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Commission des affaires économiques

Mardi 15 mars 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 57

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Table ronde sur le thème « Innovation et agriculture », réunissant MM. Jean-Marc Bournigal, président-directeur général de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), François Houllier, président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), et Philippe Lecouvey, directeur général de l’Association coordination technique agricole (ACTA), co-auteurs du rapport « Agriculture – Innovation 2025 : 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement »

Examen de la proposition de résolution de M. Olivier Falorni tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523) (Mme Jeanine Dubié, rapporteure)

– Informations relatives à la commission

La commission a organisé une table ronde sur le thème « Innovation et agriculture », avec la participation de MM. Jean-Marc Bournigal, président-directeur général de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), François Houllier, président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), et Philippe Lecouvey, directeur général de l’Association coordination technique agricole (ACTA), co-auteurs du rapport « Agriculture – Innovation 2025 : 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement ».

Mme la présidente Frédérique Massat. Messieurs, nous vous remercions d’avoir accepté de venir nous présenter le rapport « Agriculture – Innovation 2025 : 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement » que vous avez remis récemment au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, au secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et à la secrétaire d’État chargée du numérique.

La commission des affaires économiques est mobilisée sur les questions agricoles, qui relèvent de sa compétence. À ce titre, elle a été amenée à légiférer sur de nombreux sujets, et elle a eu l’occasion d’auditionner un certain nombre d’auteurs de rapports, notamment notre collègue Dominique Potier qui a rédigé un rapport sur le plan Écophyto. Il y a quelques semaines, le ministre de l’agriculture est venu nous présenter les différentes mesures arrêtées par le Gouvernement et qui devaient être présentées à Bruxelles sur la crise que connaît l’agriculture, en particulier le secteur de l’élevage. Nous pouvons nous réjouir des conclusions du Conseil des ministres européens de l’agriculture qui s’est tenu hier et qui a permis des avancées, notamment sur le décret relatif à l’étiquetage, sujet qui tient à cœur à de nombreux acteurs de l’agriculture, aux consommateurs et aux élus.

Des défis nous attendent. C’est pourquoi nous avons souhaité nous pencher aujourd’hui sur l’agriculture et l’innovation et vous convier à une table ronde sur les projets que vous développez dans votre rapport.

Nous savons que l’agriculture et les agriculteurs sont des acteurs majeurs pour ce qui touche aux nouvelles techniques de l’innovation, et qu’ils sont prêts à relever ces défis importants. Nous sommes amenés à discuter avec les jeunes agriculteurs – au sens générique du terme, s’entend, et nous connaissons leur intérêt pour ces nouvelles pratiques.

Vous nous proposez 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement. Voilà un programme ambitieux. Je vous laisse maintenant le soin de nous exposer le cadre de ce travail.

M. François Houllier, président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous accueillir et de nous donner l’opportunité de vous présenter le rapport « Agriculture – Innovation 2025 : 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement ». Je dois vous présenter les excuses de M. Pierre Pringuet, coauteur du rapport, ancien directeur général de Pernod Ricard et président du conseil d’administration d’AgroParisTech.

Cette mission nous a été confiée par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, à la suite des rencontres qui ont eu lieu entre des professionnels et le Premier ministre à l’automne 2014, dans un contexte déjà difficile pour l’agriculture mais qui n’avait pas encore pris l’aspect de la crise aiguë que nous avons connue et que nous connaissons encore à certains égards.

Il nous avait été demandé de proposer les bases d’un plan « Agriculture-Innovation 2025 », c’est-à-dire de nous focaliser sur les questions relatives à l’agriculture et non sur l’agroalimentaire, la consommation et la distribution, et plus particulièrement sur un spectre allant de la recherche plus ou moins finalisée, plus ou moins appliquée, à l’innovation, y compris jusqu’au transfert. L’horizon retenu est 2025, les propositions que nous formulons devant avoir un impact plein dans plusieurs années et faire la différence en matière de compétitivité et de durabilité de l’agriculture à cette échéance.

Nous avons choisi une méthode aussi inclusive que possible ; nous avons été amenés à rencontrer plus de 300 personnes, issues principalement du monde agricole. Mais nous avons rencontré également les acteurs de l’alimentation et des responsables d’entreprises de la transformation, même si ce n’était pas le cœur de notre mission.

Nous n’avons pas fait un rapport d’orientation, préférant soumettre des propositions sous forme de projets avec des objectifs, des échéanciers, des acteurs et des modes de financement.

Nous avons couvert un spectre large de projets allant de la recherche au transfert, en considérant que ces projets devraient avoir généré, d’ici à 2025, des résultats économiquement perceptibles. Mais nous avons estimé qu’il fallait en même temps alimenter le « pipeline » d’innovations, sachant qu’il faut compter en gros une vingtaine d’années entre le début des recherches les plus en amont et ce qui arrive sur le marché, chez les consommateurs, dans les fermes, les étables ou dans les politiques publiques. Il fallait donc avoir la capacité, à la fois, de transférer ce qui était déjà transférable et d’alimenter une sorte de « pipeline » d’innovations.

Le rapport comporte par ailleurs trois annexes intéressantes. Premièrement, nous avons voulu savoir ce qui se faisait à l’étranger. Nous avons pu observer qu’il existait, dans un grand nombre de pays, et pas seulement européens, des stratégies de politique agricole et de recherche et développement (R&D) d’innovation dans ce domaine particulier. L’Irlande, par exemple, a clairement une ambition agricole et une stratégie de R & D au service de cette ambition agricole. Vous trouverez donc dans ce rapport un certain nombre d’éléments de parangonnage ou benchmarking avec nos partenaires étrangers.

Une autre annexe rassemble des éléments de mise en perspective ou en prospective par rapport à différents scénarios d’évolution de l’agriculture européenne – plus ou moins écologique, plus ou moins industrielle, plus ou moins exportatrice, plus ou moins libérale. L’idée était de parvenir à des propositions qui restent robustes et adaptées à différentes évolutions potentielles de l’agriculture française et européenne.

Enfin, une dernière annexe porte sur les modes de financement de la R & D et de l’innovation en France, sachant qu’il existe un grand nombre de canaux de financement. Il était important de savoir si tel projet pouvait être financé, par exemple, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir ou dans un autre cadre particulier.

Cette mission nous a été confiée avant la crise que nous connaissons actuellement – mais la situation était déjà latente. Elle se situe à l’amont du programme d’investissements d’avenir annoncé tout récemment, et à l’aval de la stratégie nationale de recherche (SNR) publiée durant la mission, au printemps 2015, et présentée au Premier ministre au mois de décembre 2015, et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt.

Chacun des 30 projets que nous proposons se présente en deux pages – c’est un format particulier que nous avons souhaité défendre – où sont à chaque fois détaillés le contexte, les objectifs, les livrables, l’échéance, le financement, les acteurs.

Ces 30 projets ont été structurés en neuf grands axes et trois priorités.

Première priorité : pour progresser en matière de recherche, d’innovation et de transfert dans le domaine agricole en France, il faut pouvoir mobiliser tous les acteurs concernés, c’est-à-dire ceux qui font de la recherche académique mais aussi ceux qui sont dans des activités de transfert et d’innovation stricto sensu et pas uniquement l’INRA que je préside, les instituts techniques ou les organismes de conseil comme les chambres d’agriculture.

Deuxième priorité : il faut aussi pouvoir mobiliser un certain nombre d’instruments, de techniques ou de technologies. Nous avons fait des propositions dans le domaine du numérique, de la robotique, de la génétique, des biotechnologies et du biocontrôle. Nous pensons qu’il est important que ces technologies, qui sont toutes en train de se déployer ou de se développer à un titre ou un autre, puissent être effectivement soutenues et que l’agriculture se les approprie pleinement.

Troisième priorité : aucune technologie ne pouvant, par elle-même, suffire à lever les verrous de compétitivité ou de durabilité, il faut pouvoir les assembler dans des systèmes comme l’agro-écologie et la bio-économie. Avec l’agro-écologie, il s’agit de tirer parti des processus naturels, par exemple en fixant comme priorité la recherche sur le sol qui est un vecteur – ou un verrou – déterminant. Avec la bio-économie, il s’agit de recycler des biomasses tout au long des chaînes de transformation.

J’insisterai pour finir sur trois sujets particuliers qui me tiennent à cœur.

Tout d’abord le sol, le climat, l’adaptation au changement climatique. Des recherches très en amont et tout à fait nouvelles sont en cours sur la biologie des sols, ce que nous n’étions pas capables de faire il y a cinq ou dix ans. Jusqu’à présent, nous avions une approche très physique des sols, alors qu’aujourd’hui on peut avoir une approche de la biodiversité des sols. Cela génère des services, de l’emploi, de l’activité, par exemple en termes d’analyse de la qualité des sols vue sous l’angle biologique. En matière d’adaptation au changement climatique, on peut développer de nouveaux services, par exemple en couplant des modèles de prédiction des cultures, des modèles d’élevage avec des modèles climatiques issus de la météorologie nationale. Voilà un type de projet particulier que nous avons voulu défendre.

