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Commission des affaires économiques

Mercredi 23 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 62

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de M. Pascal Perrochon, responsable des affaires internationales de l’Union des industries chimiques (UIC) sur les conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’industrie chimique

La commission a auditionné M. Pascal Perrochon, responsable des affaires internationales de l’Union des industries chimiques (UIC) sur les conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’industrie chimique.

Mme la présidente Frédérique Massat. Chers collègues, nous accueillons ce matin M. Pascal Perrochon, responsable des affaires internationales de l’Union des industries chimiques (UIC) sur les conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’industrie chimique.

Nous vous remercions, Monsieur Perrochon, d’avoir répondu à notre invitation. La commission des affaires économiques est, avec la commission des affaires européennes, investies sur ce sujet puisque le Parlement pourrait être amené à ratifier ce traité. Nous avons, à ce titre, auditionné à plusieurs reprises M. Matthias Fekl, secrétaire d’État, chargé du commerce extérieur, qui suit ce dossier. Nous participons également au comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, mis en place par le Quai d’Orsay. Enfin, nous auditionnons très régulièrement les acteurs et les élus en charge de ces dossiers.

Aujourd’hui, nous nous intéressons plus particulièrement aux industries chimiques. C’est à ce titre que nous vous avons invité. Nous souhaitons connaître votre approche sur ces négociations, compte tenu du positionnement de l’industrie chimique dans notre pays, à savoir connaître les avantages que pourrait apporter cet accord, mais également vos inquiétudes et vos réticences : je pense aux discussions sur certaines réglementations, liées notamment à l’environnement, comme le règlement européen REACH, mais également aux possibles dérives d’un organe de règlement des différends entre États et investisseurs, ainsi qu’au problème de l’écart de compétitivité lié au coût de l’énergie.

Avant de vous laisser la parole, monsieur Perrochon, je citerai quelques chiffres.

Au niveau européen, les exportations de produits chimiques vers les États-Unis s’élèvent à 26 milliards d’euros et ont permis de dégager un excédent commercial de 5,2 milliards d’euros en 2014.

Au niveau français, les États-Unis sont les premiers destinataires, hors Union européenne (UE), des produits chimiques fabriqués en France, pour un montant de près de 3,3 milliards d’euros en 2015. La France, quant à elle, a importé près de 4,7 milliards d’euros de produits américains.

Je vous laisse le soin, monsieur Perrochon, de faire le bilan de l’industrie chimique en France.

M. Pascal Perrochon, responsable des affaires internationales de l’UIC. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de donner la possibilité à notre secteur industriel de vous présenter son point de vue sur les négociations transatlantiques et d’échanger avec vous sur ce sujet.

Je devais avoir à mes côtés M. Yves Lenain, qui est le responsable énergie et changement climatique de l’UIC. Mais, étant hier à Bruxelles, il n’a pu, en raison des événements tragiques qui s’y sont déroulés, rentrer à Paris. J’essaierai de répondre au mieux sur le volet concernant l’énergie et les matières premières, qui nous tient à cœur dans le cadre des négociations transatlantiques.

L’UIC est une union de syndicats, qui fédère un certain nombre de producteurs industriels de la chimie en France. Notre organisation compte environ 1 300 membres, dont 94 % sont des PME et des ETI. Le tissu industriel de la chimie en France est fait principalement de PME et d’ETI.

C’est un secteur fortement exportateur. Le chiffre d’affaires de notre secteur pour 2015 est de l’ordre de 75 milliards d’euros, dont 74 % – 55,6 milliards d’euros – réalisés à l’exportation. Certes, il faut relativiser, les deux tiers de notre chiffre d’affaires à l’export étant réalisés avec des pays voisins, membres de l’Union européenne, le dernier tiers seulement étant hors UE. Cela étant, la chimie est le deuxième secteur manufacturier exportateur en France, après l’aéronautique. Nous avons dégagé, en 2015, un excédent commercial de 7,3 milliards d’euros.

Par contre, la France représente seulement 2,4 % de la production de la chimie mondiale – le premier producteur étant la Chine. Nous sommes le sixième producteur mondial et le deuxième européen, après l’Allemagne, dont le chiffre d’affaires est le double du nôtre, l’Allemagne étant le premier client et le premier fournisseur de la chimie en France.

En ce qui concerne les emplois, la branche chimie, en France, représente 200 000 emplois directs et 600 000 emplois indirects.

J’en viens au TTIP et aux négociations transatlantiques.

Les États-Unis sont le premier pays client de la chimie française hors Union européenne. En 2015, nous avons exporté aux États-Unis 3,3 milliards d’euros de produits chimiques. Le premier secteur de la chimie exportateur vers les États-Unis est celui des savons, parfums et produits d’entretien, qui représente à peu près un tiers de nos exportations aux États-Unis. De notre côté, nous importons 4,7 milliards d’euros de produits américains. Ce déficit de 1,4 milliard d’euros est dû, notamment, à l’importation massive de produits pharmaceutiques de base venant des États-Unis. Si l’on ne tient pas compte de cette importation, les échanges sont à peu près équilibrés.

