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Commission des affaires économiques

Mardi 16 juin 2015

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 66

Présidence de M. François Brottes, Président

– Audition de M. Michel Combes, directeur général d’Alcatel-Lucent, et de M. Rajeev Suri, président-directeur général de Nokia

– Examen pour avis de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes (n° 2790) (M. Henri Jibrayel, rapporteur)

La commission des affaires économiques a auditionné M. Michel Combes, directeur général d’Alcatel-Lucent, et de M. Rajeev Suri, président-directeur général de Nokia.

M. le président François Brottes. La première partie de notre réunion sera consacrée à la fusion d’Alcatel-Lucent et de Nokia. Puis nous examinerons pour avis la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes, sur le rapport d’Henri Jibrayel.

L’annonce du rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia a été effectuée par le biais d’un communiqué de presse commun aux deux entreprises le 15 avril 2015. Les actionnaires de Nokia détiendront 66,5 % du groupe et ceux d’Alcatel-Lucent, 33,5 %. L’accord avec Nokia pour une offre publique d’échange valorise Alcatel-Lucent à 15,6 milliards d’euros. Les deux conseils d’administration ont approuvé les termes de l’opération, qui devrait être finalisée au premier semestre 2016. Comme c’est le cas à chaque fois qu’il y a fusion ou accord, une série de rendez-vous est prévue avant que les choses ne se matérialisent. Et la période qui sépare l’annonce de ce type d’opérations de sa concrétisation est toujours une phase d’inquiétude pour les salariés. J’ai donc convié M. Michel Combes, directeur général d’Alcatel-Lucent – que nous avions déjà auditionné lorsqu’il fut nommé à ce poste afin qu’il nous explique son plan de restructuration. Il ne nous avait pas indiqué à l’époque qu’il vendrait l’entreprise à Nokia. Nous accueillons également Rajeev Suri, président-directeur général de Nokia.

Le nouvel ensemble, dont le siège sera situé en Finlande, devrait s'appeler Nokia Corporation, le nom d’Alcatel semblant par conséquent abandonné. La nouvelle entité espère dégager environ 900 millions d’euros de synergies sur ses coûts d’exploitation – ce qui peut nous porter à penser que l’emploi salarié sera la variable d’ajustement. Il conviendra donc que vous nous fournissiez des précisions à cet égard au cours de cette audition, sachant que Nokia n’a pas prévu de suppressions d’emplois supplémentaires à l’issue du plan de restructuration d’Alcatel. Les deux groupes souhaitent constituer un champion européen de l’équipement de réseau de plus de 25 milliards d’euros de chiffre d'affaires – un ensemble d’une taille équivalente à celle du suédois Ericsson, le leader du secteur, mais aussi capable de rivaliser avec les équipementiers chinois, comme Huawei ou encore Zhongxing Telecommunication Equipment (ZTE). La nouvelle entité devrait employer quelque 120 000 personnes dans le monde.

Nokia a pris plusieurs engagements et, dans un entretien au journal Le Monde, Michel Combes a déclaré que cette fusion allait renforcer l’emploi en France, indiquant que 500 emplois seraient créés dans la recherche et développement (R&D) en plus des 2 000 qui existent déjà sur le territoire. Les syndicats se sont dits inquiets au vu des redondances existant au niveau mondial en termes d’activités, de produits et de métiers entre deux entreprises de plus de 50 000 salariés chacune.

Je propose donc que M. Michel Combes commence par nous indiquer les raisons de cette fusion et s’il existait des solutions alternatives à ce choix, à la suite de quoi M. Rajeev Suri pourra nous préciser quelles sont ses perspectives et sa stratégie.

M. Michel Combes, directeur général d’Alcatel-Lucent. Je vous remercie de nous donner la possibilité de vous présenter les raisons qui nous ont conduits, Rajeev Suri et moi-même, à proposer ce projet majeur de rapprochement entre Alcatel-Lucent et Nokia.

Je voudrais avant tout vous dire toute ma fierté de contribuer à la naissance d’un champion européen du numérique qui sera leader mondial sur tous ses marchés cibles. Depuis des années, j’ai publiquement exprimé avec constance l’urgence d’une action européenne forte en ce domaine. Alors que la révolution du numérique est désormais en marche, nous ne pouvons rester naïfs et désarmés face à la redoutable intensité de la concurrence américaine et chinoise. À l’échelle de ces pays-continents, l’enjeu d’une stratégie de puissance et d’indépendance sur ces évolutions technologiques, qui vont structurer nos économies et nos vies, a été compris depuis longtemps. Je sais que beaucoup d’entre vous dans cette salle, notamment Laure de La Raudière et Corinne Erhel, partagent ces analyses, et ont pu l’expliquer à plusieurs reprises. Un grand pas en avant est désormais accompli !

J’exprimerai aussi ma fierté de renforcer l’ancrage français du groupe, qui sera un atout formidable pour la nouvelle société. La direction de la recherche et de l’innovation sera localisée en France, et ce à la demande du Président de la République – demande relayée par le ministre Emmanuel Macron. Les effectifs de recherche et développement seront augmentés de 2 000 à 2 500 sur le long terme, et les effectifs totaux à l’issue du plan Shift maintenus pendant deux ans après la clôture, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année 2017. Les sites d’avenir que sont Villarceaux et Lannion seront renforcés. La force de cet ancrage doit beaucoup à la mobilisation des élus locaux, notamment à celle de Corinne Erhel, qui ont constamment œuvré pour maintenir et renforcer l’attractivité de leurs territoires.

Pourtant, il y a moins de trois ans, rien de cela n’était acquis. À mon arrivée comme directeur général d’Alcatel-Lucent au début de l’année 2013, l’entreprise était en situation de quasi-faillite. J’avais eu l’occasion de le dire devant vous. Depuis cette date, la survie du groupe puis la définition d’un nouveau projet industriel ont été des combats acharnés que mon équipe de direction et moi-même avons livrés sans relâche avec l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Le plan Shift a permis à Alcatel-Lucent de se redresser et d’avoir un cap, une lisibilité, une assise financière. À la fin de l’année 2012, Alcatel-Lucent brûlait près de 800 millions d’euros de liquidités par an et a dû gager tous ses principaux actifs industriels, dont ses brevets, pour obtenir de nouveaux prêts bancaires. Au-delà de ces graves difficultés financières, qui menaçaient son existence, le groupe manquait d’une identité industrielle claire ; ses activités et investissements étaient très dispersés ; sa qualité de services était mise en cause.

À mon arrivée, j’ai lancé le plan stratégique Shift visant à assainir la situation financière du groupe tout en le repositionnant sur les technologies du futur : réseaux internet IP, cloud et accès au très haut-débit. J’ai voulu un plan servi par une vision industrielle, un plan de transformation aussi audacieux qu’exemplaire du point de vue social.

Deux ans plus tard, les résultats sont là. Alcatel-Lucent a redressé sa situation financière : en 2014, le groupe est redevenu rentable. Pour la première fois depuis la fusion d’Alcatel et de Lucent en 2006, nous avons terminé l’année, en 2014, avec un flux de trésorerie positif hors charges de restructurations. Nous sommes par ailleurs confiants quant à notre capacité à générer des flux de trésorerie positifs en 2015. L’entreprise a restauré sa compétitivité et son excellence opérationnelle, regagnant ainsi la confiance de ses clients. Proposant une offre de qualité, compétitive, Alcatel-Lucent est redevenu un interlocuteur de premier rang auprès de tous les acteurs du monde des télécommunications, que ce soit en Chine, aux États-Unis ou en Europe. Son ancrage français a été renforcé et nous sommes redevenus le premier fournisseur réseau d’Orange. Je tiens d’ailleurs à cette occasion à remercier Stéphane Richard qui nous a permis de le redevenir. Nous avons aussi élargi notre spectre de clientèle : nous vendons désormais nos produits et services aux grandes entreprises, aux acteurs de l’internet et aux gouvernements. Enfin, Alcatel-Lucent a rétabli son leadership technologique : 85 % de ses dépenses de recherche et développement sont maintenant consacrées aux technologies de nouvelle génération, qui permettent aux réseaux de délivrer une capacité, une sécurité et un confort de communication en adéquation avec les nouveaux usages. En outre, cette recherche est aujourd’hui moins dispersée et plus efficace, grâce à l’effort de rationalisation que nous avons fourni.

Le rapprochement avec Nokia permettra à Alcatel-Lucent de devenir l’un des leaders de la plus grande révolution industrielle depuis la naissance des chemins de fer : celle des réseaux. En assainissant la situation de l’entreprise et en la repositionnant sur les technologies d’avenir, le plan Shift a redonné à Alcatel-Lucent des possibilités de se développer durablement et de faire partie de ceux qui comptent vraiment dans l’invention des réseaux de demain. L’avènement de la société numérique passera nécessairement par ces réseaux intelligents.