Deuxième sujet, le biocontrôle en tant que méthode alternative à l’usage d’intrants chimiques ou de produits de synthèse. Toute une série d’activités conduisent la recherche publique et les acteurs privés à travailler de plus en plus ensemble, les acteurs privés étant aussi bien des petites et moyennes entreprises susceptibles d’être rachetées que des grands groupes qui sont déjà installés. Une activité est en train de se développer pour rechercher des méthodes alternatives aux produits de synthèse, aussi bien en nutrition animale qu’en protection des cultures. Nous pensons que c’est un secteur d’avenir. Certes, ce n’est pas un grand secteur économique puisqu’il ne représente encore qu’une centaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, mais c’est un domaine en forte croissance et sur lequel il y a à la fois de la R & D et de la concentration économique.

Troisième sujet, la génétique et les biotechnologies. On ne pourra pas, à certains égards, réduire l’usage des pesticides, s’adapter au changement climatique, utiliser moins d’azote dans les cultures si l’on n’utilise pas pleinement le levier génétique. Une fois que l’on a décidé de l’utiliser, la question se pose de savoir quelles sont les technologies particulières à mettre en œuvre. Nous faisons un certain nombre de propositions : d’une part, utiliser des technologies conventionnelles qui sont de plus en plus rapides et puissantes – il faut continuer de développer nos activités dans ce domaine – d’autre part, faire appel aux nouvelles biotechnologies dont vous avez certainement entendu parler car elles s’appliquent aussi bien à l’homme, à l’animal, aux micro-organismes qu’aux plantes. Il nous paraît important que la France soit compétente. Voilà le message que nous avons voulu adresser dans ce rapport.

MM. Jean-Marc Bournigal, président-directeur général de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Nous avons veillé à ne pas parler de modèles d’agriculture car nous aurions pu alors porter des jugements. La majorité de nos recommandations peuvent s’appliquer à des types d’agriculture très différents, même si certaines sont plus ou moins accessibles à certains modèles que d’autres.

Pour ma part, j’insisterai sur l’agriculture numérique et la robotique. La lettre de mission nous a demandé de cibler les agroéquipements et de regarder quel était l’impact de la société numérique, au sens large du terme, sur le secteur agricole. Nous avons choisi de faire des recommandations sur l’agriculture numérique parce que ce secteur est très fortement concerné. Si les prévisions au niveau mondial font état de potentiels extrêmement importants, le numérique présente aussi des risques dans la mesure où de grandes sociétés investissent assez massivement dans ce secteur, ce qui, si l’on n’y prenait garde, pourrait avoir des conséquences non négligeables sur la limitation des capacités d’intervention du monde agricole.

Il y a deux grands types d’investisseurs en la matière : d’un côté les agrochimistes et les semenciers qui ont souvent une tendance d’intégration verticale, et de l’autre les grands agroéquipementiers, notamment les tractoristes, qui développent des plateformes au niveau mondial pour récupérer sur le cloud les données des agriculteurs et qui potentiellement développent des services. Il faudra prendre garde à ne pas se retrouver dans des situations où les seules solutions qui existeraient dépendraient de quelques grands donneurs d’ordre qui fourniraient les services numériques mais aussi les semences, les produits chimiques, les pratiques agricoles associées, les équipements qui les sous-tendent et qui ne laisseraient plus aucune marge de manœuvre et imposeraient un modèle d’agriculture en total décalage avec les souhaits de notre pays de maintenir une réelle diversité des modes d’exploitation, en préservant notamment le modèle familial.

Nous recommandons d’essayer d’introduire quelque chose qui n’existe pas encore, c’est-à-dire de créer le plus rapidement possible un écosystème ouvert d’innovation pour permettre le développement de services en direction des agriculteurs. Pour ce faire, il convient de créer un portail numérique qui pourrait rassembler les données de l’État, celles qui sont déjà en grande partie ouvertes à travers Étalab, mais qui ne le sont pas encore dans certains secteurs spécifiques. Il serait alors possible de récupérer les données de la recherche, celles des instituts techniques et les données privées que fourniraient les agriculteurs eux-mêmes, les coopératives et les acteurs. Ce portail permettrait de faire émerger des startups ou de conforter un certain nombre d’acteurs qui ont déjà investi – je pense à l’éditeur de logiciels ISAGRI – ou des gros investisseurs qui ont des capacités de développement assez importantes comme SMAG, filiale du groupe coopératif InVivo, et de les amener à un niveau européen et international.

Avec cet écosystème ouvert d’innovation, il s’agit de montrer que c’est le partage des données qui génère de la valeur. Ce portail pourrait voir le jour sous la forme d’une société de droit privé contrôlée par le monde agricole lui-même, de façon qu’il s’approprie ces données, qu’il génère des services en direction des différents modes d’agriculture et qu’il se penche sur la répartition de la valeur puisqu’on voit bien, à travers la crise que nous traversons, que la question est de savoir où est la valeur et qui la capte. Si le partage des données est entre les mains des grands tractoristes, de l’agrochimie, voire des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui commencent à investir dans le système, alors la captation de la valeur se fera surtout en dehors du monde agricole. Il est donc urgent d’évoluer et de concevoir ce portail en essayant ensuite d’inciter à son élargissement pour qu’il ait un sens.

Pour accompagner la transition agro-écologique, les outils d’aide à la décision seront extrêmement précieux. L’agro-écologie nécessite en effet la maîtrise de paramètres de plus en plus nombreux au-delà du climat, du sol, de la surveillance sur les ravageurs, les maladies et les choix d’itinéraires techniques et de la complexité qu’ils peuvent générer. Nous proposons donc de créer un institut qui regrouperait toutes les forces de recherche publique en termes de numérique agricole, qui se retrouvent principalement réparties entre l’IRSTEA, l’INRA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et probablement un peu le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il faut aussi développer le nombre de capteurs parce que plus ils sont nombreux, plus il y a d’informations, plus on maîtrise les paramètres et plus on sera capable d’aller vers des agricultures durables.

Le deuxième élément sur lequel on peut insister est la robotique. Les analyses mondiales montrent en effet qu’en dehors de l’aide à la personne, l’agriculture est le deuxième secteur qui connaîtra un développement de la robotique le plus important au niveau mondial. Le marché est estimé à plus de 16 milliards de dollars d’ici à 2020.

La robotique est déjà très présente dans le domaine de l’élevage puisqu’une installation sur deux se fait avec des robots de traite. Mais il ne faut pas oublier non plus les robots d’affouragement et les robots de nettoyage dans les bâtiments. Nous proposons de travailler très rapidement sur la robotique en milieu naturel qui pose des difficultés un peu plus particulières, en raison du climat et du terrain. En la matière, il n’y a pas encore d’acteur dominant. Le développement de la robotique agricole permettra d’avoir davantage de précision dans les interventions, qui iront dans le sens de la limitation de l’utilisation de l’eau, des pesticides, des intrants, et de la limitation de la pénibilité. Avec la rupture technologique autorisée par l’avènement d’autres sources d’énergie que le moteur à explosion – le moteur électrique, les piles à hydrogène –, l’apparition d’outils de gestion qui limiteront la course au gigantisme des capacités de stockage et la possibilité désormais d’utiliser les équipements de façon conjointe et connectée, c’est un nouveau marché qui s’ouvre au niveau mondial.

La France a des capacités assez importantes dans le domaine de la robotique. Nous estimons que nous pouvons accélérer le processus pour pouvoir faire émerger cinq types de robots à l’horizon 2025, en commençant par s’attaquer aux traitements phytosanitaires qui posent des problèmes de contamination du milieu mais aussi d’exposition des agriculteurs. Bien entendu, le développement de la robotique serait accompagné de dispositifs de tests, car qui dit robot dans le milieu naturel dit élaboration dans le même temps d’une nouvelle réglementation. Il serait en effet assez absurde de lancer de nouveaux outils sans être capable de les commercialiser ou de ne pas devancer la normalisation au niveau mondial.

Philippe Lecouvey, directeur général de l’Association coordination technique agricole (ACTA). Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous donner l’occasion de vous présenter notre rapport.

Je concentrerai mon propos sur la priorité n° 3 qui consistent à fédérer tous les acteurs de la recherche, de l’expérimentation et du développement agricole, en appui d’une compétitivité qui perd en efficacité depuis quelques années. Cette priorité se décompose en trois axes.

Premier axe, l’innovation ouverte rassemble quatre projets, numérotés 22 à 25. Le projet 22 consiste à se réorganiser et à mobiliser les hommes en compilant toutes les innovations sur le terrain. C’est ce que nous avons demandé aux chambres d’agriculture de piloter. Il y a une force extraordinaire d’innovation sur le terrain qu’il faut mieux gérer, mieux recenser, de façon à la valoriser au mieux.

Le projet 23 est l’aboutissement d’un succès dans les formes collectives et partenariales qui existaient déjà entre tous nos outils. Il faut s’organiser, décloisonner la recherche, associer la R & D privée et organiser des équipes pour répondre à de grands défis sociétaux. La maladie du bois, par exemple, pourrait faire l’objet d’une gouvernance, afin de bénéficier de vraies équipes pilotées par des acteurs directement concernés.