On observe, déjà en 2015, hors contexte TTIP, sans accord commercial avec les États-Unis, une augmentation forte de nos exportations vers ce pays, soit 12 % de plus en valeur qu’en 2014. Ces chiffres favorables sont dus notamment à la dépréciation de l’euro, ainsi qu’à une conjoncture économique américaine mieux orientée ; s’y ajoute l’effet, non négligeable, de la baisse du coût du pétrole. Reste que le coût de l’énergie est nettement moins élevé aux États-Unis qu’en France, ou plus généralement en Europe.

En ce qui concerne les différents volets de la négociation transatlantique, si je devais résumer en deux mots la position de l’industrie chimique française, ce serait par un « Oui, mais… ». Oui, nous sommes favorables à ces négociations, car nous avons des opportunités aux États-Unis : le marché américain est déjà très présent pour nous puisque c’est notre premier marché hors UE. Mais il y a un certain nombre de lignes rouges, autrement dit de points dont nous ne souhaitons pas qu’ils soient négociés dans le cadre du TTIP ou sur lesquels nous émettons des réserves.

Je vais commencer par l’offre tarifaire et tout ce qui est problématique au niveau des droits de douane.

L’Union européenne et les États-Unis ont signé, dans le domaine de la chimie, un accord sectoriel dit CTHA (Chemical Tariff Harmonization Agreement), qui plafonne à 6,5 % les droits de douane pour les échanges de produits chimiques. Aujourd’hui, 80 % des échanges mondiaux de produits chimiques sont concernés par cet accord sectoriel, ce qui veut dire qu’il y a déjà, dans la chimie, non pas des pics tarifaires, mais des plafonds, au niveau des droits de douane.

Il n’empêche que la moyenne des droits de douane est de l’ordre de 3 % de part et d’autre en ce qui concerne les échanges entre les États-Unis et l’Europe. Sans aller jusqu’à dire qu’ils s’annulent, puisqu’il y a des variations selon les secteurs, cela engendre un certain nombre de contraintes pour les entreprises exportatrices, les gains n’étant pas forcément intéressants, tant pour l’Union européenne que pour les États-Unis.

Oui, nous sommes favorables à un démantèlement tarifaire des échanges dès lors que l’accord entrera en vigueur, avec une réserve sur une quarantaine de produits chimiques de base, qui sont directement concurrencés par les produits américains fabriqués à partir d’une énergie à bas coût aux États-Unis. Nous ne voulons pas maintenir à tout prix leurs droits de douane ; nous souhaitons seulement une période transitoire de sept ans, jusqu’à ce que ces droits tombent à zéro, le temps de trouver des parades pour maintenir en Europe notre tissu industriel et nos productions – polyéthylène, PVC, bref, tout ce qui est fabriqué à partir d’une matière première ou d’une énergie comme le gaz, notamment, qui représente un coût de revient très lourd – et d’organiser en Europe une Union de l’énergie et de diversifier nos sources d’approvisionnement en énergie : il y a le gaz russe, le gaz de l’Algérie, et l’Iran revient sur le marché. L’idée, pour nous, chimistes, est d’obtenir une énergie la moins chère possible et de diversifier nos sources d’approvisionnement. Si nous voulons maintenir nos usines et nos emplois en Europe, il faut que nous puissions exporter sereinement vers des marchés tiers sans être concurrencés par des produits américains qui bénéficient de coûts de production nettement plus faibles. C’est dire l’importance pour nous de convaincre la Commission européenne et les négociateurs, puis d’obtenir l’accord des Américains sur cette période transitoire qui pourrait être de sept ans.

En ce qui concerne la coopération réglementaire, il y a des passerelles très importantes dans différents domaines dans lesquels nous pouvons travailler avec les Américains, pour parvenir à une convergence réglementaire, notamment le classement et l’étiquetage des produits.

Dans de nombreux cas, lorsqu’on exporte des produits chimiques aux États-Unis, on est obligé de refaire un étiquetage particulier pour le marché américain. Or il existe une norme internationale, définie par les Nations Unies, le Globally Harmonized System of Classification and Labelling of Chemicals (GHS), qui permet d’avoir un fonds commun de données obligatoires qui doivent figurer sur les produits étiquetés. Il nous faut travailler avec les Américains pour harmoniser nos classements et l’étiquetage des produits chimiques. Cela peut être envisagé dans le cadre du TTIP.

Il y a un autre domaine dans lequel nous pourrions avancer conjointement avec les Américains. Il conviendrait, en effet, de hiérarchiser les produits qui posent problème et de réfléchir à la façon dont nous pourrions travailler en commun pour trouver des solutions soit en leur substituant d’autres produits, soit en les améliorant.

Il faudrait également harmoniser les fiches de données de sécurité entre les États-Unis et l’Europe. C’est un autre point sur lequel nous pourrions trouver des convergences, ceci étant lié à ce que j’évoquais à propos de l’étiquetage des produits chimiques.

Cela étant, il y a des points sur lesquels nous ne souhaitons pas négocier avec les Américains, à commencer par ce qui touche au règlement REACH.

Il y a trop de différences entre le système américain et le système européen en ce qui concerne l’évaluation des produits chimiques et tout ce qui est lié à la santé et à l’environnement.

Le règlement REACH, en Europe, repose sur le principe de précaution, fondé sur la responsabilité à 100 % des industriels. L’équivalent aux États-Unis, le Toxic Substances Control Act (TSCA), s’appuie sur un principe différent, celui de la sécurité, lequel repose, pour prouver la nocivité d’un produit, sur l’obligation de mener des études scientifiques et une certaine forme d’ingérence de l’État américain. Ces deux approches fondamentalement différentes interdisent toute convergence entre le règlement REACH européen et le TSCA américain, malgré ce que l’on peut lire parfois dans la presse.