Nous savions qu’il fallait aller plus loin. Alcatel-Lucent avait la vision industrielle, comprenait les attentes de ses clients et ce qu’impliquait l’accélération considérable de la transformation numérique. Mais le groupe n’avait pas les moyens d’accomplir pleinement son projet. Il lui restait à franchir une nouvelle étape décisive : trouver les ressources nécessaires pour financer cette vision. Le rapprochement avec Nokia s’est imposé comme la solution à ce défi, en offrant à Alcatel-Lucent les moyens technologiques et financiers de continuer à se développer. Seul, Alcatel-Lucent, comme Nokia d’ailleurs, ne pouvait prétendre à une place de leader sur ces marchés d’avenir. Alcatel-Lucent possède une stratégie industrielle pertinente, une gamme de produits rénovée autour du très haut débit, de l’IP et du cloud, les bons marchés dans le secteur des télécommunications et en dehors de celui-ci. Mais nous n’avons pas une taille critique suffisante sur le marché du mobile ni les moyens de procéder aux investissements et acquisitions nécessaires pour garantir notre place au milieu des autres géants des télécommunications au moment où démarrent partout dans le monde les investissements dans la 5G, nouvelle génération de téléphonie mobile.

Le nouveau groupe sera au contraire numéro un mondial pour l’accès au très haut débit fixe, numéro deux en accès mobile, et en pointe dans la 5G. Il regroupera 114 000 salariés dans plus de cent pays. Le nouvel ensemble formé par Nokia et Alcatel-Lucent aura cette capacité unique à créer les fondations de cette connectivité ininterrompue et à être cet architecte global des réseaux de demain. Nous menons là le bon projet au bon moment – car le timing est essentiel à la réussite d’un projet industriel de cette importance. Ces réseaux du futur, qui s’appuieront de manière massive sur la 5G, les réseaux virtualisés et le Cloud, sont en gestation dans tous les laboratoires de R&D.

L’effort de recherche à fournir est considérable. Il s’agit d’une rupture technologique de grande ampleur. C’est maintenant qu’il faut investir, pas demain. Ces investissements que nos clients attendent, nos concurrents sont actuellement en train de les réaliser. À nous d’en faire autant, et de manière massive. Attendre, c’était menacer les efforts accomplis dans le cadre du plan Shift, effacer les résultats acquis, fragiliser la valeur créée.

Les deux entreprises, Alcatel-Lucent et Nokia, qui ont chacune mené à bien des plans de transformation ces deux dernières années, ont désormais des bases opérationnelles solides. Je suis intimement convaincu que ce rapprochement réussira. Le projet industriel qui le sous-tend est le bon car sur le plan opérationnel, il ne répétera aucune des erreurs du passé. Il ne s’embarrassera pas de querelles d’ego. Nous avons tranché de manière à conférer à ce rapprochement une lisibilité qui a manqué à d’autres fusions. En un mot, ce rapprochement représente le meilleur avenir possible pour les salariés, les clients et les actionnaires d’Alcatel-Lucent, dans un marché des télécommunications caractérisé par une concurrence internationale exacerbée et une exigence d’innovation technologique sans précédent.

Ainsi que vous l’exposera Rajeev Suri, je suis convaincu qu’avec Nokia nous créons un leader européen pour le futur, capable de rivaliser avec les géants mondiaux. Avec une trésorerie nette de plus de 7 milliards d’euros et une R&D qui compte 40 000 employés et pèse près de 5 milliards d’euros, nous nous donnons les moyens de faire la course en tête en matière d’innovation et de technologies. Le groupe bénéficiera en outre de portefeuilles produits et d’implantations géographiques complémentaires. Il aura une présence forte sur tous les marchés clés – aux États-Unis, en Chine, au Japon, en Inde et en Europe. Il réunira de manière unique le meilleur des réseaux. Et, à ce jour, au sein de ce projet d’envergure, la France est le seul pays au monde qui verra ses effectifs non seulement préservés mais encore augmentés, de surcroît dans les fonctions pérennes que sont la recherche et développement. C’était là mon souhait, pleinement partagé par Rajeev Suri, qui vous expliquera pourquoi et comment il compte développer ce domaine en France.

Pour les sites de Villarceaux et de Lannion, ce projet offre des perspectives nouvelles : je pense notamment à l’ouverture d’une antenne Bell Labs à Lannion, travaillant en étroite collaboration avec celle de Villarceaux, mais aussi à l’hébergement de trois plateformes industrielles ouvertes dans les domaines de la 5G, de la virtualisation des réseaux et de l’internet des objets, mobilisant jusqu’à 15 millions d’euros par an d’investissements de recherche et développement.

Au-delà de la pérennité apportée aux sites de Villarceaux et de Lannion, ce projet s’inscrit fortement dans l’écosystème de haute technologie français, qu’il va contribuer à irriguer puissamment. En effet, Nokia a annoncé la création d’un fonds d’investissements doté de 100 millions d’euros et entend soutenir l’excellence académique française en finançant des chaires et des programmes de recherche à hauteur de près de 5 millions d’euros par an. Je le réaffirme devant vous : je suis fier de ce rapprochement, au terme de deux années de travail acharné avec l’ensemble d’Alcatel-Lucent que j’ai eu l’honneur et la chance de diriger. Il s’agit incontestablement d’un projet d’ambition, de refondation et de construction au sein duquel la France a toute sa place. Je cède à présent la parole à Rajeev Suri, qui va vous présenter sa vision du projet Nokia Corporation.

M. le président François Brottes. Ce passage de témoin s’effectue avec enthousiasme. La tonalité de votre expression est en effet d’une tout autre nature que celle que vous aviez lorsque nous vous avions auditionné à votre arrivée dans la maison. Nous sommes donc impatients de découvrir la manière dont M. Rajeev Suri entend prendre le relais de cette entreprise à laquelle le Parlement français est très attaché depuis longtemps.

M. Rajeev Suri, président-directeur général de Nokia (interprétation). Je suis honoré d’être parmi vous aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Je tiens à remercier sincèrement le président Brottes de m’avoir aimablement invité, ainsi que l’ensemble des députés de la Commission des affaires économiques, de participer à cette audition pour discuter du projet de rapprochement entre Nokia et Alcatel-Lucent. Je suis parfaitement conscient qu’Alcatel-Lucent est une entreprise emblématique, ayant une histoire très ancienne et très riche en France, et qui a toujours été à la pointe de l’innovation. C’est une entreprise que je respecte – et que Nokia respecte également. Je suis très heureux d’avoir la possibilité de vous présenter aujourd’hui notre projet et de vous témoigner que nous sommes fiers qu’Alcatel-Lucent intègre la famille Nokia. Ce projet industriel se concrétise au moment opportun : il est bon à la fois pour Nokia, pour les salariés d’Alcatel-Lucent, pour les clients et les actionnaires des deux entreprises et pour la France. Il constitue une réponse européenne à la fois puissante et résolue à un monde qui évolue rapidement, une occasion formidable d’être au cœur des technologies de demain. Ce projet mérite donc votre soutien. Le rapprochement de Nokia et d’Alcatel-Lucent créera un champion technologique européen dans les réseaux de nouvelle génération et les technologies de l’information en cloud. Il aboutira à la création d’une entreprise capable d’innover, disposant d’un vaste champ d’intervention et d’un contact étendu avec ses clients, dans une tradition d’excellence opérationnelle – une entreprise à même de suivre les changements dynamiques du secteur et d’être compétitive sur le plan international.

Je dirai à présent quelques mots sur Nokia, entreprise que j’ai rejointe il y a vingt ans, alors que je n’étais encore qu’un jeune ingénieur. Nokia ayant été fondée en 1865, nous avons célébré avec fierté son 150e anniversaire cette année. Au départ, ce n’était qu’une petite usine de papier située en Finlande. Puis notre entreprise a connu maintes péripéties industrielles, des ruptures technologiques et sociales ainsi que des cycles économiques. Au cours de ce siècle et demi, nous avons fabriqué des bottes en caoutchouc, des pneus, des câbles de télévision, des téléphones mobiles, de l’électronique grand public etc. Mais la réinvention a toujours été un élément essentiel de notre ADN et je suis convaincu que, lorsque vous entendez le nom de Nokia, vous êtes nombreux à penser à la téléphonie mobile. Or, c’est une activité que notre entreprise a vendue en avril 2014 à Microsoft, juste avant que je devienne directeur général de Nokia. Bien qu’ayant toujours travaillé sur le volet « réseaux » de l’activité de l’entreprise, j’ai évidemment suivi de très près cette évolution et suis resté convaincu de l’importance de créer une culture de performance et de ne jamais verser dans l’autosatisfaction.

Depuis la cession de son activité de téléphonie mobile, Nokia a trois activités fortes – segments sur lesquels nous sommes leaders : il s’agit tout d’abord de Here, société de services de localisation et de cartographie basée à Berlin, regroupant 6 000 salariés et réalisant un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel. Pour nous, c’est la seule structure capable de faire pièce à Google de manière efficace dans le domaine de la navigation et des cartes numériques. Nous disposons ensuite de Nokia Technologies, notre groupe d’incubation spécialisé dans les nouvelles technologies, qui réalise un travail passionnant dans les domaines de l’image immersive et des soins connectés. Notre troisième activité, la plus importante, concerne les équipements pour réseaux de télécommunications. En 2007, Nokia a combiné ses infrastructures de télécommunications avec celles de Siemens pour former une co-entreprise, Nokia-Siemens Networks (NSN). En 2013, nous avons racheté la part de Siemens dans NSN pour créer Nokia Networks.