Le projet 24 vise à créer des livings labs, des laboratoires vivants, c’est-à-dire un écosystème qui veut rapprocher l’innovation des usagers directs que sont les agriculteurs, ou indirects que sont les consommateurs, afin de créer une valeur économique. Ce concept existe dans d’autres secteurs économiques, comme la santé, l’éducation ou le milieu urbain. Dans le domaine agricole, il en existe un ou deux au Canada, mais guère plus. Nos ministres nous ont indiqué en vouloir un.

Enfin, le projet 24 vise à mettre à plat tout notre existant. Nous avons un parc de 422 stations, qu’elles soient dans la recherche, le développement ou les lycées. Nous proposons d’en faire un check-up complet pour essayer de les optimiser.

Deuxième axe, qui rassemble les projets 26, 27 et 28, l’appui à l’économie, voire à l’innovation économique. L’agriculture et l’agroalimentaire français perdent de leur efficacité, tant dans notre pays qu’à l’extérieur. Dans cette approche système, il nous faut trouver des indicateurs d’évaluation. Nous souhaitons que soient mis en place des indicateurs multicritères, de façon à mesurer les performances économiques, environnementales, sanitaires et sociales ; c’est l’objet du projet 26.

Nous proposons par ailleurs, avec le projet 27, d’anticiper la politique agricole commune (PAC) 2020 en orientant l’innovation sur les services, de façon à trouver de nouvelles sources de revenus et de nouvelles sources de financement de l’agriculture. Nous invitons à la fois les citoyens, au sens de représentants de l’État, mais aussi la profession, à s’emparer de ces pistes d’investigation car les enjeux qu’elles sous-tendent nous semblent colossaux.

Sur le projet 28, nous n’avons pas osé trop insister, par souci d’éviter les grandes incantations : nous n’avons pas voulu être ceux qui demandent un observatoire supplémentaire… Cela étant, il est grand temps qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, fasse une comparaison concurrentielle – au sens produit – pour qu’elle sache dans quel univers elle travaille, comment se situent notre agriculture et notre agroalimentaire par rapport à d’autres pays. C’est également le sens de la démarche de parangonnage ou benchmarking que nous avons conduite.

Troisième axe enfin, on ne peut pas avancer sans aborder la dimension formation, pour que les jeunes puissent s’adapter face au déploiement de nouvelles technologies qui doivent être au plus près du terrain. C’est l’objectif des projets 29 et 31.

En conclusion, nous n’avons pas eu le sentiment de tout explorer. Il nous manque la dimension économique et sociale, un déploiement beaucoup plus fort sur l’agroalimentaire, la recherche de valeur et enfin la dimension one health, c’est-à-dire la santé humaine et animale, essentielle pour l’avenir.

Nous restons donc modestes par rapport à ces 30 projets que nous considérons comme totalement interdépendants et qui permettront de répondre, à plus court terme, à l’optimisation et à la valorisation de notre diversité agricole sur tout le territoire.

Mme la présidente Frédérique Massat. Messieurs, je vous remercie pour votre concision et la clarté de vos propos.

M. Dominique Potier. Madame la présidente, à mon tour je tiens à saluer le ministre de l’agriculture pour le travail hors du commun qu’il a réalisé à l’échelle européenne pour obtenir la création de nouveaux outils de régulation. Nous savons que l’agriculture marche toujours sur deux pieds : l’innovation et l’effort de production, mais aussi la régulation des marchés. Il nous faut un écosystème mondial ; pour la France, cela passe par l’Europe. Il nous faut aussi, bien sûr, toujours adapter nos modes de production. C’est ce que vous avez fait avec audace, messieurs, en répondant à la commande du Gouvernement. À cet égard, je tiens à vous féliciter pour votre travail.

Vous évoquez les living labs. Vous nous faites rêver, vous nous donnez de l’espérance ; le monde rural en a sacrément besoin aujourd’hui !

Vous avez évacué les terreurs et les peurs que suscitent ces nouvelles technologies, qui parfois véhiculent des fantasmes, et vous avez redonné des chemins que l’on peut fréquenter. Vous avez trouvé, à chaque fois, l’équilibre entre la puissance publique et l’innovation privée, entre le respect des sagesses paysannes et les perspectives ouvertes par les nouveaux mondes.

Je regrette que les mélanges variétaux n’aient pas été mis à la hauteur de la valeur et de la promesse qu’ils peuvent porter. En revanche, je salue votre travail sur le sol, cette terre inconnue redécouverte aujourd’hui dans ses fonctions multiples, dans sa complexité. Si elle est mieux connue, elle pourra mieux tenir ses promesses de nourrir le monde demain et contribuer, à hauteur de 1,2 milliard de tonnes, à la résorption du carbone et à la lutte contre les gaz à effet de serre.

Ce qui manque dans votre rapport, que je veux par ailleurs saluer au nom du groupe socialiste, c’est le champ du territoire contre l’intégration verticale. Le territoire, c’est celui des plans alimentaires territoriaux, celui de l’intelligence entre les citoyens et le monde agricole, l’intelligence et la connaissance de la ressource alimentaire et de biodiversité de son territoire ; c’est certainement un des lieux de résistance important qu’il nous faut réinvestir contre l’agriculture hors-sol. Il nous faut réinventer une citoyenneté et une paysannerie solidaire et innovante.

Mme Laure de la Raudière. À mon tour, je veux saluer nos intervenants pour ce travail très intéressant.

Les Français sont très attachés à la variété agricole française qui fait partie de leur culture, y compris culinaire. On pourrait presque parler d’exception « agriculturelle » française.

Avez-vous identifié des freins liés à certaines réglementations en vigueur ? Ce qui pourrait être vu comme des marottes politiques n’en sont-elles pas finalement ? Je pense naturellement au principe de précaution dans la Constitution. Est-ce un frein à des recherches en matière de biotechnologie ? Je pense aussi à la réglementation sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). À votre avis, se prive-t-on de certains débouchés qui pourraient être utiles, tout en respectant naturellement la reproduction des semences ? Les OGM sont-ils toujours nocifs, c’est-à-dire quand ils sont entre les mains d’un puissant organisme qui tient les semences au niveau mondial ? Peut-on imaginer des OGM vertueux ?

La réglementation en matière d’aviation civile constitue-t-elle un frein pour le pilotage automatique des drones et les gains de compétitivité ?

Comment se fera le transfert de l’innovation vers les agriculteurs ? Comment le terrain va-t-il pouvoir s’approprier toutes ces nouvelles technologies ? On a réussi à le faire en France de façon admirable au XXsiècle, puisque la filière agricole a obtenu des gains de productivité exceptionnels. Les agriculteurs sont-ils favorables à ce genre d’initiatives et d’expérimentations ?

Avez-vous enfin réfléchi à ce que pourrait être la paysannerie de demain ? Combien y aura-t-il d’agriculteurs demain et quelle sera la place de la filière agricole par rapport à la population active française ? Le paysan de demain sera-t-il un geek ? Maîtrisera-t-il davantage internet, le numérique et la robotique que la culture d’une plante qui grandit dans un sol pour nous alimenter ?

M. André Chassaigne. Je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre concrète des projets en termes de moyens humains et financiers. Au-delà des grandes orientations que l’on peut saluer, avez-vous suffisamment de moyens ? Comment tout cela s’articule-t-il, notamment avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Chacun sait que l’on passe beaucoup trop de temps à monter les projets, à chercher des financements. Il y a là un handicap concret pour pouvoir conduire les recherches, de la recherche fondamentale à sa mise en application.

L’ancrage territorial est nécessaire. Quelles sont les évolutions des unités expérimentales de l’INRA ? N’a-t-on pas tendance à affaiblir le maillage territorial au profit de grandes unités ? Les orientations que vous venez de développer montrent qu’il faut une interaction entre la recherche et la société et qu’il faut être au plus près des agriculteurs.

Il faut « alimenter le pipeline d’innovations », a dit M. François Houllier. Encore faut-il que cela débouche au final sur quelque chose… Je prendrai l’exemple concret d’une expérimentation conduite à grande échelle sur la vitiviniculture durable et dont les résultats pourraient être transférés aujourd’hui au vignoble français. Or, au nom d’une interprétation du principe de précaution ou du principe de responsabilité lié au risque de contournement à terme des résistances, son transfert se heurte à un blocage qui laisse la voie libre à la commercialisation de variétés étrangères beaucoup moins performantes et qui offrent moins de garanties de durabilité. N’y a-t-il pas une certaine frilosité dans la mise en application qui nous conduit à prendre du retard par rapport à d’autres pays ?

M. Frédéric Roig. Je trouve moi aussi ce rapport fort intéressant.

Je concentrerai mon intervention sur le volet agro-écologie et la complexité qui existe pour mettre en œuvre cette réalité par rapport au changement climatique. Dans le sud du Larzac, c’est l’agro-pastoralisme, voire l’agro-sylvo-pastoralisme qui est pratiqué sur les terres difficiles. Un peu plus bas, l’oléiculture est confrontée à des attaques parasitaires, notamment à la mouche de l’olive. Encore plus bas se pose la question de l’irrigation des vignobles. Il s’agit de cultures qui sont longues à se mettre en place et qui existent depuis plusieurs décennies. Quand on discute avec les agriculteurs, on mesure toutes leurs interrogations. Des travaux ont été menés, comme ceux de Pierre Rabhi sur la permaculture. Il faudrait parvenir à démontrer que ces systèmes ne sont pas qu’une utopie ou une vision de l’esprit, et qu’ils peuvent être développés à des échelles beaucoup plus grandes pour répondre aux différents enjeux que vous pointez dans votre rapport.