Nous avons toujours dit qu’il ne fallait pas intégrer ce sujet dans les négociations, et nous l’avons indiqué aux négociateurs européens : c’est pour nous la première ligne rouge. Il ne peut être question de permettre à des entreprises américaines de bénéficier des avantages du règlement REACH sans en subir les inconvénients. Les industriels européens ont beaucoup investi pour se mettre en conformité avec cette réglementation ; il ne s’agit pas de la brader à des acteurs extérieurs. Les entreprises américaines devront toujours se conformer au règlement REACH lorsqu’elles importeront leurs produits en Europe. Le TTIP n’a pas vocation à se substituer aux réglementations en vigueur de chaque côté de l’Atlantique : nous devons maintenir nos réglementations, mais réfléchir aux domaines dans lesquels nous avons soit des doublons, soit des points de convergence, mais qui n’appellent pas de modifications de la réglementation.

L’énergie est un point très important, car c’est aussi, pour nous, une matière première : 50 % du gaz ou du pétrole que nous importons est utilisé en tant qu’énergie et 50 % en tant que matière première. Dans certains secteurs de la chimie, l’énergie matière première représente entre 30 et 80 % du coût de revient d’un produit. Selon que l’on fait bouger le curseur dans un sens ou dans l’autre, cela aura un impact positif ou négatif sur tout un pan de la chimie – la production d’engrais, par exemple.

Du point de vue de l’énergie, nous attendons beaucoup de l’Union européenne pour réagir vis-à-vis de ce qu’il se passe aux États-Unis, où le boom de la chimie américaine est lié au fait qu’ils ont accès à une énergie nettement moins chère. Nous sommes favorables à l’idée de pouvoir importer des États-Unis une énergie moins chère, notamment du gaz naturel liquéfié (GNL) – il n’y a pas que du gaz de schiste aux États-Unis… Ce qui nous importe, c’est de savoir comment diversifier nos sources d’approvisionnement et comment les ports maritimes français peuvent jouer un rôle dans le cadre de ces importations de GNL américain.

Quelques bateaux commencent à quitter les États-Unis depuis la levée progressive des restrictions à l’exportation dans le domaine de l’énergie, ce qui est positif pour nous si nous souhaitons maintenir nos usines sur notre territoire. Les ports maritimes français comme Dunkerque ou Fos ont également un rôle important à jouer en servant de porte d’entrée pour importer cette énergie à bas coût, sachant que leurs capacités sont loin d’être utilisées à 100 %.

Concernant le volet environnemental de l’énergie, il faudrait que nous puissions, dans le cadre du TTIP, amorcer un dialogue euro-américain sur l’extraction vertueuse de certaines énergies, et essayer de trouver en commun des solutions techniques pour éviter la fracturation hydraulique. Ce pourrait être une passerelle permettant aux Américains, qui s’interrogent eux aussi sur ce sujet, de travailler avec les Européens à trouver d’autres solutions.

D’autres domaines pourraient aussi être l’occasion de passerelles entre les Américains et nous, comme la recherche ou les tests de produits chimiques. Il faudrait réfléchir à la façon dont nous pourrions mettre en commun les informations émanant de nos centres de recherche, sans pour autant divulguer des secrets professionnels. L’idée est d’éviter de refaire les mêmes tests des deux côtés de l’Atlantique et de faire en sorte que les mêmes informations circulent de chaque côté. Une mise en commun permettrait d’éviter les doublons et de faire des économies pour tout le monde.

J’appelle également votre attention sur le volet douanier et les règles d’origine.

Le protocole « règles d’origine » a naturellement une très grande importance dans un accord bilatéral. La chimie européenne a travaillé conjointement avec la chimie américaine, autrement dit avec l’American Chemistry Council (ACC), pour élaborer des propositions communes en matière de règles d’origine.

Ces propositions sont basées sur le changement de position tarifaire des produits et la valeur ajoutée des produits. Nous avons réussi à rédiger, avec l’ACC, un document commun à la chimie américaine et à la chimie européenne, que nous avons adressé aux négociateurs européens et américains. Nous avons trouvé une convergence au niveau des industriels, que nous souhaiterions trouver également au niveau des négociateurs, afin de parvenir à des règles qui soient les plus simples et les plus pratiques possible pour les industriels de chaque côté de l’Atlantique.

Le volet investissement n’est pas celui sur lequel nous avons travaillé le plus. Cela étant, nous avons tout de même un avis sur les propositions présentées par la Commission européenne en octobre dernier.

D’abord, il faut un accord d’investissement dans le cadre du TTIP, comme c’est toujours le cas dans le cadre d’une négociation bilatérale. La France a déjà passé une centaine d’accords d’investissement avec divers partenaires. Un tel accord doit évidemment être juste et équilibré, et prendre en compte l’investissement au sens large.

Sur le sujet qui posait problème, à savoir l’instrument de défense qui pourrait être mis en place en en cas de litige entre les investisseurs et l’État, nous sommes favorables à la proposition de la Commission européenne de créer une instance internationale. Je crois qu’il s’agit d’une proposition initiale franco-allemande, reprise par la Commission européenne. Nous sommes d’accord sur le principe de nommer quinze juges, qui seraient, en première instance, totalement indépendants. Il faudra, bien sûr, regarder de qui il s’agit, mais nous devons avoir la garantie que cette instance fonctionne bien.