Aujourd’hui, nous avons l’une des activités les plus importantes, enregistrant parmi les meilleurs résultats de ce secteur grâce à la révolution que nous avons entamée à la fin de l’année 2011. Il est vrai que cela n’a pas été simple : nous avons malheureusement dû supprimer des emplois dans de nombreux pays, et un grand nombre de nos anciens collègues et amis ne sont plus dans le groupe. Mais nous travaillons dans un secteur où la concurrence est très intense et où les marges sont faibles. Mon équipe dirigeante et moi-même devons veiller à ce que l’entreprise soit pérenne à long terme et à créer de la valeur pour toutes nos parties prenantes.

Nous sommes contents des progrès que nous avons réalisés, mais nous n’en sommes pas encore satisfaits et nous savons que nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. C’est d’autant plus vrai que nous sommes arrivés à un tournant technologique et que nous allons connaître un changement qui sera certainement aussi important à notre sens que la création d’internet : l’avènement du monde programmable, qui va au-delà des connexions entre les objets et entre les gens. Il ne s’agit pas d’un phénomène ésotérique réservé aux communautés de techniciens ; il profitera aux gens au quotidien : nous aurons des voitures sans conducteur − ce qui permettra de réduire le nombre de victimes d’accidents de la route ainsi que les émissions de CO2 − et des appareils connectés grâce à l’informatique en cloud qui permettront de réduire les coûts et d’améliorer la qualité des soins de santé ou encore des capteurs dans les systèmes de distribution d’eau qui permettront de réduire les fuites et donc le gaspillage des ressources précieuses.

Nous avons besoin pour ce faire de réseaux capables de répondre aux spécifications de ces nouvelles applications et nous devons également innover dans les technologies et les business models, ce que Nokia et Alcatel-Lucent vont faire. Ce rapprochement est une formidable occasion de réussir ensemble : il nous permettra de disposer de capacités d’innovation inégalées et nous avons l’intention de maintenir la marque et les capacités de Bell Laps pour accélérer le développement des technologies futures telles que la 5G, les réseaux définis par les logiciels, ou software defined networks, l’informatique en cloud, l’analytique, les capteurs et l’imagerie.

Contrairement aux rapprochements précédents des activités de Nokia et Siemens et de celles d’Alcatel et Lucent, qui étaient principalement des projets d’échelle, nous voulons ici élargir notre champ d’intervention, créer une entreprise disposant d’une palette de technologies qui la rende capable de mettre en place le monde programmable dont j’ai parlé tout à l’heure. Il y aura moins de doublons et plus de complémentarité entre nous, ce qui est une très bonne chose.

Nous aurons également une masse critique et une échelle suffisante pour un grand nombre de technologies-clés : la 4G, la 5G, les services de télécommunications, la téléphonie fixe, le routage IP, les réseaux-clés, les applications d’informatique en nuage etc. Nous avons là une véritable chance de devenir numéro un ou numéro deux sur ces segments. Grâce à notre taille, à notre influence et à notre expertise, nous pourrons également influer sur les changements dans cet écosystème.

En outre, nous aurons un contact extraordinaire avec notre clientèle : nous pourrons fournir une gamme complète de produits à des clients dans le monde entier. Nous serons numéro un aux États-Unis et en Chine et allons considérablement développer notre activité en Amérique latine et en Europe.

Enfin, nos deux entreprises sont capables d’excellence opérationnelle. Alcatel-Lucent a réalisé des progrès remarquables grâce à son plan Shift, et Nokia a connu une véritable révolution qui permettra de réduire au maximum les risques liés à la mise en œuvre de cette opération. Cette dernière est nécessaire non seulement pour profiter des changements à venir en matière de technologies, mais également pour minimiser les risques que comporte le fait d’avoir une taille insuffisante.

Il importe ici que vous appréhendiez la nature des infrastructures de télécommunication. Dans cet univers, il faut investir massivement dans la recherche et développement, mais, dans le même temps, la standardisation accroît la pression sur les prix. L’innovation est donc un point essentiel, mais ce sont la productivité, l’efficacité et la discipline des coûts qui nous confèrent notre principal avantage par rapport à nos concurrents et qui nous permettent de nous différencier. Les choses ne sont pas simples : prenez par exemple les résultats du premier trimestre de cette année pour l’ensemble du secteur. Le numéro un du secteur a enregistré une marge opérationnelle de 4 %. Mais, si vous en déduisez les recettes tirées des brevets et de la propriété intellectuelle, cette marge est bien plus basse. Alcatel-Lucent affiche une marge opérationnelle de 2,5 %, Nokia de 3,2 % selon la norme International Financial Reporting Standards (IFRS). Et Nokia a été la seule entreprise, parmi les trois que j’ai citées, à connaître une croissance annuelle hors fluctuations monétaires.

Bref, nous nous trouvons dans un environnement difficile, où il faut investir de façon massive dans la recherche et développement alors que la rentabilité est faible. C’est la raison pour laquelle les synergies de coût sont essentielles dans cette opération. Nous tablons sur 900 millions d’euros de synergies en 2019, et nous n’avons pas d’autre choix que d’atteindre cet objectif. Cela dit, je suis absolument convaincu que nous aurions à supprimer plus de postes si nos deux entreprises ne se rapprochaient pas. Ensemble, nous serons plus forts que nos concurrents même si, bien évidemment, nous devons répondre aux exigences du marché. Nous allons devoir prendre des mesures difficiles mais les autres solutions sont moins bonnes et nous arriverons à créer un nouveau champion européen.

Permettez-moi à présent de dire quelques mots sur la France. Nokia Networks est fortement implantée dans ce pays. Nous employons ainsi 230 salariés sur notre site d’Asnières, qui travaille avec les quatre principaux opérateurs français : Orange, SFR-Numericable, Bouygues Telecom et Free. Et comme nous sommes un groupe international, vous ne serez pas surpris d’apprendre que certains de nos cadres les plus talentueux sont français : Marc Rouanne, par exemple, qui nous a rejoints il y a sept ans, venant d’Alcatel-Lucent, est aujourd’hui directeur de notre branche Mobile Broadband ; Igor Leprince est notre vice-président exécutif chargé des services globaux chez Nokia Networks ; Vivek Badrinath, PDG adjoint d’Accor, est membre de notre conseil d’administration. Et ils ne manquent jamais de me rappeler que les meilleurs ingénieurs au monde sont français. Toute plaisanterie mise à part, il y a là un fond de vérité, même si l’on compte dans d’autres pays des gens fort talentueux. La France a une réputation, à mon sens méritée, d’excellence dans les sciences et l’ingénierie. C’est votre patrimoine, votre tradition, votre héritage, et j’admire la longue histoire d’excellence de l’enseignement supérieur dont vous jouissez dans votre pays, grâce à vos grandes écoles et à certaines des meilleures universités au monde qui forment des ingénieurs d’élite. Votre gouvernement a en outre bien soutenu la recherche-développement grâce au crédit d’impôt recherche et aux programmes d’investissements d’avenir, toutes choses qui ont favorisé la création d’une sorte de réservoir de talents.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent nos engagements. Nous nous y tiendrons non seulement parce qu’il nous faut le faire, mais aussi parce que nous pensons que cela est pertinent. Nous sommes persuadés que nous allons profiter de notre solide implantation en France, que nous contribuerons à développer l’écosystème technologique de ce pays et que grâce à l’innovation de Bell Labs, nous pourrons poursuivre la recherche-développement pour les systèmes de nouvelle génération sur les formidables sites que sont Villarceaux et Lannion. La France est au cœur de notre projet, raison pour laquelle j’ai été honoré d’entamer un dialogue ouvert et constructif avec le président Hollande et le ministre Emmanuel Macron avant d’annoncer l’opération de rapprochement. Ce dialogue est toujours en cours et je tiens à souligner à quel point cet engagement est important pour nous tous – pour Nokia et pour moi-même à titre personnel. Nous avons pris très au sérieux la priorité accordée par le Gouvernement français au maintien des emplois en France : 100 % des engagements que nous avons contractés en matière d’emploi concernent votre pays, le seul dans lequel nous nous sommes engagés de la sorte. Alcatel-Lucent a déjà connu une restructuration difficile. À la fin de l’année, les effectifs de cette entreprise devraient s’élever à environ 4 200 salariés : nous nous sommes engagés à maintenir ce chiffre pendant au moins deux ans après la finalisation de cette opération, et nous devrions augmenter le nombre de salariés employés dans les services de recherche et développement en France afin de mettre à profit votre expertise. Nous maintiendrons le niveau des emplois dans la R&D atteint à la fin de l’année 2014 pendant au moins quatre ans après la finalisation de l’opération de rapprochement. Nous nous sommes fixé pour objectif d’augmenter de 25 % le nombre d’emplois dans la recherche et développement, c’est-à-dire que nous y créerons 500 postes supplémentaires et que nous pourrons embaucher 300 nouveaux diplômés au cours des trois prochaines années.

Cela dit, je ne vous cacherai pas qu’il faudra en parallèle réduire le nombre d’emplois qui ne sont pas liés à la recherche-développement car, dans ce secteur concurrentiel, nous ne pouvons-nous permettre les doublons. C’est pourquoi nous allons devoir réduire le nombre de postes dans les fonctions d’entreprise et économiser dans d’autres domaines comme celui des achats afin d’assurer le succès de notre opération. Les salariés devront s’adapter et passer des anciennes aux nouvelles technologies de sorte que notre personnel ait les compétences nécessaires pour les technologies de demain. Lorsque nous réduirons nos effectifs, nous agirons de façon équitable, honorable et respectueuse.