Dans votre rapport, vous parlez d’analyse, de cartographie, d’identification, etc. Mais comment démontrer que la valorisation des sols, l’utilisation des ressources, la préservation des énergies peuvent être des sources de compétitivité pour une agriculture de qualité, de quantité et de label ?

M. Jean-Claude Mathis. Je remercie nos intervenants pour leur exposé.

Il est incontestable que l’agriculture en général, et française en particulier, a énormément évolué au cours des dernières années dans des domaines divers et variés. On peut aisément imaginer que cette évolution va se poursuivre. Toutefois, elle engendre de nouvelles exigences, tant dans le domaine de la compétitivité que dans l’utilisation du numérique, dans l’agro-écologie, dans la génétique, etc.

Ces changements rapides concernent de nombreux acteurs, et en tout premier lieu les agriculteurs, mais aussi les techniciens, les conseillers agricoles, les enseignants formateurs et toutes celles et tous ceux qui ont une activité en relation avec l’agriculture, tant en amont qu’en aval de la production. Pour cela, il est donc nécessaire et vital de faire de l’ensemble de ces acteurs les moteurs du changement. D’où l’impérieuse nécessité de mettre fortement l’accent sur la formation initiale et continue, sans oublier bien entendu la recherche.

Quelles sont vos préconisations dans ce domaine particulier qu’est la formation ?

Mme Marie-Lou Marcel. Je remercie les intervenants pour leur rapport.

Ma première question porte sur l’agro-écologie. Le projet 5 propose de développer les outils de diagnostic sanitaire rapide sur le terrain et sur le contrôle des épizooties, et vous préconisez plusieurs actions à cet effet. Quelles améliorations techniques et scientifiques seraient souhaitables pour une prise en charge plus en amont des épizooties et un meilleur suivi ? Quels pourraient être les moyens de lutte contre les épizooties en évitant les phénomènes d’antibiorésistance ?

Ma deuxième question porte sur le projet 30, et plus particulièrement sur la formation. Vous pointez les faiblesses de la formation continue en agriculture. Selon les études, moins de 4 % des agriculteurs y auraient recours. Vous insistez sur la nécessité de la formation pour faire face aux nouveaux défis de l’agriculture, en termes d’exigences, de nouvelles technologies et de numérique. L’accent doit-il être mis uniquement sur l’agro-écologie ou faut-il l’élargir à d’autres secteurs ? Quelle pourrait être la déclinaison concrète de ces actions de formation ?

M. Dino Cinieri. À mon tour, je tiens à féliciter les intervenants pour cet excellent travail.

Monsieur le président de l’INRA, vous le savez, nous discutons actuellement du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Certains de nos collègues écologistes ont déposé un amendement visant à interdire l’usage des semences de variétés tolérantes aux herbicides (VTH) issues de mutagenèse. Que leur répondez-vous quand ils les accusent de nuire à la biodiversité ?

Il faut savoir que ces variétés sont un moyen de lutter contre l’ambroisie, qui est une véritable catastrophe sanitaire pour les populations fragiles – je pense aux personnes asthmatiques et aux personnes âgées.

M. Jean Grellier. Je remercie nos intervenants de nous avoir présenté ces 30 projets qui donnent de la perspective à une agriculture inquiète pour son avenir.

Le Gouvernement a eu pour ambition de créer 1 000 méthaniseurs agricoles, ambition qui connaît aujourd’hui des difficultés à se mettre en œuvre. Le choix avait été fait sur la spécificité de la ressource, c’est-à-dire essentiellement à partir des effluents d’élevage. Or on s’aperçoit que les concepts industriels qui ont été le plus souvent importés des pays d’Europe du nord ou d’Allemagne ne correspondent pas nécessairement aux rendements attendus de ces méthaniseurs en France et posent des problèmes d’équilibre économique.

Où en est la recherche appliquée sur la méthanisation agricole, quelle que soit la production d’énergie, injection de gaz ou production d’électricité et de chaleur ? Des acteurs industriels sont-ils prêts à mettre en œuvre ces concepts adaptés à nos propres effluents ? Quel échéancier voyez-vous aujourd’hui pour une traduction véritable de cette méthanisation agricole ?

Vous parlez d’innovation numérique, de robotique, d’énergies renouvelables et autres. Comment êtes-vous intégrés dans les plans industriels de la Nouvelle France industrielle ? Participez-vous à leur élaboration et à leur réalisation, et de quelle manière ?

Mme Corinne Erhel. Je remercie nos intervenants pour leurs travaux orientés vers la compétitivité durable.

Le développement de l’agriculture passe, bien sûr, par le numérique, puisque le consommateur veut à la fois de la traçabilité, de la qualité, et le respect de l’environnement. Collecter les données permet d’apporter l’ensemble de ces éléments au consommateur et au producteur.

Les solutions existent également bien évidemment pour les agriculteurs au niveau de l’aide à la décision. Reste à savoir si nous aurons, en France, un écosystème performant. Ne risque-t-il pas d’être entre les mains de géants mondialisés – je pense à une grande firme bien connue qui investit massivement sur ces questions ?

Quel est votre regard sur notre potentiel en matière de numérique par rapport à l’agriculture ? L’accompagnement en capitaux vous paraît-il suffisant ? Quels sont nos atouts en la matière ? Quels points de blocage avez-vous identifiés et sur lesquels il faudrait travailler pour développer ce secteur qui a toute sa place ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Je tiens à saluer le ministre de l’agriculture qui a obtenu hier le droit à l’expérimentation de l’étiquetage des produits transformés, produits issus de la viande et du lait.

Je vous remercie, messieurs, pour la qualité de votre travail et son approche concrète de l’innovation portée par le monde agricole.

Je porte une attention particulière à vos recommandations concernant la bio-économie, sujet auquel les acteurs du monde agricole sont particulièrement sensibles.

Je souhaite appeler votre attention sur le développement de l’algoculture. Le développement d’une filière industrielle autour de l’algue permettra, j’en suis convaincu, d’apporter des réponses à des problématiques concernant l’alimentation animale, le traitement du végétal, et la santé humaine, car les algues sont une source extraordinaire de nutriments et d’ingrédients fonctionnels représentant un apport net en termes de sécurité alimentaire.

Dans le domaine des algues, la France bénéficie d’une expertise scientifique unique reconnue au niveau mondial, en particulier grâce aux travaux du CNRS de Roscoff. Transformer cette expertise scientifique en processus industriel permettrait donc à notre pays de conquérir de nombreux marchés.

Malheureusement, le développement de cette filière industrielle prometteuse est entravé aujourd’hui par la complexité du processus administratif d’autorisation de récolte, avec des empilements d’échelons décisionnaires qui rendent parfois des décisions contradictoires. Quelle est votre vision sur le sujet des biotechnologies marines et quelles sont vos possibles préconisations ?

Mme Sophie Errante. Messieurs, je vous remercie pour le travail que vous avez effectué.

Je voudrais revenir sur le numérique et la robotique, ainsi que sur l’ingénierie financière qui pourrait être mise en œuvre.

Je suis élue de la dixième circonscription de Loire-Atlantique, département qui a été récemment épinglé pour sa consommation de pesticides. Pourtant, c’est aussi le département où l’agriculture biologique arrive en tête. Je rencontre de nombreux agriculteurs, surtout des maraîchers et des viticulteurs qui veulent passer à une autre agriculture, mais qui se heurtent souvent à des freins financiers. Par exemple, le suivi par satellite, pour s’assurer de la bonne santé des parcelles ou détecter des attaques parasitaires, et les tracteurs enjambeurs récupérateurs, pour réduire très fortement les quantités d’intrants sur la vigne, représentent des coûts très importants.

Ma question portera sur les projets 10 et 27. Ne pensez-vous pas que la plateforme et le portail que vous proposez, et qui est une excellente idée, pourraient aussi rejoindre des propositions d’ingénierie financière pour avoir des échanges d’expérimentation ? Comment faire en sorte que la plupart des exploitations, et non une petite partie, puissent se robotiser et se numériser ?

M. Hervé Pellois. J’imagine qu’il y a une étroite relation entre votre excellent rapport et celui réalisé il y a peu sur les stratégies de filière par FranceAgriMer puisqu’ils ont tous deux été commandés par le même ministre.

On estime que 15 000 personnes environ meurent chaque année à cause de la résistance aux antibiotiques. Nous partageons tous l’idée que la pression à produire au moindre coût devrait laisser la place à des conditions correctes de production et à des prix justes. Votre rapport conduira à développer les outils de diagnostic et des tests ultrarapides pour permettre un usage raisonné des antibiotiques. Pouvez-vous nous donner un calendrier de mise en place possible de telles technologies ?

Les agriculteurs sont plus ou moins sensibles à un moindre recours au traitement des végétaux ou des animaux. Les réseaux pilotes, par exemple les fermes DEPHY pour les phytosanitaires, permettent toujours d’accélérer les progrès. Ne faudrait-il pas faire davantage appel à des spécialistes des sciences sociales pour comprendre le comportement et accélérer le progrès attendu par les agriculteurs ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le Gouvernement fait le pari d’investir dans l’avenir et d’accompagner le monde agricole afin qu’il puisse être un moteur et le bénéficiaire des grandes mutations scientifiques et technologiques en cours. Votre travail, dont je tiens à vous féliciter, y contribue et ouvre de nombreuses pistes. L’innovation et la recherche sont effectivement des investissements porteurs de valeurs pour le développement des filières.

