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Commission des affaires économiques

Mercredi 2 décembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

– Examen du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (n° 3262) (Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure)

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements restant en discussion sur la proposition de loi visant à financer la rénovation des casernes en activité dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (n° 2817) (M. François de Mazières, rapporteur).

La Commission procède d’abord à l’audition de Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Mme la présidente Frédérique Massat. Madame la secrétaire d’État, nous souhaitons faire le point avec vous sur les travaux que nous menons depuis 2012 dans les domaines relevant de vos compétences, dont tous pratiquement nous concernent : l’économie sociale et solidaire (ESS), le tourisme, la consommation, le commerce et l’artisanat.

Plusieurs lois ont été votées sur ces sujets, dont trois resteront comme de grandes lois du quinquennat : la loi relative à l’économie sociale et solidaire, la loi relative à la consommation et la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE). Nous en sommes aujourd’hui à la phase de mise en application et de suivi. Nous avons notamment lancé la mission de contrôle sur la mise en application de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Les auditions devraient débuter le 15 décembre. MM. Yves Blein et Daniel Fasquelle ont été désignés comme corapporteurs.

La question est d’actualité puisque nous venons de vivre le « mois de l’économie sociale et solidaire ». Nous souhaiterions, madame la secrétaire d’État, que vous fassiez un point sur toutes ces activités, car ces sujets sont très présents sur nos territoires. L’économie sociale et solidaire mobilise une population assez importante, qui se sent aujourd’hui reconnue dans ces actions, lesquelles étaient auparavant un peu plus confidentielles.

Pour ce qui est du tourisme, je regrette, à titre personnel, qu’il soit écartelé entre plusieurs ministères. Vous en avez une partie dans votre portefeuille et, puisque c’est une compétence qui revient exclusivement à la Commission des affaires économiques, je ne doute pas que nombre de parlementaires auront des questions à vous poser. Il importe que nous suivions ce dossier eu égard, notamment, aux attentats du 13 novembre. Le Gouvernement a déjà pris des mesures en la matière, entre autres dans le domaine de l’hôtellerie. Hier, le directeur général de BPIfrance nous a fait part des demandes du Gouvernement en matière de mesures d’accompagnement du secteur touristique. Nous profiterons de votre présence pour faire le point.

Nous vous interrogerons également sur la consommation. La mission de contrôle de la mise en application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été partagée en deux parties. Mme Annick Le Loch et M. Philippe Armand Martin ont déjà présenté, le 7 octobre 2015, un premier rapport d’application de la loi. Nous devrons désigner des rapporteurs pour l’autre partie de cette loi dense, dont l’évaluation de l’application devrait commencer au mois de janvier.

Nous devons également lancer au mois de janvier les travaux concernant l’application de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE).

Mme Fanny Dombre Coste nous a présenté son rapport sur la transmission d’entreprises. Nous vous interrogerons, madame la secrétaire d’État, sur les propositions de ce rapport. Nous souhaiterions également que vous fassiez le point sur le régime social des indépendants (RSI), qui a fait l’objet de la présentation par M. Fabrice Verdier de son rapport.

Enfin, l’uberisation de notre économie inquiète, notamment, les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) et les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Il serait bon, sans faire l’autruche, de les rassurer et de les accompagner, tout en évitant de mettre à mal d’autres secteurs qui font la vitalité de nos territoires, en particulier les métiers du bâtiment.

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Je suis ravie de pouvoir vous présenter aujourd’hui l’action de mon secrétariat d’État. J’attache une attention toute particulière à ce que le Parlement puisse exercer ses fonctions de suivi de l’action de l’exécutif. Au-delà de l’objectif d’évaluation, nous devons profiter de ce moment pour enrichir nos visions réciproques, pour plus d’efficacité et de cohérence dans l’action publique.

Nous vivons au sein d’une économie globalisée accélérée, où les innovations sont permanentes. De nouveaux modèles émergent constamment. Ils sont numériques, collaboratifs, solidaires ou circulaires, et ils remettent en question les ordres établis. Ce mouvement perpétuel est synonyme de nouvelles perspectives pour les consommateurs et les entreprises. À terme, c’est un facteur de mobilité sociale et de dynamisme économique. Mais ce monde économique est aussi ultraconcurrentiel, dur et parfois violent. Il peut être à l’origine d’injustices, écarter de la croissance des territoires entiers : il peut se révéler particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises.

Dans ce cadre, je veux que chacun, et en particulier les plus petits, ait confiance dans la capacité de notre économie à les intégrer et à les développer. Voici ma ligne directrice : dans ce monde en mouvement, je veux que chaque acteur économique, quelle que soit sa taille ou son modèle de développement, trouve sa place. Les artisans doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à valoriser leurs savoir-faire d’exception. Les commerçants doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à donner toute sa place à la distribution de proximité. Les consommateurs doivent avoir confiance dans la capacité de notre économie à respecter leurs droits. Enfin, les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent avoir confiance dans notre capacité à développer d’autres modèles économiques.

Pour remplir cette mission, je peux m’appuyer sur trois lois d’envergure, qui fixent, chacune dans son domaine, un cadre clair pour permettre une adaptation durable et équitable de notre économie. Ma priorité est de faire vivre ces lois, de les promouvoir et d’inciter les acteurs concernés à s’en saisir pleinement.

Bien entendu, je mène cette action dans le cadre budgétaire que vous connaissez. Le redressement des comptes publics reste une priorité du Gouvernement et mon portefeuille participe nécessairement à cet effort collectif. Mais cet effort n’est pas un obstacle indépassable qui nous empêcherait d’agir. Des marges de manœuvre existent et il faut savoir les activer.

Concernant la consommation, et conformément à la ligne que j’ai évoquée à l’instant, je veux favoriser la confiance des consommateurs, mais aussi des professionnels, dans le fonctionnement équitable du marché. Cette confiance est indispensable, car aucune économie ne peut avancer durablement sans des règles du jeu justes et connues de tous.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été pensée pour développer une réelle citoyenneté économique en rééquilibrant les rapports de force entre les consommateurs et les entreprises. Il ne s’agit pas de créer un climat conflictuel. Bien au contraire, nous voulons éviter que les litiges entre consommateurs et professionnels ne se règlent systématiquement par voie judiciaire. À terme, la loi vise à créer un climat de confiance mutuelle, bénéfique pour les consommateurs et les professionnels.

À ce jour, plus de cinquante mesures prévues par la loi du 17 mars 2014 sont en vigueur. On peut notamment retenir le renforcement de la mobilité bancaire, qui permet aux consommateurs de faire jouer plus facilement la concurrence entre les établissements financiers. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 a d’ailleurs enrichi ce dispositif. Globalement, les nouveaux pouvoirs que vous avez conférés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont applicables et déjà utilisés. Quelques mesures sont encore en voie d’application, telles que le démarchage téléphonique, mais je peux vous assurer de ma pleine mobilisation pour concrétiser ces avancées en faveur des consommateurs.

Parmi les mesures les plus importantes, l’action de groupe produit déjà des résultats. Depuis un peu plus d’un an, l’action de groupe a permis d’aboutir à une procédure amiable dans un cas sur six – les autres sont toujours en cours – et d’indemniser 100 000 personnes. Cette mesure permet d’ores et déjà un rééquilibrage des relations entre consommateurs et professionnels, l’objectif n’étant pas de multiplier les procédures, mais d’inciter les entreprises à adopter de manière préventive des comportements vertueux.

En complément de cet outil majeur, je suis pleinement mobilisée pour que le mécanisme de médiation soit bientôt généralisé en France. J’ai présenté, lors du conseil des ministres du 28 octobre, le projet de loi portant ratification de l’ordonnance du 20 août 2015. Dans les jours qui viennent, la commission d’évaluation et de contrôle sera installée. Elle transmettra, au cours du mois de décembre, une première liste de médiateurs à la Commission européenne, en vue du lancement, le 9 janvier 2016, de la plateforme européenne de règlement en ligne des litiges de consommation. Les Français bénéficieront, dès le premier trimestre 2016, d’un système de médiation de la consommation gratuit, efficace et indépendant, dans tous les secteurs de notre économie.

Comme je l’annonçais concernant la consommation, mon action vise aussi à garantir la confiance des professionnels dans le fonctionnement équitable du marché. Les consommateurs ont des droits, les entreprises aussi. Cette équité passe par l’application d’une concurrence loyale entre les petits et les grands, entre le numérique et le physique, et entre les acteurs existants et les nouveaux entrants. Il faut saluer, à cet égard, le travail de la DGCCRF, qui est pleinement mobilisée pour assurer le maintien de cette concurrence loyale.

Je souhaite évoquer rapidement la question de l’économie collaborative, qui connaît un essor fulgurant en France. Cette économie ne vient plus seulement compléter des revenus et apporter de nouvelles expériences de consommation individuelles. Une masse critique a été atteinte et elle est partiellement devenue une véritable industrie composée de professionnels. Dès lors, comme pour toute profession, des règles doivent être appliquées. Elles doivent être simples, équitables et assurer la protection des consommateurs. Des travaux sont en cours dans cette perspective et j’ai demandé à mes services d’être particulièrement attentifs sur ce point.

Vous l’avez compris, la consommation est un sujet au cœur des évolutions que connaît notre économie. Le Gouvernement en a pris toute la mesure et je fais en sorte d’agir avec pragmatisme pour accompagner ces mutations.

S’agissant des artisans, des commerçants et des TPE, mon objectif est, ici aussi, d’agir pour favoriser leur confiance individuelle et collective dans l’avenir. Ces acteurs de l’économie de proximité représentent les deux tiers des entreprises françaises. Ils sortent petit à petit de la crise et doivent s’approprier la révolution numérique. Ils doivent savoir que notre pays encourage l’esprit entrepreneurial et reconnaît leur apport décisif à la vitalité économique de nos territoires.