Si vous souhaitez des détails sur cette opération, je ferai de mon mieux pour vous en fournir mais malheureusement, je ne pourrai le faire dans la plupart des cas – non pas que je ne le veuille pas mais parce que nous ne connaissons pas encore toutes les réponses aux questions. Nous avons encore beaucoup de travail à accomplir d’ici à la finalisation de la transaction, et nous restons jusque-là des concurrents. Les informations échangées dans le cadre du processus d’intégration sont limitées à quelques personnes seulement. Certaines décisions ne pourront être diffusées, y compris même après la finalisation de l’opération. Il vous faut faire preuve de patience et de compréhension car c’est ainsi que les choses fonctionnent. Notre entreprise ne prend aucune décision sans connaître tous les faits nécessaires, mais nous restons engagés et privilégions un dialogue transparent et ouvert avec le gouvernement français tout au long de l’opération.

Notre engagement en France va au-delà d’un simple objectif macro-économique d’effectifs. Nous voulons créer des centres d’excellence en exploitant au mieux les compétences technologiques des équipes locales du pays, notamment à Villarceaux et à Lannion. Nous voulons renforcer le niveau d’activité de ces deux sites historiques d’Alcatel-Lucent et ferons en sorte que ces centres d’excellence servent de moteur à l’innovation pour notre activité dans le monde entier en développant plusieurs technologies décisives : la 5G et les small cells qui permettront de faciliter le développement des réseaux de nouvelle génération, épine dorsale de l’économie numérique ; le domaine de plus en plus important de la cyber-sécurité, ce qui confortera la position de la France comme numéro un mondial ; les plateformes de gestion des protocoles internet IP qui confèreront à la France et à Nokia un avantage concurrentiel dans un secteur technologique qui permet de gérer l’information au cœur des réseaux ; nous nous appuierons aussi sur l’excellence d’Alcatel-Lucent dans la transmission sans fil, reconnue dans le secteur ; enfin, nous profiterons des compétences de Bell Labs pour innover.

La France sera un centre-clé de décision dans le groupe et nous permettra de contribuer très largement au développement de l’écosystème technologique et de favoriser l’innovation dans l’économie française. Nous nous sommes engagés à financer des programmes d’enseignement supérieur ainsi que trois plateformes de prototypes industriels ouvertes à des partenaires externes pour la collaboration et le développement dans les domaines de la télécommunication mobile 5G, des objets connectés et de la cyber-sécurité. Nous allons également créer un fonds, doté d’environ 100 millions d’euros, qui servira essentiellement à investir dans des start-up et à favoriser l’émergence de nouvelles idées dans l’internet des objets, la cyber-sécurité et les plateformes de logiciels pour les réseaux de nouvelle génération.

Voilà quels sont nos engagements. Nous avons l’intention de les honorer sans aucune exception car notre groupe est connu pour son intégrité. Mais tout cela n’est qu’un point de départ et non notre destination finale. Avec votre soutien, en travaillant dur, en faisant preuve de dévouement, en ayant les bons modèles et les bons plans commerciaux, nous pourrons croître à l’avenir et si la croissance est rentable, nous sommes ouverts à une expansion encore plus forte en France au fil des ans. Voilà mon projet pour Nokia en France. Nous sommes dévoués, engagés envers les populations, l’innovation et la technologie. Telles sont les perspectives que nous offrons à nos salariés en France et à l’étranger. Nous avons un projet industriel global et voulons être un partenaire privilégié pour de nombreux clients dans le monde. Nous voulons être au service des populations en restant humbles mais déterminés, en leur faisant profiter de toutes les technologies que nous maîtrisons. J’ai été extrêmement content de l’accueil positif réservé à l’opération jusqu’à présent par toutes les parties prenantes – clients et actionnaires de nos deux entreprises. Maintenant, j’attends avec impatience vos réflexions et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de présenter nos projets.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, messieurs les présidents. À la suite de vos présentations très calibrées, nous allons à présent vous poser nos questions. Vous nous avez certes indiqué ne pas pouvoir donner réponse à tout, mais la règle du jeu est connue : toute question mérite réponse ! Par courtoisie, je vous ai laissé parler pendant une vingtaine de minutes, ce qui n’est pas forcément l’usage, mais le niveau des investissements et des engagements en jeu le justifiait. À présent, je cède la parole à mes collègues.

Mme Corinne Erhel. Je remercie tout d’abord les responsables de deux grands groupes importants dans le secteur de l’économie numérique et des télécommunications d’être présents ce soir. Ce moment était attendu tant par les parlementaires que par les salariés d’Alcatel-Lucent et de Nokia. Vous portez tous deux un regard très optimiste sur cette opération. Celle-ci vous permettra en effet de devenir un acteur majeur face à vos trois concurrents principaux, qui se livrent une concurrence très forte à la fois sur le plan de l’innovation technologique et sur celui des coûts. Cela étant, il est également nécessaire d’avoir une certaine visibilité et de disposer d’un cadre sécurisant pour les salariés. Mon engagement est constant à cet égard, car je considère que les équipementiers en télécommunications et les acteurs du numérique jouent un rôle essentiel en matière de politique de sécurité grâce aux technologies de l’information et de la communication.

Alcatel-Lucent ayant subi plusieurs plans successifs, il est donc normal que ses quelque 4 200 salariés en France s’interrogent quant à ce rapprochement et à ses conséquences éventuelles tant sur l’organisation de la R&D en France que sur celle des fonctions support. Pourriez-vous nous fournir des précisions à ce sujet ? Quel sera le calendrier de l’embauche annoncée de 500 chercheurs en France ? Dans quelles activités ?

Vous venez de réitérer ici l’ensemble des engagements que vous avez pris auprès du Président de la République et du Gouvernement. Lors de sa visite la semaine dernière à Lannion, Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces que vous avez confirmées concernant Bell Labs à Villarceaux, le site secondaire de Lannion et l’ouverture de plateformes innovantes dans le cadre de la « nouvelle France industrielle ».

Au sein de notre Commission, nous accordons depuis toujours de l’importance à l’approche par filières dans ce secteur d’activités : comment entendez-vous développer les partenariats que vous avez noués avec vos fournisseurs ? Votre stratégie en la matière a-t-elle changé ? En tant qu’acteur incontournable, vous vous devez de réaliser des investissements forts dans les écosystèmes. C’est pourquoi vous avez annoncé tout à l’heure la création d’un fonds consacré à l’innovation, qui sera fortement abondé. Comptez-vous également vous implanter dans les pôles de compétitivité et les instituts de recherche technologique en France ?

Monsieur Combes, j’ai lu récemment dans la presse que votre départ d’Alcatel-Lucent était annoncé pour le mois de juillet : confirmez-vous cette information ? Cela nous interpelle dans la mesure où l’on se trouve au début d’un processus et non à sa clôture.

Enfin, quel regard portez-vous, monsieur Rajeev Suri, sur l’organisation européenne du numérique et du marché des télécommunications, notamment sur les processus de concentration en cours ?

Mme Laure de La Raudière. Je salue la tenue de cette audition de deux présidents de grandes entreprises européennes. Mon sentiment est aujourd’hui mitigé. J’éprouve en effet une certaine nostalgie à l’égard d’une époque où, dans ma jeunesse d’ingénieur des télécommunications, on comptait en France trois entreprises en ce domaine : Sagem, Alcatel et Matra. Demain, plus aucune entreprise d’équipementier télécom ne sera française. Monsieur Suri, comment faire en sorte d’en conserver une qui soit européenne ? Comment nous assurer aujourd’hui que vous préserverez le capital, important pour la France, de nos ingénieurs des télécoms et des réseaux, et que nous pourrons ainsi conserver au fil des ans cette industrie majeure pour nos réseaux de télécommunications, et par conséquent pour la sécurité des États ?

Je salue également le travail effectué depuis 2012 par la nouvelle direction d’Alcatel-Lucent, mais aussi par l’ensemble de son personnel qui s’est pleinement investi dans le plan Shift. Corinne Erhel et moi-même avons visité le site de Villarceaux il y a quelques mois, lors de l’inauguration de sa nouvelle plateforme de développement. J’y ai alors été très impressionnée par le foisonnement d’innovations et l’ouverture de ce site vers l’ensemble de l’écosystème numérique français, permettant au groupe Alcatel de déceler le plus en amont possible les innovations de rupture qui pourraient être opérées dans des startups extérieures et donc de maintenir son avance technologique. Monsieur Suri, envisagez-vous dans l’avenir de conserver le mode de fonctionnement actuel de ce site ? Quant au rôle d’Alcatel dans la filière numérique française, quel pourra être l’impact de la fusion d’Alcatel-Lucent et de Nokia sur les liens entre Alcatel et ses fournisseurs, notamment les PME numériques françaises que nous avons dans tous nos territoires ?

Si une fusion d’entreprises est toujours fort perturbante pour les salariés, vous avez annoncé qu’il n’y aurait pas de suppressions d’emplois en France. Je salue cet engagement, mais comment se concrétisera-t-il ? Votre restructuration nécessitera sans doute des licenciements mais peut-être aussi des embauches : quel en sera l’ordre de grandeur ?