Pendant la COP21, les questions agricoles se sont invitées dans le débat. Si l’agriculture est confrontée aux grands enjeux du changement climatique, elle peut aussi être au cœur des solutions pour en limiter la portée et atténuer les effets. Les sols agricoles représentent en effet un fort potentiel de stockage du carbone et constituent un capital vivant sur lequel il faut agir.

Les engagements pris dans le cadre de l’initiative « 4 pour 1 000 » portée par la France, qui se propose d’ailleurs d’accueillir une infrastructure numérique des données mondiales sur le carbone des sols, sont également porteurs d’avenir.

Vous avez évoqué les innovations technologiques sur les outils agricoles et la numérisation de l’agriculture. Si le mouvement est effectivement en marche, pensez-vous que la technologie puisse véritablement aider à sortir de la crise ? Comment accompagner au mieux les agriculteurs dans cette mutation ? Comment faire en sorte qu’ils soient demain les acteurs, alors qu’ils peinent aujourd’hui à survivre ? Comment l’agriculture française trouvera-t-elle sa place dans cette mutation mondiale ?

M. Lionel Tardy. Messieurs, je vous prie de m’excuser de ne pas avoir pu assister à votre exposé. Plusieurs réunions se tiennent en même temps et nous devons courir d’une commission à une autre. Je viens d’assister à une audition intéressante sur le contentieux fiscal entre la France et l’Union européenne – on parle de 10 milliards d’euros.

Il ne faut pas oublier la question du financement des innovations, sinon elles ne pourront pas se développer et se démocratiser. Que pensez-vous de l’efficacité des outils existants et notamment du partenariat européen pour l’innovation (PEI), instrument mobilisant la politique de recherche et la politique agricole commune ? Que pensez-vous du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) ?

La libéralisation des données et de leur exploitation – je pense à celle sur les prix, open data, big data, etc. – pourrait-elle avoir un effet positif sur la crise actuelle ?

M. André Chassaigne. La question du partage de la donnée qui génère de la valeur, autrement dit la question de savoir où est la valeur et qui la capte, est effectivement intéressante. Dans vos discours apparaît assez souvent le mot « compétitivité ». La recherche de la compétitivité ne risque-t-elle pas d’occulter la coopération avec les paysans, qui doit être ancrée sur les territoires ? Je crains que ce mot magique, qui figure dans de nombreux rapports et que l’on agite continuellement, ne desserve finalement la volonté de faire en sorte que la valeur ne soit pas captée uniquement par quelques-uns.

M. Éric Straumann. Je vois que la photo d’un drone illustre la couverture de votre document de presse. Dans mon département, à Guebwiller, les domaines Schlumberger, dont le vignoble est en bio à 90 %, sont situés dans un endroit extrêmement pentu. Jusqu’en 2012, il était possible de traiter par hélicoptère, mais cela ne l’est malheureusement plus aujourd’hui, non parce que l’hélicoptère est interdit mais parce que le fongicide bio utilisé n’a pas l’agrément autorisant son épandage aérien. Cette petite difficulté administrative cause de graves problèmes à cette exploitation.

M. François Houillier. Notre mission, du fait même de son caractère inclusif, a eu un écho plutôt positif. Les gens que nous avons rencontrés, qu’ils soient dans la recherche, le transfert, le développement, l’expérimentation, le monde économique stricto sensu, ont manifesté un intérêt pour y participer. Au-delà des projets que nous avons formulés, nous véhiculons cette idée que l’agriculture est bien un territoire d’innovation et de recherche. Nous-mêmes avons pris plaisir à la mener.

Je voudrais revenir sur un projet que l’INRA a conduit ces dernières années – mais je sais que l’IRSTEA, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et d’autres ont fait la même chose. Il s’agit de savoir quelles sont les trajectoires d’innovation en matière agronomique, du début des recherches jusqu’au marché, à la politique publique, à la ferme, à l’étable, à la culture ou à l’assiette. On peut en tirer quelques enseignements qui font écho à ce que vous avez dit et que l’on retrouve, d’une manière ou d’une autre, dans certaines priorités détaillées dans le rapport.

Premièrement, une période de vingt ans constitue la durée constante. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce n’est pas plus long que ce qui existe dans le domaine du numérique. Entre le début des recherches et la mise sur le marché ou chez le consommateur ou l’agriculteur, il se passe effectivement une vingtaine d’années.

Deuxièmement, aucun établissement de recherche, qu’il s’agisse de l’INRA, de l’IRSTEA ou un autre, ne peut s’attribuer à lui seul une innovation que l’on retrouve dans les fermes ou dans la société. En général, c’est tout un tissu d’acteurs qui y a contribué. Les études de cas que nous avons faites sur des projets qui avaient obtenu de grands succès, certains ayant dégagé quelques milliards d’euros de valeur ajoutée, ont montré que l’INRA n’est jamais seul, qu’il est toujours accompagné par les instituts techniques, qui s’occupent des transferts, les coopératives, les entreprises, et le monde agricole au sens large.

Troisièmement, on peut accélérer cette constante de temps très longue chaque fois que l’on crée, en amont, les conditions partenariales favorables, chaque fois que l’on met en place très tôt des partenariats avec les bons acteurs. Ce fut le cas avec la génétique animale bovine et à certains égards dans le monde des semences végétales ; c’est ce que nous essayons de faire sur le biocontrôle, soit animal, soit végétal. À chaque fois que l’on procède ainsi, on se met en situation d’accélérer le transfert et l’entrée en application pratique.

Enfin, nous avons constaté, avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, que les impacts environnementaux et économiques sont d’autant plus grands que la recherche en amont a été la plus en rupture.

Monsieur André Chassaigne, l’une des questions majeures actuellement dans la viticulture porte sur l’usage de fongicides, notamment sur toute une série de maladies comme le mildiou et l’oïdium. Il y a une quarantaine d’années, un de nos collègues, Alain Bouquet, malheureusement décédé, a lancé un programme d’amélioration classique pour explorer la biodiversité dans des vignes sauvages d’origine centre-américaine, dans une large mesure mexicaine. Il a ainsi identifié des vignes, en l’occurrence la muscadine, naturellement résistantes au mildiou et à l’oïdium. Il a réussi à introgresser ces gènes par des méthodes de croisement classiques. On obtient aujourd’hui des variétés capables de produire du raisin présentant une bonne qualité gustative et parallèlement résistantes au mildiou et à l’oïdium : on peut donc produire du vin de qualité et réduire l’usage des fongicides.

La question est de savoir quelle est la durabilité des résistances conférées. Si cette durabilité est grande parce que la diversité des gènes qui ont été introduits est telle que les champignons auront de la peine à contourner la résistance, alors nous avons intérêt à déployer ces variétés. Mais si nous les diffusons et que le mildiou et l’oïdium parviennent à contourner la résistance, nous aurons perdu définitivement une capacité de résistance. C’est la raison pour laquelle nous continuons les expérimentations sur ces variétés développées par M. Alain Bouquet et nous développons d’autres variétés qui portent plusieurs gènes de résistance.

Nous sommes interpellés par le comportement d’un certain nombre d’autres obtenteurs d’origine étrangère, par exemple italiens, qui sont en train de déployer des matériels dont on ne sait pas très bien quelles seront les sources de résistance. La question que vous posez est donc tout à fait pertinente. Nous en avons discuté, la semaine dernière encore, avec le président du Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine (CNIV) pour essayer de voir quelle trajectoire permettrait une expérimentation responsable, où le risque de contournement serait maîtrisé. On le fait avec des technologies classiques – c’est de la génétique classique – que l’on peut accélérer très sensiblement par de la génomique. Sur ce sujet, il faut trouver un compromis pour aboutir à une innovation durable, afin d’éviter tout risque de contournement.

Un de nos projets porte sur le soutien à l’initiative « 4 pour 1 000 », c’est-à-dire le stockage du carbone dans les sols, pour améliorer leur fertilité, la sécurité alimentaire, lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, et s’adapter au changement climatique car, dans la majorité des cas, les sols enrichis en matière organique ont une bonne capacité de rétention en eau, ce qui permet de lutter contre l’érosion, etc. Là aussi, il faudra travailler avec le monde agricole pour qualifier les bonnes pratiques, les répertorier, les extrapoler. Sur ce point, les ministres nous ont assurés de leur soutien, tant en ce qui concerne la recherche que l’élaboration d’un grand programme international.

M. Jean-Marc Bournigal. Monsieur Dominique Potier et monsieur André Chassaigne nous ont interrogés sur les territoires. Il nous paraît évident que certains sujets ne peuvent plus être traités à l’échelle de l’exploitation mais des territoires. C’est le cas de l’eau, de la biodiversité et de la notion de pollution diffuse qui vont nécessiter une innovation organisationnelle au niveau des acteurs. Les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) en sont une émanation ; on verra s’ils répondent à nos attentes. Pour être capable de maîtriser ces phénomènes, il faudra des entrées territoriales beaucoup plus fortes. Le numérique aura une incidence non négligeable en la matière.