La loi ACTPE a été pensée dans ce sens. Nous voulons favoriser une économie de proximité forte et diversifiée. La loi compte parmi ses mesures phares la rénovation du régime des baux commerciaux, le développement d’outils en faveur de l’implantation des commerces dans les territoires, la fusion des régimes microfiscal et microsocial en un seul et unique régime simplifié, la microentreprise et, enfin, la reconnaissance des métiers d’art, au-delà de l’artisanat.

Des éléments encourageants peuvent d’ores et déjà être relevés.

En matière de loyers commerciaux, les premières remontées dont nous disposons indiquent que la loi a incité les bailleurs à accorder des diminutions de loyer aux locataires qui acceptent de ne pas interrompre le bail tous les trois ans. C’est un premier signe positif de la réforme.

La réforme de la microentreprise va entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Ce dispositif va d’abord permettre un rééquilibrage des droits vis-à-vis des entrepreneurs classiques. Mais surtout, il est appelé à devenir le régime de référence pour toute personne désirant amorcer une activité, qu’il s’agisse d’une démarche à plein temps ou cumulée avec une autre activité. La microentreprise continuera d’être une solution simple pour l’entreprenariat individuel, tout en incitant les plus performants à continuer leur croissance et à changer de dimension le moment venu.

Le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) est passé d’une logique de guichet à une logique d’appels à projets, ce qui permet de mieux cibler ses interventions et de donner la priorité aux territoires les plus touchés par les phénomènes de désertification. Les résultats du premier appel à projets seront connus au premier trimestre 2016.

La loi ACTPE permet de fixer une nouvelle définition légale des métiers d’art, au-delà de l’artisanat. Sur ce point, j’ai signé le décret tant attendu ; il est désormais entre les mains de la ministre de la culture.

En ce qui concerne l’artisanat, je veux aussi souligner la mise en place des titres d’« artisan cuisinier » et d’« artisan crémier-fromager », qui permettent de valoriser les savoir-faire d’exception de ces professionnels de la gastronomie, qui pourront s’inscrire au registre des métiers d’ici à la fin de cette année.

Pour les mois à venir, trois sujets m’occupent particulièrement, concernant l’économie de proximité : le RSI, les réseaux consulaires et l’entreprenariat individuel.

S’agissant du RSI, il nous est demandé des solutions immédiates pour plus de lisibilité et plus de simplicités du régime. Même si nous avons été réactifs et que beaucoup a été fait pour améliorer le fonctionnement du RSI, les dégâts engendrés par sa réforme en 2008 sont encore profonds et la défiance encore bien présente sur le terrain. L’application rapide de la feuille de route présentée le 25 juin avec Mme Marisol Touraine et M. Christian Eckert est donc essentielle. Elle est notamment concrétisée au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, qui a repris les propositions du rapport des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier. À ce titre, le comité de suivi dédié à la question du RSI, qui sera installé le 15 décembre prochain, veillera au respect des engagements pris.

Concernant les réseaux consulaires, trois défis principaux doivent être relevés : l’adaptation de leur organisation à la nouvelle carte territoriale, leur inclusion dans l’effort de maîtrise des dépenses publiques et le lancement d’une réflexion sur l’avenir de leurs missions. J’ai présenté en conseil des ministres, la semaine dernière, une ordonnance et un projet de loi qui vont dans ce sens. J’y reviendrai plus largement en deuxième partie de cette réunion.

Enfin, et c’est peut-être le chantier de plus long terme, car il comporte une dimension culturelle forte, il faut encourager par tous les moyens possibles l’entreprenariat individuel. La microentreprise est la base de cette politique, mais nous ne pouvons pas nous contenter d’inciter à la création d’entreprise. Il faut aussi accompagner leur croissance et leur développement jusqu’à l’étape de la transmission. À cet égard, Mme Fanny Dombre Coste nous a remis, à Emmanuel Macron et moi-même, en juin 2015, un rapport très constructif sur la transmission d’entreprise. Ce rapport a déjà trouvé une traduction au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, notamment au travers de l’extension du crédit-vendeur à trois ans. Les entrepreneurs doivent savoir, non seulement qu’ils peuvent facilement créer et développer une entreprise en France, mais aussi la transmettre le moment voulu. Nous avons d’ailleurs mis en place, il y a quelques jours, un premier comité de pilotage.

Au-delà, il faut aussi favoriser l’entreprenariat individuel parce qu’il est facteur d’intégration économique, donc d’intégration tout court. Dans le contexte actuel, la politique du Gouvernement, tournée vers l’entreprenariat des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones rurales au travers de l’Agence France Entrepreneur, trouve toute sa pertinence. L’économie de proximité représente un potentiel de croissance et de mobilité sociale très important et je suis particulièrement attachée à ce que ses acteurs bénéficient d’un soutien durable et de perspectives prometteuses.

En ce qui concerne l’économie sociale et solidaire (ESS), je veux, ici encore, favoriser un climat de confiance dans cette autre façon d’entreprendre, à la fois historique et moderne, socialement utile et économiquement performante. J’attache une importance toute particulière à ce sujet, car il s’agit d’apporter une réponse globale aux interrogations de nombreux Français, qui se demandent comment réconcilier l’économie et le respect de valeurs solidaires et sociales. Les plus jeunes, notamment, souhaitent, dans un contexte de crise économique, sociale et écologique, imaginer de nouvelles solutions plus participatives, plus durables et plus humanistes. L’ESS répond très directement à ces aspirations. C’est une façon d’entreprendre à part entière, porteuse d’innovations sociales majeures, créatrice d’emplois et génératrice de lien social.

Mon objectif est à la fois de permettre aux acteurs historiques de l’ESS de se renforcer, mais aussi aux nouveaux entrants, aux jeunes entrepreneurs, d’adopter ce modèle de développement pour permettre, à terme, d’agrandir cette famille qui représente déjà 10 % de notre PIB.

La loi relative à l’économie sociale et solidaire, promulguée le 31 juillet 2014, a fixé un cadre juridique clair et ouvert aux sociétés commerciales qui adopteront un objectif d’utilité sociale. C’était la première étape indispensable pour la réussite d’une démarche de changement d’échelle de l’ESS. Dix-huit mois après son adoption, cette loi est applicable à plus de 90 % : trois décrets en attente sont liés à d’autres textes et deux décrets font, en ce moment même, l’objet d’une consultation du Conseil supérieur de l’ESS pour une publication dans les prochaines semaines.

Maintenant que ce travail d’élaboration des textes d’application est quasiment terminé, il faut favoriser le passage du relais aux acteurs de terrain et encourager de nouveaux entrants à franchir le pas. C’est à eux désormais de se saisir des outils d’accompagnement et de financement spécifiques qui sont à leur disposition. C’est à nous de les y aider en élaborant, avec le Conseil supérieur de l’ESS, une stratégie ambitieuse du développement de l’économie sociale et solidaire.

Pour les encourager, ma feuille de route comprend trois axes : structurer les réseaux d’accompagnement, inciter les acteurs de l’ESS à travailler avec d’autres acteurs économiques, promouvoir un modèle français au-delà de nos frontières.

Concernant la structuration des réseaux d’accompagnement de l’ESS, je vais lancer, dans les prochaines semaines, un audit auprès des chambres régionales de l’ESS (CRESS) pour les aider à se doter d’un modèle économique consolidé et pérenne et leur permettre d’aider encore plus efficacement les acteurs de l’ESS. Je vais aussi m’attacher à ce que l’ensemble des réseaux d’accompagnement renforce son offre de formation à l’ingénierie financière pour que les entreprises de l’ESS bénéficient pleinement des dispositifs de financement disponibles.

Concernant l’ouverture vers d’autres acteurs économiques, les entreprises de l’ESS et les entreprises « classiques » ont beaucoup à gagner à travailler ensemble. Sur le modèle des pôles territoriaux de coopération économique, elles peuvent mutualiser des ressources, conclure des partenariats ou coopérer directement au service de leurs développements mutuels.

Concernant, enfin, la promotion d’un modèle français à l’international, nous pouvons jouer un rôle fédérateur pour l’ESS en Europe et dans les pays du pourtour méditerranéen. Je souhaite que des discussions soient engagées avec nos partenaires étrangers pour avancer vers des définitions convergentes de l’ESS. Il faut s’entendre sur des périmètres similaires et des objectifs communs pour créer des synergies. Je pense que, grâce à la loi, nous avons un modèle attractif de l’ESS, basé sur l’ouverture aux sociétés commerciales à objectif social, et qu’il peut emporter l’adhésion. C’est le message que j’ai délivré lors de mes déplacements récents au Portugal ou au Maroc et que j’ai l’intention de délivrer prochainement au Luxembourg. L’économie sociale et solidaire est une opportunité pour nos économies et plus largement pour nos sociétés, et je compte en faire une priorité de mes travaux.

Je pense que vos questions me permettront de dire quelques mots du tourisme tout à l’heure.

Mon portefeuille est vaste. Il concerne une très grande diversité d’acteurs et présente de nombreux défis. Pourtant, il a sa cohérence. Dans chacun de ces secteurs d’activité, les Français, consommateurs comme professionnels, sont dans l’attente de signaux forts qui leur permettent de s’engager avec confiance dans l’avenir. Les plus petits, notamment, demandent à être protégés et accompagnés pour pouvoir s’adapter pleinement à cette économie en mouvement.

C’est une tâche d’envergure, particulièrement dans le contexte actuel, où la peur est apparue de la pire des façons dans notre quotidien. À cet égard, je veux souligner la réactivité de l’État, qui a pris des mesures pour permettre la continuité de la vie économique dès le lendemain des attaques. Je veux aussi vous assurer de mon engagement total, au ministère et sur le terrain, comme la semaine dernière auprès des commerçants parisiens ou dans les grands magasins, pour permettre aux acteurs économiques de faire face à cette période difficile.

Cette tâche, ce message de confiance, aujourd’hui comme demain, demande de faire preuve de persévérance et d’abnégation. Les lois ont été votées, les outils sont là. Reste désormais à les faire vivre sur le terrain. C’est le cap que je me suis fixé pour les prochains mois.