Enfin, depuis que Microsoft a racheté à Nokia son activité de téléphonie mobile et qu’Alcatel a cessé cette même activité, nos téléphones portables ne fonctionnent plus correctement en téléphonie ! Je l’affirme en tant que députée élue dans des territoires ruraux. Les smartphones sont d’excellents ordinateurs portables microscopiques mais de mauvais téléphones. Ne pourriez-vous pas vendre des prestations de conseil en ce domaine, de concert avec l’ensemble de vos ingénieurs en recherche et développement, afin que nos mobiles, qu’ils soient fabriqués par Apple ou par Microsoft, redeviennent performants en tant que téléphones de demain ?

Mme Michèle Bonneton. Monsieur Combes, la stratégie aujourd’hui présentée est axée sur la souveraineté numérique européenne. D’ailleurs, le siège du nouveau groupe sera établi en Finlande selon les projets dont nous avons connaissance. Pourtant, il y a à peine plus d’un an, vous parliez surtout de patriotisme économique, en particulier dans le cadre du plan souveraineté télécoms, partie intégrante des trente-quatre plans de la « Nouvelle France industrielle ». En quoi le choix d’un regroupement européen vous paraît-il préférable à la consolidation d’un fleuron français des télécommunications ? Que reste-t-il du plan « Nouvelle France industrielle » dans votre secteur d’activité ?

Ce type d’opération suppose nécessairement des regroupements d’activités, des restructurations et, par conséquent, des réductions d’effectifs. Vous avez affirmé qu’il n’y aurait pas de licenciements en France : jusqu’à quand cette affirmation est-elle valable ? Qu’en sera-t-il dans la durée ? Y aura-t-il des licenciements ailleurs en Europe ? Est-il réellement envisageable de voir la R&D de l’ensemble du groupe s’installer en France ?

J’adresse les questions qui suivent aux deux présidents à la fois : pensez-vous que la Commission européenne risque de vous imposer des conditions défavorables au rapprochement de vos deux groupes ?

M. le président François Brottes. Ils ne pourront pas répondre à cette dernière question…

Mme Michèle Bonneton. Que pensez-vous, enfin, de la percée des équipementiers chinois en Europe, alors qu’ils sont « interdits de séjour » aux États-Unis – officiellement pour des raisons de sécurité nationale ?

M. le président François Brottes. Je note comme vous que la presse s’est fait l’écho de discussions ardues entre la Commission européenne, General Electric et Alstom. Pour autant, on ne sait jamais à l’avance comment les choses vont se dérouler de ce point de vue. C’est effectivement une question importante, à laquelle tant Bruxelles que l’Autorité de la concurrence mettent toujours trop de temps à répondre.

M. Hervé Pellois. Le site historique d'Alcatel-Lucent à Lannion doit faire l’objet d’investissements conséquents pour devenir un centre de recherche ultra-performant. Dans le cadre des neuf plans industriels refondus par Emmanuel Macron, trois plateformes seront lancées sur les thèmes des objets connectés, du sans-fil, de la cyber-sécurité et de la virtualisation. Lannion accueillera l’une d’entre elles. Sait-on déjà laquelle ? J’ai cru comprendre qu’il pourrait s’agir de la cyber-sécurité avec Bell Labs. Quelle pourrait être son importance en termes d’emplois et de financements ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Lors de l’assemblée générale d’Alcatel-Lucent le 26 mai dernier, des actionnaires se sont montrés insatisfaits des conditions de l’opération, chaque actionnaire voyant son poids divisé par trois dans le nouvel ensemble. Grâce à un fonds commun de placements, les salariés d’Alcatel disposent aujourd’hui d’1,2 % du capital de l’entreprise. Le représentant de ce fonds a donc demandé que des actions gratuites soient distribuées à tous les salariés du groupe : pourriez-vous nous éclairer quant à la faisabilité de cette proposition ainsi que quant à l’avenir de ce fonds commun de placements ?

M. Lionel Tardy. Pourriez-vous nous fournir des précisions chiffrées quant à l’ensemble des activités qui devront être cédées à la suite de cette fusion ? Il est question de céder l’activité relative aux câbles sous-marins, qui ne fait pas partie de l’accord, la cartographie, qui pèse près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, et une partie des activités localisées en Chine – pays où il semble qu’il y ait le plus de doublons entre les deux entités.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous avons tous noté votre vif enthousiasme vis-à-vis du rapprochement de vos deux entreprises qui donnera naissance à un champion européen. Mais cet enthousiasme n’est pas partagé par l’ensemble des salariés. Ma collègue Corinne Erhel vous ayant déjà posé toutes les questions pertinentes à ce sujet, je me contenterai de souligner l’importance des engagements que vous avez pris en matière de maintien de l’emploi. Quelles seront les incidences – positives ou négatives – de ce rapprochement sur les entreprises françaises ? Enfin, je rejoins le point de vue de Laure de La Raudière quant à la mauvaise qualité de la téléphonie mobile dans les zones rurales et montagneuses.

M. Yves Daniel. Monsieur Combes, à votre arrivée en 2013 à la tête d’Alcatel-Lucent, vous avez mis en place le plan Shift, censé recentrer le groupe sur les réseaux IP et l’accès au très haut débit. L’égal accès de tous à ce dernier est un enjeu crucial, notamment dans les zones rurales, souvent plus défavorisées en ce domaine. Quelles sont vos actions concrètes en la matière ? Le plan Shift a-t-il permis des améliorations sur ce point ?

Monsieur Suri, interrogé par Les Échos en avril dernier sur l’impact de la fusion sur l’emploi, vous avez déclaré : « Nous respecterons les engagements pris dans le cadre du plan Shift. Par ailleurs, j’insiste sur le fait que les synergies que nous avons calculées ne reposent pas seulement sur des réductions de coûts. Elles se basent aussi et surtout sur la génération de nouveaux revenus. » Pourriez-vous être plus précis quant aux synergies évoquées ainsi que quant aux nouveaux revenus envisagés ?

M. le président François Brottes. Entre un accord et sa mise en application, il s’écoule toujours plusieurs mois. Comment gérer cette phase de transition ? Ont été évoquées tout à l’heure d’éventuelles réticences ou injonctions de la Commission européenne à l’égard de cet accord. Mme Erhel a également abordé la question du départ rapproché de Michel Combes. La presse semble affirmer qu’il compte revenir dans le secteur de la téléphonie, sans que nous sachions si c’est exact. Les conditions de ce départ inquiètent ceux qui suivent de près ce rapprochement, le président de Nokia ayant rappelé que les deux entreprises restaient en concurrence tant que l’accord n’était pas acté. Pendant ces mois de transition, qui tiendra la barre de l’entreprise sachant que celle-ci doit poursuivre le redressement engagé ? Il est du devoir du Parlement que de clarifier cette question et les syndicats, que nous recevrons sans doute prochainement, nous adresseraient des reproches si nous ne vous la posions pas.

M. Michel Combes. Notre optimisme, auquel vous avez fait référence, n’est ni béat ni naïf : c’est avant tout le réalisme qui nous conduit à mener cette opération. Le projet que nous pouvons vous présenter aujourd’hui est le résultat de transformations profondes engagées au cours des années qui viennent de s’écouler par Rajeev Suri chez Nokia et par moi-même et l’équipe de direction d’Alcatel-Lucent, qui font que ces deux entreprises, aujourd’hui solides, se sont repositionnées en Europe et peuvent ensemble décider d’un avenir commun. Ce rapprochement répond aux préoccupations du marché et permettra à l’Europe de se doter d’un champion européen assurant le développement des technologies et de la souveraineté dont vous avez parlé.

Il est vrai que mon ton a changé depuis mon audition ici même il y a deux ans : à l’époque, je ne savais pas si l’entreprise allait terminer l’année. Cette situation fort délicate m’avait amené à me montrer très transparent vis-à-vis de la représentation nationale et à vous expliciter le projet que j’avais élaboré pour l’entreprise, espérant pouvoir lui redonner un avenir. Cela est aujourd’hui chose faite. D’où la fierté qui est la mienne et d’où, sans doute, la différence de tonalité que vous avez relevée.

J’en viens à présent à la question plus personnelle que vous m’avez adressée. Dans la mesure où j’ai consacré ces deux dernières années, jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au redressement de cette entreprise, il est évident que le bon aboutissement du projet de rapprochement entre Nokia et Alcatel-Lucent est ma seule motivation à court terme. Je le dois à l’entreprise, à ses collaborateurs, à ses clients, à ses actionnaires et à tous ceux qui m’ont fait confiance au cours des deux années qui viennent de s’écouler. Nous avons été amenés à annoncer, au moment de cette opération, que j’avais vocation à quitter l’entreprise qui ne peut avoir à sa tête deux directeurs généraux. Tout le monde a encore en tête la gouvernance d’Alcatel-Lucent il y a quelques années : les collaborateurs, les premiers, m’ont demandé dès que nous avons annoncé ce rapprochement que la gouvernance de l’entreprise soit lisible et claire afin d’éviter de renouer avec ce que nous avions connu entre 2006 et 2008. Je dois vous avouer que ce départ m’est difficile à titre personnel. J’aurais beaucoup aimé diriger ce groupe – sans doute le plus beau groupe de technologies au monde. Cela dit, Nokia étant un plus gros groupe que le nôtre, il est le partenaire majoritaire de cette alliance. Et je connais Rajeev Suri depuis des années car nous avons travaillé ensemble – dans la même industrie d’une part, et lorsqu’il fut l’un de mes fournisseurs d’autre part. J’ai donc toute confiance en lui pour mener à bien le projet que nous avons bâti tous les deux. Je suis donc tout à fait serein quant à ma faculté de me retirer…

La date de mon départ n’est pas encore fixée : il nous faut trouver le bon moment. D’un côté, l’opération doit être suffisamment bien engagée, et nous devons être sûrs qu’elle ira jusqu’à son terme. Aujourd’hui, les obstacles qui demeurent sont essentiellement réglementaires : nous avons déposé des dossiers auprès d’une trentaine de juridictions, dont neuf principales, dont nous attendons les autorisations pour procéder à l’offre proprement dite, puis au closing. D’un autre côté, il faut préparer la suite de l’histoire de l’entreprise, et cette suite sera écrite par Rajeev Suri, qui doit prendre progressivement la main et établir des relations apaisées avec les équipes de direction d’Alcatel-Lucent, afin que celles-ci s’intègrent au mieux dans le nouvel ensemble. Je ne dois surtout pas apparaître comme celui qui contrecarrerait son action.