Madame Laure de La Raudière et monsieur  Hervé Pellois nous ont questionnés sur l’accélération du transfert d’innovations. Les living labs, ou laboratoires du vivant, sont assez nouveaux pour nous. C’est quelque chose qui vise à identifier un certain nombre d’innovations que l’on veut porter sur un territoire. Il peut s’agir d’innovations technologiques, mais aussi organisationnelles qui peuvent intégrer l’économie circulaire notamment dans les notions de bio-économie. On prend en compte les acteurs directs que sont les agriculteurs, et les acteurs indirects que sont les collectivités et leurs habitants. L’idée est de tester les innovations, une innovation n’étant intéressante que si elle a un impact sur le marché et si les acteurs se l’approprient. On pourra accélérer les transferts d’innovations parce qu’on les testera en direct chez les acteurs. Mais il faut accompagner l’innovation par les sciences humaines et sociales pour en déterminer les conditions de sa diffusion et son acceptabilité sociale. On s’est aperçu en effet que le progrès ne se décrétait pas comme cela : si l’on néglige la partie « acceptation, diffusion, explication », on n’y arrivera pas. C’est ce que sous-tend cette notion de living labs qui va beaucoup plus loin que l’expérimentation.

Mme  Marie-Lou Marcel et monsieur Jean-Claude Mathis, la formation est effectivement extrêmement importante. Nous n’avons pas insisté sur l’agro-écologie, car, à la suite du rapport de Marion Guillou sur ce sujet qui était étudié par l’INRA, un travail important a été réalisé par l’enseignement agricole pour intégrer les grands principes de l’agro-écologie, au moins dans sa dimension variété culturale et variété des itinéraires. Ce qui nous a paru important, c’est le déferlement du numérique sur lequel il faut porter beaucoup d’attention, aussi bien au niveau de la formation dans les lycées agricoles que dans le domaine de la formation supérieure. Il faut aussi être capable d’accompagner le conseil agricole tant au niveau des coopératives que des chambres d’agriculture, parce que le conseil va considérablement évoluer, les outils d’aide à la décision devenant extrêmement complexes. On ne pourra plus simplement venir faire du conseil sur une parcelle ; il faudra être capable de conseiller les organismes sur les meilleurs outils d’accompagnement à la décision adaptés à leur spécificité et, c’est assez nouveau, avoir une capacité de critique dans le système. La formation continue est essentielle. Beaucoup d’agriculteurs s’y sont déjà engagés, mais cela reste encore assez marginal dans la profession. Nous recommandons donc un plan général qui englobe tous ces éléments.

Nous nous sommes également aperçus que la sélection génétique et l’adaptation des cultures ou des animaux aux changements climatiques n’étaient pas encore très bien appréhendées, en tout cas le nombre de conseillers est insuffisant en la matière. Toutefois, le délai qui nous était imparti pour rédiger notre rapport ne nous a pas permis d’entrer dans le détail. Nous avons donc sollicité une réflexion ultérieure qui a déjà été lancée au niveau de la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture, de même qu’a été engagée une réflexion sur les futurs métiers de l’agriculture au sens large du terme, en essayant de se projeter sur une réflexion prospective qui associe la totalité des acteurs du monde agricole, de la recherche et de l’enseignement, et qui devrait déboucher à la fin de l’année.

Madame Laure de la Raudière et monsieur Éric Straumann nous ont demandé s’il existait des freins. Bien évidemment, et on l’a bien vu avec les OGM. S’agissant du levier génétique, de nouvelles technologies sont disponibles, mais on ne sait pas exactement dans quelle case les mettre de façon réglementaire. Ne pas savoir comment on doit les traiter ne rend pas l’exercice très simple. Parfois, la science avance plus vite que la réglementation, ce qui crée des difficultés : c’est pour cette raison que nous avons émis une recommandation sur la robotique en milieu naturel. Nous préconisons donc de développer la technologie et, de façon concomitante, de travailler à l’élaboration des normes.

Pour ce qui est du cas des drones, la France a l’avantage d’avoir une réglementation, ce qui n’est pas le cas dans le reste du monde. Cela a un effet très positif en ce que cela permet de faire émerger un secteur d’activité qui, pour le moment, est assez prospère. Des sociétés se développent, des services se mettent en place. Mais les drones ne sont que des capteurs parmi d’autres : il y en a au sol, sur les tracteurs, et on peut utiliser des images satellitaires. Leur intérêt économique reste à déterminer. Pour le moment, on n’a pas de retour sur investissement. Mais je pense que le marché permettra de tirer quelques conséquences.

La réglementation européenne interdit les traitements aériens des cultures par principe, sauf dérogation particulière. Là où les traitements aériens ne sont plus possibles, il faut trouver des solutions alternatives au sol. À l’heure actuelle, les drones sont considérés comme des aéronefs et relèvent donc du traitement aérien. Mais leur sort est toujours en discussion parce que certains pays font déjà du traitement par drone. Les Japonais, par exemple, utilisent des drones pour traiter la culture du riz, car ils sont plus précis que les hélicoptères. Mais pour l’instant, les drones ne font pas l’objet d’autorisations réglementaires spécifiques dans notre pays.

M. Philippe Lecouvey. Nous proposons, dans la fiche innovation économique, de préparer la PAC 2020 avec des systèmes incitatifs et non pas en nous appuyant uniquement sur les réglementations. Mais ce ne sont que des pistes qui méritent d’être approfondies.

Madame Laure de la Raudière nous demande quelle sera la paysannerie demain ? Nous avons mentionné dans notre rapport qu’il fallait une vision. Faire de l’innovation, c’est bien, mais encore faut-il savoir pour quelle agriculture. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous sommes allés voir ce qui se passe dans un certain nombre de pays. Comme le temps qui nous était imparti était trop court, nous n’avons pas pu mener convenablement nos investigations ni avoir des données fondamentales. Mais nous avons constaté que la plupart des pays ont un axe dans lequel l’État est partie prenante de la vision.

La paysannerie de demain ne s’imagine pas sans une diversité d’agricultures : mais nous sommes capables de relever ce challenge. Cela étant, le mot compétitivité est directement lié à l’idée de compétition ; nos divers modes d’agriculture n’ont pas tous vocation à produire pour l’export, mais certaines grandes productions viticoles ou céréalières peuvent se confronter au marché mondial. À l’inverse, il existe dans nos territoires des gisements à trouver en termes de valeur ajoutée sur les produits, les services et les aménités. D’où la nécessité d’une démarche assez globale ; c’est en tout cas la vision, plutôt technique et scientifique, que nous portons sur notre agriculture de façon à ce qu’elle réponde à l’ambition que nous nous fixons – à commencer par celle de faire cheminer les acteurs ensemble, ce ne serait déjà pas mal !

Quand on analyse le dispositif qui entoure le monde agricole, on se rend compte que cela fait beaucoup de monde. Aussi serait-il bon que les gens travaillent ensemble. Nous y répondons lorsque nous disons que les 30 projets sont indissociables pour former un tout. Cette ambition doit aider à donner un cap et faire en sorte que la technique serve sur une orientation politique, au sens professionnel du terme.

Monsieur Frédéric Roig a posé une question sur l’agro-écologie et le changement climatique. Nous y répondons par des analyses multicritères. J’oserai même dire qu’un travail a été fait par anticipation puisque l’outil agro-écologique et d’autodiagnostic a été porté par le ministre. Cet outil, qui est en cours de vulgarisation, permet à chacun de mesurer ses capacités. Nous proposons dans le rapport d’aller au-delà en prévoyant des indicateurs multicritères capables d’orienter en fonction des choix qui seront arrêtés.

Madame Marie-Lou Marcel, le contrôle des épizooties dépasse un peu le cadre de notre mission. Laissons à la direction générale et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) le soin d’anticiper dans ce domaine. Le financement des outils de diagnostic sanitaire rapide est prévu en 2016 sur le CASDAR, de façon à apporter des réponses extrêmement rapides, tant au plan animal que végétal.

Monsieur Hervé Pellois nous demande où nous en sommes par rapport à la stratégie prônée par FranceAgriMer. Nous n’avons pas cherché à réinventer la poudre et nous nous sommes appuyés sur tous les rapports déjà réalisés par ailleurs – nous les mentionnons presque systématiquement –, et notamment l’étude de FranceAgriMer. Comme vous l’avez dit, 15 000 personnes environ meurent chaque année à cause de la résistance aux antibiotiques. La part des prémélanges médicamenteux directement incorporés à l’alimentation des porcs est passée de 64 % des consommations d’antibiotiques en 2009 à 42 % en 2011 ; le programme Écoantibio 2017 prévoit de réduire la consommation d’antibiotiques de 25 % en cinq ans et donne déjà d’excellents résultats. Connaissant un peu plus le monde animal, je sais qu’en Bretagne beaucoup d’élevages n’ont pas recours aux antibiotiques. Pour autant, ces porcs « blancs » n’ont pas trouvé davantage de consommateurs que les autres – c’est même le contraire… Même si ce plan est en voie d’aboutir, il ne faut pas s’en satisfaire. Il est indispensable en effet de mettre l’accent sur le biocontrôle animal, car le biocontrôle ne concerne pas uniquement le monde végétal. Il faut se préparer à d’autres crises sanitaires, car on ne sait jamais ce qui peut se produire.

