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Commission des affaires économiques

Mardi 26 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 59

Présidence de M. François Brottes, Président

– Communication de M. François Pupponi sur les conclusions du groupe de travail sur les aides personnelles au logement (APL)

– Information relative à la Commission

La commission a entendu M. François Pupponi sur les conclusions du groupe de travail sur la réforme des aides personnelles au logement (APL) qu’il préside.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous informe de la création d’une mission de contrôle sur la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Conformément à l’article 145-7 de notre règlement, je vous propose la nomination de deux co-rapporteurs : Mme Annick Le Loch, en sa qualité de rapporteure de ce projet de loi pour notre commission, et M. Philippe Armand Martin, qui suit ces questions depuis longtemps, en tant que membre d’un groupe d’opposition.

En application du même article, je vous propose de désigner, en tant que co-rapporteurs de la mission de contrôle sur la mise en application de la loi n °2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, M. François Pupponi, en sa qualité de rapporteur du projet de loi, et M. Michel Sordi, en tant que membre d’un groupe d’opposition.

Nous en venons maintenant au sujet qui nous occupe aujourd’hui. M. François Pupponi a accepté, à ma demande, de bien vouloir présider un groupe de travail sur la réforme des aides personnelles au logement (APL), groupe de travail dont j’avais proposé la création en séance publique en souhaitant qu’il soit pluriel ; il le fut. Ses membres ont travaillé de longues semaines, avec l’aide des services du ministère, sur ce sujet qui a trait à la vie quotidienne de nos concitoyens. Je laisse donc à M. François Pupponi le soin de nous exposer les propositions de réforme auxquelles ont abouti leurs travaux.

M. François Pupponi, président du groupe de travail sur les aides personnelles au logement. Je veux tout d’abord remercier les membres de la Commission pour leur participation active à nos travaux – au cours desquels nous avons auditionné dix-huit personnes ou organisations –, ainsi que les membres du cabinet de la ministre du logement et les administrateurs, que je félicite pour nous avoir permis de rendre nos conclusions dans un délai restreint.

Nous sommes partis d’un constat simple. Le montant total des aides personnelles au logement s’élevait, en 2014, à 18 milliards d’euros, dont 12 milliards sont issus du budget de l’État, le reste étant payé par les employeurs. Leurs bénéficiaires, au nombre de 6,5 millions, représentent un locataire sur deux ; 80 % des allocataires ont un revenu égal ou inférieur au SMIC et la moitié d’entre eux ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté, ce qui fait certainement des aides personnelles au logement l’un des dispositifs les plus redistributifs. On observe également que le montant des APL augmente d’environ 2 % chaque année et que leurs frais de gestion s’élèvent à 600 millions d’euros, le montant de l’APL accession s’établissant, quant à lui, à 900 millions d’euros.

On constate en outre une certaine inégalité de traitement sur le territoire national puisque, si les APL, qui s’élèvent en moyenne à environ 220 euros par mois, correspondent, en moyenne, à 57 % du loyer acquitté par les allocataires, ce taux varie selon que l’on se trouve ou non dans une zone tendue. Se pose également le problème des APL étudiants, pour lesquelles ne sont pris en compte ni les revenus des étudiants ni ceux de leurs parents – j’y reviendrai.

Face à ce constat, le groupe de travail préconise deux mesures d’équité et propose de poursuivre ses travaux afin de réfléchir à une réforme qui permettrait d’améliorer l’efficacité de la politique du logement en s’attaquant au véritable problème, qui est celui du coût du loyer. En effet, non seulement celui-ci est trop élevé, mais il croît chaque année. Or, les aides n’augmentent pas suffisamment pour compenser sa hausse, de sorte que le taux d’effort des locataires est devenu trop important, voire insupportable. Force est donc de reconnaître que le système est à bout de souffle.

Si la commission et son président l’acceptent, le groupe de travail pourrait donc se pencher sur les raisons pour lesquelles le niveau des loyers est trop élevé dans notre pays. Bien entendu, nous connaissons certaines de ces raisons, notamment le coût du foncier et le poids des normes, mais un autre élément mériterait d’être analysé. Plusieurs études démontrent en effet que les APL jouent un rôle inflationniste, en particulier dans le secteur du logement étudiant : les aides à la personne solvabilisant le locataire, les propriétaires, quels qu’ils soient, augmentent les loyers.

Dès lors, il nous paraît important d’analyser en détail la construction des loyers et d’étudier, afin d’en maîtriser le coût, la possibilité de transformer une partie des aides à la personne en aides à la pierre. Ce débat a, certes, déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi ALUR, mais nous avons l’intuition que c’est sur cette question que doivent porter nos réflexions. J’ai du reste, en tant que président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), demandé à ses services de réaliser une expertise, car je souhaite que le montant des subventions accordées aux bailleurs dans le cadre du nouveau plan de rénovation urbaine permette d’avoir des loyers de sortie inférieurs aux loyers plafond APL, afin de diminuer la solvabilisation des locataires. Ce qui intéresse ces derniers, en effet, c’est leur reste à charge. Si les subventions permettent de baisser le coût du loyer et de limiter ainsi le recours à l’APL, nous aurons fait une bonne réforme. Mais il faut un peu de temps pour l’expertiser.

En revanche, des mesures d’équité peuvent être prises à court terme. Nous recommandons ainsi que soit désormais pris en compte le patrimoine des allocataires. On pourrait en effet, en s’inspirant du système applicable au RSA, majorer les ressources des bénéficiaires de l’APL d’un revenu annuel fictif égal à 3 % de leur patrimoine, ce qui diminuerait d’autant le montant de l’aide qu’ils perçoivent. Notre objectif n’était pas de rechercher des économies à tout prix, mais d’améliorer l’efficacité et l’équité du dispositif. À cet égard, cette mesure nous semble pertinente, et elle permettrait de réaliser une économie comprise entre 150 millions et 200 millions d’euros.

