bien supérieur aux prescriptions en la matière –, et a l’intention de poursuivre dans cette voie. Si nos effectifs en France diminuent globalement, nous continuons de recruter chaque année près de 2 000 personnes, dont une majorité d’apprentis – étant entendu que seule la moitié d’entre eux est « recrutable », de sorte que la proportion des apprentis embauchés en CDI tous les ans est d’environ un tiers. Bien qu’il n’ait pas toujours eu bonne presse, l’apprentissage me semble être un excellent moyen d’insertion professionnelle : la France pourrait aller plus loin en ce domaine. Au sein du groupe, 7 000 salariés sont volontaires pour assurer un mécénat de compétences, un tutorat ou un parrainage auprès des jeunes inscrits dans les programmes mis en œuvre avec le monde éducatif.

Mme Corinne Erhel. S’agissant de la bande des 700 MHz, j’ai bien noté que vous plaidiez pour l’égalité de traitement entre les opérateurs. Quelles doivent être à vos yeux les contreparties à l’attribution des licences, notamment en termes d’aménagement du territoire ?

Mme Clotilde Valter. Certains opérateurs conditionnent l’octroi de leurs services dans les zones couvertes par les RIP à une tarification plus basse que celle appliquée dans les zones AMII : quel sort faut-il réserver à ces demandes ?

M. Stéphane Richard. Des contreparties étaient déjà exigées, madame Erhel, pour l’attribution de la bande des 800 MHz. Des incitations à la mutualisation seront prévues, j’imagine, dans les zones peu denses. Reste que le problème, pour le Gouvernement, serait de faire le grand écart entre les objectifs de rentabilité budgétaire et les contraintes imposées aux candidats, les coefficients ayant un effet déflationniste sur les prix – on l’a constaté avec la bande des 800 MHz. Je ne suis pas opposé à des incitations à l’aménagement du territoire, notamment sous la forme d’une mutualisation des fréquences dans les zones peu denses, pour peu que les opérateurs restent libres de leurs choix. Orange, on s’en souvient, avait refusé une telle solution, non par réticence à l’aménagement du territoire, bien entendu, mais pour garder la main sur ses fréquences, qu’il ne voulait pas se voir obligé d’ouvrir à tel ou tel de ses concurrents.

M. Pierre Louette, directeur général adjoint et secrétaire général d’Orange. Dans certains RIP, madame Valter, les tarifs sont si bas qu’ils nous semblent « prédateurs » ; Orange a donc indiqué qu’il les attaquerait s’ils passaient sous un certain niveau, car cela créerait une distorsion de concurrence.

M. le président François Brottes. Aucune question n’a été posée sur le changement de direction à la tête de l’ARCEP : j’imagine que cela ne modifie rien pour vous…

M. Stéphane Richard. Nous respectons bien entendu les autorités, quelle que soit leur direction.

M. le président François Brottes. Monsieur le président, je vous remercie. Votre dernière audition faisait suite à une panne de grande ampleur : je me réjouis qu’aucun nouvel incident de ce genre ne soit intervenu depuis.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 7 avril 2015 à 17 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Ericka Bareigts, M. Yves Blein, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Jeanine Dubié, M. Joël Giraud, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mathis, M. Bernard Reynès

Assistait également à la réunion. - Mme Sophie Rohfritsch