M. Yves Blein. Madame la secrétaire d’État, vous avez mentionné trois lois importantes. Le peu de temps écoulé depuis leur adoption – entre dix-sept et vingt mois – vous permet sans doute de tirer un premier bilan des effets de chacune d’entre elles. Combien de décrets reste-t-il à prendre, et lesquels ? Qu’en est-il des rapports, fréquents dans les textes adoptés par l’Assemblée, que le Gouvernement doit rendre aux parlementaires ? Nombre d’entre eux devaient normalement être produits dans des délais allant de six mois à un an.

Parmi les mesures les plus attendues par les associations, la loi relative à la consommation instaure l’action de groupe. Pouvez-vous nous dire si les associations agréées par la DGCCRF se sont structurées autour de cet enjeu ? Votre secrétariat d’État les y a-t-il aidées ? Par quels moyens ? A-t-on connaissance d’actions de groupe déjà engagées ? Vous en avez mentionné six. Pouvez-vous nous dire sur quels sujets ? L’affaire Volkswagen, par exemple, peut-elle donner lieu à une action de groupe ? S’est-on posé la question de l’action de groupe mondialisée, au regard de la multinationalité des consommateurs qui s’estimeraient lésés ?

Enfin, vous avez parlé d’une plateforme européenne de règlement en ligne des litiges concernant la consommation. J’aimerais avoir des détails sur ce point.

Le deuxième texte que nous avons adopté porte sur l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises, l’accompagnement vers plus de numérique, l’apprentissage, le développement de différents labels de qualité, le « fait maison », les indications géographiques. Autant d’initiatives d’ores et déjà opérationnelles, à propos desquelles vous pourriez sans doute nous donner les premières évaluations de leur déploiement. Je ne doute pas que mes collègues seraient également intéressés d’avoir des nouvelles concernant le FISAC et la dynamisation des petits commerces de proximité durement touchés par la crise.

Concernant le tourisme, où en est le fonds prévu pour la réhabilitation des équipements du tourisme social, qui a été conçu en relation avec l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) ?

Enfin, le troisième texte relatif à l’économie sociale et solidaire définit le périmètre de celle-ci en l’élargissant aux entreprises qui observent certaines règles de sobriété, tant en matière de rémunération de capitaux que de rémunération des dirigeants. Sait-on aujourd’hui combien d’entreprises nouvelles, hors statutaires – associations, mutuelles, coopératives, fondations – ont demandé leur labellisation ESS ? Dans le même ordre d’idée, l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS) a-t-il été sollicité et, éventuellement, à quelle hauteur ?

La loi prévoyait les outils structurels de l’économie sociale : Conseil supérieur de l’ESS, Chambre française, chambres régionales. Ces outils sont aujourd’hui constitués, formalisés. Comment s’accompagne leur mise en place ? Quel type de convention y a-t-il entre votre secrétariat d’État et leur représentation pour aider à leur développement ?

Dans le champ coopératif, on observe une forte poussée de la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Disposons-nous d’éléments qualitatifs et quantitatifs sur ce plan ? Les possibilités offertes de SCOP – société coopérative et participative – d’activité et de SCOP d’amorçage sont-elles activées ?

Enfin, dans le champ associatif, la définition de la notion de subvention a été appréciée par l’ensemble du monde associatif. Elle ne lève pas, selon moi, certaines hypothèques, fiscales notamment, qui pèsent sur les relations économiques que la sphère associative entretient avec l’argent public comme privé. Cela reste un sujet pour les associations qui ont, certes, bénéficié d’un allègement élevé de la taxe sur les salaires en 2013, mais qui ne voient toujours pas leur situation fiscale d’ensemble évoluer, restant ainsi à la merci d’interprétations diverses.

Récemment, par exemple, le chèque-vacances, très précieux pour les comités d’entreprise, et donc, pour l’économie du tourisme en général, et du tourisme social en particulier, a fait l’objet d’une remise en cause par l’URSSAF. Celle-ci considère qu’il s’agit d’une prolongation de salaire dès lors que son attribution est indexée sur les revenus, ce qui pourrait conduire à une baisse de 30 % des émissions de chèques par l’Agence nationale pour les chèques-vacances. Il est urgent de rappeler à l’URSSAF l’instruction ministérielle du 17 avril 1985, sur laquelle s’est fondé le développement du chèque-vacances. C’est l’expression d’une instabilité fiscale éprouvante pour l’économie sociale, et particulièrement pour le monde associatif.

Madame la secrétaire d’État, vous vous êtes attachée à la mise en œuvre de ces trois textes essentiels pour la vie de notre pays et de nos concitoyens. Pouvez-vous nous dire quels seront vos centres d’action prioritaires dans les dix-huit mois qui nous séparent de la fin de ce quinquennat ?

M. François de Mazières. Madame la secrétaire d’État, il se dégage de vos propos un optimisme qui ne correspond pas à ce que nous constatons sur le terrain, où le commerce et l’artisanat se portent mal. Je m’interroge donc sur l’utilité des trois lois que vous avez évoquées, alors que le vrai problème dont souffre le petit commerce tient à la déréglementation. La concentration de grandes surfaces à l’entrée des villes a détruit le commerce de centre-ville, ce qui a eu des conséquences calamiteuses sur l’équilibre urbain. Or vous ne vous êtes pas exprimée sur ce sujet pourtant essentiel, en particulier en Île-de-France, où ce phénomène de concentration prend des proportions extraordinaires, notamment là où la multiplication de ces centres commerciaux s’accompagne d’une offre culturelle, avec l’ouverture de multiplexes cinématographiques, qui profitent de l’absence de réglementation véritablement contraignante en matière de concurrence. Quelles mesures concrètes et efficaces comptez-vous donc mettre en œuvre pour protéger le commerce et l’artisanat ?

Par ailleurs, vous n’avez pas convaincu les participants au 63e congrès de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), qui attendaient que vous preniez clairement position sur le développement des nouveaux outils internet qui aggravent la concurrence dont souffre en particulier l’hôtellerie, avec le développement massif d’Airbnb. Dans ce domaine, vous concertez-vous avec votre collègue qui porte la loi sur l’économie numérique ? Il est temps que la défense du commerce et de l’artisanat s’appuie sur des actions réelles et non sur des textes assez filandreux.

Mme Brigitte Allain. Madame la secrétaire d’État, votre audition devant la Commission des affaires économiques tombe fort à propos pour le groupe Écologiste, puisque nous avons décidé d’inscrire dans notre « niche » du 14 janvier prochain ma proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation.

Cette proposition de loi, qui prolonge la mission d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, répond à une demande des consommateurs comme des organisateurs de circuits alimentaires, pour une alimentation durable et de proximité. Les mesures qu’elle comporte sont axées sur la restauration collective, véritable levier économique pour des entreprises agroalimentaires de taille artisanale le plus souvent. Elle fixe un objectif de 40 % d’alimentation durable dans nos cantines publiques à l’horizon 2020, dont 20 % de bio.

L’ancrage territorial de l’alimentation aura des résonances dans de nombreux domaines de l’économie, aujourd’hui compétence des régions. En premier lieu, il contribuera à la dynamique territoriale en misant sur les atouts et les savoir-faire locaux, en renforçant à l’échelle régionale les pratiques d’insertion par le travail, de formation et d’innovation et en permettant le développement de structures logistiques locales vouées à assurer la transformation, le stockage et le transport. En second lieu, il contribuera à consolider la dimension de marqueur patrimonial de l’alimentation, essentielle pour le tourisme durable.

Les systèmes coopératifs rénovés par nos dispositions législatives récentes permettent à de nombreux acteurs de l’alimentation de se réapproprier nos politiques alimentaires ; au-delà, ils redonnent du poids aux politiques régionales agricoles. Dans cette perspective, le rôle de l’observatoire de l’alimentation et des circuits courts et de proximité consistera, en s’appuyant sur des données régionales, à identifier les bonnes pratiques sociales et environnementales. Quant à l’intégration de l’alimentation dans les plans régionaux d’agriculture durable, elle contribuera à revaloriser le marché local.

Je souhaiterais plus précisément avoir votre avis sur deux des mesures de cette proposition de loi. Sur l’article 4 d’abord, qui dispose que les grandes entreprises privées devront intégrer l’alimentation durable dans leur responsabilité sociale et environnementale ; sur l’article 5 ensuite, qui étend le dispositif du « fait maison » à la restauration collective : valorisant un savoir-faire et un métier aujourd’hui peu attractif, cette proposition me semble avoir du sens.

J’aimerais également votre opinion sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des décrets d’application de la loi relative à la consommation, ainsi que sur les effets positifs de cette loi et de la loi sur l’économie sociale et solidaire, deux lois dans lesquelles les écologistes se sont fortement investis – je pense en particulier aux indications géographiques protégées pour les produits manufacturés, au renforcement des contrôles de la DGCCRF ou à l’encadrement des magasins de producteurs.

L’ensemble de ces questions renvoient plus globalement à la problématique de la relocalisation de notre économie, que la loi sur les nouveaux indicateurs de richesse, portée par Mme Éva Sas, doit nous permettre de mieux appréhender. Dans cette optique, quels sont aujourd’hui les moyens dont dispose votre secrétariat d’État pour promouvoir ces indicateurs ?

M. Yves Jégo. Au cœur de nos villes, le commerce et l’artisanat se meurent ! Or il n’y a dans vos propos, madame la secrétaire d’État, rien de rassurant, qui permette d’espérer que soit mis un terme aux difficultés économiques qu’affrontent dans le désespoir de nombreux commerçants et artisans.

Il reste beaucoup à faire sur le RSI, et vous en tirer en vous bornant à mentionner qu’il a été réformé par la majorité précédente est un peu court. Mieux vaudrait tenter de comprendre ce que vivent les victimes des dysfonctionnements du dispositif.

