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Commission des affaires économiques

Mardi 21 juillet 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 76

Présidence de M. François Brottes, Président

– Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

La commission des affaires économiques a auditionné M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. le président François Brottes. Contrairement à l’usage, nous commencerons l’audition par les questions des députés. J’imagine que celles-ci porteront notamment sur Areva, General Electric-Alstom et Alcatel-Lucent-Nokia, ainsi que sur les « neuf solutions industrielles » qui ont pris le relais des trente-quatre plans de reconquête pour la Nouvelle France industrielle. Mais toute autre question sera bienvenue.

Mme Corinne Erhel. L’accompagnement de la mutation numérique occupe une place de choix dans la deuxième phase de la Nouvelle France industrielle. Il est urgent de travailler sur la mutation numérique des PME et TPE françaises, dont on a souvent souligné le retard. Le pourcentage d’entreprises possédant un site web est de 65 % dans notre pays, contre 89 % en Suède. À côté des initiatives privées comme celles de Google, comment la puissance publique entend-elle jouer son rôle d’accompagnatrice ou d’aiguillon des entreprises ? Quels seront sa méthode, ses moyens et son calendrier ?

Le plan « Industrie du futur » présente les régions comme des partenaires indispensables. Quels seront les contours des plateformes qui relaieront les actions dans les territoires ?

Comment l’ambition numérique s’incarnera-t-elle dans le travail législatif ? Quelles mesures s’inscriront dans le texte sur le numérique et dans celui dédié à l’innovation ? À mon sens, il aurait été plus logique de prévoir un seul texte sur l’innovation, dans lequel le numérique aurait facilement trouvé place.

Enfin, le groupe Nokia, qui se rapproche d’Alcatel, n’était lié ni à un pôle de compétitivité ni à un institut de recherche technologique (IRT). Il n’était concerné non plus par aucun des trente-quatre plans industriels. Avez-vous conclu des accords pour que ce groupe – ou d’autres – s’intègre à l’écosystème français ?

M. le président François Brottes. Je rappelle que tout texte comportant une majorité d’articles touchant au code pénal sera examiné au fond par la commission des lois…

M. Daniel Fasquelle. Avant d’entrer dans le détail des dossiers, pourrez-vous faire le point sur la situation générale de l’économie française ? Le chômage continue d’augmenter. Les chefs d’entreprise sont très inquiets. Pouvez-vous dégager quelques perspectives ?

Selon quel calendrier la loi pour la croissance et l’activité sera-t-elle mise en œuvre ? Dans la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, beaucoup d’entreprises emploient des travailleurs détachés sans respecter les règles françaises relatives au temps de travail et à la rémunération. Maintenant que la directive européenne et la législation française ont été modifiées, allons-nous enfin nous donner les moyens de lutter contre les abus ou les dérapages ?

L’accord sur le nucléaire iranien va mettre fin à l’embargo. Le ministre allemand de l’économie s’est déjà rendu en Iran avec des chefs d’entreprise. Avez-vous l’intention de l’imiter avant que d’autres pays n’effectuent la même démarche afin de conquérir des parts de marché ?

J’ai constamment déploré l’absorption d’Alstom Énergie par General Electric. Vous avez dit que le dossier ne posait aucun problème, et qu’une fusion avec Siemens était plus délicate au regard du droit de la concurrence. Ce n’est pas le cas. Avez-vous des informations sur le traitement de ce dossier par Bruxelles ? La disparition d’un fleuron de l’industrie française peut-elle encore être remise en cause ? Travaillez-vous à un plan B ?

Vous intéressez-vous à l’avenir d’Alstom Transport ? Le Gouvernement doit prendre les devants s’il veut éviter que les entreprises françaises ne deviennent la proie de groupes étrangers.

Mme Jeanine Dubié. Bien que la couverture du territoire en très haut débit soit assurée à 42 %, elle est loin d’être uniforme. Il reste beaucoup de zones blanches. Pour quelles raisons la France est-elle toujours en retard sur ses voisins, comme l’a souligné une étude du cabinet IHS Technology publiée le mois dernier ? Cette situation tient-elle aux investissements limités de certains opérateurs ?

Le plan « France très haut débit » prévoit de favoriser en 2015 le raccordement des points hauts des zones blanches. L’Agence du numérique sélectionnera bientôt 800 sites prioritaires qui bénéficieront d’un soutien financier. Sur quels critères et selon quel calendrier ces aides seront-elles attribuées ?

Comment le projet de loi « Macron 2 » s’articulera-t-il avec le projet de loi numérique que prépare Axelle Lemaire ? À quel rythme sera-t-il élaboré ?

Antoine Darodes vient d’être nommé à la tête de l’Agence du numérique, qui regroupera la mission Très Haut Débit, la mission French Tech et la Délégation aux usages de l’internet (DUI). Quel est son plan d’action ? Quelles tâches lui avez-vous confiées en priorité ?

Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi Hamon visant à annuler les cessions d’entreprises dont les salariés n’auraient pas été préalablement informés. Dans le projet de loi pour la croissance et l’activité, nous avons choisi de remplacer cette mesure par une amende plafonnée à 2 % du montant de la cession. On peut néanmoins entendre l’objection selon laquelle l’amende serait trop faible et pourrait être tout simplement répercutée sur le prix de vente. Peut-être aurait-il fallu fixer la fixer à 5 % du montant de la cession, comme le suggère Fanny Dombre Coste dans son rapport sur la transmission d’entreprise. Quand celui-ci vous a été remis, vous aviez annoncé qu’une mission sur le financement de la transmission entrepreneuriale pourrait être confiée à l’Observatoire du financement des entreprises. Cette mission a-t-elle été créée ? Quels en seront les objectifs ?

M. Denis Baupin. La lecture des neuf solutions industrielles, qui portent réellement sur les industries du futur, nous fait rêver. A contrario, on demeure perplexe devant les choix actuels, qui risquent de plomber EDF en l’associant à une industrie du passé.

Je ne nie pas qu’il faille sauver Areva car, quelles que soient nos convictions sur le nucléaire, nous savons tous que nous sommes loin d’en avoir fini avec cette énergie. Mais à quoi bon entretenir le mythe selon lequel nos entreprises vont continuer à construire des réacteurs nucléaires ? En dehors du territoire national, 2 % seulement des réacteurs sont réalisés par des entreprises françaises. En outre, ce sont des EPR. Or nous savons ce qu’il en est de ces installations. Ce n’est que fin 2014 que le groupe EDF a été prévenu des défauts de la cuve de l’EPR de Flamanville construite par Areva en 2006. La construction du réacteur de Hinkley Point, en Angleterre, exigerait 30 milliards d’euros d’investissement, alors même que le groupe EDF est lourdement endetté. La France doit admettre, comme d’autres pays, que le business model du nucléaire est en train de s’effondrer, et organiser la transition vers les énergies renouvelables, qui sont en plein développement.

Voilà le message qu’il faut faire passer à EDF. On ne pourra pas investir à la fois pour le grand carénage, pour sauver Areva, pour construire Hinkley Point et pour favoriser le recours aux énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. À l’étranger, le groupe E.ON a fait des choix. C’est aussi le cas de GDF Suez, qui cherche à se débarrasser d’Electrabel.

Cette réflexion ne concerne pas seulement EDF. À la RATP et à la SNCF, chez Peugeot ou Renault, quelle stratégie a choisi l’État actionnaire pour mettre en œuvre la transition énergétique ?

Mme Laure de La Raudière. Confirmez-vous que nous examinerons bientôt deux textes sur le numérique, dont une loi « Macron 2 » ? Celle-ci comprendra-t-elle, comme la première, 250 articles ?

Dans notre rapport intitulé « Agir pour une France numérique : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », Corinne Erhel et moi soulignons l’importance de la formation et la nécessité de faire de la pédagogie auprès des dirigeants des grands groupes, souvent issus des grands corps de l’État. Dans des secteurs aussi divers que l’industrie de la musique, le cinéma, la filière hôtelière, l’assurance, la construction automobile ou l’aérospatial, on voit surgir des acteurs inattendus, qui conquièrent rapidement des parts de marché. Quelles actions pédagogiques le ministère mène-t-il auprès des chefs d’entreprise ? Comment les aide-t-il à s’adapter au modèle économique très ouvert de l’énergie numérique ?

J’entends dire que vous êtes favorable à un assouplissement du droit du travail pour les PME innovantes. Quelles règles souhaitez-vous faire évoluer ? Pourquoi limiter vos efforts aux PME innovantes, alors que toutes les PME rencontrent les mêmes problèmes ?

Avez-vous mesuré l’impact de la loi relative au renseignement sur l’industrie de l’hébergement des données et du cloud en France ?

Mme Catherine Troallic. Une idée reçue veut que les digital natives soient plus à l’aise que leurs aînés avec les technologies de l’information, ce qui témoigne d’une confusion entre l’exposition aux technologies et la compétence numérique. Professionnels de l’information et acteurs associatifs de l’éducation populaire constatent chez les jeunes un usage répétitif et limité d’internet. Il ressort d’une étude menée par Emmaüs Connect auprès de missions locales que les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en décrochage social, scolaire et professionnel connaissent également un décrochage numérique. Quelles mesures prévoyez-vous pour réduire cette fracture et donner à tous les mêmes chances de réussite ?

Le 18 juin, le Premier ministre a mentionné un droit au maintien de la connexion pour les personnes dont la situation financière est difficile. De quelle manière ce dispositif sera-t-il mis en place ?

M. Lionel Tardy. Nous n’avons pas pu débattre de la loi Macron, mais j’aimerais comprendre la position du Gouvernement sur son article 33 decies, devenu l’article 134, sur les plateformes d’e-commerce qui imposent des obligations franco-françaises. Pourquoi, après s’être opposé à un amendement du rapporteur introduit sans concertation, le Gouvernement l’a-t-il maintenu dans le texte définitif, alors que le projet de loi sur le numérique viendra bientôt en discussion ?

Lors de l’examen de la loi Hamon, nous vous avions prévenu que la nullité d’une vente en cas de non-respect des obligations d’information des salariés n’était pas compatible avec la Constitution. Vous ne nous avez pas entendus. La semaine dernière, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions. Entre-temps, vous avez assoupli le volet information dans votre loi en reprenant les mesures préconisées par le rapport de Mme Dombre Coste. Nous verrons comment vous traduirez ses autres préconisations. Quoi qu’il en soit, je regrette qu’il ait fallu plus d’un an pour comprendre que le financement et la simplification étaient la clé d’une reprise réussie. Estimez-vous que les mesures de la loi Hamon nous ont fait perdre du temps et qu’il faut encore alléger le dispositif contenu dans votre loi ?

Lorsque SFR-Numéricable a proposé de racheter Bouygues, vous avez évité de vous immiscer dans les relations entre acteurs privés. M. Sapin, moins mesuré, a jugé qu’il ne fallait pas bâtir un empire sur la dette. Voilà qui ne manque pas de piquant, si l’on songe à l’ampleur de la dette française ! Selon vous, entre-t-il dans les attributions d’un ministre de questionner les stratégies d’entreprises privées ?

Mme Frédérique Massat. Le président d’Areva et celui d’EDF, que nous avons récemment interrogés sur l’avenir de la filière nucléaire, nous ont indiqué que leur feuille de route serait tracée fin juillet. Où en est-on ? Pouvez-vous nous communiquer des éléments financiers ? La loi sur la transition énergétique devant être adoptée demain, le moment semble venu de nous dévoiler la stratégie de l’État dans la filière nucléaire.

Pouvez-vous dresser un bilan par territoire du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ? Ce dispositif doit-il évoluer ? Faut-il en créer un autre, compte tenu de la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité ?

Vous avez récemment rencontré les opérateurs pour les inciter à travailler au déploiement du très haut débit sur tous les territoires. Ils restent malheureusement focalisés sur des zones rentables et laissent la responsabilité de l’équipement des zones rurales ou montagneuses aux collectivités, dépourvues de moyens.

Aux termes de la loi tendant à faciliter le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public, l’État doit choisir un ou des opérateurs nationaux. A-t-il pris sa décision ? Le plan de déploiement de ces infrastructures peut-il être rendu public ?