Par ailleurs, l’importance des coûts de gestion des APL – dont j’ai dit qu’ils s’élevaient à 600 millions d’euros – peut s’expliquer par la complexité de leur mode de calcul et par le fait qu’elles sont révisées à chaque changement de situation de l’allocataire, si bien que les fluctuations sont très importantes. Nous proposons donc, pour limiter ces fluctuations, de figer la situation des allocataires par période de trois ou six mois. Certains y gagneront, d’autres y perdront. Mais une telle simplification présenterait l’avantage de produire des économies et de rendre le système plus lisible.

Nous recommandons également de revenir sur la réforme de l’APL accession, votée dans la loi de finances pour 2015 et dont l’application a été reportée à 2016 par l’adoption d’amendements parlementaires, car elle nous apparaît comme le type même de la fausse bonne idée. On estime en effet que, si cette mesure, dont on nous a dit qu’elle engendrerait une économie de plusieurs centaines de millions, était maintenue, le nombre des bénéficiaires de l’accession sociale à la propriété s’effondrerait. Selon les institutions bancaires, entre 12 000 et 15 000 acquisitions ne se feraient pas, dont 8 000 à 10 000 dans le neuf, ce qui se traduirait par une moindre recette de TVA évaluée entre 200 et 300 millions d’euros. Or, il nous paraît nécessaire de favoriser l’accession sociale à la propriété, de façon à libérer des logements sociaux et à relancer l’activité de construction dans notre pays. Qui plus est, les personnes que cette mesure inciterait à renoncer à devenir propriétaires resteraient locataires dans le parc social et percevraient à ce titre des APL supérieures à celles qu’elles auraient perçues dans le cadre de l’accession. Pour ces raisons, nous proposons de revenir sur cette réforme, qui est un mauvais signal adressé aux futurs acquéreurs.

J’en viens maintenant à la question de l’APL étudiants. Je rappelle que cette aide, qui a été créée en 1991-1992, donc après la réforme de 1977, est attribuée aux étudiants quel que soit le niveau de leurs ressources et des ressources de leurs parents, de sorte que 32 % seulement des 730 000 étudiants allocataires de l’APL sont boursiers. L’APL étudiants n’est donc pas redistributive. Je rappelle également que 7 % seulement des étudiants sont logés en résidence universitaire.

La mesure que nous préconisons dans ce domaine peut faire grincer des dents, dans la mesure où elle remet en cause le principe de l’universalité de l’aide aux étudiants. Mais nous considérons qu’il serait plus juste et plus équitable de tenir compte, pour l’attribution de l’aide au logement à un étudiant, de son éloignement géographique, des ressources de ses parents et éventuellement des cas de rupture familiale. Aujourd’hui, comme je l’ai dit de manière un peu provocatrice, un étudiant dont les parents sont assujettis à l’ISF peut percevoir l’APL. Les différentes inspections qui se sont penchées sur le sujet proposent d’interdire le cumul de l’APL et de la demi-part fiscale supplémentaire dont bénéficient les parents d’étudiants rattachés à leur foyer fiscal. Nous considérons, quant à nous, qu’il est préférable d’appliquer à l’aide personnelle au logement les mêmes critères que ceux qui prévalent pour l’attribution des bourses. Encore une fois, nous sommes tout à fait conscients des difficultés que soulève cette proposition, mais il faut la resituer dans le débat plus général sur les revenus des étudiants. En tout état de cause, si elle était appliquée, cette mesure permettrait de réaliser une économie comprise entre 150 millions et 200 millions, sachant que le montant de l’APL étudiants s’élève à 1,5 milliard par an.

Par ailleurs, il est sans doute possible d’améliorer la gestion du dispositif – mais il nous faut encore travailler sur ce sujet. Nous sommes en effet convaincus qu’une partie de ces 1,5 milliard d’euros permettrait de financer, par des subventions conséquentes, la construction de résidences étudiantes en imposant à leurs constructeurs et à leurs gestionnaires, en particulier le CROUS, des niveaux de loyer inférieurs au plafond des APL, de sorte que nous n’aurions pas besoin de solvabiliser les étudiants. Si leur loyer est relativement bas, leur reste à charge et leurs conditions de logement seront beaucoup plus décents qu’ils ne le sont actuellement, car nous savons que les abus sont commis principalement dans le domaine du logement étudiant. Une étude réalisée en 2005 par Mme Gabrielle Fack démontre ainsi que, lors de la création de l’APL étudiants, 50 % à 80 % de l’aide ont été captés par les propriétaires, qui ont majoré les loyers du montant de l’aide perçue par leurs locataires. Le dispositif a donc eu un effet inflationniste sur le niveau des loyers. Cette analyse mérite d’être affinée, mais les quelques études dont nous disposons vont dans le même sens.

Tel est, monsieur le président, le fruit de la réflexion menée par notre groupe de travail, dans un délai dont je rappelle qu’il a été bref : à peine deux mois. Nous proposons donc, au-delà des mesures de justice et d’équité qui peuvent être prises à très court terme, de poursuivre nos travaux. Nous sommes en effet convaincus que le système est à bout de souffle : les dépenses ne peuvent continuer à augmenter sans que le reste à charge des locataires diminue. Sans doute faut-il, dans le cadre plus global de la politique du logement, réaliser des économies, mais nous devons aussi améliorer l’efficacité de la dépense budgétaire. C’est en tout cas le sentiment des membres du groupe de travail, dont le rapport – je le précise pour souligner l’existence d’une certaine convergence de vues en la matière – a été adopté à l’unanimité.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur Pupponi, pour votre brillant exposé. Je souhaite en effet que vous puissiez poursuivre vos travaux au titre de la commission des affaires économiques. Nous l’avons vu à propos de l’APL accession, il est important d’avoir, sur ces sujets, une approche macroéconomique, et non exclusivement financière et budgétaire. Or, au sein de cette commission, nous défendons, j’ose le dire, ce type d’approche. On peut donc se féliciter que la réflexion soit menée sous cette forme.