En ce qui concerne la relocalisation de l’activité et l’orientation de la consommation vers des produits locaux, j’aimerais vous entendre sur le contrôle par la DGCCRF de la référence frauduleuse au made in France. Il est absolument anormal que certaines entreprises aient recours à des procédés de marketing faisant croire au consommateur qu’il achète des produits fabriqués en France alors qu’il n’en est rien. En tant que président de l’association qui porte le label « Origine France garantie », je ne cesse, mais en vain, de réclamer un renforcement des contrôles de vos services et un travail plus partenarial permettant de lutter contre cette forme de concurrence déloyale. Cela ne coûterait pourtant rien à la puissance publique, puisqu’il suffirait que les agents de la DGCCRF effectuent de vrais contrôles, assortis de sanctions, au titre de la fraude sur l’information des consommateurs, contre ceux qui utilisent à dessein nos couleurs pour tromper les consommateurs sur l’origine de leurs produits.

En première lecture de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le ministre Emmanuel Macron avait retenu l’idée de mieux contrôler l’utilisation des couleurs françaises sur les produits commercialisés ; le Sénat en a malheureusement décidé autrement, et la loi continue d’être bafouée. Cela n’a rien d’anecdotique, car regagner les 1 ou 2 % de parts de marché ainsi captés indûment par des produits importés permettrait de redonner des marges de manœuvre aux producteurs français.

M. André Chassaigne. Les décrets d’application permettant la mise en œuvre des mesures relatives aux indications géographiques sont parus, et les premiers dossiers ont été déposés. Pouvez-vous nous dire si les délais d’instruction de ces dossiers seront longs ? Sauriez-vous également nous dire combien de demandes ont été formulées à ce jour ?

En ce qui concerne l’ancrage territorial de l’alimentation, les barrières qui subsistent entre, d’un côté, la production agricole et, de l’autre, la distribution et le commerce peuvent être propices au développement de la vente directe, que beaucoup de producteurs entendent désormais privilégier, n’hésitant pas pour cela à se regrouper pour ouvrir des boutiques. Ne pourrait-on envisager des synergies entre les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), soutenus par le ministère de l’agriculture, et le FISAC ? Cela permettrait de valoriser ce type d’actions, qui s’inscrivent parfaitement dans une économie agroécologique.

Nombreux sont, par ailleurs, les représentants de TPE ou de PME à réclamer des clarifications au sujet de l’application du code des marchés publics. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait faire en sorte que ces entreprises artisanales aient le meilleur accès possible aux marchés publics ? Des organismes, comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), proposent des formations à leurs adhérents afin de leur permettre de mieux répondre aux appels d’offres ; ne faudrait-il pas généraliser ce type de formations, en soutien au travail accompli par le médiateur des marchés publics ? Où en sommes-nous de la transposition des directives européennes sur les marchés publics ?

Je termine avec les annonces dont est coutumier M. Emmanuel Macron, qui, régulièrement, nous sort de son chapeau des propositions qui viennent télescoper l’activité de tel ou tel ministère. Il a ainsi évoqué récemment l’évolution des métiers, suggérant qu’il soit possible, dans certains secteurs, de s’installer sans qualification. Cela pose évidemment la question de la perte du savoir-faire, celle de la qualité des travaux réalisés, voire de la garantie décennale. Cela risque également de poser des problèmes aux formateurs, qui peineront à trouver des maîtres de stage parmi des artisans qui n’auront plus les qualifications requises. Ce ne sont là que quelques-uns des effets pervers de cette libéralisation tant souhaitée par la droite et mise en œuvre aujourd’hui par le gouvernement socialiste.

Mme Jeanine Dubié. Madame la secrétaire d’État, les remontées du terrain font apparaître que la DGCCRF n’a pas les moyens humains d’assurer les nouvelles missions que lui a assignées la loi relative à la consommation. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur la façon dont vous entendez renforcer ces moyens ?

Vous n’avez guère abordé la question de la prévention du surendettement. La loi relative à la consommation ne contient finalement pas l’idée du fichier positif, idée à laquelle j’étais pour ma part opposée, considérant qu’il importe avant tout d’accompagner les personnes en situation de surendettement. Envisagez-vous, dans cette perspective, de prendre des mesures pour renforcer la prévention du surendettement ?

En ce qui concerne l’artisanat et le commerce, je voudrais insister ici sur la situation du secteur du bâtiment et des travaux publics, aujourd’hui en très grande difficulté. Il tourne au ralenti depuis sept ans et a connu depuis 2008 une baisse d’activité cumulée de 20 %, ce qui s’est traduit par la destruction de plus de 30 000 emplois dans le bâtiment et de plus de 20 000 dans les travaux publics. Les mesures en faveur du logement permettent certes d’annoncer une légère reprise en région parisienne, mais il n’en demeure pas moins qu’en province, en particulier dans les territoires ruraux, les PME et les artisans continuent de souffrir, d’autant plus que la baisse des dotations aux collectivités – qui sont souvent donneurs d’ordre – contribue à vider leurs carnets de commandes. Entendez-vous prendre des mesures particulières pour soutenir ce secteur ?

À propos du FISAC, comment se répartissent sur le territoire les appels à projet, notamment dans le cadre de la revitalisation des centres-villes ?

Enfin, les restrictions budgétaires qu’ont subies certaines CCI ont entraîné des suppressions d’emploi. Pourriez-vous nous fournir un état global de la situation des CCI suite aux baisses de dotation ?

M. Hervé Pellois. Dans les dix prochaines années, 40 % des PME et TPE feront l’objet d’une transmission. Quelles solutions pourrait-on mettre en œuvre pour que les plus-values de ces cessions soient imposées de manière plus juste ? De nombreux artisans estiment en effet que les cessions immobilières bénéficient d’un régime plus favorable que les cessions d’entreprises.

D’aucuns se lamentent sur le sort des commerçants et des artisans mais, ayant participé la semaine dernière à l’assemblée générale de la chambre des métiers du Morbihan, je n’y ai perçu aucune tension particulière au sujet du Gouvernement. En revanche, certains professionnels s’inquiètent du futur projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, qui prévoit de supprimer l’obligation d’être titulaire d’un brevet professionnel pour ouvrir un salon de coiffure.

Enfin, pouvez-vous nous en dire davantage sur le démarchage téléphonique ?

M. Antoine Herth. Vous avez évoqué les différents textes de loi votés par l’actuelle majorité. Dans l’un d’entre eux, la notion de commerce équitable, dont je suis l’un des grands défenseurs et qui s’appliquait à l’origine aux relations commerciales Nord-Sud, a été étendue aux relations Nord-Nord, ce qu’en revanche je n’approuve pas. Pouvez-vous nous dire si les relations commerciales « équitables » se sont développées dans notre pays et le nombre d’entreprises qu’elles concernent ? Des enquêtes d’opinion ont-elles été réalisées auprès des consommateurs ?

Vous avez pointé du doigt un certain nombre de dysfonctionnements qui affectent le régime social des indépendants. Demain est inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée une proposition de loi de MM. Bruno Lemaire et Julien Aubert sur ce sujet, qui répond à l’essentiel des problèmes, en permettant notamment de faire glisser les cotisations de l’année n-2 à l’année n-1, en simplifiant les relations entre le RSI et l’URSSAF, en protégeant mieux les assurés, qui pourront disposer dès leurs cinquante ans d’un état de leurs droits à la retraite, et en permettant enfin une liquidation plus rapide de ces retraites. Allez-vous soutenir cette proposition de loi ?

Mme Isabelle Attard. Alors que vous affirmez votre soutien aux grands magasins à l’approche des fêtes de Noël, les marchés solidaires, eux, ont été annulés, à la différence d’ailleurs des marchés de Noël. Ce n’est pas le meilleur message que vous puissiez adresser à l’économie sociale et solidaire, qui en a pourtant grand besoin et qui œuvre sur le terrain pour développer la solidarité et renforcer le vivre-ensemble.

S’agissant du RSI, je ne partage pas l’avis de M. Yves Jégo s’agissant du rappel historique que vous avez fait de la réforme par la majorité précédente : il me semble, au contraire, qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient. Cela étant, nous sommes tous conscients des défauts du RSI. Vous avez annoncé des mesures qui devraient entrer en vigueur à partir du 15 décembre. Compte tenu du désespoir et de l’agressivité croissante qu’engendre la situation, nous avons un vrai devoir d’information vis-à-vis des personnes concernées. Si la proposition de loi portée par le groupe Les Républicains comporte de bonnes choses, elle inclut également des mesures plus contestables. J’attends donc de votre part, madame la secrétaire d’État, que vous éclairiez nos concitoyens sur les mesures prises pour améliorer le RSI.

Mme Marie-Hélène Fabre. Une enseigne de bricolage, dont je tairai le nom, a créé un service permettant aux particuliers de proposer leur savoir-faire à ceux qui ne savent pas vraiment bricoler, ce qui suscite l’inquiétude des artisans de notre pays. Le service Frizbiz met ainsi en relation, via internet, des particuliers – 100 000 à ce jour – pour la réalisation de petites prestations, le « coup de main » étant échangé contre une rémunération modique. De telles pratiques constituent une concurrence déloyale pour les professionnels soumis à des obligations administratives et financières auxquelles échappent les particuliers. Si actuellement cinquante magasins seulement proposent le service FrizBiz, d’ici à la fin de l’année il sera étendu aux cent vingt magasins de l’enseigne. Face à la généralisation de ce type de services, quelle serait votre proposition pour protéger au mieux les artisans, qui paient impôts et cotisations ?

M. Lionel Tardy. En première lecture du projet de loi de finances pour 2016, l’assemblée avait adopté l’un de mes amendements, proposant, grâce à une redistribution de crédits, de doter le FISAC de 12,5 M€, afin de financer les aides en attente pour les stations-services de proximité, notamment en zone rurale et de montagne. Mais, le 18 novembre dernier, en seconde délibération, le Gouvernement est revenu sur cet amendement, limitant la dotation à 3 M€. Je tombe des nues, car le Gouvernement explique dans son exposé des motifs que cette décision permettra néanmoins de satisfaire la demande des parlementaires concernant le comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC).