M. Jean-Claude Mathis. Quelle est l’articulation entre le projet de loi porté par Mme Lemaire, et les projets de loi « Macron 1 » et « Macron 2 » ? En quoi ces textes sont-ils complémentaires ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Pour répondre à M. Fasquelle, je commencerai par faire un « grand-angle » sur la situation économique, comme il me l’a demandé. La croissance française annuelle se situe entre 1 % et 1,2 %. En 2016, elle devrait atteindre 1,5 % à 1,8 %. On doit cependant rester prudent sur les projections à plus de dix-huit mois.

Je discerne le début d’une reprise. Quand on observe les cycles de l’économie française, on constate que celle-ci connaît généralement des récessions moins brutales que ses voisins et qu’elle repart plus lentement, compte tenu de l’importance du secteur public, qui joue le rôle d’amortisseur en cas de difficulté et de ralentisseur en cas de hausse. C’est ce type de reprise que nous connaissons actuellement.

On ne peut toutefois se satisfaire de la situation, même si nous recréons, à un taux estimé entre 1,25 % et 1,3 %, de l’emploi marchand, ce qui constitue le critère d’efficacité ultime d’une politique économique. Au niveau mondial, les cycles s’accélèrent. La reprise de l’économie américaine – grâce à l’exploitation à très bas coût du gaz de schiste, à la numérisation accélérée de l’économie et au traitement drastique de la crise, qui a permis un redécollage plus rapide qu’en Europe – contraste avec la situation du reste du monde et crée une divergence avec la zone euro. La croissance de celle-ci et de la France tourne autour des chiffres que j’ai cités. L’économie des pays émergents est fragilisée depuis plus d’un an par la volatilité des changes et des situations économiques disparates.

On ne sait pas combien du temps durera le cycle d’innovation industrielle et numérique, mais si l’on maintient une stabilité dans la zone euro, ce qui semble acquis depuis la réforme de l’union bancaire, les vingt-quatre ou trente-six prochains mois devraient offrir l’occasion d’une reprise conjoncturelle et d’une modernisation de l’appareil productif.

En un mot, nous constatons une reprise conjoncturelle, au moment où notre politique économique produit ses premiers résultats. Les marges des entreprises remontent après plusieurs années de baisse. Dans l’industrie, la hausse décennale du coût horaire du travail marchand a été enrayée, et le coût horaire du travail est, depuis la fin de 2014, moins élevé en France qu’en Allemagne.

Nous avons consolidé la situation en stabilisant le cadre macroéconomique grâce au pacte de responsabilité et de solidarité, ainsi qu’aux mesures visant à moderniser l’économie. La stratégie que nous menons depuis deux ans traduit un changement réel dans la politique économique de notre pays. Auparavant, les gouvernements de gauche comme de droite répondaient aux crises conjoncturelles par une politique de la demande. Le plan de 2009, qui n’était pas porté par la majorité actuelle, consistait à stimuler la demande. Ce plan de dépense publique, très classique en France, n’a pas été imité par nos voisins.

Depuis vingt-cinq ans, la France a une économie de moins en moins compétitive, puisqu’elle n’a pas réformé son appareil productif et qu’elle a moins investi que ses voisins sur la part privée. Dans les années 1990 et 2000, elle a raté la vague de modernisation par la robotisation.

En 2012, nous avons renoncé à répondre aux attaques conjoncturelles par une politique de la demande. Nous avons enlevé une partie de l’amortisseur, ce qui, au début, est économiquement et politiquement difficile. Cependant, nous avons modernisé l’appareil productif et l’offre grâce à l’allégement du coût du travail, au pacte de responsabilité et de solidarité, et aux réformes structurelles. Tel est l’objectif des lois de 2013, de celle que j’ai défendue, de la loi Rebsamen et de celles qui ont été annoncées. Le glissement vers une politique de l’offre passe par une modernisation du pays, qui doit devenir plus attractif et plus compétitif. Nous devons retirer rapidement les bénéfices de cette politique pour remettre l’économie à flot. En favorisant l’emploi marchand, nous créerons une demande saine, c’est-à-dire une demande qui n’est pas uniquement financée par les deniers publics.

Ma conviction est que nous vivons une période de léger redressement. Il faut intensifier nos efforts pour achever la transition vers un autre modèle. Il faut aussi assurer la stabilité du cadre macroéconomique sur le plan économique et fiscal. Enfin, nous devons nous focaliser sur le court terme pour faire redémarrer l’investissement privé productif, à l’arrêt depuis 2008. Pendant les dix ans qui ont précédé la crise, celui-ci se comportait bien, mais sa part concernant l’immobilier d’entreprise dépassait celle des pays européens, ce qui signifie que nous avons trop peu investi dans l’appareil productif proprement dit des entreprises. Nous opérons un retournement non seulement en stabilisant le cadre macroéconomique, en modernisant l’économie et en offrant de la visibilité aux entreprises, mais aussi en prévoyant quelques mesures conjoncturelles, comme le suramortissement fiscal.

Dans ce cadre, madame Erhel, l’Alliance pour l’industrie du futur est la matrice de la deuxième étape de la Nouvelle France industrielle, dont l’objectif est de transformer l’appareil productif français. Les neuf solutions préconisées permettront de mieux intégrer les PME et les ETI, et favoriseront les logiques de formation des salariés. Ce plan est le pendant du dispositif allemand Industry 4.0. La modernisation accélérée de l’appareil productif, qui passe par plus de numérique, permettra d’émettre moins de CO2 et de produire de manière plus rapide et plus proche du terrain, ce qui sera moins coûteux en logistique. C’est ce que fait la filière aéronautique, qui réalise plus vite des séries limitées. Les entreprises numériques qui travaillent pour Safran et Daher fabriquent de petits volumes à des coûts réduits.

Pour parvenir à ce résultat, il faut investir dans la robotique et le numérique. La Banque publique d’investissement (BPI) prévoit une enveloppe de prêts au développement de 8 milliards, avec un remboursement différé et des conditions de garantie très légères. Il faut aussi une politique de formation adaptée, filière par filière. Pour la mener, nous avons mobilisé, outre l’ensemble des filières, le Conseil national de l’industrie (CNI). Dans le secteur aéronautique, les formations dispensées par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) ont permis aux personnels qui découpaient les pièces d’apprendre à programmer les robots ou à vérifier l’exécution des tâches.

Si nous avons raté, naguère, la robotisation, c’est sous l’effet d’une peur collective, qui poussait à concevoir le robot comme l’ennemi de l’emploi. L’industrie du futur permettra au contraire de relocaliser des tâches productives ou de les maintenir sur le territoire. Elle créera des emplois différents, plus qualifiés et moins pénibles. Il faut repenser la formation, l’ergonomie, le rapport de l’homme à la machine.

L’Alliance pour l’industrie du futur est pilotée par deux industriels, Frédéric Sanchez et Bernard Charlès. Elle associe toutes les familles professionnelles, qui jouent un rôle clé en matière de formation, les organisations syndicales et les régions. Nous avons clarifié nos objectifs et prévu un calendrier qui permettra, avant la fin de 2016, de sensibiliser au projet 15 000 PME et ETI, et d’en accompagner 2 000 sur le plan managérial. Il faut les former à la logique des filières, car, même si l’on met des financements à leur disposition, elles investissent rarement, parce qu’elles subissent la contrainte du court terme.

Dans l’aéronautique, les sous-traitants ont réussi l’internationalisation et la digitalisation parce que les donneurs d’ordres ont accompagné leur transition grâce au GIFAS. Ce n’a pas été le cas dans la filière automobile, où les donneurs d’ordres, pressés par la concurrence internationale, ont une culture de la strangulation par la centrale d’achat. Il a fallu attendre la crise de 2009 pour que les sous-traitants de rang 1 se réorganisent, dans une grande violence. En modernisant leur appareil productif, ils ont réduit leur dépendance aux constructeurs français, se sont internationalisés et ont augmenté leurs marges, qui sont devenues supérieures à celles des constructeurs. C’est ce qu’il faut faire, filière par filière, en s’appuyant sur les exemples vertueux.

Un budget de 160 millions d’euros a été mis en place par dix-huit régions pour accompagner 1 700 PME et ETI. D’ores et déjà, 400 d’entre elles sont engagées dans le processus. Dans le commerce artisanal et le tourisme, le programme « transition numérique » est organisé autour du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI), sous la surveillance de la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie.

Les régions, qui n’ont pas attendu la mise en œuvre nationale pour se mettre au travail, ont été associées hier au dispositif. Elles constituent un bon levier pour travailler avec les PME et les ETI. Mais la réflexion menée sur les territoires doit croiser la logique de filière. La filière nucléaire, par exemple, ne peut être envisagée seulement sous l’angle territorial.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le calendrier du Gouvernement en matière numérique. Un premier texte déjà voté attend la décision du Conseil constitutionnel pour être promulgué. Il vise à moderniser l’économie en déverrouillant certains secteurs et à préparer leur transition vers le numérique. Nous avons notamment ouvert l’utilisation des données relatives aux transports, aux plateformes commerciales ou au registre du commerce et des sociétés (RCS).

Il y a quelques semaines, le Premier ministre a dévoilé la stratégie numérique du Gouvernement, qui dépasse le cadre d’une simple loi. Il s’agit de mobiliser les opérateurs publics et les collectivités pour travailler sur l’open data, de transformer les administrations et, sous l’impulsion du Conseil national du numérique (CNN) qui a mené un important travail de concertation et d’analyse, d’adapter une partie du cadre législatif.

Un projet de loi numérique, qui sera mis en ligne cet été, accompagnera la stratégie du Gouvernement. Il adaptera notamment les lois de 1978 et 1979 qui ont fondé la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Nous examinerons aussi les enjeux liés à la protection des données et la question de la neutralité du net en nous assurant de l’articulation de ces évolutions avec l’agenda européen. Il importe en effet de ne pas recréer de distorsions, à l’heure où l’on défend un marché unique du numérique.

Le 14 juillet, le Président de la République a annoncé une deuxième vague de modernisation de l’économie, qui vise à examiner toutes les nouvelles opportunités par l’approche sectorielle qu’offre le numérique, notamment en matière de santé, d’énergie, de transport et de mobilité. Un nouveau monde apparaît, qui n’a pas besoin de lois. Il faut préempter les adaptations sectorielles de notre cadre législatif pour que les progrès techniques soient non des risques mais des opportunités.

La relation entre les taxis et les VTC est un bon laboratoire d’observation de ces questions. La loi de 2014 a conduit à des aménagements paramétriques, mais le statut de taxi recouvre des situations très diverses. Le taxi parisien n’a rien à voir avec le taxi de province, qui travaille majoritairement pour les assurances et la sécurité sociale. En revanche, le taxi et le VTC parisien ont une situation comparable, avec un statut différent. Nous avons essayé de combiner ces données, mais le monde évolue plus vite que la loi. Il faut articuler toutes les formes de mobilité avec les statuts existants, qui ne permettent pas de les accompagner de manière satisfaisante.

Nous prendrons le temps d’élaborer ce texte, qui ne sera pas terminé avant la fin de l’année. L’objectif est non de multiplier le nombre d’articles mais de définir un cadre fixe et stable qui laissera advenir l’innovation et donnera aux acteurs de la visibilité, afin qu’ils puissent participer au changement. Au lieu d’opposer taxis et VTC, il faut comprendre comment l’innovation numérique et les nouvelles formes de mobilité transforment des professions. On doit aussi donner à celles-ci la possibilité de s’adapter et permettre à chacun d’exercer différemment. Qu’on le veuille ou non, les VTC ont accru la demande, en faisant accéder à la mobilité des gens qui ne prenaient pas de taxi. La transformation va donc bien au-delà du problème conjoncturel.

La première étape consistera à effectuer un constat. Après quoi, il faudra procéder de manière ordonnée, secteur par secteur, en discutant avec les acteurs afin de préparer le travail législatif. Il faut multiplier les échanges en amont car, si nous ne nous sommes pas d’accord sur les changements qui s’opèrent, les solutions – intelligentes ou non – seront perçues comme des agressions. On leur reprochera d’avoir été élaborées dans le secret d’un bureau ministériel, ce qui n’est plus une manière adaptée de faire la loi.

De même, en matière d’énergie, si l’on ne comprend pas que la production se numérise et se décentralise de manière accélérée, que le problème est de savoir non plus combien d’électrons on apporte au foyer, mais quelles solutions on lui propose pour gérer l’énergie, on se trompera sur la transformation des acteurs.