Le fait d’avoir la possibilité de faire appel dans le cadre de cette instance nous va tout à fait. En outre, l’ajout d’une disposition particulière sur les PME, sachant qu’elles représentent 95 % de nos membres, va dans le sens de ce que nous voulions, c’est-à-dire que les PME puissent aussi avoir la possibilité de faire un recours en cas de problème.

Pour ce qui est des modalités, la mise en place d’une instance internationale de ce type prendra du temps. Cela rejoint l’idée que nous avons, à savoir qu’il ne faut pas aller trop vite dans ces négociations sur le TTIP. Nous ne sommes pas favorables, en tant que secteur industriel, à la signature d’un accord avant la fin de l’année, pour des raisons purement politiques, liées notamment aux élections aux États-Unis. Nous estimons qu’il faut prendre le temps nécessaire pour débattre de tous les sujets et parvenir à un accord global. L’idée de conclure un accord politique immédiat et de créer ensuite des instances, notamment pour la coopération réglementaire, qui seraient en dehors de l’accord et chargées d’aller plus loin dans les dispositions, n’est pas pour nous l’idéal. Nous préférons un accord complet, juste, équilibré, dès le départ, et qui soit l’occasion de trouver des points de convergence avec les Américains avant signature. Et si cela doit prendre plusieurs années, il faut prendre le temps qu’il faut, sans être bousculés par des échéances politiques.

M. Kléber Mesquida. Si cet accord commercial était adopté, l’Europe serait particulièrement exposée. Nous avons pris des dispositions interdisant 1 300 substances chimiques, alors que les États-Unis en ont interdit seulement 11. L’exposition au risque, ce sont les produits cancérogènes, les perturbateurs endocriniens ou encore les substances dangereuses pour l’environnement.

Nous avons instauré le principe de précaution. Mais sera-t-il maintenu ? Les États-Unis n’ont pas à prouver la non-dangerosité d’un produit, alors qu’en Europe, nous devons en fournir la preuve au titre du principe de précaution.

Si ce partenariat de libre-échange aboutissait, cette grande zone représenterait à peu près 50 % du PIB mondial. La croissance économique devra-t-elle se faire au détriment des populations et de la santé ? Croyez-vous que l’harmonisation américaine s’adaptera à l’harmonisation européenne pour interdire les produits dangereux ?

M. Philippe Armand Martin. Monsieur Perrochon, j’avais l’intention de vous poser une question sur la convergence réglementaire, mais vous y avez répondu dans votre intervention.

Vous nous avez indiqué être favorable, dans l’ensemble, à un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis concernant l’industrie chimique.

Selon les données de 2014, la France a enregistré un déficit commercial avec les États-Unis, concernant les produits chimiques, de l’ordre de 1,2 milliard, alors que, dans le même temps, l’Union européenne enregistrait un excédent de 6,4 milliards.

Une étude d’impact économique a-t-elle été effectuée pour mesurer les conséquences de la mise en œuvre de l’accord de libre-échange pour l’industrie chimique sur la balance commerciale française et celle de l’Union européenne ?

Mme Michèle Bonneton. Le TTIP est un point très important pour les années à venir. Pour cette raison, je suis allée consulter les documents mis à disposition au Secrétariat général des affaires européennes. Je dois dire que je suis restée un peu sur ma faim, car les informations communiquées sont assez légères.

L’harmonisation des réglementations entre REACH et TSCA pose problème, ce qui inquiète beaucoup les consommateurs et ceux qui se préoccupent de la qualité de l’environnement. Selon une étude allemande, plus de 1 300 additifs cosmétiques chimiques et plus de 80 pesticides interdits dans l’Union européenne peuvent être utilisés dans la fabrication de produits « made in USA ». D’autre part, l’administration Obama a soumis plusieurs requêtes écrites à la Commission européenne lui demandant de ne pas adopter de mesures contre les substances chimiques risquées. Tout cela n’est pas vraiment rassurant.

En effet, il paraît difficile de trouver des convergences dans ce domaine. Et même si l’on trouvait des critères de convergence, il pourrait y avoir un risque, avec des substances telles que le SDS (dodécylsulfate de sodium) de voir les entreprises américaines réclamer des compensations. Comment des produits venant des États-Unis pourraient-ils respecter la directive REACH, comme vous semblez le penser ? J’ai lu, dans les documents que je citais au début de mon propos, que les États-Unis, dans tous ces domaines, adoptaient pour l’instant une « waiting position »…

À propos de l’Investor-State Dispute Settlement (ISDS), les propositions de la Commission européenne, qui reprennent, pour la plupart, les propositions françaises, sont très intéressantes, mais je n’ai pas vu non plus de réponse des États-Unis sur ce sujet, d’où mon inquiétude.

Qu’en est-il également des investissements dans le secteur de la recherche et développement, que vous prévoyez dans le cadre du TTIP s’il était mis en place ? Envisagez-vous de lancer des recherches pour trouver de nouvelles molécules, ce qui permettrait d’abandonner les produits chimiques les plus toxiques, les moins bien tolérés par les consommateurs français et américains, qui y deviennent de plus en plus sensibles ?