C’est en effet une demande des parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, c’est aussi une nécessité pour les petites stations-services, en particulier pour celles qui sont isolées, mais c’était surtout un engagement du Gouvernement, qui avait annoncé, lors du comité interministériel aux ruralités de septembre dernier, une enveloppe exceptionnelle de 12,5 M€, devant permettre de traiter l’ensemble des demandes en attente qui avaient été déposées au CPDC – il s’agit de la mesure n° 9.

En passant de 12,5 à 3,12 M€, le Gouvernement n’a, une nouvelle fois, pas respecté ses engagements : en plus d’assécher le FISAC, pourtant utile aux commerces de proximité, il se moque de la parole donnée. Madame la secrétaire d’État, merci donc de bien vouloir nous rassurer en nous confirmant que vous allez revenir sur cette seconde délibération, qu’il faut sans doute mettre sur le compte d’un moment d’égarement.

M. Jean-Pierre Le Roch. Mes questions porteront sur le suivi de la loi relative à la consommation.

Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, l’ordonnance du 20 août relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Elle doit permettre aux consommateurs de faire valoir leurs droits en cas de litige les opposant à des professionnels, sans pour autant recourir à des procédures judiciaires individuelles parfois longues et coûteuses. Pouvez-vous préciser les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, ainsi que les bénéfices que l’on peut en attendre ?

Où en est-on, par ailleurs, de l’application du décret Pacitel, concernant la liste d’opposition au démarchage téléphonique ?

M. Éric Straumann. Je reviens, comme M. François de Mazières, sur Airbnb. La France est le premier marché étranger d’Airbnb, pourtant la taxe locale perçue à Paris n’est que de 83 centimes par nuitée et par personne contre 5 % aux Pays-Bas, 4,5 % à Chicago, 6 % en Floride, 14 % en Inde ainsi que dans les villes de Palo Alto, la capitale du numérique, et de San Francisco. Qu’attendons-nous pour mettre en place une taxe à ces niveaux ? Notre pays a grand besoin de recettes fiscales.

Mme Marie-Lou Marcel. Mes questions porteront sur la loi relative à la consommation.

S’agissant de la liste d’opposition au démarchage téléphonique, sujet sur lequel nos électeurs nous interpellent souvent, la loi a rendu obligatoire le respect d’une liste d’opposition à laquelle le consommateur peut s’inscrire, et un décret est paru le 19 mai 2015. Le dispositif Pacitel s’arrêtera au 1er janvier 2016 ; un organisme doit être désigné par votre ministère pour gérer la nouvelle liste d’opposition. Où en est-on ?

Nous sommes souvent alertés également au sujet des appels téléphoniques et des SMS surtaxés, qui gênent grandement les consommateurs et peuvent même affoler des personnes âgées. Souvent, des messages sont laissés pour demander que le consommateur rappelle un numéro à l’étranger : il s’agit de véritables escroqueries. Quelles mesures entendez-vous prendre ?

En ce qui concerne les indications géographiques pour les produits manufacturés, c’est une mesure importante, notamment pour l’Aveyron et sa coutellerie. Là encore, où en est-on ? Combien de dossiers ont été déposés à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ?

Enfin, les artisans éprouvent de grandes difficultés à obtenir les qualifications RGE (reconnu garant de l’environnement), qui permettent notamment à leurs clients de bénéficier du crédit d’impôt « développement durable ». Il faut, en effet, présenter trois chantiers, ce qui pose problème en milieu rural.

Mme Pascale Got. Comment allez-vous articuler la mention « fait maison » avec la création du statut d’artisan cuisinier ?

Où en est-on de la déréglementation de la profession de guide-conférencier ? Je crois savoir que des discussions sont en cours.

Enfin, comment allez-vous travailler avec votre collègue Axelle Lemaire, qui présentera prochainement un projet de loi pour une République numérique ? S’il est essentiel de soutenir l’innovation numérique en matière de tourisme, il ne faut pas s’affranchir de toute règle ni nous priver de recettes fiscales.

M. Frédéric Barbier. L’Assemblée nationale a adopté le paquet de cigarettes neutre, par 56 voix contre 54, la semaine dernière. Je rappelle que nous avons perdu 6 000 buralistes au cours des dix dernières années, 1 040 l’an dernier, 970 déjà cette année à la fin du mois de septembre. Or les bureaux de tabac sont des commerces de proximité, qui apportent beaucoup de satisfaction et rendent de nombreux services. Nous n’avons eu aucune étude d’impact sur l’effet du paquet neutre pour les buralistes, ni aucune étude qui explique pourquoi nous perdons ces petits commerces de proximité. Disposez-vous d’informations sur ces sujets ?

J’aimerais également connaître la façon dont vous entendez soutenir cette profession et sa rémunération. Comment utiliser le FISAC pour aider ces commerces à se moderniser et à se diversifier ? Il est sans doute trop tard pour lancer une étude d’impact sur le paquet neutre, puisqu’il est censé apparaître dès le mois de mai. Il faut, en tout cas, adapter nos politiques de soutien.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ma question concerne les structures de lutte contre l’exclusion, et plus précisément un atelier situé dans ma circonscription – mais bien d’autres établissements rencontrent le même problème.

Cet atelier assure, dans un cadre concurrentiel, la sous-traitance industrielle de grands groupes, mais il s’est diversifié dans les domaines de l’entretien d’espaces verts et du nettoyage de véhicules. Comme des centaines d’autres structures du même type, il bénéficiait d’un modèle économique et fiscal qui l’autorisait à lever des fonds auprès de fondations nationales, afin d’investir dans l’outil industriel. Or, depuis 2012, ces fondations doivent demander un reçu fiscal, en application de l’article L. 80 C du livre des procédures fiscales. Mais, bien qu’agréées par la DIRECCTE comme des entreprises solidaires, ces structures de luttes contre l’exclusion ne sont pas habilitées à produire de tels reçus, du fait de leur activité dans le domaine commercial. Elles perdent donc le bénéfice de ces ressources, pourtant essentielles à leur mission d’insertion. La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a créé l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale », afin de simplifier les démarches des associations auprès des administrations, notamment en adaptant les modalités d’agrément et de reconnaissance d’utilité publique et les conditions d’obtention des financements. Pensez-vous possible de faire évoluer la situation de ces associations dans l’esprit de cette loi ?

M. Yves Daniel. Le comité de sélection des contrats de structuration des pôles touristiques territoriaux a retenu le projet de pays touristique « Erdre, Canal, Forêt », porté par la communauté de communes d’Erdre et Gesvres, située dans ma circonscription. Je m’en réjouis. Quels moyens seront mis à disposition de ce projet, comme des autres retenus dans le même cadre ?

Au début du mois de novembre, le ministre de l’économie a présenté le futur projet de loi « Nouvelles opportunités économiques », dit NOÉ. Vous avez rappelé à cette occasion la nécessité d’encourager l’entrepreneuriat sous toutes ses formes. C’est effectivement un enjeu majeur : quelles sont vos priorités en la matière, et comment seront-elles abordées dans ce texte ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la secrétaire d’État, je vous ai écrit il y a un mois, en tant que président du groupe d’études sur l’artisanat et les métiers d’art, pour vous faire part du désarroi, que je partage largement avec l’ensemble des acteurs concernés, de l’Institut national des métiers d’art (INMA). En effet, alors que Mme Pellerin, ministre de la culture, a signé l’arrêt interministériel fixant la liste des métiers d’art, en vertu de l’article 22 de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, rien n’apparaît du côté de votre ministère. Cette liste, qui fait pourtant l’unanimité auprès des organisations professionnelles, est donc en suspens. Elle ne doit pas être confondue avec celles des arts, présents dans de nombreux métiers – art floral, art photographique, art gastronomique…

Je vous serai reconnaissant d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Les métiers d’art ont une place très importante dans l’économie locale comme dans la diffusion des savoir-faire français. Il est essentiel de protéger leur identité et de conserver une cohérence à leur définition. Quand ce décret sera-t-il signé ?

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Taugourdeau, je l’ai dit tout à l’heure dans mon propos liminaire : ce décret est signé. Des expertises étaient nécessaires ; elles ont été menées à bien durant l’été, et nous avons ainsi pu aboutir.

Monsieur Blein, s’agissant des actions de groupe, six ont été intentées par cinq associations – la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), l’UFC (Union fédérale des consommateurs-Que choisir), la CNL (Confédération nationale du logement), le SLC-CSF (Syndicat du logement et de la consommation) et Familles rurales. Ces actions concernent le logement, les assurances, les télécommunications. Les associations se sont donc saisies de ce dispositif, qui fonctionne. Aucune action n’a encore été intentée contre Volkswagen, mais l’action de groupe est un processus long.

Comme vous, l’organisme des chèques-vacances m’a interpellée sur les difficultés liées à la fiscalité applicable. C’est, en effet, un sujet sur lequel nous devons nous pencher. Le ministère des affaires sociales s’est engagé à rétablir, par circulaire, la possibilité d’utiliser le critère de la catégorie socio-professionnelle pour l’attribution des chèques-vacances. C’est un dossier que nous allons suivre.

Vous évoquez également l’économie sociale et solidaire et ses structures. Une première SCOP d’amorçage a vu le jour : Delta Meca, en Loire-Atlantique. Cette entreprise compte aujourd’hui trente-cinq salariés, qui ont sept ans pour acquérir la majorité du capital. C’est, en effet, aux salariés qui n’avaient pas les moyens de reprendre leur entreprise que s’adresse la SCOP d’amorçage. Les dispositions fiscales relatives aux groupements de SCOP viennent compléter notre dispositif. Les chiffres des SCOP sont bons : l’emploi y a crû de 6 % en 2014.

Pour ce qui est de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale », il est en vigueur depuis le 1er juillet, mais les anciens agréments sont valides jusqu’en juillet 2016. Nous ne disposons pas encore de chiffres ; ceux-ci seront publiés sur le site du ministère de l’économie.

Le Conseil supérieur et la Chambre française de l’économie sociale et solidaire sont en place. Les conventions avec les chambres régionales (CRESS) sont signées. Je serai, vous l’avez compris, très attentive au fonctionnement de ces institutions, qui doivent trouver leur place.