Madame Erhel, je ne reviendrai pas sur les prémices de la fusion Alcatel-Nokia. Si nous avons accompagné la transaction, c’est qu’Alcatel n’était plus en mesure de réaliser les grands investissements nécessaires à la transformation des équipements, c’est-à-dire d’investir dans la 5G, les small cells ou les éléments de la souveraineté numérique.

Il y avait deux options. L’une consistait à pleurer sur le lait répandu. La seconde revenait à bomber le torse en disant que nous n’accepterions jamais la moindre opération, et que nous préférions mourir tout seuls. Nous avons pris la bonne décision, conséquence d’une série d’erreurs stratégiques commises non par la puissance publique mais par les dirigeants du groupe. Je pense néanmoins que nous avons commis une maladresse en termes d’achat public. Il fallait être naïf pour laisser les opérateurs de télécommunication acheter massivement chinois. Les Américains n’ont jamais accordé cette liberté à leurs opérateurs. Or Alcatel-Lucent tenait à la fois par le marché américain et par le marché chinois.

La fusion permet de constituer un champion européen. Nous voulons que Nokia assure le même rôle structurant qu’Alcatel-Lucent dans la filière télécom, en animant la solution « Confiance numérique », l’une des neuf solutions industrielles. Philippe Keryer, directeur de la stratégie d’Alcatel-Lucent, conservera la même fonction dans le nouveau groupe. Il continuera à soutenir le monde académique, notamment mathématique. Nokia a confirmé ses investissements, y compris dans les centres de mondiaux de recherche et développement de Villarceaux et de Lannion.

Par ailleurs, nous lui avons demandé de prendre des engagements concernant notre souveraineté sur le plan du numérique et des télécom. Ces engagements en grande partie confidentiels, mais dont je garantis l’existence, ont été définis par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), dans le cadre de l’autorisation administrative. Ils comptent pour beaucoup dans la crédibilité du rachat.

Vous m’avez également interrogé, monsieur Fasquelle, sur le calendrier de mise en œuvre de la loi pour la croissance et l’activité. Le Conseil constitutionnel devrait rendre sa décision dans la première quinzaine d’août. Une série de mesures entreront immédiatement en vigueur sans décret ni autorisation réglementaire. C’est le cas pour la possibilité de créer des lignes d’autocars ou d’ouvrir les commerces neuf dimanches par an dans les zones touristiques définies par les maires.

Pour les éléments de nature réglementaire, le ministère publiera les décrets en août. J’ai proposé d’inviter à Bercy les parlementaires qui ont composé la commission spéciale pour faire un point détaillé des mesures que nous arrêterons. Sur ces sujets, il est essentiel de maintenir une relation avec la représentation nationale.

La plupart des dispositions concernant les travailleurs détachés prendront effet à la promulgation de la loi. Je regrette cependant que la saisine du Conseil constitutionnel concerne aussi ces mesures, sur lesquelles j’avais cru distinguer un consensus transpartisan. Si le Conseil constitutionnel les censurait, les Républicains seraient sans doute amenés à le regretter dans leurs circonscriptions. Je comprends mieux leurs désaccords sur les dispositions relatives aux professions réglementées. Quoi qu’il en soit, je serai très vigilant quant à l’application du texte.

Dès septembre, nous disposerons d’une nouvelle évaluation menée par la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, présidée par Anne Perrot. Cette commission poursuivra régulièrement ses travaux.

La signature de l’accord sur le nucléaire iranien est un point important pour la présence de la France à l’international. Mon homologue Sigmar Gabriel s’est rendu en Iran ce week-end avec des chefs d’entreprise allemands, réaction que son collègue des affaires étrangères a jugée un peu rapide. La levée des sanctions interviendra fin 2015 ou début 2016, après vérification par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de ce que l’Iran a respecté ses engagements. Pour avoir géré des dossiers de la BNP qui concernaient certaines activités en Iran, je souhaite bon courage à ceux qui devront faire face à un contentieux américain pour avoir signé des contrats durant la période intercalaire.

Gardons-nous de précipitation comme de naïveté. Nous devons être aussi vigilants que l’a été Laurent Fabius lors de la négociation finale avec nos homologues américains. Un point important pour conclure l’accord a été la conditionnalité de la levée des sanctions par les Américains. Dans les semaines à venir, Laurent Fabius se rendra en Iran. Après cette démarche diplomatique, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) se déplacera en septembre avec des entreprises. J’ai fait savoir au Président de la République que j’étais disponible pour accompagner à très court terme une délégation d’entreprises, mais son souhait est de procéder dans le bon ordre, en conférant la priorité à l’initiative diplomatique.

La levée des sanctions suscitera au Congrès un débat homérique, qui débouchera peut-être sur un refus pur et simple. Les Américains pourraient aussi se montrer plus cyniques et lever les sanctions pour leurs contreparties et non pour celles des autres. Nous devons avoir avec eux une discussion diplomatique et économique pour nous assurer que la levée sera effective sur les dossiers qui nous intéressent. Laurent Fabius a été très clair sur ce point, que j’ai évoqué avec Jack Lew aux États-Unis il y a quelques semaines. L’enjeu est important pour nos entreprises, notamment dans l’automobile, l’agroalimentaire, l’industrie de la défense et l’aéronautique.

Je n’ai jamais prétendu que l’opération General Electric-Alstom ne posait aucun problème. Mis collectivement devant le fait accompli, nous avons amélioré la donnée industrielle et stratégique qui nous était proposée, et nous devrons l’accompagner avec vigilance.

En économie, il faut toujours considérer le contre-factuel. Le marché des turbines à vapeur ne se porte pas très bien en Europe, où une ou deux commandes seulement sont intervenues cette année. J’ai fait valoir à Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, que la concurrence sur le marché des turbines doit se mesurer au niveau mondial et non sur le seul marché européen, quasiment à l’arrêt en raison des dommages collatéraux liés au dossier du gaz de schiste et de la préférence accordée par l’Allemagne au lignite. Remettre en cause les décisions récentes favoriserait les Chinois. En termes de concurrence industrielle, la décision manquerait singulièrement de cohérence. Nous n’avons cessé de le répéter depuis 2012, en particulier au vu du rapport Beffa-Cromme.

Nos amis allemands sont neutres et fair-play. Les derniers échanges avec la case team de la Commission ont été positifs. Aujourd’hui, ils portent sur des questions techniques. La prise de décision devrait s’accélérer durant l’été.

Lors de la transaction, nous avons imaginé un plan B, mais ne nous mentons pas : celui-ci serait extrêmement compliqué à mettre en œuvre. Quand le rapprochement a été décidé, l’entreprise en elle-même n’était plus viable, ce qui rendait la prise de commande pour des contrats très longs quasiment impossible. Démonter l’accord pour se retrouver un an plus tard au point de départ aurait un coût élevé.

Le plan B suppose des recapitalisations et des mécanismes de soutien public, ce que nous faisons valoir à la Commission européenne. Pendant la période intercalaire, où l’on pourrait identifier d’autres alliances industrielles et réactiver des schémas moins satisfaisants avec Siemens et Mitsubishi, il y aurait un coût financier, social et industriel : quand, pendant plusieurs mois, on démonte une opération pour en remonter une autre, on ne prend plus de commande.

Je me suis rendu à Belfort chez Alstom Transport, où j’ai obtenu confirmation de tous les engagements portant sur la partie énergie comme sur la partie transport.

Le premier problème à résoudre est la viabilité de l’entreprise. Le désendettement massif permettra de la consolider et en fera, dans un marché qui souffre, une entité solide. Bombardier et Siemens sont en situation difficile, comme leurs concurrents italiens. Nous sommes attaqués par deux grands groupes chinois. Les OPA hostiles sont difficiles sur un groupe comme Alstom Transport, qui reçoit une grande part de commande publique. Elles ne peuvent provenir d’aucun concurrent occidental et les Chinois ne s’aventureraient pas à faire une offre sur un tel marché.

Le second problème, plus important, qui se pose pour toute la filière, concerne le plan de charge pour les trois ou quatre prochaines années. Hier, avec M. Vidalies, nous avons fait le point sur ce sujet. Notre action comprend trois aspects.

Nous avons amélioré la visibilité sur les nouveaux investissements, notamment les programmes d’investissements d’avenir (PIA) et les TGV du futur, qui concernent la partie ingénierie d’Alstom. Nous avons accéléré les décaissements. Les appels d’offres, lancés début juillet par la SNCF, prendront effet avant la fin de l’année.

Nous avons intensifié l’effort à l’international en signant des contrats importants. Ceux que nous avons conclus avec le Maroc, il y a quelques semaines, seront structurants pour le site de La Rochelle. Vis-à-vis d’Amtrak, à Boston, nous renforçons notre action et nos financements. Sans optimisme excessif, on peut penser que l’export sera un levier de développement.

Enfin, au début du mois, M. Vidalies a annoncé les perspectives en matière de commande publique. Il a confirmé qu’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros serait investie. L’opération qu’il engagera prochainement au comité stratégique de la filière (CSF) ferroviaire donnera de la visibilité à Alstom et à ses sous-traitants.

Madame Dubié, le débat parlementaire qui s’est tenu à l’Assemblée nationale et au Sénat a permis d’accélérer la mise en œuvre de la couverture du territoire par le haut débit.

La couverture fixe relève du plan « France très haut débit », lancé au début du quinquennat. Si, en raison du rapprochement entre SFR et Numéricable, un retard a été pris au stade des appels à manifestation d’intentions d’investissement (AMII), nous avons mis fin aux interminables tractations entre Numéricable et Orange, auxquels nous avons demandé de tenir leurs engagements de 2010. Ils rattraperont le retard dans les prochains mois. Libre à eux, s’ils le souhaitent de déployer des doublons, pourvu qu’ils cessent de geler l’investissement. Par ailleurs, nous leur avons demandé de nous donner une meilleure visibilité – indispensable aux collectivités territoriales – en élaborant des conventions type sur leurs investissements en zone AMII comme en zone non rentable.

Par souci de rapidité, nous avons simplifié et standardisé le cahier des charges fin mai. Notre objectif est que 60 % des Français soient couverts par la fibre avant 2022. Je l’ai rappelé lors du dernier point d’étape. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a désormais la possibilité de sanctionner les opérateurs qui ne rempliraient pas leurs obligations.

Dans les zones dépendant des réseaux d’initiative publique (RIP), nous avons simplifié le cahier des charges et mis les bouchées doubles afin de permettre le traitement par la mission très haut débit. Nous avons aussi réclamé un calendrier pour mobiliser l’ensemble des opérateurs. L’observatoire du très haut débit et la mise en transparence sont des éléments de la réussite. La couverture du territoire par la fibre est un enjeu pour le numérique, l’emploi et l’investissement.

Dans la production de la fibre, des champions européens et de nombreux acteurs français ont, en quelques années, créé des milliers d’emplois. La loi pour la croissance et l’activité a allégé les contraintes réglementaires qui pesaient sur les copropriétés et sur les nouveaux logements, ce qui accéléra le déploiement.

Pour la couverture mobile, nous veillerons à ce que les quelques centaines de communes privées de la 2G y accèdent fin 2016. Nous prévoyons une couverture en 3G pour l’ensemble des communes en 2017. Sous ces deux points, je rappelle que la loi pour la croissance et l’activité a donné à l’ARCEP la possibilité un pouvoir de sanction.

Nous avons également ajouté au dispositif 800 zones prioritaires. Il s’agit de zones commerciales, touristiques ou définies par les collectivités territoriales, qui ne sont pas couvertes alors qu’elles sont situées à côté du centre-bourg. La liste remontera rapidement à l’Agence du numérique, ce qui permettra d’établir le plan de charge d’investissement. Le 21 mai, nous avons signé une convention inédite, par laquelle, sous la pression du législateur, les opérateurs se sont engagés à financer à hauteur de 1 milliard d’euros le déploiement des antennes-relais sur ces zones. La montée en charge se fera entre 2016 et 2020. De tels délais semblent toujours trop lents, mais je maintiendrai le principe de réunions de chantier toutes les six semaines avec les opérateurs. On évitera ainsi que n’interviennent de loin en loin des décalages, toujours justifiés par une bonne excuse.