M. Franck Reynier. Monsieur Perrochon, vous avez insisté sur le coût de l’énergie, qui doit rester bas. Elle est, pour vous, une matière première, mais aussi un outil important pour maintenir en Europe notre industrie et nos usines. Pour préserver leur compétitivité, nous devons rester vigilants sur ce sujet.

Je me réjouis de voir que vous vous placez résolument à l’échelle européenne, la seule pertinente pour des négociations de ce type – et cela vaut pour bien d’autres domaines. Nous sommes, au groupe Union des démocrates et indépendants, des Européens convaincus. Nous souhaitons que la France mette plus de détermination dans son engagement politique au sein des dispositifs européens.

Cela veut dire aussi qu’il faut être vigilant et ne pas surajouter de la réglementation nationale. Si l’échelon européen est réaffirmé et si nous voulons être compétitifs dans ces échanges, il ne faut pas se livrer à une surenchère législative qui pourrait imposer des contraintes supplémentaires à nos industriels.

Ma deuxième remarque concerne le secteur de la recherche et développement. Plusieurs pistes importantes méritent un soutien réaffirmé. Le Parlement a son rôle à jouer, par exemple, dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais, pour l’heure, je n’ai pas le sentiment que nos partenaires américains soient très engagés sur ces volets. Il faut en faire un outil de compétitivité pour l’industrie européenne. J’estime qu’il est important de le réaffirmer dans le cadre de ces négociations.

Ma première question concerne la stratégie industrielle face aux grands rapprochements qui ont lieu dans votre secteur. Les Américains Dow Chemical et DuPont se regroupent, Syngenta est racheté par le groupe chinois ChemChina. Quelle est la position de l’industrie chimique européenne par rapport à ces grands regroupements ?

Cela amène, du reste, d’autres sujets d’inquiétude : par exemple, l’accord TTIP ne doit pas devenir un moyen de faire entrer chez nous des produits de pays tiers par des voies détournées, au motif que la réglementation américaine a autorisé leur entrée sur son territoire.

Cela me permet de rappeler qu’il y a, au sein de notre famille politique, une volonté très forte de mettre en place, au niveau européen, une TVA sociale, qui a l’avantage de taxer non pas l’outil de production, qui est délocalisable, mais la consommation. Les échanges liés au TTIP et la réaffirmation de la position européenne doivent, pour nous, être l’occasion de réintégrer cette vision.

M. André Chassaigne. Je ne suis pas le seul, dans cette commission, à être vent debout contre cette perspective de libre traversée de l’Atlantique par les marchandises, quelles qu’elles soient.

J’avoue, monsieur Perrochon, que je n’ai pas été convaincu par vos propos sur les gains économiques. Je ne sais pas si votre position est idéologique – ce qui n’est pas notre cas, bien sûr ! –, mais je n’ai pas saisi quels pourraient en être les bénéfices potentiels pour la chimie française.

Je ne comprends pas bien les motivations de votre « Oui, mais… ». Le seul fait que vous parliez d’une période transitoire signifie bien qu’il y aura véritablement un problème. Cet accord exigerait une adaptation très profonde de nos industries chimiques. Or on sait fort bien qu’une telle opération, qui serait motivée par la recherche d’une meilleure compétitivité pour entrer dans le grand cirque de la compétition mondiale, aboutirait, de fait, à la fermeture, notamment sur les territoires les plus fragilisés, de petites entreprises qui, aujourd’hui, peuvent encore exporter, ou du moins ne sont pas encore concurrencées par des importations : tout porte à croire qu’elles seraient rapidement laminées.

Cela m’amène à poser ma deuxième question : y a-t-il eu des études d’impact ?

Je prends l’exemple d’un bassin d’emploi, que je représente à l’Assemblée nationale, celui d’Ambert, dans le Puy-de-Dôme, dont la spécificité – on dit même qu’elle en est la capitale – est la production de tresse industrielle, destinée notamment à l’isolation et aux hautes températures, fabriquée dans six ou sept PME qui, demain, je le crains, pourraient être menacées par ce traité transatlantique. À moins que des études d’impact ne me prouvent que le risque n’est pas réel, mais seulement fantasmé.

Enfin, il faut être très conscient du savoir-faire américain, notamment en matière de dumping. On constate assez souvent un décalage extrêmement important, dû à des aides indirectes, entre le prix affiché aux États-Unis et le prix du produit à l’exportation, et ce, dans de multiples domaines. N’y a-t-il pas un risque réel par rapport à cette pratique ?

En ce qui concerne la réglementation européenne, notamment REACH, on sait que les États-Unis sont de grands spécialistes des procédures judiciaires où ils excellent à faire valoir la libre concurrence, à ne pas faire prendre en compte les questions environnementales et parvenir à un renversement de la preuve, dans une démarche radicalement différente de la nôtre. Nous risquons de nous retrouver, demain, devant des tribunaux d’arbitrage, avec des conséquences qui pourront être négatives pour notre pays et son industrie chimique en particulier.

M. Frédéric Roig. Le traité de libre-échange transatlantique soulève beaucoup de questions au niveau des filières économiques, mais aussi chez nos concitoyens. Les positions de M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, ont permis quelques avancées sur le plan de la lisibilité.