Quant à l’effet inflationniste des aides personnelles au logement, je rappellerai que les aides au foncier avaient fait augmenter le prix de celui-ci, de même que les aides aux chaudières ou aux poêles à bois avaient fait doubler leur prix. Chaque fois qu’une aide individuelle porte sur un produit précis, on peut être certain que son prix augmentera. La solution ne réside donc pas dans ce type de dispositifs, qui coûtent cher et ne profitent pas aux personnes concernées.

Mme Audrey Linkenheld. En tant que membre du groupe de travail, je veux témoigner de la qualité de sa présidence et des travaux que nous avons menés en commun. Nous avons en effet procédé à de nombreuses auditions, qui nous ont permis de recueillir des avis divers mais toujours très documentés.

Les conclusions du groupe de travail ayant été adoptées à l’unanimité, vous ne serez pas étonnés que je souscrive aux propos de M. François Pupponi. Le montant des APL, 18 milliards d’euros, suscite forcément des interrogations, surtout dans une période de contrainte budgétaire. On s’aperçoit aujourd’hui que ces aides, qui ont été créées pour limiter la hausse des aides à la pierre, augmentent de manière exponentielle tandis que ces dernières se réduisent comme peau de chagrin, puisqu’elles atteignent à peine quelques centaines de millions d’euros. Pour autant, le dispositif des APL a fait la preuve de sa redistributivité. Les marges de manœuvre sont du reste limitées, à moins d’opérer, sinon une révolution, du moins une réforme de grande ampleur.

Le groupe de travail propose donc, dans ses conclusions, de procéder, ici ou là, à des adaptations qui permettront de réaliser des économies tout en favorisant l’équité – je pense à la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires et à la modification des règles d’attribution de l’aide aux étudiants – et de poursuivre sa réflexion. Compte tenu des sommes dont il est question et des enjeux en matière de construction et de rénovation de logements, il est en effet nécessaire d’envisager une réforme. Il ne s’agit pas tant de diminuer le montant du budget consacré aux APL que de faire mieux avec la même somme, compte tenu des besoins de nos concitoyens.

Par ailleurs, je me réjouis tout particulièrement que la question des niveaux de loyer fasse l’objet d’un constat partagé. Les conclusions du groupe de travail rejoignent ainsi celles des auteurs de loi ALUR, qui avaient jugé nécessaire de réguler les loyers, en observant que, dans le privé mais parfois également dans le logement social, où certains bailleurs n’hésitent pas à fixer le loyer au niveau plafond de l’APL sans que ce soit forcément nécessaire, les APL pouvaient avoir un effet inflationniste.

En conclusion, le président du groupe de travail sait-il si le président de l’ANRU a pu partager ces conclusions avec les membres du conseil d’administration de l’agence et ce que ces derniers pensent des propositions relatives aux niveaux de loyer dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, en tout cas ceux qui sont concernés par le nouveau programme de rénovation urbaine ?

M. Olivier Carré. Tout d’abord, monsieur le président, je tiens à souligner que la commission des affaires économiques n’est pas la seule à avoir une approche globale des problèmes. Je suis en effet d’accord avec vous : trop souvent, les questions budgétaires sont appréhendées sous un angle uniquement arithmétique alors qu’elles ont bien d’autres dimensions. À ce propos, j’ai été de ceux qui ont indiqué au Gouvernement que la réforme de l’APL accession était une fausse bonne idée, en particulier au moment où la ministre du logement elle-même réfléchissait à une relance de l’accession populaire à la propriété en renforçant le prêt à taux zéro (PTZ). Je suis donc particulièrement satisfait des conclusions du groupe de travail sur ce point.

Au demeurant, je ne peux que me féliciter qu’une réflexion ait été ouverte sur le sujet épineux des aides personnelles au logement. Le sujet de l’APL étudiants, par exemple, est évoqué sous chaque législature, notamment dans les périodes de disette budgétaire, lorsque Bercy cherche à récupérer quelques centaines de millions. M. François Pupponi a très bien décrit la situation, et je souscris à une partie de ses conclusions. Je me féliciterais d’ailleurs que le Gouvernement suive les recommandations du groupe de travail sur ce point, car il est nécessaire de rééquilibrer le dispositif, qui comporte actuellement quelques éléments d’injustice.

De manière plus générale, nous nous sommes aperçus, au fur et à mesure que nous approfondissions notre analyse, que l’équation était redoutable. Pourquoi ? Tout d’abord, un choix politique a été fait dans les années 1970, celui de laisser la main, non pas au bailleur, mais au locataire. De fait, celui-ci, en bénéficiant d’APL d’un montant à peu près équivalent dans l’un et l’autre cas, a la liberté de choisir entre un logement social conventionné et le parc locatif traditionnel. Cet élément n’est pas à l’origine de l’inflation, mais il contribue à la robustesse du système, et le contingenter reviendrait à perturber des équilibres profonds.

