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Commission des affaires économiques

Mardi 27 octobre 2015

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 9

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Examen pour avis de la proposition de loi relative à l’économie bleue (n° 2964) (Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis)

– Informations relatives à la commission

La commission a examiné pour avis la proposition de loi relative à l’économie bleue (n° 2964), sur le rapport de Mme Annick Le Loch.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous examinons aujourd’hui le rapport pour avis de Mme Annick Le Loch sur la proposition de loi relative à l’économie bleue. La Commission s’est saisie de huit articles de ce texte ; dix-sept amendements ont été déposés dont un, le CE3, de M. Baupin, a été déclaré irrecevable, au titre de l’article 38 de la Constitution, puisqu’il visait à étendre le champ d’une habilitation législative.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis. Notre commission s’est saisie pour avis de la proposition de loi pour l’économie bleue qui a pour ambition de soutenir et développer l’économie maritime, secteur pourvoyeur de 310 000 emplois directs et qui est à l’origine de 69 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les activités de pêche et d’aquaculture créent chaque année environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, c’est une économie nourricière, qui crée des emplois indirects sur les quelque 7 200 kilomètres de côtes françaises.

Alors que l’économie bleue n’a fait l’objet que de peu d’initiatives parlementaires, le texte dont nous sommes saisis a l’ambition de faire en sorte que le secteur maritime et aquacole français soit durable, compétitif et structuré. La préservation des ressources, les problématiques environnementales et le secteur maritime, en tant que moyen de transport, ont justifié que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission du développement durable, mais trois enjeux justifient la saisine pour avis de notre commission.

En premier lieu, l’importance économique du secteur aquacole, et en particulier conchylicole : la production française bénéficie d’une position de leader sur le marché de l’huître – 85 % de la production européenne – mais la profession, mal reconnue, est pratiquement absente du code rural et de la pêche maritime comme du code de l’environnement. La présente proposition de loi vise à combler cette lacune en intégrant dans la législation les dispositions relatives au secteur aquacole. Le texte prend également en compte les enjeux d’une profession soumise à des exigences de qualité des eaux et des produits. En effet, le défi sanitaire et environnemental constitue une lourde contrainte pour cette activité régulièrement confrontée à des épisodes de forte mortalité des naissains. Nos travaux de ce jour sont donc placés sous l’égide des deux impératifs que représentent la sécurité des élevages et la protection des consommateurs.

Deuxième enjeu : le soutien aux entreprises maritimes ; cette activité occupe 17 000 marins, et 460 000 tonnes de poisson sont débarquées chaque année. Les retombées économiques indirectes du secteur sont nombreuses, or sa balance commerciale est déficitaire. C’est pourquoi la présente proposition de loi comporte des dispositions tendant à soutenir les entreprises de pêche afin de favoriser le renouvellement de la flotte et de consolider le statut de société de pêche artisanale. J’ai toutefois déposé un amendement ramenant à la limite légale actuelle de deux navires exploités les entreprises qui en bénéficient. Ces sociétés sont en effet celles qu’il faut soutenir en priorité, tout en prenant garde de ne pas dévoyer le statut ni de créer les conditions d’une concurrence déloyale entre entreprises de pêche.

De nombreux éléments de simplification sont proposés dans le domaine social pour les pêcheurs à pied, dans le domaine professionnel pour les comités des pêches et des organisations de producteurs, dans le domaine judiciaire pour les gardes jurés et, enfin, dans le domaine entrepreneurial.

Par ailleurs, l’article 22 de la proposition de loi améliore l’information du consommateur sur l’origine des produits aquatiques en prévoyant la mention du pays d’origine des produits aquatiques dans les restaurants et points de vente à emporter : je présenterai un amendement rendant cet affichage facultatif, afin de ne pas alourdir les contraintes qui pèsent sur professionnels de la restauration.

Il faut enfin diversifier les activités des pêcheurs et stimuler les investissements en mer. La proposition de loi prévoit la remise, par le Gouvernement, de rapports sur le pescatourisme, activité qui permet de diversifier les revenus des pêcheurs. Les conséquences pour les professionnels, pour la biodiversité et pour l’environnement de la pêche récréative des particuliers, qui prélève une part importante de la ressource halieutique, sont prises en compte. Le statut du Crédit maritime est simplifié afin, notamment, de supprimer la tutelle de l’État sur ses activités. Les conditions assurantielles des énergies marines renouvelables sont allégées : celles-ci bénéficieront des mêmes conditions que les navires, afin de susciter l’intérêt des coassureurs étrangers pour ces investissements.

Sous la réserve de l’acceptation des modifications que j’ai évoquées, je donnerai un avis favorable à l’adoption des articles de cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Le Roch. Je centrerai mon intervention sur le thème de l’algoculture. Les filières agricoles françaises sont en crise et ont besoin de rebondir ; l’économie bleue constitue une chance qu’il ne faut pas laisser passer. Le contexte du changement climatique appelle la nécessité du développement de ressources nouvelles : la mer est la ferme du futur.

La demande sociétale et environnementale s’accroît, singulièrement dans le domaine maritime, notamment en Bretagne, au sujet de la prolifération des algues vertes. Le développement d’une filière « algues » permettrait d’y apporter des réponses. La récolte en mer de ces algues avant leur échouage bloque le processus de leur décomposition mortifère, et, en concourant à limiter leur prolifération, atténue le phénomène.

Les algues représentent le premier puits de carbone de la planète ; elles ne nécessitent pas d’intrants ajoutés, ne sont pas issues des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM), n’entrent pas en compétition avec les cultures terrestres pour les ressources en terre et en eau douce ; elles représentent par ailleurs un apport net en termes de sécurité alimentaire. Leur composition, qui reflète la richesse de la mer, fait d’elles une extraordinaire source de nutriments et d’ingrédients fonctionnels.

Depuis la création en 1970 de la station marine de Roscoff, mondialement reconnue, la France bénéficie d’une expertise scientifique unique. Transformer cette expertise en processus industriel, ce qui est au cœur de l’économie bleue, permettrait à notre pays de gagner une position de leader mondial.

Mme Michèle Bonneton. Notre groupe a déposé plusieurs amendements résumant notre conception de l’activité maritime qui, à nos yeux, doit être durable. Les pratiques de ces dernières années ont toutefois montré que c’est plus simple à dire qu’à faire…

La mer n’est pas qu’un espace économique exploitable ; il semble illusoire de parvenir à son exploitation durable si l’on se borne à considérer les espaces marins comme des zones économiquement rentables, car l’enjeu de biodiversité est extrêmement important.

Nos amendements portent sur deux principaux domaines, le premier étant l’aquaculture qui, si elle peut répondre à l’effondrement des stocks de poisson, doit être intelligente. En France, nous avons l’expérience d’une aquaculture de coquillages respectueuse de l’environnement. L’aquaculture de poisson doit relever de la même vision : elle doit être pratiquée en milieu fermé afin de contrôler les effluents, d’éviter la pollution du milieu marin, et privilégier la culture d’espèces herbivores – à cet égard, quelque chose pourrait être fait avec les algues dont M. Le Roch vient de nous parler. Il serait vain de répondre à la surpêche en développant une aquaculture de poissons carnivores qui nécessite la pêche de poissons sauvages pour les nourrir, à raison de trois à dix kilos de poisson pêché pour un kilo de poisson produit ! L’impact écologique de ce type d’aquaculture est très lourd et contribue à vider nos océans.

Nous avons également déposé des amendements concernant l’extraction minière en mer, qui doit être respectueuse de l’environnement, ce qui implique de ne pas exploiter les zones telles que celles classées « Natura 2000 » ni d’autoriser les extractions susceptibles d’avoir un impact sur les zones protégées, comme cela a récemment été le cas en baie de Lannion, car nous savons que l’extraction de sable peut être très dommageable.

Un de nos amendements a été jugé irrecevable ; il traite des énergies renouvelables. Nous avions souhaité permettre l’élargissement de la procédure de permis unique pour les éoliennes en mer à la zone économique exclusive, allant ainsi au-delà de ce qui est actuellement prévu pour le seul domaine maritime public. Cet amendement aurait favorisé l’expansion de ces énergies. Il avait déjà été déposé et discuté sans encombre, et dans des termes identiques, lors de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité ; nous comprenons donc mal pourquoi il a été refusé cette fois-ci. Cette question est essentielle, et il est regrettable qu’elle ne puisse pas être discutée aujourd’hui : aussi proposerons-nous une nouvelle rédaction pour la séance, laquelle ne devrait cependant avoir lieu que dans plusieurs mois…

Les nombreuses mesures relatives au pavillon français étaient attendues. Il est vrai que les dispositions législatives et réglementaires sont dispersées dans divers codes et sont très complexes. Elles dissuadent les opérateurs d’immatriculer leur flotte en France, le travail législatif est en cours ; restera à réaliser le travail réglementaire, sans doute encore plus important.

La commission passe à l’examen des articles dont elle est saisie.

Article 13 : Compléter les finalités de la politique des pêches et de l’aquaculture

La commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article, sans modification.

Après l’article 13

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE4 de Mme Laurence Abeille.

Puis elle examine l’amendement CE5 de Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à développer une analyse différenciée selon que l’on considère la culture de poissons carnivores ou herbivores, pour les raisons qu’indiquait Mme Bonneton voici quelques instants.

Mme la rapporteure pour avis. Par principe, je ne suis pas favorable à la demande de rapports supplémentaires. Le sujet est certes intéressant et la culture de poissons carnivores peut poser problème dans les zones de pêche, en Afrique notamment où la question alimentaire est récurrente. Mais, à mon sens, le Parlement peut se saisir d’un tel sujet sans attendre un rapport du Gouvernement. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

M. Denis Baupin. Notre intention est précisément de connaître l’avis du Gouvernement, ainsi que celui du rapporteur de la commission saisie au fond. Nous retirons l’amendement, mais le redéposerons en séance.

L’amendement est retiré.

Article 14 : Renforcer les mesures en direction du secteur aquacole

La commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article, sans modification.

Après l’article 14

La commission est saisie de l’amendement CE6 Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à mieux protéger les espèces menacées d’extinction en interdisant leur capture, qu’elle soit ciblée ou accessoire, ainsi que leur commercialisation.

Mme la rapporteure pour avis. Votre amendement est déjà quasiment satisfait puisqu’aujourd’hui la Commission européenne détermine les quotas, et lorsque l’espèce menacée n’est pas au rendement maximal durable, le quota est pratiquement ramené à zéro. Dans ce contexte, interdire certaines pêches en France seulement serait inefficace. Les taux admissibles de capture sont actualisés chaque année, au mois de décembre ; la Commission prépare des propositions fondées sur des avis scientifiques relatifs à l’état des stocks établi par des organismes consultatifs tels que le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP).

Par ailleurs, un débat national s’est déjà tenu à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, notamment dans le cadre de la modification de l’article L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime, qui punit déjà d’une amende de 22 500 euros, lorsque la capture concerne une espèce menacée, le fait de la mettre en vente, de la stocker, de la transporter, de l’exposer ou, en connaissance de cause, de l’acheter.

La commission rejette l’amendement.

Article 15 : Conforter la place de l’aquaculture dans la définition de la politique des pêches et de l’aquaculture et élargir la définition de la société de pêche artisanale

La commission étudie l’amendement CE7 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à élargir la consultation du public sur les demandes d’installation d’une ferme aquacole, une enquête publique de quinze jours nous paraissant insuffisante. La Charte de l’environnement, texte à valeur constitutionnelle, prévoit de telles consultations pour toute implantation ayant un impact sur l’environnement.

Mme la rapporteure pour avis. Nous avons entendu les professionnels et les comités nationaux, qui ont fait valoir que, dans notre pays, les difficultés d’installation sont considérables et les procédures bien plus longues qu’ailleurs. Nous constatons, en outre, que notre aquaculture stagne, l’essentiel de la production aquacole étant asiatique. Cette participation accrue du public ne nous paraît donc pas nécessaire, puisqu’elle existe déjà dans le cadre de l’établissement des schémas régionaux ; c’est pourquoi mon avis est défavorable.

Mme Michèle Bonneton. Nous demandons simplement le respect de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, car ces activités aquacoles sont susceptibles d’avoir un impact considérable non seulement sur l’environnement, mais également sur les autres activités côtières.

Mme la rapporteure pour avis. L’article L. 432-2 du code de l’environnement punit déjà de deux ans d’emprisonnement « le fait de jeter, déverser ou laisser écouler […], directement ou indirectement, des substances quelconques dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire ». Bref, à notre sens, il est inutile d’aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE9 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement complète le précédent. Les installations aquacoles peuvent polluer le milieu marin, et nous savons très bien que le personnel manque pour effectuer tous les contrôles nécessaires. Cette pollution peut être due à des produits phytosanitaires, à des résidus de médicaments ainsi qu’à des produits alimentaires s’échappant des bassins. Aussi proposons-nous que ces fermes aquacoles soient installées en milieu confiné, sur la terre ferme.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE8 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Nous proposons d’impliquer les associations de défense de l’environnement dans l’établissement des schémas régionaux de l’aquaculture marine. L’implantation d’une ferme aquacole peut avoir un impact sur l’environnement et les côtes sont des espaces de pluriactivité : pêche, nature, etc. L’activité des uns y est donc susceptible de nuire à celle des autres.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends bien l’intention des auteurs de l’amendement, mais il me semble que la réglementation en vigueur est suffisamment contraignante : j’ai évoqué tout à l’heure les difficultés d’installation, les lenteurs administratives et la longueur de l’instruction. L’enquête publique permet d’ores et déjà aux associations de protection de l’environnement de s’informer, comme elles savent le faire, au sujet des schémas régionaux de l’aquaculture. Cela nous semble suffisant pour l’instant.

M. Denis Baupin. La question de la concertation en amont occupe de plus en plus les esprits ; après le drame de Sivens, le Président de la République a pris un engagement, notamment dans la perspective de la Conférence Paris Climat 2015 (COP21). Il ne s’agit pas de construire une nouvelle usine à gaz, mais de faire participer les associations de défense de l’environnement à l’élaboration d’un schéma, de façon à anticiper les problèmes. La concertation en amont permet d’éviter des situations de blocage ultérieures.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends votre souci, mais, parmi les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine en cours d’élaboration, certains sont déjà approuvés, notamment dans le sud de la France, d’autres ne le sont pas encore. C’est la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui a prévu l’établissement de ces schémas, les décrets et circulaires d’application ayant été pris en 2011. Mais les étapes de l’élaboration des schémas sont longues et sont les suivantes : établissement de la cartographie des sites existants et propices, concertation interservices, consultation des collectivités locales et des usagers, consultation du conseil maritime de façade (CMF), consultation du public avant adoption. Cela prend donc un certain nombre d’années, ce qui explique que certains schémas ne soient pas encore approuvés, ainsi que nous le rapportent les préfets chargés de suivre leur élaboration. Il ne paraît pas nécessaire d’associer à la concertation des acteurs supplémentaires, et mon avis reste défavorable.

M. Denis Baupin. S’il s’agit simplement d’une question d’égalité de traitement entre schémas déjà adoptés et schémas en cours d’élaboration, nous pourrions trouver une formulation prévoyant la participation des associations au moment de la révision ou du renouvellement des schémas. Ce serait de nature à améliorer le dialogue environnemental.

Mme la rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas d’une question d’inégalité de traitement entre régions, mais de l’objet même des procédures d’adoption des schémas, qui est de parvenir à un consensus portant sur les divers usages du littoral et à l’utilisation du domaine public. C’est une recherche qui, par construction, prend du temps.

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La question du dialogue environnemental pose celle de la représentativité des interlocuteurs. Notre collègue Sabine Buis travaille sur ce sujet, et je crois qu’il ne faut pas brûler les étapes. C’est une problématique que l’on retrouve dans nombre d’autres domaines : pour aboutir collectivement à un dialogue constructif, il faut établir des justes critères de représentativité des associations ayant vocation à y participer.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE2 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir la limite de deux navires entrant dans la définition de la société de pêche artisanale, qui bénéficie d’un régime social et fiscal avantageux. Le dispositif qui nous est proposé tend en effet à ouvrir trop largement ces avantages, au risque d’aboutir à une concurrence exacerbée entre les différentes sociétés de pêche.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 15, ainsi modifié.

Article 16 : Engager une réflexion approfondie sur le pescatourisme et la commercialisation directe ainsi que sur la pêche récréative

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16, sans modification.

Article 18 : Renforcer la prise en compte des problématiques conchylicoles en matière de police de l’eau et de règlementation territoriale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18, sans modification.

Après l’article 18

La commission est saisie de l’amendement CE11 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Les huîtres triploïdes colonisent actuellement les milieux naturels et déstabilisent les autres élevages. Bien que ces huîtres soient répertoriées comme des organismes vivants modifiés, aucun étiquetage particulier n’est obligatoire. Au lieu de dix paires de chromosomes composant l’appareil génétique naturel, les huîtres triploïdes possèdent des triplets de chromosomes, d’où leur dénomination. Leurs larves ne peuvent être produites qu’en écloserie alors que les naissains naturels se récoltent habituellement en mer. Ces huîtres sont stériles, de ce fait, elles sont consommables toute l’année, c’est pourquoi on les appelle « huîtres quatre saisons » car, à la différence des huîtres diploïdes, elles ne sont pas laiteuses en été.

Les huîtres triploïdes ont été massivement introduites dans le milieu en l’absence de toute étude d’impact, et l’on constate aujourd’hui qu’elles affectent à la fois les autres huîtres et la biodiversité. Depuis 2008, des surmortalités de naissains et de juvéniles sont observées chez les huîtres creuses dans l’ensemble des bassins de reproduction français. Elles ont déjà provoqué une baisse de 40 % de notre tonnage ; cette hécatombe est largement imputable à un virus qui n’a cessé de se propager.

L’étiquetage permettrait d’informer les consommateurs et préserverait la production traditionnelle.

Mme la rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Les premières victimes de la mortalité des naissains et du manque de diversité des espèces d’huîtres sont les professionnels, puisque la crise de la production dure depuis près de dix ans. Il faut donc trouver de nouvelles variétés plus résistantes que la triploïde que vous évoquez, mais on ne peut pas aujourd’hui contraindre les professionnels à des obligations supplémentaires en leur imposant un étiquetage. Des recherches sont en cours, le Gouvernement accompagne les ostréiculteurs, et j’espère que, dans les prochaines années, nous saurons diversifier la production et, surtout, la rendre plus solide.

M. Philippe Le Ray. Je partage l’avis de notre rapporteure. Il ne faut pas mélanger les sujets : l’huître naturelle est la plus commercialisée dans notre pays, mais l’huître triploïde peut être produite hors saison. Les consommateurs le savent parfaitement puisque les producteurs – qui sont aussi les vendeurs – l’expliquent clairement à leurs clients.

Attribuer la virologie et la mortalité qui affectent les huîtres à l’introduction des triploïdes revient à confondre deux choses bien distinctes. Il a été constaté que les huîtres naturelles sont plus résistantes, alors qu’elles ont autant été touchées que les triploïdes. Les producteurs sortent de cinq années de crise ; ne leur créons pas de nouveaux et faux problèmes.

Mme Michèle Bonneton. Bien que laiteuses en été, les huîtres naturelles sont consommables toute l’année : c’est une question de goût… Il ne s’agit donc pas d’un problème de vente pour les ostréiculteurs. D’aucuns nient tout lien de cause à effet entre l’introduction des triploïdes et les déséquilibres observés, mais ce n’est pas l’avis d’autres producteurs.

Le consommateur a le droit de savoir s’il achète des huîtres naturelles ou des organismes vivants modifiés, ce qui n’est pas la même chose.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CE10 de Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Le chalutage en eaux profondes a provoqué une large mobilisation de l’opinion publique, ainsi que de nombreux débats qui n’ont guère abouti. Aussi proposons-nous qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles il sera mis un terme à cette forme de pêche.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Ainsi que vous venez de le dire, le sujet est régulièrement évoqué : il l’a d’ailleurs été lors de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité et l’Assemblée nationale a rejeté cet amendement. Toutefois, le Sénat ayant adopté, si je ne m’abuse, un amendement similaire, l’affaire reste à suivre…

Les dispositions encadrant la pratique de la pêche en eaux profondes sont actuellement débattues à l’échelon européen. Le Parlement européen a pris position sur le projet de règlement, et le Conseil doit aboutir à un accord à la fin de l’année. Les orientations sont connues : elles ne se fondent pas sur l’interdiction, mais limitent l’activité aux zones déjà exploitées – ce que l’on appelle l’empreinte – et garantissent la protection des habitats sensibles.

Il ne me semble pas cohérent de pénaliser les pêcheurs français qui se verraient désavantagés par rapport à leurs concurrents européens. Les négociations, je le répète, sont en cours, et le Gouvernement s’est exprimé par la voix de la ministre chargée de l’écologie.

M. Yannick Moreau. Je soutiens la rapporteure dans ce débat que, pour des motifs plus idéologiques que fondés sur une véritable analyse, nos collègues écologistes nous imposent une fois de plus. Cessons de sacrifier notre pêche sur l’autel de l’idéologie ; nos pêcheurs qui luttent pour leur survie n’ont pas les mêmes priorités que vous, M. Baupin.

M. Philippe Le Ray. À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, nous avions adopté un amendement cohérent sur la politique de la pêche de notre pays. Il faut faire confiance aux pêcheurs, qui ont conscience des problèmes et adaptent leur pratique : la pêche en eaux profondes n’est pas le massacre que vous décrivez. Je souhaite simplement appeler votre attention sur le fait que l’adoption de cet amendement mettrait en grande difficulté le secteur de Lorient, car 3 000 emplois, sans compter les emplois indirects, sont concernés.

M Denis Baupin. Il ne faut caricaturer ni dans un sens, ni dans l’autre : affirmer que l’ensemble de la pêche française serait mis en danger en cas d’abandon de la pêche en eaux profondes est excessif. Ceux qui pratiquent aujourd’hui la pêche en eaux profondes, ce ne sont pas les petits pêcheurs mais la grande distribution : c’est une pêche industrielle pratiquée avec des bateaux usine.

Nous voulons soutenir la ministre chargée de l’écologie dans les discussions internationales et européennes en cours, car chacun sait que les principales réticences sont françaises, MM. Moreau et Le Ray viennent de l’illustrer à l’envi. Nous ne souhaitons pas aboutir dès à présent à une interdiction définitive, mais apporter notre soutien à la ministre dans son combat contre la pêche en eaux profondes.

Mme la rapporteure pour avis. Je rappelle que cette pêche est contrôlée, les quotas étant limités au « rendement maximal durable », et qu’elle n’est pas le fait des seuls navires industriels : il y a dans le quartier de pêche du Guilvinec des chalutiers de moins de 24 mètres auxquels sont attribués de petits quotas pour des espèces bien précises.

Je propose que nous nous conformions à la réglementation européenne, qui gèle l’empreinte et prohibe l’ouverture de nouvelles zones de pêche, quelles que soient la profondeur et la création de zones fermées à la pêche en cas de présence avérée d’écosystèmes marins vulnérables, même là où elle est autorisée aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

Article 19 : Instituer un régime d’assurance adapté pour les installations d’énergies marines renouvelables

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19, sans modification.

Après l’article 19

La commission examine les amendements CE12 et CE13 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. L’amendement CE12 vise à supprimer le troisième alinéa du I de l’article L. 332-2 du code de l’environnement, qui prévoit que les activités minières ne peuvent être interdites et réglementées que dans les seules réserves naturelles nationales.

L’amendement CE13 tend à réglementer ces activités dans d’autres espaces protégés comme les parcs marins, les parcs marins régionaux, les zones « Natura 2000 », etc.

Si nous réclamons plus de réglementation des activités minières ou de pêche destructrices du milieu marin, ce n’est pas par lubie idéologique, mais pour sauvegarder l’activité de nos pêcheurs.

Mme la rapporteure pour avis. La législation en vigueur est le fruit d’un compromis préservant l’équilibre entre les nécessités environnementales et économiques. Les activités minières sont déjà encadrées, et il n’existe pas d’interdiction générale : l’appréciation est donnée cas par cas. Par ailleurs, il me semble que le débat a déjà eu lieu dans le cadre de l’examen, en cours, du projet de loi relatif à la biodiversité et qu’un rapport sera demandé au Gouvernement afin d’évaluer l’impact environnemental et économique de l’extraction des granulats marins.

La ressource halieutique diminue, certes, mais elle est contrôlée et gérée grâce à la réglementation européenne. Toutes les espèces ne sont pas encore sous quota, mais on pêche moins car les marins sont moins nombreux.

M. Yannick Moreau. Afin d’apporter un peu d’eau salée au moulin de notre rapporteure (Sourires), je dirai que les activités humaines dans les zones protégées sont déjà suffisamment encadrées par toutes sortes de dispositifs pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter. Nous sommes les champions du monde des contraintes supplémentaires !

M. Philippe Le Ray. Dans les espaces marins, il faut tenir compte des grands estuaires, comme celui de la Loire ou d’autres, dans lesquels l’extraction de sable, outre son intérêt économique, présente celui de permettre la navigation. Il n’est donc pas souhaitable de la contraindre par voie d’interdiction.

Mme Michèle Bonneton. La baie de Lannion, pour prendre cet exemple, est menacée par un projet d’extraction de 400 000 mètres cubes de sable coquillier par an sur une période de vingt ans, soit un total 8 millions de mètres cubes. L’opération serait pratiquée à partir d’une dune située à la pointe de Lannion, à moins de deux kilomètres de deux zones classées « Natura 2000 ». Ce sable coquillier servirait à amender des sols destinés à la culture maraîchère.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Article 21 : Finaliser le processus d’adossement du Crédit maritime mutuel au groupe des banques populaires et des caisses d’épargne

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE14 de Mme Laurence Abeille.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21, sans modification.

Article 22 : Assurer l’information, sur les cartes de restaurant, sur l’origine des produits aquatiques proposés

La commission est saisie de l’amendement CE15 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à étendre à la restauration collective l’obligation d’étiquetage géographique des produits issus de la mer.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CE1 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement propose de rendre facultative la mention du pays d’origine des produits aquatiques proposés dans la restauration. En effet, le pays d’origine des poissons est plus difficile à déterminer que celui des crustacés.

M. Dominique Potier. Pour bien connaître les produits de la terre, il me semble que la traçabilité représente un enjeu majeur et que le made in France, ou ce qu’on pourrait appeler le « made in terroir », répond à une réelle attente, d’où ma surprise devant cette proposition.

Mme la rapporteure pour avis. La commission du développement durable examinera un amendement visant à spécifier les zones de pêche et l’origine géographique des produits aquacoles.

M. Philippe Le Ray. Je comprends l’embarras de notre rapporteure pour défendre un amendement qui s’écarte de la tendance actuelle, et bienvenue, à renforcer la traçabilité des produits. Qu’il vienne de France ou d’Espagne, un poisson reste un poisson, mais le consommateur d’aujourd’hui veut être informé de l’origine des produits de l’aquaculture. Adopté tel quel, l’amendement qui nous est proposé adresserait un message négatif aux restaurateurs et aux autres professions gravitant autour de la pêche.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CE16 et CE17 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. L’étiquetage des produits doit permettre au consommateur de les acheter en toute connaissance de cause. L’amendement CE16 consiste à imposer que l’étiquetage indique explicitement si le produit concerné provient ou non d’une pêcherie certifiée comme durable.

Quant à l’amendement CE17, il vise à ce que la date de prise des produits de la mer transformés soit clairement mentionnée.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable aux deux amendements. La réglementation européenne garantit déjà le caractère durable des pêches, puisqu’elles ne peuvent être pratiquées qu’à la condition de répondre aux critères du rendement maximal durable.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22, ainsi modifié.

M. Yannick Moreau. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à signifier que nous ne prenons pas part au vote sur l’ensemble des articles de cette proposition de loi dont notre commission s’est saisie. Nous mettrons à profit les débats de la commission du développement durable ainsi que ceux en séance publique pour exposer plus avant nos positions.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, ainsi modifiées.

*

Informations relatives à la commission

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 27 octobre 2015 à 14 heures

Présents. - Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Guillaume Garot, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Dominique Potier

Excusés. - M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, M. Florent Boudié, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, M. Daniel Fasquelle, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Germinal Peiro, M. Frédéric Roig, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistait également à la réunion. - M. Arnaud Leroy