Vous avez évoqué, dans votre présentation, la question de l’interdiction de certaines substances. L’adaptation des normes entre les différents États n’est pas une affaire simple et elle peut avoir des conséquences importantes.

La semaine dernière, nous avons adopté l’interdiction des néonicotinoïdes, substances dangereuses pour les abeilles et pour les populations.

Vous avez abordé rapidement la question du gaz de schiste, auquel je suis pour ma part opposé, et votre « Oui, mais… » n’est pas très rassurant. Nous comprenons que certains éléments permettront des avancées, tandis que d’autres pourront être des freins pour la filière que vous représentez.

Ma question porte sur la continuité de la recherche et développement. Au fond, il s’agit de savoir comment adapter ces produits par rapport aux enjeux climatiques, économiques et de santé publique. Nous devrons nous montrer très vigilants sur les moyens mis en œuvre dans le cadre des discussions sur la recherche-développement et essayer de trouver des produits et des substances de moins en moins nocifs.

M. Thierry Benoit. Monsieur Perrochon, je vous ai, moi aussi, écouté attentivement. Je ne vous cache pas qu’à ce stade de la négociation, j’ai de grandes craintes et de très grandes réserves sur ce traité transatlantique, alors que je suis d’obédience plutôt libérale.

Je crains que les négociations ne soient compartimentées, chacun œuvrant pour son secteur. Vous venez de vous exprimer de manière très brillante pour le vôtre. Mais les enjeux sont très différents selon le secteur d’activité, qu’il s’agisse des questions agricoles ou des services numériques, par exemple.

Nous avons du mal à construire l’Europe, à l’harmoniser et à la structurer, et nous avons affaire, avec nos amis et partenaires que sont les États-Unis, même si l’arrivée au pouvoir de M. Obama pouvait nous laisser croire que les choses allaient changer, à un pays très judiciarisé – notre collègue André Chassaigne vient de le rappeler. Tout comme lui, je crains une généralisation de l’arbitrage privé des litiges entre les États et les entreprises, qui se traduirait par une véritable perte de souveraineté pour les États.

Je me pose également des questions concernant le dumping monétaire américain, qui est en réalité un protectionnisme qui ne dit pas son nom.

Sur les aspects sanitaires, nous posons en Europe de vraies exigences, et je pense que nous avons raison. Mais je crois que les États-Unis s’opposent à toute remise en cause en matière de protection sanitaire, ce qui n’est pas sans nous interpeller.

S’agissant des questions agricoles, nous avons aussi des interrogations.

Même topo pour les services numériques : les États-Unis ne se posent pas de questions, on le voit bien avec Google, Amazon et Netflix…

On ne peut imaginer que les négociations soient conclues pour décembre : c’est beaucoup trop tôt. À ce stade, je suis plutôt favorable à leur suspension, parce que je pense que l’Europe, en l’état actuel des choses, n’est pas préparée ni armée pour ce type de discussion. J’ai également des craintes concernant la protection des données personnelles des citoyens, mais aussi des données des entreprises. On sait que les États-Unis sont très forts dans le domaine de l’espionnage et de l’investigation des données personnelles et des données des entreprises. J’aimerais avoir le sentiment des entreprises de l’industrie chimique sur ce point.

M. Éric Straumann. On parle beaucoup de la chimie américaine. Je suis élu d’un département très dépendant, en termes d’emplois, de la chimie suisse, à Bâle. J’aimerais savoir quelles sont nos relations avec les chimistes suisses, et plus généralement, si la Suisse fait partie de la négociation avec les États-Unis.

M. Pascal Perrochon. La mise en sommeil des négociations en attendant des jours meilleurs serait une erreur. Il s’est passé beaucoup de choses ces derniers temps, d’un point de vue géopolitique : les Américains viennent notamment de signer un accord avec la zone Pacifique, le Trans-Pacific Partnership (TPP). À laisser passer trop de temps pour voir comment cela se passe avec les négociateurs, les Européens risquent de perdre des parts de marché avec les États-Unis qui vont plutôt se tourner vers la zone Pacifique. Il ne faut donc pas geler les négociations. En revanche, il faut prendre le temps nécessaire pour que chaque chapitre soit suffisamment négocié et que l’on parvienne à un accord équilibré. Nous ne sommes pas non plus favorables à un accord précipité fin 2016. Il faut, je le répète, faire en sorte que les rounds se suivent régulièrement, et prendre le temps nécessaire pour pouvoir aborder tous les sujets, les uns après les autres.

La Suisse n’est pas directement impliquée dans les négociations, mais au sein du Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC), qui est notre représentant à Bruxelles, la Suisse est présente et participe à tous les débats que l’on peut avoir, au niveau de la chimie européenne, sur les négociations transatlantiques. Elle n’a pas à s’impliquer de manière prépondérante dans les négociations, mais les groupes chimiques suisses sont parfaitement au courant de la position du CEFIC et participent aux débats. Je rappelle que la Suisse a passé un accord commercial avec la Chine ; il est donc très important pour elle de savoir ce qu’il va se passer au niveau de l’Union européenne vis-à-vis des Américains.