Certains décrets ne sont pas encore signés. Les décrets relatifs aux éco-organismes et aux SCOP d’HLM devraient l’être au début de l’année 2016. Ceux qui concernent les modalités de publication par les CRESS de la liste des entreprises d’économie sociale et solidaire et aux règles de calcul des effectifs pour l’application du guide des bonnes pratiques sont en consultation. Nous nous efforçons de terminer ces travaux pour la fin de cette année.

Monsieur de Mazières, vous contestez notre politique en matière de commerce de proximité. Puisque vous évoquiez notamment les entrées de ville et l’urbanisation commerciale, je me permets de vous rappeler que la loi dite « de modernisation de l’économie » (LME) avait, en son temps, provoqué quelques dégâts. La loi ACTPE a rénové le régime des baux commerciaux et les droits des locataires ; elle a lancé l’expérimentation des contrats de revitalisation artisanale et commerciale, afin de soutenir le commerce dans les zones fragiles ; elle a rééquilibré la composition des commissions départementales de l’aménagement commercial, afin que les élus locaux soient plus étroitement associés à ce processus – tout élu local connaît les difficultés rencontrées. La dynamisation du petit commerce dépendra aussi de la capacité des acteurs – commerçants et professionnels en général, élus – à s’approprier ces outils et à travailler ensemble.

Plusieurs intervenants ont abordé la question de l’économie collaborative. C’est un sujet essentiel, sur lequel portent différents travaux. Le Sénat a rendu un rapport et le Gouvernement a confié une mission à M. Pascal Terrasse. De nouvelles applications, notamment pour les smartphones, sortent tous les jours ; l’hôtellerie est très concernée, mais aussi les artisans, les métiers de bouche et autres. Il y a des règles, qu’il faudra sans doute compléter puisqu’elles ne semblent plus suffisantes. Nous sommes très mobilisés pour apporter rapidement des solutions aux problèmes qui surgissent.

S’agissant d’Airbnb, la taxe de séjour a été réformée par la loi de finances pour 2015. Nous devons continuer de nous pencher sur cette question fiscale, notamment avec les plateformes.

Madame Allain, vous évoquez notamment les circuits courts et votre proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation. Les circuits courts sont de plus en plus souvent utilisés, en particulier pour les cantines. Il convient de veiller à ce que les producteurs y trouvent toute leur place, mais aussi que la production soit suffisante pour répondre aux besoins.

Monsieur Jégo prétend que les artisans et commerçants se meurent. Quand je les rencontre, je n’ai pas l’impression qu’ils aient envie de mourir ! Ils sont, au contraire, très mobilisés, et nous travaillons ensemble à résoudre leurs difficultés, que je ne nie nullement. Plusieurs d’entre vous ont soulevé en particulier la question du RSI. Nous avons pris des mesures à la fin du mois de juin pour améliorer le fonctionnement de ce régime.

En la matière, la question de l’information, posée par madame Attard, est cruciale. Lors d’un déplacement dans la banlieue de Lille, il y a quelques jours, j’ai rencontré les représentants d’une fédération de commerçants, importante, puisqu’elle rassemble 7 000 commerçants. À ma très grande surprise, ils n’étaient absolument pas informés des mesures que nous avions prises – calcul des cotisations provisionnelles sur les revenus de l’année n-1 au lieu de n-2, modulation possible des cotisations, unification du mode de calcul des cotisations ou encore mise en place du mi-temps thérapeutique. D’autres mesures seront prises, et un comité de pilotage se tiendra le 15 décembre. En tout état de cause, il est essentiel que l’information parvienne au plus près de l’entreprise individuelle.

Monsieur Jégo dénonçait également des pratiques commerciales trompeuses. Je rappelle que les sanctions en la matière ont été très fortement alourdies par la loi relative à la consommation. La DGCCRF effectue les contrôles nécessaires.

Monsieur Chassaigne, vous êtes très attentif aux indications géographiques. Plusieurs dossiers ont été déposés, qui sont parfois très sensibles, et leur instruction devrait durer de six à dix-huit mois. Nous souhaitons qu’elle soit aussi courte que possible, mais nous devons également garantir la transparence et l’équité.

Comme plusieurs de vos collègues, vous avez évoqué le FISAC. C’est un dispositif à nos yeux essentiel. Les GIEE, qui concernent plus spécifiquement l’agriculture, sont de plus en plus présents sur notre territoire, ce qui est une bonne chose tant pour l’environnement que pour la progression d’une agriculture de qualité. Les règles qui régissent aujourd’hui les circuits courts, issues de la loi relative à la consommation, me paraissent adaptées. En revanche, le FISAC concerne les entreprises artisanales et le commerce : les entreprises agricoles n’y sont pas éligibles. Je ne suis pas opposée à ce que l’on réfléchisse à la question, même si le but initial est bien de s’adresser au petit commerce et à l’artisanat.

S’agissant des marchés publics, il n’est pas possible d’indiquer une préférence géographique. Il me paraît néanmoins envisageable de privilégier des critères environnementaux ou des circuits courts. Nous avons, je le rappelle, relevé le seuil de formalités de 15 000 à 25 000 euros, ce qui facilitera l’accès des TPE et PME aux marchés publics. Je vous signale également, mais vous le connaissez sans doute, le guide pratique « Favoriser l’approvisionnement local et de qualité en restauration collective », mis en ligne par le ministère de l’agriculture.

Madame Dubié, sachez que les moyens de la DGCCRF seront stabilisés en 2015 et 2016 afin de répondre aux besoins de protection du consommateur.

S’agissant de la prévention du surendettement, les points conseil budget constituent une première réponse. Il faudra faire un point pour évaluer le fonctionnement de ce dispositif dans quelques mois.

Concernant les difficultés du secteur du bâtiment et des travaux publics, le plan logement de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, devrait porter ses fruits.

Monsieur Pellois, vous m’interrogez sur les transmissions d’entreprises. Suite au rapport de Mme Fanny Dombre Coste, nous avons installé un comité de pilotage qui a déjà formulé des propositions, et quelques éléments figurent déjà dans le projet de loi de finances. C’est un enjeu majeur pour nos petites et moyennes entreprises dans les mois et les années à venir.

Madame Attard, aucun marché solidaire n’a été supprimé ou remis en cause, à moins de risques majeurs, mais je n’en ai pas eu connaissance. Nous sommes très attentifs à cette question. C’est pourquoi, après les attentats, nous avons très rapidement mis en place une cellule de continuité économique qui se réunit chaque semaine. Tous les représentants des fédérations y siègent. Je vérifierai précisément la situation des marchés, car ils sont le cœur de nos villes et de nos villages.

Monsieur Herth, le texte sur les relations commerciales Nord-Nord est en vigueur depuis le 1er octobre dernier. Nous n’avons pas encore de chiffres disponibles. Les textes ont été élaborés avec le secteur, dont la plateforme du commerce équitable, qui place beaucoup d’espoir dans cette extension, je pense notamment aux associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP).

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur le démarchage téléphonique. Un premier appel d’offres a été déclaré infructueux, car l’unique réponse n’était pas satisfaisante. Le 6 novembre, nous avons lancé un deuxième appel d’offres qui devrait aboutir dans les premiers mois de 2016. Le cahier des charges a été retravaillé, il est peut-être plus équilibré car il fait porter les seules obligations relevant de la loi et du décret aux futurs délégataires. La mise en place concertée de cette liste d’opposition et la désignation de l’organisme de gestion permettront aux professionnels de poursuivre leur activité, tout en répondant à la demande légitime des consommateurs de pouvoir s’opposer au démarchage.

Madame Marie-Hélène Fabre s’est inquiétée de la protection des artisans. C’est une préoccupation constante que nous évoquons avec les représentants de l’artisanat.

Les 12,5 M€ dont M. Tardy s’inquiétait de la disparition ont été repris, et M. Macron s’est engagé samedi dernier au Sénat à ce que nous les ayons.

Madame Marie-Lou Marcel, en ce qui concerne les numéros surtaxés, l’information sur les prix des services à valeur ajoutée a été modernisée et clarifiée. Un nouveau dispositif plus lisible est entré en vigueur au 1er octobre. Les services de la DGCCRF sont attentifs à la qualité et à la loyauté de l’information afin que les consommateurs puissent identifier les numéros des services avec lesquels ils sont en contact. La loi relative à la consommation a prévu la création d’un annuaire inversé, et un texte réglementaire est en cours de rédaction afin d’assurer l’exhaustivité et la fiabilité de cet annuaire mis en place par les opérateurs et les auditeurs.

Monsieur Barbier, la situation des buralistes est sensible. Nous n’avons pas, à ce jour, d’étude d’impact du déploiement du paquet neutre. Le soutien à la profession et la question de leur rémunération relèvent plus du ministre du budget, mais nous devons continuer d’échanger avec eux. Un soutien leur est déjà apporté, mais nous devons continuer, dans les jours et les semaines qui viennent, à travailler pour faire des propositions au secteur. Le paquet neutre a son utilité en termes de santé, mais nous devons entendre les buralistes qui ont un rôle vraiment important de lien social, dans les campagnes, les villes et les quartiers.

Madame Got, la suppression de la carte professionnelle de guide conférencier, qui se voulait une mesure de simplification, n’a pas été reprise à ce stade.

Pour ce qui est du numérique, nous voyons bien qu’il affecte le fonctionnement du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Mme Axelle Lemaire travaille sur un projet de loi pour une République numérique, tandis que M. Emmanuel Macron prépare un projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques. Il faut effectivement que nous continuions cette réflexion, car tous les secteurs sont concernés, tout particulièrement le tourisme. J’étais mercredi dernier au congrès de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, pour qui cette question est une préoccupation constante. Nous devons mettre en place un certain nombre de règles.

Madame Marie-Noëlle Battistel a évoqué la croissance de l’emploi dans les associations. Il est vrai que le milieu associatif est créateur d’emplois. S’agissant de la simplification, notamment en matière fiscale, pour les associations, je veux saluer le rapport de M. Yves Blein. D’autres travaux sont en cours, et nous devons aboutir pour trouver une solution sur ce sujet. Des mesures ont déjà été prises suite au plan TPE-PME du 9 juin, notamment pour les groupements d’employeurs, mais il faut continuer à travailler. Les associations ont ainsi souvent des problèmes d’ingénierie financière, et c’est un sujet qu’il faut régler.

Monsieur Daniel, l’appel à projet pour les nouveaux contrats de structuration de pôles touristiques territoriaux bénéficie d’un appui en ingénierie d’Atout France, financé par la direction générale des entreprises (DGE), autour de la mise en œuvre promotionnelle. La DGE va animer un réseau pour favoriser les échanges d’expériences sur ces pôles touristiques territoriaux.

J’espère avoir répondu à toutes les questions qui m’ont été posées, sachez que je suis à votre disposition si vous souhaitez obtenir des compléments d’information.

*

La Commission examine ensuite, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Fabre, le projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (n° 3262)

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Je souhaite vous présenter les deux textes, ordonnance et projet de loi, que je porte actuellement concernant les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

Les CCI et CMA jouent un rôle essentiel de soutien au développement économique des entreprises sur nos territoires et d’insertion des jeunes sur le marché du travail par l’apprentissage. Aujourd’hui, ces deux réseaux consulaires sont engagés dans un processus de réduction du nombre total de leurs chambres pour deux raisons principales. D’une part, ils doivent s’adapter à la nouvelle carte régionale issue de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ; d’autre part, ils doivent optimiser leurs organisations pour participer à l’effort de redressement des comptes publics. L’objectif est clair : il faut faire émerger une offre de services en direction des acteurs économiques concernés lisible, adaptée aux territoires, et surtout efficace. Après une période de concertation et d’échanges en 2014, ces deux axes de réforme sont désormais partagés et portés par les acteurs eux-mêmes, notamment par CCI France. Il s’agit donc de prendre les dispositions législatives nécessaires pour permettre une réorganisation des réseaux avant les élections consulaires prévues pour la fin de l’année 2016.

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques contenait des dispositions dans ce sens. Mais elles ont été censurées le 5 août dernier par le Conseil constitutionnel pour un motif procédural : elles ne présentaient pas de lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi. L’objet des deux textes que je présente aujourd’hui est donc de favoriser la réduction du nombre d’établissements des deux réseaux tout en respectant le libre choix des élus consulaires et en maintenant un service de proximité nécessaire au soutien des entreprises.

Le premier texte est le projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat. Il porte plus précisément sur les questions de rationalisation, de mutualisation et de représentativité au sein des réseaux consulaires. Le second texte est une ordonnance relative à l’adaptation territoriale des réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat. Il a pour objectif de permettre aux chambres volontaires de fusionner rapidement à un niveau régional.

Le projet de loi poursuit trois objectifs pour les CCI. D’abord, renforcer le mouvement de mutualisation des fonctions support au niveau régional engagé en 2010, grâce à un schéma régional d’organisation des missions dans chaque CCI de région (CCIR). Ce schéma permettra de préciser clairement les missions à vocation régionale. Il s’agit ensuite de faciliter la rationalisation du réseau en conférant un caractère opposable aux schémas directeurs adoptés par les CCIR pour déterminer la carte consulaire de leur circonscription. Ce dispositif permettra, après concertation, d’atteindre l’objectif de réduction du nombre d’établissements publics tout en maintenant les missions de proximité. Enfin, nous prévoyons d’améliorer la représentativité de chaque CCI territoriale, locale ou départementale d’Île-de-France, au sein de leur CCIR de rattachement, en se reposant sur leur poids économique.

S’agissant des CMA, le projet de loi modifie le code de l’artisanat pour permettre aux chambres départementales de se regrouper en chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales (CMAI).

Le projet de loi est complété, pour les mesures les plus urgentes, par une ordonnance relative à l’adaptation territoriale des réseaux des CCI et CMA, prise en application de la loi NOTRe. Cette ordonnance permet aux CCIR qui le souhaitent, ainsi qu’aux chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) qui leur sont rattachées, de fusionner dès le 1er janvier 2016. Il s’agit de mettre leurs organisations en conformité avec les nouvelles régions sans attendre les prochaines élections. Cette mesure permettra, par exemple, aux deux réseaux consulaires normands de fusionner dès le prochain trimestre.

Concernant les CMA, dont les assemblées seront également renouvelées en fin d’année 2016, les élus consulaires auront jusqu’au 31 janvier 2016 pour décider de la forme juridique de la nouvelle chambre de niveau régional. L’objectif est de disposer d’une seule chambre de niveau régional comme interlocuteur unique du conseil régional dans les sept nouvelles régions fusionnées.

Tel est le sens des deux textes présentés aujourd’hui. Nous souhaitons moderniser nos réseaux en vue des prochaines élections consulaires et reprenons à cet effet des évolutions déjà adoptées par le Parlement l’été dernier, dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il s’agit donc d’avancer rapidement pour remplir cet objectif au service du développement économique de nos territoires.

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Les réseaux des CCI et des CMA constituent des organes indispensables de dialogue entre la sphère économique et les pouvoirs publics, autant que des appuis essentiels aux entreprises, en particulier les plus vulnérables d’entre elles, dans leur fonctionnement quotidien et aux moments cruciaux de leur développement.

L’accélération des échanges et la mondialisation de l’économie imposent une coordination renforcée des décisions économiques à une échelle suffisamment élevée. Pourtant les réseaux des CCI et des CMA continuent d’être trop dispersés. Outre qu’elle entraîne des pertes d’efficacité et un coût important pour les finances publiques, cette dispersion complique la coordination de l’action de ces réseaux avec les régions, qui constituent l’échelon d’administration compétent en matière économique.

Il y a plus de cinq ans, il était revenu à la Commission des affaires économiques d’examiner la dernière réforme d’envergure concernant ces deux réseaux. La loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce et à l’artisanat a constitué une étape décisive dans la régionalisation de ces deux réseaux. Elle les a réorganisés autour de l’échelon régional, en étendant les possibilités de regroupement de chambres et de mutualisation de fonctions, en renforçant les pouvoirs de gestion et d’animation des chambres de région, et en créant un monopole de perception des ressources fiscales pour les chambres de niveau régional.

Le présent projet de loi s’inscrit dans la continuité de cette réforme. Fruit d’une concertation poussée avec les réseaux concernés, il reprend certaines des dispositions adoptées dans le cadre de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, censurées par le Conseil constitutionnel en tant que cavaliers législatifs. Les autres dispositions destinées à permettre l’adaptation de ces réseaux à la nouvelle carte régionale, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, figurent dans une ordonnance prise sur le fondement de l’article 136 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, et présentée en conseil des ministres la semaine dernière.

S’agissant des CCI, ce projet de loi rend opposables les schémas directeurs élaborés par les chambres de région, crée un nouveau schéma régional d’organisation des missions, également opposable, et étend les possibilités de fusion entre CCI départementales.

Il prévoit également une plus juste représentation des territoires au sein des chambres, en mettant fin à la règle voulant qu’aucune chambre territoriale, locale ou départementale ne puisse disposer de plus de 40 % des sièges d’une chambre de région, et en modifiant le plafond de sièges des chambres territoriales et des chambres de région en les portant respectivement de soixante à cent et de cent à cent vingt. Ce faisant, il doit permettre de favoriser la rationalisation de ce réseau et de renforcer son échelon régional, tout en préservant la possibilité d’une juste représentation de ses ressortissants.

S’agissant des CMA, ce projet de loi autorise la création de chambres interdépartementales résultant de la fusion de chambres départementales, et précise les modalités de regroupement des chambres de niveau infrarégional en chambres de région. Ces mesures doivent permettre d’améliorer l’intégration régionale du réseau des CMA.

Au cours des débats sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ces dispositions avaient recueilli, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, l’accord d’un très grand nombre de nos collègues. Je souhaite que la discussion du présent projet de loi puisse faire apparaître le même esprit de consensus.

M. Philippe Kemel. Le projet de loi présenté est simple et précise les objectifs, et les adaptations qu’ils imposent. Ces adaptations prennent en compte le rôle des CMA et des CCI, qui structurent la société civile économique dans les territoires. Ces sociétés civiles ont des différences, parfois des rivalités, et nous en connaissons le résultat sur l’organisation des CMA et des CCI.

Nous devons permettre des évolutions pour prendre en compte la transformation économique des territoires. La dynamique économique est forte autour de la recherche, du développement, des innovations, et entraîne des transformations liées à la spécialisation de notre appareil productif. Ces mutations économiques nécessaires doivent se traduire dans l’organisation des CMA et des CCI, qui jouent un rôle dans l’accompagnement de la structuration des plans régionaux de nos territoires et l’accompagnement de la formation, particulièrement l’apprentissage.

Il faut également prendre en compte l’évolution de nos régions et les suites de la loi NOTRe.

Une double adaptation est donc nécessaire. Le projet de loi que vous présentez permet le rassemblement conformément aux fusions de régions, tout en prévoyant que les adhésions à la base soient nécessaires. Il y a un double mouvement : la société civile se rassemble et s’organise, et elle fait valider ses objectifs par la loi.

Ce projet de loi permettra de faire évoluer très vite notre organisation de la société civile économique. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen y est donc favorable.

M. Alain Suguenot. Le groupe Les Républicains n’a pas d’opposition particulière sur la forme, il s’agit de tirer les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel.

Permettez toutefois deux critiques. Ne sommes-nous pas en train d’assister à un rendez-vous manqué, sachant qu’au mois de septembre dernier, Mmes Monique Rabin et Catherine Vautrin rendaient un rapport sur les chambres consulaires ? Cette réforme aurait été l’occasion de démontrer que ces préconisations pouvaient être efficaces, et que l’on pouvait, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle sur les chambres consulaires, leurs missions et leur financement, apporter une pierre à l’édifice et ne pas se contenter de la procédure formelle à laquelle nous assistons aujourd’hui.