Monsieur Jean Grellier nous interroge sur les méthaniseurs. On ne peut pas dire que ce soit un succès puisque l’on ne parvient pas à en installer. On essaie d’en connaître les raisons ; mais notre mission ne s’y attache pas, dans la mesure où nous considérons que tous les ingrédients étaient réunis pour que cela fonctionne. Il semble que les projets soient difficiles à monter en raison de problèmes de financement et de rentabilité. Autrement dit, on tourne un peu en rond. Le plus important dans la méthanisation, surtout à partir des effluents d’élevage porcins ou autres, indépendamment du fumier, c’est le substrat. Des études ont été menées avec de grands groupes comme Veolia et Engie, pour apporter des déchets d’usine. Mais on peine à rentabiliser ces projets. Et comme l’on n’atténue pas les rejets d’azote, il faut continuer à pouvoir épandre ; ce n’est pas si simple. C’est un problème assez complexe qu’il faut aborder dans son ensemble, de façon très systémique.

La notion bio-économique est un axe nouveau. Sa définition n’est pas encore tout à fait stabilisée dans les différents pays. Cette dimension est devenue un axe dans nos instituts, qui ont vocation à y répondre. Je rappelle souvent que 73 % de la biomasse végétale est consommée par le monde animal. D’où, la encore, la nécessité d’approches « système », ce qui conforte tout ce qui a été dit en introduction.

Monsieur Lionel Tardy, le PEI peine à se mettre en place. Son fonctionnement n’est pas encore opérationnel. Il est peut-être un peu particulier en France. L’Allemagne, par exemple, est plus en avance que nous. Quant à la stratégie de spécialisation intelligente (S3), elle démarre cette année.

Le CASDAR, c’est l’interface entre les politiques publiques et les filières, autrement dit le croisement des filières et des territoires. Il nous permet de répondre à des problématiques agro-écologiques. Il associe directement les opérateurs de terrain que sont la recherche appliquée et le développement.

M. François Houillier. Monsieur Dominique Potier, nous ne proposons pas un projet spécifique dédié aux mélanges variétaux. Toutefois, nous mentionnons dans notre rapport tout l’intérêt qu’il y a à développer des variétés pour toutes les espèces – les protéagineux par exemple – et pas simplement pour les grandes espèces, maïs, blé, colza, si l’on veut que l’agriculture soit un peu plus diversifiée.

Je veux revenir un instant sur la dimension territoriale. Les living labs, qui sont des laboratoires territoriaux de l’innovation, doivent pouvoir associer l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des acteurs du monde agricole, de la R & D et de la société civile. Il faut prévoir des dispositifs qui permettent d’inventer de nouvelles manières de travailler dans les territoires.

L’INRA dispose de 49 unités expérimentales qui sont bien positionnées dans leurs territoires respectifs. Il est parfois difficile, dans la période budgétaire délicate que nous connaissons, de bien faire fonctionner ces unités dont certaines peuvent être isolées. Nous avons une unité au cœur des monts d’Arrée, qui fait de la pisciculture durable, et une autre, à côté de Gruissan, dédiée à la vigne. Celle-ci n’est pas dans un centre académique universitaire, mais cela ne l’empêche pas de faire des choses de très grande qualité.

M. André Chassaigne. Aucune n’est supprimée ?

M. François Houillier. À ce stade, non ! Cela étant, tout dépendra des moyens dont nous disposerons…

Je me rends demain à Poligny pour inaugurer une installation. J’y rencontrerai le président de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) car notre unité de recherche travaille sur le comté et les questions de l’affinement fromager. La dimension territoriale est importante.

La semaine dernière, nous avons publié un communiqué de presse sur les produits issus des algues. Contrairement à d’autres établissements comme le CNRS ou l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), l’INRA n’est pas spécialisé dans les algues mais il a observé que des molécules dérivées des algues pouvaient être utiles en nutrition animale, par exemple, pour avoir des animaux plus robustes. On rejoint là la question évoquée à l’instant par M. Philippe Lecouvey sur l’avantage ou l’évitement de l’utilisation d’un certain nombre d’anti-infectieux.

S’agissant du diagnostic rapide, nous avons la capacité aujourd’hui d’installer des capteurs qui permettent de diagnostiquer la présence de tel ravageur, champignon, bioagresseur, tant du côté animal que végétal, et de créer de grandes bases de données qui permettent une identification rapide, en utilisant les codes-barres, en quelque sorte, du vivant. Il s’agit donc là de l’alerte tout en amont de la lutte ; c’est un champ d’action tout à fait passionnant, et dans lequel la France est bien positionnée.

On nous a demandés s’il était bon d’avoir ou non une règlementation. Bon nombre des acteurs que nous avons rencontrés nous ont dit qu’il était préférable d’avoir une règle plutôt qu’une règle incertaine ou dont on ne saurait pas quand elle serait fixée… Cela rejoint la question des nouvelles biotechnologies que l’on ne sait pas encore comment qualifier et dont on ne sait pas quelle sera leur traçabilité. Elles pourront sans doute être utiles sur certaines caractéristiques comme la tolérance à la sécheresse, l’usage de l’azote par la plante, la résistance à certaines maladies, que ce soit du côté végétal ou animal, y compris dans une perspective principale de durabilité. Il s’agit de savoir quelle réglementation sera définie. Être dans une situation de « non-droit » par non-définition des règles n’est pas nécessairement négatif pour la recherche publique que nous incarnons, mais c’est clairement un verrou pour ceux qui voudraient investir, car ils ne savent pas si leur investissement trouvera un débouché naturel sur le marché.

Nous avons fait une cartographie des financements disponibles pour la R & D, l’expérimentation, le transfert et l’innovation dans le domaine de l’agriculture. Nous avons constaté qu’il y a beaucoup de canaux. Vous savez peut-être que M. Thierry Mandon a missionné Mme Suzanne Berger, professeur au Massachusetts Institute of technology (MIT), sur les systèmes d’innovation et de transfert en France. Elle a insisté sur le fait que l’abondance de guichets ou la complexité et l’instabilité des systèmes n’étaient pas forcément des facteurs favorables. Une des vertus de l’Amérique du nord est d’avoir des systèmes relativement stables, et du coup prévisibles pour l’ensemble des acteurs.

Nous avons dressé la liste des 41 guichets de financement qui existent pour ces 30 projets. S’il est intéressant que ces financements existent, leur grand nombre crée une forme de complexité. Enfin, j’appelle votre attention sur le fait qu’il est important de disposer des financements spécifiquement consacrés à l’agriculture.

La question a été posée du financement de l’activité agricole. Quand l’INRA a participé à la rédaction du rapport « Concilier la performance écologique et environnementale », nous nous sommes rendu compte qu’on se heurtait à deux verrous : premièrement, en ce qui concerne le travail, le niveau de formation et la pénibilité d’un certain nombre d’activités agricoles, deuxièmement, l’investissement et l’endettement qui y est associé. L’INRA réfléchit avec des spécialistes de la finance à chercher un moyen de mobiliser des crédits privés pour essayer de stimuler cet investissement. Mais pour l’heure, nous en sommes encore au stade des recherches.

Mme la présidente Frédérique Massat. Messieurs, nous vous remercions. Nous allons suivre ce dossier de près. Nous serons certainement amenés à faire le point avec vous pour voir quelle est l’avancée de ce plan « Agriculture – innovation 2025 ».

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La commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Jeanine Dubié, la proposition de résolution de M. Olivier Falorni tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous abordons l’examen de la proposition de résolution de M. Olivier Falorni tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Le président du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), M. Roger-Gérard Schwartzenberg, a indiqué, lors de la conférence des présidents du 8 mars dernier, qu’il ferait usage pour cette proposition du « droit de tirage » que l’article 141, alinéa 2, de notre Règlement reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire. Ce droit de tirage sera exercé lors de la prochaine conférence des présidents, mardi 22 mars, ce qui impose à notre commission de se prononcer très rapidement.

Je vous rappelle que le champ d’intervention de la commission compétente chargée d’examiner une proposition de résolution faisant l’objet d’un droit de tirage est très limité. La commission ne peut que vérifier si les conditions juridiques requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. En revanche, elle ne peut pas se prononcer sur son opportunité et aucun amendement n’est recevable.

Je précise enfin que si les conditions requises sont effectivement considérées comme réunies par notre commission, la conférence des présidents se bornera à prendre acte de la création de la commission d’enquête. Il n’y aura pas de vote par l’Assemblée en séance publique.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Le 24 février 2016, notre collègue Olivier Falorni déposait une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

En application de l’article 140 du Règlement de l’Assemblée nationale, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont renvoyées à la commission permanente compétente. Il appartient donc à la commission des affaires économiques de se prononcer sur cette proposition.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe RRDP, a choisi d’utiliser le pouvoir confié à certains présidents de groupe par l’article 141 de notre Règlement, qui prévoit que chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête. Dans le cadre de ce droit de tirage, la commission compétente doit uniquement vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies, sans se prononcer sur l’opportunité de la commission d’enquête. Aucun amendement au texte de la proposition de résolution n’est recevable.