S’agissant de l’inflation des loyers, je rappelle tout de même que ceux-ci sont fixés indépendamment de l’APL. En effet, la clé du loyer, c’est le rendement qu’obtiendra le propriétaire, qu’il soit public ou privé, rendement qu’il calculera notamment en fonction de la charge de la dette qu’il a à rembourser. Or, on observe, depuis une petite dizaine d’années, un renchérissement du coût de la construction lié au respect d’un certain nombre de normes, notamment environnementales, renchérissement que le propriétaire doit supporter lorsqu’il choisit d’investir dans des logements où les charges seront moins élevées pour le locataire. L’équation de l’investissement rejaillit ainsi sur celle du loyer, qui se répercute à son tour sur le montant de l’APL, de sorte que c’est une partie de l’aide personnelle au logement qui paie la politique de verdissement du patrimoine. Beaucoup d’organismes HLM ont ainsi choisi, en 2006-2007, dans le cadre de la reconstruction patrimoniale intervenue après les opérations ANRU, des produits relativement chers, en faisant ce type de calcul, qui est finalement supporté par l’APL car on n’a jamais réussi à introduire dans la quittance des éléments sérieux permettant d’amortir ces surinvestissements. Cet élément a accru l’influence de l’APL sur le prix du logement, en tout cas en ce qui concerne les HLM.

En conclusion, nous sommes tous convaincus de la nécessité de repenser cette politique. Je sais, pour avoir posé la question, que Bercy envisageait de lier cette question à la réforme du revenu universel que le Gouvernement est en train d’entreprendre. Nous verrons si le ministère poursuit dans cette direction, mais ce n’est pas l’avis de notre commission. Quoi qu’il en soit, c’est un chantier que nous ne pourrons mener à bien qu’en ayant une vision systémique de l’ensemble du secteur immobilier, en y incluant le monde HLM, car, aujourd’hui, l’APL sert de cale à un système qui branle de tous côtés. Nous n’en sommes donc qu’aux prémices d’une réflexion qui mérite d’être encore approfondie et qui doit être partagée par tous les groupes.

Mme Michèle Bonneton. Je vous remercie, monsieur Pupponi, ainsi que l’ensemble des membres du groupe de travail, pour ce rapport très intéressant qui traite d’un sujet complexe aux multiples facettes, dont aucune n’a été escamotée. Je partage votre constat selon lequel le problème essentiel réside dans le coût des loyers, problème auquel, je le rappelle, la loi ALUR offre des solutions, qu’il s’agisse de la diminution du coût du foncier ou de l’encadrement des loyers. À ce propos, si, comme vous l’observez, les APL contribuent probablement à la hausse de ces derniers, ne pensez-vous pas que l’APL accession puisse participer à l’augmentation du prix d’achat des logements ?

Par ailleurs, il paraît normal que les étudiants, qui sont le plus souvent majeurs, souhaitent acquérir une relative indépendance par rapport à leurs parents ou à leur famille, sans devoir pour autant déclarer une rupture familiale, comme vous y faites allusion dans l’une de vos recommandations. C’est pourquoi il me paraît souhaitable de préserver ce que vous appelez le principe d’universalité, c’est-à-dire la plus grande égalité possible dans l’accès à l’enseignement supérieur. Ainsi, ne pourrait-on pas envisager, plutôt qu’un rabotage de l’APL étudiants – sauf en cas d’injustice flagrante, par exemple lorsque les parents paient l’ISF –, une augmentation du nombre des logements sociaux éventuellement accessibles aux étudiants et des logements en résidence universitaire ?

En conclusion, je soutiens votre proposition de prolonger d’un an la réflexion du groupe de travail, car ce sujet mérite d’être appréhendé dans toute sa complexité.

M. Michel Piron. Je veux à mon tour saluer la manière dont M. François Pupponi a conduit nos travaux, en associant la majorité et la minorité – et non l’opposition, monsieur le président, à moins que vous ne parliez d’approbation plutôt que de majorité…

Sur le fond, j’approuve M. François Pupponi lorsqu’il s’interroge d’emblée, en laissant la question ouverte, sur les raisons pour lesquelles le coût du loyer est trop élevé dans notre pays. Nous sommes loin d’avoir épuisé le sujet. Néanmoins, nous avons levé un certain nombre d’incertaines certitudes et mis en question des postulats émanant parfois de ministères prestigieux, si bien qu’il est sans doute nécessaire de prolonger nos travaux afin d’y voir un peu plus clair.

S’agissant des coûts de construction, la question des normes a été évoquée. Je souhaiterais qu’en nous fondant sur les travaux existants, nous approfondissions la réflexion sur ce sujet, en nous interrogeant notamment, ce qui suppose un certain courage politique, sur les normes qui, pour répondre aux problèmes rencontrés par moins de 5 % de la population, conduisent à construire des logements très coûteux et inadaptés à 95 % de leurs occupants. Je pense en particulier à la réglementation relative à l’accessibilité des logements aux personnes handicapées telle qu’elle est rédigée actuellement : peut-être faut-il envisager autrement l’évolutivité des logements. Il est en effet évident que le coût du loyer résulte aussi en partie des coûts de construction.

Le problème du foncier a été évoqué. Là encore, du travail reste à faire. Dieu sait si j’ai tenté, à plusieurs reprises, y compris au sein de la commission des finances, de faire adopter certains amendements à ce sujet, en vain. En tout état de cause, la loi ALUR n’a pas remédié à ce problème, loin de là ! Qu’il s’agisse de la valeur des terrains constructibles, des mutations ou de la rétention, les outils fiscaux n’ont pas été mis en place.

En ce qui concerne l’effet inflationniste des aides, quelques exemples marginaux concernant les étudiants ont été cités. Je souhaiterais faire deux observations sur ce point. Tout d’abord, la plupart des prix sont plafonnés. Ensuite, et surtout, les experts que nous avons auditionnés n’ont pas été en mesure, lorsque je les ai interrogés, de nous dire quel était l’impact de ces aides sur les prix en Île-de-France, en Pays-de-Loire, en Rhône-Alpes ou en Champagne-Ardenne, par exemple. Nous n’avons de ce sujet qu’une approche macroéconomique, qui n’a aucune signification compte tenu de l’extrême diversité des marchés. Une moyenne nationale n’a guère de sens en la matière. Il faut donc développer une approche territorialisée ; on peut s’interroger à cet égard sur les outils dont dispose l’administration et sur la volonté d’y voir clair au plus haut niveau de l’État.