Il y a donc un équilibre à trouver. Le moment venu, nous vous présenterons la gouvernance que nous avons retenue pour la période qui ira jusqu’au closing. En tout cas, nous avons tous deux été fort marris de l’article paru dans Challenges, qui annonçait mon départ pour le 15 juillet : c’est absolument inexact. Aucune décision n’est prise, je le redis.

Philippe Camus, président du conseil d’administration d’Alcatel-Lucent, et moi-même souhaitons avant tout que la fusion soit réussie : cela implique d’installer les bons hommes aux bons endroits.

M. Rajeev Suri (interprétation). Merci de vos nombreuses questions.

S’agissant des effectifs, nous avons prévu, je le répète, de maintenir le niveau d’emploi en France pendant au moins deux ans après la fin de la transaction : cela représente 4 200 salariés. Nous avons également annoncé notre intention de renforcer les effectifs de la recherche et développement, qui sont actuellement de 2 000 salariés, avec 500 nouvelles embauches au cours des trois prochaines années. Nous entendons notamment recruter 200 jeunes diplômés dans le domaine des nouvelles technologies. La France ne doit pas se concentrer sur ses compétences actuelles : elle doit devenir un centre d’excellence pour les technologies du futur, comme la 5G.

Je ne vous ai pas caché, en revanche, qu’il y aurait des rééquilibrages et des suppressions de postes, en raison de doublons entre nos deux entreprises. Je n’ai pas plus de détail à vous offrir aujourd’hui.

Quant aux sites technologiques de Villarceaux et de Lannion, nous nous sommes engagés à renforcer leur importance. L’investissement en recherche et développement se pense nécessairement à long terme. Nokia dispose déjà de centres d’excellence technologique de niveau mondial et la France doit devenir l’un de ces centres d’innovation. En France, nous entendons nous concentrer sur la 5G et les small cells – de petites antennes, qui nous permettront notamment de faire le lien entre la 4G et la 5G. J’ai déjà évoqué un centre consacré à la cybersécurité, soit à Villarceaux soit à Lannion : il devrait en tout cas ressembler de près au centre que nous avons installé à Berlin l’an dernier. Nous ne voulons pas de doublons, mais je souligne que la transmission sans fil est l’une des grandes spécialités d’Alcatel-Lucent : nous ne disposons pas de ce type de technologie.

Les salariés de Villarceaux et de Lannion seront regroupés dans une seule entité : ils doivent savoir à quoi s’attendre à long terme. Nous voulons établir un écosystème sain, qui permette de développer ces centres.

Notre groupe sera également le premier fournisseur d’équipements, de solutions et de services dans le domaine des télécommunications en France. Nous aurons de gros clients et espérons nous développer sur le marché français. Nous avons l’intention de maintenir des effectifs dans le domaine de l’assistance, de la vente, de distribution…

Nous avons commencé à travailler sur notre projet d’entreprise mais il n’est pas achevé. La France ferait certainement un bon point de départ pour la distribution et l’assistance en direction de certains pays européens et africains. Là encore, notre projet est en cours de construction. Les réponses que je vous apporte sont donc pour le moment de simples pistes de réflexion.

Nous pensons que la fusion aura pour les fournisseurs et les sous-traitants des conséquences limitées, dans la mesure où nous entendons développer et non réduire nos activités de recherche et développement. Quant à ceux qui travaillent dans le secteur de l’assistance au client, de la mise en service… ce sont des services que nous entendons maintenir.

Vous m’avez interrogé sur la consolidation en cours des opérateurs européens des télécommunications. C’est à mon sens un processus qui doit continuer. Les États-Unis ont quatre grands opérateurs, la Chine trois, l’Inde trois, le Japon trois : en Europe, il serait raisonnable qu’il y ait dans chaque pays trois ou quatre grands opérateurs seulement. La consolidation leur permettra d’être plus compétitifs, non seulement en réalisant des économies d’échelle, mais aussi en établissant des convergences, des synergies – c’est ce qui s’est passé aux États-Unis. Les gammes de produits vont grandir. Les principaux opérateurs mondiaux ont déjà achevé ce processus de convergence, que ce soit dans le domaine de la téléphonie mobile, de la téléphonie fixe, de la télévision… Aujourd’hui, 29 % seulement des opérateurs mondiaux sont des pure players de la téléphonie mobile : cela me paraît une tendance positive. La nécessité d’atteindre une masse critique, mais surtout de proposer une gamme de produits assez large pour répondre à tous les besoins de ces grands opérateurs, est l’une des raisons qui rendent cruciale la fusion entre Nokia et Alcatel-Lucent. Notre rapprochement intervient, je crois, au bon moment. Nous ne sommes pas sur la défensive, au contraire !

Je crois énormément à l’internet des objets. Les entreprises seront de plus en plus connectées, et la technologie va prendre encore plus de place qu’aujourd’hui. De nouvelles possibilités vont faciliter la vie des gens et libérer du temps. Nous voulons participer pleinement au monde programmable qui est devant nous : un monde où, grâce aux voitures qui se conduisent elles-mêmes, il y aura bien moins de morts sur les routes ; un monde où, grâce aux objets intelligents, notre santé sera mieux surveillée… Les patients placés en unité de soins intensifs font l’objet d’une surveillance étroite, mais lorsqu’ils rentrent chez eux, cette surveillance s’achève : il serait formidable d’arriver à connecter les hôpitaux et les domiciles des patients. De nombreuses industries – l’industrie pharmaceutique ou le secteur de la distribution d’eau, par exemple – peuvent gagner en efficacité grâce aux objets connectés. La 5G notamment jouera un rôle clé en diminuant le temps de réponse du réseau : cela permettra au patient d’être suivi de très près même à son domicile, à la voiture sans conducteur de freiner à temps pour éviter un obstacle… C’est un sujet passionnant, enthousiasmant !

Voilà pourquoi nous avons décidé d’investir dans ce domaine, afin d’encourager la création de start-up et l’émergence de nouveaux écosystèmes en France.

M. Michel Combes. Plusieurs questions ont porté sur l’avenir des filières, en raison de l’engagement très fort d’Alcatel-Lucent dans la filière numérique, et notamment dans le projet « confiance numérique ». Je crois pouvoir dire, en accord avec Rajeev Suri, que ce rôle moteur sera maintenu. Nokia continuera de s’impliquer dans les pôles de compétitivité, les IRT, les plateformes ouvertes – avec 15 millions d’euros par an pour ces trois plateformes, qui pourront ainsi bénéficier aux PME, aux start-up… Les fonds dédiés aux chaires et programmes de recherche vont croître fortement, en passant à 5 millions d’euros par an, alors qu’Alcatel-Lucent était très parcimonieuse. Il faut aussi mentionner le fonds pour les start-up et les partenariats avec nos grands clients, avec lesquelles nos relations sont déjà très bonnes.

Je m’attends donc à un renforcement du rôle de Nokia dans la filière numérique française. C’est pour nous un point majeur.

Il a été question de nostalgie, et du rôle de la France en Europe. La bataille du numérique s’engage : c’est une urgence, et une urgence à l’échelle européenne. Notre continent prend du retard, tant par rapport à l’Amérique qu’à l’Asie. Tous les acteurs – politiques et économiques – doivent se mobiliser : nous sommes aujourd’hui d’une naïveté absolue, alors que les autres grandes régions du monde s’organisent, construisent des filières technologiques, de très grands opérateurs, de grandes plateformes applicatives. Nous devons les imiter : assez de l’Europe offerte ! Il faut une Europe ouverte sur le monde, mais une Europe qui construise une véritable industrie numérique. Non, la réponse n’est plus française, même si l’on peut le regretter ; elle ne peut qu’être européenne, et le rapprochement entre Nokia et Alcatel-Lucent fait partie de la solution. Les bouleversements iront croissant, et pour tous les acteurs économiques sans exception. La mobilisation est indispensable, et j’ai d’ailleurs écrit en ce sens au président de la Commission européenne.