L’Agence du numérique, qui amplifiera les actions sur le très haut débit, sera opérationnelle en septembre. Les collectivités seront associées à la gouvernance. À ce jour, quatre-vingt-sept dossiers ont été déposés. À mesure que le dispositif montera en puissance, l’Agence renforcera ses effectifs. Elle intégrera la mission French Tech, afin de faire le lien avec la labellisation et la valorisation des écosystèmes numériques. Pour des raisons de cohérence, elle intégrera aussi la Délégation aux usages de l’internet (DUI), qui accompagnera les populations vers le numérique et aidera les collectivités dans leur stratégie de services.

Mme Dubié et M. Tardy ont tous deux évoqué la censure du Conseil constitutionnel. Celle-ci porte sur le caractère disproportionné que constituerait, en termes de sanction, la nullité de la vente. Le point a également été souligné par la mission Dombre Coste. Il devait être rectifié. J’avais discuté, avant que le Gouvernement ne dépose son amendement, la fixation de la pénalité à 2 %. J’assume pleinement le fait que celle-ci puisse être intégrée au prix de la vente, car il faut que quelqu’un paie le coût d’une mauvaise information. Cela dit, la pénalisation de la transmission d’entreprise ne donnera pas l’esprit entrepreneurial aux salariés.

Quel est notre objectif ? C’est d’éviter qu’un chef d’entreprise n’arrête son activité ou ne dégrade celle-ci dans le cadre d’une transmission, sans que des salariés qui possèdent une volonté entrepreneuriale puissent l’exercer. En revanche, s’il veut vendre son entreprise pour de bonnes raisons, il n’y a pas lieu de le soumettre à des diligences disproportionnées. Dans la plupart des entreprises de moins de cinquante salariés, on distingue aisément les salariés qui ont une volonté entrepreneuriale.

Le plus simple est de prévoir la tenue régulière de réunions d’information sur la vie de l’entreprise. Dès lors que celles-ci seront formalisées, le chef d’entreprise n’aura pas à envoyer de lettre recommandée ou de courriel deux mois avant la cession. D’ailleurs, ce délai n’est pas approprié : il est trop bref pour susciter une volonté entrepreneuriale et trop long pour une entreprise en situation d’urgence.

La loi pour la croissance et l’activité a légitimement modifié la loi Hamon en substituant l’obligation d’une réunion annuelle à celle d’une information deux mois avant la vente. La mesure incitera l’entreprise à se diriger vers une certaine codétermination, c’est-à-dire vers un partage du projet entrepreneurial.

En l’absence de réunion ou d’information, l’amende de 2 % n’est ni dirimante ni disproportionnée. Ce pourcentage me semble bon : une sanction trop élevée menacerait la viabilité de l’entreprise.

Il y a quelques semaines, Mme Dombre Coste et Mme Pinville m’ont remis leur rapport sur la transmission d’entreprise. Plusieurs propositions pragmatiques font l’objet d’un examen interministériel. Elles donneront peut-être lieu à des mesures qui figureront dans la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.

Le rapport préconise aussi d’accompagner davantage la transmission d’entreprise. La création de l’Observatoire, que nous avons annoncée, sera confirmée avant l’automne. Nous continuerons à travailler avec Mme Pinville tant en soumettant ses propositions d’aménagement social et fiscal à un arbitrage interministériel, qu’en examinant les mesures qui relèvent du mentorat. Enfin, nous avons demandé un rapport à l’Observatoire avant la fin de l’année, ce qui permettra un suivi des données.

M. Baupin m’a interrogé sur EDF et plus largement sur la transition énergétique. Notre stratégie dans ce domaine est cadrée par la loi du même nom. Le terme de transition traduit le choix non d’un passage brutal mais d’une progressivité. Qu’on le veuille ou non, la décarbonation de la production d’électricité française passe par le nucléaire. Nous n’avons pas suivi l’exemple allemand, qui consiste à subventionner le renouvelable et à recourir massivement au lignite, quitte à dégrader notre bilan en gaz carbonique.

Nous avons choisi de réduire lentement la sensibilité de notre économie à une électricité presque exclusivement issue du nucléaire, tout en réaffirmant que cette filière de cycle long n’est pas dépassée. Il faut donc examiner la chaîne en aval, nous interroger sur sa viabilité économique, sur ses conséquences, la moderniser et élaborer une stratégie à l’export pendant que nous développons les énergies renouvelables. Loin d’être concurrentes, les sources d’énergie sont complémentaires. Les modalités de transition, notamment en capacité, sont d’ailleurs pensées comme telles.

Il est normal qu’EDF, opérateur historique du nucléaire, soit l’acteur central de cette stratégie. Il a d’ailleurs aussi une stratégie en matière d’énergies renouvelables, comme Engie, comme auparavant Areva, et d’autres. Ce serait donc une erreur, du point de vue opérationnel, de vouloir redéployer massivement, du jour au lendemain, des capacités de production du nucléaire vers certaines ENR : cela ne fonctionnerait pas.

Néanmoins, je crois aux ENR. Dans ce domaine, nous vivons aujourd’hui une accélération à laquelle EDF et Engie sont très attentifs, comme nous le sommes nous-mêmes dans les revues stratégiques auxquelles nous procédons avec les entreprises. Voyez les investissements récents d’Engie. Dans l’hydraulique, on a déjà atteint des zones de prix qui permettent la rentabilité ; le solaire est en train de devenir rentable et l’éolien est en passe de l’être. La transformation est en cours : l’année dernière encore, nous n’en étions pas là.

Il importe donc que nous développions des capacités de production dans ce domaine, mais sur toute la filière : il est essentiel d’intégrer les producteurs. Nous pouvons toujours nous redéployer massivement vers le solaire – et c’est ce que nous faisons ; la belle affaire, quand nous avons abandonné la production de panneaux aux Chinois ! En outre, il faut veiller à la souveraineté européenne. Je me félicite que la France ait constamment défendu cette position, afin que nous nous montrions moins naïfs face aux Chinois. Or l’offre européenne existe, même si elle n’est malheureusement plus française, mais allemande, notamment grâce à Bosch qui a continué de produire des panneaux. J’ai donc donné des instructions très fermes afin que nous développions une stratégie de production de toute la chaîne. D’autant que nous bénéficions d’une grande crédibilité en matière d’ENR.

S’agissant du nucléaire, ce que nous voulons, c’est piloter la transition. La situation est aujourd’hui la suivante : un acteur en situation de faiblesse face à la transformation du marché mondial, de graves erreurs stratégiques et opérationnelles ayant été commises par le passé. Nul ne saurait dire s’il était bon qu’Areva joue le rôle d’ensemblier, métier qu’il n’avait jamais exercé ; force est de constater qu’il n’a pas réussi à assembler, puisqu’aucune des centrales en fonctionnement dans le monde n’a été produite par lui. En outre, l’entreprise a pris des risques en faisant preuve d’un optimisme injustifié.

Dès lors, l’action que nous conduisons depuis plusieurs mois, avec les deux entreprises, dans un contexte très difficile marqué par le remarquable esprit de responsabilité de toutes les organisations syndicales, tend à rendre à la filière nucléaire la cohérence qui lui a fait défaut pendant des années. Alors que le marché mondial se transformait, l’État actionnaire s’est rendu coupable d’une véritable incurie en laissant les acteurs de la filière s’autodétruire. Il s’agit aujourd’hui d’aligner de nouveau leurs intérêts en matière de production de réacteurs, mais aussi de capacité de retraitement, puisqu’en la matière, qu’il s’agisse de Comurhex ou d’ATR, les relations contractuelles entre les deux entreprises sont proprement incestueuses. Depuis le choix allemand, La Hague dépend à 95 % d’EDF. En d’autres termes, un contrat est passé entre deux entreprises détenues à plus de 85 % par l’État pour savoir si l’une a le droit de faire vivre l’autre ! Voilà où nous en sommes.

En rétablissant la cohérence, il importe que nous préservions les compétences métier, essentielles à la sûreté et à la protection. De ce point de vue, il est de notre responsabilité de ne pas céder au sentiment d’urgence. C’est de la perte de ces compétences, à cause d’une rupture de charge, que résultent les anomalies observées sur la cuve de l’EPR de Flamanville.

Nous savons que des efforts seront nécessaires concernant Areva ; sur ce point, nous avons été clairs dès le début. Car le management et la coordination y représentent une strate démesurée. Toutes proportions gardées, dans la holding d’Areva, il y a trois fois plus de personnes que dans celle de Vivendi, pour piloter un chiffre d’affaires trois fois moindre ! Ce qui signifie que l’on coordonne des activités qui ne sont liées par aucune synergie, ou que l’on a créé trop de management interstitiel. Ce qui n’apporte rien à la sûreté ni à la protection. La structure productive d’Areva est taillée pour un chiffre d’affaires supérieur de 40 % à celui de l’entreprise ! C’est un problème que nous ne cacherons pas aux salariés, et qu’une recapitalisation par l’État ne suffira pas à résoudre – même si elle aura lieu, car l’État actionnaire prendra ses responsabilités. En effet, il y va ici du compte de résultat, du fonctionnement, alors que la recapitalisation intéresse le bilan. Voilà pourquoi c’est sans succès, au contraire, que, chaque année depuis près de dix ans, Areva vend des actifs, recapitalise, fait entrer un actionnaire tiers ou s’ouvre au marché.

Je ne préconiserai donc pas d’investir le moindre sou du contribuable avant que nous ne soyons au clair sur la cohérence de la filière nucléaire et la viabilité d’Areva. Cela implique de retravailler sur le fondement des annonces faites par le Président de la République le 3 juin. Ainsi, les premiers éléments de clarification de la filière seront la conclusion d’un contrat-cadre entre EDF et Areva, la mise en cohérence de leurs politiques à l’export, l’élucidation de leurs relations contractuelles concernant Comurhex et ATR et l’alignement de leurs intérêts tant en matière d’ingénierie, par la constitution d’une joint-venture, que s’agissant des réacteurs, par l’adossement sur EDF de la filière réacteurs d’Areva. Aucun de ces éléments n’entame la capacité opérationnelle d’Areva, et le dernier point concerne un actif qui possède une vraie valeur. Mais ils garantissent que les deux acteurs du nucléaire cesseront de se tirer dessus à balles réelles, comme ils l’ont fait pendant des années : nous les obligeons ainsi, comme c’est notre responsabilité, à accorder leurs intérêts et leur stratégie, et à se présenter ensemble à l’export, pour la crédibilité et de la survie de la filière. La capacité d’EDF à opérer sur les autres chantiers, au nom de ses autres priorités, reste entière. Il ne s’agit pas de concurrence mais de notre responsabilité à tous, y compris celle du premier opérateur nucléaire français.

Ces annonces seront confirmées le 31 juillet par Areva. En effet, les propositions auxquelles nous avons travaillé avec les deux entreprises sont sur la table, mais doivent encore être validées par leurs conseils d’administration respectifs, où siègent des actionnaires minoritaires.

Nous n’en aurons pas pour autant fini le travail : il faudra encore œuvrer pour la viabilité de toute la filière nucléaire, dans la continuité de la loi de transition énergétique. Nous y travaillerons cet été avec Ségolène Royal, à la suite du conseil de politique nucléaire qui s’est tenu il y a quinze jours. Il s’agira de s’assurer de tous les éléments de viabilité industrielle et opérationnelle du nouvel Areva. Et c’est alors seulement, après clarification, que l’État prendra ses responsabilités.

Pour le dire de manière très triviale et concrète, en aucun cas l’État ne mettra un chèque pour Areva sur la table le 31 juillet. Ce serait irresponsable.

Voilà donc comment nous progressons, étape par étape : exécution des annonces du 3 juin, confirmée par les entreprises le 31 juillet, date à laquelle s’ouvre une nouvelle étape opérationnelle touchant le nouvel Areva et les éléments restant à purger s’agissant de la filière nucléaire ; puis un rendez-vous en septembre à propos des éléments additionnels, concernant, entre autres, la recapitalisation d’Areva.