Surtout, nous parlions à l’instant de proximité, pourtant nous allons voter bientôt pour les élections régionales sans connaître l’étendue exacte de la régionalisation, puisque tous les décrets ne sont pas encore sortis. Cela déstabilise nos territoires ainsi que les électeurs, et augmente la confusion entre les compétences de chacune des collectivités. Cela a été fait au niveau institutionnel avec la réforme contenue dans la loi NOTRe. Je crains qu’un tel texte n’éloigne un peu plus des centres décisionnels institutionnels dans le domaine clé de l’économie.

En 2010, nous avons décidé de la mutualisation dans une volonté d’efficacité, mais cela a abouti sur les territoires à la disparition de pans entiers de structures consulaires de proximité qui répondaient aux nécessités du développement économique. Il est donc contradictoire de vouloir rapprocher les acteurs économiques – endogènes et exogènes – des réseaux consulaires alors que la loi NOTRe affecte le domaine économique.

M. André Chassaigne. J’exprimerai également, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, quelques réserves sur cette nouvelle étape de la réforme des réseaux des chambres consulaires. Tout cela va très vite ! Il y a quelques années, les CCI des bassins d’emploi ont fusionné au niveau départemental, et voilà qu’aujourd’hui, on renforce l’échelon régional. Or le territoire des futures grandes régions sera beaucoup plus étendu, et ce sera le cas en particulier de la région Rhône-Alpes-Auvergne. Cette évolution pourra avoir des conséquences sur la qualité des prestations offertes aux petites et moyennes entreprises. De fait, le défaut de proximité nuira à la réactivité des chambres. On peut, du reste, déjà l’observer depuis la disparition des CCI de proximité. Au demeurant, j’ai pu constater, en tant qu’élu, que les relations que nous entretenons avec les chambres départementales ne sont absolument pas les mêmes que celles que nous avions avec les CCI des bassins d’emploi. Je tenais donc à alerter le Gouvernement sur ce point. Cette réforme obéit-elle vraiment à un souci d’efficacité ? Permettez-moi d’en douter. Je crois plutôt qu’il s’agit de rationaliser et de réaliser des économies.

Par ailleurs, il faut bien avoir conscience de l’impact social d’une telle réforme. Les agents des chambres consulaires, dont je rappelle qu’ils ont un statut, vont subir des suppressions de postes. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, 130 postes ont été supprimés ! Je ne sais pas ce qu’il en est des accords signés par les organisations syndicales dans le cadre de la commission paritaire nationale, mais il faut être attentif au devenir de ces agents, qui connaissent le territoire et les entreprises, avec lesquelles ils ont noué des liens de proximité. Cette réforme aura des répercussions, non seulement sur ces agents, au plan personnel, mais aussi, par voie de conséquence, sur la qualité des prestations offertes aux entreprises.

Mme Jeanine Dubié. Les dispositions de ce projet de loi, qui ne font que reprendre les articles 300 à 314 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Macron », ont déjà fait l’objet de nombreux débats. Sur le fond, j’irai dans le sens de notre collègue André Chassaigne. Pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, la nouvelle délimitation des régions nécessite, certes, une adaptation des réseaux des CMA et des CCI. Ainsi, au 1er janvier 2016, chaque région ne comptera plus qu’une seule chambre de niveau régional. Et le présent projet de loi vise à favoriser la réduction du nombre d’établissements afin d’encourager les économies d’échelle et la mutualisation. Toutefois, il faut être vigilant, car je crains que les conseillers des petites chambres territoriales implantées dans les départements ruraux, qui connaissent le terrain et les entrepreneurs, ne soient les premiers à être directement affectés par l’éloignement des niveaux de décision. Tel est déjà le cas, du reste, puisque, je l’ai dit, la CCI des Hautes-Pyrénées a annoncé la suppression, dans les mois qui viennent, de huit emplois. Je compte donc sur vous, madame la secrétaire d’État, pour accompagner, durant cette phase de restructuration, les chambres des territoires les moins favorisés, car elles méritent, notamment en raison de leur hétérogénéité, qu’on leur prête une attention particulière.

Mme Marie-Lou Marcel. Le projet de loi vise à favoriser la réduction du nombre des établissements publics composant le réseau des chambres consulaires en encourageant leur regroupement. Il est difficile, actuellement, de mesurer l’ampleur de ces regroupements car ceux-ci relèvent du libre choix des élus consulaires, mais une telle évolution soulève le problème de la politique de ressources humaines qui sera menée dans le cadre de cette réorganisation. Si, comme le prévoit le projet de loi, le mouvement de rationalisation et de mutualisation des fonctions support est renforcé au sein du réseau des CCI, certaines villes, qui étaient jusqu’alors le siège des CCIR, risquent d’être privées des personnels qui travaillaient dans ces chambres. Quelle politique de ressources humaines les réseaux des CCI et des CMA mettront-ils en œuvre pour redéployer leurs personnels ?

M. Antoine Herth. Même si je reste très hostile au nouveau découpage des régions qui nous est imposé, je ne m’opposerai pas à ce texte, notamment parce que vous avez pris soin, madame la secrétaire d’État, de tenir compte de la situation des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Toutefois, les élus consulaires seront sans doute extrêmement attentifs au fonctionnement des nouvelles chambres régionales, notamment dans le domaine de l’apprentissage, qui est une question extrêmement sensible dans nos départements.

J’ai néanmoins une question : le Gouvernement s’engage-t-il à renoncer à la fâcheuse habitude qu’il a prise de ponctionner les réserves des chambres consulaires ?

M. Jean-Luc Laurent. Je souhaiterais vous faire part de ma circonspection et des importantes réserves que m’inspire ce texte. Tout d’abord, cette réforme découle de la réorganisation liée à la création des grandes régions, que je n’ai pas approuvée, notamment parce qu’elle ne me semble pas marquée du sceau de la cohérence.

M. Antoine Herth. Très juste !

M. Jean-Luc Laurent. Néanmoins, cette réorganisation impose la mise à jour d’un certain nombre d’outils, en l’espèce les réseaux consulaires. Or, à cette réforme difficile à conduire, s’ajoute la décision de diminuer les moyens des réseaux des chambres consulaires, en limitant leurs ressources, ce qui se traduit par des suppressions de postes – près de 500 en Île-de-France. La réforme des réseaux consulaires apparaît ainsi comme le dommage collatéral et de la réduction des moyens de ces réseaux et de la réforme territoriale. Elle devrait donc entraîner à tout le moins, d’une part, le gel de la baisse des moyens des chambres consulaires et, d’autre part, la mise en œuvre de mesures d’accompagnement dans le cadre du lien qui unit ces réseaux aux autres outils que sont les services déconcentrés de l’État, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), et les régions, qui ont été dotées de compétences dans ce domaine. Comment se fera cette réorganisation pour qu’au bout du compte, l’entreprise ne soit pas pénalisée ?

M. Yves Daniel. Les chambres d’agriculture sont des chambres consulaires qui fonctionnent de manière satisfaisante, qu’il s’agisse de leur action de proximité ou de leur capacité de mobiliser les acteurs sur le terrain, pour faire de la formation et organiser des partenariats et le vivre-ensemble. Cette réforme pourrait s’inspirer des dispositifs qui fonctionnent. Les a-t-on correctement évalués ? L’efficience politique se trouve peut-être aussi dans ce qui se fait sur le terrain.

Mme la secrétaire d’État. Je ne suis pas chargée de l’économie ni du budget, mais je me permets de vous rappeler que le prélèvement sur les fonds de roulement des chambres consulaires qui avait été décidé pour 2015 n’a pas été reconduit dans le projet de loi de finances pour 2016. En revanche, celui-ci prévoit, c’est vrai, un plafonnement de 130 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros supplémentaires destinés à accompagner les chambres qui pourraient en avoir besoin et à contribuer à la modernisation du réseau.

Outre qu’il s’inscrit dans le cadre de la loi NOTRe, ce texte a pour objectif principal d’aider les CMA et les CCI, qui assurent une mission de service public en la matière, à mieux accompagner les entreprises. J’ai rencontré fréquemment M. Marcon, président de CCI France, M. Crouzet, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA), et M. Griset, président de l’Association permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), avec qui j’ai eu de nombreux échanges au sujet des réseaux consulaires. Ces réseaux, qui maillent notre territoire, sont extrêmement importants, mais ils doivent accompagner encore mieux qu’ils ne le font actuellement les petites et moyennes entreprises. La nouvelle organisation ne nuira pas à la proximité, qui restera tout aussi importante – c’est en tout cas leur souhait et leur mission. Elle doit simplement permettre à ces réseaux d’être encore plus efficients. Nous devons y travailler ensemble et avec eux.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE Ier

Chambres de commerce et d’industrie

Article 1er (articles L. 711-1, L. 711-1-1, L. 711-8, L. 711-10, L. 711-13, L. 711-22, L. 712-4, L. 713-12 et L. 920-1 du code de commerce) : Renforcement de l’échelon régional du réseau des chambres de commerce et d’industrie

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE4, CE5, CE6 et CE7, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

TITRE II

Chambres de métiers et de l’artisanat

Article 2 (articles 5-1, 5-2, 5-4, 5-5, 5-7, 7 et 8 du code de l’artisanat) : Élargissement des possibilités de regroupement entre chambres de métiers et de l’artisanat et renforcement des pouvoirs des chambres régionales de métiers et de l’artisanat

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1, CE2 et CE3, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 2, modifié.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi, modifié.

*

La Commission examine enfin, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi visant à financer la rénovation des casernes en activité dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (n° 2817) (M. François de Mazières, rapporteur).

Le tableau ci-dessous récapitule les décisions de la commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

1

M. Daniel Goldberg

Socialiste, républicain et citoyen

Accepté

2

2

M. Daniel Goldberg

Socialiste, républicain et citoyen

Accepté

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 2 décembre 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Isabelle Attard, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, M. André Chassaigne, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Yves Jégo, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. François de Mazières, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. - M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Henri Jibrayel, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Frédéric Roig, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. François Vannson