Par ailleurs, je souscris aux remarques concernant les coûts de gestion. Il faudrait même aller plus loin et peut-être réaliser un audit qui identifierait les économies possibles dans ce domaine – mais je ne veux pas demander à M. François Pupponi de se mettre tout le monde à dos…

Je conclurai par une observation sur les chiffres qui ont été cités à propos de l’APL accession. L’évaluation du ministère du budget, purement comptable, estime à 154 millions sur trois ans les économies à attendre de la réforme. Or, cette mesure nous ferait perdre au moins 10 000 logements neufs et probablement 15 000 logements anciens, de sorte que les pertes de recettes – TVA et droits de mutation – seraient trois fois plus élevées que les économies. Sans doute peut-on trouver d’autres solutions, car il y a vraiment des économies qui coûtent trop cher !

M. le président François Brottes. Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je précise que j’ai qualifié le groupe de travail de « pluriel »…

M. Michel Piron. Ça me va !

M. le président François Brottes. …et que lorsque j’ai parlé de « groupe d’opposition », je ne faisais que reprendre une terminologie figurant dans notre Règlement.

M. Michel Piron. Je déplore cette rédaction, monsieur le président.

M. le président François Brottes. Vous comprendrez cependant que je sois obligé de l’appliquer.

M. André Chassaigne. Je n’ai malheureusement pu prendre part aux réunions du groupe de travail : étant le seul député du groupe GDR à faire partie de ce groupe, cela m’a été impossible – je ne suis pas assez nombreux, comme je le dis souvent, pour faire tout ce que je voudrais.

L’effet inflationniste des aides au logement sur les loyers étant constaté, il convient d’analyser ce phénomène pour y trouver des solutions. Les aides au logement constituent une prestation sociale très importante pour de très nombreux ménages modestes et étudiants – je crois que l’on compte 13 millions de bénéficiaires en France –, c’est pourquoi toute réforme ayant pour objet de réaliser des économies budgétaires doit s’envisager avec la plus grande précaution, afin de ne pas risquer de pénaliser les Français les plus modestes.

Comme l’a dit le président Pupponi, on ne peut se limiter aux conclusions d’un groupe de travail, quelle que soit la qualité dudit travail : la politique du logement doit être pensée dans sa globalité, ce qui exige un travail beaucoup plus approfondi, donc plus long. Je suis tout à fait d’accord pour considérer que le vrai problème est celui du coût du loyer, sur lequel nous devons nous interroger.

Les niches fiscales sont coûteuses, inutiles, et souvent considérées comme contre-productives. Je pense en particulier au dispositif d’exonération Scellier, qui a coûté 900 millions d’euros en 2011…

M. Olivier Carré. Cette année, il a rapporté !

M. André Chassaigne. …tout en favorisant sans doute une certaine augmentation des loyers. Par ailleurs, les programmes immobiliers basés sur ce type de dispositif ne s’adressent pas à une clientèle locale, mais à des acheteurs désireux d’effectuer des investissements d’une rentabilité maximale : la moitié d’entre eux sont des cadres supérieurs, et il est permis de se demander s’il ne faudrait pas faire en sorte que d’autres classes, moins aisées, puissent bénéficier de ces dispositifs.

Par ailleurs, comme l’a relevé la fondation Abbé Pierre, l’État dépense de plus en plus pour la construction de logements sans aucune contrepartie sociale. Parallèlement, on assiste à une réduction de l’aide personnelle au logement – elle s’est trouvée diminuée de 240 millions d’euros en 2011 – et du financement du logement social qui, selon les chiffres dont je dispose, serait passé de 630 millions d’euros en 2010 à 160 millions d’euros en 2011. Je pense qu’il faudrait revenir aux aides à la pierre : depuis leur abandon, les loyers ne font qu’augmenter, tandis que certains quartiers se ghettoïsent progressivement.

Pour ce qui est des étudiants, la priorité me paraît être de rendre effectifs les droits existants, c’est-à-dire de pratiquer une politique permettant vraiment l’accès au logement, avec un doublement des places en cité universitaire, la suppression des cautions, le plafonnement des loyers et des charges locatives – on constate de nombreux abus dans les zones tendues – et la revalorisation du barème de l’APL, qui contribue à permettre l’autonomie financière des jeunes.

En résumé, je me félicite du travail qui a été accompli – même si je ne partage pas toutes les conclusions qui en sont tirées –, mais je considère qu’un travail très approfondi reste à mener sur certaines questions, notamment celle des loyers, et que nous ne devons pas être obsédés par le seul objectif consistant à réaliser des économies budgétaires afin de permettre à tel ou tel ministre de boucler son budget pour 2016 : notre préoccupation première doit être de répondre aux besoins locatifs de la population.

M. Daniel Goldberg. Il était nécessaire, sur cette question des aides au logement dont il est débattu lors de chaque exercice budgétaire, qu’un groupe de travail pluriel soit mis en place pour tordre le cou aux idées reçues qui ressurgissent périodiquement, selon lesquelles il serait possible de réaliser d’énormes économies en la matière. La première vertu du travail sérieux mené par nos collègues est de montrer que, si le système des aides au logement pèse beaucoup sur les finances publiques – à hauteur de près d’un point de PIB –, il n’y a pas de recette miracle dans ce domaine, contrairement à ce que l’on entend parfois affirmer.

La première conclusion du groupe de travail est qu’il n’est pas opportun de donner un coup de rabot général sur les APL, ce qui me paraît tout à fait juste. En 2009, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE, a posé le principe d’une évolution des aides personnelles au logement basée sur l’indice de référence des loyers (IRL). La progression du montant de ces aides est difficilement soutenable – nous sommes passés de 15,9 milliards d’euros à 18 milliards d’euros en 2015 –, mais beaucoup a déjà été fait, y compris dans le budget 2015, pour limiter leur augmentation, en jouant sur des clés de répartition.