S’agissant de l’emploi, nous nous sommes engagés à maintenir le niveau d’emploi qui sera celui d’Alcatel-Lucent à la fin du plan Shift ; mais il est clair qu’il y aura des évolutions. Il est raisonnable de s’attendre à une augmentation de l’emploi hautement qualifié – ce qui, d’ailleurs, attire en France plus d’activité – mais aussi à des suppressions d’emplois là où il y aura des redondances, dans les fonctions support et corporate. Le projet présenté par Nokia me semble intelligent pour le groupe, mais aussi pour la France, puisqu’il aura pour effet d’augmenter l’emploi très qualifié en France. Alcatel-Lucent aurait été incapable jusqu’ici de recruter 500 salariés très qualifiés, dont 300 jeunes ! J’ai, comme vous, madame la députée, terminé mes études il y a quelques années : l’entreprise de choix, alors, c’était Alcatel… La reprise du recrutement des jeunes diplômés est une très bonne nouvelle.

M. Rajeev Suri (interprétation). Vous nous interrogez aussi sur la restructuration à venir et sur ses effets sur le moral des salariés. Nous avons en la matière une grande expérience : entre 2011 et 2013, Nokia a mené une importante restructuration, qui nous a rendus meilleurs, plus compétitifs. Nos salariés sont très engagés, et notre enquête annuelle montre qu’ils n’ont jamais été aussi motivés. Nos clients apprécient nos produits et leur satisfaction augmente également : nous avons collectivement réussi, je crois, notre restructuration.

Nous avons désigné des équipes qui travaillent à l’intégration de Nokia et d’Alcatel-Lucent. Celle-ci demande une grande discipline, mais nous nous servons de notre expérience. Tout le monde aime travailler dans une entreprise qui réussit… C’est pourquoi, lorsque nous obtenons des résultats tout en agissant de manière respectueuse vis-à-vis de nos salariés, ceux-ci adhèrent à notre stratégie.

S’agissant des performances de la téléphonie mobile en zone rurale, je comprends bien ce que vous dites… mais aujourd’hui, je ne peux pas vous aider ! Toutefois, nous disposons d’une société, Nokia Technologies, qui s’appuie sur notre marque, qui est une marque phare, connue de plus de 4 milliards de personnes. Mais nous n’avons plus vraiment de produits à vendre, comme vous le savez. Nous souhaitons donc accorder des licences, mais pas en donnant seulement notre nom : nous voulons travailler sur de nouveaux produits avec des partenaires. Ainsi, nous avons lancé, avec FoxConn, une nouvelle tablette, la Nokia N1. Nous tenterons de poursuivre à l’avenir dans cette voie : notre groupe n’est donc pas présent uniquement dans le secteur des réseaux.

Vous nous interrogez également sur la Commission européenne et sur les conditions qu’elle pourrait poser à notre fusion. Il est trop tôt pour les connaître. Mais nos clients sont tout à fait enthousiastes, en Europe et dans le monde – ce qui est toujours positif.

Quant aux équipementiers chinois en Europe, leur arrivée a évidemment bouleversé le marché européen, mais aujourd’hui, nous savons comment rester compétitifs – la clé, c’est l’innovation, mais aussi la standardisation des équipements, des relations très solides avec nos clients, et une réactivité sans faille. J’aimerais bien sûr que le marché chinois offre à tous les acteurs des conditions plus égales, mais la situation progresse – rien de tout cela n’est nouveau.

M. Michel Combes. Vous nous interrogez sur les réactions de certains actionnaires à la transaction. Je veux préciser que seule une toute petite minorité d’actionnaires se sont déclarés insatisfaits de l’offre qui leur a été faite. Quant au fonds commun de placement des salariés, ses actions Alcatel seront échangées pour des actions Nokia. C’est un dispositif qui a vocation à perdurer. S’agissant de la demande de distribution d’actions gratuites à tous les salariés, un dialogue est engagé ; cette solution paraît peu réalisable, mais nous réfléchissons à d’autres modes, plus classiques, d’association de nos collaborateurs au bon déroulement de la vie de l’entreprise – je pense notamment aux rémunérations, fixes ou variables.

Quant aux cessions qui pourraient être faites, il faut notamment citer Alcatel Submarine Networks (ASN), qui ne fait pas partie du périmètre du futur Nokia. C’est une très belle entreprise, leader mondial de son domaine, et tout à fait apte à voler de ses propres ailes. Nous réfléchissons actuellement à la structure actionnariale qui conviendrait le mieux – acquisition à des fonds privés, entrée en bourse… – pour que cette entreprise se développe, car elle a conçu un vrai, un beau projet industriel.

M. Rajeev Suri (interprétation). En ce qui concerne notre filiale de cartographie Here, nous procédons actuellement à une analyse stratégique. Le nouveau Nokia sera concentré sur les réseaux. Nous nous interrogeons donc sur l’avenir de Here – qui est une belle entreprise, bien conduite, une entreprise unique, la seule en Europe à même de concurrencer Google. Nous ne sommes absolument pas dans l’obligation de vendre, et nous n’avons pas encore pris notre décision.

Quant à la Chine, Alcatel a fondé une co-entreprise avec China Huaxin, Alcatel-Lucent Shanghai Bell ; Nokia dispose quant à lui d’un accès direct au marché chinois. Nous recherchons la meilleure organisation pour nos activités dans ce pays, où je me suis rendu deux fois depuis l’annonce de la transaction. J’ai ainsi pu rencontrer nos partenaires, ainsi que la SASAC – la State Assets Supervision and Administration Commission, entité gouvernementale qui gère notamment les entreprises publiques. J’ignore encore quelles décisions nous prendrons et quelle structure nous adopterons.

Durant la période de transition, nous sommes encore concurrents ; nous recueillons peu à peu les autorisations des régulateurs, puis nous achèverons l’opération et Nokia pourra prendre le contrôle d’Alcatel-Lucent. Nous avons mis en place une équipe et un comité directeur chargés de l’intégration, qui nous permettent de débattre des enjeux de notre rapprochement. Quant à l’organisation que nous adopterons, nous sommes en train d’y réfléchir. Nous souhaitons mettre en place les deux échelons hiérarchiques inférieurs à la direction générale, ainsi que le service de comptabilité, dès avant la fin de l’opération. Nous voulons être pragmatiques : la priorité, c’est de mener à bien la fusion. Nous faisons appel au besoin à des consultants, mais nous disposons surtout de l’expérience de l’intégration d’une partie de Motorola en 2011, ainsi que de Nokia Siemens Networks. Les leçons de ces intégrations nous permettront de mieux réfléchir à la meilleure solution possible ; nous essaierons de prendre le meilleur de chaque entreprise – j’admire en particulier ce qu’Alcatel-Lucent a su faire pour construire des start-up internes, comme j’ai admiré la qualité des produits Motorola.

Je crois énormément à l’importance de la culture d’entreprise – souvent, les bénéfices de ces opérations sont principalement immatériels. Il faut chercher un équilibre entre nos deux cultures, qui sont celles de deux entreprises européennes, anciennes, industrielles.

M. le président François Brottes. Je voudrais vous poser une dernière question, un peu perfide : auriez-vous tenu le même discours devant la Diète nationale de Finlande, notamment sur le maintien d’activités en France ?

M. Rajeev Suri (interprétation). Mais oui, absolument. Le développement d’un grand groupe nécessite de disposer d’une expertise importante. La France dispose d’atouts importants, comme le nord de la Finlande dispose d’une expérience inégalée dans le domaine de la radio. Votre pays produit des scientifiques et des mathématiciens de haute volée, et nous travaillons dans un secteur où ces compétences sont nécessaires. Il faut croire aux talents, aux compétences, pour assurer la pérennité de notre groupe.

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La commission des affaires économiques a ensuite examiné pour avis la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes (n° 2790), sur le rapport de M. Henri Jibrayel.

M. le président François Brottes. Chers collègues, c’est la commission du développement durable, compétente pour les transports, qui est saisie au fond de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes ; mais l’économie des ports est un secteur essentiel, et c’est pourquoi j’ai souhaité que notre commission se saisisse pour avis.

Mme Catherine Troallic, rapporteure pour avis, suppléant M. Henri Jibrayel. Monsieur le président, chers collègues, je vous prie d’excuser M. Henri Jibrayel, empêché.

Le régime de travail des dockers est un acquis social de l’après-guerre : il date d’une loi du 6 septembre 1947. Cette loi fixe plusieurs principes dont certains sont encore en vigueur : les ouvriers dockers bénéficient d’un monopole sur les emplois de manutention ; l’État se constitue en service public de l’emploi et assure localement la délivrance des cartes professionnelles, dites « cartes G », qui se substituent aux contrats de travail individuels ; les salariés sont représentés dans les commissions de bureaux centraux de main-d’œuvre (BCMO) de chaque port.

On distingue les dockers professionnels des dockers occasionnels, les premiers ayant une priorité d’embauche sur les seconds. Le statut des dockers les protège du caractère aléatoire de leur activité ; en contrepartie, ils devaient se présenter tous les jours et accepter le travail qui leur était proposé.

Ce statut des dockers a été profondément réformé par la loi du 9 juin 1992, qui a remplacé l’attribution des cartes G par la signature de contrats de travail ; le docker professionnel « mensualisé » sous contrat à durée indéterminée est désormais la règle générale. Les dockers titulaires d’une carte G mais non mensualisés sont dits « intermittents ». Comme il n’est plus attribué de nouvelle carte G, ce statut est de facto en voie d’extinction progressive depuis 1992. Aujourd’hui, sur les quelque 4 500 dockers professionnels, les dockers mensualisés titulaires d’un CDI sont au nombre de 4 357. On ne dénombre que 149 dockers intermittents, dont seulement 83 sont actifs.