Areva a pris des risques opérationnels sur deux chantiers : Flamanville et l’OL3. Nous ne les ferons pas porter par le nouvel Areva seul : il est à mes yeux essentiel d’impliquer les deux opérateurs. Certes, Areva a commis une erreur en se désengageant en 2013 du chantier finlandais sans cadre juridique déterminé. Toujours est-il que nous devons résoudre ce problème et que, dans cette sortie de crise, EDF a un rôle clé à jouer. Il y va de notre crédibilité industrielle et géopolitique. Quant à la garantie finale, compte tenu des montants engagés, l’actionnaire majoritaire jouera lui aussi son rôle. Mais, dans ce domaine non plus, nous n’y voyons pas encore assez clair. Nous ne voulons ni transférer ce risque à EDF, ni ne le faire porter par Areva alors qu’il est potentiellement démesuré. La priorité du moment est d’y mettre fin du point de vue opérationnel et contentieux ; or ce sont les opérateurs qui peuvent et doivent le faire.

Madame de La Raudière, la pédagogie numérique vis-à-vis des grands groupes est effectivement essentielle à la réussite de la transition numérique.

La France est aujourd’hui le pays d’Europe continentale qui crée le plus de startups dans ce secteur. Nous avons comblé une faille de marché grâce à la BPI et aux business angels, qui ont réussi à accompagner cette première phase de développement. En revanche, nous sommes confrontés à un problème de financement entre 20 et 100 millions d’euros, car nous ne disposons pas de l’écosystème de financement qui devrait aller de pair avec une telle transformation : nous n’avons pas les venture capitalists. D’autres clusters se heurtent d’ailleurs au même problème : le maire de Chicago me le confirmait hier.

Nous allons donc adopter la même stratégie que lui pour attirer ces venture capitalists. Il ne s’agit pas de gens riches qui seraient prêts à investir en Europe, mais n’y auraient pas pensé sans nous ! Ne sous-estimons pas le caractère « provincial », très local, de ces investissements : les investisseurs implantés sur la côte ouest des États-Unis y bénéficient d’une telle concentration d’intelligence et de réussite entrepreneuriale qu’ils n’ont pas besoin de s’intéresser au reste du monde. Mais, en les invitant à venir observer les start-up françaises, nous leur ouvrirons des opportunités d’investissement réelles et, ce faisant, nous créerons du marché. Cela suppose de développer un nouvel écosystème d’analystes qui, à rebours de l’analyse classique, fondent la valorisation non sur la rentabilité, mais sur le chiffre d’affaires, le nombre d’utilisateurs et d’autres métriques bien connues caractéristiques de cette nouvelle économie. Nous y travaillons ; ce sera l’objet d’une série d’initiatives que je lancerai à l’automne.

Il convient en outre d’œuvrer en ce sens au niveau européen. Voilà pourquoi nous avons demandé, avec l’Allemagne et l’Italie, la constitution d’un fonds de venture capital européen afin de combler cette faille de marché que l’on retrouve dans nos différentes économies.

Mais, si nous manquons ainsi de venture capitalists, c’est également faute d’un nombre suffisant de fusions-acquisitions avec les grands groupes. Si les start-up américaines se développent, c’est qu’elles ont signé des contrats avec les grands groupes et que leurs investisseurs ont des possibilités de sortie soit vers le marché, soit, très majoritairement, vers ces grands groupes. Quant à nos propres start-up, elles font leur sortie vers les grands groupes américains ou vers le NASDAQ.

Pour la deuxième année de la French Tech, Axelle Lemaire et moi-même avons donc donné une place centrale à la sensibilisation des grands groupes aux relations avec les startups. J’étais il y a quelques semaines auprès de l’Electronic Business Group (EBG) qui a pris un ensemble d’initiatives en la matière et officialisé une charte. Nous organiserons à l’automne une série de réunions ; nous avons rencontré tous les groupes du CAC 40 pour appeler leur attention sur ce sujet ; plusieurs sont d’ailleurs en train de prendre le pli. En outre, l’Agence des participations de l’État (APE), à laquelle nous avons demandé de défendre cette stratégie, a installé un innovation advisory board pour approfondir la réflexion. Surtout, dans la lettre de mission de l’ensemble des dirigeants relevant de notre portefeuille, nous avons demandé que la stratégie numérique soit au cœur de la transformation. Cela permettra à la fois d’adapter ces grands groupes aux nouveaux modèles productifs et d’accélérer la croissance actuelle des startups.

Quant au droit du travail, je n’ai pas de réponse immédiate à vous apporter, madame, mais je vous proposerai que nous abordions la question de la manière que j’ai esquissée : en nous demandant quels sont les changements à venir et comment nous y adapter. Par exemple, la coexistence du salariat et de l’auto-entreprenariat que l’on observe dans le secteur des transports est-elle satisfaisante ? Ce n’est pas par des réformes paramétriques du contrat de travail que l’on résoudra ce problème, mais par une mise en perspective permettant de déterminer, de manière plus fondamentale, les formes pertinentes de statut du contrat de travail et de régulation sociale.

Je ne dispose pas encore d’une évaluation des conséquences sur l’économie du projet de loi relatif au renseignement, mais je vous la ferai transmettre le moment venu. Avec Bernard Cazeneuve, nous nous sommes concertés à plusieurs reprises à ce sujet, en particulier lorsque les hébergeurs ont fait part de leurs préoccupations ; nous leur avons apporté des garanties, et, lors de la réunion de suivi que nous avons organisée, les réactions étaient positives. Nous devons commencer par mettre la loi en place, mais ces aspects pourront relever de l’étape suivante.

S’agissant du décrochage et de la fracture numériques, le Conseil national du numérique a formulé des propositions très concrètes et pragmatiques qui seront intégrées au projet de loi soumis à consultation cet été. Elles concernent notamment le droit au maintien de la connexion, conformément aux annonces faites par le Premier ministre le 18 juin.

Quant aux plates-formes d’e-commerce, monsieur Tardy, si la loi n’est pas parfaite, elle a permis d’améliorer la situation. Le problème était la captation de la plus-value, en particulier dans l’hôtellerie, par des plateformes transversales. En la matière, l’action des autorités de la concurrence a été déterminante. Le jugement du tribunal de commerce sur Expedia a apporté les premiers éléments, même s’il a aussi nourri l’inquiétude en reconnaissant la place du droit anglo-saxon dans l’équilibre du secteur. Puis, grâce au travail remarquable de l’Autorité de la concurrence et de ses homologues, Booking a dû prendre une série d’engagements structurants.

L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (SYNHORCAT) défendaient deux dispositions : le contrat de mandat et l’indépendance tarifaire des opérateurs de l’économie réelle vis-à-vis des plateformes. Si nous avons revu notre position en ce sens, ce que j’assume même si l’équilibre auquel nous sommes parvenus n’est pas entièrement satisfaisant, c’est en raison du consensus de tous les acteurs du secteur, consensus partagé au niveau interministériel comme il ressortait de mes discussions avec Laurent Fabius, en sa qualité de ministre en charge du tourisme. Lorsque j’ai envisagé de maintenir ma position initiale, la réaction a été unanimement négative ; or on ne fait pas le bien des gens malgré eux ! Nous avons donc inscrit la mesure dans la loi afin de donner au secteur de la visibilité et des instruments. Ce qui ne signifie pas qu’elle vaudra éternellement : en la matière, le droit est mouvant. Nous avons là un autre exemple typique de l’intérêt de la démarche sectorielle que j’ai évoquée et qui, en deux ou trois mois, clarifie le jeu. Nous avons ainsi permis à certains opérateurs de se protéger, en complément de l’action de l’Autorité de la concurrence, d’une manière qui n’est pas totalement satisfaisante, comme les professionnels l’ont ensuite admis « à froid », mais qui était la moins mauvaise à court terme. Comme dans le cas des taxis, cela confirme que l’ajustement « à chaud » ne suffit pas et qu’il faut prendre le temps de l’approche sectorielle.

En ce qui concerne l’affaire SFR-Bouygues, il ne m’appartient pas de commenter des commentaires, mais, si je suis intervenu, c’est en raison des engagements contractés vis-à-vis de l’État par les opérateurs, qui exploitent le domaine public, et non pour m’immiscer dans une transaction privée. En effet, je n’ai aucun moyen de savoir si les engagements pris par Numéricable envers l’État et l’Autorité de la concurrence lors du rachat de SFR seront honorés. À cet égard, les signaux sont plutôt négatifs, qu’il s’agisse des délais de paiement, du maintien des investissements consentis ou du retard sur les investissements prévus. Je m’en suis expliqué avec l’intéressé. Dans ce contexte, une consolidation accélérée qui aurait fait de ce même acteur le champion du fixe et du mobile représentait un risque élevé.

Je l’ai dit, je n’ai pas de religion quant au bon nombre d’opérateurs de télécommunications. Ceux-là même qui ont défendu, sous la précédente majorité, le passage à quatre opérateurs nous expliquent aujourd’hui qu’il faut « réparer » le marché en ramenant ce nombre à trois – ce qui montre la volatilité des convictions profondes, qui pourraient bien résulter parfois d’intérêts particuliers… Je sais simplement qu’une concentration du secteur aurait très probablement réduit l’investissement public, ce que les acteurs eux-mêmes reconnaissaient. De ce fait, les engagements n’auraient pu être tenus et il y aurait eu de nouveaux retards, comme le montre l’expérience SFR-Numéricable, ainsi que de la casse d’emplois. Qu’est-ce qui justifie, en effet, de proposer 10 milliards d’euros pour un actif coté moitié moins il y a quelque mois encore, sinon ce que l’on appelle joliment des synergies, lesquelles, dans ce secteur, s’opèrent toujours au détriment de l’emploi, voire du consommateur, pénalisé par la hausse subséquente des prix ? De ce point de vue, dans le contexte actuel, le statu quo est plutôt satisfaisant.

Je le répète, je n’ai jamais porté de jugement sur les choix privés d’Altice ni de SFR-Numéricable, un opérateur pour lequel j’ai le plus grand respect ; mais nous devons y voir plus clair quant aux engagements pris, et ceux qui l’ont été doivent être tenus, car la priorité, dans ce secteur, va à l’investissement et à l’emploi, non à la concentration. Si le nombre de quatre n’est sans doute pas un point d’équilibre immuable, il n’empêche manifestement pas nos opérateurs d’être compétitifs à l’international puisqu’ils font partie, au niveau européen, des racheteurs les plus actifs d’opérateurs étrangers. Voyez le rachat de Jazztel par Orange, les opérations menées par Altice aux États-Unis, celles d’Iliad en Suisse ou à Monaco. Nous verrons bien ce qu’il en sera demain.

J’en viens au CICE, qui doit représenter 16,4 milliards d’euros en 2015, après 10,2 milliards en 2014, conformément à l’évolution prévue. À ce montant s’ajoutent 5,5 milliards au titre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui correspondent aux allégements de cotisations patronales entre 1 et 1,6 fois le SMIC, pour 4,5 milliards, et de cotisations pour les indépendants, pour 1 milliard. Soit, au total, 21,9 milliards d’allégements de charges pour 2015, hors contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

En la matière, il convient de distinguer deux aspects de l’évaluation du pacte. D’abord, l’évaluation opérationnelle, à laquelle nous avons constamment procédé et qui dépend de la signature des accords de branche. À cet égard, il est inadmissible que certaines branches, par exemple dans l’industrie pharmaceutique, ne signent pas. Nous resterons intransigeants à cet égard, allant si nécessaire jusqu’à la stigmatisation. Quant au suivi des engagements contractés, nous ferons un point d’étape à l’automne.

Ensuite, l’évaluation du pacte lui-même, confiée à France Stratégie. M. Pisani-Ferry l’a dit, il sera trop tôt, à l’automne, pour mesurer les effets macro-économiques des allégements de charges, puisque leur montée en puissance n’est pas achevée. Sur ce point, il a donné les premières indications et va poursuivre le suivi opérationnel. Il sera important de disposer au printemps 2016 des premiers éléments concernant cet impact macro-économique. Quant à la suite du pacte et aux prochaines étapes, c’est dans cette perspective qu’une évaluation de la pertinence des différents dispositifs a été demandée à France Stratégie afin de permettre une discussion à l’automne, mais abstraction faite des allégements de charges.