Avant même la publication du rapport du groupe de travail, il a été écrit dans la presse que l’on allait limiter les aides au logement des « locataires riches » – c’était l’expression utilisée dans le titre d’un article paru dans un grand journal économique, avant qu’il ne soit question des « locataires aisés ». Or, je pense que la plupart des bénéficiaires d’aides au logement ne sont ni riches ni aisés, et que l’augmentation de ces dernières années est essentiellement due au durcissement de la crise ressenti par de nombreuses familles. Sur cette question comme sur d’autres, la bonne réponse réside à la fois en une politique de l’offre, visant à produire une offre de logement socialement accessible – en locatif comme en accession à la propriété – et équitablement répartie, et en une politique de la demande, consistant à soutenir les ménages.

M. Olivier Carré disait tout à l’heure que l’APL servait de cale au système locatif ; pour ma part, je considère que l’investissement locatif lui tient lieu d’EPO – un dopant puissant, mais qui ne constitue pas une solution à long terme. Il conviendrait, selon moi, de réexaminer tout le système afin de voir s’il ne serait pas possible de le déconnecter de ces moyens qui lui ont permis de subsister jusqu’à présent, mais ne sont pas soutenables à long terme.

J’en viens aux propositions exposées par le groupe de travail. L’APL accession, qui nous avait beaucoup occupés dans le cadre du budget 2015, est censée être quasiment supprimée au 1er janvier 2016, aux termes d’une réforme introduite dans le cadre du dernier projet de loi de finances. J’ai fait partie de ceux qui, sur tous les bancs, ont instamment demandé à ce que la mise en œuvre de cette réforme soit repoussée d’un an. Cela dit, s’agissant d’une loi fiscale, j’ai bien peur que le Gouvernement soit désormais le seul à pouvoir revenir sur ce projet : en effet, si elle émanait de parlementaires, la proposition consistant à abandonner la réforme signifierait une augmentation de la dépense et serait, à ce titre, déclarée irrecevable au titre de l’article 40. Nous devons cependant continuer à nous faire entendre sur ce point – peut-être le président Brottes consentira-t-il à jouer les figures de proue dans ce combat – jusqu’à ce que le Gouvernement fasse droit à notre demande.

La piste consistant à prendre en compte le patrimoine me paraît constituer une excellente piste de réflexion.

Je ne suis absolument pas convaincu par l’idée selon laquelle les aides au logement auraient un effet inflationniste général. En revanche, cet effet ne me paraît pas faire de doute dans les villes universitaires de province, pour les logements d’une surface correspondant à celle habituellement recherchée par les étudiants. Le même effet inflationniste s’est fait ressentir pour l’habitat social de fait – c’est-à-dire pour les logements se situant juste au-dessus de l’habitat indigne, occupés par une population disposant de très faibles revenus et n’ayant pas accès au logement social –, où l’on voit un certain nombre de propriétaires peu scrupuleux fixer le niveau de loyer en fonction de l’APL, préférant tirer le maximum de profit du système plutôt que de choisir de louer à des familles disposant de revenus légèrement supérieurs, mais ne présentant pas le même niveau de garantie qu’une aide sortant des caisses de l’État. Pour résoudre ce problème, il conviendrait de se pencher sur la question d’un encadrement plus strict des loyers, et sans doute commencer par mettre en œuvre ce que l’excellente loi ALUR prévoit à ce sujet.

Ce qui est proposé pour les étudiants, à savoir mieux cibler les aides vers les étudiants qui en ont le plus besoin, en tenant compte de critères tels que l’éloignement géographique par rapport au domicile des parents, me paraît très intéressant mais implique à mon sens que l’on tienne compte de la situation sociale des étudiants, c’est-à-dire que l’on prenne en considération leur demande d’autonomie – une revendication exprimée depuis une cinquantaine d’années, mais qui prend un relief particulier aujourd’hui –, et que la question du logement des étudiants ne soit pas dissociée de celles des bourses et de la prime d’activité – ce dernier point faisant actuellement l’objet de discussions dans le cadre de la loi sur le dialogue social et l’emploi.

Mme Marie-Lou Marcel. Si l’octroi des APL peut avoir un effet inflationniste sur le coût des loyers, il ne faut pas mésestimer le fait que, dans certaines métropoles abritant les centres universitaires, la demande des étudiants en matière de logement est telle que l’offre en petites surfaces est toujours tendue, ce qui fait que les prix auront du mal à baisser, quelle que soit la politique mise en œuvre pour les aides au logement. Les zones sont parfois si tendues que les aides personnelles au logement n’ont pas forcément d’impact sur la qualité des logements : ainsi des logements insalubres finissent-ils par trouver preneur dans certaines villes, en raison des difficultés qu’ont les étudiants pour se loger. Enfin, dans les centres urbains, les étudiants sont souvent contraints d’exercer une activité salariée afin de pouvoir vivre décemment.

Comme on le voit, en touchant aux APL destinées aux étudiants, on prend le risque de mettre en difficulté nombre d’entre eux, notamment certains étudiants non boursiers, dont les parents ont des revenus situés juste au-dessus du plafond requis pour bénéficier de l’octroi d’une bourse. Les critères auxquels le groupe de travail propose de se référer – revenus des parents, éloignement géographique, cas de rupture familiale – sont déjà pris en compte pour l’attribution des bourses. S’il faut revoir l’attribution des APL en les modulant selon certains critères, il convient cependant de veiller à ne pas casser un système qui a prouvé son efficacité et permet à des jeunes issus des classes moyennes de poursuivre leurs études en s’éloignant de leur domicile.