Les textes d’application de la loi de 1992 définissent le périmètre des opérations obligatoirement réalisées par des ouvriers dockers. Il s’agit des opérations de chargement et de déchargement des navires et des bateaux soit aux postes publics, soit effectués dans des lieux à usage public situés à l’intérieur des limites du domaine public maritime et portant sur des marchandises en provenance ou à destination de la voie maritime.

Or, l’extinction de la catégorie des dockers intermittents pose problème, car elle fragilise le statut de l’ensemble des dockers. En effet, on peut lire l’article L. 5343-7 du code des transports comme soumettant le respect du principe de priorité d’emploi des dockers à la présence de dockers intermittents dans le port.

C’est ce qu’a révélé un conflit entre deux entreprises de manutention portuaire à Port-la-Nouvelle. L’une des entreprises, implantée depuis longtemps sur le site, reprochait à la seconde de lui faire une concurrence déloyale en employant du personnel non docker pour ses travaux de manutention. La région Languedoc-Roussillon, autorité concédante du port, a estimé, par une interprétation de la loi que l’on pourrait qualifier d’osée, que l’absence d’ouvriers intermittents sur ce port pouvait remettre en question l’application de la règle de priorité d’emploi.

Or l’absence d’ouvriers intermittents est une situation fréquente : parmi les trente et un ports comportant des bureaux centraux de main-d’œuvre, six seulement comptent des dockers intermittents relevant d’un BCMO actif.

On comprend donc à quel point cette incertitude juridique remet en cause le métier de docker, alors que l’objectif de la loi de 1992 était au contraire de le pérenniser en le modernisant. Une autre incertitude juridique contribue à fragiliser l’application du droit en vigueur : les notions de « postes publics » et de « lieux à usage public », qui servent à définir le périmètre des opérations pour lesquelles il y a une obligation de recourir à des ouvriers dockers, ne sont plus adaptées à la réalité.

Le statut des dockers, notamment la priorité d’emploi pour les tâches de manutention, concerne en premier lieu les industriels implantés en zone portuaire. La proposition de loi entre ainsi pleinement dans le champ de la commission des affaires économiques, compétente en matière d’industrie.

Le droit de l’Union européenne exige que les États membres laissent aux industriels implantés sur des terminaux qui leur sont dédiés la liberté de confier à leur propre personnel les activités de manutention réalisées pour leur compte propre. Je souhaiterais souligner que, malgré cette latitude laissée aux industriels, certains d’entre eux ont fait le choix de confier ces opérations aux entreprises employant des ouvriers dockers. C’est le cas, par exemple, d’Arcelor-Mittal, pour le déchargement des navires à Dunkerque et à Fos.

Cette question prend une importance nouvelle avec le développement de l’activité éolienne offshore sur certaines places portuaires comme Saint-Nazaire.

C’est pour toutes ces raisons que nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi. À l’origine de ce texte, il y un dialogue social fructueux entre l’ensemble des parties prenantes.

Si le conflit de Port-la-Nouvelle a finalement trouvé une issue, il est en effet apparu nécessaire de mener une réflexion sur la modernisation des dispositions du code des transports. À la demande du secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, le conseil général de l’environnement et du développement durable a proposé que Mme Martine Bonny, inspectrice générale de l’administration du développement durable, soit nommée à la tête d’un groupe de travail. Ont participé à ce groupe de travail les fédérations concernées des organisations de salariés, les organisations d’employeurs, l’organisation représentative des autorités portuaires, l’Union des ports français (UPF), les administrations centrales, et des personnalités qualifiées.

Directement issue des conclusions de ce groupe de travail, la proposition de loi reflète ce compromis : elle clarifie les différentes catégories d’ouvrier docker, ainsi que le périmètre des opérations pour lesquelles s’applique la priorité d’emploi.

Il est établi que les ouvriers dockers mensualisés sont ceux qui concluent un contrat de travail à durée indéterminée – article 3 –, contrairement aux ouvriers dockers occasionnels qui concluent un contrat de travail à durée déterminée – article 5.

La règle de priorité d’emploi est redéfinie de façon à intégrer explicitement le cas des ports où il n’y a plus d’ouvriers dockers intermittents.

L’article 6 précise que le périmètre de priorité d’emploi doit être défini par décret en Conseil d’État, en référence à l’objectif de garantie de la sécurité des personnes et des biens. Ce même article 6 traite également de la question des opérations de manutention effectuées pour le compte propre d’un industriel en bord à quai. Pour concilier le droit européen et la préservation de l’emploi des dockers sur les ports, il prévoit que les conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations sont fixées conformément à une charte nationale signée par les différents acteurs représentatifs. Cette solution permet de donner toute leur place aux spécificités locales, dans la mesure où les pratiques en vigueur varient fortement d’une place portuaire à l’autre.

Notre rapporteur pour avis, Henri Jibrayel, émet donc un avis très favorable à l’adoption de cette proposition de loi, qui contribue à pérenniser les spécificités du statut des ouvriers dockers. Celles-ci sont tout à fait justifiées.

En effet, l’activité de manutention obéit à des contraintes et à des exigences bien particulières. Elle se caractérise par des conditions et des rythmes de travail irréguliers, liés à la nature même de cette activité. Le traitement des navires doit s’effectuer de façon optimale et rapide, ce qui explique que les places portuaires soient des lieux généralement ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Les ouvriers dockers sont affectés au jour le jour, dans des délais extrêmement courts, et de façon totalement dérogatoire aux règles du repos dominical et du repos journalier.

De plus, la mondialisation des échanges maritimes et la logistique à flux tendus requièrent une très grande qualification des personnels de manutention : par la qualité de service, la recherche constante d’efficacité, d’amélioration de la performance et du rendement, les ouvriers dockers constituent un élément essentiel de la viabilité économique des entreprises de manutention et de l’attractivité des ports français. En outre, l’activité de manutention comporte des risques pour les personnes et les biens que seules des personnels qualifiés et rompus à l’usage des nouveaux outillages sont en mesure de prévenir.

L’ensemble de ces caractéristiques et impératifs justifient que soit conférée aux ouvriers dockers une priorité d’emploi pour un certain nombre d’opérations définies. C’est d’ailleurs le choix qui a été fait par la majorité de nos voisins européens – la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal ou encore l’Espagne.

Dans un esprit de consensus, la présente proposition de loi réaffirme le principe de la priorité d’emploi des dockers pour les opérations de manutention et clarifie le droit de façon à garantir son application.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de cette proposition de loi.

Mme Laure de La Raudière. Je ne suis pas du tout spécialiste de ce sujet, mais une nouvelle loi est-elle nécessaire ? Ne suffirait-il pas d’appliquer la loi de 1992, qui semble, en vingt-trois ans, avoir fait ses preuves ? Ne risquez-vous pas de créer de l’incertitude juridique ?

Vous voulez absolument maintenir intact le statut des dockers : au moment où la loi Macron, qui déréglemente certaines professions, va être adoptée, il paraît étrange de consolider ce statut pour le moins atypique.

Le groupe Les Républicains exprimera sa position en commission du développement durable, puisque c’est celle-ci qui est saisie au fond. À titre personnel, vous me permettrez d’être très dubitative sur l’intérêt de ce texte.

Mme la rapporteure pour avis suppléante. La loi de 1992 avait choisi, plutôt que de le supprimer, de laisser s’éteindre le statut de docker intermittent : on estime aujourd’hui qu’il aura disparu en 2018 environ. Mais la rédaction de la loi fragilise tous les autres dockers. L’affaire de Port-la-Nouvelle a bien montré qu’une clarification juridique était nécessaire.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Articles 1er à 8

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 1er à 8 de la proposition de loi sans modification.

Après l’article 8

La Commission se saisit de l’amendement CE1 du rapporteur pour avis.

M. le président François Brottes. Il paraît utile à la représentation nationale de souligner l’intérêt qu’elle porte à la charte nationale prévue par la proposition de loi : cet amendement tend donc à demander un rapport sur sa mise en œuvre, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. M. Duron, rapporteur au fond, approuve, me dit-on, cette idée.

Mme la rapporteure pour avis suppléante. La charte est en effet apparue à M. Duron comme un outil plus souple que le décret, autre solution possible ; pour être néanmoins certains qu’elle sera signée et appliquée, nous souhaitons demander ce rapport au Gouvernement.

M. le président François Brottes. Pour qu’un rapport deux ans après la promulgation de la loi soit intéressant, il faudra de plus qu’elle soit signée rapidement ! C’est une façon, j’imagine, d’exercer une certaine pression sur les signataires.

Mme la rapporteure pour avis suppléante. Absolument. Je souligne que cette idée d’élaboration de charte a reçu l’approbation de toutes les parties concernées.

M. le président François Brottes. Je veux conclure en soulignant que le métier de docker est extrêmement difficile, car il réclame une grande compétence et une vigilance de tous les instants.

La Commission adopte l’amendement CE1.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 16 juin 2015 à 18 heures

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Yves Daniel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Marcel Bonnot, M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Joël Giraud, Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau