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Commission des affaires économiques

Mardi 1er décembre 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 28

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIfrance

La Commission des affaires économiques a entendu M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIfrance.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous sommes heureux de recevoir M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement, qui vient faire le point sur les activités de BPIfrance au plan national mais aussi territorial – dimension importante pour les parlementaires, très attachés à la traduction concrète des dispositifs votés par le Parlement. Cette audition fait suite à celles du 15 mai 2013 et du 19 janvier 2014 devant notre commission.

Depuis sa création par la loi du 31 décembre 2012, BPIfrance a développé des implantations régionales, au nombre de quarante-deux aujourd’hui. Elle couvre six domaines d’intervention : deux relatifs à la branche financement – garantie aux entreprises et activité de prêt ; trois relevant de la branche investissement – fonds de fonds, investissement direct dans les PME et investissement direct dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises ; enfin, le soutien à l’innovation.

Une mission d’information commune à la commission des affaires économiques, à la commission du développement durable et à la commission des finances consacrée à BPIfrance a rendu ses conclusions le 30 septembre 2015, sur le rapport de M. Laurent Grandguillaume. Tout en saluant la pertinence de l’action de la banque publique d’investissement, elle a déploré la complexité de sa gouvernance et formulé des propositions d’amélioration : mieux couvrir les failles de marché, développer un continuum de financement pour toutes les entreprises, renforcer l’activité d’investissement, jouer un rôle moteur auprès des institutions européennes, devenir un bras armé de la politique industrielle de l’État, poursuivre son intégration dans le paysage national. Je ne doute pas que vous reviendrez sur ces préconisations et que vous nous indiquerez celles qui peuvent être reprises en l’état et celles qui doivent être aménagées.

Par ailleurs, nous aimerions connaître les mesures que vous avez mises en place à la suite des tragiques événements du 13 novembre, notamment dans le domaine du tourisme.

Je souhaiterais avoir des précisions sur la signature d’un partenariat entre le Crédit agricole et BPIfrance.

J’aimerais également que vous nous indiquiez quelles sont les actions menées par BPIfrance en matière d’accompagnement de la transition énergétique. Les membres de notre commission se sont impliqués fortement dans l’élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dans son suivi et seraient curieux d’en savoir plus sur les projets verts que vous avez prévu de financer à hauteur de 4 milliards d’euros d’ici à 2018. Où en êtes-vous ? Comment vos actions s’articuleront ? Quelles sont vos projections ?

Le 15 septembre dernier, le ministre de l’économie a fait part de son souhait de voir BPIfrance se lancer dans le financement du retournement des entreprises en difficulté. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Quelles sont les mesures que vous développez en matière de soutien à l’export des PME et des ETI ?

Quelle est votre position face à l’« uberisation » de notre économie. Comment pouvez-vous intervenir face à ce phénomène ? Avec quels outils ?

Enfin, qu’en est-il du financement participatif, sujet que vous aviez déjà évoqué lors d’une précédente audition ? Comment articulez-vous vos actions en la matière avec vos missions ?

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIfrance. Je suis heureux de venir pour la troisième année consécutive vous présenter les actions de BPIfrance. La banque continue de croître fortement, aussi bien en termes de volumes d’activité que de missions et de produits.

Quelques éléments sur les volumes d’abord. Au 31 décembre 2015, les encours de crédits de la banque auront crû de 50 % depuis sa création trois ans auparavant. Le plan stratégique pour les trois années qui viennent prévoit une nouvelle croissance de ces encours, de l’ordre de 40 %. Autrement dit, la croissance annuelle se situe entre 15 % et 17 % pour les encours et les flux de crédits.

Pour ce qui est des fonds propres, on observe pour la même période un doublement puisque nous sommes passés de 1 milliard d’euros à 2 milliards d’euros à travers les activités de nos différents métiers.

Ces métiers, je le rappelle, sont au nombre de six.

Il s’agit d’abord de la garantie. Cette activité auparavant assurée par la SOFARIS est assez stable : elle croît au rythme de la croissance du marché bancaire français, de 1 % à 2 % par an. Nous accordons la protection de l’État aux crédits consentis essentiellement aux très petites entreprises (TPE), dans une moindre mesure aux PME, les ETI étant exclues de ce mécanisme par la réglementation européenne. Nous garantissons ainsi environ 25 000 crédits aux TPE par an. Les banques n’ont même pas à solliciter notre avis pour les montants allant jusqu’à 200 000 euros : la procédure est automatique, via l’extranet de BPIfrance.

Deuxième métier : les crédits en fonds propres, en très fort développement, représentent environ 11 milliards d’euros par an, soit l’équivalent des crédits accordés aux PME et aux ETI par l’une des quatre premières banques françaises. Il s’agit de crédits à l’investissement – garantis ou pas – et de crédits de trésorerie – préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ou mobilisation de créances classiques.

Les crédits sans garantie sont assis sur des fonds de garantie dotés par l’État, dont nous dépendons beaucoup – il faut sans cesse rappeler que nous sommes une banque publique. Chaque année, nous menons des discussions avec la direction du budget et le programme des investissements d’avenir (PIA) pour obtenir les capitaux qui nous permettent de les financer. Ces crédits, qui sont les plus importants pour l’économie française, connaissent le plus fort taux de croissance, de l’ordre de 40 %. Ils permettent à l’entrepreneur de financer les dépenses immatérielles, qui ne sont assises ni sur des murs, ni sur des machines, autrement dit tout ce qui participe au développement de l’entreprise : recrutement, recherche et développement, implantation à l’international, augmentation du budget consacré aux voyages dans la perspective d’un déploiement à l’export. Nous en accordons chaque année pour 2 milliards d’euros et nous comptons aller plus loin encore car la demande reste extrêmement forte. Ces crédits sont très appréciés de nos entrepreneurs : ils courent sur sept ans à des tarifs relativement bas et ne requièrent, par définition, aucune garantie sur le patrimoine personnel ou sur l’entreprise, aucune hypothèque – ce qui implique, pour nous, l’absence de toute sûreté.

Les crédits avec garantie sont, eux, tout à fait classiques : ce sont des crédits-bails, mobiliers et immobiliers, à long ou moyen terme avec des sûretés prises sur les installations. Nous les employons beaucoup pour le financement de la transition énergétique, notamment pour les fermes éoliennes ou les fermes d’énergie solaire. Leur croissance n’atteint au maximum que 7 % à 10 %.

J’insiste sur le fait que la BPIfrance est à nulle autre pareille dans le monde : elle a la spécificité de disposer d’un réseau alors que les autres banques de ce type, à l’exception de la Banque de développement du Canada, n’en ont pas. Comme elles ne disposent pas d’un accès direct aux entrepreneurs, elles sont totalement intermédiées et sont en quelque sorte des structures de pooling de l’intervention publique. Elles se contentent d’une activité de garantie des réseaux bancaires existants. La beauté du modèle de BPIfrance, qui s’inscrit dans la continuité de la Banque du développement des PME (BDPME) et de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), qui ont toujours été territorialisées, tient à son implantation territoriale très puissante. Nous disposons de quarante-deux agences et nous en aurons bientôt cinquante grâce aux ouvertures prévues à Troyes-en-Champagne, à Rodez, à Bourg-en-Bresse, à Compiègne, à La Rochelle, à Avignon, à La Roche-sur-Yon, villes de plus petite taille où le potentiel entrepreneurial est fort. Lors des déjeuners que nous organisons, nous sommes toujours surpris de voir qu’autour de la table, les huit entrepreneurs présents peuvent totaliser un chiffre d’affaires de 1 milliard à 2 milliards d’euros. Il y a, par exemple, à Troyes-en-Champagne, non loin de la technopole, une très belle entreprise technologique, LDR Médical, qui est cotée à la bourse de New York à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Et ce n’est pas un cas isolé. Grâce à ce réseau, nous pouvons entretenir un contact quotidien avec les entrepreneurs : banque de démarchage, banque nomade, nous sommes en mesure de leur donner le goût d’investir.

Notre troisième métier est le financement de l’innovation, activité en plein développement car l’État nous donne beaucoup de capitaux à distribuer. Pour 2015, la croissance a été de 20 % avec un total de subventions, d’avances remboursables, de prêts à taux zéro de 1,3 milliard d’euros. Les perspectives offrent du bon et du moins bon. Les gros programmes de subventions issus du PIA, eux, sont sanctuarisés. En revanche, la situation n’est pas aussi assurée pour les aides à l’innovation, qui forment le socle du financement de l’innovation en France : d’un montant de 100 000, 200 000, 300 000 euros, elles sont accordées par nos collaborateurs en réseau et sont déléguées à 97 % dans les directions régionales. Elles supposent un budget stable de la part de l’État ; or celui-ci est très attaqué dans la transition budgétaire actuelle. Nous livrons une grande bataille de conviction chaque année et force est pour nous de reconnaître que les arbitrages que nous avons réussi à obtenir ont abouti à des dotations du programme 192 du projet de loi de finances rectificative qui vous est soumis actuellement trop faibles à nos yeux. La première ébauche du projet sur les nouvelles opportunités économiques d’Emmanuel Macron comporte la création d’une fondation pour le financement de l’innovation, qui permettrait d’assurer un financement pérenne pour ces aides à l’innovation, socle du financement de l’innovation en France, j’insiste sur ce point. Rappelons que nous accordons 4 000 aides à l’innovation chaque année contre une centaine de grandes subventions se chiffrant en millions d’euros.

Le financement de l’innovation comporte beaucoup de nouveaux produits. Depuis ma dernière audition en janvier 2014, nous avons lancé deux types de prêts sans garantie : les prêts d’amorçage, pouvant aller jusqu’à 500 000 euros ; les prêts pour l’innovation, pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros. À la différence de tous nos autres prêts, ils peuvent être accordés sans être soumis à la règle d’airain du cofinancement par des banques privées. Destinés à des entreprises très innovantes en pertes opérationnelles, ils connaissent une croissance très importante. Ils sont très populaires car ils permettent d’éviter toute dilution de capital : les entrepreneurs préfèrent prendre de la dette plutôt que d’offrir du capital.

Nous avons également lancé, avec le soutien du PIA, plusieurs nouveaux fonds : un fonds d’injection de capitaux propres dans les incubateurs et les accélérateurs, French Tech Acceleration ; un fonds de co-investissement avec les business angels français, le fonds Ambition Angels Amorçage ; un fonds pour les villes de demain, pour la transition énergétique ; un fonds de financement des innovations dans le secteur de la santé, le fonds FABS ; un fonds destiné à injecter du capital dans les entreprises sélectionnées par la commission Lauvergeon sur les innovations de rupture, le fonds PSIM.

Notre quatrième métier est l’investissement en fonds propres des PME. Cette activité est stable, à haut niveau : nous investissons dans environ cent PME par an, ce qui porte à environ 550 le nombre de lignes que nous avons en gestion.

Notre cinquième métier est l’activité de gros tickets, menée auparavant par le fonds stratégique d’investissement (FSI). Nous investissons 500 millions à 600 millions chaque année dans une quinzaine d’entreprises.

Enfin, sixième métier, qui nous coûte très cher : le fonds de fonds. Nous injectons chaque année entre 500 millions et 800 millions d’euros dans des fonds privés, couvrant un large spectre d’activités : capital-risque, capital-investissement, capital régional, biotechnologies, internet, capital-développement.

J’en viens à l’impact de BPIfrance.

Depuis sa création, il s’est vraiment passé quelque chose dans le monde de l’innovation : il y a trois ans, la French Tech était inexistante ; elle est devenue omniprésente. BPIfrance a joué un rôle structurant dans cette évolution. Dans le domaine des technologies, un entrepreneur ayant un bon projet ne peut pas dire qu’il ne peut pas trouver de capitaux en France. M. Xavier Niel, dans son intervention liminaire lors de notre grand événement entrepreneurial en juin dernier, a abondé dans ce sens en soulignant que si un entrepreneur prétendait qu’il ne trouvait pas de capitaux, c’est que son projet n’était pas bon.

Dans le monde du capital-développement, nous nous situons sur une autre planète d’une certaine manière. Les entrepreneurs, dans les secteurs matures sans dimension technologique, ont tendance à ouvrir leur capital beaucoup plus tard que les entrepreneurs du domaine technologique qui, eux, l’ouvrent tout de suite. En toute honnêteté, les convaincre est une tâche difficile voire très difficile : il faut leur expliquer que ce n’est pas sauter dans la mare aux requins que d’ouvrir son capital mais que cela leur permet au contraire de rompre leur propre solitude en ayant plusieurs interlocuteurs avec qui échanger sur un plan opérationnel et stratégique. Nous nous fixons comme objectif annuel 50 % d’entreprises ouvrant pour leur première fois leur capital. Nous progressons mais il y aura toujours des résistances qui sont liées à la nature même du choix que font les individus de devenir entrepreneurs plutôt que salariés : ils veulent être totalement libres jusqu’à être parfois libertaires et n’avoir aucune contrainte.

Nous avons deux axes stratégiques pour l’avenir : l’international et l’accompagnement.

Premier axe : nous voulons accroître l’ouverture à l’international. Il faut absolument changer le rapport au monde des entrepreneurs français : une ETI sur deux et deux tiers des PME n’exportent pas. Une telle situation doit changer : la France est trop petite pour que perdure ce type de structure mentale. Nous faisons un très gros effort avec nos équipes pour convaincre nos clients de ne pas avoir peur d’aller à l’étranger, voire leur donner envie de vivre la mondialisation. Il faut pour cela leur expliquer qu’il est beaucoup moins risqué de vendre à l’étranger qu’en France, notamment du fait de la couverture assurée par COFACE. C’est un travail de longue haleine qui porte sur un problème qui ne date pas d’hier et qui n’est pas spécifique à la France. La semaine dernière, je me suis rendu au Royaume-Uni pour rendre visite à nos homologues de la British Business Bank et j’ai pu constater que le profil des entrepreneurs britanniques qu’ils avaient identifié était tout à fait analogue à celui des entrepreneurs français : très indépendants, réticents à l’ouverture du capital, dotés d’ambitions un peu trop limitées par rapport au potentiel réel de leurs produits et de leurs entreprises et peu ouverts à l’international, alors même que la langue n’est pas un obstacle pour eux. Ces traits sont en fait spécifiques au monde des PME en général. À partir du mois de septembre 2016, nous allons intégrer nos collègues du compte public de COFACE, ce qui renforcera notre crédibilité, notre boîte à outils et notre puissance de feu.

Deuxième axe : nous voulons rompre la solitude des entrepreneurs et donc renforcer l’accompagnement. Les entrepreneurs sont un peu comme des sportifs qui s’entraîneraient tout seuls. Pour les intégrer à ce qui s’apparenterait à des académies de sportifs, nous avons créé trois accélérateurs : un pour les start-up, un deuxième pour les PME, un troisième pour les ETI. Dans ces structures qui regroupent quatre cents entreprises, les entrepreneurs peuvent se confronter aux autres et s’apercevoir parfois qu’ils ne courent pas aussi vite qu’ils l’imaginaient. Cette dynamique d’intelligence collective, très classique, est plébiscitée par nos clients.

Par ailleurs, nous leur proposons de bénéficier de petites missions de conseil effectuées par des partenaires privés de BPIfrance, en règle général des indépendants, des freelancers comme on les appelle : ce sont des actions « Flash » de dix jours, d’un coût de 10 000 euros, supporté à parts égales par BPIfrance et les entrepreneurs. Elles permettent d’établir toutes sortes de diagnostic : diagnostic à 360 degrés ; diagnostic de plan stratégique – certaines belles entreprises n’en ayant pas établi depuis plusieurs années ; diagnostic de performance opérationnelle lorsqu’il y a des usines ; diagnostic de lean management ; diagnostic de design, pour les produits très grand public ; diagnostic de stratégie export ; diagnostic de ventes aux grands comptes pour les sous-traitants des grandes entreprises françaises. En 2015, 200 missions de ce type ont été effectuées et nous visons un objectif de 450 en 2016.

Il faut savoir que la Banque de développement du Canada, avec laquelle nous pouvons facilement nous comparer puisque son fonctionnement est similaire du point de vue des garanties, des fonds propres, du crédit, de la nature des produits et du réseau, a deux ou trois ans d’avance sur nous en matière d’accompagnement. Son activité de conseil est beaucoup plus importante. Elle accepte même de perdre chaque année 40 000 dollars canadiens en prestations de conseil, qu’elle offre à ses clients. Là où nous faisons mieux qu’elle, c’est en matière de construction de réseau social d’entrepreneurs : nous organisons beaucoup d’événements en région, des meetings d’entrepreneurs, nous animons le club BPIfrance Excellence qui se réunit presque toutes les semaines dans l’une ou l’autre des régions françaises, nous accueillons une plateforme digitale où les entrepreneurs échangent et se donnent des coups de main.

Cette activité de conseil est appelée à croître. Nous l’effectuons avec des sociétés privées de conseil et avec les conseils régionaux, auprès desquels nous mettons à disposition la totalité de notre boîte à outils pour qu’ils puissent eux-mêmes développer ces méthodes avec les clients de leurs agences de développement économique.

Je termine par le budget pour 2016, qui sera examiné par le conseil d’administration en décembre. Il s’agit encore d’un budget en croissance, mais dans une moindre proportion qu’en 2015 car les banques sont revenues sur le marché. Tant que l’investissement ne sera pas reparti en France, tant qu’il n’atteindra pas les niveaux observés en Espagne, où sa croissance est de 10 % contre 0,8 % chez nous, nous mettrons toute notre énergie pour aller voir les entrepreneurs et les tirer par la manche jusqu’à ce qu’ils s’y mettent tous.

M. Yves Blein. Je vous poserai tout d’abord deux questions générales, monsieur le directeur général.

Le taux de mobilisation des avances du CICE, dont BPIfrance assure la mise en œuvre quasiment seule puisque les réseaux bancaires s’en sont progressivement désintéressés, vous donne sans doute une bonne perception de la trésorerie d’un grand nombre d’entreprises. Le CICE, qui visait une amélioration des marges et un développement des capacités d’investissement, vous semble-t-il avoir atteint ses objectifs ? L’amélioration des marges brutes des entreprises que nous constatons s’accompagne-t-elle d’une amélioration de leur trésorerie ?

BPIfrance est aussi en mesure d’observer le comportement des entreprises en matière d’investissement. Vous venez de nous indiquer que l’investissement croissait en France de 0,8 %, ce qui nous place très loin des entreprises espagnoles. Néanmoins, constatez-vous une propension des entreprises françaises ou agissant en France à se réorienter vers l’investissement ? Le moral des entrepreneurs est-il positif ?

J’en viens à une série de questions assez disparates.

La première est inspirée d’une note du Conseil d’analyse économique de décembre 2014, qui formulait plusieurs recommandations. Elle soulignait en particulier que le développement de la titrisation des prêts aux grandes PME et ETI serait une source d’amélioration de l’accès à ces prêts. Elle préconisait le développement de l’affacturage inversé, afin d’assurer les PME contre les risques liés aux délais de paiement des grands donneurs d’ordres. En outre, elle proposait d’étendre l’accès aux données du fichier bancaire des entreprises (FIBEN) à l’ensemble des acteurs économiques, de façon à ce qu’ils puissent disposer de tous les outils d’observation nécessaires à leurs activités.

Ma deuxième question repose sur le rapport d’information de notre collègue M. Laurent Grandguillaume. Il proposait notamment d’assouplir les régimes de co-financement et co-investissement en créant une capacité de retournement publique. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes ? Il préconisait une amélioration du continuum de financement pour les petites entreprises : un micro-crédit de 5 000 à 10 000 euros, un prêt de développement de 50 000 euros pour les TPE, des garanties pour les montants inférieurs à 200 000 euros. Il recommandait également de renforcer l’activité d’investissement en prévoyant un mécanisme d’alerte rapide dans les cas où l’absence de partenaire privé conduit BPIfrance à renoncer à un projet pertinent – il faisait référence à son homologue allemande qui parvient, en s’appuyant sur les banques privées, à éviter les contraintes de la réglementation européenne en matière de financement public des entreprises.

Ma troisième question porte sur les fonds de financement dédiés à l’économie sociale. Ils fonctionnent plutôt bien, me semble-t-il, pour ce qui est du mouvement coopératif, avec le développement notamment des sociétés coopératives et participatives (SCOP) d’amorçage mais aussi des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC). Ils paraissent toutefois moins sollicités par le mouvement associatif, qui est pourtant un acteur majeur de l’économie sociale et qui rencontre des problèmes considérables de trésorerie dès lors qu’il se tourne vers les fonds européens, je pense en particulier au Fonds social européen – les travaux de la commission d’enquête sur les difficultés du monde associatif ont montré que les associations françaises avaient tendance à se détourner des fonds européens auxquels elles sont éligibles, faute de pouvoir dépasser les problèmes de trésorerie que les formalités et les délais impliquent.

Enfin, permettez-moi, Madame la présidente, de poser deux questions au nom de M. Serge Letchimy, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence : comment BPIfrance compte-t-elle intervenir dans le cadre du préfinancement du crédit d’impôt pour les investissements productifs en outre-mer ? Par ailleurs, il souhaite vous interroger sur la création d’un mécanisme similaire au préfinancement proposé par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre du crédit d’impôt au titre des investissements dans le secteur du logement social.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le directeur général, je note avec intérêt l’implantation territoriale de BPIfrance. À un moment où sont créées de très grandes régions, la BPI fait le choix d’aller au plus profond des départements : c’est une démarche économique qui mérite d’être soulignée.

Vous avez à juste titre évoqué nos pépites locales, nos ETI, qui souvent n’exportent pas. Je prendrai l’exemple de l’intéressante expérience de Mecatherm en Alsace, entreprise de boulangerie industrielle que vous avez accompagnée grâce à un crédit à l’export. Comment comptez-vous faire connaître ce dispositif aux nombreuses entreprises qui seraient prêtes à exporter si elles recevaient des conseils ciblés ?

En ce qui concerne la culture de l’innovation, vous expliquez que les start-up ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’action en ce domaine. Je ne peux qu’abonder dans votre sens. Après le démarrage, la vraie question est de savoir comment les entreprises peuvent passer à l’étape suivante. Les collectivités s’investissent de plus en plus en hébergeant des start-up mais sont un peu démunies quand il s’agit de leur faire prendre de l’essor. Y a-t-il une méthode pour les aider à se transformer ?

En ce qui concerne nos PME, nous souffrons d’une autre fragilité : l’âge du capitaine et la transmission de l’entreprise. Le travail de conseil qui est celui de BPIfrance comporte-t-il des démarches consacrées à cette problématique ? Nous avons de multiples exemples d’entreprises qui ont quitté le giron français parce qu’elles avaient trop tardivement ouvert leur capital ou parce que leurs dirigeants n’avaient pas été suffisamment accompagnés.

Quel est le lien entre BPIfrance, la recherche et l’université ? La Banque européenne d’investissement commence à s’intéresser aux structures qui se situent hors du champ du PIA, comme le pôle de compétitivité sur la bioéconomie en Champagne. Comment peut-on établir un lien entre une université qui porte des chaires et un pôle de compétitivité qui ne bénéficie pas d’accompagnements financiers suffisants pour passer de la recherche fondamentale à une autre dimension ?

Dernière question, pourriez-vous revenir sur l’accord que vous avez passé avec le Crédit agricole ?

Mme Jeanine Dubié. Ma première question portera sur la capacité de BPIfrance à remédier aux refus de financement des banques privées, auxquels se heurtent les PME et les TPE. Comment pouvez-vous agir face à cette frilosité ?

La mission d’information sur BPIfrance a montré comment la banque publique s’installait progressivement sur le territoire grâce à des partenariats dynamiques avec les régions. Y a-t-il des régions plus actives que d’autres en la matière ?

Vous avez lancé plusieurs démarches pour faire connaître les activités de BPIfrance auprès des entreprises, notamment les plus petites. Quelles prestations proposez-vous aux TPE et aux PME qui souhaitent s’internationaliser ?

BPIfrance se positionne comme un acteur essentiel du soutien aux politiques sectorielles : 500 millions d’euros devraient être engagés d’ici à la fin de la législature en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui représente 10 % de notre économie. Où en est-on de la consommation de cette enveloppe ? Comment intervenez-vous auprès des entreprises de l’ESS qui rencontrent des difficultés particulières pour accéder aux crédits bancaires ? Pouvez-vous nous faire un bilan des prêts qui ont été consentis aux entreprises de ce secteur ?

Enfin, M. Laurent Grandguillaume propose, dans son rapport, de mettre en place un micro-crédit de trésorerie, des prêts de développement et des sociétés de caution mutuelle qui permettraient aux entrepreneurs de s’adresser aux banques commerciales en disposant d’une lettre de pré-garantie. Quel regard portez-vous sur cette préconisation, qui inverse le système de garantie pour les PME et les micro-entreprises ?

M. Hervé Pellois. Ma première question porte sur les PME, les TPE et les micro-entreprises. Vous avez insisté sur l’accompagnement et le conseil parmi les activités de BPIfrance. Reste que les députés doivent parfois jouer un rôle de bons offices pour dénouer certaines situations quand les relations entre les entreprises, BPIfrance et les banques ne se nouent pas de manière satisfaisante. Et je note que nos interventions aboutissent à quelques résultats.

Ma deuxième question porte sur l’efficacité énergétique. Nous avons reçu la semaine dernière une délégation de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag. Votre homologue allemand, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), finance des entreprises de toutes tailles mais aussi d’importants projets liés à la rénovation énergétique des bâtiments. Chaque année, entre 60 000 et 150 000 projets sont ainsi retenus et ils concernent aussi bien les entreprises que les particuliers et les collectivités. Ces financements ont même vocation à accroître puisque la KfW a annoncé une mobilisation supplémentaire au cours des prochaines années. Quelles sont les actions de BPIfrance en la matière ?

M. Jean-Claude Mathis. J’étais très heureux de vous entendre parler en termes si élogieux de l’université de technologie de Troyes, et ce à double titre : cet établissement se situe dans la circonscription dont je suis élu ; par ailleurs, il a vu le jour grâce à l’engagement du conseil général de l’Aube, assemblée qui m’est très chère, et qui continue à le soutenir.

Vous avez récemment déclaré que les innovations ont vocation à trouver un marché et à être industrialisés. À toutes les étapes de cette gestation, il faut souligner l’originalité de BPIfrance en matière d’outils de financement aux entreprises innovantes. Comment vous adaptez-vous à la croissance des start-up ?

Vous parlez encore de continuum de financement. Pouvez-vous nous détailler ce qu’il recouvre ?

Par ailleurs, quel est le montant à partir duquel BPIfrance peut intervenir pour investir en capital dans une entreprise ?

Enfin, quelles sont les incitations fiscales qui pourraient soutenir la création d’une entreprise dans sa phase la plus risquée ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le directeur général, lors de votre audition de juillet dernier devant la mission d’information, vous nous faisiez part de votre volonté de créer rapidement à destination des TPE et des micro-entreprises une plateforme en ligne de distribution de petits prêts de développement d’une durée de sept ans avec deux ans de différé et d’un montant de l’ordre de 50 000 euros, BPIfrance couvrant l’essentiel des besoins. Pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes de sa mise en place ?

À cette même occasion, vous aviez évoqué vos actions concernant la participation de BPIfrance au capital des TPE et l’accompagnement, point que vous avez largement développé tout à l’heure.

Vous nous aviez également fait part de votre intention de créer un accélérateur pour les plus dynamiques des ETI, soit environ vingt-cinq par an. Qu’en sera-t-il pour les autres ?

Concernant la garantie publique en assurance-crédit, où en êtes-vous de vos négociations avec COFACE-Natixis ?

Mme Véronique Louwagie. J’aimerais savoir où en est votre projet de créer une fondation pour l’innovation. Je rappelle qu’elle aurait pour objectif de répondre à la baisse des dotations budgétaires du programme 192 en mettant en place des ressources fléchées vers l’innovation, sur la base de dividendes assis sur un portefeuille d’actions actuellement détenues par l’Agence des participations de l’État.

Qu’en est-il de l’accord avec le Crédit agricole ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur sa nature et ses modalités ? Des accords de même nature sont-ils envisagés avec des partenaires d’autres organismes financiers ? À quels types d’entreprise s’applique-t-il ?

Enfin, BPIfrance doit être la banque de toutes les entreprises. Il semblerait qu’il y ait des failles dans le financement des petites entreprises, notamment du fait du manque de formation des chargés de clientèle des réseaux bancaires traditionnels. Envisagez-vous de vous rapprocher de ces établissements pour corriger le manque d’informations à destination des petites entreprises ?

M. Philippe Kemel. J’aurais une première question concernant l’investissement. BPIfrance a été créée avec la volonté politique d’accompagner l’investissement par des effets de levier. Quelle part de l’investissement total représente l’investissement accompagné par BPIfrance au cours d’une année ?

S’agissant de l’investissement et de l’emploi, on a le sentiment que l’activité détruit de l’emploi plutôt qu’elle n’en crée : la spécialisation de la France va davantage vers les services, l’innovation et la recherche. Nous ne sommes pas encore dans une phase d’industrialisation. Quand pensez-vous que la croissance permettra des créations d’emplois nettes ?

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le directeur général, la spécificité d’une banque publique est de financer l’investissement de manière plus large que le secteur privé : comment peut-elle éviter que ses actions ne s’apparentent à un soutien abusif aux PME ? Quel contrôle exercer quant à la pertinence de vos financements ? Comment nous assurer qu’ils viennent bien doper la croissance de notre économie au lieu de conduire dans cinq ou sept ans à une ardoise qui viendrait grever le budget de la France ?

J’ai apprécié votre analyse très juste du comportement des chefs d’entreprise face à l’internationalisation et l’ouverture de leur capital. Vous menez des actions concrètes, fort louables. Je pense à ces accélérateurs qui regroupent environ quatre cents entreprises. L’ampleur de ce dispositif est toutefois modeste puisque cela revient à couvrir quatre entreprises par département. Comment démultiplier votre action, au-delà de BPIfrance, en vous appuyant sur les réseaux traditionnels de soutien aux entreprises que constituent les chambres de commerce et d’industrie ? Comment faire évoluer les chambres consulaires de manière à amplifier vos actions ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le directeur général, j’ai noté votre attention particulière pour l’accompagnement et le développement des biotechnologies. En août dernier, dans le cadre du plan de soutien à l’élevage français, BPIfrance a mis en place un dispositif de garanties pour des crédits bancaires destinés aux éleveurs, afin de les aider à faire face à l’ensemble de leurs besoins de trésorerie, notamment pour leurs créances vis-à-vis des fournisseurs. Vous est-il possible de présenter un premier bilan de ce dispositif ?

En outre, BPIfrance soutient l’investissement des exploitations agricoles. Par exemple, en mai dernier, en Bretagne, elle a conclu un partenariat avec le Crédit agricole pour accompagner la transition énergétique, la transmission des exploitations, la mise aux normes ou encore l’évolution de leurs capacités de production.

S’agissant plus précisément de la transition énergétique, pouvez-vous nous préciser quels sont les moyens consacrés par BPIfrance pour favoriser le développement de la méthanisation et de la cogénération qui intéressent, respectivement, les éleveurs et les serristes ?

M. Lionel Tardy. En janvier dernier, devant la mission d’information, vous aviez déclaré : « BPIfrance n’est pas outillée pour traiter les TPE, et n’a pas été conçue pour cela. La tâche revient aux réseaux bancaires, qui ont chacun plusieurs dizaines de milliers de salariés. Nous n’avons de relations avec les TPE que pour le préfinancement du CICE – ce qui représente 15 000 contrats par an. » Dans ces conditions, ne faudrait-il pas que BPIfrance s’outille pour cibler les TPE et combler ce qui constitue à mes yeux un gros trou dans la raquette. Si oui, comment le faire ? S’agirait-il d’ajustements à la marge ou d’une refonte de vos missions ?

Ma deuxième question concerne les dotations et consommations des fonds directs gérés par BPIfrance. Comme je l’ai déjà dit en commission des finances, même si certains fonds ont été lancés assez récemment, l’écart entre leur taille et les montants investis m’étonne. Prenons le cas du fonds Écotechnologies mis en place en juin 2012 : doté de 150 millions d’euros, il n’a investi que 31,7 millions d’euros au 31 décembre 2014, ce qui fait que 80 millions d’euros sont encore disponibles. Autre exemple : les montants encore disponibles du fonds Ambition numérique, créé en décembre 2011, dépassent les 100 millions d’euros. Est-ce dû au faible nombre de dossiers présentés ou à une trop grande sélectivité ? Est-ce lié au fait que l’on ne se tourne jamais vers les petits dossiers ? Autrement dit, monsieur le directeur général, comment expliquez-vous la faible mobilisation de ces fonds alors que nous savons que les entreprises et les projets ont besoin d’être soutenus ?

Mme Marie-Lou Marcel. Au début du mois de novembre, BPIfrance a annoncé la mobilisation de 4 milliards d’euros d’ici à 2018 pour la transition énergétique, ce qui lui permettrait d’avoir un rôle d’entraînement auprès des entreprises et des acteurs financiers privés. Dans cette enveloppe, 800 millions d’euros seraient consacrés à la production d’énergie à partir de ressources renouvelables ; d’autres sommes iraient au soutien à l’innovation ; par ailleurs, 700 millions d’euros seraient mobilisés entre 2015 et 2018 dans le cadre du prêt vert pour accompagner les entreprises dans leurs activités de production d’énergie verte ou de réduction des consommations. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Par ailleurs, pouvez-vous me confirmer l’ouverture d’une agence de BPIfrance à Rodez ?

M. Jean-Luc Laurent. J’ai noté avec intérêt la montée en puissance du financement par BPIfrance de l’investissement de toutes les catégories d’entreprises : PME, ETI, grandes entreprises. Cette action décisive doit être soutenue pour conforter notre économie.

Une incertitude demeure cependant, compte tenu de la période de fragilité qui va commencer, le temps que le nouveau paysage institutionnel s’installe. Les grandes régions ont une compétence en matière de développement économique. Leurs actions en ce domaine doivent s’articuler avec l’évolution des intercommunalités et la création des métropoles. Quelles dispositions pouvez-vous prendre en liaison avec les différentes institutions de l’État – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et commissaires au redressement productif – mais aussi avec les services des nouvelles collectivités territoriales qui ont en charge, directement ou en partenariat, le développement économique ? Comment comptez-vous vous adapter à ce nouveau paysage afin de contribuer, par votre savoir-faire, à la stabilisation la plus rapide des dispositifs au profit de la compétitivité de l’économie ?

M. Yves Daniel. Pour accroître l’accès des PME et ETI aux aides publiques à l’export, il a été annoncé, en février dernier, que l’activité de gestion des garanties publiques pour le compte de l’État, jusqu’ici assurée par COFACE, serait transférée au groupe BPIfrance. En juillet, un accord sur les modalités financières et pratiques aurait été trouvé afin que ce transfert intervienne au cours du premier semestre 2016. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur lesdites modalités ? Le calendrier prévisionnel sera-t-il bien suivi ?

Compte tenu de l’évolution du paysage institutionnel, comment l’action de BPIfrance peut-elle s’appuyer sur les nouvelles compétences des régions afin de mieux intégrer l’économie française dans l’économie européenne ?

M. Philippe Le Ray. Monsieur le directeur général, j’aimerais avoir votre avis sur les prises de risques dans le financement et sur les garanties que vous demandez aux différentes entreprises que vous financez.

Par ailleurs, comment peut-on imaginer demain avoir une fiscalité qui permette de stimuler l’économie ?

Enfin, j’aimerais avoir votre éclairage sur un sujet peu abordé : le patrimoine de l’entreprise. Comment faire en sorte de le rendre plus facilement transmissible et de protéger les outils de production ?

Mme la présidente. Permettez-moi d’insister, monsieur le directeur général sur les mesures d’accompagnement que BPIfrance envisage de mettre en place pour soutenir le secteur du tourisme en Île-de-France après les attentats du 13 novembre.

M. Nicolas Dufourcq. Madame la présidente, je commencerai par votre question. Nous avons réagi très rapidement puisque le lundi suivant les attentats, nous avons annoncé notre décision de reporter de deux trimestres le paiement des échéances de prêt des hôteliers parisiens. Nous sommes en train d’instruire cent vingt dossiers et, pour ce faire, avons recruté des intérimaires. Nous examinons par ailleurs la possibilité de mener des actions en faveur d’autres catégories des métiers du tourisme à Paris, qui prendraient plutôt la forme de prêts de trésorerie assis sur des fonds de garantie.

Le préfinancement du CICE peut en effet être considéré, Monsieur Yves Blein, comme un bon indicateur du degré de tension dans la gestion de la trésorerie des entreprises. Ce préfinancement rencontre un grand succès chez les PME et les ETI, qui ont commencé à comprendre qu’il s’agissait d’un outil facile et bon marché pour le financement de la trésorerie. Elles y viendront de plus en plus. Pour les TPE, nous constatons un changement : elles ne viennent plus chercher, comme au printemps 2013, des petites sommes, de 500 euros à 1 000 euros ; désormais, elles viennent solliciter un préfinancement à partir d’un montant de 2 000 euros. Par ailleurs, les indicateurs de la Banque de France sont assez positifs : le stress sur la trésorerie, qui était très important dans les années 2012, 2013 et 2014, recule. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes parvenus à des niveaux satisfaisants, la trésorerie restant l’un des problèmes majeurs du financement des entreprises françaises avec le crédit interentreprises. Nous demeurerons très actifs en ce domaine : nos activités de financement de trésorerie atteignent environ 5 milliards d’euros et nous serons en croissance en 2016 de plus de 10 %.

Le moral des entreprises est bien meilleur, même s’il faut tenir compte des effets liés aux attentats et aux élections régionales de la semaine prochaine. Par rapport à la période où BPIfrance a été créée, c’est le jour et la nuit : à l’hiver 2012, nous percevions une immense mélancolie teintée de découragement ; depuis quelque temps, nous constatons que nos 80 000 clients vont beaucoup mieux. Les projets d’investissement sont là. Nous n’atteindrions pas sinon une croissance de 15 % par an. Dans les meetings que nous organisons dans les villes de France, les entrepreneurs n’hésitent pas à nous dire que l’activité est repartie et qu’au fond, ils vont bien. La question pour nous est moins de leur redonner un moral qu’ils avaient perdu que de faire naître chez eux une ambition qu’ils n’ont pas encore eue. Nous constatons que souvent, la mire du fusil n’est pas assez relevée. Et ce trait n’est pas propre aux entrepreneurs français : nos homologues de la British Business Bank font le même constat. Cette moindre ambition est liée à la solitude des entrepreneurs : quand vous êtes seul, il vous est plus difficile de vous dire que vous allez partir à l’attaque des géants.

La titrisation des prêts sera-t-elle source d’améliorations ? Nous avons pris des initiatives assez fortes qui ont porté pour partie leurs fruits. Nous avons ainsi lancé les prêts d’avenir à hauteur de 200 millions d’euros : prêts sur dix ans, avec trois ans de différé de remboursement, entièrement titrisés et revendus à une compagnie d’assurance française. Nous n’avons toutefois pas pu en étendre l’échelle, malgré tous nos efforts : les autres compagnies d’assurance n’ont pas souhaité acheter ce produit, l’appétit pour la titrisation des crédits de PME n’étant pas énorme en ce moment. Le coût des crédits aux PME est en France au plus bas parmi tous les pays d’Europe : il se situe à trente points de base en dessous des crédits aux PME en Allemagne. Or les points de base permettent de rémunérer à la fois ceux qui élaborent le produit et la compagnie d’assurance, qui sert un rendement aux détenteurs de contrats d’assurance vie. Résumons-nous : la compagnie d’assurance, au lieu d’acheter de la dette de PME, achète de la dette garantie à 100 % par BPIfrance mais, comme le crédit est très peu cher, il n’y a pas vraiment de marge de manœuvre pour qu’elle conserve un rendement suffisamment attractif. Je fais l’hypothèse que lorsque le coût du crédit remontera, dans quelques années, lorsque nous aurons quitté la période de quantitative easing que nous vivons, un espace important s’ouvrira pour la titrisation.

Pour ce qui est de l’affacturage inversé, nous travaillons sur la question, après avoir fait preuve d’un peu trop de conservatisme peut-être.

Vous savez sans doute que la Banque de France n’a pas souhaité donner suite à l’élargissement des données FIBEN. Nous y sommes, pour notre part, très favorables.

Plusieurs préconisations du rapport de M. Laurent Grandguillaume ont été évoquées.

S’agissant du retournement, il existe une doctrine très simple, votée par le Parlement : soit BPIfrance finance des fonds de retournement privés, soit elle accompagne des repreneurs individuels.

Les fonds privés opèrent le retournement, en prenant la majorité du capital d’une entreprise, en procédant à une restructuration profonde, en modifiant son management, en réinvestissant et relançant son activité. Nous avons investi dans une demi-douzaine de fonds de ce type et instruisons en ce moment trois ou quatre nouveaux dossiers. Le problème, c’est qu’en France nous manquons de fonds privés. S’il y en a peu, c’est que beaucoup ont disparu car il s’agit d’une activité hautement risquée. Dès que nous considérons qu’un fonds fait preuve de professionnalisme, travaille bien avec les tribunaux de commerce, bref connaît la musique sans être un fonds vautour, nous n’hésitons pas à investir dans des proportions importantes.

Deuxième cadre d’intervention de BPIfrance : l’accompagnement des repreneurs individuels. Notre aide est subordonnée au fait que le repreneur investisse lui-même des montants non négligeables, sinon nous tomberions toujours sur la même catégorie d’individus qui essaient de ramasser de bons actifs aux frais du contribuable. Nous refuserions la demande d’un repreneur qui n’investirait qu’un million d’euros et viendrait nous solliciter pour apporter 15 millions d’euros. Il faut un alignement d’intérêts avec un entrepreneur qui s’engage pleinement. C’est ainsi que BPIfrance a apporté 12 millions d’euros à M. Dominique Coutière après qu’il a investi 15 millions d’euros dans le groupe Gascogne, dans les Landes.

À travers ces deux modes d’intervention, nous ne couvrons pas tout le champ de la restructuration. Une partie est couverte par le Fonds de développement économique et social (FDES), rénové par le ministère des finances à la fin de l’année 2013, et qui continue d’intervenir sur quelques dossiers.

Il faut toujours avoir en tête que l’on peut investir dans des entreprises qui vont bien et qui trois ans plus tard vont mal. Nous avons beaucoup de cas de ce type, quelle que soit la nature des tickets. Prenons le cas des entreprises qui relevaient du Fonds stratégique d’investissement (FSI) : elles vont nécessiter des capitaux importants. Des sociétés du secteur parapétrolier comme Vallourec ou CGG vont avoir besoin du soutien de leur actionnaire de référence, qui est BPIfrance. Je ne dis pas qu’elles sont en retournement, mais elles sont confrontées à des difficultés financières : nous les aidons dans leurs restructurations. Ce sera le cas aussi pour Eramet. C’est notre rôle : nous accompagnons toujours nos clients quand il s’agit de gravir la face nord. Je cite des noms connus mais les mêmes situations se présentent dans notre portefeuille de PME : sur 550 entreprises, il y en a 80, si ce n’est plus, dont on peut considérer qu’elles vivent une période de difficultés. De la même manière, nous les accompagnons par nos activités de capital, de prêts et de conseil.

L’activité de retournement de BPIfrance ne s’arrête pas aux cas particuliers où la question se pose de savoir si nous allons ou non investir dans FRAM ou Fagor. Il y a un nombre incalculable d’autres situations. Nous sommes la banque qui prend le plus de risques en France, et de loin. Je pourrais citer Sequana, héritière de la papeterie Arjowiggins, que nous avons aidée dans sa restructuration ou encore la plate-forme de Voreppe dans les Alpes, où nous relançons, par un investissement de 35 millions d’euros, une usine de papeterie avec un partenaire espagnol.

Vous le voyez, notre activité couvre un spectre extrêmement large.

J’en viens à la question du continuum de financement pour les TPE. BPIfrance rassemble 2 500 salariés – dont 1 000 sur le terrain – pour 1 million de TPE : nous ne disposons pas de ressources humaines suffisantes pour les prendre en charge directement. Le système français est intermédié : nous garantissons les crédits que les banques accordent aux TPE, à hauteur de 25 000 par an. Nous avons décidé de nous lancer dans une nouveauté : une plateforme en ligne de distribution de prêts, d’un montant de 50 000 euros, à destination des TPE. Cette structure de fintech digitale sera mise en place au début de l’année 2016. Nous aurons tout à apprendre : quelle sera la volumétrie ? Comment pourrons-nous la traiter ? Comment piloter le risque à distance ? C’est une percée de BPIfrance dans ce qu’on appelle le crowdfunding. Nous ne manquerons pas de vous faire part de nos premières conclusions.

Qu’en est-il des cadres d’investissement où nous ne trouvons pas de co-investisseur ? Il y a deux situations à distinguer.

D’abord, celle des toutes petites entreprises, qui représentent 5 % des cas. Le chef d’entreprise, après avoir accepté d’ouvrir son capital, se montre réticent à ce que deux fonds y soient présents d’un coup et nous dit préférer bâtir d’abord une relation de confiance avec nous avant de procéder à une ouverture plus large.

Ensuite, il y a les gros projets d’intérêt national. En l’absence de co-investisseur, il est très délicat pour nous d’avancer seul car il faut pouvoir prouver à nos partenaires de marché et à la direction de la concurrence de la Commission européenne que notre investissement est avisé et qu’il ne s’apparente pas à une aide d’État. Toutefois, de tels cas ne se présentent en général qu’une fois par an.

En matière d’économie sociale et solidaire, nous finançons des fonds d’investissement de manière conjointe avec le Crédit coopératif. Nous finançons également des coopératives : je pense à une entreprise coopérative de câblerie concurrente de Nexans, à Limagrain et Sofiproteol, deux groupes au capital desquels nous participons. L’ESS va des toutes petites entreprises aux très grandes et nous sommes partie prenante à son financement. Demain, je participerai à un comité d’investissement pour investir, aux côtés de Sofiproteol, dans un projet qui représente pour BPIfrance 34 millions d’euros. Cet investissement s’inscrit dans le cadre des 500 millions que BPIfrance s’est engagée à consacrer à ce secteur, un objectif qui sera atteint.

Je répondrai à la question de M. Letchimy en disant que nous ne pouvons pas à ce jour participer au préfinancement du crédit d’impôt pour les investissements productifs en outre-mer. Nous sommes en discussion avec le ministère des finances et nous n’avons pas obtenu ce que nous avions obtenu pour le CICE, à savoir que ce crédit d’impôt soit considéré comme une créance certaine, en germe. Il faut savoir que le préfinancement du CICE est déjà risqué – nous avons un fonds de garantie pour couvrir les cas des entreprises qui meurent avant même d’avoir pu bénéficier du crédit d’impôt.

Comment mieux faire connaître le crédit acheteur à l’exportation ? En 2016, nous allons verser 5 millions d’euros à Business France pour que cette structure nous accorde le concours de cinquante collaborateurs, qui seront chargés de démarcher les entrepreneurs pour commercialiser des prêts à l’exportation, des stratégies export, des crédits acheteur. Vous avez cité, madame Catherine Vautrin, le cas de Mecatherm, bénéficiaire d’un de nos crédits à l’exportation pour l’installation à Maputo, au Mozambique, de lignes de fabrication de pains croustillants. C’est un bon exemple des actions que nous pouvons mener. Il y a énormément de PME qui découvrent avec des étoiles dans les yeux l’existence du crédit à l’export. Il faut tout faire pour le diffuser très activement. Nous visons, à horizon du plan stratégique, 500 millions d’euros par an.

Y a-t-il une méthode pour transformer les start-up en PME ? Oui, c’est l’accompagnement. Il faut distinguer deux types d’accompagnement selon les secteurs.

Tout d’abord, le secteur des technologies. Après avoir trouvé un business angel et rassemblé son argent familial, le love money comme on dit, l’entrepreneur viendra nous voir pour se lancer : nous lui proposerons un prêt d’amorçage et des fonds propres d’amorçage ; s’il est vraiment bon – s’il allie intensité et qualité du projet –, nous lui proposerons le pass French Tech qui consiste pour nous à l’accompagner pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’il se stabilise et soit en mesure de lever des fonds de capital-risque. Sa start-up pourra alors devenir une entreprise de plein exercice.

Il y a, ensuite, les secteurs plus classiques, celui de l’hôtellerie par exemple. L’entrepreneur est dans une situation à la fois plus facile et plus difficile. Son activité est plus prédictible, moins risquée, et peut lui permettre de gagner de l’argent très vite : au bout de trois exercices positifs, il est en mesure de bénéficier d’un prêt sans garantie de BPIfrance de plusieurs millions d’euros et d’être accompagné. Et si son entreprise est très dynamique, elle peut entrer dans notre accélérateur de PME.

La transmission des entreprises est fondamentale. Nous avons publié une étude intitulée Transmettre pour grandir, que nous tenons à votre disposition. Ses conclusions sont très simples : transmettre prend dix ans. Cela suppose pour le chef d’entreprise de commencer à travailler à la transmission vers cinquante ans. BPIfrance a lancé un check-up transmission que tous nos clients recevront quand ils auront atteint cet âge. Il donne l’alerte sur tous les sujets fiscaux, financiers, patrimoniaux, familiaux, qu’il faut prendre en compte et insiste sur le fait que c’est un énorme chantier, qu’il ne faut pas sous-estimer.

Pour ce qui est des liens de BPIfrance avec la recherche universitaire, je dirai très simplement que nous sommes la banque des pôles de compétitivité. Nous leur demandons de nous soumettre des entreprises à financer et nous les finançons quand elles répondent à nos critères.

Quant à l’accord avec le Crédit agricole, il est très classique. Nous avons déjà passé de tels accords avec BPCE, La Banque postale, BNP-Paribas et HSBC. Il s’agit de faire en sorte que ces banques, dotées de ressources humaines incomparablement plus élevées que les nôtres, relaient notre message. Avec le Crédit agricole, l’accord est axé sur l’international comme avec HSBC ; avec BNP-Paribas, il est axé sur l’innovation ; avec La Banque postale, sur les crédits sans garantie.

Comment peut-on remédier à la frilosité des banques privées ? Nous jouons un rôle d’entraînement. Pour financer sa PME, un entrepreneur peut d’abord se tourner vers un pool bancaire : s’il manque de l’argent alors que les diverses banques ont déjà pris toutes les garanties possibles, nous lui accordons un complément sans garantie. Inversement, il peut d’abord venir solliciter BPIfrance pour obtenir une sorte de label, puis démarcher les banques, lesquelles ont confiance dans notre instruction car, comme notre activité est centrée sur les crédits aux PME, nous avons la réputation d’être des spécialistes de ce risque.

Parmi les partenariats que nous nous nouons avec les régions, il y en a de plus actifs que d’autres. Citons les régions Rhône-Alpes, Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur et, bien sûr, la région Île-de-France qui nous confie beaucoup de capitaux – ses dotations à nos fonds de garantie sont les plus élevées et atteignent entre 10 et 15 millions d’euros par an. Nous avons aussi toute une activité de gestion et de conseil auprès des régions pour les aides du FEDER, dont elles ont la charge et que nous logeons dans des fonds communs d’innovation et des fonds communs de garantie pour les PME.

Quelles prestations sont prévues pour l’internationalisation des TPE ? Aucune. Pour les PME, j’ai déjà évoqué nos actions : nous leur ménageons des rendez-vous avec Business France, nous les finançons avec des prêts à l’exportation, avec le crédit acheteur à l’export, avec la mobilisation de créances à l’export et nous allons désormais les couvrir avec de l’assurance-crédit.

Vous avez évoqué la pré-garantie pour les TPE, que préconise M. Laurent Grandguillaume dans son rapport : nous avons toujours considéré qu’un tel dispositif était trop compliqué à mettre en œuvre, compte tenu du fonctionnement du mécanisme de garantie. En revanche, nous incitons les TPE à indiquer à leurs banques que le crédit qu’elles sollicitent peut être garanti par BPIfrance.

En matière de rénovation et d’efficacité énergétiques, nous ne finançons ni les infrastructures, ni les projets de rénovation des bâtiments. C’est notre maison-mère, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui en a la charge. Le partage des tâches est très simple : BPIfrance est la branche de la CDC dédiée aux entreprises.

Nous avons fixé le montant minimum d’investissement dans le capital à 500 000 euros. Les tout petits investissements, de l’ordre de 200 000 euros, se font au travers de fonds régionaux, financés minoritairement par BPIfrance, à hauteur de 20 % à 30 %. Il faut savoir que les tout petits tickets sont les plus risqués : au bout de dix ans, le financeur retrouve à peine le montant de sa mise.

Notre accélérateur de PME accueille chaque année 70 entreprises pour un programme de deux ans : 140 PME sont donc présentes en permanence dans notre école. L’accélérateur d’ETI accueillera, quant à lui, 25 entreprises chaque année pendant deux ans, ce qui fera 50. Quant à l’accélérateur de start-up, il accueillera chaque année 120 entreprises toujours sur deux ans, ce qui fera 240. Plus de 400 entreprises seront donc présentes en permanence dans nos accélérateurs.

Où en sont nos négociations avec COFACE ? Elles avancent. Nous serons en mesure de signer le protocole dans le courant de ce mois de décembre, au plus tard au mois de janvier, et le transfert des personnels se fera après que nous aurons procédé à notre big-bang informatique, probablement au mois de septembre 2016. Nous avons choisi des locaux juste à côté des nôtres pour accueillir les 230 salariés de COFACE concernés et y positionner toutes les équipes de BPIfrance se consacrant à l’international afin que tout le monde puisse travailler ensemble tout de suite. Il s’agit d’un vrai projet d’entreprise. J’ai cru percevoir des inquiétudes selon lesquelles la direction des garanties publiques (DGP) de COFACE, en quittant la société privée, risquerait de perdre le contact avec le réseau international de COFACE. Elles ne sont pas fondées puisque le compte public de COFACE n’entretenait déjà pas de relations avec le réseau international privé de COFACE, pas plus que le compte public Hermes en Allemagne ne travaille avec le réseau privé de sa maison-mère, Euler.

Pour ce qui est de la fondation pour l’innovation, je n’ai pas encore de détails à donner. Nous sommes en train de travailler à la formation d’un consensus à l’intérieur de l’État et comme vous le savez, il y a plusieurs États – il y en a bien une dizaine. La concertation avance.

Quelle est notre part de marché dans l’investissement total en France ? Cela dépend de la thèse d’investissement. Pour l’amorçage, nous avons 60 % de parts de marché en euros, car c’est une activité non rentable qui suppose une intervention importante de la puissance publique. Pour le capital-risque, notre part est de 30 %, mais comme nous sommes présents dans tous les fonds privés, on peut dire que 90 % des tickets de capital-risque investis en France comportent de l’argent de BPIfrance. Pour le capital-développement des PME, nous nous situons à environ 20 % de parts de marché. Pour les investissements dans les ETI, dans la catégorie que nous traitons, qui ne relève pas de l’achat à effet de levier qui suppose des multiples de dettes très élevés, notre part de marché se situe à environ 25 %. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nous sommes présents au capital des grandes entreprises françaises cotées au CAC 40 et au SBF120, avec 14 milliards d’euros investis, qui représentent une grosse partie de nos fonds propres.

Comment répondre à la question sur l’emploi ? D’abord, une chose est sûre, BPIfrance crée de l’emploi. Pour ce qui est de notre activité de fonds propres, nous avons fait le calcul que chaque année, nous créons 15 000 à 20 000 emplois nets à travers le portefeuille d’entreprises que nous finançons. Pour l’activité de crédit, nous ne mesurons pas la création nette d’emplois mais un différentiel : les entreprises que nous finançons créent-elles plus d’emplois que si nous ne les financions pas ? La réponse est clairement positive : nous pouvons nous appuyer sur des études statistiques menées sur des échantillons lourds. Nos actions concernent les secteurs qui créent de l’emploi, y compris dans le domaine des services – rappelons ici que les services à la personne ont créé 500 000 emplois depuis dix ans. Toutefois ces créations d’emplois ne sont, bien sûr, pas à la mesure du problème du chômage en France. Par ailleurs, comme nous nous situons à une échelle micro-économique et non pas macro-économique, je ne peux pas répondre à la question de savoir quand nous atteindrons le point où les courbes entre les secteurs qui créent de l’emploi et ceux qui en détruisent s’inverseront.

Comment s’assurer d’une limite bien définie entre soutien abusif et prêt banalisé d’une banque classique ? Par la règle d’airain du co-financement. Dès lors qu’une banque commence à financer seule, en blanc, sans partager le risque avec une autre banque, cela se termine assez mal. Souvenez-vous de la faillite du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) en 1993. La sélection adverse du risque joue. Par ailleurs, le co-financement garantit la bonne relation que nous entretenons avec la place bancaire : nous sommes une banque de place, en même temps que nous jouons un rôle d’entraînement.

Comment démultiplier notre action d’accompagnement grâce aux réseaux locaux ? Tout dépend de leur qualité et des hommes et des femmes qui les font vivre : nous allons là où il y a de l’intensité, de la détermination, des moyens. Ici, nous nous appuierons sur une chambre de commerce ; là, sur une agence régionale de développement ou d’innovation.

Vous m’avez interrogé sur le plan de soutien à l’élevage français. Après un lent démarrage, nous assistons à une montée progressive. Notre partenaire, le Crédit agricole, s’y est largement investi. Pour la méthanisation, nous n’avons pas pour habitude d’aider les exploitations agricoles, c’est le rôle du Crédit agricole. C’est un métier, une clientèle, un risque que nous connaissons mal. Nous procédons au cas par cas, à travers des prêts spéciaux des pôles de compétitivité, qui nous permettent de financer des entreprises de méthanisation qui portent des projets innovants.

Pour les fonds Écotechnologies et Ambition numérique, la montée en puissance n’est pas aussi lente que cela : l’année 2013 a été un peu faible, certes, mais 2014 a marqué une progression certaine et 2015 a été une année de très gros investissements, à un point tel que la question du rechargement de ces fonds se pose. Il faut avoir en tête que le travail sur les dossiers exige beaucoup de temps et que certains dossiers nous échappent au profit d’autres fonds.

Je confirme l’engagement de BPIfrance de mobiliser 4 milliards d’euros d’ici à 2018 en faveur de la transition énergétique. J’aurai l’occasion de le redire lors de ma participation à la COP21, vendredi 4 décembre.

Pour ce qui est du nouveau paysage institutionnel, nous travaillerons avec les nouveaux exécutifs régionaux, mais nous ne comptons pas recentrer notre dispositif autour des treize nouvelles régions. Les directions régionales situées dans les nouvelles capitales régionales auront simplement une plume de plus à leur chapeau. Nous souhaitons multiplier les partenariats avec les agences régionales, notamment pour la gestion du FEDER.

Je terminerai par la fiscalité. En 2012-2013, nous étions confrontés au cri de détresse des entrepreneurs en ce domaine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : lors des déplacements sur le terrain que j’effectue deux fois par semaine, je n’entends plus parler de fiscalité. La fiscalité des plus-values a été largement corrigée. Les statistiques montrent que les marges de l’industrie française sont revenues à leur niveau d’avant la crise, et cela en grande partie grâce au CICE, même si certains affirment que de nouvelles taxes viennent neutraliser ses effets. Le sujet récurrent est moins la fiscalité que les normes : les entrepreneurs nous parlent beaucoup de la France lente, de ces investissements qui mettent des mois à être autorisés, de ces permis de construire obtenus au bout d’un temps interminable. Le chantier de simplification est décisif : il doit être mené dans un esprit collaboratif, loin de toute volonté de contrôle, loin de toute obsession pour les abus. Il ne faut pas décourager les entrepreneurs : il est assez normal qu’ils n’aiment pas que l’on pense que, par nature, ils vont abuser. Or ce soupçon est assez répandu, même si, là encore, c’est une affaire d’hommes et de femmes ; tout dépend de la nature de la personne qui dirige tel ou tel service de l’État. Cette entropie et ce vent contraire qui empêchent les entrepreneurs d’aller aussi vite qu’ils le voudraient ne sont cependant pas propres à la France.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour tous les éléments que vous nous avez livrés. Nous avons appris des choses et comme nous sommes en quelque sorte des ambassadeurs, nous pourrons relayer ces informations. Nous serons heureux de faire part aux membres de la commission de tout élément supplémentaire que vous voudrez bien mettre à notre disposition. Sachez que nous travaillons au chantier de la simplification, qui est en effet décisif : il nous faut avancer rapidement.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 1er décembre 2015 à 17 heures

Présents. - M. Yves Blein, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Vautrin

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Corinne Erhel, M. Henri Jibrayel, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. François de Mazières, M. Kléber Mesquida, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig

Assistaient également à la réunion. - Mme Véronique Louwagie, M. François Vannson