M. Lionel Tardy. Je me félicite, moi aussi, que le groupe de travail écarte d’emblée l’idée d’un rabotage général des aides personnelles au logement : les APL ont une réelle utilité et sont même vitales pour les jeunes.

Je m’interroge toutefois sur la proposition consistant à prendre en compte le revenu des parents, qui constituerait à mes yeux une mesure discriminatoire. Tous les étudiants ne sont pas forcément subventionnés par leurs parents : nombre d’entre eux ont à cœur d’être totalement indépendants et se débrouillent donc par eux-mêmes. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’ils résident dans la même agglomération que leurs parents qu’ils doivent se voir refuser des aides au logement : une agglomération peut être très vaste, et il arrive, notamment pour des raisons de transport, qu’un étudiant doive habiter dans un quartier éloigné de celui de ses parents.

Vous parlez des économies de gestion des caisses d’allocations familiales, mais je note que vous ne parlez pas des délais de réponse de ces CAF : à Paris, il peut s’écouler plus de six mois entre la demande adressée à une caisse et le premier versement qu’elle effectue. Avant de songer à raboter, il faudrait veiller à ce que le système soit doté de réelles garanties d’efficacité pour les demandeurs.

Mme Monique Orphé. Je félicite à mon tour le groupe de travail pour la qualité de ce rapport et pour les propositions émises.

Mon propos portera essentiellement sur la situation géographique, économique et sociale de la Réunion, et sur les incidences de ces facteurs en matière de logement. La Réunion est un territoire de 2 500 kilomètres carrés, dont la population a triplé en soixante ans : on compte aujourd’hui 830 000 habitants et il devrait y en avoir un million en 2030. Cette population se caractérise par sa jeunesse : 40 % des habitants ont moins de trente ans. Notre territoire n’étant aménageable qu’à 25 %, le foncier est rare et son coût reste très élevé, ainsi que le coût de la construction en raison de l’obligation d’importer certains matériaux, qui impacte considérablement tout projet. Pour répondre à la demande, nous devons pourtant construire 9 000 logements par an – soit 26 000 au total pour être en mesure d’accueillir les générations futures.

Pour ce qui est de la situation sociale et économique, 30 % de la population vit de minima sociaux et 42 % est sous le seuil de pauvreté. L’accès à un logement, en particulier à un logement social, est donc très difficile pour un Réunionnais du fait des prix pratiqués. À l’heure actuelle, 80 % des ménages réunionnais sont éligibles à un logement social, mais ne peuvent y accéder en raison de trop faibles revenus. Sans l’allocation logement, les ménages réunionnais, notamment les plus fragiles, ne peuvent accéder à un logement décent. Il faudra donc porter un regard particulier sur l’impact d’une éventuelle réforme de l’allocation logement, notamment sur les populations qui ne peuvent accéder à un logement social. Je propose que soit menée une réflexion portant sur les revenus modestes, afin de déterminer par quels moyens les ménages concernés pourraient percevoir l’allocation logement.

L’APL accession constitue le principal levier de solvabilisation des ménages les plus modestes. De 2012 à 2014, entre 550 et 600 ménages par an ont bénéficié d’un prêt solvabilisé à hauteur de 65 % par l’allocation logement accession, pour un total de 24 à 26 millions d’euros par an, permettant de financer des investissements d’un montant compris entre 42 et 46 millions d’euros par an. Je suis donc favorable à la recommandation numéro 2 du groupe de travail, consistant à annuler la réforme de l’APL accession prévue par la loi de finances pour 2015, étant toutefois précisé que l’abaissement ciblé des plafonds de ressources ne me paraît pas souhaitable.

Il faudra également que nous restions vigilants au sujet des aides personnelles au logement destinées aux étudiants, car le fait de vivre sur une île entraîne, pour de nombreux étudiants, une mobilité plus ou moins forcée vers la métropole ou l’étranger, ce qui a un impact budgétaire pour les parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants. Je dis oui à une réforme, mais sous réserve qu’elle n’ait pas pour conséquence de pénaliser les parents qui, ne percevant aucune aide parce que les revenus se situent juste au-dessus du plafond de ressources, doivent financer par eux-mêmes l’intégralité des frais que nécessite une éducation de qualité pour leurs enfants. Je me tiens à la disposition du groupe de travail pour apporter ma contribution à cette réforme, notamment en ce qui concerne les populations ultramarines.

Mme Frédérique Massat. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le logement est une problématique intéressant l’ensemble des habitants de l’Ariège – en sa qualité de président de l’ANRU, M. François Pupponi est bien placé pour savoir que nous nous efforçons actuellement de mettre en œuvre une politique de la ville.

Le rapport qui nous est présenté cette après-midi, mais qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, est remarquable par la qualité de ses propositions et le temps record en lequel il a été rédigé. Je considère, moi aussi, que nous avons tout intérêt à ce que ce travail se poursuive et s’approfondisse.

Trois propositions me paraissent particulièrement intéressantes, car basées sur le bon sens tout en étant compatibles avec la situation économique de la France et la nécessité de maintenir l’aide au logement pour les personnes qui en ont besoin. Il s’agit de la prise en compte du patrimoine, une mesure dont chacun, y compris les personnes concernées, doit comprendre le bien-fondé ; des propositions visant à réduire les coûts de gestion de l’APL, justifiées par le montant énorme – 1,6 milliard d’euros – du cumul annuel des indus versés et des rappels de prestations, et qui, si elles ne suffisent pas à régler totalement le problème, vont cependant dans la bonne direction ; enfin, des mesures proposées au sujet de l’APL destinée aux étudiants – si l’indépendance des étudiants doit être préservée, il convient de rappeler que la solidarité familiale a vocation à jouer aussi souvent que possible.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait proposé de mettre fin à la possibilité de rattacher les étudiants au foyer fiscal des parents. Envisagez-vous de prendre en compte cette proposition, ou l’excluez-vous ?

Si tout le monde s’accorde à considérer qu’une réflexion approfondie doit s’engager sur le coût des loyers – ce qui nécessitera entre deux et quatre mois de travail supplémentaires –, la problématique des logements étudiants trouverait déjà une solution dans la construction de nouvelles résidences étudiantes, qui permettrait à de nombreux étudiants d’être logés dans des conditions acceptables à un moindre coût pour la collectivité.

Enfin, je veux vous demander si vous avez songé à étudier le système de la récupération sur succession, déjà mis en œuvre dans de nombreux secteurs de l’aide sociale ? Je rappelle que ce système consiste à donner à certaines prestations sociales le caractère d’une avance, remboursable sur la succession au décès du bénéficiaire.

M. le président François Brottes. Pour ma part, je souhaite appeler l’attention de M. François Pupponi sur la problématique du cumul formé par le loyer et les charges : il arrive qu’une personne perçoive une APL d’un faible montant, correspondant au coût peu élevé de son loyer, mais qu’elle ait également à s’acquitter de charges très importantes, notamment en énergie. C’est là, me semble-t-il, une situation préoccupante.

M. François Pupponi. Il apparaît que des aides publiques au logement sont accordées dans notre pays, sans que ces aides soient mises en corrélation avec le niveau de loyer et la diminution des APL. Alors que l’ANRU a investi 42 milliards d’euros sur le premier programme national de rénovation urbaine (PNRU) et va investir 20 milliards d’euros sur le deuxième, on ne s’est jamais vraiment intéressé au loyer de sortie. Je vais demander au conseil d’administration de l’ANRU, qui va se tenir le 23 juin prochain, de m’indiquer à quel niveau de subvention l’agence doit se positionner pour aboutir à un loyer de sortie inférieur au coût de loyer plafond de l’APL, afin de pouvoir diminuer le montant des APL. En effet, les bailleurs ne tiennent pas forcément compte des aides faisant partie du modèle économique auquel ils se réfèrent pour baisser le coût des loyers.

Pour ce qui est des étudiants, j’ai bien compris que la réforme envisagée dans ce domaine devait être entreprise avec les plus grandes précautions. Ce que nous proposons, c’est une économie de 10 % sur le montant des APL destinées aux étudiants, afin d’éviter les situations les plus anormales. Une question demeure : doit-on incorporer les étudiants au schéma général, très redistributif, des APL ? Ainsi, il est peut-être nécessaire d’aider davantage les étudiants de la Réunion, dont nous a parlé Mme Monique Orphé – ainsi que d’autres territoires ultramarins – que d’autres présents en métropole. En d’autres termes, devons-nous continuer à nous référer à une mise en œuvre universelle de l’APL, s’appliquant de la même manière quels que soient le niveau de revenu et la situation personnelle de chaque étudiant, ou devons-nous concentrer nos efforts sur les étudiants ayant le plus besoin d’être aidés ? La recherche d’économies ne doit pas nous faire perdre de vue qu’il est également souhaitable de progresser en matière d’équité et de justice.

Nous sommes pratiquement tous d’accord pour reconnaître l’effet inflationniste des aides au logement. Un autre effet pervers de ces aides réside dans le fait qu’elles ont certainement contribué à la ghettoïsation de certains quartiers. En effet, les bailleurs ont préféré placer les populations les plus fragiles, celles à qui les APL s’adressent en majorité, dans les territoires les mieux dotés en logements sociaux. De ce point de vue, l’apartheid territorial et social dénoncé par le Premier ministre est en partie dû aux aides au logement.

Enfin, au-delà de l’aspect inflationniste du dispositif, même si les loyers sont plafonnés en théorie, on connaît le penchant de certains propriétaires – pas seulement privés – à détourner un peu les textes pour augmenter les loyers. Ainsi, nombre de bailleurs sociaux profitent de ce qu’un logement soit vacant pour passer du loyer plancher au loyer plafond. Paradoxalement, ce processus s’est aggravé en raison de l’action de l’ANRU, dont les actions de rénovation des logements sociaux ont eu pour effet de vider de nombreux logements de leurs occupants, permettant la hausse des loyers que je viens de décrire. J’ai demandé à ce que ce phénomène fasse également l’objet d’une expertise afin de tenter de le limiter, notamment dans le cadre du nouveau règlement de l’ANRU. De la même manière, je considère que l’on ne maîtrise pas suffisamment le coût des loyers dans le cadre des dispositifs Scellier ou Pinel, et qu’il s’agit, là encore, d’une piste que le groupe de travail devra explorer.

M. le président François Brottes. Finalement, il est bien davantage question de chercher à supprimer l’effet inflationniste engendré par les APL que de diminuer le montant des APL.

M. François Pupponi. Effectivement, nous pensons qu’une diminution du montant des loyers entraînera une économie finale, le reste à charge pour les locataires ayant vocation à rester inchangé ou à diminuer légèrement.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour le travail accompli, que vous avez mission de continuer.

M. Daniel Goldberg. Avant de conclure, je voulais simplement rappeler que la loi ALUR prévoit la consignation des APL en cas d’habitat indigne, et indiquer que deux décrets d’application de cette loi vont être prochainement publiés : l’un sur l’encadrement des loyers – qui va d’abord concerner Paris –, l’autre sur le bail-type et l’état des lieux-type. Un premier décret, déjà sorti et applicable au 1er juillet 2015, concerne le contrat de syndic-type. Tout cela est expliqué dans le mensuel Que choisir ?

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Information relative à la Commission

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 26 mai 2015 à 17 heures 15

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. François Pupponi, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Philippe Armand Martin, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig

Assistaient également à la réunion. – M. Olivier Carré, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Monique Orphé, M. Michel Piron