Le pacte a apporté de la visibilité et s’il faut rester intransigeant en ce qui concerne la responsabilité, un volet qui n’est pas entièrement satisfaisant, il convient de préserver cette visibilité s’agissant du coût du travail. Les éléments additionnels inclus dans le pacte en fin de période concernant la C3S ou des allégements d’impôt sur les sociétés (IS) doivent faire l’objet d’une discussion transparente et instruite à l’automne, et des propositions seront formulées sur le fondement d’évaluations et d’analyses. Par la mesure de suramortissement fiscal, nous avons amodié le pacte pour les années à venir, en préférant le suramortissement d’IS à l’allégement de taux indifférencié. On voit qu’à la marge, par des mesures plus ciblées, on peut donner au pacte une autre efficacité productive ; c’est à cela qu’il nous faudra réfléchir pour 2016 et 2017.

En ce qui concerne les bornes électriques de recharge, notre loi a donné une dimension nationale au projet du groupe Bolloré, qui prévoit d’installer 16 000 points de charge en quatre ans, et à celui de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), avec ses 53 points de charge le long du corridor rhodanien. Ils bénéficieront donc d’une exemption de redevance du domaine public. La CNR a commencé à implanter les points de charge et Bolloré le fera en septembre. Huit mille points de charge étaient programmés ou installés fin 2013, 15 000 fin 2014, et nous en aurons 19 000 à la fin du mois, ce qui correspond à peu près au plan de charge prévu. Cette croissance est forte, comparée à celle des véhicules électriques, qui est soutenue par le « superbonus » de 10 000 euros décidé en avril dernier. À ce jour, le déploiement des infrastructures, grâce aux dispositions prises et au suivi de leur mise en œuvre, est donc satisfaisant au regard des besoins. La solution industrielle concernée fait l’objet d’une vigilance toute particulière et le préfet Vuibert coordonne les travaux de manière parfaitement opérationnelle.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps de répondre aussi complètement à cette première série de questions.

M. Hervé Pellois. Monsieur le ministre, la loi que vous avez portée avec brio a permis des avancées significatives de nature à favoriser la création d’emplois. Toutefois, le rapport de Fanny Dombre Coste sur la transmission d’entreprises montre qu’il reste d’importantes difficultés à surmonter : aujourd’hui, la moitié des entreprises à reprendre – dont le nombre va beaucoup augmenter au cours des années à venir – ne trouvent pas repreneur. Pour remédier à ce problème, il faut renforcer le rôle des pouvoirs publics – vous l’avez dit vous-même – et simplifier les statuts des entreprises individuelles, ainsi que certaines réglementations.

En ce qui concerne la création d’entreprises, nous sommes unanimes à souligner le rôle des associations, notamment dans l’économie sociale et solidaire, des crowdfunders et des business angels. Or ces derniers investisseurs attendent encore des améliorations permettant la création de sociétés en participation, plus simples pour eux comme pour les chefs d’entreprise qu’ils soutiennent.

Après la loi « Macron 1 », faudra-t-il donc une loi « Macron 1 bis » pour encourager la transmission d’entreprises ?

M. Guillaume Chevrollier. J’associe à ma question mon collègue Damien Abad.

Monsieur le ministre, quelle place votre plan pour la Nouvelle France industrielle, dont je salue les orientations, accorde-t-il à la ruralité, à ses entreprises – PME, TPE, souvent familiales et dynamiques –, aux hommes et aux femmes qui y sont engagés ? En particulier, comment préconisez-vous d’accompagner les acteurs économiques que sont les agriculteurs, aujourd’hui en difficulté, dans la mutation en cours ?

Mme Béatrice Santais. La société Carbone Savoie est sérieusement menacée par la poursuite de la cession par le groupe Rio Tinto Alcan de ses actifs en France. J’ai eu le grand plaisir de vous accueillir dans ma circonscription lors de l’un de vos premiers déplacements : à Saint-Jean-de-Maurienne, vous aviez inauguré la réouverture de la série F par l’entreprise Trimet, laquelle venait, avec EDF, de reprendre le site de Rio Tinto.

Il semble aujourd’hui nécessaire d’agir comme vous – et votre ministère avant vous – aviez su le faire, pour sauver Carbone Savoie et préserver l’ensemble de la filière aluminium française. L’État et EDF doivent justement discuter avec Rio Tinto de l’usine de Dunkerque, où un contrat de fourniture d’électricité arrive bientôt à échéance. Rappelons que Carbone Savoie est leader dans la construction de cathodes en carbone ou graphite, utilisées dans les cuves d’électrolyse de l’aluminium. Les salariés de l’entreprise seraient très heureux de vous rendre visite ou de vous accueillir, comme votre prédécesseur. Dans de tels moments, nous devons être très unis. Des emplois et une filière essentielle en France sont en jeu.

M. le président François Brottes. J’ai reçu il y a peu, à leur demande, les représentants du groupe, auxquels j’ai expliqué toutes les dispositions relatives aux électro-intensifs que nous avons adoptées dans la loi. Ils m’ont assuré de leur volonté sincère de trouver un vrai repreneur, une fois les comptes aménagés en vue de la cession. Mais je crois savoir que le Gouvernement suit l’affaire de très près.

Mme Michèle Bonneton. Je note, comme Denis Baupin, l’intérêt des objectifs pour 2020 des neuf solutions industrielles et de l’Industrie du futur. Mais quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour y parvenir ? Comment prévoyez-vous d’encadrer les entreprises ? La poursuite de ces objectifs fera-t-elle l’objet de bilans intermédiaires, par exemple annuels ? Certains financements ou allégements de cotisations seront-ils subordonnés à leur réalisation, ou tout au moins aux progrès des entreprises en ce sens ? Je songe naturellement au crédit d’impôt recherche (CIR), si apprécié des entreprises que nous auditionnons, au CICE, mais aussi au pacte de responsabilité.

Comment ces neuf plans s’intègrent-ils aux grands plans d’investissement annoncés par l’Union européenne ?

Nous en sommes tous d’accord, les entreprises françaises ont besoin d’investissements importants, ne serait-ce que pour renouveler l’outil productif. Mais comment comptez-vous faire en sorte que les marges servent prioritairement à investir et non, comme souvent, à rémunérer les actionnaires ?

Comment votre action s’articule-t-elle à celle des autres industriels et États européens dans les domaines que couvre votre plan ?

Au niveau de l’Union européenne, où en est le projet de création d’une Europe de l’énergie ? Beaucoup reste à faire, on l’a compris, avant que les différents États puissent se mettre d’accord sur les objectifs et progresser ensemble.

Quant au très haut débit et au numérique au niveau européen, nous en avons vraiment besoin dans nos territoires ; cet aspect devrait donc être décliné à tous les échelons.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est un plaisir de vous entendre, monsieur le ministre : on a l’impression que tout est en main. Mais s’il se passe certainement de belles choses çà et là sur notre territoire, à Lannion, par exemple, on aimerait que l’effervescence s’étende à tous nos entrepreneurs, artisans, commerçants, agriculteurs, TPE et PME. Peut-être cela suppose-t-il de réviser les règles de Bâle III afin de financer le financement des TPE, parfois forcées au dépôt de bilan pour 10 000 ou 20 000 euros.

Toutefois, cela ne suffira pas, car la surprotection de l’emploi en France y a bloqué le travail légal et, surtout, nui à la valeur travail. Au-delà même de la fraude fiscale, c’est une véritable économie parallèle qui se développe, d’où un manque à gagner qui se chiffre en milliards d’euros pour le Trésor. Vous avez parlé d’adaptations sectorielles, mais c’est à une adaptation généralisée du code du travail, revu et corrigé par Emmanuel Macron, qu’il est temps de passer, au travers d’une loi « Macron 3 » !

M. le président François Brottes. Avec combien d’articles ?

M. Jean Grellier. Nous nous félicitons de la manière dont les plans industriels ont été réorientés et restructurés, notamment grâce à des regroupements justifiés. Pourriez-vous dresser le bilan de leur état d’avancement, donner quelques perspectives d’évolution, et clarifier leur articulation aux comités stratégiques de filière du Conseil national de l’industrie ? Alors que ces dernières notions ne parlent guère aux entreprises dans nos territoires, comment lancer une mobilisation générale de tous les acteurs économiques, voire publics, pour que l’important travail accompli au niveau national irrigue le pays ? Certes les régions auront un rôle à jouer, mais il semble nécessaire d’aller plus loin encore, jusqu’au niveau des bassins d’emploi.

M. Jean-Pierre Le Roch. L’article 142 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques votée la semaine dernière instaure un mécanisme d’amortissement exceptionnel pour certains investissements industriels. Mais les investissements en matériel de transport routier en sont exclus, alors que la jurisprudence fiscale permet déjà d’amortir les véhicules industriels selon les règles de dégressivité. Est-il envisageable de leur étendre le dispositif afin de soutenir l’investissement dans cette filière, en souffrance depuis plusieurs années ?

Lors d’une rencontre sur les biotechnologies et l’agroalimentaire organisée il y a quinze jours à Rennes par la préfecture de région et le conseil régional de Bretagne, le président de France Biotech a rappelé que la France était championne du monde de la création de start-up dans ce secteur – une performance qui concerne d’autres domaines d’activité, comme vous l’avez rappelé –, mais que le passage au stade industriel était très difficile, pour des raisons de financement, sauf à faire appel à des fonds d’investissement américains et à transférer les molécules aux États-Unis en vue de l’industrialisation. Comment pallier cette difficulté majeure qui engage l’avenir de l’agroalimentaire et de l’agriculture dans notre pays ?

Mme Marie-Hélène Fabre. J’aimerais vous interroger sur le dialogue social au sein d’Areva. La rencontre avec les organisations syndicales qui était prévue début juillet ne pourra avoir lieu avant octobre en raison du report des négociations avec EDF. Ce nouveau calendrier pourra-t-il être respecté ?

Mme Pascale Got. Vous avez évoqué la régulation des plates-formes numériques, notamment dans le cadre du projet franco-allemand de stratégie numérique que vous portez avec Sigmar Gabriel. Dans quelle loi figurera-t-elle, et sous quelle forme ?

M. Yves Blein. Quels effets macroéconomiques attendez-vous du dispositif de suramortissement des investissements ? Est-il possible de les anticiper à la lumière des réactions des entreprises à l’annonce de cette mesure ?

Toujours du point de vue macroéconomique, peut-on évaluer dès à présent l’effet sur l’économie française de la baisse du prix du pétrole, ainsi que des écarts de change entre euro et dollar, qui ont eu des conséquences notables sur nos exportations ?

Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre, je préside depuis quelques jours la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), instance consultative de dialogue et de concertation placée auprès de votre ministère, qui veille à l’équilibre des relations commerciales entre distributeurs, producteurs et fournisseurs et à la conformité au droit des documents commerciaux. Toutes les parties prenantes en sont membres et vous pouvez vous-même la saisir.

Or la crise dont souffre l’agriculture touche les filières laitières, porcines et bovines à différents échelons – producteurs, transformateurs, distributeurs. Certes, il existe un médiateur des relations commerciales agricoles et un médiateur des relations interentreprises. Toutefois, la CEPC pourrait-elle être associée à la résolution de cette crise, et si oui, comment ? Peut-être par une saisine plus fréquente et plus large ?

Mme Marie-Lou Marcel. Parmi les solutions de la Nouvelle France industrielle figure l’« alimentation intelligente », par suite du recentrage du précédent plan agroalimentaire sur l’alimentation fonctionnelle, les emballages du futur, le froid durable et la sécurité alimentaire. L’objectif pour 2017 est la modernisation de 30 % des abattoirs industriels et le recrutement de 90 000 personnes dans ce secteur.

Pouvez-vous développer vos ambitions en la matière et détailler la mise en œuvre du plan ?

M. le ministre. S’agissant de la transmission d’entreprises, monsieur Pellois, les travaux de Mme Dombre Coste révèlent en effet une difficulté, qui est d’ordre culturel. L’entrepreneur français n’aime pas céder son entreprise, ce qui, au vu de la pyramide des âges, risque de freiner la modernisation de notre économie et de la fragiliser considérablement, puisque nous allons être confrontés à de nombreuses cessations ou transmissions d’activité. Or, au cours des années qui précèdent ce moment, on investit peu, faute de se projeter, car la transmission, surtout extrafamiliale, est source d’angoisse. Ce phénomène concerne le commerce, l’artisanat, tous les types de TPE. C’est un véritable défi pour l’économie et la création d’activité et d’emplois.