En ce qui concerne la question de M. André Chassaigne sur le risque de dumping, il ne faut pas tout mélanger. Le dumping est effectivement une pratique déloyale, que nous condamnons. La chimie européenne, notamment française, est un des premiers secteurs à déposer des plaintes en matière de recours antidumping. Ce n’est pas parce que nous passons un accord commercial avec les États-Unis que nous allons accepter ce genre de pratiques. Nous allons en rester à des réglementations qui sont d’abord édictées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec une réglementation européenne en matière de défense commerciale, que nous souhaitons d’ailleurs voir renforcée. C’est un autre débat que celui du TTIP, mais nous souhaitons que l’Union européenne renforce sa défense commerciale, et davantage vis-à-vis de la Chine que des États-Unis.

Cela étant, les recours antidumping vis-à-vis des produits américains existent et cela ne changera pas. Dès lors que des entreprises américaines décident de vendre à l’exportation moins cher que sur leur marché domestique, c’est du dumping et cela doit être condamné. Le TTIP n’y changera rien. Ces pratiques seront toujours condamnables et condamnées, suite aux plaintes déposées par des industriels européens, et notamment français, vis-à-vis d’entreprises américaines.

J’en viens au volet réglementaire et au risque de se retrouver avec des produits américains potentiellement dangereux.

On a toujours l’impression que le marché américain est un marché où on fait tout et n’importe quoi en matière de chimie. Ce n’est pas vrai. Il y a des réglementations américaines, qui vont perdurer, comme les réglementations européennes. Les produits chimiques américains ou contenant des produits chimiques américains auront toujours à se conformer aux réglementations européennes. Ce n’est pas le TTIP qui va changer les choses. Le règlement REACH s’applique à tous, avant tout aux producteurs européens, mais aussi aux importateurs. Les entreprises américaines doivent déjà se conformer à la réglementation REACH et elles le font. Elles sont obligées de s’enregistrer et d’évaluer leurs produits chimiques selon les préceptes de la réglementation européenne, et cela ne changera pas. En tout cas, nous ne souhaitons pas que cela change. Nous avons la liberté, nous, Européens, de réguler comme nous le voulons à ce niveau-là, comme les Américains ont, de leur côté, la possibilité de réguler. Les produits que nous exportons vers les États-Unis doivent se conformer au TSCA américain, et cela continuera d’être le cas.

Il n’y aura pas d’abaissement des normes et des standards à ce niveau. Nous allons plutôt préserver l’existant. Nous devons avoir des garanties en la matière. C’est ce que nous demandons aux négociateurs européens : il ne faut pas négocier le règlement REACH.

En ce qui concerne les éventuels recours d’entreprises américaines vis-à-vis des réglementations européennes, ce qui a été proposé par la Commission européenne en termes d’instance internationale peut être une solution. Certes, cela prendra du temps à se mettre en place. On voit, au niveau international, comment cela se passe au niveau de l’OMC ; même si l’organe de règlement des différends fonctionne très bien, cela reste un dispositif assez lourd. Mais cela peut être une solution de sortie, pour apaiser les craintes, que je comprends parfaitement, de certains acteurs, de se voir intenter des procès par des acteurs américains. Nous aurons une instance qui sera reconnue par tous, avec des juges également reconnus, ce qui nous permettra d’avoir des recours qui seront acceptés par tous.

Je ne connais pas, pour l’instant, la position américaine. Je sais que la Commission européenne a fait cette proposition, qui reprend celle de M. Matthias Fekl. Reste à voir comment elle sera acceptée du côté américain. En tout cas, c’est une bonne base de discussion. Voilà pourquoi il ne faut pas geler les négociations.

En ce qui concerne l’impact économique, il y a eu, au niveau du Conseil européen de l’industrie chimique, une estimation de l’impact que peut avoir cet accord sur les exportations européennes de produits chimiques. L’augmentation des exportations a été estimée à environ 9 % par an pour l’industrie chimique européenne. Comme je vous l’ai dit, l’industrie chimique française est la deuxième en Europe, après l’Allemagne. Par conséquent, une part de ces exportations concernera les industriels français.

Par ailleurs, un certain nombre d’investissements se font de part et d’autre de l’Atlantique, qui sont déjà pour nous autant de gains potentiels. Les acteurs américains sont très présents et ont construit des usines en France. La société américaine Hexcel, par exemple, a investi à Roussillon pour créer une nouvelle usine, qui va employer 200 personnes. Les échanges se font déjà, et l’on peut s’attendre à voir les investissements de part et d’autre de l’Atlantique facilités, tout comme les exportations.

Une étude a été réalisée sur l’ensemble de l’économie française, dont il ressortait que le TTIP permettrait une hausse du PIB de 1,1 % à l’horizon 2027 pour l’Union européenne. Parmi les secteurs européens qui augmenteraient le plus leurs exportations, selon des études qui ont été faites par différents instituts et un rapport de Natixis, qui a été publié sur l’étude d’impact du TTIP, figurerait la chimie, qui ferait partie des trois ou quatre secteurs qui en bénéficieraient. On estime que le gain serait de l’ordre de 9 à 35 milliards d’euros pour la filière. La France en bénéficierait naturellement, même si elle n’est pas forcément l’État membre qui profiterait le plus de l’impact positif de ces accords : les exportations françaises de produits chimiques et pharmaceutiques pourraient augmenter, par l’effet du TTIP, de 2,32 milliards d’euros.