Par la suite, si les conditions requises pour cette création apparaissent réunies, la conférence des présidents devra prendre acte de la création de la commission d’enquête.

Notre discussion vise donc à déterminer si cette proposition est recevable,
c’est-à-dire si la commission d’enquête qui serait créée à la suite de l’adoption de cette proposition répond aux conditions juridiques encadrant la création des commissions d’enquête.

Ces conditions sont au nombre de trois.

Tout d’abord, l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. Cette condition est réitérée à l’article 137 du Règlement de notre assemblée, qui prévoit que les commissions d’enquête doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion.

Dans le cas présent, la proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, afin d’établir un état des lieux précis de la situation et de procéder à l’analyse de l’efficacité des moyens de contrôle des règles sanitaires et des conditions de mises à mort. Elle définit donc précisément les faits sur lesquels la commission d’enquête porterait.

Ensuite, l’article 138 du Règlement prévoit l’irrecevabilité de toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre. En l’occurrence, aucune commission d’enquête ni aucune mission d’information n’ont été créées sur ce sujet au cours des années récentes.

Enfin, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précitée dispose qu’il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

L’application de cette disposition est précisée de la manière suivante par l’article 139 de notre Règlement : « Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice. Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. »

Interrogé par le Président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir que plusieurs procédures étaient en cours sur le thème envisagé par la proposition de résolution.

Deux plaintes ont été déposées par l’association L. 214 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Alès. La première, déposée en octobre 2015, met en cause le fonctionnement des abattoirs municipaux d’Alès, des chefs d’actes de cruauté, de mauvais traitements à animaux et d’infractions à la réglementation sur l’abattage ; la seconde, déposée au mois de février 2016, concerne les abattoirs du Vigan.

De plus, par réquisitoire introductif du 27 juin 2013, une information judiciaire a été ouverte au pôle santé publique de Marseille, des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal, suppression, modification ou altération d’un élément d’identification de marchandises et échanges intracommunautaires d’animaux vivants, de leurs produits ou sous-produits ou d’aliments pour animaux non conformes aux conditions sanitaires ou de protection.

Enfin, une information judiciaire est en cours au pôle santé publique de Marseille depuis le 13 janvier 2014, concernant la commercialisation de chevaux en provenance des abattoirs de Narbonne. Le juge d’instruction est saisi des chefs suivants : falsification de documents, tromperie, modification d’éléments d’identification, escroquerie en bande organisée et abus de confiance.

Le garde des sceaux indique laisser à la commission « le soin d’apprécier si l’existence de ces procédures est de nature à faire obstacle à la création de la commission d’enquête envisagée ». J’estime que ces procédures ne font pas obstacle à la création de cette commission d’enquête, pour autant que celle-ci s’abstienne, tout au long de ses travaux, de faire porter ses investigations sur des faits qui font déjà l’objet de procédures judiciaires.

Sous cette réserve, les trois conditions présidant à la création d’une commission d’enquête sont réunies. Je vous inviterai donc, mes chers collègues, à constater la recevabilité de cette proposition de résolution.

M. Éric Straumann. Nous avons tous vu ces images qui montrent un traitement tout à fait inacceptable des animaux.

Pour ma part, j’habite dans une région frontalière. Mon département gère lui-même un abattoir car il n’y a plus d’abattoir privé. La commission des affaires économiques pourrait étendre le champ de la commission d’enquête aux prix pratiqués dans ces abattoirs afin de regarder ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, en Allemagne ou en Espagne. Nous verrons comment les prix s’y forment et quelles y sont les conditions d’abattage, dans un marché particulièrement concurrentiel.

Sur le principe, je suis favorable à la création de cette commission d’enquête, même si je considère que les pratiques dénoncées ici restent isolées. Cela dit, la transparence est nécessaire dans ce domaine en ce qui concerne le prix et les conditions d’abattage.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mon cher collègue, je vous rappelle que nous n’avons pas à nous prononcer sur le fond.

M. Éric Straumann. Certes, mais je souhaiterais que ces sujets soient abordés si la commission d’enquête est créée.

Mme la présidente Frédérique Massat. Il appartiendra à la commission d’enquête de décider la manière dont elle souhaite travailler. Pour l’heure, notre commission ne peut que vérifier si les conditions juridiques requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies, et nous n’avons pas la possibilité d’en modifier le format.

Cela dit, j’ai bien compris que vous n’étiez pas opposé à la création de cette commission d’enquête.

M. Jean-Claude Mathis. Je pourrais difficilement m’opposer à la création de cette commission d’enquête puisqu’une quarantaine de députés du groupe Les Républicains ont déposé, à l’initiative du député Philippe Vitel, une proposition de résolution similaire tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

Toutefois, comment se fait-il que les règles prévues par l’arsenal juridique concernant les abattoirs, pourtant suffisamment précises, ne sont pas appliquées ?

Mme Laure de la Raudière. Si chacun reconnaît que les faits révélés par les médias sont proprement épouvantables, il me paraît regrettable de créer une commission d’enquête à partir d’un fait divers. Au vu de tous les outils juridiques qui existent, le Gouvernement avait sans doute la possibilité d’effectuer les contrôles nécessaires dans tous les abattoirs de France.

En proposant la création d’une commission d’enquête, je crains que le Parlement ne jette le discrédit sur cette filière qui connaît déjà de grandes difficultés.

M. Lionel Tardy. Pour ma part, j’avais cosigné, avec une trentaine de députés de l’opposition, la proposition de résolution que notre collègue Philippe Vitel avait déposée sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Je ne puis donc qu’y être favorable, même si le problème aurait pu être traité plus tôt.

Je reste persuadé que les pratiques qui ont été révélées ne sont le fait que d’une minorité d’abattoirs. J’espère que la commission d’enquête saura le montrer, et surtout qu’elle fera cesser les dérives observées. Au-delà des images, je crois que l’agriculture française, compétitive et dynamique, est tout à fait compatible avec des pratiques respectueuses des animaux.

M. Frédéric Roig. Je me suis occupé pendant vingt ans de la filière viande dans le département de l’Hérault, et plus particulièrement d’un abattoir de proximité, un de ces petits équipements qui ne traitent pas plus de 5 000 tonnes. Il ne faut pas stigmatiser cette filière en se basant sur le triste et catastrophique exemple du Vigan qui a été relayé sur les réseaux sociaux.

La semaine dernière, j’ai visité, avec mon collègue Kléber Mesquida, l’unique abattoir de l’Hérault. Nous étions accompagnés par le sous-préfet. Nous avons pu vérifier que les services vétérinaires et ceux de l’agence régionale de santé (ARS) étaient régulièrement présents, y compris pendant les périodes de tue. Cela fait plusieurs années que le bien-être des animaux à l’arrivée dans les abattoirs et avant la tue est pris en considération. Le président du syndicat mixte qui gère l’abattoir et le directeur de l’abattoir, que nous avons rencontrés, souhaitent trouver le moyen d’informer la population sur le travail qui y est effectué. Il faut être conscient qu’ils ne peuvent pas être tenus systématiquement responsables d’actes ou de comportements isolés – ce qui a probablement été le cas à l’abattoir du Vigan.

Les éleveurs, en amont, comme les bouchers et les entreprises de transformation, en aval, aimeraient que cet aspect soit appréhendé. L’abattoir est le lieu où l’on garantit la traçabilité des animaux et leur sécurité sanitaire. C’est grâce à cela que l’on évite les dérives. Quand on ferme les abattoirs, on voit bien ce qui peut se passer, à commencer par les trafics de viande foraine. Je souhaite que cet aspect soit mis en avant. S’il est difficile de communiquer sur ce que l’on fait dans un abattoir, il est possible de parler de la traçabilité. Le savoir-faire des professionnels et les conditions dans lesquelles les métiers de l’abattage sont exercés doivent être pris en considération afin de lever le doute sur cette filière.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, je sais que l’on a toujours envie de parler du fond, mais pour l’heure, il s’agit de nous prononcer sur la forme.

Je rappelle que tous les groupes minoritaires ou d’opposition peuvent exercer un droit de tirage sur les commissions d’enquête, quel que soit le sujet. Et, comme je vois que ce sujet vous intéresse tous, je précise qu’il y aura un appel à candidatures auprès de tous les groupes pour faire partie de la commission d’enquête. Je vous invite donc à vous y inscrire.

Mme la rapporteure. Je vous remercie, mes chers collègues, de l’intérêt que vous portez à ce sujet, comme le montrent vos interventions.

Ainsi que vient de le rappeler Mme la présidente, les textes prévoient que tout groupe minoritaire ou d’opposition bénéficie d’un droit de tirage. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste en a fait usage en proposant la création d’une commission d’enquête.

Une fois que cette proposition de résolution aura été soumise à la conférence des présidents, un appel à candidatures sera lancé. Vous aurez donc l’occasion de faire entendre vos arguments sur le fond.

Je vous invite donc à constater la recevabilité de la présente proposition de résolution.

Se prononçant en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, la commission constate que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d’enquête demandée par le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (n° 3523).

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Informations relatives à la commission

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 mars 2016 à 16 h 30

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Pascale Got,
M. Jean Grellier, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Excusés. – Mme Brigitte Allain, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Le Ray