Pour le relever, au-delà du financement que nous avons déjà évoqué, il faut un accompagnement. En la matière, les régions ont un rôle important, avec les réseaux consulaires. Certaines le jouent déjà, mais des disparités perdurent. Le rapport demandé à l’Observatoire du financement des entreprises est destiné à clarifier la situation et à simplifier et harmoniser les instruments. S’y ajoute une sensibilisation à cet enjeu d’ordre culturel, laquelle suppose un discours politique du Gouvernement, mais aussi des collectivités territoriales et de ces réseaux.

Du point de vue fiscal, le Président de la République et le Premier ministre l’ont dit, nous ne toucherons pas au « pacte Dutreil », facteur important de stabilité pour les entrepreneurs. Les uns voudraient le revoir à la baisse, les autres l’améliorer ; nous choisissons de le stabiliser. S’agissant en revanche de la transmission des fonds de commerce, le Premier ministre a annoncé début juin des mesures destinées à favoriser la visibilité et la viabilité de l’opération. Sur ce sujet, des aménagements en matière fiscale sont sans doute possibles ; nous allons y travailler en vue du PLF et du PLFSS.

Nous réfléchissons également à des mesures favorisant le crédit-vendeur – outil important de la transmission –, là encore pour plus de visibilité ; elles passeront par l’action de la BPI et, plus généralement, par l’amélioration des dispositifs existants. À cet égard, en effet, la frilosité des banques commerciales fait écho à celle des entrepreneurs.

S’agissant des business angels, de nombreux aménagements ont été effectués, en particulier sous l’impulsion de votre collègue Bernadette Laclais. Je songe aux mesures de la loi de finances rectificative pour 2014 qui favorisent les sociétés d’investissement de business angels (SIBA) en supprimant des contraintes relatives au nombre minimal de salariés. D’autres améliorations ont été intégrées au texte sur la croissance et l’activité. Il convient, j’en suis parfaitement conscient, d’aller encore plus loin en s’assurant que, lors de la cession d’une entreprise appartenant au portefeuille d’un business angel, le véhicule n’est pas déstabilisé du point de vue fiscal. Mais tout cela dépend de la discussion en cours avec Bruxelles sur l’ISF-PME, dispositif qui sert souvent à financer un tel investissement. Nous travaillons donc, avec Michel Sapin et Christian Eckert, en vue d’introduire cet important facteur de stabilité des SIBA à l’occasion de la mise en conformité de l’ISF-PME avec les règles européennes.

Je ne reviens pas sur ce que représente pour le financement de l’économie la réforme des actions de performance comme des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), avec la société de libre participation que vous avez évoquée, créée par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Cette loi contient aussi plusieurs initiatives importantes pour la ruralité : couverture des zones blanches, mobilité accrue, etc. La ruralité est également concernée par l’intégration d’un plus grand nombre de PME et de TPE à la deuxième étape de la Nouvelle France industrielle, alors que les 34 plans initiaux étaient captés par quelques grands groupes. En particulier, l’Alliance pour l’industrie du futur, très inclusive, contient beaucoup d’acteurs de petite et moyenne taille, ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés. Si nous contribuons au financement de l’innovation de rupture pour quelques grands groupes, les PME et les ETI sont l’essentiel, y compris en zone rurale et dans les territoires.

Quant à la solution industrielle « Alimentation intelligente » à laquelle Marie-Lou Marcel a fait référence, elle touche particulièrement la ruralité et la filière agroalimentaire. Le pilote en est d’ailleurs l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA). Dans ce cadre, deux appels à projets sont en cours et en passe d’être clos, concernant, pour l’un, la modernisation des abattoirs et, pour l’autre, l’alimentation fonctionnelle, solution à forte valeur ajoutée ciblée sur quelques catégories de population – enfants, seniors –, qui contribuera au développement de notre filière agroalimentaire, laquelle compte quelques champions, et qui irrigue plusieurs de nos territoires.

S’y ajoutent les actions que nous avons entreprises au titre de la loi croissance et activité, sous la forme d’initiatives ad hoc, et dont Stéphane Le Foll discute actuellement à Caen, avant de les annoncer demain dans le cadre d’un plan qui sera présenté en Conseil des ministres. C’est d’améliorer l’écosystème qu’il s’agit, et, plus précisément, de répondre aux attentes de nos agriculteurs et de notre filière agroalimentaire.

Le problème actuel est la crise dans l’élevage, bovin et porcin, ainsi que dans le secteur du lait. Ce sont ces filières qui sont aujourd’hui le plus fragilisées ; d’autres se portent mieux, tandis que d’autres encore, dont les fruits et légumes, souffrent d’une vulnérabilité relative. Ces filières fragiles sont celles qui ont eu le plus de mal à moderniser leur appareil productif et à s’adapter au cours des dernières années ; cette difficulté fait partie des faiblesses de notre tissu productif et pénalise toute la chaîne, à commencer par les producteurs. En comparaison, la filière des oléo-protéagineux, que nous avons su organiser, qui s’est structurée, concentrée, qui a fait l’objet d’une véritable stratégie de réindustrialisation et de réinvestissement, est aujourd’hui solide. Prenez les abattoirs : en France, les éleveurs ne sont pas mieux payés qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas, mais les coûts sont supérieurs de 40 % à 50 % !

Voilà pour le défi structurel. Quant au problème conjoncturel auquel nous sommes confrontés, le voici : nombre des acteurs étrangers qui ont procédé à des regroupements et des investissements – Pays-Bas, Allemagne, Nouvelle-Zélande et d’autres économies émergentes – se sont rués sur des créneaux de production à bas coût sur lesquels nous nous étions positionnés, et sur le marché chinois qui s’était considérablement développé. De sorte que, joint aux autres facteurs que j’ai énoncés, le ralentissement chinois, qui crée une sur-concurrence sur ce marché, a exclu beaucoup de nos acteurs des marchés à l’export sur lesquels ils étaient très présents – alors que, dans la plupart des secteurs que j’ai cités, notre production domestique est très faible.

Comme toujours en pareil cas, c’est sur ces deux fronts – conjoncturel et structurel – qu’il faut agir.

Pour traiter l’urgence, d’abord, Stéphane Le Foll va annoncer une série de mesures dont on connaît l’esprit. Il s’agit en premier lieu d’éléments de financement, à propos desquels les ministres réunis ce midi par le Premier ministre ont finalisé des propositions. Il s’agit ensuite de l’action que nous avons entreprise vis-à-vis de la grande distribution. La loi Hamon a ainsi permis de réduire les tensions excessives résultant d’une volatilité des cours des matières premières puisque, depuis le décret qui en est résulté en 2014, les prix peuvent faire l’objet d’une renégociation en cours d’année entre producteurs et distributeurs : c’est fondamental dans l’éventualité d’un retournement de marché. Ensuite, nous avons, avec Stéphane Le Foll, durci les discussions avant les négociations de début d’année, et renforcé dans la loi croissance et activité les moyens dont nous disposons pour équilibrer la relation commerciale : c’est le sens des mesures relatives à l’injonction structurelle et des contraintes accrues dans les relations contractuelles, au profit des fournisseurs. Nous avons également pris des dispositions exceptionnelles pour faire augmenter les prix, en demandant aux filières et aux distributeurs de mettre fin au dumping sur le prix de la viande. Les effets sont tangibles sur la filière porcine, qui reprend un peu d’oxygène même si elle a encore besoin de mesures d’accompagnement.

Nous devons prolonger cet effort de court terme par des mesures de financement, être très cohérents en matière d’achats publics et d’achats collectifs – 50 % du bœuf vendu en France l’est dans la restauration collective –, et continuer de contrôler la vente de la viande et sa traçabilité. Hier encore, de jeunes agriculteurs ont découvert en rayon de la viande étiquetée comme un produit d’origine française alors qu’elle venait d’Europe de l’Est. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’économie est très mobilisée dans cette affaire.

S’agissant du lait, le problème est beaucoup plus structurel, car nous sommes fortement dépendants de plusieurs acteurs. Plus généralement, du point de vue structurel, l’ensemble du secteur doit, je le répète, viser la concentration. La BPI est elle aussi mobilisée pour financer cette évolution. Là encore, l’obstacle est culturel : les petites structures, souvent non rentables, ne sont pas spontanément portées au rapprochement avec les plus grosses. Le travail du médiateur devrait contribuer à y remédier.

Outre la consolidation des filières, il convient d’en accélérer la modernisation. Ce que j’ai dit des abattoirs vaut d’autres aspects de l’appareil productif du secteur, dans lequel nous avons sous-investi jusqu’à ce qu’il ne soit plus rentable. D’où l’intérêt de la Nouvelle France industrielle et des appels à projets que j’ai cités.

Au-delà de notre action, la grande distribution aurait intérêt à prendre elle-même des initiatives fortes, car nul ne sortirait gagnant d’un effondrement de ces filières.

Pour en revenir à l’alimentation intelligente, outre les deux appels à projets qui seront finalisés au cours des prochaines semaines, d’autres seront destinés à moderniser notre appareil productif agroalimentaire, filière par filière, en commençant par les plus fragiles. Il s’agira également de favoriser l’innovation en matière d’alicaments. Enfin, nous devrons encourager les initiatives à l’export, car, en dépit de ses difficultés, la filière bénéficie d’une balance des paiements positive grâce à des produits d’excellence et de niche – la chose est connue s’agissant de la viticulture. L’idée est d’utiliser la « marque France » et les éléments de traçabilité que nous avons instaurés pour l’ensemble des filières afin de développer les stratégies d’export à forte valeur ajoutée.

Il s’agit par-là de tourner le dos à l’export à bas coût sur lequel nous nous sommes focalisés à l’excès. On le voit bien dans les secteurs du porc et du poulet. En réalité, c’est en grande partie le taux de change qui nous sauve d’une crise dans ce dernier secteur, car nous exportons massivement dans les pays du Golfe qui sont arrimés au dollar : si l’entreprise Doux a repris de l’oxygène, c’est grâce à la chute de l’euro. Bref, la stratégie d’export à bas coût dépend fortement de celle des autres acteurs et de la stratégie de change.

Enfin, comme nous le lui avons demandé, l’ANIA s’attache à inclure les TPE et PME, souvent très innovantes mais qui n’accèdent pas suffisamment aux donneurs d’ordres ni à l’international.

Lors de la revue à laquelle nous avons procédé en mars, une centaine de projets était en cours ; nous avons demandé leur regroupement. Nous en sommes aujourd’hui à deux et mon objectif est de parvenir d’ici la fin de l’année à une quinzaine, grâce au financement du programme d’investissements d’avenir (PIA) : une centaine de millions d’euros peuvent être débloqués pour enclencher la procédure de modernisation.

Quant à Rio Tinto Alcan (RTA), ses dirigeants, que j’ai rencontrés tout à l’heure, m’ont confirmé qu’ils ne voulaient ni fermer ni cesser l’activité et qu’ils restaient engagés à Dunkerque ; simplement, ils souhaitent trouver des repreneurs stables pour certaines parties de site, dans un esprit de grande responsabilité qui s’explique par les décisions que nous avons nous-mêmes prises vis-à-vis des électro-intensifs.

En effet, d’importantes mesures ad hoc ont été actées, appuyées notamment par l’opérateur historique : vous en avez parlé en évoquant Saint-Jean-de-Maurienne. Et, aujourd’hui, la loi de transition énergétique apporte aux électro-intensifs des solutions fort intéressantes : l’interruptibilité, l’exonération pérenne du tarif de transport d’électricité, l’effacement. En outre, un tiers de l’effort va à la compensation budgétaire du prix du carbone pour ces industries, conformément à l’engagement pris par le Premier ministre. Enfin, la négociation que nous avons conduite avec EDF et la CNR, et qui est en voie de finalisation, tend à apporter aux électro-intensifs l’aide des opérateurs historiques pour maintenir le site productif français.

Bref, le Gouvernement est en dialogue constant avec les électro-intensifs, dont RTA. Les propos du président Brottes confirment que tous les acteurs du dossier sont en contact permanent. RTA aura l’occasion de clarifier sa position lors du comité d’entreprise prévu le 30 juillet. Il faudra être très attentif aux annonces qui seront alors faites et qui devraient être conformes à l’esprit que je viens de résumer.