S’agissant des investissements, je rappelle que les États-Unis restent le premier investisseur en France, et que la chimie est un des secteurs privilégiés des investissements américains en Europe, en particulier en France. Nous ne partons pas de zéro. Les États-Unis sont un partenaire très important pour nous. Le TTIP devrait permettre de faciliter nos exportations, ainsi que les investissements, des deux côtés de l’Atlantique. Plusieurs entreprises de la chimie française ont déjà investi aux États-Unis et y ont créé des usines.

Mme Jeanine Dubié. Les substances utilisées dans le textile ne sont manifestement pas les mêmes au regard des normes réglementaires. Je pense en particulier aux textiles destinés aux enfants. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?

M. Pascal Perrochon. Mes collègues de l’Union des industries textiles seraient plus à même de vous répondre. Mais pour ce qui concerne les chimistes qui travaillent sur le textile, nous parlons de réglementation ; en l’occurrence, la réglementation américaine en vigueur ne bougera pas pour nos exportations, et la nôtre pas davantage pour les importations. Les textiles contenant des produits chimiques doivent se conformer, en arrivant en Europe, au règlement REACH, qui oblige à évaluer et à hiérarchiser le danger potentiel. Cela ne changera pas.

Le dispositif de contrôle effectué par des laboratoires pour vérifier qu’il n’y ait pas d’incident au niveau de certains textiles destinés aux enfants va perdurer. Des laboratoires français, comme le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), continueront de contrôler ces produits. Cela ne bougera pas.

L’idée selon laquelle on baisserait l’aspect normatif des standards et des obligations en matière de santé et d’environnement ne reflète pas la réalité. Nous avons la réglementation la plus stricte du monde, le règlement REACH. Sauf à penser que les Américains adoptent REACH, nous ne modifierons pas notre réglementation. Nous aimerions avoir un REACH mondial, nous aimerions que les industriels de la chimie du monde entier aient les mêmes obligations que les producteurs européens, et notamment français ; ce n’est pas le cas. Cela étant, nous nous conformons, à l’exportation, aux obligations du pays de destination et nous demandons aux importateurs de faire la même chose en Europe et de se conformer à la réglementation européenne et française : cela ne doit pas changer. C’est en tout cas le message que nous avons transmis au Gouvernement français et à M. Matthias Fekl, dans le cadre du Comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, ainsi qu’aux négociateurs européens.

Mme Michèle Bonneton. J’aimerais avoir des précisions sur les études d’impact. Par qui sont-elles faites ? Sur quelles hypothèses se fondent-elles ? Quels en sont les résultats ?

À ma connaissance, le ministère des affaires étrangères se penche sur la question, mais, à l’heure actuelle, je ne connais pas d’étude d’impact qui soit faite par des organismes véritablement indépendants, au moins au niveau français.

Par ailleurs, pouvez-vous nous donner quelques indications sur la recherche et développement, qui est un secteur important pour l’avenir ?

M. Pascal Perrochon. Concernant les gains potentiels, je vous ai donné un chiffre qui est celui du Conseil européen de l’industrie chimique. L’étude d’impact qui a été faite au niveau de la chimie européenne a indiqué que nos exportations augmenteraient de 9 % dès lors que l’accord serait en vigueur.

S’agissant des données que je vous ai indiquées au niveau du PIB et de l’impact sur l’économie française, je précise qu’il ne s’agit pas d’une commande de l’industrie chimique. Ces données ont été publiées par des instituts privés, et Natixis les a publiées dans un rapport. Je vous donne les informations qui sont disponibles.

Pour notre part, nous voyons le gain potentiel en termes d’économies sur des droits de douane que nous devons payer actuellement sur le marché américain : l’économie qui peut être faite en supprimant, par exemple, les tarifs, est de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an de chaque côté de l’Atlantique, pour la chimie européenne et la chimie américaine. Ce sont des données fiables, car nous savons combien nous payons de droits de douane actuellement lorsque nous exportons aux États-Unis et combien paient les Américains lorsqu’ils importent leurs produits : ils s’élèvent en moyenne à 3 %. Si nous pouvons gommer cette obligation de payer des droits de douane, qui s’annulent, ce seraient autant de gains immédiats en termes de compétitivité.

Pour ce qui est de la recherche et des tests, dès lors qu’on peut éviter les doublons, concernant les recherches menées de part et d’autre de l’Atlantique, ce sont autant d’économies pour nos industriels et autant d’argent injecté ailleurs, dans de nouveaux investissements, dans la création de nouvelles unités.

Le paysage de la chimie en Europe est clair : une grosse partie de la chimie de commodités a déjà été délocalisée en Asie ; il nous reste la chimie de spécialités. Nous devons mettre le paquet sur l’innovation et la recherche, pour créer de nouveaux produits, notamment dans une période où l’on doit trouver des produits de substitution, développer la chimie du végétal, la chimie du recyclage, autant de domaines dans lesquels nous devons avancer pour être moins dépendants du pétrole.

Ce sont des domaines dans lesquels l’Europe, et la France en particulier, ont un rôle à jouer. Si nous arrivons à économiser dans des secteurs où nous perdons de l’argent – doublons, droits de douane – et à réinjecter de l’argent dans la recherche et développement, c’est bon pour nous.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie, monsieur Perrochon, d’avoir répondu à toutes nos questions.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 23 mars 2016 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, Mme Pascale Got, Mme Anne Grommerch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Josette Pons, M. Thierry Robert, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Marie Tétart, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin

Assistait également à la réunion. - M. Paul Salen