S’agissant du conditionnement des aides, nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises : le mécanisme est complexe à mettre en œuvre dès lors que des dispositifs fiscaux sont en jeu.

La subordination de l’aide au respect d’un cahier des charges est particulièrement adaptée au cadre d’appels à projets tels que ceux de la Nouvelle France industrielle, assortis d’aides publiques octroyées selon un rythme de décaissement qui suppose une évaluation et, si l’on peut dire, une surveillance rapprochée. Quant au crédit d’impôt recherche (CIR), il fait l’objet d’un contrôle tatillon : comme le savent bien toutes les entreprises, celles qui ne respectent pas ses conditions d’éligibilité perdent le bénéfice de l’aide et font l’objet d’un redressement. Le CIR est l’un des instruments fiscaux les plus contrôlés. En revanche, le CICE est en réalité un allégement de charges que traduit un instrument fiscal ; une technique d’allégement de charges, en somme : par construction, il n’est pas soumis à conditions. Pour en clarifier l’esprit, s’il en était besoin, je vous renvoie à l’annonce par le Président de la République, en novembre dernier, d’un basculement progressif du CICE vers un allégement de charges pérenne. Ceux-là même qui souhaitent le conditionnement du dispositif se plaindraient aussitôt de ses conséquences – instabilité, lourdeurs des démarches déclaratives et des contrôles.

Il n’est pas pour autant question d’un régime d’irresponsabilité. Le problème se pose chaque fois qu’une entreprise qui a massivement bénéficié d’aides se révèle incivique. Il convient d’être très vigilant à cet égard, de réagir en stigmatisant l’entreprise et en faisant preuve d’intransigeance lors de l’éventuel redressement fiscal, enfin de privilégier la politique d’appel d’offres pour des projets ad hoc, la plus adaptée au suivi.

Les neuf solutions industrielles sont financées par le PIA, mais certains des projets et des thématiques ont été versés au plan Juncker, qui est plus large, pour compléter les contributions nationales. Ces priorités sont le financement des PME, la transition numérique ou énergétique, l’infrastructure BTP – liée à la transition énergétique –, les plans transfrontaliers, franco-allemands ou franco-espagnols notamment, touchant l’interconnexion ou l’énergie, enfin le fonds de venture capital que j’ai précédemment évoqué. Cependant, le plan Juncker repose en grande partie sur un financement bancaire long : il n’apporte pas d’equity, de fonds propres, contrairement au PIA.

Sur le financement de l’économie, nous avons demandé un rapport à François Villeroy de Galhau, qui rendra ses premières conclusions à la fin du mois et les complétera en septembre. Il est clair que nous avons un problème de financement à court terme des TPE, certes moins grave que chez certains de nos voisins, mais que la BPI ne suffit pas à résoudre. Nous devrons y remédier par des mesures circonstanciées. Il est exact qu’à cet égard les règles de Bâle III sont une source de fragilité ; avec Michel Sapin, nous poussons à leur réforme ainsi qu’à celle de Solvabilité II, car les contraintes pesant sur les banques, surtout les banques universelles, qui conservent les crédits dans leur bilan, et sur les assureurs, pénalisés lorsqu’ils investissent en fonds propres, sont excessives et risquent de nous handicaper dans la phase actuelle de reprise. En effet, notre économie est aux trois quarts intermédiée. Il faut développer des financements de marché pour les grands groupes, mais ne nous leurrons pas : les PME et TPE ne se financeront pas ainsi. Il est dès lors fondamental que nos opérateurs de financement aient plus de latitude.

S’agissant du code du travail, je vous laisse la paternité de vos propos, monsieur Taugourdeau. Il importe en tout cas de faire ensemble œuvre prospective pour organiser et articuler nos préférences collectives dans un monde où les changements s’accélèrent et où les transitions sont multiples.

Je remercie M. Grellier de son satisfecit concernant la Nouvelle France industrielle. Nous devons faire vivre ce qu’avec plusieurs d’entre vous nous avons commencé à mettre en musique : la présence d’un référent de votre commission auprès de chaque comité stratégique de filière. Les premières réunions thématiques qui en découlent ont eu lieu. C’est essentiel, et c’est un moyen de faire exister le projet sur le territoire. Les régions, avec les agglomérations, joueront aussi un rôle très important. C’est également le cas des filières ; voilà pourquoi j’ai voulu que le Conseil national de l’industrie soit partie prenante de toutes les revues portant sur les solutions industrielles et les actions ; il est le mieux placé, en effet, pour organiser la politique de formation au sein des filières et toutes les initiatives relevant des filières dans les territoires. Sur les pôles de compétitivité, je n’ai pas encore de doctrine arrêtée : nous travaillons à l’établir. À leur sujet, je ne puis à ce stade formuler que ce truisme : il y en a trop. Mais ils pourront faire partie des relais de ces politiques au niveau territorial. Enfin, les élus ont, avec les réseaux consulaires, un rôle fondamental d’acculturation à jouer : ils peuvent expliquer les mesures, identifier les problèmes et en faire état, car ils connaissent mieux que quiconque les priorités et les faiblesses de leurs territoires. Quoi qu’il en soit, vous avez parfaitement raison : si l’on n’articule pas ces politiques au niveau des bassins d’emploi, cela compromettra leur mise en œuvre et leur efficacité.

Je ne dispose pas encore d’une évaluation précise de la mesure de suramortissement fiscal. Les études anticipent un volume d’investissements de quelque 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable. Je reste très prudent vis-à-vis des chiffres prévisionnels. Mais le contre-factuel, comme on dit en économie, est aisé : il n’y avait plus d’investissements productifs privés, de sorte qu’une grande partie de ceux que l’on comptabilisera à l’avenir seront ipso facto imputables à la mesure. Dès l’automne, je rendrai compte des premiers éléments.

Le suramortissement fiscal s’applique aux matériels roulants qui sont des outils de production, par exemple les moissonneuses ou les bulldozers, mais non les camions ou les remorques, car la base serait alors beaucoup trop large, ce qui entraînerait des effets d’aubaine : certaines entreprises profiteraient du dispositif pour renouveler toute leur flotte de véhicules.

Quant aux avancées récentes, abstraction faite de la Nouvelle France industrielle, nous lançons plusieurs appels à projets. J’ai réuni hier l’Alliance pour l’Industrie du futur afin d’en mobiliser les membres et de leur fixer des échéances ; je ferai de même en octobre. Nous avons pu définir une série d’initiatives concernant la formation et l’accompagnement – il s’agit des objectifs d’accompagnement des PME et TPE que je rappelais en début d’audition. Il reste beaucoup à faire en vue de l’internationalisation : quels liens allons-nous tisser avec l’Allemagne – puisque nous voulons, en octobre, articuler l’Alliance pour l’Industrie du futur et Industry 4.0 –, avec la Chine, avec les États-Unis ? Filière par filière, nous devons en tout cas développer des stratégies ad hoc avec les pays voisins ; c’est ce que nous disent les industriels.

Pour le reste, l’appel d’offres pour le TGV du futur est lancé le 4 septembre ; les premières expérimentations en France d’un véhicule autonome sur route ouverte, menées par PSA, sont prévues pour le 9 septembre ; la première cité de l’objet connecté a été inaugurée à Angers le 12 juin ; la traversée de la Manche par l’E-Fan a eu lieu le 10 juillet. Ces réalisations concrètes attestent que nous progressons, et ce conformément au calendrier que j’ai détaillé le 18 mai dernier à Nantes.

Je ne reviens pas sur la coordination décisive avec le Conseil national de l’industrie et les comités stratégiques de filière, qui va perdurer dans le même esprit.

Quant au dialogue social chez Areva, il n’est pas interrompu, bien au contraire : les avancées se poursuivent. Le plan de redressement d’Areva comprend un volet compétitivité d’un milliard d’euros d’ici à 2017, toujours à l’étude, qui repose sur une réduction de 15 % des frais de personnel en France et 18 % dans le monde, sans fermeture de site ni licenciement sec. Ce point fait l’objet d’une concertation qui a été lancée dès le mois de mai. De mai à juin, les discussions ont porté sur la situation du dialogue social et esquissé un accord sur la méthode. À partir de septembre aura lieu l’information-consultation du personnel sur l’évolution de l’emploi. C’est moi qui en ai demandé le report : dès lors que le Président de la République avait annoncé début juin une décision stratégique, il n’était pas possible de continuer à dérouler le plan comme si de rien n’était. Il est normal d’informer les salariés sur l’ensemble de la filière et sur les choix que nous faisons. Avec François Rebsamen et Ségolène Royal, je veillerai à l’exemplarité de ce dialogue social.

S’agissant de la régulation des plates-formes numériques, la démarche franco-allemande se veut favorable à un cadre européen. J’ai donc entrepris avec Sigmar Gabriel de formuler des propositions franco-allemandes pour la stratégie numérique européenne, en particulier dans le cadre de l’agenda du marché unique numérique. J’y serai très attentif : nous faisons deux lois, mais c’est au niveau européen que les grandes régulations, les éléments structurants, doivent intervenir. Aucune des dispositions que nous adoptons ne doit réintroduire de disparité entre les régulations nationales. Ce serait une erreur stratégique, car nous compliquerions ainsi la tâche des acteurs économiques. D’où la solennité de l’initiative franco-allemande. L’agenda du marché unique doit permettre non seulement de faire tomber les barrières entre les différents pays, mais de promouvoir une régulation des plates-formes et une politique de standards à vingt-huit, sans quoi nous en resterons à une vision purement libérale du marché unique. Si la régulation, notamment pour garantir la neutralité du Net, reste strictement nationale, le marché unique du numérique n’existe plus. Le vice-président Andrus Ansip, très actif sur ce dossier qui lui tient à cœur, est en train d’intégrer ces éléments. Nous continuerons sur cette voie au niveau franco-allemand.

Le prix du pétrole a plus de conséquences que le taux de change euro-dollar. D’abord, il joue sur le coût des intrants pour les entreprises : sa baisse crée des gains de compétitivité pour les plus consommatrices, dont elle accroît ainsi les marges ; c’est à cette baisse que l’on doit en grande partie l’effet marge que j’ai évoqué, ainsi qu’au coût du travail. Ensuite, il bénéficie fortement à la consommation, qui se tient relativement bien dans la période difficile que nous connaissons, d’autant que, contrairement à ce que l’on a pu craindre dans un premier temps, ce gain de pouvoir d’achat n’est pas capturé par l’épargne de précaution des ménages, mais dépensé. Bref, c’est l’aspect conjoncturel dont l’effet macroéconomique est le plus marqué : il représente environ 0,3 ou 0,4 point de croissance selon les dernières estimations de l’INSEE.

L’effet du taux de change euro-dollar est bien moindre, d’abord parce que notre commerce extérieur est à près de 70 % interne à la zone euro. Il est déterminant dans quelques filières qui commercent en euro-dollar, auxquelles il permet de restaurer leurs marges et de redémarrer : la défense, l’aéronautique, l’agroalimentaire dans certaines zones géographiques, le luxe. Mais l’impact macroéconomique, en points de PIB, est nettement plus faible. D’autant que les monnaies émergentes sont très instables – voyez le real brésilien, le renminbi, sans parler de l’Inde ou du Golfe : le taux de change effectif de l’euro, calculé par rapport à un panier de monnaies, ne s’est pas dégradé, de sorte que l’euro ne bénéficie d’aucun effet d’aubaine vis-à-vis de ces autres économies.

S’agissant enfin de la CEPC, importante instance d’expertise créée en 2001 et qui a la vertu de regrouper producteurs et distributeurs, nous avons justement décidé ce midi, avec Stéphane Le Foll, de la saisir, en sus des pressions que nous avons déjà exercées ponctuellement et que nous réitérerons demain. Cela nous permettra d’adopter un point de vue global et de dégager des accords gagnant-gagnant, secteur par secteur.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le ministre, de l’exhaustivité de vos réponses, du temps que vous nous avez consacré et de la pédagogie dont vous avez fait preuve, comme toujours.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 21 juillet 2015 à 17 heures

Présents. – M. Damien Abad, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic

Excusés. – M. Joël Giraud, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. – M. François André, M. Jean-Yves Caullet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Michel Clément, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Sophie Errante, M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Christophe Léonard